Décision

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Procureur général du Québec c. Ville de Drummondville

2024 QCCA 5

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

 :

500-09-030141-220

(405-17-002937-212)

 

DATE :

LE 9 JANVIER 2024

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

STÉPHANE SANSFAÇON, J.C.A.

CHRISTINE BAUDOUIN, J.C.A.

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC

APPELANT – défendeur

c.

 

VILLE DE DRUMMONDVILLE

INTIMÉE – demanderesse

et

WM QUÉBEC INC.

MISE EN CAUSE – mise en cause

 

 

 

ARRÊT

 

 

[1]                L’appelant se pourvoit contre un jugement rendu le 14 juin 2022 par la Cour supérieure, district de Drummond (l’honorable Katheryne A. Desfossés), qui accueille en partie le pourvoi en contrôle judiciaire de la Ville de Drummondville contre le Procureur général du Québec représentant le gouvernement du Québec, le ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs et la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, annule le Décret 1235-2021 du gouvernement du Québec, suspend l’effet du jugement pour une durée de 120 jours et réserve au gouvernement le droit de demander une prolongation de ce délai.

[2]                Pour les motifs du juge Sansfaçon, auxquels souscrivent les juges Mainville et Baudouin, LA COUR :

[3]                ACCUEILLE l’appel;

[4]                INFIRME le jugement de première instance rendu le 14 juin 2022 dans le dossier 405-17-002937-212, et procédant à rendre le jugement qui aurait dû être rendu;

[5]                REMPLACE le dispositif de ce jugement par le suivant :

[270]     REJETTE le pourvoi en contrôle judiciaire, avec les frais de justice;

[6]                LE TOUT, avec les frais de justice.

 

 

 

 

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

 

 

 

 

 

STÉPHANE SANSFAÇON, J.C.A.

 

 

 

 

 

CHRISTINE BAUDOUIN, J.C.A.

 

Me Stéphanie Garon

BERNARD, ROY (JUSTICE-QUÉBEC)

Pour l’appelant

 

Me Caroline Charron

Me Louis Béland

DHC AVOCATS

Pour l’intimée

 

Me Nicolas Cloutier

Me Robert Celac

MCCARTHY TÉTRAULT

Pour la mise en cause

 

Date d’audience :

14 juin 2023


 

 

MOTIFS DU JUGE SANSFAÇON

 

 

[7]                L’appelant se pourvoit contre un jugement rendu le 14 juin 2022 par la Cour supérieure, district de Drummond (l’honorable Katheryne A. Desfossés), qui accueille en partie le pourvoi en contrôle judiciaire de la Ville de Drummondville (« la Ville ») contre le Procureur général du Québec représentant le gouvernement du Québec, le ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs et la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation (le « PGQ »), annule le Décret 1235-2021 du gouvernement du Québec, suspend l’effet du jugement pour une durée de 120 jours et réserve au gouvernement le droit de demander une prolongation de ce délai[1].

[8]                Pour les motifs qui suivent, je propose que l’appel soit accueilli.

1.                 Le contexte

[9]                Le cret 1235-2021 annulé par le jugement entrepris autorise la création d’une zone d’intervention spéciale afin d’y permettre l’aménagement et la poursuite de l’exploitation d’un lieu d’enfouissement technique sur certains lots situés sur le territoire de la Ville, dont la mise en cause WM Québec inc. (« WM ») est la propriétaire. Le décret énonce les objectifs poursuivis :

1° préserver la salubrité publique des conséquences de la fermeture du lieu d'enfouissement technique de Saint-Nicéphore;

2° éviter un grave problème de gestion et d'élimination des matières résiduelles au Québec;

[10]           Ce décret crée donc une zone d’intervention spéciale, c’est-à-dire qu’il définit un périmètre à l’intérieur duquel les normes d’aménagement et d’urbanisme suivantes s’appliquent nonobstant toute réglementation municipale locale ou régionale :

1° l'exploitation d'un lieu d'enfouissement technique est permise;

2° toute intervention nécessaire ou accessoire à l'aménagement ou à l'exploitation d'un lieu d'enfouissement technique est permise;

3° aux fins du paragraphe 2°, une intervention comprend notamment toute activité, construction, transformation, addition, démolition ou implantation ou toute affectation nouvelle du sol;

4° les normes d'urbanisme contenues dans tout acte d'une municipalité locale ou d'une municipalité régionale de comté, y compris toute mesure de contrôle intérimaire, demeurent applicables dans la mesure où elles sont compatibles avec la réglementation prévue par le présent décret, ce qui exclut notamment toute norme municipale qui aurait pour effet:

  a) d'empêcher une intervention visée au paragraphe 2°;

  b) d'assujettir une telle intervention à une autorisation municipale;

5° toute intervention visée au paragraphe 2° est assujettie à l'autorisation du ministre de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques;

6° le ministre délivre une autorisation s'il est d'avis que l'intervention projetée est conforme à la réglementation d'aménagement et d'urbanisme applicable;

7° le ministre peut consulter la Ville de Drummondville et la Municipalité régionale de comté de Drummond avant de délivrer une autorisation en vertu du paragraphe .

[11]           Afin de comprendre ce qui a mené à l’adoption de ce décret, il importe d’abord de relater, dans ses grandes lignes, l’historique dun litige connexe qui oppose la Ville à WM duquel a résulté un jugement rendu le 26 février 2021 par la Cour supérieure, district de Drummond (l’honorable Christian Immer), lequel a rejeté deux demandes de pourvoi en contrôle judiciaire de WM à l’encontre de la Ville et de la Municipalité régionale de comté de Drummond[2] (la « MRC »). À la demande des parties, les deux pourvois ont fait l’objet d’une audience conjointe par une même formation de la Cour vu la connexité des dossiers, notamment au regard du contexte dans lequel les litiges ont pris naissance et des éléments de preuve qui doivent être pris en considération afin de trancher les pourvois[3]. L’arrêt portant sur ce second jugement est rendu ce jour et la Cour réfère le lecteur à l’exposé détaillé du contexte qui s’y trouve, seules les grandes lignes nécessaires à la compréhension des présents motifs étant ci-après présentées.

* * *

[12]           Depuis 1984, WM exploite un lieu d’enfouissement technique (« LET ») situé sur le territoire de la Ville depuis sa fusion avec la Ville de Saint-Nicéphore. Le LET est exploité d’abord sur sa phase 1, puis sur sa phase 2[4]. En mars 2010, WM entrevoit d’agrandir le LET au-delà de ces deux premières phases.

[13]           À cette fin, WM demande à la MRC de modifier son schéma d’aménagement en vue d’y prévoir l’implantation d’un complexe environnemental et énergétique sur ses terrains et de réviser son Plan de gestion des matières résiduelles PGMR ») afin d’y préciser l’enfouissement d’un plus grand nombre de tonnes de matières résiduelles provenant de l’extérieur du territoire de la MRC.

[14]           En mars 2012, la MRC et la Ville se déclarent toutes deux favorables au projet d’agrandissement de WM et à la révision du PGMR et de la réglementation locale. Elles concluent en ce sens avec WM une entente tripartite afin d’établir les exigences et les garanties devant être imposées pour le développement d’un complexe environnemental et énergétique à Drummondville.

[15]           La MRC adopte en décembre 2012 le Règlement MRC-720 qui modifie son schéma d’aménagement afin de prévoir l’implantation d’un complexe environnemental et énergétique sur le site de WM[5].

[16]           De son côté, la Ville tient, le 6 mars 2013, deux référendums sur l’opportunité de permettre l’agrandissement du LET et l’augmentation de sa capacité. Il faut savoir qu’en 2004, l’article 45 du Décret 626-2004 [6] par lequel les villes de Saint-Nicéphore et de Drummondville avaient été fusionnées prévoyait que, pendant les 20 années qui suivraient, toute proposition d’agrandissement du site d’enfouissement nécessitant une modification à la réglementation d’urbanisme de la Ville ou la délivrance par celle-ci d’un permis, serait soumise à deux référendums; le premier auprès de la population de l’ancien territoire de Saint-Nicéphore et le second auprès de celle du territoire restant de la Ville de Drummondville. Sans l’obtention de l’approbation de ces deux groupes, la modification ne pourrait avoir lieu.

[17]           Les citoyens désapprouvent alors majoritairement la modification proposée.

[18]           De son côté, le gouvernement, après avoir considéré le rapport du Bureau d’audience publique sur l’environnement (« BAPE ») de septembre 2012 et malgré la désapprobation de la population de la Ville à l’agrandissement du LET, adopte en juin 2013 le Décret 551-2013 par lequel il autorise l’agrandissement du LET sur la phase 3A pour une durée maximale de sept ans[7].

[19]           Le 17 juillet 2013, la Ville délivre un certificat attestant de la conformité du projet d’agrandissement de la phase 3A à la réglementation municipale, ce qui permet au projet d’aller de l’avant. En février 2015, des citoyens de la Ville déposent une action en nullité de ce certificat de conformité. En juillet 2015, la Cour supérieure (le juge Kirkland Casgrain) rejette l’action en nullité, notamment en raison des longs délais encourus par les citoyens pour intenter leur recours[8]. La Cour d’appel rejette l’appel de ce jugement[9].

[20]           En mai 2014, suivant en cela l’obligation imposée à toutes les MRC par la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme  LAU ») de réviser à intervalle régulier leur schéma d’aménagement et de développement[10], la MRC adopte un second projet de schéma d’aménagement révisé (« PSAR 2 »)[11] (un premier projet de révision complète du schéma avait achoppé plusieurs années auparavant[12]).

[21]           Ce PSAR 2 reprend dans son Plan 4.1 la carte 2 du schéma dont l’aire couvre les terrains de WM et prévoit que la Ville devra autoriser à l'intérieur des limites de cet aire de gestion des matières résiduelles l’activité d’enfouissement sanitaire.

