COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL |
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(Division des relations du travail) |
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Dossier : |
AQ-2000-0830 |
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Cas : |
CQ-2008-3065 |
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Référence : |
2009 QCCRT 0286 |
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Québec, le |
2 juillet 2009 |
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DEVANT LA COMMISSAIRE : |
Hélène Bédard, juge administratif |
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Denis-Paul Lelièvre
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Plaignant |
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c. |
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Syndicat national des employés de la ville de
Port-Cartier (CSN) |
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Intimé |
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c. |
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Ville de Port-Cartier |
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Mise en cause |
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DÉCISION |
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[1] Le 16 juin 2008, Denis-Paul Lelièvre, le requérant, dépose une plainte dans laquelle il allègue que le Syndicat des employés de la Ville de Port-Cartier (CSN) (le Syndicat) a contrevenu à son endroit à l’article 47.2 du Code du travail (L.R.Q., c. C-27) lorsqu’il a refusé de le représenter pour contester son congédiement.
[2] Il demande à la Commission de déférer son grief à l’arbitrage, de l’autoriser à y être représenté par le procureur de son choix aux frais du Syndicat et d’ordonner à ce dernier de payer les frais encourus pour l’exercice du présent recours.
[3] Le plaignant commence à travailler pour la Ville de Port-Cartier (la Ville) en 1995 comme employé saisonnier. En avril 2000, il obtient un poste permanent de manœuvre au service des loisirs.
[4] Le Syndicat compte quelques soixante salariés. Le plaignant a été un des ses officiers entre 1999 et mai 2007. À ce titre, il a participé à la négociation de la convention collective en vigueur au moment de son congédiement.
[5] En avril 2005, il reçoit un avertissement écrit et est muté au service des travaux publics à la suite d’une plainte pour harcèlement psychologique concernant une altercation avec deux salariés au sujet d’une condition de travail qu’il avait négociée.
[6] En octobre 2005, il fait l’objet d’une suspension de cinq jours, qui sera par la suite réduite à deux jours, pour s’être emporté lors d’une discussion avec un contremaître au sujet du taux de rémunération d’heures de travail. Il est alors transféré dans un autre service de la Ville.
[7] Le plaignant est congédié le 18 janvier 2008 pour harcèlement et intimidation. Le 21 janvier, l’exécutif du Syndicat décide de ne pas contester ce congédiement et d’en faire la recommandation à son assemblée générale qui l’entérinera le 10 mars suivant.
[8] À la fin d’une assemblée syndicale tenue au mois de mai 2007, une collègue du plaignant (ci-après AB), informe le conseiller syndical Therrien qu’elle entend déposer une plainte de harcèlement psychologique.
[9] Le 28 mai, AB assistée de Lily Anne Leclerc, la secrétaire du syndicat, dépose un grief pour reprocher à l’employeur d’avoir omis de prendre des mesures pour que cesse le harcèlement qu’elle prétend subir au travail. Aucun présumé harceleur n’est identifié dans ce grief.
[10] On apprendra par la suite que ce grief vise le plaignant, un contremaître et un autre salarié (ci-après CD).
[11] AB dépose une réclamation à la CSST pour faire reconnaître une lésion professionnelle en raison du harcèlement subi au travail. Madame Leclerc l’assiste dans ses démarches. AB s’absente de son travail et ne l’a pas repris depuis.
[12] En juin 2007, le conseiller syndical discute au sujet du grief avec le plaignant. Celui-ci refuse de le rencontrer en présence de madame Leclerc qui travaille avec AB et qui l’assiste dans son grief.
[13] Le plaignant mentionne alors au conseiller syndical que, selon lui, AB est effectivement victime de harcèlement, mais que ce n’est pas au travail; il identifie les auteurs de ce harcèlement. Par ailleurs, le plaignant reconnaît certains incidents qu’aurait dénoncés AB qui seraient survenus dans la salle de pause et au « skate park », mais il précise qu’il n’a jamais harcelé AB.
[14] De son côté, le 30 août, la Ville informe AB et le conseiller syndical Therrien qu’elle entreprend une enquête pour faire la lumière sur la situation de harcèlement dénoncée par le grief de AB. Elle confie le mandat d’enquêter à la firme CEPRO.
[15] Le 10 octobre, l’enquêtrice de la firme CEPRO rencontre AB qui est alors accompagnée du conseiller syndical Therrien. Son rôle est d’assister AB lors de cette rencontre qui dure près de deux heures trente minutes. Il constate alors que AB est crédible. Elle rapporte des incidents au sujet des trois présumés harceleurs qui remontent à l’année 2004 jusqu’au printemps 2007. Monsieur Therrien aura d’autres discussions avec AB par la suite.
