Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

JG1405

 

 

 

COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTREAL

LOCALITÉ DE

MONTREAL

« Chambre CIVILE »

N° :

500-22-088487-031

 

 

 

DATE :

3 mai 2005

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

BRIGITTE GOUIN, J.C.Q.

 

 

 

______________________________________________________________________

 

 

ECUAPALMITO S.A.

Demanderesse- défenderesse reconventionnelle

c.

9055-5632 QUÉBEC INC., faisant affaires sous les noms de Les aliments Coco et Les aliments Coconut Foods Inc.

          Défenderesse-demanderesse reconventionnelle

-et-

9117-2452 QUÉBEC INC., faisant affaires sous la raison sociale Sabbah Import Export

          Défenderesse

-et-

JACQUES SABBAH

Défendeur

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]                Le Tribunal est saisi d’une requête introductive d’instance prise par Ecuapalmito S.A., demanderesse, contre les défendeurs solidairement, 9055-5632 Québec Inc., faisant affaires sous les noms de Les Aliments Coco et Les aliments Coconut Foods Inc., 9117-2452 Québec Inc, faisant affaires sous la raison sociale Sabbah Import Export et Jacques Sabbah, solidairement, au montant de 43 109,70 $, pour marchandises vendues et livrées, de même que d’une demande reconventionnelle de 36 299,25 $ prise par 9055-5632 Québec Inc.

[2]                Les faits pertinents sont les suivants.

[3]                La demanderesse, Ecuapalmito S.A., (ci-après Ecuapalmito) est une société équatorienne dont l’entreprise principale est l’exportation de produits en conserve dans le monde.

[4]                9055-5632 Québec Inc. (ci-après Coconut Foods) est une entreprise d’importation de nourriture, mais aussi d’importation-exportation de vêtements. 9117-2452 Québec Inc., (ci-après Sabbah Import) est une société québécoise qui œuvre dans le domaine de la distribution d’aliments en gros.

[5]                Jacques Sabbah, quant à lui est président et secrétaire des deux sociétés défenderesses, soit Coconut Foods et Sabbah Import, mais n’est actionnaire d’aucune des deux.

[6]                Le 3 février 2003, Ecuapalmito émet un « Pro Forma Invoice » à Coconut Foods, à l’attention de M. Sabbah, pour l’achat de 1700 caisses de 24 boîtes de conserve de cœurs de palmier pour une valeur totale de 25 500,00 $ U.S. (P-3)

[7]                À ce contrat, on retrouve les mentions spécifiques suivantes :

« …

PAYMENT CONDITIONS

WIRE TRANSFER AGAINST OUR SHIPPING NOTICE (COPY OF B/L)

REMARKS: 1. scheduled shipment: 15-20 DAYS AFTER ORDER CONFIRMATION AND LABELS APPROVEMENT. (sic)

 2.ESTIMATED OCEAN FREIGHY GUAYAQUIL- MONTREAL

 1,700,00 (FREIGHT COLLECT)

3. PRODUCT IS “KOSHER”

[8]                Le 6 février 2003, tel que requis par M. Sabbah, Ecupalmito modifie la marque « Elite » à « Oliveri », ajoute le nom de Coconut Foods et son adresse sur les étiquettes des boîtes de conserve. (P-4)

[9]                Le 7 février 2003, M. Sabbah accepte la facture « pro forma » en date du 3 février 2003. (lettre de confirmation, P-5)

[10]            Le 14 février 2003, M. Sabbah insiste, de façon urgente, que le « code barre » soit modifié sur les étiquettes pour, selon ses prétentions, se conformer aux lois canadiennes.

[11]            Le 27 février 2003, Ecuapalmito avise que les chiffres du « code barre », fournis par M. Sabbah, sont erronés, car ils correspondaient à Sabbah Import- Export.

[12]            Le 28 février 2003, M. Sabbah confirme que ces chiffres du « code barre » sont exacts et insiste que l’étiquette soit modifiée afin de lire « Prepare pour/prerared (sic) for Sabbah Imp/Exp .» (P-7)

[13]            Le 7 mars 2003, Ecuapalmito émet sa facture no. 005-2003, confirmant les conditions de paiement, i.e. « …Wire transfer against our shipping notice (copy of B/L) ».