[22]           La Ville manifeste son désaccord à la MRC et lui demande de modifier ce Plan 4.1 afin que l’aire d’enfouissement soit réduite et limitée aux seuls terrains sur lesquels l’enfouissement a déjà été autorisé par le Décret 551-2013[13], soit les phases 1 à 3A. Une telle réduction de l’aire où l’enfouissement est permis aurait comme conséquence d’empêcher tout agrandissement futur susceptible d’être autorisé par le gouvernement, incluant la phase 3B.

[23]           WM s’oppose alors vivement à cette proposition de la Ville.

[24]           Le projet final du PSAR 2 est adopté par le conseil de la MRC en avril 2017 (ciaprès le « SAR »). Le 25 juillet suivant, il est reconnu conforme aux orientations gouvernementales en matière d’aménagement du territoire par le sous-ministre des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire[14].

[25]           Ce SAR attribue aux terrains de WM, identifiés sur la carte 11 dont les pourtours sont identiques à ceux du Plan 4.1 du PSAR 2, l’affectation « gestion des matières résiduelles » dont la « fonction dominante », terme défini comme signifiant « les usages ou activités qui doivent être priorisés à l’intérieur de l’ensemble de l’affectation », est « [l]es activités de traitement et de gestion des matières résiduelles ».

[26]           En octobre 2018, réalisant que le LET se remplit moins rapidement que prévu, WM demande une modification du Décret 551-2013 afin de prolonger de sept années la durée maximale d’exploitation autorisée. Elle ne demande pas d’autorisation pour agrandir le LET. Le gouvernement fait droit, mais en partie seulement, à sa demande et, par son Décret 791-2019, étend d’une année la durée maximale autorisée[15]. L’exploitation de la phase 3A autorisée en juin 2013 par le Décret 551-2013 peut donc se poursuivre jusqu’en septembre 2021.

[27]           En avril 2019, WM entame les démarches afin d’être autorisée à agrandir le LET sur les terrains de la phase 3B. Puisque le délai de deux ans suivant l’entrée en vigueur du SAR (le 25 juillet 2017) prévu dans la LAU[16] pour que la Ville rende ses règlements conformes aux exigences du SAR était alors sur le point d’expirer, WM enjoint la Ville d’agir et l’informe qu’à défaut de le faire, elle déposera une demande de pourvoi en contrôle judiciaire visant à la forcer à agir.

[28]           En juillet 2019, soit tout juste avant l’expiration de ce délai de deux ans, la Ville adopte des règlements de concordance de ses règlements d’urbanisme au SAR. L’un d’eux modifie les zones de son règlement de zonage nº 4300 afin de créer les zones R-9418 et R-9418-1 dont les aires additionnées correspondent précisément à l’Aire de gestion des matières résiduelles prescrite sur la carte 11 du SAR.

[29]           La zone R-9418 couvre environ 40 % des terrains de la carte 11 du SAR affectés à la « gestion des matières résiduelles ». L’aire délimitée par la zone R-9418 ne couvre que les terrains occupés par les phases 1 à 3A dont l’exploitation a déjà été autorisée par le Décret 551-2013. Le règlement de concordance autorise dans toute cette zone les activités du LET.

[30]           La zone R-9418-1 couvre tous les autres terrains de WM, soit environ 60 % des terrains de l’affectation « gestion des matières résiduelles » de la carte 11 du SAR. Elle couvre ainsi en outre les terrains de l’éventuelle phase 3B. Le règlement de concordance n’y permet toutefois que les classes d’usages A-1 Culture du sol et A-3 Foresterie et sylviculture. Toutes les activités de LET y sont donc prohibées.

[31]           WM met alors en demeure la MRC de ne pas approuver les règlements de concordance qui, selon elle, prohibent illégalement toutes les activités de traitement et de gestion des matières résiduelles dans la nouvelle zone R-9418-1. Cette prohibition mettrait en péril l’un des objectifs d’aménagement du SAR qui serait de permettre, sur toute l’aire identifiée sur la carte 11 du SAR, la fonction dominante de LET, objectif élevé au niveau de norme au chapitre 12 du Document complémentaire.

[32]           En septembre 2019, la MRC adopte plusieurs résolutions de désapprobation des règlements de concordance adoptés par la Ville et lui demande de les remplacer par d’autres qui seraient conformes aux objectifs du SAR. Elle ne lui demande toutefois pas de revoir la prohibition des activités de traitement et de gestion des matières résiduelles dans la nouvelle zone R-9418-1.

[33]           En octobre 2019, WM dépose une demande introductive d’instance en pourvoi en contrôle judiciaire de la nature d’un mandamus à l’encontre de la Ville (dossier 405-17-002687-197). Elle y soutient que la Loi sur la qualité de l’environnement  LQE ») contraignait la Ville à modifier ses règlements afin de les rendre conformes à son nouveau PGMR adopté entre-temps, ce qu’elle n’a pas fait. Elle demande donc qu’il lui soit ordonné de modifier ses règlements afin de permettre les usages relatifs à l’élimination des matières résiduelles pour sa phase 3B.

[34]           En février 2020, la Ville adopte de nouveaux règlements de concordance, mais ne modifie ni la zone R-9418-1 ni la prohibition qui s’y rattache.

[35]           En mars 2020, la MRC adopte des résolutions par lesquelles elle déclare que les règlements de concordance sont conformes aux objectifs du SAR et aux dispositions du Document complémentaire.

[36]           En avril 2020, WM dépose une deuxième demande introductive d’instance en pourvoi en contrôle judiciaire dans laquelle elle demande de déclarer que le règlement de zonage de la Ville prohibe toutes les activités de traitement et de gestion des matières résiduelles dans la nouvelle zone R-9418-1, ce qui serait contraire aux objectifs du SAR et aux dispositions de son Document complémentaire, et de déclarer que la MRC aurait dû pour cette raison refuser de déclarer les règlements de concordance conformes (dossier 405-17-002759-202).

[37]           L’audition des pourvois en contrôle judiciaire se tient les 21 et 22 septembre 2020 devant le juge Immer. Le 23 septembre 2020, le gouvernement, par le Décret 993-2020, donne suite à la demande de WM et autorise l’agrandissement du LET et l’enfouissement sur une première partie de la phase 3B (la phase 3B1). Dans un communiqué émis le 28 septembre suivant, le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (« MELCC ») déclare que la poursuite de l’exploitation du LET par WM représente la seule option à court et à moyen termes pour répondre aux besoins d’élimination des matières résiduelles des Québécois.

[38]           Le 26 février 2021, le juge Immer rejette les pourvois en contrôle judiciaire de WM. Le 17 mai suivant, la juge Hogue accueille la demande de bene esse pour permission d’appeler de ce jugement.

[39]           Ainsi, il résulte de ce litige qu’à la fin du printemps 2021, bien que le gouvernement ait délivré les autorisations requises permettant l’agrandissement du LET sur la phase 3B1, tout agrandissement sur toute phase additionnelle est devenu impossible.

[40]           Le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques et le ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, lesquels ont été, nommément ou par le biais du PGQ, mis en cause dans les deux pourvois, sont tenus informés de la teneur du litige qui oppose WM à la Ville et à la MRC, du jugement et de ses conséquences sur les possibilités d’agrandissement du LET.

[41]           C’est ainsi que le 7 juillet 2021, le gouvernement publie un projet de décret, le notifie à la Ville, puis tient une consultation publique le 24 août suivant. Le Décret 1235-2021 est publié le 22 septembre 2021, jour où il entre en vigueur. Ce décret, pris en vertu des articles 158 et s. LAU, autorise la création de la zone d’intervention spéciale (« ZIS ») sur tous les terrains de WM situés à l’intérieur de son périmètre d’application. Ce périmètre est supérieur à l’aire sur laquelle l’agrandissement du LET et l’enfouissement ont été autorisés par le Décret 993-2020[17] le 23 septembre 2020 (la Phase 3B1).

[42]           Le même jour, le gouvernement publie un deuxième décret, le Décret 1236-2021, un décret d’urgence pris en vertu de l’article 31.7.2 LQE. Ce décret mentionne que le LET de Drummondville reçoit en moyenne 330 000 tonnes métriques de matières résiduelles annuellement, que la poursuite de son exploitation autorisée par le Décret 9932020 du 23 septembre 2020 (la phase 3B1) nécessite la réalisation de travaux d’aménagement préalables qui ne pourront être complétés avant l’atteinte de la capacité maximale autorisée d’enfouissement, que cette capacité maximale autorisée du LET sera atteinte dans les prochaines semaines et qu’il n’est pas possible d’acheminer l’ensemble des matières résiduelles éliminées dans ce LET vers d’autres LET. Le décret autorise par conséquent, pour une période d’une année, l’agrandissement vertical de sa phase 3A et des cellules 5 à 8 de sa phase 2 afin de permettre la poursuite des opérations d’enfouissement pendant la réalisation des travaux d’aménagement préalables[18].

[43]           Ce décret prévoit aussi que, de l’avis du gouvernement, la situation nécessite que le projet soit réalisé dans des délais plus courts que ceux requis par l’application de la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement. Il ordonne par conséquent que ce projet d’agrandissement vertical soit soustrait à l’application de la totalité de cette procédure.

[44]           Le 15 octobre 2021, la Ville, invoquant l’invalidité de ces deux décrets, dépose la demande de pourvoi en contrôle judiciaire. Elle y soutient qu’ils ne sont pas conformes à leur loi habilitante et, entre autres arguments, que le pouvoir exercé par le gouvernement en les adoptant l’a été de mauvaise foi, à des fins autres que celles prévues dans la loi et sur la base de considérations hypothétiques.

