Paquin c. Médecins (Ordre professionnel des)

2018 QCTP 41

TRIBUNAL DES PROFESSIONS

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

 

N° :

200-07-000216-185

 

DATE :

 17 mai 2018

 

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE ÉRICK VANCHESTEIN, J.C.Q.

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SÉBASTIEN PAQUIN

APPELANT

 

c.

 

MARIO DESCHÊNES, en qualité de syndic du Collège des médecins du Québec

INTIMÉ

 

et

 

CHRISTIAN GAUVIN, en qualité de secrétaire du Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec

MIS EN CAUSE

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JUGEMENT SUR DEMANDE D’ORDONNANCE DE SURSIS

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 173 DU CODE DES PROFESSIONS[1], LE TRIBUNAL PRONONCE UNE ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, NON-PUBLICATION ET NON-DIFFUSION DU NOM DU PATIENT MENTIONNÉ DANS LA PLAINTE OU DANS LES DOCUMENTS DÉPOSÉS ET DE TOUT RENSEIGNEMENT PERMETTANT DE L’IDENTIFIER.

 

[1]           L’appelant demande le sursis d’exécution d’une partie de la sanction imposée par le Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec (le Conseil) dans sa décision du 9 mars 2018.

[2]           L’appelant a été condamné à une période de radiation temporaire de 12 mois et à une amende de 2 500 $ pour l’infraction suivante :

1.    En faisant parvenir à son patient, dans les heures suivant l’examen médical, une demande d’amitié sur un réseau social, i.e. sur son compte Facebook personnel, et en lui faisant parvenir ultérieurement des messages déplacés, à connotation sexuelle, voire une invitation à avoir avec lui des activités sexuelles, contrairement à l’article 22 du Code de déontologie des médecins, ainsi qu’à l’article 59.1 du Code des professions.

[3]           L’article 166 alinéa 2 (4) du Code des professions (C. prof.) prévoit que cette sanction est exécutoire « nonobstant appel, sauf si le tribunal en ordonne autrement »[2].

[4]           Avant d’aborder les différents critères applicables à ce type de demande pour déterminer si l’appelant peut bénéficier d’un sursis, il y a lieu d’énoncer le contexte.

CONTEXTE

[5]           Le 29 novembre 2017, l’appelant enregistre un plaidoyer de culpabilité au seul chef de la plainte déposée le 21 avril 2017.

[6]           Séance tenante, le Conseil le déclare coupable en lien avec l’article 59.1 C. prof. et prononce une suspension conditionnelle des procédures en ce qui a trait à l’article 22 du Code de déontologie des médecins[3]. Les faits sous-jacents sont résumés ainsi par le Conseil :

[12]      L’intimé est médecin de famille et pratique notamment à l’urgence de l’Hôpital Saint-François d’Assise à Québec.

[13]      Dans la nuit du 30 au 31 décembre 2016, il évalue un patient qui consulte à l’urgence pour des douleurs abdominales.

[14]      Le 31 décembre en début de matinée, l’intimé prescrit au patient un congé de l’hôpital.

[15]      Au cours de la journée du 31 décembre 2016 vers 15h36, l’intimé fait une demande d’amitié au patient sur le réseau Facebook. Le patient âgé de 19 ans accepte la demande.

[16]      Le 31 janvier à 15h37, l’intimé écrit : « Si jamais ca feel pas hesites pas a m’ecrire ! Ca va me faire plaisir ».

[17]      Les échanges par clavardage se poursuivent.

(…)

[31]      Selon l’intimé, pendant quelques jours, ils ont des échanges anodins toujours uniquement par clavardage concernant leurs activités respectives du temps des fêtes.

[32]      Le 4 janvier 2017, le clavardage aborde des sujets de nature plus libertine.

[33]      L’intimé et le patient ont notamment les échanges suivants :

-   Le 4 janvier 2017

[…]

-     Intimé : J irai pas me faire masser la entk

-     Patient : Ahahahaha

-     Intimé : Toi celib ?