[16] L’enquêtrice rencontre aussi les trois présumés harceleurs et d’autres salariés témoins des événements. Au total, elle rencontrera 17 personnes le 10 octobre et le 9 novembre 2007. Elle remettra son rapport à la Ville au mois de janvier 2008.
[17] L’enquêtrice conclut que AB a été victime de harcèlement de la part du plaignant et que CD et le contremaître ont contribué à ce harcèlement.
[18] Parallèlement à cette enquête de l’employeur, le Syndicat tient sa propre enquête au cours du mois d’octobre. Le comité d’enquête syndical est composé de monsieur Therrien et de la secrétaire Leclerc.
[19] Pendant deux journées au mois d’octobre, ils rencontrent les quinze témoins identifiés par AB. Ils ne précisent pas aux témoins qui sont les personnes visées par l’enquête ni le nom de la plaignante. Ils veulent couvrir « large » en leur demandant s’ils ont été témoins de violence verbale au travail ou d’agressivité.
[20] Le plaignant refuse de se présenter devant le comité d’enquête parce que la secrétaire Leclerc, collègue de travail de AB, en fait partie. Il questionne le conseiller Therrien sur les motifs justifiant sa présence plutôt que celle du président du Syndicat monsieur Gagné. La secrétaire Leclerc ne verrait aucun problème d’objectivité pour conduire l’enquête.
[21] Selon monsieur Therrien, il ressort de cette enquête que le plaignant s’est présenté plusieurs fois au service des loisirs alors qu’il ne devait pas y aller à moins que son travail le nécessitait, qu’il faisait sentir sa présence, qu’il avait des regards menaçants, qu’un samedi après-midi au mois de février 2007, il s’est emporté en présence de AB à la salle de pause et qu’au mois de mai au « skate park », il a fait une blague méprisante à l’endroit de AB concernant la femme du vendeur de crabes.
[22] Au terme de leur enquête, monsieur Therrien et madame Tremblay concluent que la salariée AB a été victime de harcèlement de la part du plaignant.
[23] En novembre 2007, une rencontre des membres de l’exécutif avec monsieur Therrien est prévue pour faire le point sur l’enquête syndicale. Le plaignant doit y assister. Toutefois, cette rencontre est annulée parce que monsieur Therrien est malade. Cette rencontre ne sera pas reportée.
[24] En janvier, lorsque monsieur Therrien et la secrétaire Leclerc prennent connaissance des résultats de l’enquête de l’employeur, ils constatent que leurs conclusions sont semblables.
[25] Le 18 janvier, le plaignant est congédié et CD est suspendu pour 20 jours en raison de leurs conduites harcelantes. Le contremaître, qui serait aussi visé par le grief de harcèlement, a alors démissionné de son emploi.
[26] Le 21 janvier, les sept membres de l’exécutif syndical se rencontrent au sujet des mesures prises à l’endroit du plaignant et de CD. Le conseiller syndical Therrien fait alors état des événements. Il explique la définition de harcèlement psychologique prévue à la Loi sur les normes du travail, relate le déroulement de l’enquête syndicale et ses conclusions. Il fait aussi référence à l’enquête tenue par la Ville.
[27] Monsieur Therrien aborde alors le fait que, lors d’un éventuel arbitrage, le Syndicat devra défendre le plaignant ou la salariée AB. On doit donc faire le choix de représenter AB ou le plaignant.
[28] Après discussions, les membres de l’exécutif prennent les décisions suivantes tel qu’elles apparaissent au procès-verbal au sujet du plaignant et de CD :
« Compte tenu du résultat de l’enquête l’exécutif recommande de ne pas soutenir le dépôt du grief pour le congédiement du salarié #225 (le plaignant)
M. Thérien nous fait un débat sur l’enquête il nous suggère d’appuyer le grief du salarié #217 (CD) pour temps excessif et suspension abusive. »
[29] À l’audience, monsieur Therrien explique les éléments qui distinguent le cas du plaignant de celui de CD. Ainsi, les faits ayant conduit au congédiement constituent une récidive pour le plaignant compte tenu de la suspension imposée en 2005. L’enquête démontre qu’il s’est livré à du harcèlement qu’il a refusé de reconnaître au mois de juin précédent. Quant à CD, il aurait seulement participé au harcèlement; la mesure prise à son égard par la Ville est trop sévère et on a donc décidé de contester la sévérité de la mesure.