2.                 Le jugement entrepris

[45]            La juge de première instance se penche d’abord sur la norme de contrôle qu’elle doit appliquer et retient que le tribunal doit vérifier si l’adoption du Décret 1235-2021 possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, le tout conformément à une interprétation bienveillante de la loi[19]. Passant ensuite à l’analyse du pouvoir habilitant du gouvernement, elle conclut que le pouvoir conféré par les articles 158 et 159 LAU « est un pouvoir spécial qui ne peut servir que dans des situations particulières qui ne peuvent se régler autrement. Il s’agit d’une mesure d’exception »[20].

[46]           La juge rejette ensuite plusieurs des moyens présentés par la Ville à l’appui de sa demande en nullité. Certains d’entre eux, bien qu’ils ne soient pas repris en appel, méritent qu’on les relate vu que les motifs donnés par la juge afin de les écarter s’avèrent pertinents à l’égard de certains moyens d’appel.

[47]           Un de ces arguments rejetés par la juge voulait que la décision du gouvernement d’adopter les décrets de 2021 ait été exercée de mauvaise foi puisqu’elle avait pour objectif réel de contourner le jugement du juge Immer, ce qui rendait la décision déraisonnable.

[48]           Rejetant cet argument, la juge écrit que le décret créant la ZIS est un outil gouvernemental qui se situe au-dessus des obligations et décisions prises au niveau régional, qui est hiérarchiquement supérieur à celles traitées par le jugement du juge Immer. Puisque le gouvernement, en l’adoptant, a fait ce qu’il estimait « nécessaire pour éviter un problème majeur », il ne contourne pas ce jugement puisque leurs chemins ne se croisent pas.

[49]           La Ville soutenait aussi que le critère de l’urgence ou de la gravité prévu à l’article 159 LAU permettant la création d’une ZIS n’était pas satisfait puisque l’urgence ou la gravité invoquée par le gouvernement résultait de son inaction passée et que celuici ne pouvait alors invoquer sa propre turpitude. La juge retient de la preuve que bien que le gouvernement disposait de différents outils législatifs qui auraient pu lui permettre d’agir plus tôt, il ne revenait pas au tribunal d’évaluer l’opportunité de ne pas avoir agi ainsi ou d’avoir recours à la création d’une ZIS pour résoudre le problème. Puisque la décision de créer une ZIS était de nature politique et qu’il n’était pas déraisonnable de conclure que les dispositions de la LAU s’appliquent indépendamment de la source ou de la cause du problème que la ZIS vise à résoudre, l’intervention judiciaire sur cette base était injustifiée.

[50]           Un autre argument soulevé par la Ville en première instance était que, bien que le gouvernement ait tenu les séances de consultation prévues dans la loi, il y aurait eu absence d’une réelle écoute, ce qui témoignerait de l’utilisation de la ZIS à des fins autres que celles prévues dans la LAU.

[51]           La juge estime au contraire qu’elle ne peut conclure que le gouvernement n’a pas tenu de réelles consultations publiques dans le cadre de la création de la ZIS. L’agrandissement et l’exploitation du LET avaient déjà été permis par le Décret 993-2020 du 23 septembre 2020, lequel n’a jamais été contesté, ce qui fait que « [l]e Gouvernement n’avait donc aucune obligation légale de tenir compte des éléments avancés par la population relativement à l’agrandissement ou l’exploitation du LET en soi »[21]. La juge ajoute qu’elle ne peut conclure que le gouvernement ne s’est pas prêté sérieusement à l’exercice de consultation publique requis pour la création d’une ZIS et qu’au contraire « il a déployé les mesures nécessaires pour recueillir et prendre connaissance de l’ensemble des commentaires écrits de ceux qui souhaitaient s’exprimer. Également, le mémoire au Conseil des ministres fait état des résultats de cette consultation et de comment ces résultats ont été considérés »[22].

[52]           La juge annule tout de même le Décret 1235-2021, retenant pour ce faire deux des arguments qui lui étaient proposés par la Ville.

[53]           Premièrement, elle conclut que, puisque le périmètre de la ZIS dépasse celui visé par le Décret 1235-2021 du 23 septembre 2020 et les décrets antérieurs qui ont autorisé l’exploitation et l’agrandissement du LET, il n’est pas adéquatement défini et est largement supérieur au territoire requis pour les fins de la ZIS, ce qui démontre que la décision de la créer est déraisonnable en ce qu’elle n’est pas conforme à la LAU et qu’elle a été prise à des fins impropres.

[54]           Le deuxième motif d’annulation retenu par la juge est que le décret ne prévoit pas sa durée, ce qui contreviendrait à l’article 160(5°) LAU.

3.  Les moyens d’appel et l’analyse

A.           La norme de contrôle

[55]           Le rôle premier d’un tribunal d’appel en révision d’un jugement en contrôle judiciaire consiste à se « mettre à la place » du premier juge et alors vérifier sil a choisi la norme de contrôle appropriée et, le cas échéant, s’il l’a appliquée correctement[23]. 

[56]           La norme de contrôle est désormais présumée être celle de la raisonnabilité[24]. Dans Vavilov, la Cour suprême explique que la jurisprudence antérieure demeure applicable, mais que celle portant sur les questions touchant « véritablement » à la compétence a « forcément une valeur de précédent moindre »[25] et que les arrêts établissant la manière de procéder au contrôle selon la norme de la décision raisonnable gardent leur utilité, mais doivent cadrer avec les principes énoncés dans Vavilov[26].

[57]           Dans Catalyst Paper, décision dont il est fait référence dans Vavilov[27], la Cour suprême rappelle les deux situations qui permettent de réviser les décisions et règlements d’une municipalité : le non-respect de certaines exigences procédurales ou lorsque ces actes outrepassent le régime législatif :

[12] Les décisions et les règlements d’une municipalité, à l’instar de tout acte administratif, peuvent être révisés de deux façons.  D’abord, les exigences en matière d’équité procédurale et le régime législatif qui régit la municipalité peuvent l’obliger à respecter certaines exigences de nature procédurale, notamment en matière d’avis ou de vote, et sa décision ou son règlement peut être jugé invalide si elle néglige de suivre ces procédures.  Mais en plus de pouvoir être annulés au motif que ces exigences légales minimales n’ont pas été respectées, il se peut que les actes d’une municipalité le soient parce qu’ils outrepassent ce que le régime législatif permettait de faire.  Cette révision sur le fond est fondée sur la présomption fondamentale, découlant de la primauté du droit, selon laquelle le législateur ne peut avoir voulu que le pouvoir qu’il a délégué soit exercé de façon déraisonnable, ou, dans certains cas, incorrecte.

[…]

[24] Il est donc clair que les tribunaux appelés à réviser le caractère raisonnable de règlements municipaux doivent le faire au regard de la grande variété de facteurs dont les conseillers municipaux élus peuvent légitimement tenir compte lorsqu’ils adoptent des règlements. Le critère applicable est le suivant : le règlement ne sera annulé que s’il s’agit d’un règlement qui n’aurait pu être adopté par un organisme raisonnable tenant compte de ces facteurs. Le fait qu’il faille faire preuve d’une grande retenue envers les conseils municipaux ne signifie pas qu’ils ont carte blanche.

[25] La norme de la décision raisonnable restreint les conseils municipaux en ce sens que la teneur de leurs règlements doit être conforme à la raison d’être du régime mis sur pied par la législature. L’éventail des issues raisonnables est donc circonscrit par la portée du schème législatif qui confère à la municipalité le pouvoir de prendre des règlements.[28]

[Soulignements ajoutés]

[58]           Ainsi, bien qu’elles possèdent un large pouvoir discrétionnaire et que l’adoption de règlements – ou de résolutions – fasse intervenir « toute une gamme de considérations non juridiques, notamment sur les plans social, économique et politique »[29], les municipalités doivent l’exercer dans les limites des pouvoirs qui leur sont expressément délégués[30]. En appliquant la norme de la décision raisonnable, la question est donc de « savoir si le règlement contesté est raisonnable, eu égard au processus qui a mené à son adoption, et s’il s’inscrit dans un éventail d’issues possibles raisonnables »[31].

[59]           Bien que cette approche ait été établie aux fins du contrôle des règlements municipaux, elle se rapproche de celle applicable au contrôle judiciaire de l’adoption d’un règlement par le gouvernement en vertu d’une loi habilitante, comme le prévoit d’ailleurs l’arrêt Katz Group sur lequel je reviendrai. Par ailleurs, un décret ou règlement du gouvernement doit être conforme « à la raison d’être et à la portée du régime législatif sous lequel elle a été adoptée »[32] et doit tenir compte « de toute contrainte plus spécifique clairement imposée par le régime législatif applicable, tels que les définitions, les formules ou les principes prévus par la loi qui prescrivent l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire »[33].

[60]           Ainsi, dans Katz Group Canada Inc. c. Ontario (Santé et Soins de longue durée)[34], arrêt rendu avant Vavilov mais toujours d’actualité, la Cour suprême écrit ce qu’est le fardeau du demandeur qui invoque l’illégalité d’un décret du gouvernement et, par ricochet, le rôle du juge chargé d’en décider :

[24] Pour contester avec succès la validité d’un règlement, il faut démontrer qu’il est incompatible avec l’objectif de sa loi habilitante ou encore qu’il déborde le cadre du mandat prévu par la Loi. Ainsi que le juge Lysyk l’a expliqué de manière succincte :

[TRADUCTION] Pour déterminer si le texte législatif subordonné contesté est conforme aux exigences de la loi habilitante, il est essentiel de cerner la portée du mandat conféré par le législateur en ce qui a trait à l’intention ou à l’objet de la loi dans son ensemble. Le simple fait de démontrer que le délégataire a respecté littéralement le libellé (souvent vague) de la loi habilitante lorsqu’il a pris le texte législatif subordonné n’est pas suffisant pour satisfaire au critère de la conformité à la loi. Le libellé de la disposition habilitante doit être interprété comme comportant l’exigence primordiale selon laquelle le texte législatif subordonné doit respecter l’intention et l’objet de la loi habilitante prise dans son ensemble.