-     Patient : Ouais mais j’irai pas là non plus lol

-     Intimé : Hahaha

-     Intimé : Correct ca

-     Intimé : Quoiqu avoir un massage avec happy ending ca tjrs ete un fantasme

-     Patient : Jme suis déjà fait offert des trip à trois mais chu pas trop à l’aise avec un autre gars ahaha

-     Patient : Mais ca me traumstise pas

-     Intimé : Ha bouh

-     Intimé : C est vrmt cool pourtant

-     Intimé : Faut ouvrir ses horizons

-     Patient : Ouais je serais peut être game avec quelqu’un que je connais depuis longtemps

-     Intimé : Hahaha va falloir se connaitre J

-     Patient : Que veux tu dire

-     Intimé : Bah j dirais pas non a un trip ou t es la !

17:32

-     Intimé : Dsl L

18 :27

-     Intimé : J t ai pas vexe L

20 :04

-     Intimé : J suis inquiet la loo

22:03

-     Intimé : Entk vrmt dsl

23:11

-     Patient : À mon avis cette conversation nest paspas approprié pour un médecin avec son patient

[34]      Le clavardage se termine le 4 janvier 2017, à la suite de cette réponse du patient.

[35]      L’intimé ne cherche pas à poursuivre l’échange et n’a jamais eu de contact ultérieur avec le patient.[4].

(Reproduction intégrale)

(Référence omise)

[7]           La preuve révèle également que l’appelant « ignore pourquoi Facebook lui suggère le patient à titre d’ami potentiel »[5]. Il est catégorique, il n’a fait aucune recherche à son sujet.

[8]           En ce qui concerne le patient, celui-ci n’a pas donné suite aux messages laissés dans sa boîte vocale par le syndic adjoint ni aux courriels que ce dernier lui a expédiés.

[9]           Le Conseil n’a donc pas d’information relativement aux conséquences psychologiques vécues par le patient à la suite de ces échanges avec l’appelant.

[10]        Le 8 juin 2017, entre en vigueur la Loi modifiant diverses lois concernant principalement l’admission aux professions et la gouvernance du système professionnel[6] (la Loi 11).

[11]        Cette loi apporte des modifications importantes aux sanctions disciplinaires prévues à l’article 156 C. prof., soit l’augmentation de l’amende minimale à 2 500 $ par chef et une radiation temporaire minimale de cinq ans pour les infractions impliquant des gestes à caractère sexuel, sauf si le professionnel convainc le Conseil « qu’une radiation d’une durée moindre serait justifiée »[7].

[12]        Comme les représentations sur sanction ont eu lieu après l’entrée en vigueur de la Loi 11, le Conseil devait donc déterminer si les nouvelles sanctions s’appliquaient à la situation de l’appelant.

[13]        En première instance, l’appelant plaidait que le nouveau régime ne s’appliquait pas à sa situation puisque les faits étaient survenus antérieurement à l’entrée en vigueur de la Loi 11. Pour lui, cela serait donner une portée rétroactive illégale à la loi.

[14]        Se fondant sur des décisions similaires, l’appelant suggérait l’imposition d’une radiation temporaire de deux mois, assortie de l’amende minimale de 1 000 $.

[15]        L’intimé, au contraire, soumettait que le nouveau régime était d’application immédiate. Cependant, il concevait que la situation de l’appelant requérait une période de radiation moindre puisqu’il demandait une période de radiation temporaire oscillant entre 12 mois et 5 ans, assortie d’une amende minimale de 2 500 $.

LA DÉCISION DU CONSEIL

[16]        Le Conseil devait décider deux questions. D’abord, le régime de sanction applicable et en second lieu, la sanction juste à imposer en tenant compte des circonstances particulières de ce dossier.

