Décision

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Environnement Jeunesse c. Procureur général du Canada

2019 QCCS 2885

JM2455

 
 COUR SUPÉRIEURE

(Chambre des actions collectives)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N° :

500-06-000955-183

 

DATE :

 Le 11 juillet 2019

 

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE Gary D.D. Morrison, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

ENVIRONNEMENT JEUNESSE

            Requérante

 

c.

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

            Intimé

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

 

1-           APERÇU

[1]           La requérante, Environnement Jeunesse (« Jeunesse »), demande l’autorisation d’exercer une action collective contre l’intimé, le Procureur général du Canada, lequel agit à titre de représentant du gouvernement du Canada (le « Canada »).

[2]           L’action collective proposée vise une déclaration du Tribunal que le gouvernement du Canada viole les droits fondamentaux des membres du groupe en omettant de mettre en place les mesures nécessaires pour limiter le réchauffement planétaire.

[3]           Les autres conclusions recherchées par ladite action consistent en une ordonnance au Canada de cesser ses atteintes aux droits fondamentaux des membres du groupe, une condamnation à payer 100 $ par membre à titre de dommages-intérêts, non pas compensatoires mais punitifs, et, au lieu du paiement aux membres, une ordonnance pour la mise en place de mesures réparatrices pour contribuer à freiner le réchauffement climatique, ainsi que toute autre réparation que le Tribunal estime qu’il serait approprié d’imposer au Canada pour assurer le respect des droits fondamentaux des membres du groupe putatif.

2-           CONTEXTE

[4]           Jeunesse se décrit comme un organisme sans but lucratif, créé en 1979, principalement constitué et animé par des jeunes, voué à l’éducation de la jeunesse québécoise relativement aux enjeux environnementaux et ayant pour mission de donner la parole aux jeunes à cet égard.  Elle prétend travailler sur la question des changements climatiques depuis bientôt 30 ans. 

[5]           Depuis 2016, la directrice générale de Jeunesse est Mme Catherine Gautier.  En 2005, à l’âge de 16 ans et comme membre de la délégation du Canada, cette dernière s’adresse aux délégués de la Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (« CCNUCC »).

[6]           Deux ans plus tard, Mme Gauthier prononce un discours à l’Assemblée générale de l’ONU.  Par la suite, entre 2007 et 2018, elle participe à environ neuf conférences internationales sur les changements climatiques.

[7]           Jeunesse demande qu’on lui attribue le statut de représentante, avec Catherine Gauthier comme membre désigné, aux fins d’exercer l’action collective pour le compte des personnes décrites comme suit :

Tous les résidents du Québec âgés de 35 ans et moins en date du 26 novembre 2018.

3-           PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

A)     Jeunesse

[8]           Jeunesse plaide que le Canada génère de manière disproportionnée environ 1,6% des gaz à effet de serre (« GES ») mondiaux, et ce, même si la population canadienne ne représente qu’environ 0,5% de celle mondiale, étant ainsi considéré comme un des plus grands producteurs de GES au monde.

[9]           Elle prétend que depuis 1992, après que le Canada ait ratifié la CCNUCC, le gouvernement fédéral canadien n’a jamais établi de cibles de réduction d’émissions de GES adéquates et nécessaires au freinage du réchauffement climatique et à la protection de la vie et de la sécurité des générations futures.

[10]        En effet, Jeunesse plaide l’incapacité du Canada à satisfaire à ses engagements en vertu du Protocole de Kyoto de 1997.

[11]        Dans son rapport de mars 2018[1], le Bureau du vérificateur général du Canada confirme que le Canada a déjà raté deux cibles distinctes de réduction des émissions de GES et, de plus, qu’il « ratera probablement » aussi celle de 2020 établie en 2009 par l’Accord de Copenhague.

[12]        Selon Jeunesse, même les cibles adoptées par le Canada dans le contexte des ententes internationales sont inadéquates et insuffisantes.

[13]        Elle qualifie le comportement du Canada comme étant grossièrement inadéquat, irresponsable, négligent et fautif.  Considérant également que le Canada reconnaît les risques et dangers de ne pas agir pour réduire les émissions de GES et limiter le réchauffement climatique[2], son inaction constitue de la mauvaise foi et représente des atteintes illicites et intentionnelles aux droits fondamentaux protégés par la Charte canadienne des droits et libertés[3] (« Charte canadienne ») et, au Québec, la Charte des droits et libertés de la personne[4] (« Charte québécoise »).

[14]        Selon Jeunesse, ce comportement du Canada constitue une faute en droit civil québécois auquel s’était soumis le gouvernement fédéral en adoptant la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif[5] (« L.R.C.É. »).  Cette prétendue faute, plaide-t-elle, est intentionnelle.

[15]        Jeunesse plaide donc que, dans les circonstances, sa demande satisfait aux critères applicables et que le Tribunal devrait autoriser son action collective.

B)     L’intimé

[16]        L’intimé plaide d’abord que l’action collective n’est pas le véhicule procédural approprié pour une demande déclaratoire de cette nature et qu’une simple demande par une seule personne aurait exactement les mêmes effets, tout comme dans le cas des demandes en annulation d’un règlement municipal[6].  Autrement dit, si un tribunal devait constater une violation aux droits fondamentaux et ordonner au Canada de cesser toute violation, une telle ordonnance demandée par une seule personne serait bénéfique de la même façon pour tous les québécois et québécoises, sans qu’il y ait nécessité d’agir par la voie d’une action collective.

[17]        Au soutien de sa position, l’intimé ajoute que la réclamation en dommages-intérêts punitifs est manifestement mal fondée, car les allégations voulant que le Canada soit de mauvaise foi et qu’il viole intentionnellement les droits fondamentaux sont des conclusions purement légales et non pas factuelles.  En effet, selon lui, il n’existe aucune allégation factuelle dans la demande de Jeunesse qui pourrait justifier de telles conclusions.

[18]        De plus, l’intimé exprime l’avis que le Tribunal n’aurait pas compétence pour rendre les ordonnances recherchées, car il s’agirait d’une ingérence dans la sphère politique, notamment dans les domaines législatif et exécutif de l’État.  Selon lui, les questions soulevées par l’action proposée seraient injusticiables, et ce n’est pas parce que la demande est fondée sur les Chartes qu’elle deviendrait justiciable.

[19]        Les tribunaux au Canada, plaide-t-il, n’auraient pas non plus compétence d’ordonner le dépôt de projets de loi et leur adoption par le Parlement sans contrevenir aux principes de séparation des pouvoirs et de la souveraineté parlementaire. 

[20]        En outre, l’intimé prétend que le domaine de l’environnement est de compétence partagée, n’étant pas exclusivement attribué au fédéral par la Constitution canadienne[7].  Donc, selon lui, les deux ordres de gouvernement, fédéral et provincial, sont appelés à agir de concert aux niveaux législatif et règlementaire, comme ils le font déjà parfois dans le cadre de négociations fédérales-provinciales[8].  À cet égard, le Canada ne peut cesser à lui seul les prétendues atteintes aux droits fondamentaux.