 [Renvois omis]

[61]           Le cadre analytique établi par la Cour suprême dans cet arrêt demeure donc applicable[35], avec les ajustements nécessaires, tel que la Cour suprême invite à le faire.

[62]           À ce cadre d’analyse s’ajoute la présomption de validité qui se rattache aux règlements et aux décrets gouvernementaux[36], présomption qui « favorise une méthode d’interprétation qui concilie le règlement avec sa loi habilitante de sorte que, dans la mesure du possible, le règlement puisse être interprété d’une manière qui le rend intra vires »[37]. Celui qui conteste supporte alors le fardeau de démontrer que le règlement ou le décret est invalide[38].

[63]           En l’espèce, le pouvoir habilitant sur lequel repose la décision du gouvernement d’adopter le Décret 1235-2021 se trouve dans la LAU [39] :

158. Le gouvernement peut, par décret, déclarer toute partie du territoire du Québec zone d’intervention spéciale.

 

158. The Government may, by order, declare any part of the territory of Québec to be a special planning zone.

 

159. Une zone d’intervention spéciale est créée dans le but de résoudre un problème d’aménagement ou d’environnement dont l’urgence ou la gravité justifie, de l’avis du gouvernement, une intervention.

 

159. A special planning zone shall be created for the purpose of solving a development or environmental problem whose urgency or seriousness, in the opinion of the Government, warrants its intervention.

160. Le décret doit comprendre les éléments suivants :

 

une description du périmètre d’application;

 

un énoncé des objectifs poursuivis;

 

 

la réglementation d’aménagement et d’urbanisme applicable à l’intérieur du périmètre;

 

la désignation de l’autorité responsable de l’administration de la réglementation prévue au paragraphe 3°;

 

les modalités de modification, de révision ou d’abrogation de la réglementation applicable.

160. The order shall include the following components:

 

(1)    a description of the perimeter of the area to which it applies;

 

(2)    a statement of the objectives pursued;

 

(3)    the land use planning and development controls applicable within the perimeter;

 

(4)    the designation of the authority responsible for the administration of the controls provided for in paragraph 3;

 

(5)    the terms and conditions of amendment, review or repeal of the applicable controls.

 

[64]           Ce pouvoir permet donc au gouvernement, par voie de décret, de superposer ses propres règles et normes d’urbanisme à celles adoptées par une municipalité locale ou une municipalité régionale dans le périmètre d’application qu’il définit, pour la période qu’il détermine. La seule exigence de fond, ou condition, préalable à l’exercice de ce pouvoir est qu’il existe un problème d’aménagement ou d’environnement qui, de l’avis du gouvernement, présente un degré d’urgence ou de gravité qui justifie son intervention.

[65]           Une fois cette condition préalable satisfaite, la LAU accorde au gouvernement une très vaste latitude qui l’autorise à mettre en place toute norme ou règle d’aménagement ou d’urbanisme dans le but de régler « le problème en cause ». De telles normes ont alors une portée générale et normative et le choix de ces normes et règles, tout comme la décision de créer une ZIS d’ailleurs, est alors de nature politique.

[66]           La juge de première instance écrit que sa tâche consiste à déterminer si l’adoption du Décret 1235-2021 possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, le tout conformément à une interprétation bienveillante de la loi :

[166] Puisque l’on présume de la validité des actes du Gouvernement, le Tribunal ne peut intervenir dans le cadre d’un pourvoi en contrôle judiciaire d’un pouvoir discrétionnaire que s’il lui est démontré de manière claire et convaincante que :

(…) la discrétion dont jouit l’autorité publique, est exercée (1) à des fins impropres, non prévues à la loi, (2) de mauvaise foi, (3) selon des principes erronés ou tenant compte de considérations non pertinentes, (4) de façon discriminatoire et injuste, arbitraire ou déraisonnable.

[167] Le Tribunal doit donc se demander :

(…) si la décision [d’adopter le décret 1235-2021] possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle-ci.

[168] Dans l’affirmative, le Tribunal ne peut et ne doit pas « s’ériger en arbitre de l’opportunité, de la rationalité, de la prudence ou de la sagesse des décisions politiques ou administratives ».

[169] Le rôle du Tribunal n’est pas de se substituer au Gouvernent, mais plutôt de contrôler judiciairement, mais avec déférence, la décision visée. Cela étant, un contrôle judiciaire ne peut en être un que s’il est fait minutieusement, les yeux ouverts. Dit autrement, déférence ne signifie pas aveuglement volontaire ni analyse simpliste. 

[170] Ainsi, « la passivité non motivée ou mal motivée ne peut être une décision politique prise dans l’exercice de bonne foi d’un pouvoir discrétionnaire ». Pareillement, la logique interne de la décision d’adopter le décret 1235-2021 peut également être remise en question si elle repose sur des généralisations non fondées.

[171] Aussi, pour être valide, le décret 1235-2021 doit être conforme « à la raison d'être et à la portée du régime législatif sous lequel [il] a été adopté […] » et la décision de l’adopter « doit être justifiée au regard de l’ensemble du droit et des faits pertinents ». Le décret 1235-2021 sera donc invalide parce qu’ultra vires si son objet est complètement étranger aux dispositions qu’il applique.

 [Renvois omis]

[67]           Avec égards, bien que la juge ait choisi la bonne norme de contrôle, elle a commis des erreurs lors de son application. Avant d’en traiter, quelques commentaires s’imposent.

* * *

[68]           L’affirmation de la juge selon laquelle « la logique interne de la décision d’adopter le Décret 1235-2021 peut également être remise en question si elle repose sur des généralisations non fondées »[40] doit être reçue avec circonspection. Le rôle du juge réviseur se limite, en cette matière, à l’analyse des circonstances, c’est-à-dire des faits donnant ouverture à l’exercice par le gouvernement de son pouvoir, analyse qui doit être respectueuse de la très grande latitude qui lui est accordée par l’article 159 LAU lorsque, à son avis, et non de l’avis du juge réviseur, le problème d’aménagement ou d’environnement qu’il constate présente un degré d’urgence ou un degré de gravité qui le justifie. Dans un tel cas, le contrôle judiciaire consiste à déterminer si le règlement ou le décret « est incompatible avec l’objectif de sa loi habilitante ou encore qu’il déborde le cadre du mandat prévu par la Loi »[41].

[69]           Dans un tel cadre, le juge réviseur doit exercer un haut degré de prudence, surtout lorsque, comme en l’espèce, une partie l’invite à sonder le cœur et l’esprit des membres du gouvernement, puisque tel n’est pas son rôle. La preuve par le dépôt de documents pertinents contemporains à l’adoption du décret peut apporter un certain éclairage sur les faits à l’origine de l’intervention gouvernementale (par exemple afin de déterminer s’il se présentait réellement un problème d’aménagement ou d’environnement). Toutefois, la recherche de ce qu’étaient les objectifs du gouvernement, tant lors de son choix du périmètre de la ZIS que des normes d’urbanisme qui s’y appliquent, à l’aide de déclarations sous serment ou du témoignage de fonctionnaires qui ont participé à la préparation du décret ou du règlement, risque de mener à une conclusion erronée.

[70]           Rappelons ici que l’exercice fait par le juge réviseur ne porte pas sur une décision d’un tribunal administratif soumis à des obligations de motivation et à des normes de justice naturelle et d’équité, mais bien d’une décision prise par un gouvernement composé de membres qui ne partagent pas nécessairement le même point de vue, ni celui des fonctionnaires qui ont participé à la préparation du dossier et même à la rédaction du projet de décret. Les objectifs et intentions du gouvernement sont ceux des ministres qui le composent et non ceux des fonctionnaires d’un de ses ministères. Les décisions du gouvernement comportent leur lot de facteurs de nature politique et économique qui peuvent souvent ne pas apparaître des notes de service et comptes rendus des discussions préalables à l’adoption du décret (ou du règlement), sans que de telles considérations soient pour autant illégitimes ou illégales. Ces facteurs se rattachent en grande partie à l’opportunité ou à la sagesse de l’intervention gouvernementale.

[71]           De plus, la recherche des motifs qui ont porté le gouvernement à agir comporte le risque que le tribunal s’ingère dans les affaires qui ne sont pas de son ressort, comme la pertinence, l’opportunité ou l’efficacité de la décision, lesquelles relèvent du gouvernement et non du tribunal. Un décret ou un règlement peut d’ailleurs ultimement ne pas mener au résultat escompté sans que cela affecte pour autant sa légalité. C’est ce qu’explique la Cour suprême dans Katz Group :

[27] Cette analyse ne comporte pas l’examen du bien-fondé du règlement pour déterminer s’il est « nécessaire, sage et efficace dans la pratique ». Comme le tribunal l’a expliqué dans l’arrêt Ontario Federation of Anglers & Hunters c. Ontario (Ministry of Natural Resources) :

[TRADUCTION] . . . le contrôle judiciaire des règlements, contrairement à celui des décisions administratives, se limite normalement à la question de leur incompatibilité avec l’objet de la loi ou à l’inobservation d’une condition préalable prévue par la loi. Les raisons qui ont motivé la prise du règlement ne sont pas pertinentes.

[28] L’analyse ne s’attache pas aux considérations sous-jacentes « d’ordre politique, économique ou social [ni à la recherche, par les gouvernements, de] leur propre intérêt. La validité d’un règlement ne dépend pas non plus de la question de savoir si, de l’avis du tribunal, il permettra effectivement d’atteindre les objectifs de la loi. Pour qu’il puisse être déclaré ultra vires pour cause d’incompatibilité avec l’objet de la loi, le règlement doit reposer sur des considérations « sans importance », doit être « non pertinent » ou être « complètement étranger » à l’objet de la loi. En réalité, bien qu’il soit possible de déclarer un règlement ultra vires pour cette raison, comme le juge Dickson l’a fait observer, « seul un cas flagrant pourrait justifier une pareille mesure »[42].