[17]        En ce qui concerne la question de l’application immédiate des nouvelles sanctions, le Conseil, en se fondant entre autres sur les principes énoncés par la Cour d’appel du Québec dans Da Costa[8], se range du côté de la jurisprudence majoritaire et conclut à l’application immédiate de la Loi 11 :

[119]    Ainsi, le Conseil est d’avis que l’arrêt rendu par la Cour d’appel du Québec dans Da Costa et les décisions rendues par le conseil de discipline du Collège des médecins du Québec dans Rancourt et par le conseil de discipline du Barreau du Québec dans Dubé décidant que les dispositions de l’article 156 du Code des professions modifiées par la Loi 11 sont applicables à toutes plaintes pendantes pour lesquelles la sanction n’a pas encore été prononcée, peu importe la date de l’infraction, la date du dépôt de la plainte et le stade de l’instance disciplinaire au moment de l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions, représentent l’état du droit.[9].

(Références omises)

[18]       Pour ce qui est de la sanction appropriée, le Conseil considère qu’à la suite de l’entrée en vigueur de la Loi 11, « le Code des professions prévoit maintenant une nouvelle procédure où le professionnel déclaré coupable assume un fardeau de conviction. »[10].

[19]       Pour le Conseil, l’article 156, alinéa 3, constitue maintenant une nouvelle procédure applicable à la détermination de la sanction. Celle-ci prévoit un renversement de fardeau sur les épaules du professionnel, relativement aux critères applicables dans le cadre de la détermination de la sanction appropriée en matière d’infraction pour les gestes à caractère sexuel.

[20]       Ainsi, pour décider si une période de radiation temporaire moindre que celle de cinq ans prévue peut s’appliquer en l’espèce, le Conseil procède à l’analyse des critères du troisième alinéa de l’article 156 du C. prof.

[21]       Pour le premier critère, le Conseil constate que le geste posé par l’appelant est grave, tant en raison du geste lui-même que du contexte dans lequel il a été posé.

[22]       Pour le deuxième critère, le Conseil note que la conduite subséquente de l’appelant a démontré qu’il assume son erreur et la regrette sincèrement.  Il n’a pas cherché à excuser son inconduite, se déchargeant ainsi de son fardeau relativement à ce critère.

[23]       En ce qui concerne le troisième critère, l’appelant a également démontré qu’il a pris plusieurs mesures, même avant l’entrée en vigueur de la Loi 11, pour comprendre et s’assurer de ne plus récidiver.

[24]       En ce qui a trait au critère en lien avec l’exercice de la profession, le Conseil en arrive au constat qu’en matière d’infraction de nature sexuelle, le lien est toujours étroit avec la profession. Le public « est en droit de s’attendre que le maintien de la distance thérapeutique est au cœur des préoccupations des membres de la profession. »[11].

[25]       Le Conseil décèle plusieurs autres facteurs atténuants comme le fait que l’appelant ait plaidé coupable et reconnu les faits à la première occasion possible, qu’il a offert une bonne collaboration à l’enquête et qu’il n’a aucun antécédents disciplinaires.

[26]       Par ailleurs, le risque de récidive apparaît minime, compte tenu du témoignage de l’appelant et des rapports produits par le psychiatre Jocelyn Aubut et par la psychologue Danielle Poirier. Cette dernière effectue un suivi thérapeutique auprès de l’appelant depuis le dépôt de la plainte.

[27]       Le Conseil est donc convaincu que les circonstances de la présente affaire justifient une période de radiation inférieure à cinq ans.

[28]       En ce qui concerne la durée de cette période de radiation, le Conseil mentionne ce qui suit au sujet des précédents :

Les décisions déposées par l’intimé, toutes antérieures aux modifications de l’article 156 du Code des professions, présentent très majoritairement des périodes de radiation variant entre deux et six mois. La période de radiation de deux mois suggérée par l’intimé s’inscrit dans ce spectre de sanctions.[12].

[29]       Cependant, il décide de s’en démarquer et d’aborder avec circonspection ces précédents vu les récents amendements législatifs[13].