[21]        Finalement, l’intimé conteste l’action collective en raison du fait que les critères applicables en vertu de l’article 575 C.P.C. ne seraient pas satisfaits, et ce, à cause d’une variété d’autres raisons.

[22]        Pour ces raisons, il demande le rejet de la demande en autorisation de l’action collective en l’espèce.

4-           DROIT APPLICABLE À L’AUTORISATION D’UNE ACTION COLLECTIVE

[23]        Le tribunal autorise l’exercice d’une action collective et attribue le statut de représentant s’il est d’avis que les critères établies à l’article 575 C.P.C. sont satisfaits.  Cet article se lit comme suit :

Le tribunal autorise l’exercice de l’action collective et attribue le statut de représentant au membre qu’il désigne s’il est d’avis que:

1°  les demandes des membres soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes;

2°  les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées;

3°  la composition du groupe rend difficile ou peu pratique l’application des règles sur le mandat d’ester en justice pour le compte d’autrui ou sur la jonction d’instance;

4°  le membre auquel il entend attribuer le statut de représentant est en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres.

[24]        L’action collective ne constitue pas un régime exceptionnel ou du droit substantif, mais plutôt un simple moyen procédural qui favorise l’accès à la justice par un groupe dans le but d’éviter, à des fins d’économie et de proportionnalité, une multiplication de recours individuels similaires.  La définition du groupe et l’identité des membres putatifs sont des éléments importants.

[25]        L’autorisation d’une action collective est une étape de filtrage.  Le requérant porte le fardeau de démonstration, aussi décrit comme un fardeau de logique, et non de preuve.  Il doit établir une apparence sérieuse de droit, un droit prima facie ou une cause défendable.  Dans l’arrêt Infineon[9], sous la plume des juges Lebel et Wagner, la Cour suprême du Canada décrit le fardeau d’un requérant ainsi :

Comme nous pouvons le constater, la terminologie peut varier d’une décision à l’autre.  Mais certains principes bien établis d’interprétation et d’application de l’art. 1003 C.p.c. se dégagent de la jurisprudence de notre Cour et de la Cour d’appel.  D’abord, comme nous l’avons déjà dit, la procédure d’autorisation ne constitue pas un procès sur le fond, mais plutôt un mécanisme de filtrage.  Le requérant n’est pas tenu de démontrer que sa demande sera probablement accueillie.  De plus, son obligation de démontrer une « apparence sérieuse de droit », « a good colour of right » ou « a prima facie case » signifie que même si la demande peut, en fait, être ultimement rejetée, le recours devrait être autorisé à suivre son cours si le requérant présente une cause défendable eu égard aux faits et au droit applicable.

[26]        Donc, à cette étape procédurale, le Tribunal ne décide pas du bien-fondé de l’action au fond du litige[10].  Par contre, il refuse les demandes qui ne sont pas défendables ou qui sont frivoles[11], manifestement mal fondées, insoutenables ou sans apparence sérieuse de droit, toutes ces expressions voulant sensiblement dire la même chose.

[27]        S’agissant d’une étape où le requérant ne porte que le fardeau de démonstration, les faits allégués sont tenus pour avérés[12].  Il faut préciser que seuls les « faits » sont ainsi tenus pour avérés et non pas les inférences, les conclusions, les hypothèses non vérifiées, les arguments juridiques ou les opinions[13].

[28]        De plus, les faits essentiels au syllogisme légal en demande doivent être allégués de façon suffisamment précise pour être tenus pour avérés.  Ils ne peuvent être vagues, généraux ou imprécis[14].  Lorsque les allégations ne sont pas suffisamment précises, elles doivent généralement être accompagnées d’une certaine preuve afin d’établir une cause défendable[15].

[29]        L’action collective proposée par un requérant doit également soulever des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes à celles des membres du groupe.  Cela dit, la jurisprudence démontre qu’il ne s’agit pas d’une exigence très difficile à satisfaire, car même l’existence d’une seule question a été reconnue comme suffisante[16].

[30]        En outre, la composition du groupe doit justifier l’action collective en comparaison avec les actions individuelles, le législateur québécois voulant faciliter l’accès à la justice en évitant la redondance procédurale.

[31]        Finalement, le membre qui veut agir comme représentant doit être en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres.  Ce n’est généralement pas un critère difficile à satisfaire.  Cela dit, ce membre, ou dans certains cas le membre désigné, doit démontrer qu’il fait partie du groupe putatif et que sa réclamation personnelle constitue une cause défendable.

[32]        Passons maintenant à l’étape de l’analyse.

5-           ANALYSE :   Nature de l’action collective proposée par Jeunesse

[33]        Avant même de procéder à l’analyse des critères applicables en vertu de l’article 575 C.P.C., le Tribunal estime qu’il serait approprié de traiter la question de la nature de l’action collective proposée par Jeunesse.  En effet, l’article 574 C.P.C. stipule que la demande d’autorisation doit en faire mention.

[34]        Généralement, la description de la nature de l’action ne sollicite pas énormément de commentaires ou de débats à l’étape de l’analyse d’une action collective.  Or, en l’espèce, c’est la nature même de la demande qui est au cœur du débat juridique.

[35]        L’action collective proposée ne vise pas à invalider une partie ou la totalité d’une loi ou d’un règlement canadien.  Elle ne vise pas non plus l’octroi de dommages compensatoires.

[36]        Selon Jeunesse, le « principal remède recherché » est déclaratoire par nature. De ce fait, elle demande à ce que le Tribunal reconnaisse qu’il y a eu violation par le Canada de certains droits constitutionnels des membres du groupe.

[37]        Et, il y a plus.

[38]        L’action proposée est également de nature injonctive et dissuasive en raison de l’ordonnance recherchée de cesser la prétendue violation et de la condamnation en dommages-intérêts punitifs.

[39]        En ce qui concerne les dommages-intérêts punitifs, Jeunesse ne demande pas à ce que de l’argent soit réellement payé aux membres.  Il s’agit plutôt d’une réclamation au montant de 100 $ par membre, avec un nombre de membres estimé à plus de 3 millions de personnes.  Reconnaissant que le paiement de plus de 300 millions de dollars aux membres serait impraticable ou trop onéreux, Jeunesse demande au Tribunal d’ordonner la mise en place « d’une mesure réparatrice » pour continuer de freiner le réchauffement climatique, sans ajouter d’autres détails ou modalités.

