| Commission municipale du Québec |
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Date : Le 25 mai 2022 | ||
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Dossier : CMQ-68453-001 (32161-22) | ||
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Juge administratif: Sandra Bilodeau | ||
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Le Domaine Forget de Charlevoix inc. | ||
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Demanderesse | ||
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Municipalité de Saint-Irénée | ||
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Mise en cause | ||
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DEMANDE DE RECONNAISSANCE AUX FINS D’EXEMPTION DES TAXES FONCIÈRES | ||
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D écision
LA DEMANDE
[1] Le Domaine Forget de Charlevoix inc. demande le 10 novembre 2021, à la Commission municipale du Québec, une reconnaissance aux fins d’exemption des taxes foncières pour l’immeuble situé au 370, rue Principale, sur le territoire de la Municipalité de Saint-Irénée, conformément à la Loi sur la fiscalité municipale[1] (la Loi).
[2] La Commission consulte la Ville le 17 janvier 2022, conformément à l’article 243.23 de la Loi ; cette dernière ne fait pas parvenir son opinion.
[3] La Commission tient une audience lors de laquelle elle entend la preuve de la demanderesse présentée par Me Karine Dionne, qui est accompagnée de Ginette Gauthier, directrice générale. La Municipalité est représentée par Marie-Claude Lavoie, directrice générale.
LE CONTEXTE
[4] La demanderesse est propriétaire de l’immeuble depuis le 7 mai 2021.
[5] L’immeuble est en fait une église, acquise de la Fabrique de la paroisse de Saint-Laurent-de-Charlevoix.
[6] La demanderesse n’en est pas la seule utilisatrice, comme nous le verrons.
[7] Elle est un organisme à but non lucratif constitué en vertu de la Partie III de la Loi sur les compagnies[2], le 4 juin 1981.
[8] Elle exclut de sa demande un bureau situé à l’arrière du cœur de l’église, utilisé par la Fabrique.
QUESTIONS EN LITIGE
[9] Les conditions d’admissibilité à une reconnaissance en vue d’une exemption de taxes foncières sont-elles remplies?
[10] Le cas échéant, quelle est la date d’entrée en vigueur de la reconnaissance?
ANALYSE
Les conditions d’admissibilité à une reconnaissance en vue d’une exemption de taxes foncières sont-elles remplies?
[11] Pour faire droit à la demande de reconnaissance, la Commission vérifie si les conditions de la Loi sont remplies.
[12] Elle s’assure premièrement que la personne qui fait la demande est celle qui peut en faire l’objet, soit la personne au nom de laquelle l’unité d’évaluation est inscrite au rôle d’évaluation foncière; cette personne doit être une personne morale à but non lucratif[3].
[13] Dans le cas à l’étude, la demanderesse est une personne morale à but non lucratif et l’unité d’évaluation est bien inscrite à son nom au rôle d’évaluation foncière; elle a donc la qualité requise pour demander la reconnaissance.
[14] La Commission doit ensuite vérifier que l’utilisateur de l’immeuble, dans un but non lucratif, y exerce des activités admissibles de façon que cet exercice constitue l’utilisation principale de l’immeuble.
[15] Les états financiers[4] de la demanderesse établissent que ses activités sont exercées dans un but non lucratif et que ses membres n’en retirent aucun avantage personnel.
[16] Il faut donc déterminer si les activités qu’elle exerce dans l’immeuble sont admissibles à la reconnaissance.
[17] La demanderesse a pour mission de permettre l’approfondissement des connaissances dans diverses disciplines artistiques.
[18] Elle a acquis l’église puisqu’elle a besoin de locaux additionnels à ceux qu’elle détient déjà au 5, rang Saint-Antoine, sur le territoire de la Municipalité, et qui font l’objet d’une reconnaissance dans le dossier CMQ-57427.
[19] Elle utilisera à partir de la première semaine de juin 2022 l’église comme salle de pratique pour diverses disciplines artistiques, dont la musique et la danse et y présentera aussi des spectacles.
[20] Essentiellement, l’immeuble servira du début juin à la fin août, du lundi au samedi pour l’académie de musique; en dehors de la saison estivale, l’immeuble sera utilisé selon ses besoins pour ses activités relatives à la musique et la danse et des cours de musique sont envisagés les fins de semaine.