[30]       En se fondant sur l’arrêt Lacasse[14] de la Cour suprême du Canada, le Conseil affirme que les fourchettes de sanctions demeurent d’abord et avant tout des lignes directrices et non des règles absolues.

[31]       De plus, le fait que la politique de tolérance zéro invoquée par le Collège des médecins du Québec ne s’est pas traduite par l’élimination de ce type de comportements, il y a lieu d’envoyer un message clair aux membres de la profession que ce type d’inconduites de nature sexuelle, sous différentes formes, n’est plus toléré[15].

[32]       C’est ce qui amène le Conseil à imposer une période de radiation temporaire de 12 mois et une amende de 2 500 $.

ANALYSE

[33]       La discrétion pour octroyer un sursis d’exécution est balisée par des critères maintes fois considérés par les tribunaux, à savoir :

-       L’économie de la loi;

-       La faiblesse apparente de la décision attaquée;

-       L’existence des circonstances exceptionnelles;

-       Le préjudice irréparable et la balance des inconvénients.[16].

[34]       En ce qui concerne l’économie de la loi, en matière d’infraction en lien avec l’article 59.1 C. prof., ce critère ne milite pas en faveur du sursis et je fais miens les propos de ma collègue l’Honorable Julie Veilleux :

[26]      Considérant la formulation du deuxième alinéa de l'article 166 C. Prof., il m'apparaît que le critère de l'économie de la loi ne milite pas en faveur du sursis recherché par l'appelant. En effet, le législateur prévoit spécifiquement l'exécution provisoire d'une décision sur sanction à la suite d'une déclaration de culpabilité découlant de l'article 59.1 C. Prof.[17].

[35]       En ce qui a trait à la question de la faiblesse apparente de la décision attaquée, ce critère peut se définir ainsi :

[28]      Le test à appliquer au présent stade est de déterminer si les décisions souffrent de faiblesse apparente, c'est-à-dire « qui saute aux yeux ». De même, le Tribunal a, de façon constante, apprécié le sérieux des motifs d'appel soulevés.[18].

(Références omises)

[36]       L’appelant soumet au Tribunal les deux mêmes questions qui ont été débattues devant le Conseil soit l’application immédiate de la nouvelle loi et la sanction appropriée aux circonstances particulières de ce dossier.

[37]       Pour la question de l’application de la Loi 11 aux causes pendantes, l’appelant soutient que les instances disciplinaires ont adopté deux courants jurisprudentiels totalement opposés. D’un côté, on retrouve un nombre de décisions majoritaires qui qualifient la nouvelle disposition de rétrospective ou d’application immédiate, de l’autre, un certain nombre qui refuse d’appliquer la nouvelle disposition puisqu’elle aurait un effet rétroactif.

[38]       Entre l’époque où l’appelant a rédigé sa demande d’ordonnance de sursis et l’audience de celui-ci, le Tribunal des professions a rendu deux jugements à ce sujet[19]. Ceux-ci examinent la question sous tous les angles soumis dans le cadre de cette affaire et concluent à l’application immédiate ou rétrospective de la Loi 11.

[39]       Dans l’état actuel du droit, la décision du Conseil s’inscrit en droite ligne avec les jugements récents du Tribunal des professions qui, comme l’a rappelé l’intimé, sont finals. En ce qui concerne cette question particulière, il n’y a pas faiblesse apparente.

[40]       Pour la question de la justesse de la sanction, l’appelant soumet que l’analyse du Conseil est fondée principalement sur l’application de la modification législative, justifiant ainsi une période de radiation temporaire de 12 mois qui est manifestement déraisonnable à ses yeux puisqu’elle s’écarte de manière excessive des précédents applicables en semblables matières. Il rappelle également que le Conseil reconnaît que la suggestion d’une radiation temporaire de deux mois s’inscrit dans les paramètres établis antérieurement par le Conseil de discipline de l’Ordre :

[236]    Les décisions déposées par l’intimé, toutes antérieures aux modifications de l’article 156 du Code des professions, présentent très majoritairement des périodes de radiation variant entre deux et six mois. La période de radiation de deux mois suggérée par l’intimé s’inscrit dans ce spectre de sanctions.[20].