[14]            La date du départ de la cargaison de l’Equateur  est le 13 mars 2003 et la date d’arrivée le ou vers le 28 mars 2003. (P-8)

[15]            Préalablement, le 11 mars 2003, la marchandise fut inspectée par « SGS del Ecuador S.A » confirmant la quantité et la qualité de la marchandise livrée. Il fut aussi confirmé que l’étiquette au nom d’« Oliveri », imprimée selon les spécifications de M. Sabbah, pour Sabbah Import, comportait la même adresse à Montréal, le même numéro de téléphone et numéro de courriel que de Coconut Foods. (P-9)

[16]            Le 12 mars 2003, fut émis le connaissement et la marchandise fut expédiée selon ses termes. (P-10)

[17]            Le 14 mars 2003, la demanderesse fit parvenir à Coconut Foods les documents suivants : (P-11, en liasse)

«a) Certificat d’origine de Fedexpor-  (Packing list)

  b) Merchandise sterilization process control

  c) Physical-chemical and microbiological analysis certificate

  d) Inspection report of sealing tin-lids”

[18]            Comme le 14 mars 2003 la cargaison avait été expédiée, aux fins d’obtenir paiement de sa facturation, Ecuapalmito leur adressa les documents de livraison, et l’information bancaire requise, soit l’adresse et le nom de leur institution bancaire en Équateur. (P-12)

[19]            Le 17 mars 2003, M. Sabbah, de façon unilatérale, avisa la demanderesse, que contrairement aux termes de l’entente, (« Pro forma invoice » (P-3), paiement ne sera adressé qu’une fois la marchandise reçue et inspectée dans son propre entrepôt au Canada. (P-13)

[20]            Le 18 mars 2003, par le biais d’une conversation téléphonique et par courriel, M. Helmut Nickel, directeur chez Ecuapalmito, reconfirma les termes de l’entente (P-3 et  P-5) et insista que le paiement soit transféré car la marchandise avait déjà quitté l’Équateur. (P-14 , en liasse)

[21]            Le 24 avril 2003, M. Nickel avisa M. Sabbah que paiement n’avait pas encore été reçu. (P-15)

[22]            Le 27 avril 2003, M. Sabbah réplique qu’il n’a pu prendre livraison de la marchandise aux douanes étant donné les vacances juives : (P-16)

« …

I’M AWAY I BE BACK ON FRIDAY AND I WILL SET UP EVERTHING FOR YOU DON’T BE WORRIED.

MR SABBAH, BEST REGARDS”

(Soulignement de la soussignée)

[23]            Ecuapalmito, par le biais de M. Nickel, a été rassuré à plusieurs reprises par M. Sabbah à l’effet que le paiement devrait être reçu sous peu, directement à leur institution financière.

[24]            Le 16 mai 2003, la demanderesse écrit encore à M. Sabbah tentant de retracer les « paiements » que celui-ci allègue avoir effectués : (P-17)

 «  You indicated us before, that your ordered payment 8 days ago, but our bank indicates us that nothing have arrived here.”.

[25]            Un représentant des défendeurs informe M. Nickel qu’ils font affaires avec l’institution financière, la Banque de la Nouvelle Écosse à Montréal. Il lui recommande ainsi de s’informer directement auprès d’elle de la situation quant à leur paiement. Il explique que le transfert des fonds à Ecuapalmito pourrait avoir été mal effectué par leur propre banque, ce qui expliquerait le retard.

[26]            Une missive fut donc adressée par Ecuapalmito le 3 juin 2003, à la Banque de Nouvelle Écosse, s’informant de l’état des faits. (P-18)

[27]            Le 3 juin 2003, Mme Joanne Laganière, de la Banque de Nouvelle Écosse, répond :(P-19):

« In response to your fax dated June 3, 2003, the present is to advise you that we have no record of the transaction. Please contact the customer directly.”

[28]            À maintes reprises, soit les 5 et 12 juin 2004, M. Nickel tente de rejoindre sans résultat M. Sabbah afin d’obtenir des explications quant au non-paiement, nonobstant la livraison de la marchandise plusieurs semaines auparavant.