[21] Elle a offert de petits concerts gratuits dans l’église à l’été 2021 et des conférences sur divers sujets, dont l’historique de Charlevoix et l’importance des arts, intercalées de concerts.
[22] La Fabrique en vendant son immeuble à la demanderesse s’est réservé un droit d’usage pendant 15 ans pour l’exercice du culte religieux[5]. Ce droit lui permet une utilisation conjointe de l’église avec la demanderesse dont la nef, le cœur et l’orgue, et ce, pour la célébration des messes, baptêmes, mariages, funérailles et autres célébrations religieuses.
[23] Actuellement un maximum de quatre messes est célébré par mois et il y a peu de célébrations autres.
[24] La demanderesse a retiré tous les bancs de l’église et y mettra des chaises; la Fabrique utilise le cœur pour ses célébrations et la demanderesse la nef. Toutefois, pour les petits concerts, le cœur sera utilisé quelques fois.
[25] Si des célébrations autres que des messes ont lieu, telles des funérailles, la Fabrique en avise la demanderesse, pour qu’elles conviennent d’une date.
[26] L’église servira en tout temps à la demanderesse, sauf lors des célébrations religieuses, dont l’horaire doit être établi de concert entre la Fabrique et la demanderesse.
[27] Ces activités constituent l’utilisation de l’immeuble.
[28] Pour déterminer si les activités sont admissibles, il faut établir lesquelles sont exercées à titre principal, comme l’exige l’article 243.8 de la Loi. Si ce sont les célébrations religieuses, dont les messes, baptêmes et funérailles, qui le sont, elles ne constituent pas des activités qui rencontrent l'un des critères de l’article 243.8 de la Loi :
[29] L’article 243.8 de la LFM prévoit les activités qui sont admissibles :
« 243.8. L’utilisateur doit, dans un but non lucratif, exercer une ou plusieurs des activités admissibles de façon que cet exercice constitue l’utilisation principale de l’immeuble.
Sont admissibles :
1° la création, l’exposition ou la présentation d’une œuvre dans le domaine de l’art, pourvu, dans le cas de l’exposition ou de la présentation, que la possibilité d’y assister soit offerte, sans conditions préférentielles, au public;
2° toute activité d’ordre informatif ou pédagogique destinée à des personnes qui, à titre de loisir, veulent améliorer leurs connaissances ou habiletés dans l’un ou l’autre des domaines de l’art, de l’histoire, de la science et du sport ou dans tout autre domaine propre aux loisirs, pourvu que la possibilité de profiter de l’activité soit offerte, sans conditions préférentielles, au public;
2.1° la conservation d’objets destinés à être exposés ou présentés dans le cadre d’une activité, autre que la création d’une œuvre dans le domaine de l’art, visée au paragraphe 1° ou 2°;
3° toute activité exercée en vue de:
a) promouvoir ou défendre les intérêts ou droits de personnes qui, en raison de leur âge, de leur langue, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur race, de leur couleur ou de leur origine ethnique ou nationale ou en raison du fait qu’elles ont une maladie ou un handicap, forment un groupe;
b) lutter contre une forme de discrimination illégale;
c) assister des personnes opprimées, socialement ou économiquement défavorisées ou autrement en difficulté;
d) empêcher que des personnes ne deviennent en difficulté. »
(soulignement ajouté)
[30] Si ce sont les activités de la demanderesse qui sont exercées à titre principal, elles seraient admissibles, selon les paragraphes 1° et 2° du deuxième alinéa de l’article 243.8, qui prévoient que sont admissibles la présentation d’une œuvre dans le domaine de l’art, ainsi que toute activité d’ordre informatif ou pédagogique destinée à des personnes qui, à titre de loisir, veulent améliorer leurs connaissances ou habiletés dans un domaine de l’art.
[31] L’article 243.10 ajoute que pour l’application des paragraphes 1° et 2° du deuxième alinéa de l’article 243.8, font partie du domaine de l’art, la scène, y compris le théâtre, le théâtre lyrique, la musique, la danse et les variétés. Voyons ce qu’il en est.
[32] Les activités religieuses ont diminué avec les années partout au Québec, comme il est de connaissance judiciaire, et les fabriques se départissent de leurs églises et presbytères, qui sont reconvertis pour d’autres usages.