[30] Au lendemain de la réunion de l’exécutif, le président Gagné informe le plaignant par téléphone de la décision prise de ne pas le représenter pour contester son congédiement.
[31] Le 25 janvier, le plaignant dépose lui-même un grief pour contester son congédiement, grief que le président Gagné reçoit et contresigne.
[32] Après que le plaignant ait contacté le président Gagné, à la demande de ce dernier, le conseiller Therrien téléphone au plaignant le 11 février. Le plaignant lui mentionne qu’il n’est pas d’accord avec les résultats de l’enquête car les dés étaient pipés dès le départ. Il précise qu’il n’a jamais harcelé AB.
[33] Pour le conseiller Therrien, tant que l’assemblée générale du Syndicat n’a pas entériné la recommandation de l’exécutif de ne pas défendre le plaignant, on peut changer de position. Une assemblée générale doit être tenue le 10 mars; jusqu’à cette date, la porte est ouverte pour lui.
[34] Un vendredi vers 15h00, à une date non spécifiée au cours de l’hiver, le président Gagné, à la demande de monsieur Therrien, téléphone au plaignant pour qu’il vienne les rencontrer pour s’expliquer à 17h00 à Port-Cartier. Le plaignant répond qu’il est sur le point de quitter la ville pour se rendre à Sept-Iles avec son épouse en raison d’obligations personnelles; il ne pourra pas être présent. Cette rencontre ne sera pas reportée.
[35] Le 25 février 2008, le président et vice-président transmettent une lettre préparée par le conseiller Therrien pour confirmer au plaignant que, par un vote unanime de l’exécutif pris le 21 janvier, « nous sommes venus à la conclusion de ne pas poursuivre la défense de ce dossier ».
[36] Le 10 mars, l’assemblée générale du Syndicat entérine la recommandation de l’exécutif de ne pas représenter le plaignant pour contester son congédiement. Selon monsieur Therrien, le plaignant aurait pu venir défendre sa position, mais il ne s’est pas présenté. On présume qu’il avait connaissance qu’une assemblée générale avait lieu à cette date.
[37] La Commission doit déterminer si le Syndicat a manqué à son devoir de représentation à l'endroit du plaignant en ne déférant pas à l’arbitrage son grief contestant son congédiement imposé le 18 janvier 2008.
[38] L'article 47.2 du Code du travail impose au Syndicat l'obligation de représenter tout salarié inclus dans l'unité de négociation d'une manière exempte de mauvaise foi, d'arbitraire, de discrimination et en ne faisant pas preuve de négligence grave.
[39] Selon la jurisprudence, un salarié n'a pas un droit absolu à la procédure d'arbitrage puisqu'un syndicat jouit d'une certaine latitude pour décider s'il portera une réclamation devant un arbitre. Cependant, cette latitude doit être exercée sérieusement. Dans l'arrêt Guilde de la marine marchande c. Gagnon (1984) 1 R.C.S. 509 ), arrêt de référence en la matière, la Cour suprême encadre la discrétion syndicale :
« (…)
3. Cette discrétion doit être exercée de bonne foi, de façon objective et honnête, après une étude sérieuse du grief et du dossier, tout en tenant compte de l'importance du grief et des conséquences pour le salarié, d'une part, et des intérêts légitimes du syndicat d'autre part.
(…) »
[40] L'exercice du devoir de représentation requiert donc une analyse sérieuse et objective du dossier et l'intensité de ce devoir peut varier selon l'importance de la situation pour le salarié concerné.
[41] Le rôle de la Commission en cette matière n’est pas de substituer son opinion à la décision prise par un syndicat de ne pas porter un grief à l’arbitrage. Il est plutôt de s’assurer que cette décision résulte bien d’un examen sérieux et non d’un acte arbitraire, de mauvaise foi de discrimination ou de négligence grave. (Syndicat national des employé(e)s du Centre de soins prolongés Grace Dart (CSN) c. Hollin-Richards 2006 QCCA 158 ).
[42] Dans la présente affaire, le Syndicat est confronté au fait que deux salariés, inclus dans son unité de négociation, le plaignant et AB, sont mis en cause et ont des intérêts divergents. La Ville impose la mesure ultime au plaignant en le congédiant pour assurer un milieu de travail exempt de harcèlement à AB. La situation est délicate pour le Syndicat qui a le devoir de représenter, jusqu’à un certain point, les deux salariés concernés.