B.           Application de la norme de contrôle

[72]           Abordons maintenant les motifs d’appel, en débutant avec les arguments que la Ville a présentés à la juge et que celle-ci a rejetés, et que la Ville reprend en appel.

i.                   Les moyens d’appel de la Ville

[73]           La Ville soutient que le Décret 1235-2021 n’est pas conforme à sa loi habilitante parce que la ZIS qu’il crée ne cherche pas à résoudre un problème d’environnement à l’intérieur de son périmètre, mais plutôt un problème à l’extérieur de la ZIS, soit celui que les populations des municipalités situées à l’extérieur de la MRC de Drummond subiraient advenant la fermeture du LET. Selon elle, le décret aurait une portée qui excéderait les fins prévues dans la LAU.

[74]           Rejetant cet argument, la juge explique qu’adopter une telle interprétation des articles 158 et s. LAU exigerait qu’on y ajoute des mots puisque les dispositions de la LAU ne précisent pas que le problème que la ZIS cherche à résoudre doit se trouver à l’intérieur de son périmètre. Elle ajoute que, puisque l'interprétation donnée par le gouvernement de son pouvoir habilitant n'est pas « complètement farfelue », la déférence du tribunal s’impose, d’autant plus que le gouvernement semble avoir déjà adopté une interprétation similaire lors de l’adoption du Décret 703-2009 visant à permettre la construction du CHUM au centre-ville de Montréal.

[75]           Ce moyen d’appel doit échouer. Les articles 158 et s. LAU autorisent le gouvernement à déclarer toute partie du territoire du Québec « zone d’intervention spéciale » dans le but de résoudre un problème d’aménagement ou d’environnement. La loi ne dit pas que le problème dont on cherche la résolution doit se situer en tout ou en partie à l’intérieur du périmètre d’application de la ZIS. En l’espèce, la Ville admet dans son mémoire que, par le décret, le gouvernement souhaitait régler un problème environnemental. Ainsi, à moins d’une démonstration claire que la création de la ZIS n’avait absolument aucun rapport avec le problème qu’on cherchait à résoudre, rien n’empêchait que la ZIS soit créée afin de résoudre le problème environnemental qui était sur le point d’affliger une partie importante de la population de la province, bien que ce problème se situait à l’extérieur du périmètre d’application des règles d’urbanisme qui permettaient de le résoudre.

[76]           Ensuite, la Ville soutient que la décision d’adopter le Décret 1235-2021 est déraisonnable parce qu’elle permet la création d’une ZIS visant à régler un problème environnemental hypothétique, puisque les problèmes d’hygiène et de salubrité anticipés découlant de la fermeture du LET n’étaient pas encore apparus au moment de son adoption.

[77]           La juge estime au contraire que le Décret 1235-2021 a été adopté pour éviter une crise sanitaire prévisible en raison de l’impossibilité pour les différents utilisateurs du LET d’éliminer autrement les matières résiduelles en cas de fermeture et que ce problème n’était pas qu’hypothétique, comme le plaidait la Ville. La décision du gouvernement reposait sur le fait que les capacités d’enfouissement autrement disponibles étaient insuffisantes pour recevoir l’ensemble des matières résiduelles destinées au LET et « pour répondre dans l’immédiat »[43] au manque résultant de sa fermeture. La juge explique :

[205] En principe, une mesure d’urgence n’est pas un outil de prévention, mais plutôt un outil de guérison. De l’avis du Tribunal, les dispositions de la LAU visant à permettre la création d’une ZIS s’appliquent dans un contexte où le problème est né et actuel et où il n’était pas prévu ou prévisible. Autrement, la ZIS n’est plus un outil exceptionnel et devient un simple outil de gestion qui n’est pas soumis au processus d’approbation habituel.

[206] Cela étant dit, peut-on attribuer à ces dispositions, comme le propose le gouvernement, une vocation préventive lorsqu’un problème grave est imminent ? Oui. Est-ce qu’une telle interprétation est complètement farfelue ? Non.

[208] Ainsi, au-delà d'exprimer qu'il soit hautement désolant que :

208.1  la situation n'ait pas fait l'objet d'une meilleure planification en amont;

208.2  le réflexe du Gouvernement ait été d’opter pour l’enfouissement des matières résiduelles plutôt que d’imposer des solutions alternatives à leur gestion; et

208.3  il faille ultimement avoir recours à des dispositions d’urgence;

le Tribunal ne peut conclure que la décision prise par le Gouvernement pour éteindre le feu qui s'attise est déraisonnable et que les dispositions législatives invoquées ne le permettent pas. 

[78]           Ce moyen d’appel doit être rejeté. La position de la Ville revient à dire qu’un problème ne peut pas exister tant que ses effets ne se sont pas fait sentir, confondant ainsi le problème et les conséquences de ce problème. Rien dans la loi n’empêchait le gouvernement de créer cette ZIS afin de régler le problème réel bien que ses effets ne se soient pas encore matérialisés. Les effets négatifs non contredits sur l’hygiène et la santé des populations desservies par le LET advenant sa fermeture étaient bien réels et aucunement hypothétiques. La loi autorise le gouvernement à utiliser l’outil qu’est le LET afin de répondre à un problème d’aménagement ou environnemental grave sans qu’il soit obligé d’attendre que ce problème soit en plus urgent. C’est ce qu’il a fait dans les jours qui ont suivi le jugement rendu le 26 février 2021 par le juge Immer, lequel a établi (sous réserve de l’appel) que le LET ne pourrait pas être agrandi et que ses activités prendraient fin à court terme à moins d’une intervention gouvernementale.

[79]           Faire droit à l’argument de la Ville équivaudrait à dire que le gouvernement, informé qu’un problème grave d’aménagement ou environnemental est sur le point de produire ses effets, devrait attendre que le désastre se réalise avant d’intervenir.

[80]           Cela dit, les motifs donnés par la juge de première instance dans le cadre du rejet de cet argument de la Ville comportent des énoncés qui sont incompatibles avec l’objet des articles 158 et s. LAU, puisqu’elle donne aux pouvoirs qu’ils accordent au gouvernement une interprétation restrictive sur lesquels elle fait reposer ses deux motifs d’annulation du décret. Ce faisant, la juge a commis une erreur de droit.

[81]           La juge estime que le pouvoir conféré au gouvernement par les articles 158 et s. LAU de mettre en place une ZIS est « un outil exceptionnel »[44] et « une mesure d’exception »[45]. Cela est vrai, mais uniquement dans la mesure où le gouvernement ne peut l’exercer que lorsque les conditions prévues à l’article 159 LAU sont remplies, c’està-dire lorsqu’il est en présence d’un problème d’aménagement ou d’environnement dont l’urgence ou la gravité justifie, à son avis, une intervention.

[82]           Toutefois, dès lors que ces conditions sont satisfaites, la latitude accordée par le législateur au gouvernement est vaste. Il peut alors décider quelle sera la durée de la ZIS, quel sera son périmètre d’application utile afin d’arriver à ses fins et quelles seront les normes dans la réglementation d’aménagement et d’urbanisme applicables à l’intérieur du périmètre choisi. Le législateur n’a d’ailleurs pas restreint les normes que le gouvernement peut décréter aux seuls objets prévus aux articles 113 à 122 LAU comme il l’a fait à l’égard des municipalités locales.

[83]           La décision du gouvernement sur ces questions relève de sa discrétion et peut tenir compte de diverses considérations de nature politique et économique sans qu’il soit requis de les énoncer dans le décret. Le rôle du tribunal appelé à contrôler une telle décision ne comporte pas celui de son examen dans le but de déterminer si elle est « nécessaire, sage et efficace dans la pratique »[46] et « sa validité ne dépend pas non plus de la question de savoir si, de l’avis du tribunal, il permettra effectivement d’atteindre les objectifs de la loi »[47].

[84]           De plus, contrairement à ce que la juge écrit, le pouvoir de créer une ZIS n’est pas restreint aux seuls problèmes d’aménagement ou d’environnement qui « ne peuvent se régler autrement »[48] que par décret. La LAU ne comporte pas une telle limitation.

[85]           Or, c’est par l’emploi d’une interprétation restrictive que la juge arrive à la conclusion que le périmètre de la ZIS décrit dans le décret est déraisonnable, puisqu’il serait largement supérieur à ce qui est nécessaire à l’exploitation autorisée du LET par le Décret 993-2020 et qu’ainsi, le décret dépasserait le cadre de ce qui est légalement permis pour la création d’une ZIS :

[227] L’adoption d’un périmètre largement supérieur à ce qui est nécessaire à l’exploitation autorisée du LET dépasse le cadre de ce qui est légalement permis pour la création d’une ZIS.

[86]           Le décret comporterait alors un motif occulte, soit de permettre l’agrandissement ultérieur du LET au-delà de la seule phase 3B1 autorisée par le Décret 993-2020 :

[237] D’ailleurs monsieur Létourneau et madame Provencher reconnaissent candidement que le périmètre retenu pour la ZIS dépasse largement ce qui est nécessaire pour l’exploitation du LET « pour le moment ». Cette nuance n’est pas banale. On y comprend que l’objectif réel du périmètre retenu est d’avoir libre cours pour permettre ultérieurement un agrandissement du LET à une phase additionnelle. Or, ce motif occulte n’apparaît évidemment pas de la décision du Gouvernement et n’est certainement pas compatible avec la lettre de la loi qui vise la résolution d’un problème environnemental.

[238] S’il est vrai que le Gouvernement dispose d’une discrétion relativement au territoire retenu pour la création d’une ZIS, encore faut-il qu’il justifie son choix de manière transparente et que ce dernier soit raisonnable eu égard aux circonstances et à l’intention du législateur. Tel n’est pas le cas en l’espèce.

[87]           Avec égards, la juge fait ici fausse route.