[41]       De plus, l’appelant souligne que la durée de 12 mois suggérée par l’intimé et imposée par le Conseil n’est fondée sur aucun précédent similaire.

[42]       Bref, l’appelant soumet que le Conseil a commis une erreur manifeste et déterminante en se fondant sur la nouvelle mesure pour établir la période de radiation, rendant ainsi caduque l’échelle des précédents. Il s’agit là pour lui d’une faiblesse apparente.

[43]       Il est bien connu que le pouvoir  d’une instance d’appel en matière de sanction est très limité et encadré[21]. L’intervention ne pourra avoir lieu qu’en présence d’une erreur de principe ou d’une sanction manifestement non indiquée.

[44]       Dans la présente affaire, le Conseil écarte totalement les précédents pour établir un nouveau plancher pour des gestes qui, il y a peu, méritaient de deux à six fois moins en termes de durée de période de radiation temporaire.

[45]       Le procureur de l’intimé soumet qu’en modifiant la loi, le législateur a voulu faire tabula rasa de la jurisprudence antérieure. Il s’agit effectivement du raisonnement suivi par le Conseil.

[46]       L’appelant soumet qu’en ce faisant, le Conseil omet de considérer les nombreux facteurs atténuants et particuliers de cette affaire, soit :

-       Qu’il s’agit uniquement de propos et qu’il n’y a jamais eu de rencontre entre l’appelant et le patient;

-       Qu’il s’agit d’une infraction isolée qui ne s’est jamais répétée, dont la durée a été de quatre jours et d’une minute si l’on considère les propos de nature sexuelle;

-       Que l’appelant n’a aucun antécédents disciplinaires;

-       Qu’il ne présente aucun risque de récidives et qu’il y a absence de déviance sexuelle;

-       Qu’il a reconnu son inconduite à la première occasion et qu’il a collaboré à l’enquête du syndic;

-       Qu’il a plaidé coupable à la première occasion;

-       Qu’il a exprimé des regrets reconnus comme sincères et palpables par le Conseil;

-       Qu’il a suivi les formations recommandées par le syndic et entrepris, dès avril 2017, de sa propre initiative, un suivi psychologique qui se poursuit;

-       Qu’il n’y a aucune preuve d’un préjudice particulier causé au patient;

-       Et que la vie personnelle et professionnelle de l’appelant a été grandement ébranlée.

[47]       Cet appel suscite une question sérieuse sur le sens qu’il faut donner à la mesure d’exception à la lumière de la jurisprudence antérieure. Il s’agit d’une question qui présente un motif d’appel sérieux et défendable[22].

[48]       Pour le Tribunal, sans toutefois se prononcer sur le fond, il y a faiblesse apparente au sujet de la justesse de la sanction qui milite pour l’octroi du sursis recherché.

[49]       En ce qui concerne les circonstances exceptionnelles invoquées par l’appelant, celles-ci se concentrent particulièrement sur les nombreuses décisions contradictoires relativement à l’application immédiate ou non de cette modification.

[50]       Comme mentionné précédemment, au niveau du Tribunal des professions, la question a été traitée par deux formations et il n’y a pas divergence.

[51]       Par contre, l’application immédiate de la Loi 11 a un effet direct avec la justesse de la sanction. Cela suscite une question nouvelle relativement aux sanctions pouvant être imposées lorsque la démonstration est faite que la sanction minimale de cinq ans n’est pas justifiée.

[52]       Dans ces circonstances, le Tribunal considère que ce critère milite également pour l’octroi du sursis.

[53]       Pour les critères du préjudice irréparable et de la balance des inconvénients, l’appelant soumet que le délai avant que l’appel soit entendu risque de rendre celui-ci illusoire. Ce dossier sera nécessairement entendu après la période de 2 mois suggérée comme sanction et il est possible que le délai dépasse même la période de 12 mois imposée.

