Décision

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Frometa c. 9287-4908 Québec inc. (Autobro)

2017 QCCQ 12988

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

« Chambre civile »

N° :

500-32-153449-162

 

DATE :

26 octobre 2017

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU JUGE HENRI RICHARD

______________________________________________________________________

 

 

JOSÉ A. FROMETA

Demandeur

c.

9287-4908 QUÉBEC INC (AUTOBRO)

et

LOUIS ONET

Défendeurs

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 2 avril 2016, José A. Frometa achète une automobile d’occasion de 9287-4908 Québec inc. (Autobro) et soutient qu’elle est atteinte d’un défaut qui l’empêche de servir à l’usage auquel elle est destinée.

[2]           Il demande donc l’annulation de la vente, le remboursement des prix d’achat de l’automobile et d’une garantie prolongée et réclame des dommages-intérêts.

[3]           M. Frometa poursuit aussi le représentant d’Autobro, M. Louis Onet, qui plaide l’absence de lien de droit.

[4]           M. Onet a raison de plaider l’absence de lien de droit, si bien que le Tribunal rejette la demande contre lui.

[5]           À sa contestation, Autobro invoque la garantie de bon fonctionnement prévue à l’article 159 c) de la Loi sur la protection du consommateur (L.p.c.)[1] et plaide qu’elle ne trouve plus application puisque l’automobile est utilisée durant plus d’un mois :

159. La vente ou la location à long terme d’une automobile d’occasion comporte une garantie de bon fonctionnement de l’automobile:

a)  durant six mois ou 10 000 kilomètres, selon le premier terme atteint, si l’automobile est de la catégorie A;

b)  durant trois mois ou 5 000 kilomètres, selon le premier terme atteint, si l’automobile est de la catégorie B;

c)  durant un mois ou 1 700 kilomètres, selon le premier terme atteint, si l’automobile est de la catégorie C.

[6]           Aussi, Autobro réfère à la garantie prolongée achetée par M. Frometa afin de tenter de se dégager de toute responsabilité à l’égard du déficit d’usage qui affecte l’automobile.

QUESTIONS EN LITIGE

[7]           L’automobile vendue est-elle atteinte d’un déficit d’usage qui permet d’invoquer les articles 37, 38 et 53 L.p.c.?

CONTEXTE ET ANALYSE

[8]           Après deux mois d’utilisation, la transmission de l’automobile vendue devient défectueuse, si bien que M. Frometa ne peut plus utiliser le véhicule.

[9]           M. Frometa avise un représentant d’Autobro qui lui répond que le problème doit être résolu par l’assureur qui délivre la garantie prolongée.

[10]        En vertu de cette garantie prolongée, M. Frometa doit assumer un montant important puisqu’elle ne couvre qu’une partie des réparations.

[11]        Finalement, l’assureur refuse de couvrir les réparations en invoquant le fait que l’huile dans la transmission est contaminée par du liquide de refroidissement.

[12]        Le présent dossier met en œuvre les articles 37, 38 et 53 L.p.c. ainsi libellés :

37. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné.

38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.

53. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d’exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur un vice caché du bien qui a fait l’objet du contrat, sauf si le consommateur pouvait déceler ce vice par un examen ordinaire. Il en est ainsi pour le défaut d’indications nécessaires à la protection de l’utilisateur contre un risque ou un danger dont il ne pouvait lui-même se rendre compte. Ni le commerçant, ni le fabricant ne peuvent alléguer le fait qu’ils ignoraient ce vice ou ce défaut. Le recours contre le fabricant peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.

[13]        Dans Fortin c. Mazda Canada inc.[2], la Cour d’appel circonscrit les règles de droit applicables en cette matière, que le Tribunal résume de la manière suivante : 

-     Le défaut de respecter les garanties d’usage et de durabilité mentionnées aux articles 37, 38 et 53 L.p.c. donne ouverture au recours fondé sur le défaut caché du bien, objet d’un contrat de consommation;

-     Même si on peut valablement soutenir que la L.p.c. apporte une distinction entre la notion de déficit d’usage et celle de vice caché, la Cour d’appel décide que les garanties consacrées aux articles 37 et 38 L.p.c. ne sont qu’une application particulière de la notion de vice caché, elle-même d’origine législative;