6-           ANALYSE :  La justiciabilité des questions en litige

[40]        Avant de commencer l’analyse, le Tribunal souligne l’importance indubitable du sujet que soulève la demande de Jeunesse, soit la protection de l’environnement, en citant quelques passages de la décision de la juge Claire L’Heureux-Dubé en 2001 dans l’arrêt 114957 Canada Ltée (Spraytech, Société d’arrosage) c. Hudson (Ville)[17] :

1     Le contexte de ce pourvoi nous invite à constater que notre avenir à tous, celui de chaque collectivité canadienne, dépend d’un environnement sain.  (…).  Notre Cour a reconnu que « [n]ous savons tous que, individuellement et collectivement, nous sommes responsables de la préservation de l’environnement naturel (…) la protection de l’environnement est (…) devenue une valeur fondamentale au sein de la société canadienne » (…).

3     (…).  S’exprimant au nom de la majorité dans R. c. Hydro-Québec, [1997] 3 R.C.S. 213, par. 127, le juge La Forest écrit que « la protection de l’environnement est un défi majeur de notre époque.  C’est un problème international qui exige une action des gouvernements de tous les niveaux » (je souligne).

[41]        Quelque vingt ans plus tard, ces énoncés sont devenus plus importants et leur message plus urgent.

[42]        Bien que le Tribunal pourrait partager entièrement les énoncés cités ci-dessus, son rôle à ce stade se limite à déterminer si l’action collective telle que proposée devrait être autorisée en conformité avec les principes légales applicables.

[43]        Certes, l’action collective peut, comme procédure, servir à assurer le respect des lois et règlements en vigueur dans le domaine environnemental et de « la mise en œuvre des protections conférées par les lois contre les différentes nuisances environnementales »[18].

[44]        Mais, cela ne veut pas dire qu’une action collective devrait automatiquement être autorisée chaque fois que le sujet important de la protection de l’environnement est soulevé dans les procédures.  L’autorisation n’est pas garantie seulement parce que le sujet de l’action est important.

[45]        Donc, la question à se poser est de savoir si l’action collective telle que formulée devrait être autorisée.  En l’espèce, il faut d’abord analyser l’argument de l’intimé et déterminer si les questions soulevées par cette action sont justiciables.

a)        La violation des droits selon la Charte canadienne

[46]        L’intimé plaide que le Tribunal ne devrait pas autoriser la demande de Jeunesse, car elle soulèverait des questions non justiciables qui sont à l’abri du contrôle judiciaire.

[47]        À cet égard, l’intimé a raison de prétendre que le choix du véhicule procédural en matière d’action collective ne confère pas à la Cour supérieure une compétence rationae materiae qu’elle n’aurait pas autrement[19].  La jurisprudence est sans ambiguïté à cet égard.  La compétence exclusive pour entendre les actions collectives est de nature procédurale et non substantive.

[48]        Cela dit, en quoi consiste la doctrine de justiciabilité que plaide l’intimé?

[49]        Cette doctrine soulève la question « du rôle légitime du pouvoir judiciaire et de ses rapports constitutionnels avec les autres branches du gouvernement »[20].  Elle est fondée « sur une préoccupation à l’égard du rôle approprié des tribunaux en tant que tribune pour résoudre divers genres de différends »[21].  Cette doctrine se trouve au cœur de la séparation des pouvoirs constitutionnels et se distingue de celle portant sur l’immunité.

[50]        Dans les cas qui relèvent du domaine de la Charte canadienne, la justiciabilité des questions litigieuses doit être décidée par les tribunaux en conformité avec l’article 1[22], lequel se lit comme suit :

La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique.

[51]        Donc, dans le contexte de la Charte canadienne, qui fait partie intégrante de la Constitution du Canada (« Constitution »), les tribunaux doivent décider des limites de la justiciabilité des questions.  C’est dans ce contexte que l’adoption de la Charte canadienne a, dans une large mesure, fait passer le système canadien du gouvernement « de la suprématie parlementaire à la suprématie constitutionnelle »[23].  Ainsi, la Charte canadienne a un effet direct sur l’analyse de la question de justiciabilité.

[52]        En l’espèce, dans le contexte de la prétendue violation des droits reconnus par la Charte canadienne, nous nous situons donc dans le domaine de la suprématie constitutionnelle.

[53]        Tel que mentionné, Jeunesse n’attaque pas la validité d’une partie ou de la totalité d’une loi ou d’un règlement.  Ce que Jeunesse critique est le fait que le Canada n’aurait sciemment jamais établi de cibles de réduction d’émissions de GES adéquates et nécessaires au freinage du réchauffement climatique et à la protection de la vie et de la sécurité des générations futures.  Cela est l’essentiel de sa demande. 

[54]        Elle ajoute que non seulement le Canada a adopté certaines cibles insuffisantes et inadéquates dans le cadre de conventions internationales, mais qu’il n’a même pas satisfait à telles cibles.

[55]        Les prétentions de Jeunesse quant aux choix et décisions du Canada semblent, à ce stade, viser l’exercice du pouvoir exécutif, tandis que l’ordonnance recherchée pour que cesse toute violation des droits fondamentaux, selon l’intimé, semble être lié au processus législatif.

[56]        De manière générale, les tribunaux n’interviennent pas dans l’exercice du pouvoir exécutif.  Mais, lorsqu’il s’agit d’une prétendue violation des droits garantis par la Charte canadienne, un tribunal ne devrait pas décliner sa compétence sur la base de la doctrine de justiciabilité.

[57]        Dans l’arrêt Opération Dismantle[24], le juge en chef Dickson, au nom de la majorité, s’exprime ainsi :

63.  Il est opportun à ce stade de nous rappeler la question que doit trancher la Cour. Il est vrai, bien entendu, que le Parlement fédéral détient une compétence législative exclusive en matière de défense en vertu du par. 91(7)  de la Loi constitutionnelle de 1867  et aussi que l'Exécutif fédéral possède les pouvoirs que lui confèrent les art. 9 à 15 de cette loi. En conséquence, s'il était simplement demandé à la Cour d'exprimer une opinion sur la sagesse de l'exercice des pouvoirs de l'Exécutif en matière de défense en l'espèce, la Cour devrait refuser d'y répondre. Elle ne peut substituer son opinion à celle de l'Exécutif à qui la Constitution attribue le pouvoir décisionnel. Comme l'effet de l'action des appelants est d'attaquer la sagesse de la politique du gouvernement en matière de défense, il est tentant de dire que la Cour devrait de la même façon refuser de s'en mêler. Toutefois, je pense que ce serait là une erreur, ce serait contourner la question dont nous sommes saisis. La question dont nous sommes saisis n'est pas de savoir si la politique du gouvernement en matière de défense est saine, mais plutôt de savoir si elle viole les droits des appelants que garantit l'art. 7  de la Charte canadienne des droits et libertés. C'est là une question totalement différente. Je pense qu'il ne fait aucun doute qu'il s'agit là d'une question relevant des tribunaux. D'ailleurs, le par. 24(1)  de la Charte , qui fait aussi partie de la Constitution, dit clairement qu'"un tribunal compétent" a la responsabilité de statuer sur cette question. Si le tribunal a le droit d'imposer la réparation qu'il "estime convenable et juste eu égard aux circonstances", je ne pense pas qu'il puisse décliner sa compétence parce que le litige serait en soi non justiciable des tribunaux ou parce qu'il met en cause une prétendue "question politique".

