Décision

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Trigui c. Automobiles Prestige DG inc.

2021 QCCQ 4133

 

COUR DU QUÉBEC

 

« Division des petites créances »

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

DISTRICT DE

TROIS-RIVIÈRES

 

LOCALITÉ DE

TROIS-RIVIERES

 

« Chambre civile »

 

N° : 400-32-701113-198

 

 

 

 

 

 

DATE :

21 mai 2021

 

______________________________________________________________________

 

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

PIERRE ALLEN, J.C.Q.

 

______________________________________________________________________

 

 

 

 

RANI TRIGUI

 

Demandeur

 

c.

 

AUTOMOBILES PRESTIGE DG INC.

 

Défenderesse

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

JUGEMENT

 

______________________________________________________________________

 

 

 

[1]          Le demandeur reproche à la défenderesse de lui avoir vendu une automobile  d’occasion affectée d’un vice caché pour lequel il demande l’annulation de la vente et le remboursement des paiements effectués à ce jour ainsi que des dommages et intérêts. À l’instruction, le demandeur présente une demande subsidiaire par laquelle, advenant que l’annulation du contrat ne puisse être accordée, il demande que la défenderesse soit condamnée à lui rembourser le coût des réparations effectuées, celles qui restent à effectuer de même que des dommages-intérêts.

[2]          La défenderesse conteste et nie que les problèmes mécaniques invoqués par le demandeur soient des vices cachés.

 

CONTEXTE

[3]          Le 25 janvier 2019, le demandeur achète de la défenderesse une Audi A5 2011 dont l’odomètre indique 136 000 km pour un prix de vente avant taxes de 11 495,00 $.

[4]          Le jour même, en revenant du garage de la défenderesse, le témoin lumineux de l’huile moteur apparaît sur le tableau de bord du véhicule. Le demandeur communique avec le représentant des ventes de la défenderesse qui l’informe qu’il s’agit d’une situation normale puisque le changement d’huile n’a pu être fait avant la vente.

[5]          La même situation survient quelques jours plus tard après que le demandeur ait fait faire un changement d’huile et survient à quelques occasions au cours des semaines suivantes.

[6]          Une inspection de l’automobile faite par le garage Audi révèle que la surconsommation d’huile est causée par un problème au moteur qui nécessite des réparations, soit le changement des pistons et des arbres, dont les coûts sont estimés à 6 936,45 $.

[7]          Le 31 mai 2019, le demandeur transmet une mise en demeure à la défenderesse qui n’y donne aucune suite.

[8]          Au jour de l’instruction, le demandeur mentionne être toujours en possession du véhicule, mais ne pas avoir fait les réparations recommandées par le garage Audi. Il explique faire une utilisation réduite de l’automobile puisqu’il doit ajouter de l’huile à chaque 300 km parcourus.

ANALYSE

[9]          Le contrat par lequel le demandeur a acheté une automobile d’occasion de la défenderesse est régi par la Loi sur la protection du consommateur (LPC) puisque le demandeur est un consommateur et la défenderesse une commerçante.

[10]       Les articles 37 et 38 LPC imposent au commerçant des garanties légales d’usage normal et de durabilité du bien vendu :

37. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à l'usage auquel il est normalement destiné.

 

38. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d'utilisation du bien.

 

 

 

[11]       Ces garanties légales, qui sont en fait des applications particulières de la garantie légale contre les vices cachés prévues au Code civil du Québec[1], sont d’ordre public de telle sorte que le commerçant ne peut pas, même par convention intervenue avec le consommateur, se dégager des obligations que lui impose la L.P.C.

[12]        Ces garanties d’usage normal et de durabilité des articles 37 et 38 LPC s’appliquent malgré qu’une garantie conventionnelle accordée par le vendeur ou le fabricant soit expirée ou encore malgré que la garantie légale de bon fonctionnement d’une automobile d’occasion prévue à l’article 155 LPC ne s’applique pas en raison de l’âge de l’automobile et du kilométrage parcouru[2].

[13]        Le défaut d’usage ou de durabilité d’un bien vendu par un commerçant est présumé connu du vendeur s'il y a mauvais fonctionnement du bien ou détérioration prématurée par rapport à des biens identiques[3].

