Okuka c. EK Design | 2022 QCCQ 1526 | ||
COUR DU QUÉBEC | |||
« Division des petites créances » | |||
CANADA | |||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||
DISTRICT DE | MONTRÉAL | ||
« Chambre civile » | |||
N° : | 500-32-711032-195 | ||
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Date : | 5 avril 2022 | ||
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE DANIEL DORTÉLUS | |||
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VANJA OKUKA | |||
Demanderesse | |||
c. | |||
E.K. DESIGN | |||
Défenderesse | |||
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JUGEMENT | |||
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LE LITIGE
[1] La demanderesse Mme Okuka poursuit la défenderesse E.K. Design, « E.K. » pour la somme de 5 518 $ représentant le montant qu’elle a payé pour l’achat d’un lit mural fabriqué par E.K.
[2] Le lit en question lui a été vendu par la boutique Rêve En Confort inc. Le vendeur ayant cessé ses opérations et étant introuvable, Mme Okuka tient E.K. responsable à titre de fabriquant du lit qui s’est brisé après un an d’usage.
[3] E.K. soulève comme moyen de contestation que le bris est causé par la mauvaise utilisation et non pas par un défaut de fabrication. Elle plaide qu’elle a offert de réparer le lit vu que le marchand a fermé ses portes.
[4] La demande est accueillie partiellement pour les motifs qui suivent.
LES FAITS
[5] En juillet 2018, Mme Okuka achète un lit mural avec les armoires et le matelas au magasin Rêve En Confort inc., situé sur la rue St-Denis à Montréal.
[6] Madame Okuka relate que le 20 juillet 2019, pendant qu’elle dormait, elle a entendu un bruit et ressenti un mouvement. Elle constate alors qu’un côté du lit s’est détaché de sa structure.
[7] Elle a tenté sans succès de rejoindre la boutique qu’elle croyait fermée pour les vacances.
[8] Quand elle s’est rendue compte que le marchand a cessé ses opérations et fermé ses portes, Mme Okuka a décidé après avoir fait des recherches de s’adresser directement à E.K, le fabriquant du lit en question.
[9] Le 12 septembre 2019, elle transmet à E.K. une mise en demeure dans laquelle elle indique :
[…]
Le 23 Juillet 2018 vous avez fait l’installation de lit mural dans mon appartement. Le lit a été fabriqué dans votre usine Ek Design Meubles. J’ai acheté le lit, les armoires et le matelas chez votre partenaire dans le magasin « Le rêve en confort » au prix de $5 500.00
Le 20 juillet 2019 le lit a tombé en causant les dommages irréparables dans la structure de lit et les armoires auquel il a été attaché.
La présente est pour vous informer que je vous réclame la somme de 3 500.00 $ pour les raisons suivantes :
Le lit et les armoires auxquelles le lit a été attaché ne sont plus utilisables. Vous avez mis en danger ma vie et la vie de ma famille par la mauvaise installation et la piètre qualité de votre produit.
Je vous mets donc en demeure de me répondre dans un délai de 10 jours ouvrables.
Dans le cas contraire, des procédures judiciaires pourront être intentées contre vous sans autre avis ni délai. Je vous informe que j'examinerai toute proposition de recourir à la médiation ou à la négociation avant de m'adresser au tribunal.
[…]
Elle a par la suite transmis à E.K., les documents demandés avec les photos.
[10] Il était convenu qu’un installateur passerait chez elle au mois d’octobre, mais il ne s’est pas présenté.
[11] Elle a par la suite refusé l’offre d’E.K., de réparer la structure du lit et a introduit ce recours en décembre 2019.
[12] Madame Attalah représente E.K. à l’audience. Elle remet en question la version de Mme Okuka sur les circonstances ayant causé le bris qui, selon elle, serait invraisemblable.
[13] Elle a fait entendre comme témoin M. Rony Dib qui installe depuis 20 ans les lits escamotables fabriqués par E.K.
[14] Monsieur Dib explique qu’il a installé des milliers de lits. À partir des photos qui ont été produites par Mme Okuka, il est d’opinion que le bris n’a pas été causé par une défectuosité du mécanisme du lit escamotable, ni par un problème d’installation.
[15] Monsieur Dib émet les hypothèses voulant que le lit aurait été ouvert sans que les pattes soient mises en place, ou quelqu’un a sauté sur le côté du lit. Il précise qu’une vingtaine de vis sont en place pour supporter les plaquettes des deux cotés à l’extrémité du lit.