[29]            Le 13 juin 2003, M. Nickel est informé que M. Sabbah n’est pas en ville : (P-21)

…good morning, Mr. Sabbah is not in town is away he will be back on Thursday the 19 of June from France we talk withe (sic) him and he can not understand you don’t receive yet he will withe (sic) his bank the soon as he coming back for the delay but we can not do anything without him but don’t worry.”

(soulignements de la soussignée)

[30]            Plusieurs missives furent encore adressées à M. Sabbah durant le mois de juin pour obtenir les informations additionnelles sur les transferts de fonds tels qu’allégués par ce dernier.

[31]            Le 26 juin 2003, M. Sabbah finalement répond (P-24) :

«  MR NICKEL

I ASK MERCANTIL CORPORATION REGARDING YOURE (sic) TRANSFER WIRE I’ M GONE HAVE IT THIS AFTERNOON OR MY MONEY SO WHEN I HAVIT IT I’LL SEND IT TOYOU

BEST REGARS (sic)

MR. SABBAH »

[32]            Le 15 juillet 2003, confirmation fut donnée par la compagnie de transport APL. del ECUATOR SA., à l’effet que la marchandise avait déjà été reçue par les défendeurs, le 31 mars 2003 et le conteneur vide retourné en Équateur le 8 avril 2003.

[33]            Une mise en demeure fut donc dûment signifiée le 15 août 2003, réclamant paiement de la somme de 25 550,00 $ U.S.

[34]            Soulignons que les procureurs de la demanderesse ont tout d’abord tenté de signifier cette mise en demeure auprès de Coconut Foods, le 29 juillet 2003 et les huissiers ont fait un rapport « non est inventus » à l’effet que celle-ci n’est plus en affaires : (P-28)

« J’ai fait les démarches nécessaires afin de signifier l’original de la présente MISE EN DEMEURE à 9055-5632 QUÉBEC INC. (LES ALIMENTS coco) A/S M. JACQUES SABBAH au 183 BATES #302, VILLE MONT ROYAL

ce que je n’ai pu faire, VU QUE LA DITE COMPAGNIE N’OPERERAIT PLUS A CET ENDROIT.

Et qu’après démarches faites et informations prises, j’ai appris et constaté que ladite partie n’avait ni domicile, ni place d’affaires, ni résidence connus au Québec

HUISSIER DE JUSTICE

PAQUETTE ET ASSOCIÉS. »

[35]            Tel qu’il appert du rapport de l’Inspecteur Général des Institutions Financières, le Tribunal constate que 9117-2452 Québec Inc. fut constituée le 28 mai 2002 et fait affaires sous les raisons sociales « Oliveri » de même de « Sabbah Import-Export » depuis le 10 avril 2003. (P-2)

[36]            Une action fut donc prise pour réclamer la somme de 43,799,25 $ solidairement contre les trois défendeurs.

[37]            Les défendeurs contestent la réclamation alléguant que seule Coconut Foods a contracté avec la demanderesse, qu’il n’existe aucun lien de droit entre la demanderesse, Sabbah Import et Jacques Sabbah personnellement.

[38]            En demande reconventionnelle, Aliments Coconut réclame 28 200 $, soit               20 000 00$ pour perte de crédibilité auprès de sa clientèle, 8 200,00 $ pour marchandises endommagées et retard de livraison et requiert compensation pour un montant de 8 099,25 $ :[1]

« 33. Le non-respect par la demanderesse/défenderesse reconventionnelle de son obligation de livrer les marchande (sic) à temps et en bon état, équivaut au non-respect de sa principale obligation envers la défenderesse Les Aliments Coconut;

34. De plus, Les Aliments Coconut ayant été empêchée de livrer la totalité de la marchandise à temps, n’a pas pu honorer ses propres contrats avec les détaillants et a perdu sa crédibilité auprès de ses clients;

35. Les Alimentas Coconut a subi de nombreux dommages;

36. Les Aliments Coconut a subi une perte de vente substantielle de 5 000,00 $, puisqu’elle n’a pas pu écouler ou vendre la marchandise endommagée, telle que plus amplement détaillée ci-après :

-               400 boîtes non revendues au prix d’achat de 15$US. la boîte             :  6 000,00 $ U.S.