-     Un défaut caché selon la L.p.c., lorsqu’il prend l’aspect d’un déficit d’usage, exige, à l’instar du Code civil du Québec, de satisfaire aux critères suivants : 1) avoir une cause occulte; 2) être suffisamment grave; 3) être inconnu de l’acheteur et finalement; 4) être antérieur à la vente;

-     L’article 37 L.p.c. confère au consommateur la garantie d’usage, c’est-à-dire que l’usage du bien doit répondre à ses attentes légitimes. Ainsi, dès que le bien ne permet pas l’usage auquel le consommateur peut raisonnablement s’attendre, il y a alors présomption que le défaut est antérieur à la vente, ce qui laisse également présumer, en application du troisième alinéa de l’article 53 L.p.c., de la connaissance par le vendeur de son existence;

-     Le consommateur bénéficie aussi de cette autre présomption, découlant de l’article 37 L.p.c., relative à l’existence d’une cause occulte. En raison du résultat précis imposé au commerçant par cette disposition, la preuve du consommateur doit pour l’essentiel se concentrer sur ce résultat insuffisant ou absent, selon le cas, si, bien entendu, il s’est livré à un examen ordinaire du bien avant l’achat. Ces preuves le dispensent de démontrer la cause à l’origine du déficit d’usage;

-     Les articles 37, 38 et 53 L.p.c. forment un tout cohérent en matière de défaut caché comprenant les présomptions nécessaires à l’établissement des garanties qu’ils énoncent;

-     La gravité du déficit d’usage réside dans la diminution importante de l’utilité du bien au point où le consommateur ne l’aurait pas acheté ou n’aurait pas consenti à donner un si haut prix s’il avait connu l’usage réduit qu’il pouvait obtenir de ce bien;

-     Une fois que le consommateur s’est déchargé de son fardeau d’établir le déficit d’usage et l’ignorance du défaut, l’article 272 L.p.c. crée une présomption absolue de préjudice donnant ouverture aux remèdes énumérés à cette disposition :

272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l’article 314 ou dont l’application a été étendue par un décret pris en vertu de l’article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas :

a)  l’exécution de l’obligation;

b) l’autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;

c)  la réduction de son obligation;

d)  la résiliation du contrat;

e)  la résolution du contrat; ou

f)  la nullité du contrat,

sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs;

-     Finalement, le déficit d’usage se manifestera habituellement par une entrave lors de l’utilisation normale du bien provoquant une diminution importante de son utilité. Les attentes raisonnables du consommateur en ce domaine sont censées correspondre à la norme objective du consommateur moyen apprécié au regard de la nature du produit et de sa destination.

[14]        Appliquant ces principes au cas sous étude, le Tribunal conclut que M. Frometa est bien-fondé de demander l’annulation de la vente intervenue, le remboursement du prix d’achat et des frais accessoires.

[15]        M. Frometa établit le déficit d’usage et son ignorance du défaut avant l’achat.

[16]        Il bénéficie donc de la présomption absolue de préjudice prévue à l’article 272 L.p.c. qui donne ouverture aux remèdes qui y sont énumérés.

[17]        Le fait que M. Frometa bénéficie d’une garantie prolongée auprès d’un tiers ne diminue en rien les obligations du commerçant à son égard.

[18]        Selon la preuve présentée, M. Frometa est en droit de réclamer à Autobro les montants suivants :

 

-       Prix d’achat : 3 145 $

-       Garantie prolongée : 350 $

-       Frais de remorquage : 143,72 $

-       Location d’un véhicule : 269,80 $.

 

POUR CES MOTIFS, le Tribunal :

 

ACCUEILLE en partie la demande de José A. Frometa contre 9287-4908 Québec inc. (Autobro);

REJETTE la demande de José A. Frometa contre Louis Onet, sans frais;

ANNULE, à toutes fins que de droit, le contrat de vente intervenu le 2 avril 2016 entre José A. Frometa et 9287-4908 Québec inc. (Autobro) portant sur une automobile d’occasion de marque Ford modèle E-250 de l’année 2005;

CONDAMNE 9287-4908 Québec inc. (Autobro) à payer à José A. Frometa 3 908,52 $ avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter du 3 juin 2016, et les frais de justice au montant de 100 $.

 

 

 

__________________________________

Henri Richard, J.C.Q.

 

 

 

 

Date d’audience :

6 octobre 2017

 



[1]     RLRQ, c. P-40.1.

[2]     2016 QCCA 31

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