[58]        En effet, les tribunaux ne devraient pas refuser de statuer lorsque l’objet du litige demeure dans les limites de ce qui leur est propre seulement « à cause de ses incidences ou de son contexte politique »[25].

[59]        Même dans le cas de l’exercice des pouvoirs en vertu de la prérogative royale, les tribunaux peuvent intervenir pour décider s’il existe une violation à la Charte canadienne car « tout pouvoir gouvernemental doit être exercé en conformité avec la Constitution »[26].

[60]        Le Tribunal, estime à ce stade que cela parle en faveur de la justiciabilité de la question concernant l’existence d’une atteinte aux droits protégés par la Charte canadienne.

[61]        L’intimé soulève un autre argument.  Il plaide que le contrôle judiciaire ne s’applique que dans les cas où le gouvernement agit et non pas où il y a inertie ou inactivité du gouvernement.

[62]        Le Tribunal est d’avis que cette interprétation de la Charte canadienne est trop restreinte et limitative.  Son interprétation doit être faite de façon libérale.

[63]        Certes, ce n’est pas le rôle des tribunaux de commenter la sagesse de l’exercice du pouvoir exécutif et de substituer son opinion à celle de ce dernier.

[64]        Par contre, l’exécutif du gouvernement canadien a l’obligation de ne pas agir de façon à porter atteinte à la vie des individus et à la sécurité de leur personne[27].  En effet, le Cabinet « a l’obligation d’agir conformément aux préceptes de la Charte »[28].

[65]        La juge Wilson, dans l’arrêt Operation Dismantle, reconnaît que « l’action ou, au contraire, l’inaction de l’état aura fréquemment l’effet d’accroitre ou de réduire le danger d’atteinte à la vie ou à la sécurité de ses citoyens »[29].

[66]        Dans l’arrêt Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l'Éducation)[30], la Cour suprême du Canada enseigne que la protection constitutionnelle et le pouvoir des tribunaux d’intervenir à ces fins s’appliquent non seulement à la suite d’une action positive du gouvernement mais aussi dans le cas d’une inaction de sa part.

[67]        Conséquemment, l’argument de l’intimé selon lequel le Tribunal ne devrait pas intervenir car la demande vise l’inactivité du gouvernement canadien n’amène pas le Tribunal à conclure, à ce stade, que les questions ne sont pas justiciables.

[68]        Finalement, l’intimé plaide que les tribunaux ne devraient pas non plus intervenir lorsque les questions devant être tranchées « mettent en cause des considérations morales et politiques »[31], étant des questions non justiciables.

[69]        Avec égard, le Tribunal est d’avis que cette qualification de certaines questions n’exclut pas de façon automatique et complète l’intervention des tribunaux en matière d’application de la Charte canadienne.  Les tribunaux ont le devoir de s’élever au-dessus du débat politique et ne peuvent refuser d’agir lorsqu’il s’agit d’un débat qui concerne une violation des droits protégés par cette Charte[32].

[70]        Tel que l’enseigne la Cour suprême dans l’arrêt Chaoulli[33], les tribunaux ne peuvent esquiver l’exercice du contrôle judiciaire seulement parce que la question est complexe ou controversée ou encore du fait « qu’elle mette en cause des valeurs sociales ».

[71]        En l’espèce, le Tribunal est d’avis que la question de la prétendue violation des droits des membres protégés par la Charte n’est pas, à ce stade, injusticiable. 

[72]        Il faut souligner que ce ne sont pas les tribunaux qui imposent au gouvernement fédéral la suprématie de la Charte canadienne, mais bien le législateur canadien qui a donné priorité aux droits fondamentaux en légiférant la Charte comme faisant partie intégrante de la Constitution et décidé de la faire appliquer, entre autres, au Parlement et au gouvernement du Canada[34].

b)        La violation des droits selon la Charte québécoise

[73]        La question à se poser est de savoir si la Charte québécoise s’applique au gouvernement canadien.

[74]        La Charte québécoise, à l’article 55, stipule qu’elle se limite aux « matières qui sont de la compétence législative du Québec ».  Donc, la Charte comme telle ne vise pas le Canada.

[75]        Cela dit, selon l’article 3 de la L.R.C.É.[35], le Canada accepte d’une certaine façon de s’assimiler à une personne en matière de responsabilité civile dans les provinces.  L’article 3 se lit comme suit :

Responsabilité

3     En matière de responsabilité, l’État est assimilé à une personne pour :

      a)    dans la province de Québec :

           (i)   le dommage causé par la faute de ses préposés,

           (ii)  le dommage causé par le fait des biens qu’il a sous sa garde ou dont il est propriétaire ou par sa faute à l’un ou l’autre de ces titres;

      b)    dans les autres provinces :

           (i)   les délits civils commis par ses préposés,

           (ii)  les manquements aux obligations liées à la propriété, à l’occupation, à la possession ou à la garde de biens.

[76]        La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Hinse c. Canada (Procureur général), enseigne que le renvoi au droit provincial dans la L.R.C.É. englobe non seulement la responsabilité civile extracontractuelle au Québec mais aussi les recours en vertu de la Charte québécoise, plus précisément les recours en dommages-intérêts punitifs prévus par cette Charte[36].

[77]        Donc, la Charte québécoise pourrait s’appliquer en l’espèce.

[78]        Pour cette raison et pour celles exprimées précédemment concernant la Charte canadienne, le Tribunal est d’avis, à ce stade, que la prétendue violation des droits protégés par la Charte québécoise est également justiciable.

c)         L’ordonnance de cesser toute violation

[79]        L’intimé plaide que la conclusion visant à ordonner de cesser toute violation des droits fondamentaux est non justiciable, et ce, parce qu’il s’agit d’ordonner ce qui est au cœur du pouvoir législatif, soit de légiférer.  Peut-être.

[80]        Cependant, le Tribunal estime ne pas posséder toute l’information factuelle nécessaire lui permettant de conclure que le remède recherché est définitivement non justiciable.  Il n’est pas démontré, à ce stade, que la seule et unique façon de mettre fin à la violation des droits protégés serait par l’exercice du pouvoir de légiférer.

[81]        Donc, le Tribunal n’est présentement pas en mesure de raisonnablement conclure que l’ordonnance recherchée soulève une question non justiciable.  Un juge au fond, avec le bénéfice d’une preuve à ce sujet, serait mieux placé pour trancher cette question.

d)        La condamnation en dommages-intérêts punitifs

[82]        L’article 24 (1) de la Charte canadienne stipule ce qui suit :

Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances.

[83]        Tel que déjà mentionné, la Charte s’applique au Parlement et au gouvernement du Canada pour tous les domaines relevant du Parlement, et ce, en vertu de son article 32 (1) (a).