-               Soit 7 800,00 $ selon un taux de change de 1.3 sauf à parfaire             7 800,00 $ CDN.

-               Prix de revente convenu avec l’acheteur 32$ CDN la boîte                12 800,00 $ CDN

PERTE DE PROFIT                                                                                      5 000,00 $ CDN

37. en raison du retard de livraison, Les Aliments Coconut a également subi une perte de profit de 3 200,00$, telle que plus amplement détaillée ci-après :

-               400 boîtes au prix d’achat de 15$ la boîte                                            6 000,00 $U.S.

-               soit 7 800,00 $ selon un taux de change de 1.3 sauf à parfaire           7 800,00 $ CDN

-               prix de revente convenu avec l’acheteur 32$ CDN la boîte               12 800,00 $ CDN

-               Prix de vente réel de 24$ CDN la boîte                                                9,600,00 $ CDN

-               PERTE DE PROFIT (manque à gagner)                                              3, 200,00 $ CDN

 

38. Les Aliments Coconut a également subi des dommages de 20 000,00 $ pour sa perte de crédibilité auprès de sa clientèle;

39. Le total des dommages subis par Les Aliments Coconut s’élève à 28 200.0 $

40 Les défendeurs/demandeurs reconventionnels demandent qu’il y ait compensation jusqu’à concurrence de la somme de 8 099,25 $. »

[39]            M. Sabbah, à de nombreuses occasions, à rassuré M. Nickel, directeur de la demanderesse, à l’effet que les transferts de fonds auraient été effectués par sa banque et que paiement serait reçu sous peu. Il eut même l’arrogance de faire parvenir des fausses informations pour donner l’impression que la demanderesse serait payée sous peu, tel, la Banque de la Nouvelle Écosse. Ces faits et gestes furent commis dans le simple but de recevoir la marchandise sur de fausses prétentions.

[40]            Coconut Foods, tel qu’il appert de la preuve entendue lors de l’audience, ne fait plus affaires et toutes ses opérations furent transférées à Sabbah Import durant la période pertinente, soit d’avril à juin 2003.

[41]            Sabbah Import, tel qu’il appert du rapport de l’inspecteur général (P-2) débuta ses activités le 10 avril 2003 une fois que la marchandise de la demanderesse fut reçue au Canada. Ce n’est pas une pure coïncidence que Sabbah Import est l’entité corporative mentionnée sur les étiquettes imprimées selon les instructions précises de M. Sabbah. (P-4)

[42]            La somme de 25 500,00 $ US. équivaut en argent canadien à 36 299,25 $ en date du 21 août 2003. (P-30)

[43]            La demanderesse réclame aussi un montant additionnel de 6 210,45 $ représentant les frais extrajudiciaires encourus pour les présentes procédures dans ce dossier, de même que d’une somme de 600,00 $ pour frais de traduction pour les représentants d’Ecupalmito (espagnol-anglais), totalisant ainsi 6 810,45 $.

[44]            Lors de l’audience, M. Sabbah a tenté de démontrer que la marchandise, contrairement à l’entente, (P-3) n’était pas «  Kosher ». Il allègue qu’il n’a pu la vendre à sa clientèle de religion juive. Par contre, à part de son simple témoignage, aucun élément de faits ne soutient une telle affirmation.

[45]            Au contraire, il fut démontré à la satisfaction du Tribunal que les cœurs de palmiers avaient été vérifiés et certifiés par un « rabbin », tel que requis par les termes de l’entente (P-3) et le certificat, à cet effet, dûment adressé par la demanderesse       (P-11) en liasse.

[46]            M. Sabbah a aussi tenté de démontrer que lors de l’ouverture du conteneur que plusieurs boîtes sont tombées et qu’une partie des conserves furent endommagée. Par contre, le Tribunal constate, à part le simple témoignage de celui-ci, qu’aucun élément de preuve ne corrobore ou ne supporte cette simple affirmation.

[47]            Le Tribunal constate que M. Sabbah, pendant la période qui suivit la réception de la marchandise, n’a fait que confirmer que paiement avait déjà été adressé à la demanderesse, et ceci à plusieurs reprises : « don ‘t worry »(le 13 juin 2003, (P-21)). Il ne fut jamais mention de dommages, de la qualité des conserves, ou même de la réception de marchandises endommagées avant la « Défense et demande reconventionnelle » du 30 janvier 2004 dans ce dossier.