[33] Ici, la Fabrique a décidé de vendre l’immeuble et de conserver un droit d’usage pour les services religieux.
[34] La Commission doit donc se demander qui exerce à titre principal les activités dans cet immeuble ?
[35] Sur un nombre de mois, il est sûr que la Fabrique l’emporte avec une utilisation de 12 mois par année. Mais là n’est pas le seul critère à retenir.
[36] En effet, Domaine Forget intègre l’église à son patrimoine immobilier, car elle manque d’espace pour les répétitions des spectacles, qui sont présentés dans son immeuble sur le Rang Saint-Antoine. Il faut savoir que les activités du Domaine battent leur plein pendant la période estivale. En tant qu’acquéreur, le Domaine utilisera l’église à temps plein pendant l’été et après sur une base sporadique, dépendant des concerts et des cours qu’elle y offrira.
[37] Ainsi, sur une période de trois mois l’été, elle utilisera l’église 6 fois par semaine pendant 12 semaines, ce qui donne 72 jours d’utilisation en continu, auxquels s’ajouteront les autres concerts hivernaux, alors que la Fabrique l’utilisera en moyenne 3 fois par mois pour des messes, car la preuve démontre la rareté des prêtes disponibles pour officier. On en est donc à 36 jours d’utilisation, plus quelque baptêmes et funérailles, qui ne sont pas nombreux, selon la preuve.
[38] Il en ressort donc que c’est la demanderesse qui utilise à titre principal son immeuble et qu’à titre accessoire, la Fabrique l’occupe.
[39] Toutefois, il en va autrement du bureau affecté exclusivement à la Fabrique et qui se trouve derrière la nef et qui est exclu de la demande.
[40] La Commission conclut donc que la demande répond aux exigences de la Loi et que la reconnaissance peut être accordée.
Quelle est la date d’entrée en vigueur de la reconnaissance?
[41] L’article 243.12 édicte que lorsque la demande de reconnaissance aux fins de taxes fait suite à une modification du rôle d’évaluation et qu’elle a été reçue dans les 12 mois qui suivent l’expédition à la demanderesse de l’avis de la modification, la date d’entrée en vigueur de la reconnaissance peut être toute date non antérieure à celle de la prise d’effet de la modification :
« 243.12. La Commission fixe dans la reconnaissance la date où celle-ci entre en vigueur.
Cette date ne peut être antérieure au 1er janvier de l’année au cours de laquelle la demande de reconnaissance a été reçue.
Toutefois, lorsque la demande fait suite à une modification du rôle susceptible de rendre le demandeur débiteur d’une taxe foncière ou de la taxe d’affaires et qu’elle a été reçue dans les 12 mois qui suivent l’expédition au demandeur de l’avis de la modification, la date d’entrée en vigueur de la reconnaissance que fixe la Commission peut être toute date non antérieure à celle de la prise d’effet de la modification. »
[42] Dans le cas à l’étude, la modification du rôle prend effet le 7 mai 2021. L’avis de modification du rôle est expédié le 9 décembre 2021. La demande est reçue à la Commission le 10 novembre 2021. L’entrée en vigueur de la reconnaissance peut donc être fixée le 7 mai 2021.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION MUNICIPALE DU QUÉBEC :
– ACCORDE une reconnaissance d’exemption des taxes foncières à Le Domaine Forget de Charlevoix inc. à l’égard de l’immeuble situé au 370, rue Principale, sur le territoire de la Municipalité de Saint-Irénée, pour l’utilisation qu’elle en fait, à l’exception du bureau derrière la nef, à l’usage de la Fabrique.
– FIXE la date d’entrée en vigueur de la reconnaissance au 7 mai 2021.
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| sandra bilodeau Juge administratif | ||
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SB/md | |||
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Me Karine Dionne Stein Monast s.e.n.c.r.l. Pour la demanderesse | |||
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Audience tenue par zoom-webinaire le 17 mai 2022. | |||
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| La version numérique de | ||
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Secrétaire | Président | ||
[1] RLRQ, chapitre F-2.1.
[2] RLRQ, chapitre C-38.
[3] Art. 243.3, 243.5 et 243.6 de la Loi.
[4] États financiers au 31 décembre 2020.
[5] Acte de vente entre la Fabrique et la demanderesse.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.