Décision

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St-Jean c. Bilodeau Canada Boutique

2019 QCCQ 4407

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

SAINT-MAURICE

LOCALITÉ DE

SHAWINIGAN

« Chambre civile »

N° :

410-32-700254-182

 

 

 

DATE :

8 juillet 2019

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

ALAIN TRUDEL, J.C.Q.

 

 

 

______________________________________________________________________

 

 

FRANÇOISE ST-JEAN

Demanderesse

c.

BILODEAU CANADA BOUTIQUE

Défenderesse

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Alléguant que les bottes de loup-marin acquises de la défenderesse s’usent prématurément, la demanderesse réclame 258,70 $ en dommages. 

 

[2]           La défenderesse conteste la réclamation. Elle plaide que la perte de fourrure aux bouts avant et aux contreforts des bottes découle d’une usure anormale qui n’est pas couverte par la garantie conventionnelle.

 


Mise en contexte

 

[3]           Le 14 juillet 2017, la demanderesse acquiert de la défenderesse une paire de bottes d’hiver de loup-marin de couleur noire, modèle Blizzard junior, pour sa petite fille alors âgée de 5 ans, au prix de 225 $ plus les taxes applicables.

 

[4]           L’enfant porte essentiellement les bottes pour aller à l’école au cours de la saison hivernale 2017-2018.

 

[5]           Or, au mois d’août 2018, lors d’une visite chez sa petite fille, la demanderesse constate à sa grande déception que les bouts avant des bottes et leurs contreforts sont dénudés de fourrure.

 

[6]           Elle communique immédiatement avec la défenderesse afin de dénoncer ce défaut dont l’apparition lui apparaît prématurée.

 

[7]           Malgré plusieurs discussions intervenues avec les représentants de la défenderesse et le fabricant, l’affaire ne se règle pas à la satisfaction de la demanderesse.

 

[8]           Le 15 juin 2018, la demanderesse met la défenderesse en demeure de la compenser pour sa perte. Elle demande le remboursement total du prix d’acquisition des bottes.

 

[9]           Le 23 juillet 2018, elle loge contre la défenderesse un recours devant la Cour du Québec, division des petites créances.

 

Analyse et décision

 

[10]        Les parties sont liées par un contrat de consommation au sens de l’article 2 de la Loi sur la protection du consommateur[1].

 

[11]        Cette loi prévoit qu’un bien vendu dans le cadre d’un contrat de consommation bénéficie d’une garantie de bon usage et de durabilité. Le bien est également couvert par la garantie légale contre les vices cachés prévue aux articles 1726 et suivants du Code civil du Québec.

 

[12]        Les articles 37 et 38 de la Loi sur la protection du consommateur énoncent :

 

« 37. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné.

38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien. »

 

[13]        En matière civile, il appartient à la partie qui désire prouver un fait d’en faire la démonstration par une preuve probante[2].

 

[14]        La preuve démontre qu’après cinq mois d’utilisation au cours de la saison hivernale 2017-2018, les bottes acquises de la défenderesse ont perdu la fourrure recouvrant les bouts avant et les contreforts. La demanderesse témoigne qu’il s’agit là d’une usure prématurée et qu’avoir su, elle n’aurait pas acquis les bottes à si haut prix.

 

[15]        La défenderesse est d’avis que la perte de la fourrure concorde avec une utilisation inadéquate et découle nécessairement d’un frottement soutenu et répété aux bouts avant et contreforts, notamment lorsque l’enfant joue ou se déplace à quatre pattes et que ce type de dommage est évidemment exclu de la garantie conventionnelle.

 

[16]        La demanderesse admet qu’elle ne peut témoigner personnellement de l’utilisation des bottes par sa petite fille âgée de cinq ans au cours de la saison hivernale. Elle suppose cependant que cette dernière prend soin de ses vêtements et de ses bottes et qu’elle évite de jouer à quatre pattes au sol ou de botter des objets avec les pieds. En ce sens, elle ne peut expliquer l’usure autrement que par un défaut de fabrication.

 

[17]        Après analyse, à la vue des bottes exhibées à l’audience et des photographies déposées en preuve, il apparaît clairement que l’usure découle d’un frottement excessif et répété aux bouts avant et contreforts, seuls endroits affectés par la perte de fourrure. 

 

[18]        Le Tribunal retient le témoignage du représentant de la défenderesse qui démontre que la botte de loup-marin est une botte de qualité qui n’est cependant pas fabriquée pour subir un tel usage.  

 

[19]        Le consommateur raisonnable doit s’attendre à ce que des vêtements et bottes d’hiver d’un jeune enfant soient particulièrement sollicités, notamment les mitaines, les coudes et genoux des habits de neige et les bouts avant et contreforts de bottes, en raison de la nature de leur utilisation (jeux et activités hivernales) propre à cet âge. D’aucuns conviendront alors que l’utilisation de vêtements appropriés pour ce type d’usage soit privilégiée.

 

[20]        Or, l’usage excessif et anormal des bottes n’est pas couvert par la garantie de durabilité ou de bon usage prévue à la Loi sur la protection du consommateur non plus que par la garantie conventionnelle du fabricant.

 

[21]        Le Tribunal ajoute enfin que la preuve démontre que les défauts allégués, de nature esthétique, n’affectent en rien le bon usage des bottes qui sont encore à ce jour utilisées par la petite fille de la demanderesse.

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

 

[22]        REJETTE la demande;

 

[23]        CONDAMNE la demanderesse à payer à la défenderesse la somme de 151 $ à titre de frais de justice.

 

 

 

__________________________________

ALAIN TRUDEL, J.C.Q.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

11 juin 2019

 



[1]     RLRQ, c. P-40.1.

[2]     Articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec.

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