[14]        Les tribunaux reconnaissent que, selon les circonstances, la surconsommation d’huile d’une automobile peut constituer un vice et contrevenir à l’obligation légale du commerçant de garantir l’usage normal et la durabilité du véhicule vendu[4].

[15]        Le consommateur moyen, bénéficiaire de cette garantie légale ne s’attend pas à avoir un problème de surconsommation d’huile à moteur seulement quelques jours ou semaines après l’achat d’une automobile d’occasion de huit ans et dont l’odomètre indique 136 000 km. L’acheteur d’un tel véhicule s’attend encore moins à devoir rajouter de l’huile à moteur en moyenne à tous les 300 km[5].

[16]        Les prétentions du principal dirigeant de la défenderesse à l’effet que ce type de véhicule est reconnu pour avoir une consommation du moteur supérieure à la moyenne ne sont d’aucune façon supportées par la preuve présentée et ne peuvent servir à exonérer la défenderesse. Au surplus, si tel était le cas, il avait l’obligation d’en informer le demandeur.

[17]        La preuve prépondérante amène le Tribunal à conclure que la défenderesse a contrevenu à ses obligations de garantie légale de durabilité et d’usage normal.

[18]        Lorsque le commerçant manque à son obligation, le consommateur qui a acheté le bien peut exercer les recours prévus[6] contre le commerçant qui lui a vendu le bien et contre le fabricant du bien[7].

[19]        À sa demande déposée au dossier de la Cour, le demandeur demande la résolution du contrat de vente et le remboursement des paiements effectués auprès de la Banque Scotia avec qui il a conclu un contrat de vente à tempérament, mais qui n’est pas une partie dans le présent dossier.

[20]        La résolution du contrat entraîne la remise en état des parties, soit la remise du bien acheté au vendeur et le remboursement du prix payé à l’acheteur. Lorsqu’une telle remise en état n’est pas possible en raison par exemple de l’utilisation du bien par l’acheteur, le Tribunal peut refuser d’accorder l’annulation du contrat, mais toutefois accorder à l’acheteur un montant pour réduction du prix de vente ainsi que, le cas échéant, des dommages-intérêts. C’est le cas dans la présente affaire.

[21]        Selon la preuve non contredite, la surconsommation d’huile est causée par un problème au moteur qui nécessite des réparations, soit le changement des pistons et des arbres, dont les coûts sont estimés à 6 936,45 $[8].

[22]        Le demandeur est donc en droit de réclamer de la défenderesse comme réduction du prix de vente la somme de 7 543,03 $ se détaillant comme suit :

                              i.        Coûts de réparation du moteur :                                     6 936,45 $

                             ii.        Coûts des inspections pour identifier la cause :                           606,58 $

(Facture P-8 : 399,68 $ et Facture P-10 : 206,90 $)               

                                                                                                        7 543,03 $

[23]        Quant aux autres réparations ou coûts d’entretien de l’automobile réclamés par le demandeur, la preuve ne permet pas de conclure qu’elles sont dues à autre chose qu’à de l’usure normale.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

 

[24]        ACCUEILLE en partie la demande;

[25]        CONDAMNE la défenderesse à payer au demandeur la somme de 7 543,03 $ avec intérêts et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter du 31 mai 2019, date de la mise en demeure;

[26]        CONDAMNE la défenderesse à payer au demandeur les frais de justice de 190 $ correspondant aux droits de greffe exigibles pour le dépôt de la demande.

 

__________________________________PIERRE ALLEN, J.C.Q.

Date d’audience :

6 avril 2021

 



[1]    Martin c. Pierre St-Cyr Auto caravanes ltée, 2010 QCCA 420 (CanLII).

[2]    Article 160 LPC.

[3]    Article 53 L.P.C.

[4]    Lamarre c. Sherbrooke Automobile inc., 2015 QCCQ 8586 (CanLII); Chevalier c. 9207-6017 Québec inc. (Auto Focus International), 2019 QCCQ 3044 (CanLII).

[5]    Chevalier c. 9207-6017 Québec inc. (Auto Focus International), 2019 QCCQ 3044 (CanLII).

[6]    Article 272 L.P.C.

[7]    Article 54 L.P.C.

[8]    Pièce P-11.

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