[54]       Par ailleurs, le public ne sera pas à risque puisque l’appelant a toujours continué d’exercer la médecine sans aucune restriction jusqu’à la signification de la décision. De plus, le Conseil a même reconnu que le risque de récidive est minime.

[55]       Tel que mentionné précédemment, ce pourvoi suscite des questions d’intérêt au sujet de la philosophie sous-jacente aux nouvelles sanctions en matière d’infractions à caractère sexuel.

[56]       Le profil de l’appelant et son comportement depuis le début de ce dossier démontrent que la protection du public n’est pas à risque.

[57]       Il est clair que même en respectant les délais très rigoureusement, cet appel ne risque pas d’être entendu avant l’hiver 2019, ce qui, à toute fin pratique, rendrait celui-ci purement théorique.

[58]       Dans les circonstances particulières de cette affaire, il serait préjudiciable de ne pas accorder le sursis et la balance des inconvénients milite en faveur de l’appelant.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE la demande en suspension d’exécution de l’appelant;

ORDONNE le sursis d’exécution de la décision du Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec rendue le 9 mars 2018 jusqu’à ce qu’un jugement final sur l’appel au fond soit rendu par le Tribunal des professions;

LE TOUT, déboursés à suivre.

 

 

 

__________________________________

ÉRICK VANCHESTEIN, J.C.Q.

 

Me Isabelle Racine

Me Sophie Brown

McCarthy Tétrault

Pour l’APPELANT

 

Me Jacques Prévost

Pouliot, Caron, Prévost, Bélisle, Galarneau

Pour l’INTIMÉ

 

Me Christian Gauvin

En qualité de secrétaire du Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec

Mis en cause

 

Date d'audience :

 

C.D. No:

10 mai 2018

 

24-2017-00982

Décision sur culpabilité et sanction rendue le 9 mars 2018.

 



[1]     RLRQ c. C-26.

[2]     Id.

[3]     RLRQ c. M-9, r.17.

[4]     Décision sur culpabilité et sanction.

[5]     Id., paragr. 29.

[6]     L.Q. 2017, c. 11.

[7]     Précité, note 1, art. 156, al. 2.

[8]     Thibault c. Da Costa, 2014 QCCA 2347.

[9]     Précité, note 4.

[10]    Id., paragr. 172.

[11]    Id., paragr. 227.

[12]    Id., paragr. 236.

[13]    Id., paragr. 238.

[14]    R. c. Lacasse, 2015 CSC 64.

[15]    Précité, note 4, paragr. 244.

[16]    Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110; Genest c. Médecins (Ordre professionnel des), 2005 QCTP 91; Terjanian c. Dentistes (Ordre professionnel des), 2013 QCTP 34 et 2014 QCTP 57; Michon c. Avocats (Ordre professionnel), 2013 QCTP 77; Sproule c. Avocats (Ordre professionnel des), 2014 QCTP 46; Belliard c. Barreau du Québec (Comité exécutif du), 2014 QCTP 106; Villeneuve c. Dentistes (Ordre professionnel des), 2015 QCTP 87.

[17]    Moïse c. Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des), 2015 QCTP 21.

[18]    Id.

[19]    Physiothérapie (Ordre professionnel de la) c. Oliviera, 2018 QCTP 25; Travailleurs sociaux et thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec (Ordre professionnel des) c. Bernier, 2018 QCTP 31 et 32.

[20]    Précité, note 4.

[21]    Drolet-Savoie c. Tribunal des professions, 2017 QCCA 842, paragr. 60.

[22]    Paquin c. Bernard, 2001 QCTP 67; Laprise c. Optométristes, 2003 QCTP 6; Corriveau c. Avocats (Ordre professionnel des), 2007 QCTP 11; Sproule c. Avocats (Ordre professionnel des), précité, note 16.

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