[48]            La défenderesse, Coconut Foods, avait le fardeau de démontrer la mauvaise qualité des cœurs de palmiers, les dommages et la perte de profit et de crédibilité auprès de sa clientèle pour une valeur de 20 000,00 $.

[49]            Il n’y eut aucune preuve documentaire ou testimoniale lors de l’audience pour démontrer ou corroborer ce volet de la demande reconventionnelle, à part de simples affirmations de M. Sabbah.

[50]            Considérant la preuve testimoniale, le Tribunal ne retient pas la version des faits du défendeur Jacques Sabbah, dont le témoignage fut hésitant, contradictoire, erroné et contraire aux documents dûment signés entre les parties.

[51]            Quant à la position de la demanderesse Ecuapalmito, elle a respecté tout et chacun de ses engagements en vertu de l’entente contractuelle stipulée entre autres par la pièce P-3 (« Pro forma invoice ») quant à la qualité de la marchandise, la livraison au Canada à la date convenue et en bon état, comme les documents de contrôle de qualité le démontrent. ( P-11 en liasse)

[52]            La demanderesse, à la satisfaction du Tribunal, a démontré le bien-fondé de sa réclamation à l’encontre de non seulement des défenderesses Coconut Foods et Sabbah Import mais aussi à l’encontre de Jacques Sabbah, en tant qu’administrateur de ces deux sociétés.

[53]            Le Tribunal retient la version de Helmut Nickel, directeur de Ecuapalmito quant aux faits pertinents de ce litige. Sa version est plausible : en l’absence de plainte de la part des défendeurs, celui-ci ne comprend tout simplement pas pourquoi les paiements n’ont pas été effectués dans les délais prévus au contrat.

[54]            Le Tribunal se réfère à Lanoue c. Brasserie Labatt Ltée,[2] où il fut clairement établi que les administrateurs d’une personne morale peuvent engager leur responsabilité personnelle quand ils commettent une « faute simple ».

 

[55]            Le professeur Martel, dans un article publié dans la revue du Barreau[3] confirme :

«  La responsabilité personnelle d’un individu qui est actionnaire majoritaire et administrateur d’une compagnie peut être retenue dans les circonstances suivantes :

-           Il s’est porté caution d’une obligation contractuelle de la compagnie;

-           Il a lui-même commis une faute entraînant sa responsabilité extracontractuelle, par exemple en faisant de fausses représentations ou en remettant des documents falsifiés;

-           Il a activement participé à une faute extracontractuelle de la compagnie (ce qui se présume s’il est administrateur unique);

-           Il a utilisé la compagnie qu’il contrôle comme écran, comme paravent pour tenter de camoufler le fait qu’il a commis une fraude ou un abus de droit ou qu’il  a contrevenu à une règle intéressant l’ordre public; en d’autres termes, l’acte apparemment légitime de la compagnie revêt, parce que c’est lui qui la contrôle et bénéficie de cet acte, un caractère frauduleux, abusif ou contraire à l’ordre public;

L’article 317 ne s’applique que dans le dernier de ces cas. Le premier est régi par les articles 2333 et suivants, le deuxième par l’article 1457, et le troisième par les articles 1457 et 1526»

[56]            Si ce n’était pas des fausses représentations de M. Sabbah à l’effet que le paiement avait été effectivement transféré par le biais de son institution financière, Ecuapalmito aurait eu plusieurs options pour sauvegarder ses droits : Reprendre possession de sa marchandise par retour de livraison, ne pas remettre la documentation originale pour la remise des biens ou des mesures judiciaires telle que la saisie avant-jugement.

[57]            Au contraire, M. Sabbah, à plusieurs reprises, a fait des représentations confirmant le transfert des fonds tant verbalement que par écrit : le 11 avril 2003,(P-14), le 27 avril 2003, (P-16) le 16 mai 2003 (P-17), le 13 juin 2003 (P-21), 23 et 25 juin 2003 (P-23).