 

 

[88]           Le décret prévoit ceci :

Attendu que le lieu d’enfouissement technique de Saint-Nicéphore, situé sur le territoire de la Ville de Drummondville, devrait atteindre sa capacité maximale autorisée dans les prochaines semaines;

Attendu que, par le décret numéro 993-2020 du 23 septembre 2020, le gouvernement a délivré une autorisation à WM Québec inc. pour la poursuite de l’exploitation, pour une durée maximale de dix ans, du projet d’agrandissement du lieu d’enfouissement technique de Saint-Nicéphore, sur le territoire de la Ville de Drummondville;

Attendu que la réglementation de zonage de la Ville de Drummondville ne permet pas l’exploitation d’un lieu d’enfouissement technique sur certains lots situés sur le territoire de la Ville qui sont compris dans le périmètre du projet visé par le décret numéro 993-2020 du 23 septembre 2020;

Attendu qu’il n’est pas possible d’acheminer l’ensemble des matières résiduelles présentement éliminées dans le lieu d’enfouissement technique de Saint-Nicéphore vers d’autres lieux d’enfouissement technique;

Attendu que la fermeture du lieu d’enfouissement technique de Saint-Nicéphore et l’impossibilité d’acheminer l’ensemble des matières résiduelles vers d’autres lieux d’enfouissement technique pourraient considérablement affecter la salubrité publique;

Attendu que les circonstances démontrent, de l’avis du gouvernement, un problème d’environnement dont la gravité justifie son intervention;

[…]

Il est ordonné, en conséquence, sur la recommandation du ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques :

Que soit déclarée zone d’intervention spéciale le territoire correspondant aux lots 3 920 256, 3 920 261, 3 920 262, 3 920 263 et 5 894 954 du cadastre du Québec, circonscription foncière de Drummond;

Que les objectifs poursuivis soient les suivants :

1° préserver la salubrité publique des conséquences de la fermeture du lieu d’enfouissement technique de Saint-Nicéphore;

2° éviter un grave problème de gestion et d’élimination des matières résiduelles au Québec;

 

[89]           D’abord, il y est énoncé que le LET atteindra sous peu sa pleine capacité, que le gouvernement y a déjà permis l’exploitation sur des lots additionnels, mais que la réglementation de zonage prohibe tout agrandissement du LET. Par conséquent, puisque la fermeture imminente du LET causera un grave problème de gestion et d’élimination des matières résiduelles au Québec, étant donné qu’il n’est pas possible d’acheminer ailleurs l’ensemble des matières résiduelles présentement éliminées dans le LET, il est ordonné que soit déclarée une zone d’intervention spéciale sur les lots qui y sont identifiés.

[90]           Cette façon de procéder est en tout point conforme au pouvoir habilitant qui, je le répète, accorde au gouvernement une grande latitude lorsqu’à son avis le problème environnemental qu’il cherche à régler présente un degré élevé de gravité. En l’espèce, la loi lui permettait de déterminer le périmètre de la ZIS qu’il considérait utile afin d’atteindre son objectif et rien dans la loi ne le limitait au seul périmètre requis aux fins de l’agrandissement déjà autorisé.

[91]           La juge conclut que le décret serait illégal puisqu’elle aurait décelé dans la preuve des circonstances qui ont entouré son élaboration, l’intention cachée d’autoriser un périmètre dapplication supérieur au périmètre requis aux seules fins de l’agrandissement autorisé par le Décret 993-2020. L’illégalité découlerait alors du fait que ses motifs « manquent de justification et de transparence »[49]. Elle écrit :

[230] Le décret 1235-2021 est rattaché au décret 993-2020 par lequel le Gouvernement autorise l’agrandissement du LET à la phase 3B-1 et en permet l’exploitation pour une période de dix ans. Le troisième « attendu » est sans équivoque à cet égard et le Gouvernement le dit et le répète devant le Tribunal.

[231] Or, le décret 993-2020 limite l’agrandissement et l’exploitation au territoire connu comme étant la phase 3B-1 qui est largement inférieur au périmètre de la ZIS, même en tenant compte de l’espace requis pour réaménager l’entrée du LET et pour assurer une zone tampon adéquate.

[232] Monsieur Létourneau et madame Provencher témoignent que le périmètre retenu représente le strict minimum nécessaire pour la continuation des activités du LET. Pourtant, cette affirmation est inexacte.

[233] Par la suite, ils précisent que les instructions qu’ils ont reçues voulaient que les dispositions législatives relatives à la création d’une ZIS requièrent que le périmètre se rattache à des numéros de lots complets. Pour viser moins que le lot 5 894 954, il aurait fallu, selon eux, procéder à une opération cadastrale, ce que le temps ne permettait pas.

[234] D’une part, ces explications subséquentes sont absentes du dossier ayant servi à la décision du Gouvernement.

[235] D’autre part, les dispositions de la LAU n’indiquent rien de tel. Une simple lecture des dispositions permet plutôt de conclure au contraire. […]

[237] D’ailleurs monsieur Létourneau et madame Provencher reconnaissent candidement que le périmètre retenu pour la ZIS dépasse largement ce qui est nécessaire pour l’exploitation du LET « pour le moment ». Cette nuance n’est pas banale. On y comprend que l’objectif réel du périmètre retenu est d’avoir libre cours pour permettre ultérieurement un agrandissement du LET à une phase additionnelle. Or, ce motif occulte n’apparaît évidemment pas de la décision du Gouvernement et n’est certainement pas compatible avec la lettre de la loi qui vise la résolution d’un problème environnemental.

[238] S’il est vrai que le Gouvernement dispose d’une discrétion relativement au territoire retenu pour la création d’une ZIS, encore faut-il qu’il justifie son choix de manière transparente et que ce dernier soit raisonnable eu égard aux circonstances et à l’intention du législateur. Tel n’est pas le cas en l’espèce.

[92]           Avec égards, en l’absence d’une incompatibilité manifeste avec la loi habilitante ou d’une preuve établissant clairement que le gouvernement excédait son mandat législatif en faisant reposer sa décision sur des considérations non pertinentes ou étrangères à l’objet de la loi, la juge ne pouvait remettre en question l’utilité ou la nécessité d’un périmètre plus ou moins grand que celui requis aux fins de l’accomplissement de l’objet du seul Décret 993-2020. Rien n’interdisait au gouvernement de spécifier un périmètre qui faciliterait la réalisation éventuelle de phases additionnelles à celles déjà autorisées, par exemple de la phase 3B2, ou même de phases non encore prévues. On ne peut certainement pas conclure qu’une telle décision en serait une qui est « non pertinent[e] » ou « complètement étrang[ère] » au problème grave auquel la population était confrontée au moment de la prise du décret. Par conséquent, l’affirmation selon laquelle « [l]’adoption d’un périmètre largement supérieur à ce qui est nécessaire à l’exploitation autorisée du LET dépasse le cadre de ce qui est légalement permis pour la création d’une ZIS »[50] est erronée et justifie l’intervention de la Cour.

[93]           Le décret énonce clairement les raisons de son intervention, énonce tout aussi clairement les objectifs visés et décrit précisément le périmètre de la zone d’intervention.

[94]           Ensuite, rien de ce qui est mentionné dans le décret n’annonce que son intervention se limiterait aux seules superficies requises aux fins de la phase 3B1 autorisée par le Décret 993-2020. Il est bien mentionné au troisième attendu que « la réglementation de zonage de la Ville de Drummondville ne permet pas l’exploitation d’un lieu d’enfouissement technique sur certains lots situés sur le territoire de la Ville qui sont compris dans le périmètre du projet visé par le décret numéro 993-2020 », mais rien dans ce texte – ou ailleurs dans le décret ne permet de conclure que la ZIS ne sera établie que dans le périmètre strictement requis aux fins de cette phase. D’ailleurs, la description des lots dans le décret permet aisément de voir que le périmètre excédait cette superficie.

[95]           Même s’il fallait appliquer au gouvernement une obligation de motiver sa décision (proposition à laquelle je n’adhère pas), on ne pourrait certainement pas conclure que la décision sous étude « souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence »[51].

[96]           Enfin, parmi la documentation qu’avaient en main les membres du Conseil des ministres afin de prendre leur décision se trouve le mémoire préparé à leur attention, lequel mentionnait que le périmètre retenu visait les lots nécessaires à l’aménagement et à la poursuite de l’exploitation du LET, sans affirmation d’une intention de ne couvrir que les terrains strictement requis aux fins de la mise en œuvre de la seule phase 3B1[52] :

Ce décret viendrait créer une ZIS afin de permettre l’aménagement et la poursuite de l’exploitation d’un LET sur les lots concernés (5 894 954, 3 920 256, 3 920 263, 3 920 262, 3 920 261) par la zone 3B du LET de Saint-Nicéphore situé sur le territoire de la ville de Drummondville.

[]

Finalement, en ce qui concerne les demandes spécifiques de la Ville quant à la réduction de la durée et de la portée territoriale de la ZIS, les lots visés sont seulement ceux nécessaires à la poursuite de l’exploitation du LET, pour réaménager l’entrée du lieu et assurer une zone tampon adéquate. Quant à la durée de la ZIS, dans l’éventualité où cette dernière ne serait plus nécessaire, le gouvernement pourra décider d’abroger le décret gouvernemental à tout moment.

[97]           Cette décision d’ainsi définir l’aire de la ZIS relevait de sa discrétion et le tribunal ne pouvait y substituer sa propre appréciation.

[98]           La juge appuie sa conclusion voulant que le décret ait comporté une fin occulte sur le témoignage de deux employés du MELCC. La Ville propose dans son mémoire que cette conclusion de la juge tire sa source principalement dans le témoignage de Mme Cynthia Provencher, qui occupait alors le poste de Directrice régionale de l'analyse et de l'expertise pour la Mauricie et le Centre-du-Québec au MELCC :

Q. 328 On parle beaucoup, on a parlé de la superficie de la ZIS. Quel est l'impact de cette superficie sur les activités autorisées pour la poursuite de l'exploitation de la phase 3B1?