[16] Madame Okuka nie ces manquements et affirme qu’elle a fait un bon usage du lit et elle est familière avec le processus pour s’assurer que les pattes supportent le lit escamotable lorsqu’elle l’ouvre.
[17] Elle fait remarquer que les photos de la plaquette qui s’est détachée ne montrent que seulement 5 vis.
ANALYSE ET MOTIFS
Questions en litige
[18] Les principales questions à trancher afin de disposer de ce litige sont les suivantes :
a) Les critères sont-ils rencontrés pour annuler la vente ?
b) Les critères sont-ils rencontrés pour condamner le fabricant à des dommages ?
[19] Madame Okuka recherche comme conclusion l’annulation de la vente et le remboursement du prix qu’elle a payé pour le lit escamotable et les accessoires.
[20] Comme première difficulté, le recours de Mme Okuka n’est pas intenté contre le commerçant qui lui a vendu les biens en question, mais son recours est dirigé contre le fabricant qui n’est pas partie au contrat de vente.
[21] Comme deuxième difficulté, la remise en état des parties n’est pas possible, car Mme Okuka s’est débarrassée du lit et des accessoires, qui ne sont plus en sa possession.
[22] Nous sommes devant une situation où l’annulation du contrat ne peut pas être accordée.
[23] Les obligations du fabricant trouvent assises à l’article 53 de la Loi sur la protection du consommateur, (« L.p.c. »)[1] qui stipule que le consommateur qui a contacté avec un commerçant a le droit d’exercer directement contre le commerçant ou le manufacturier un recours fondé sur un vice caché du bien qui fait l’objet du contrat.
[24] Il est utile de citer les articles 37 et 38 L.p.c. qui trouvent application dans cette cause :
37. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à l'usage auquel il est normalement destiné.
38. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d'utilisation du bien.
[25] L’acheteur bénéficie aussi d’une garantie légale prévue à l’article 1726 du Code civil du Québec, (« C.c.Q. »):
1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.
[…]
[26] L’acheteur dispose aussi d’un recours contre le fabriquant en application de l’article 1730 C.c.Q. qui énonce :
1730. Sont également tenus à la garantie du vendeur, le fabricant, toute personne qui fait la distribution du bien sous son nom ou comme étant son bien et tout fournisseur du bien, notamment le grossiste et l’importateur.
[27] Bénéficiant de cette garantie de durabilité, Mme Okuka bénéficie d’une présomption qui veut que le vendeur et le fabricant du lit escamotable doivent répondre d’un vice caché de ce lit.
[28] Afin de réussir dans son recours, Mme Okuka doit démontrer par une preuve prépondérante que le mauvais fonctionnement qui a causé le bris du lit survient de façon prématurée.
[29] Essentiellement, la preuve consiste dans le témoignage de Mme Okuka et des photos qu’elle a produites en preuve.
[30] La preuve d’E.K. repose essentiellement sur des hypothèses. E.K. n’a pas fait examiner l’état de la plaquette ni du panneau auquel elle était attachée.
[31] La suggestion d’E.K. voulant que la détérioration et le bris du lit résulte de la faute de Mme Okuka ne peut pas être retenue, car elle n’est pas supportée par la preuve qui révèle qu’elle était familière avec le système d’ouverture et de fermeture du lit escamotable qu’elle a utilisé durant un an.
[32] La trame factuelle ne permet pas d’établir l’existence d’une faute de la part de Mme Okuka, ni d’un défaut d’utilisation ou d’entretien du système de bascule du lit escamotable.
[33] En conséquence, la responsabilité d’E.K. doit être engagée envers Mme Okuka, en regard de la preuve de mauvais fonctionnement qui a causé le bris du lit, ce qui survient de façon prématurée.
[34] Il reste à déterminer quel est le montant à accorder à titre de dommages.
[35] Il est en preuve que Mme Okuka a utilisé le lit durant une période d’un an et que l’espérance de vie utile d’un tel lit serait d’environ dix ans. Le Tribunal estime raisonnable d’arbitrer à 3 000 $, le montant à accorder à Mme Okuka.
[36] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[37] ACCUEILLE partiellement la demande ;
[38] CONDAMNE la défenderesse E.K. Design à payer à la demanderesse Vanja Okuka la somme de 3 000 $, avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter du 23 décembre 2019.
[39] CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse les frais de justice de 190,00 $.
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| ________________________ DANIEL DORTÉLUS, J.C.Q. | |
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Date d’audience : | 28 mars 2022 | |
[1] Loi sur la protection du consommateur, RLRQ c. P-40.1 art. 53.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.