[58]            Après que deux mois se soient écoulés après la réception de la marchandise au Canada, soit le 26 juin 2003, M. Sabbah indique par courrier électronique : DON’T WORRY, ME TOO I WANT TO KNOW WHERE IS MY MONEY, SO WHEN I HAVE IT I’LL SENT IT TO YOU (P-24), prétextant clairement une perte d’argent, supposément déjà transféré par numéro de transfert donné quelques jours plus tôt. (P-23)

[59]            Selon Mondo Rubber (Canada) Ltée c. Mignault [4] :

«  … Le défendeur a été de mauvaise foi en trompant la naïveté du président de la demanderesse qui a accepté de laisser échapper la proie pour l’ombre.

… La Cour doit donc conclure que la quittance et la renonciation au privilège ont été obtenues par les fausses représentations du défendeur et que les actes du défendeur et ses fausses représentations constituent une faute de la part du défendeur qui a engendré la perte d’un privilège et la possibilité d'être payée par le propriétaire. »

[60]            Le Tribunal se réfère aussi à Pro-sag Mécanique Inc. c. Regor International Inc.,[5] où le juge conclut : 

« Manifestement, sciemment et en pleine connaissance de cause St-Germain et sa compagnie Regor Inc. se sont accaparé les biens de Regor International qui étaient le gage de ses créanciers; par leurs agissements ils ont privé ces derniers de toute possibilité de rejoindre les actifs de Regor International et d’en pouvoir faire l’objet d’une exécution judiciaire ou d’autre nature. 

En d’autres termes, le voile corporatif ne doit pas servir de moyen à la tricherie, au trucage ou à la manipulation.»

[61]            Le professeur Martel qui fait une étude poussée de la jurisprudence et des principes en matière de l’article 317 C.c.Q. et la responsabilité des administrateurs ou actionnaires et les compagnies sœurs, conclut dans son article :[6]

«Lorsqu’on est en présence d’une fraude paulienne, il n’est généralement pas nécessaire de faire appel à l’article 317 et à la notion de « voile corporatif » pour intenter avec succès des recours contre les administrateurs de la compagnie débitrice ou contre les compagnies liées à cette dernière. En effet, les articles 1457 et 1526 permettent de retenir la responsabilité personnelle et solidaire des administrateurs qui participent à la fraude de leur compagnie dans la mesure où celle-ci constitue une faute extracontractuelle, et les articles 1631 et suivants permettent, par voie de l’action en inopposabilité, d’exécuter contre les compagnies liées parties à la fraude le  jugement contre la compagnie débitrice. 

Dans toutes ces affaires, il y a eu condamnation personnelle de l’administrateur à des dommages-intérêts envers un tiers, en raison de fausses représentations ou de documents falsifiés faits ou remis à ce tiers. »

[62]            De plus dans un jugement aussi cité par le professeur Martel dans son article, Sigma Construction Inc c. levers [7] :, les défendeurs furent condamnés au paiement des honoraires des avocats de la demanderesse :

« …portant sur des faits pré-1994, l’actionnaire et administrateur unique d’une compagnie s’était fait rétrocéder rétroactivement par celle-ci, sous prétexte d’une (sic) défaut de lui avoir payé certaines sommes d’argent, un terrain sur lequel un tiers avait pris une action en passation de titre et une saisie. Le tiers poursuivit cet actionnaire en dommages, solidairement avec la compagnie. Il obtint gain de cause, et put même condamner les défendeurs au paiement des honoraires de ses avocats.

Le juge de la cour supérieure a eu raison de décider qu’il y avait eu abus de droit contractuel et donc faute personnelle de la part de Stelzer. Elle était donc justifiée de lever le voile corporatif et de retenir la responsabilité personnelle de ce dernier. »

[63]            Il se réfère aussi à, G.W.F. U.S.A. Corp c. Vêtements Club Champion par Geky Inc.[8]

«  …

En effet, le défendeur connaissait l’insolvabilité de sa compagnie, dont il est le seul administrateur et le seul actionnaire, et il aurait dû faire connaître cette situation financière à la demanderesse lors de la conclusion du contrat. L’absence de déclaration, en ce sens, est déraisonnable et constitue un abus de droit au sens de l’article 317 C.c.Q. Le défendeur est l’alter ego de sa compagnie et il est tenu personnellement responsable de la somme due à  la demanderesse. »

[64]            Le Tribunal est d’opinion que l’âme dirigeante de Sabbah Import Export et Coconut foods a crée une situation de confusion dans l’esprit de Ecuapalmito, et ceci, de façon délibérée.