[84]        Le législateur canadien a décidé de confier aux tribunaux une discrétion large quant à la réparation appropriée envisagée par la Charte dans le cas d’une violation d’un droit.  La Cour suprême enseigne dans l’arrêt Vancouver (Ville) c. Ward[37] que « la dissuasion » est un des objectifs de l’article 24 (1) de la Charte, soit de dissuader les employés et agents de l’État de porter atteinte à l’avenir et d’influer sur la conduite du gouvernement de sorte que l’État respecte la Charte à l’avenir.

[85]        En ce qui concerne la Charte québécoise, au deuxième alinéa de son article 49, des dommages-intérêts punitifs sont spécifiquement prévus en cas « d’atteinte illicite et intentionnelle ».

[86]        Ayant déjà conclu que la violation d’un droit protégé par les deux Chartes n’est pas, à ce stade, injusticiable, le Tribunal est également d’avis que la réclamation des dommages-intérêts punitifs pourrait être qualifiée de la même façon.

e)        Conclusion quant à la justiciabilité

[87]        Le Tribunal estime que la doctrine de justiciabilité ne représente pas, en l’espèce, un obstacle à l’autorisation de l’action collective que Jeunesse cherche à exercer.

[88]        Il reste à décider si les critères tels que décrits ci-dessus, applicables à l’autorisation d’une action collective, sont satisfaits en l’espèce.

7-           ANALYSE :   Les allégations factuelles concernant la prétendue violation           des droits protégés par les Chartes                                                

[89]        Tel que mentionné précédemment, Jeunesse plaide que le Canada a failli à ses obligations d’établir des cibles de réduction d’émissions de GES adéquates et nécessaires au freinage du réchauffement climatique.  Elle ajoute que les cibles qui ont été adoptées par le Canada sont inadéquates et insuffisantes.

[90]        Autres allégations connexes :

              -    Le réchauffement climatique est attribuable à l’activité humaine;

              -    Il existe un consensus scientifique et politique international selon lequel il est urgent d’agir pour éviter que le réchauffement climatique produise des effets irréversibles et dangereux;

              -    Des impacts climatiques importants se produisent déjà au niveau actuel du réchauffement planétaire.  Toute hausse supplémentaire de GES aggrave ces impacts et augmente les risques qu’il y ait des impacts additionnels graves et irréversibles;

              -    Pour éviter un réchauffement dangereux, l’augmentation de la température doit être limitée à un seuil nettement en dessous de 2oC;

              -    Pour éviter un réchauffement dangereux, la concentration atmosphérique de CO2 doit rester nettement en dessous de 450 parties par million (« ppm »).

[91]        Le Canada ne conteste aucunement l’importance de la question du réchauffe-ment planétaire.

[92]        En effet, le préambule à sa Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre[38] (« Greenhouse Gas Pollution Pricing Act ») (« LTPGS »), confirme sa vision à cet égard :

Préambule

Attendu :

qu’il existe un large consensus scientifique selon lequel les émissions anthropiques de gaz à effet de serre contribuent aux changements climatiques mondiaux;

que les émissions anthropiques de gaz à effet de serre des dernières années sont les plus élevées observées dans l’histoire et qu’elles présentent un risque sans précédent pour l’environnement y compris sa diversité biologique, pour la santé et la sécurité humaines et pour la prospérité économique;

que les répercussions des changements climatiques comme l’érosion côtière, le dégel du pergélisol et l’augmentation des canicules, des sécheresses et des inondations ainsi que les risques inhérents pour les infrastructures essentielles et la sécurité alimentaire se font déjà sentir partout au Canada et ont une incidence sur les Canadiens particulièrement les peuples autochtones du Canada, les citoyens à faible revenu ainsi que les communautés nordiques, côtières et éloignées;

que le Parlement reconnaît qu’il est de la responsabilité de la présente génération de réduire au minimum les répercussions des changements climatiques pour les générations futures;

que les Nations Unies, le Parlement et la communauté scientifique considèrent que les changements climatiques ont une portée internationale et qu’il n’est pas possible de les circonscrire à un territoire déterminé;

que le Canada a ratifié la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, faite à New York le 9 mai 1992, qui vise à stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique et que cette convention est entrée en vigueur en 1994;

que le Canada a également ratifié l’Accord de Paris, fait à Paris le 12 décembre 2015, qui vise notamment à contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et à poursuivre l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels, étant entendu que cela réduirait sensiblement les risques et les effets des changements climatiques, et que cet accord est entré en vigueur en 2016;

que le gouvernement du Canada est déterminé à atteindre et à dépasser la contribution déterminée au niveau national du Canada établie dans le cadre de l’Accord de Paris, à l’aide d’une approche intégrée de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans tous les secteurs d’activités économique, permettant la croissance accélérée d’une économie propre et le développement d’une résilience face aux répercussions des changements climatiques;

qu’il est reconnu dans le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques que les changements climatiques constituent un problème national qui requiert une action immédiate de l’ensemble des gouvernements au Canada, ainsi que de l’industrie, des organisations non gouvernementales et des Canadiens;

que la tarification des émissions de gaz à effet de serre est un élément central du Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques;

(…).

[93]        Pour ce qui est des conséquences sur la santé causées par les changements climatiques et le réchauffement terrestre, sur son site internet, le Canada s’exprime comme suit :

Les changements climatiques, qui entraînent déjà des conséquences sur la santé, demeureront un enjeu dans l'avenir. En raison de sa grande superficie, le Canada peut s'attendre à tout un éventail de répercussions pouvant varier d'une région à l'autre.

La portée de ces effets dépend de la rapidité des changements climatiques et de la façon dont nous nous adaptons aux nouvelles conditions environnementales et aux conséquences qu'elles représentent pour la santé.[39]

[94]        Le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (« GIEC »), qui compte 195 pays membres de la CCNUCC et qui est le principal organisme international effectuant l’évaluation des changements climatiques, résume dans un rapport de synthèse du groupe de travail[40] que les risques suivants sont liés à l’augmentation de la température terrestre :

a)        Risque de décès, de blessures, de maladies ou de perturbation des moyens de subsistance dans les zones côtières basses et les petits États insulaires en développement et les autres petites îles, dus aux ondes de tempête, aux inondations côtières et à l'élévation du niveau de la mer.

b)        Risque de détérioration grave de la santé et de perturbation des moyens de subsistance au sein des grandes populations urbaines dus aux inondations survenant à l’intérieur des terres dans certaines régions.

c)        Risques systémiques dus à des phénomènes météorologiques extrêmes conduisant à la détérioration des réseaux d’infrastructures et des services essentiels tels que l’électricité, l’approvisionnement en eau, la santé et les services d’urgence.

d)        Risques de mortalité et de morbidité pendant les périodes de chaleur extrême, en particulier pour les populations urbaines vulnérables et les personnes travaillant à l’extérieur dans les régions urbaines et rurales.

e)        Risques d’insécurité alimentaire et de rupture des systèmes alimentaires liés au réchauffement, aux sécheresses, aux inondations et à la variabilité des précipitations, y compris les événements extrêmes, en particulier pour les populations les plus pauvres des régions urbaines et rurales.

f)         Risques de perte des moyens de subsistance et de revenus dans les régions rurales en raison d’un accès insuffisant à l’eau potable et à l’eau d’irrigation, ainsi qu’à la diminution de la productivité agricole, en particulier pour les agriculteurs et les éleveurs disposant de moyens limités dans les régions semi-arides.

g)        Risques de perte des écosystèmes marins et côtiers, de la biodiversité et des biens, fonctions et services écosystémiques qu’ils apportent aux moyens de subsistance, en particulier pour les collectivités de pêcheurs des régions tropicales et arctiques.

h)        Risque de perte d’écosystèmes terrestres et d’écosystèmes des eaux intérieures, de leur biodiversité, et des biens, fonctions et services écosystémiques qu’ils apportent aux moyens de subsistance.