[43] Dans Yossofai c Syndicat des travailleurs du Ritz-Carlton ( D.T.E 2003T-73 ) qui porte sur la représentation syndicale lors d’un congédiement pour harcèlement sexuel - ce qui n’est pas le cas ici - le Tribunal du travail tient les propos suivants :
« [19] Un congédiement pour motif de harcèlement sexuel constitue l'une des plus graves sanctions à laquelle un employé peut être sujet, compte tenu des répercussions sur sa famille et son entourage. C'est pourquoi son association se doit d'être extrêmement vigilante et attentive dans la prise de décision d'en contester ou non le bien-fondé. Non seulement doit-on mener l'enquête syndicale avec rigueur et objectivité mais se montrer ouvert et réceptif à toute explication fournie par le salarié et, s'il y a le moindre doute, laisser un tiers trancher le tout, dans un débat contradictoire où la vérité risque de sortir.»
(Soulignements ajoutés.)
[44] C’est à ce même niveau d’intensité que le Syndicat était assujetti dans l’exercice de son devoir de représentation à l’endroit du plaignant. Il devait faire preuve de vigilance, de transparence et d’un haut niveau d’objectivité dans sa démarche décisionnelle de représenter ou non l’un ou l’autre des salariés concernés. Ce qu’il n’a pas fait dans le cas du plaignant.
[45] D’abord, jusqu’au mois de mai 2007, le plaignant est un officier syndical bien connu des membres et de la direction de la Ville. D’ailleurs, à ce titre, il a eu certains démêlés avec le personnel de direction et avec ses collègues de travail. Par ses actions, le plaignant dérange. Cela ne le rend pas intouchable, mais cela aurait dû inciter le Syndicat à agir avec beaucoup de vigilance et prudence pour lui assurer une juste représentation quand il a appris qu’il était visé par le grief de harcèlement.
[46] Ensuite, la Commission constate, qu’à compter de la dénonciation de la situation de harcèlement par AB jusqu’à la décision de ne pas représenter le plaignant, les intervenants syndicaux sont les mêmes. C’est le conseiller Therrien ou la secrétaire Tremblay qui assiste AB dans la rédaction du grief, dans ses démarches auprès de la CSST et l’accompagne lors de l’enquête de l’employeur.
[47] Ce sont ces deux mêmes acteurs qui tiendront l’enquête syndicale pour déterminer s’il y a harcèlement dans le milieu de travail de AB et du plaignant et font les recommandations à l’exécutif syndical. Compte tenu des circonstances particulières, cette confusion dans les rôles laisse apparaître un doute concernant l’objectivité du comité d’enquête syndicale.
[48] Lorsque le plaignant questionne la présence de la secrétaire Leclerc sur le comité d’enquête, on ne voit pas de problème concernant son objectivité malgré son rôle auprès de AB. En dépit du refus du plaignant de se présenter devant ce comité, on ne remet pas en cause sa composition.
[49] Le doute concernant l’objectivité des intervenants syndicaux aurait pu s’estomper s’il n’était pas apparu d’autres irrégularités dans la démarche syndicale lors des événements subséquents.
[50] En novembre 2007, l’exécutif du syndicat doit se réunir et rencontrer le plaignant au sujet de l’enquête qui vient d’être complétée. Cette rencontre sera annulée pour des motifs qui ne sont pas liés au plaignant, mais elle ne sera pas reportée. Il n’y aura donc aucune rencontre ni discussion avec le plaignant relative au résultat de l’enquête syndicale.
[51] Lorsqu’il est congédié le vendredi 18 janvier, on ne fait aucune démarche pour le contacter. Dès le lundi qui suit, l’exécutif syndical se réunit pour prendre une décision à son sujet. Sans le moindre échange avec lui, l’exécutif décide de ne pas le représenter et d’en faire la recommandation à l’assemblée générale des membres. De façon sommaire et sans avis, on lui retire tout recours relatif à son congédiement.
[52] À l’audience, le Syndicat justifie sa position par le fait que les deux enquêtes concluent que le plaignant aurait harcelé AB et qu’il avait eu une mesure disciplinaire en 2005. Aussi, le plaignant n’aurait pas reconnu les gestes reprochés. Le Syndicat devait choisir de représenter le plaignant ou AB, on a choisit cette dernière.
[53] Rappelons toutefois, qu’en plus de congédier le plaignant, la Ville impose une suspension de 20 jours à CD en raison de son implication dans le harcèlement. Toutefois, le Syndicat traite le plaignant de façon différente de CD qui serait aussi présumé harceleur. Ce traitement différent et inégal étonne.