[65]            M. Sabbah a donc engagé sa responsabilité personnelle à cet égard. Il est l’âme dirigeante en tant qu’administrateur de ses deux compagnies et a profité de cette confusion créée par ses agissements et fausses représentations quant au paiement :[9]

[66]            M. Sabbah a spécifiquement demandé que sur l’étiquetage, le no. 9117 correspondant à la compagnie 9117-2452 Québec Inc.,  soit imprimé pour les produits commandés (P-6). Il a aussi requis que l’importateur et l’acheteur soient déclarés comme étant  Sabbah Import (P-7). Celui-ci n’est nul autre que le nom d’emprunt de 9117-2452 Québec Inc. Ce n’est pas un pur hasard que cette compagnie soit située à la même adresse avec les mêmes coordonnées et le même courrier électronique que 9055-5632 Québec Inc. (Aliments Coconut, défenderesse principale)

[67]            Les défendeurs ont engagé leur responsabilité à l’égard des frais extra-judiciaires au montant de 6 210,45$. Il y eut abus d’ester en justice en produisant une défense sans documentation ou même un début de preuve crédible. Il en est de même pour la demande reconventionnelle. Les défendeurs ont été de « mauvaise foi » tant dans la création du lien contractuel que dans son exécution et dans l’exercice des recours judiciaires.[10]

[68]            Le Tribunal conclut donc que l’état de confusion créé par Jacques Sabbah entre 9055-5632 Québec Inc. et 9117-2452 Québec Inc. engage ces entreprises solidairement. Les fausses représentations de M. Sabbah et la fraude commise par ce dernier l’engagent aussi personnellement, solidairement avec les co-défenderesses.

[69]            Considérant que la demanderesse a démontré le bien-fondé de son action pour sa demande principale au montant de 36 299,25 $, représentant le prix de vente de la marchandise livrée, de même que la somme de 6 210,45 $ à titre de dommages pour les frais extra-judiciaires encourus dans ce litige, et de 600 $ pour les frais de traduction, le tout totalisant 43 109,70 $

[70]            Considérant que la demande reconventionnelle ne fut appuyé par aucun témoignage crédible et fondée sur preuve documentaire inexistante;

[71]            PAR CES MOTIFS, LA COUR :

[72]            MAINTIENT l’action;

[73]            CONDAMNE les défendeurs solidairement, 9055-5632 Québec Inc., 9117-2452 Québec Inc. et Jacques Sabbah, à payer, à la demanderesse, Ecuapalmito S.A., la somme de 43 109,70 $, avec intérêts légaux, majorés de l’indemnité additionnelle de l’article 1619 du Code civil du Québec et ceci, depuis la mise en demeure datée du 15 août 2003, avec les entiers dépens.

[74]            REJETTE la demande reconventionnelle de 9055-5632 Québec Inc, avec dépens.

 

 

 

__________________________________

BRIGITTE GOUIN, J.C.Q.

 

Me Harry Dikranian

Sternthal, Katznelson Montigny

Procureur de la demanderesse

 

Me Vanessa Fhima

Simon & Associés

Procureur des défendeurs

 

Dates d’audience :

23 et 24 février 2005

 



[1] Défense et demande reconventionnelle, pa. 33 à 40.

[2] REJB 1999-11842 (CA)

[3] Paul Martel, Le voile corporatif-, l’attitude des tribunaux face à l’article 317 du Code civil du Québec. (1998) 58 R. du B. 95 ., p. 135-136.

[4] [1981], (C.S.), p 1048, p. 1050.

[5] J.E. 98-258 (C.S.).

[6] Supra note 3, p. 100,106.

[7] J.E. 95-1846 (C.A.), p. 110.

[8] 98 BE-32 (C.Q.), pages 113 et 114.

[9] Marfoglia Construction Inc. c. 3088-1155 Québec Inc., J.E. 96-2306 (C.S.).

[10] Gestion Laberge inc.  c. Sinaei, J.E. 2002-1985 (C.S.).

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.