[95]        À cet égard, le Canada reconnaît que l’information scientifique émanant du GIEC est « robuste, exhaustive et pertinente » et qu’elle est essentielle aux fins des discussions et des mesures mondiales à prendre[41].

[96]        Jeunesse plaide que les éléments factuels qui précèdent sont suffisants à ce stade pour démontrer l’urgence d’agir et les cibles que le Canada doit atteindre pour éviter un réchauffement dangereux.

[97]        Par contre, toujours selon Jeunesse, depuis 1992 le Canada n’aurait jamais établi de cibles de réduction de ses GES nécessaires au respect de ses obligations internationales et en conformité avec les droits garantis par les Chartes.

[98]        Le Rapport collaboratif de vérificateurs généraux à l’égard des perspectives sur l’action contre les changements climatiques au Canada, émis en mars 2018 et impliquant les Territoires du Nord-Ouest et presque toutes les provinces, confirme ce qui suit[42] :

Or, le Canada a déjà raté deux cibles distinctes de réduction des émissions (celle de 1992 de Rio et celle de 2005 de Kyoto).  Et il ratera probablement aussi la cible de 2020 de Copenhague[43].  De fait, les émissions rejetées en 2020 devraient dépasser de près de 20% la cible fixée.

[99]        En effet, en ce qui concerne le Protocole de Kyoto de 2011, le Canada s’en est retiré et serait prétendument le seul pays à l’avoir fait.

[100]     L’échec dont se plaint Jeunesse semble aussi avoir été confirmé au printemps 2019 par la commissaire à l’environnement et au développement durable du Canada.  Dans son rapport au Parlement[44], la commissaire s’exprime ainsi :

Pendant des décennies, les gouvernements fédéraux ont invariablement échoué dans leurs efforts pour atteindre les cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et le gouvernement n’est pas prêt à s’adapter à un climat changeant. Tout ceci doit changer.

[101]     Nonobstant l’objectif visé par l’Accord de Paris de 2015, soit de contenir l’élévation de la température moyenne à 2oC et de tenter de la limiter à 1,5oC, le préambule de la LTPGS confirme qu’en 2015, le Canada avait indiqué son intention de réduire, jusqu’en 2030, ses émissions de GES de 30% par rapport au niveau de 2005, ce qui reste, semble-t-il, toujours la cible du Canada.

[102]     Jeunesse plaide qu’il s’agit d’une cible grossièrement inadéquate.  Selon elle, cette cible ne satisfait aucunement à l’engagement du Canada de réduire ses émissions de façon suffisante.  Elle plaide que le Canada doit réduire ses émissions à un niveau entre 362 et 452 mégatonnes en 2020 ou de 347 mégatonnes en 2030.

[103]     Jeunesse prétend que le fait de choisir une cible si inadéquate et de la garder en vigueur depuis 2015, le Canada commet une faute intentionnelle et agit ainsi de mauvaise foi.

[104]     Les droits fondamentaux ainsi atteints en raison du comportement du Canada, selon Jeunesse, sont les suivants:

a)     le droit à la vie, à l’intégrité et à la sécurité de la personne;

b)     le droit à un environnement sain, respectueux de la biodiversité; et

c)     le droit à l’égalité.

[105]     Le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité est protégé par les deux Chartes.

[106]     L’article 7 de la Charte canadienne se lit comme suit :

Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.

[107]     L’article 1 de la Charte québécoise se lit ainsi :

Tout être humain a droit à la vie, ainsi qu’à la sûreté, à l’intégrité et à la liberté de sa personne.

(…).

[108]     Jeunesse plaide que la protection de l’environnement est devenue « une valeur fondamentale au sein de la société canadienne »[45].  Il s’agit, tel que l’enseigne la Cour suprême du Canada, « [d’]un objectif public d’une importance supérieure »[46], et « l’un des principaux défis de notre époque »[47].  La Cour d’appel du Québec confirme, de la même façon, que la protection de l’environnement est « une valeur fondamentale au sein de la société canadienne »[48].

[109]     Par contre, et tel que mentionné ci-dessus, la protection de l’environnement, malgré son importance, ne garantit pas que l’action sera autorisée.

8-           ANALYSE :  La question de l’autorisation

[110]     En l’espèce, le Tribunal, pour des raisons qui deviendront apparentes, estime qu’il faut commencer l’analyse avec la définition du groupe.

[111]     Il faut souligner l’importance de la description du groupe envisagé par toute demande en action collective.  Elle est au cœur même de l’action collection.

[112]     Selon le premier alinéa de l’article 571 C.P.C., la définition même d’une action collective se lit comme suit :

L’action collective est le moyen de procédure qui permet à une personne d’agir en demande, sans mandat, pour le compte de tous les membres d’un groupe dont elle fait partie et de le représenter.

[113]     En outre, l’article 576 C.P.C. stipule que le jugement d’autorisation « décrit le groupe ». 

[114]     L’importance de cette description se trouve dans le principe légal selon lequel « les membres seront liés par le jugement »[49], soit ceux qui ne sont pas exclus[50].

[115]     En l’espèce, et tel que mentionné ci-haut, le groupe visé se décrit comme suit :

Tous les résidents du Québec âgés de 35 ans et moins en date du 26 novembre 2018.

[116]     Compte tenu de la nature de l’action collective que Jeunesse veut exercer et de la nature des prétendues atteintes aux droits fondamentaux des membres putatifs, le choix de l’âge de 35 ans par Jeunesse comme âge maximal des membres, laisse le Tribunal perplexe.

[117]     La demande d’autorisation n’offre pas d’explication factuelle ou rationnelle pour ce choix. 

[118]     En réponse à une question du Tribunal à cet égard, Jeunesse n’a pas expliqué la raisonnabilité de ce choix.  Un argument avancé par Jeunesse à cet égard est que les plus jeunes résidents du Québec subiront plus d’atteintes à leurs droits fondamentaux et, de plus, que le Canada a déjà confirmé que la présente génération devait agir pour protéger les générations à venir.  Jeunesse plaide que pour les plus jeunes résidents, le fait de subir plus d’atteintes que d’autres résidents constitue en soi une atteinte à leur droit à l’égalité.