R. Écoutez, les autorisations qui ont été délivrées pour la poursuite, l'exploitation de la phase 3B1, que la superficie de la ZIS ait été uniquement pour la superficie 3B1, qu'elle soit pour l'ensemble du site de Waste Management, il n'y a aucun impact.

Q. 329 Qu'est-ce que vous voulez dire?

R. Mais dans le fond, qu'est-ce qui a été autorisé, c'est 3B1. Donc, ça ne permet pas de faire un agrandissement à 3B1. C'est vraiment 3B1 qui est autorisé pour l’instant.

[…]

Q.573 […] Et la question qui a suivi tout de suite après était: « Quel est l'impact de cette superficie pour la poursuite des autorisations sur la phase 3B1? » Ce à quoi vous avez répondu et vous avez dit: « C'est 3B1 qui est autorisée pour l'instant. » Ma question: est-ce qu'il y a un autre projet en cours d'autorisation concernant le LET Saint-Nicéphore?

R. Non.

Q. 574 Est-ce qu'il y a même des, sans que ce soit officiellement en cours d'analyse, est-ce qu'il y avait des échanges ou des communications concernant un autre projet en cours?

R. Non.

Q. 575 Qui allait faire l'objet d'une autorisation?

R. Non.

Q.576 Puis la raison pour laquelle vous avez répondu qui est autorisé pour l'instant, c'est quoi?

R. Pour l'instant, parce que le projet initial, ça faisait partie de 3B, il était plus grand que la phase 3B1.

Q. 577 Il comprenait également...

R. Il comprenait également d'autres cellules qui étaient situées plus à l'est du projet de la phase 3B1.

Q. 578 Pouvez-vous les identifier sur la carte derrière vous, de façon grossière?

[]

R. Parce que la phase 3B2 qui était...

Q. 581 Voilà. Et ça, pouvez-vous m'expliquer cette phrase-là(sic), 3B2, c'est quoi, est-ce que ça a fait l'objet d'une étude?

R. Ce que je peux vous dire, parce que le projet a été présenté à la Direction générale des évaluations environnementales et non à la direction régionale dans le cadre de la demande de modification. Donc, la phase 3B2 était pour, je ne me souviens plus combien d'années d'exploitation, je pense que c'est 23 ans, mais le décret qui a été délivré, le 993-2020, c'est dix ans d'exploitation avec tonnage réduit, qui se limite pour la phase 3B1. »

[99]           Rien dans ces réponses données par Mme Provencher, laquelle n’est pas le gouvernement ni ne parle pour lui, ne permet de parvenir à la conclusion que le gouvernement, en prévoyant que la ZIS porterait sur des lots qui pourraient éventuellement couvrir les terrains utiles à un futur agrandissement du site, a voulu ainsi de façon « occulte » arriver à cette fin.

[100]      Comme la juge le note, les explications données par ces témoins sont subséquentes à la décision attaquée et étaient absentes du dossier ayant servi à la décision du gouvernement[53]. Cela démontre le danger qui guette le tribunal de révision qui s’aventure dans la recherche de ce qu’étaient les raisons ayant motivé un organisme composé de plusieurs membres chargés de prendre des décisions à caractère discrétionnaire comportant leur lot de facteurs politiques et économiques[54]. Puisque ces explications n’ont pas été portées à la connaissance des membres du Conseil des ministres, comment pourraient-elles leur être imputées?

[101]      Enfin, la juge annule aussi le Décret 1235-2021 au motif qu’il ne prévoit pas sa durée. Elle motive cette conclusion de la façon suivante :

[241] La Ville prétend que la création d’une ZIS à durée indéterminée est contraire aux fins prévues par la LAU à cet égard. Sur ce point, le Tribunal est également d’accord.

[242] Pour justifier sa décision de créer la ZIS, le Gouvernement soutient qu’il y avait urgence d’agir afin d’éviter un grave problème. Soit, mais comment cette urgence d’agir peut-elle se justifier à si long terme?

[243] En septembre 2021, le Gouvernement peut raisonnablement justifier sa décision de créer une ZIS parce qu’il n’y a pas, à court ou moyen terme, d’autres façons d’éviter une importante crise sanitaire. Cette explication perd toutefois de sa raisonnabilité avec le passage du temps, alors que l’urgence d’agir n’est plus justifiable. À partir du moment où la crise sanitaire est évitée par la création d’une ZIS d’une durée x, le Gouvernement doit s’activer pour trouver une solution au problème à long terme ou du moins, il doit s’y efforcer.

[244] D’ailleurs, lors de l’adoption du décret 1235-2021, le Gouvernement est dans l’attente du rapport du BAPE qui doit justement évaluer les mesures, solutions ou exigences visant à assurer une meilleure gestion des résidus ultimes en tenant compte des divers contextes régionaux.

[245] Dans les faits, le témoignage de monsieur Létourneau à cet égard en dit long. Le décret 1235-2021 ne prévoit aucun délai parce que le Gouvernement voulait éviter d’avoir à revenir à la table pour créer une nouvelle à ZIS tous les deux ans. Aussi, dit-il, le fait d’indiquer que la ZIS était valable pour dix ans par exemple, soit le délai accordé par le décret 993-2020 pour l’exploitation de la phase 3B-1, aurait été incompatible aux yeux de « monsieur et madame tout le monde » avec la notion d’urgence.

[246] La ZIS n’était donc pas uniquement une solution à un problème grave et imminent. C’était la solution définitive à une situation donnée, indépendamment de la présence d’une urgence ou d’une problématique grave dans le futur. Le dossier pouvait enfin être classé.

[247] Étant une mesure d’exception qui vise à solutionner une problématique urgente ou grave, son application doit être limitée à ce qui est nécessaire pour régler le problème existant ou imminent et le Gouvernement doit faire preuve de transparence dans cette application. Ces éléments manquent en l’espèce dans les motifs du Gouvernement et le fait d’indiquer que le décret 1235-2021 peut être abrogé à tout moment est insuffisant. 

[248] Ainsi, même si l’on peut accepter qu’il soit raisonnable d’étendre son application à la prévention d’un problème imminent et probable, la ZIS ne peut devenir un outil occulte de gestion à long terme. Tel n’est pas son but et toute autre interprétation des dispositions habilitantes de la LAU est incohérente.

[249] En l’absence d’une quelconque limite temporelle à la ZIS ou de motif expliquant réellement pourquoi aucune telle limite n’est retenue, le décret 1235-2021 n’est pas conforme à sa loi habilitante. Il en résulte que la décision du Gouvernement de l’adopter est déraisonnable et que le décret 1235-2021 est invalide.

[102]      Avec égards, la juge commet ici trois erreurs de droit.

[103]      Elle explique, adoptant en cela à nouveau une interprétation restrictive du pouvoir d’intervention accordé par les articles 158 et s. LAU, que, puisque le gouvernement est intervenu au lendemain du jugement du juge Immer alors qu’il y avait urgence d’agir, son intervention ne pouvait qu’être temporaire, le temps de trouver une autre solution permanente au problème d’enfouissement.

[104]      Premièrement, l’affirmation selon laquelle le gouvernement aurait invoqué l’urgence comme motif de son intervention est inexacte : s’il est vrai qu’il y avait alors bien urgence d’agir, le gouvernement a choisi de ne reconnaître que la gravité du problème comme motif d’intervention, tel qu’il appert clairement du décret lui-même.

[105]      Deuxièmement, nulle part dans le décret, que ce soit dans ses attendus ou dans les objectifs qui y sont mentionnés, n’est-il question que la création de la ZIS ne soit qu’une solution à court terme ou même temporaire au problème auquel il était alors confronté. L’article 159 LAU ne limite pas la période durant laquelle le gouvernement peut maintenir la ZIS à la seule durée de l’urgence, ce qui apparaît encore plus clairement lorsqu’on considère le fait qu’il peut la créer même en l’absence de toute urgence, pourvu qu’il constate un problème d’aménagement ou d’environnement dont la gravité justifie selon lui la création de la ZIS pour le résoudre. Les affirmations selon lesquelles « [à] partir du moment où la crise sanitaire est évitée par la création d’une ZIS d’une durée x, le gouvernement doit s’activer pour trouver une solution au problème à long terme ou du moins, il doit s’y efforcer »[55] et qu’elle est « une mesure d’exception qui vise à solutionner une problématique urgente ou grave, son application doit être limitée à ce qui est nécessaire pour régler le problème existant ou imminent et le gouvernement doit faire preuve de transparence dans cette application »[56] sont donc erronées. Rien dans la LAU ne restreint le pouvoir du gouvernement d’adopter cette mesure que pour le temps de trouver une solution alternative. La ZIS peut très bien être elle-même une solution à moyen ou long terme au problème qu’elle vise à régler.

[106]      Troisièmement, en laissant entendre que le gouvernement doit s’efforcer de trouver une solution alternative à long terme au problème qui tiendrait compte des mesures, solutions ou exigences visant à assurer une meilleure gestion des résidus ultimes et des divers contextes régionaux[57], plutôt que de créer une ZIS afin de solutionner le grave problème d’environnement constaté, la juge s’ingère dans le processus décisionnel que le législateur a confié au gouvernement, ce qu’elle ne pouvait pas faire.

[107]      Ainsi, puisque le Décret 1235-2021 est conforme à la raison d'être et à la portée du régime législatif sous lequel il a été adopté, il est valide[58].

[108]      Je propose donc d’accueillir l’appel, avec les frais de justice.

 

 

 

STÉPHANE SANSFAÇON, J.C.A.