[54] Bien que son implication dans le harcèlement présumé puisse ne pas être la même que celle du plaignant, le Syndicat décide de représenter CD pour contester la suspension de vingt jours vu sa sévérité, sans toutefois invoquer qu’on doit choisir entre lui ou AB comme il le fait à l’égard du plaignant. Pourtant, selon la preuve, les faits qui leurs sont tous deux reprochés sont les mêmes.
[55] Pour sa part, le plaignant reçoit la sanction ultime, le congédiement. Trois jours plus tard, le Syndicat décide de ne pas le représenter sans même se questionner sur la sévérité de cette mesure comme il le fait pour CD et sans faire la moindre démarche pour connaître sa position ni ses arguments concernant son congédiement. Cette décision prise de façon expéditive laisse paraître un parti pris contre le plaignant.
[56] Le plaignant a d’ailleurs mentionné au conseiller Therrien qu’il lui semblait que les dés étaient truqués à l’avance. Malheureusement, c’est un peu ce que la trame factuelle établit.
[57] Le Syndicat allègue que le plaignant a fait défaut de collaborer avec lui. Pour la Commission, on ne peut parler d’un véritable manque de collaboration lorsqu’un syndicat évite ou néglige, pour des raisons obscures, de rencontrer ou de discuter avec un salarié qui vient d’être congédié. Selon la preuve, c’est le plaignant qui initie les quelques discussions avec le président et le conseiller syndical. Aussi, les deux rencontres qui sont annulées pour des motifs valables ne seront jamais reportées.
[58] Enfin, la prétention du Syndicat voulant que le plaignant puisse faire renverser la recommandation de l’exécutif à l’assemblée générale à laquelle il n’a jamais été convié est peu sérieuse dans les circonstances.
[59] Le Syndicat n’avait certes pas l’obligation de représenter le plaignant à l’arbitrage. Une telle décision aurait pu être légitime si elle avait été prise après un examen attentif, sérieux et objectif de la situation.
[60] Mais ici, s’agissant d’un congédiement et bien que cette mesure oppose deux salariés, les irrégularités relevées dans la démarche du Syndicat établissent qu’il a fait preuve d’un manque de rigueur et d’objectivité à l’endroit du plaignant. Celui-ci a été ainsi privé du droit de contester sa fin d’emploi à la suite d’une décision arbitraire de son Syndicat.
[61] En raison de ce comportement arbitraire, le Syndicat a manqué à son obligation de représentation, la plainte est donc accueillie.
[62] Le plaignant est autorisé, conformément à l’article 47.5 du Code du travail, à soumettre, aux frais du Syndicat, sa réclamation à un arbitre comme s’il s’agissait d’un grief, laquelle réclamation vise à contester son congédiement du 18 janvier 2008.
[63] Puisque la Commission considère que le Syndicat n’a pas fait preuve d’objectivité à l’endroit du plaignant et que le congédiement est de nature disciplinaire, le plaignant pourra se faire représenter par un avocat de son choix aux frais du Syndicat.
[64] De plus, il y a lieu de réparer le préjudice direct subi par le plaignant qui résulte de la contravention à l’article 47.2 du Code du travail. Le Syndicat devra lui rembourser les frais juridiques raisonnables encourus pour exercer le présent recours.
EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail
ACCUEILLE la plainte;
AUTORISE Denis-Paul Lelièvre à soumettre sa réclamation à un arbitre nommé par le ministre du Travail, aux frais du Syndicat national des employés de la ville de Port-Cartier (CSN), pour décision selon la convention collective comme s’il s’agissait d’un grief;
AUTORISE Denis-Paul Lelièvre à se faire représenter à cette fin, aux frais du Syndicat national des employés de la ville de Port-Cartier (CSN), par le procureur de son choix;
ORDONNE au Syndicat national des employés de la ville de Port-Cartier (CSN) de payer à Denis-Paul Lelièvre, sur présentation d’un état de compte et, le cas échéant, des pièces justificatives, les sommes raisonnables encourues pour exercer le présent recours;
RÉSERVE sa compétence pour régler toute difficulté résultant de la présente ordonnance.
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__________________________________ Hélène Bédard |
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Me Claire Lévesque |
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DESROSIERS & ASSOCIÉS |
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Représentante du plaignant |
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Me Edward Kravitz |
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Représentant de l’intimé |
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Me Michel Claveau |
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CAIN, LAMARRE, CASGRAIN, WELLS |
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Représentant de la mise en cause |
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Date de la dernière audience : |
25 mai 2009 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.