[119]     Mais, pourquoi choisir 35 ans?  Pourquoi pas 20, 30 ou 40 ans?  Pourquoi pas 60 ans?  Insérez à cette question n’importe quel autre âge.

[120]     Dans le contexte des prétendues atteintes aux droits fondamentaux qui ont déjà eu lieu en raison des effets du réchauffement climatique prétendument ressentis au Québec, quels sont ceux et celles, parmi les millions de québécois, qui doivent être exclus du groupe?  Comment expliquer ou justifier leur exclusion?

[121]     Certes, le juge responsable de l’autorisation peut modifier la définition d’un groupe.  En l’espèce, le Tribunal devrait-il tout simplement modifier le groupe en éliminant le plafond basé sur l’âge de 35 ans pour ainsi inclure tous les québécois d’âge majeur?  À cet égard, il serait utile de se rappeler du principe énoncé par la Cour suprême dans l’arrêt Hollick, selon lequel la définition du groupe ne devrait pas être accomplie par l’exclusion arbitraire des personnes ayant le même intérêt dans les questions communes[51].  Et, ce faisant, le groupe serait composé de tous les québécois de l’âge de la majorité, environ 7 millions de personnes.

[122]     Et si certaines des prétendues atteintes ne sont pas encore survenues mais qu’elles le pourraient un jour, il y a risque que le débat ne soit que théorique.  Et même dans de telles circonstances, le Tribunal ne comprend pas la rationalité de ce choix maximal de 35 ans.

[123]     Les faits allégués ne soutiennent pas ce choix de 35 ans comme plafond.  Sur le plan légal, il s’agit d’un choix arbitraire et, donc, inapproprié.

[124]     Et il y a plus.

[125]     La problématique en l’espèce ne se limite pas seulement à l’âge maximal des membres putatifs, mais également à l’âge de ceux qui n’ont pas encore atteint la majorité.

[126]     La définition des membres proposés par Jeunesse comprend aussi les enfants nés depuis le 26 novembre 2018, donc tous ceux qui étaient mineurs à cette date.

[127]     À cet égard, au Québec, l’âge de la majorité est fixé à dix-huit ans[52].  Ce n’est qu’à cet âge qu’une personne « devient capable d’exercer pleinement tous ses droits civils »[53].  Il s’agit du droit substantif.  Il faut se rappeler qu’une action collective n’est qu’un véhicule procédural.

[128]     Selon Jeunesse, Statistiques Canada aurait évalué, en 2017, la population des 35 ans et moins au Québec à 3 471,903 résidents et citoyens[54].  Sans avoir de chiffres précis, nous pouvons présumer, aux fins des présentes, qu’en date du 26 novembre 2018 environ 1 500 000 résidents n’avaient pas encore atteint l’âge de la majorité.

[129]     Il s’agit là d’une proportion importante du groupe pour lequel Jeunesse réclame 100 $ par personne en dommages-intérêts punitifs, donc possiblement environ 150 000 000 $.

[130]     Certes, comme membres dans une action collective autorisée, les mineurs ne seraient pas réellement comme tels des parties à l’action collective.  Par contre, comme membres, ils n’y seraient pas étrangers[55].  Leur statut se rapprocheraient « beaucoup plus de celui d’une partie »[56] ou d’un « quasi party »[57].

[131]     En réponse à une question du Tribunal à cet égard, Jeunesse soulève la possibilité que les parents de tous ces mineurs puissent décider d’exclure leurs enfants de l’action collective.

[132]     Avec égard, le Tribunal est d’avis qu’un tiers, comme Jeunesse, ne devrait pas être reconnu avoir le pouvoir d’imposer sur des millions de parents l’obligation d’agir pour exclure leurs enfants d’une action collective.  Il ne s’agit pas d’une entité statutaire crée par un législateur pour protéger les droits des mineurs ou d’agir en leurs noms.

[133]     En effet, le Tribunal estime que d’agir de la façon suggérée par Jeunesse n’est pas dans le meilleur intérêt des mineurs québécois.  Certes, leur présence augmente de façon importante le montant réclamé en dommages-intérêts punitifs et l’effet dissuasif qui pourrait être créé, mais le Tribunal est d’avis que ce n’est pas le rôle à attribuer à tous les mineurs québécois.

[134]     Dans certaines décisions québécoises antérieures concernant les actions collectives, aucune distinction n’a été apportée quant à l’identité des membres basée sur leur jeune âge.  Souvent, il n’y en avait pas de débat sérieux à cet égard.  Mais, en l’espèce, l’âge des membres est un élément important, et ce, à cause de la description du groupe avancée par Jeunesse.  C’est au cœur de leur demande.

[135]     De l’avis du Tribunal, la décision de Jeunesse de plafonner l’âge des membres à 35 ans, d’exclure des millions d’autres québécois et québécoises à cause de leur âge et d’inclure presque tous les mineurs québécois représente un choix purement subjectif et arbitraire.  Aucune explication objective et rationnelle n’a été fournie.  Sagit-il d’un choix lié à ses règles de « membership » tel que suggéré sans détail par Jeunesse lors de l’audition?  S’agit-il d’un choix fait pour satisfaire à sa mission de donner la parole « aux jeunes » relativement aux enjeux environnementaux?

[136]     Même si la mission et les objectifs de Jeunesse sont admirables sur le plan sociopolitique, ils sont trop subjectifs et limitatifs, de par leur nature, pour constituer en l’espèce la base d’un groupe approprié aux fins d’exercer une action collective.  Jeunesse peut donner la « parole » aux jeunes, mais elle n’a pas l’autorité de changer le statut légal et les pouvoirs des mineurs.

[137]     La nécessité d’avoir un groupe légalement constitué de façon objective et non aléatoire,  avec un fondement rationnel, a déjà été confirmée par les tribunaux.

[138]     La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Western Canadian Shopping Centres Inc.[58], enseigne ces principes, lesquels sont également appliqués par la Cour d’appel du Québec[59].

[139]     Dans de telles circonstances, comment le Tribunal pourrait-il modifier la définition?  Ce dernier ne possède aucun outil pour modifier de façon raisonnable l’âge maximal des membres.  L’arbitraire n’est pas un outil approprié.  Tous les résidents du Québec d’âge majeur pourraient se qualifier pour créer un groupe, mais un « qui ne saurait concilier efficacité et équité »[60]

[140]     Le fait qu’il soit impossible pour le Tribunal d’identifier raisonnablement, en l’espèce, un groupe qui pourrait concilier efficacité et équité de façon objective et rationnelle, cela confirme que l’action collective n’est pas le véhicule procédural approprié en l’espèce et, donc, que celle proposée par Jeunesse ne devrait pas être autorisée.