 


[1]  Ville de Drummondville c. Procureur général du Québec, 2022 QCCS 2173 [jugement entrepris]. Le 20 septembre 2022, le juge Cournoyer a rejeté la demande de la Ville pour exécution provisoire de ce jugement ainsi qu’une demande d’obtenir des droits de visite sur la propriété de WM : Procureur général du Québec c. Ville de Drummondville, 2022 QCCA 1258 (Cournoyer, j.c.a.).

[2]  WM Québec inc. c. Ville de Drummondville, 2021 QCCS 613.

[3]  WM Québec inc. c. Municipalité régionale de comté de Drummond, 2022 QCCA 1385 (Frédéric Bachand, juge unique).

[4]  L’exploitation des cellules d’enfouissement 1 à 4 de la phase 2 débute en 1996, alors que celle des cellules 5 à 8 s’entame en 2004.

[5]  Règlement modifiant le schéma d’aménagement relatif à un complexe environnemental et énergétique sur le site de Waste Management, 12 décembre 2012. La MRC adopte également un document indiquant la nature des modifications que les municipalités devront apporter, advenant la modification du schéma, à leur plan d’urbanisme et à leurs règlements : Document de la MRC indiquant la nature des modifications que devront apporter les municipalités à leur réglementation locale, 12 décembre 2012.

[6]  Décret 626-2004 concernant le regroupement de la Ville de Drummondville, de la Ville de Saint-Nicéphore, de la Municipalité de Saint-Charles-de-Drummond et de la Paroisse de Saint-Joachim-de-Courval, (2004) 136 G.O.Q. II, 3321. Le contexte relatif à l’adoption de ce décret est exposé dans Forcier c. Ville de Drummondville, 2017 QCCS 3308 et dans WM Québec inc. c. Forcier, 2020 QCCA 424.

[7]  Décret 551-2013 concernant la délivrance d’un certificat d’autorisation à WM Québec inc. pour le projet d’agrandissement du lieu d’enfouissement technique de Saint-Nicéphore, sur le territoire de la ville de Drummondville, (2013) 145 G.O.Q. II, 2608, p. 2608-2609.

[8]  Forcier c. Ville de Drummondville, supra, note 6.

[9]  WM Québec inc. c. Forcier, supra, note 6, paragr. 64-65.

[10]  Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, RLRQ, c. A-19., art. 54 et s. Cette révision doit être entreprise tous les cinq ans.

[11]  Schéma d’aménagement révisé, second projet du 7 mai 2014 (« PSAR 2 »).

[12]  Schéma d’aménagement révisé, premier projet du 26 novembre 1997 (« PSAR 1 »).

[13]  La Ville demandait aussi que les autres activités, tel le compostage, soient autorisées sur l’ensemble de l’aire de gestion des matières résiduelles.

[14]  Schéma d’aménagement et de développement révisé de la MRC de Drummond, 25 juillet 2017; Lettre du sous-ministre des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire Marc Croteau confirmant la conformité du Schéma d’aménagement et de développement révisé aux orientations régionales, 25 juillet 2017.

[15]  Décret 791-2019 concernant la modification du décret numéro 551- 2013 du 5 juin 2013 relatif à la délivrance d’un certificat d’autorisation à WM Québec inc. pour le projet d’agrandissement du lieu d’enfouissement technique de Saint-Nicéphore, sur le territoire de la Ville de Drummondville, (2019) 151 G.O.Q. II, 3159.

[16]  LAU, supra, note 10, art. 59.

[17]  Décret 1235-2021 concernant la déclaration d’une zone d’intervention spéciale afin de permettre l’aménagement et la poursuite de l’exploitation d’un lieu d’enfouissement technique sur certains lots situés sur le territoire de la Ville de Drummondville, (2021) 153 G.O.Q. II, 5604 [Décret 1235-2021].

[18]  Ibid.

[19]  Jugement entrepris, paragr. 162-173.

[20]  Id., paragr. 176 (références originales omises).

[21]  Id., paragr. 256.

[22]  Id., paragr. 257.

[23]  Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559, paragr. 47, réaffirmé dans Office régional de la santé du Nord c. Horrocks, 2021 CSC 42, paragr. 10; Association des cadres de la Société des casinos du Québec c. Société des casinos du Québec, 2022 QCCA 180, paragr. 76-77; Lévesque c. Marlin Chevrolet Buick GMC inc., 2021 QCCA 1508, paragr. 37; Filiatreault c. Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, 2021 QCCA 457, paragr. 32; Bombardier Aéronautique inc. c. Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail, 2020 QCCA 315, paragr. 21; F.S. c. Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, 2020 QCCA 1625, paragr. 32; Procureur général du Québec c. Lamontagne, 2020 QCCA 1137, paragr. 23; Bricka c. Procureur général du Québec, 2022 QCCA 85, paragr. 11, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 28 juillet 2022, nº 40102 [Bricka].

[24]  Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]; Service de calèches et traîneaux Lucky Luc c. Ville de Montréal, 2022 QCCA 1610, paragr. 5059; Restaurants Canada c. Ville de Montréal, 2021 QCCA 1639, paragr. 21-26; Ville de Brossard c. Ville de Longueuil, 2022 QCCA 1139, paragr. 42-59; 1193652 B.C. Ltd. v. New Westminster (City), 2021 BCCA 176, paragr. 56 et 59, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 9 décembre 2021, no 39773; 1120732 B.C. Ltd. v. Whistler (Resort Municipality), 2020 BCCA 101, paragr. 39, 44 et 46.

[25]  Vavilov, supra, note 24, paragr. 143; Ville de Québec c. Galy, 2020 QCCA 1130, paragr. 44, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 18 février 2021, nº 39384.

[26]  Vavilov, supra, note 24, paragr. 143.

[27]  Vavilov, supra, note 24, paragr. 82, 89, 99, 105, 108, 137.

[28]  Catalyst Paper Corp. c. North Cowichan (District), 2012 CSC 2, [2012] 1 R.C.S. 5, paragr. 12, 24-25 [Catalyst Paper]. Voir également Ville de Mont-Saint-Hilaire c. 9193-4463 Québec inc., 2021 QCCA 1685, paragr. 74-76.

[29]  Catalyst Paper, supra, note 28, paragr. 19.

[30]  Immeubles Port Louis ltée c. Lafontaine (Village), [1991] 1 R.C.S. 326, p. 346 [Immeubles Port Louis]; R. c. Sharma, [1993] 1 R.C.S. 650, p. 668; R. c. Greenbaum, [1993] 1 R.C.S. 674, p. 687-688; Nanaimo (Ville) c. Rascal Trucking Ltd., 2000 CSC 13, paragr. 17; Catalyst Paper, supra, note 28, paragr. 11.

[31]  Catalyst Paper, supra, note 28, paragr. 16.

[32]  Id., paragr. 15.

[33]  Vavilov, supra, note 24, paragr. 108 citant Montréal (Ville) c. Administration portuaire de Montréal, 2010 CSC 14, paragr. 33.

[34]  Katz Group Canada Inc. c. Ontario (Santé et Soins de longue durée), 2013 CSC 64, paragr. 25 [Katz Group]; Références concernant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, 2021 CSC 11, paragr. 73 et 87, référant à Katz Group : « De plus, le pouvoir d’établir des règlements en vertu d’une clause Henry VIII n’est pas soustrait aux règles générales du droit administratif. Tout règlement établi de cette façon doit être conforme à la fois aux dispositions pertinentes de la loi habilitante et à l’objet dominant de celleci ».

[35]  Bricka, supra, note 23, paragr. 18-19.

[36]  Groupe Maison Candiac Inc. c. Canada (Procureur général), 2020 CAF 88, paragr. 29.

[37]  Katz Group, supra, note 34, paragr. 25.

[38]  Vavilov, supra, note 24, paragr. 99-100.

[39]  LAU, supra, note 10, art. 158-160.

[40]  Jugement entrepris, paragr. 170.

[41]  Katz Group, supra, note 34, paragr. 24. L’extrait de l’arrêt Vavilov auquel la juge réfère (Vavilov, paragr. 104) traite du contrôle d’une décision administrative dont « les motifs sont entachés d’erreurs manifestes sur le plan rationnel » et à l’égard de laquelle le juge réviseur s’est préalablement convaincu « qu’elle souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » (Vavilov, paragr. 100).

[42]  Katz Group, supra, note 34.

[43]  Jugement entrepris, paragr. 203.

[44]  Id., paragr. 205.

[45]  Id., paragr. 176.

[46]  Katz Group, supra, note 34, paragr. 27.

[47]  Id., paragr. 28.

[48]  Jugement entrepris, paragr. 176. La juge appuie son affirmation sur un commentaire du député De Bellefeuille lors de la présentation du projet de loi : Assemblée nationale, Commission permanente des affaires municipales, Journal des débats, 31e lég., 4e sess., vol. 21, n° 159, 16 août 1979, p. 7060 (P. De Bellefeuille). Toutefois, rien dans les art. 158 et s. LAU ne permet de restreindre le pouvoir du gouvernement de déclarer une ZIS dès lors que les conditions d’application qui y sont prévues sont satisfaites, lesquelles n’imposent pas que le problème doive ne pas pouvoir être réglé autrement.

[49]  Jugement entrepris, paragr. 229.

[50]  Id., paragr. 227.

[51]  Vavilov, supra, note 24, paragr. 100.

[52]  Pièce D-29, Mémoire au Conseil des ministres, 13 septembre 2021.

[53]  Jugement entrepris, paragr. 234.

[54]  Katz Group, supra, note 34, paragr. 27.

[55]  Jugement entrepris, paragr. 243.

[56]  Id., paragr. 247.

[57]  Id., paragr. 243 et 244.

[58]  Immeubles Port Louis, supra, note 30; R. c. Sharma, supra, note 30, p. 668; R. c. Greenbaum, supra, note 30, p. 687-688; Nanaimo (Ville) c. Rascal Trucking Ltd., supra, note 30, paragr. 17; Catalyst Paper, supra, note 28, paragr. 11.

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