[141]     En effet, et tel que mentionné ci-dessus, l’intimé plaide que l’action collective n’est pas la procédure appropriée en l’espèce et qu’une simple demande par une seule personne aurait les mêmes effets pour tous les résidents québécois, sinon canadiens.  Autrement dit, l’action collective comme procédure est inutile. 

[142]     Son analogie avec les demandes en annulation de règlement municipal est pertinente.  Tel que reconnu par la Cour suprême dans l’arrêt Marcotte[61], les demandes en autorisation d’exercer une action collective, à ce sujet, sont constamment refusées au Québec en raison de leur inutilité.

[143]     L’effet ergo omnes d’un jugement concernant le débat juridique soulevé par Jeunesse ne fait aucun doute, même si la procédure introductive d’instance est intentée par une seule personne, et ce, sans la nécessité de procéder par action collective.  Le Tribunal estime qu’en l’espèce, le véhicule procédural d’une action collective est inutile.

[144]     Étant donné qu’un autre recours pourrait possiblement être intenté, le Tribunal est d’avis qu’il serait inapproprié de commenter d’avantage les autres critères applicables en vertu de l’article 575 C.P.C., particulièrement à savoir si les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées, notamment la question des dommages-intérêts punitifs.


PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL
 :

            REJETTE la demande en autorisation d’exercer une action collective;

            LE TOUT avec frais de justice.

 

 

__________________________________

Gary D.D. Morrison, J.C.S.

 

 

Me Bruce W. Johnston

Me André Lespérance

Me Clara Poissant-Lespérance

Me Anne-Julie Asselin

Trudel Johnston & Lespérance

Procureurs de la demanderesse

 

Me Ginette Gobeil

Me Marjolaine Breton

Me Marc Ribeiro

Ministère de la Justice Canada

Procureurs du défendeur

 

 

Date d’audience :

  6 juin 2019

 



[1]     Pièce P-23.

[2]     Pièces P-5 et P-7.

[3]     Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c. 11 (R.-U.) dans L.R.C. 1985, app. II, no 44, Annexe B, Loi Constitutionnelle de 1982, Partie I.        

[4]     RLRQ, c. C-12.

[5]     L.R.C. (1985), c. C-50.

[6]     Marcotte c. Longueuil (Ville de), [2009] 3 R.C.S. 65, par. 27-28;

[7]     R. c. Hydro-Québec, [1997] 3 R.C.S. 213, par. 59.

[8]     Pièces PGC-1 à PGC-3.

[9]     Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, [2013] 3 R.C.S. 600, par. 65.

[10]    Pharmascience inc. c. Option Consommateurs, 2005 QCCA 437, par. 25.

[11]    Fortier c. Meubles Léon ltée, 2014 QCCA 195, par. 70.

[12]    Infineon, préc., note 9, par. 67.

[13]    Option Consommateurs c. Bell Mobilité, 2008 QCCA 2201, par. 38.

[14]    Id., voir aussi Harmegnies c. Toyota Canada inc., 2008 QCCA 380, par. 44.

[15]    L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., 2019 CSC 35.

[16]    Montréal (Ville de) c. Biondi, 2013 QCCA 404.

[17]    [2001] 2 R.C.S. 241, par. 1 et 3; cité dans Colombie-Britannique c. Canadian Forest Products Ltd., [2004] 2 R.C.S. 74, p. 88.

[18]    Carrier c. Québec (Procureur général), 2011 QCCA 1231, par. 80.

[19]    Bisaillon c. Université Concordia, [2006] 1 R.C.S. 666, par. 19.

[20]    Canada (Vérificateur général) c. Canada (Ministre de l'Énergie, des Mines et des Ressources), [1989] 2 R.C.S. 49, p. 53.

[21]    Operation Dismantle Inc. c. R., [1985] 1 R.C.S. 441, p. 459; Voir aussi:  Canada (Procureur général) c. Downtown Eastside Sex Workers United Against Violence Society, [2012] 2 R.C.S. 524, par. 39.

[22]    Canada (Vérificateur général), préc., note 20, p. 91.

[23]    Sécession du Québec (Renvoi relatif à la), [1998] 2 R.C.S. 217, par. 72.

[24]    Operation Dismantle Inc., préc., note 21, par. 63; Voir aussi:  Canada (Premier ministre) c. Khadr, [2010] 1 R.C.S. 44, par. 40.  

[25]    Operation Dismantle Inc., Id., voir aussi Downtown Eastside Sex Workers United Against Violence Society, préc., note 21, par. 40.

[26]    Canada (Premier ministre), préc., note 24, par. 36 et 37.

[27]    Operation Dismantle Inc., préc., note 21, par. 28.

[28]    Id.              

[29]    Id., p. 488. 

[30]    [2003] 3 R.C.S. 3, par. 43.

[31]    Operation Dismantle Inc., préc., note 21, p. 465.

[32]    Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791, par. 89.

[33]    Id., par. 107.          

[34]    Section 32 (1) de la Charte canadienne.

[35]    Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, préc., note 5.

[36]    [2015] 2 R.C.S. 621, par. 163.

[37]    [2010] 2 R.C.S. 28, par. 29 à 31.

[38]    L.C. 2018, c. 12, art. 186, en vigueur à la sanction le 21 juin 2018.

[39]    Pièce P-7, en date du 17 août 2018.

[40]    Pièce P-5.

[41]    Id.      

[42]    Pièce P-23, p. 2 de 38; le Québec n’a pas participé.

[43]    Pièce P-22.

[44]    Pièce P-32.

[45]    Colombie-Britannique, préc., note 17, par. 1.

[46]    R. c. Hydro-Québec, préc., note 7, par. 85.

[47]    Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministère des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3.

[48]    St-Luc-de-Vincennes c. Compostage Mauricie, 2008 QCCA 235.

[49]    Article 576, al. 1, C.P.C.

[50]    Article 591, al. 1, C.P.C.

[51]    Hollick c. Toronto (Ville), [2001] 3 R.C.S. 158, par. 21; Citoyens pour une qualité de vie/Citizens for a Quality of Life c. Aéroports de Montréal, 2007 QCCA 1274, par. 115, jugement majoritaire.

[52]    Article 153 C.C.Q.

[53]    Id

[54]    Demande d’autorisation, par. 3.2.

[55]    Société des loteries du Québec c. Brochu, 2006 QCCA 1117.

[56]    Imperial Tobacco Canada Ltd. c. Létourneau, 2012 QCCA 2013, par. 39.

[57]    Belley c. TD Auto Finance Services Inc./Services de financement auto TD inc., 2018 QCCA 1727, par. 30.

[58]    Western Canadian Shopping Centres Inc. c. Dutton, [2001] 2 R.C.S. 534, par. 38.

[59]    George c. Québec (Procureur général), 2006 QCCA 1204, par. 37; Paquin c. Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique, 2005 QCCA 1109.

[60]    Western Canadian Shopping Centres Inc., note 58, par. 45.

[61]    Marcotte c. Longueuil (Ville), [2009] 3 R.C.S. 65, par. 27028.

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