Décision

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Commission municipale du Québec

 

 

 

 

Date : Le 12 juin 2024

 

 

Dossier : CMQ-70565-001   (33787-24)

 

 

Juge administratif : Martin St-Laurent

 

 

 

 

 

Jubilé Missions Canada

 

Demanderesse

 

et

 

Municipalité de

Saint-André-d'Argenteuil

 

Mise en cause

 

 

 

 

 

 

DEMANDE DE RECONNAISSANCE AUX FINS

D’EXEMPTION DES TAXES FONCIÈRES

 

 

 

D écision

LA DEMANDE

[1]               Jubilé Missions Canada demande une reconnaissance aux fins d’exemption des taxes foncières pour l’immeuble situé au 49, route du Long-Sault, sur le territoire de la Municipalité de Saint-André-d'Argenteuil.

[2]               Les articles 243.1 et suivants de la Loi sur la fiscalité municipale[1] (la Loi) prévoient les conditions d’admissibilité à une reconnaissance.

[3]               La Commission consulte la Municipalité conformément à l’article 243.23 de la Loi. Celle-ci s’oppose à la demande présentée devant la Commission[2].

[4]               Elle soumet que l’organisme demandeur ne possède aucune autorisation de la municipalité pour l'opération d'un lieu de culte ou de réunion et que cet usage n'est pas permis en vertu de la réglementation d'urbanisme.

[5]               Elle ajoute que le service d'urbanisme et le service incendie de la municipalité, conjointement avec le service de prévention incendie de la MRC d'Argenteuil ont réalisé des inspections et relevé de nombreuses non-conformités réglementaires reliées au bâtiment de l'organisme.

[6]               Elle fait aussi valoir que suite à ces inspections, des rapports ont été transmis à l'organisme avec des recommandations afin que leur bâtiment devienne conforme et que malgré cela, l'ensemble des recommandations et modifications demandées n'ont pas été effectuées.

[7]               La Commission tient une audience lors de laquelle elle entend la preuve de la demanderesse présentée par madame Susanna Hyeonmo Goo, vice-présidente, qui est accompagnée de madame Karine Laperriere, traductrice. La Municipalité est représentée par madame Paula Knudsen, directrice générale.

LE CONTEXTE

[8]               La demanderesse est propriétaire de l’immeuble depuis le 17 juin 2020.

[9]               L’immeuble est une église comprenant un sous-sol, un rez-de-chaussée ainsi qu’un second étage.

[10]           Un espace situé dans l’aile gauche du rez-de-chaussée de l’immeuble est utilisé en tant que domicile par le pasteur et sa famille.

[11]           La grande salle de célébration du rez-de-chaussée est utilisée aux fins des diffusions des séances de culte.

[12]           La partie de l’aile droite du rez-de-chaussée, ainsi que le deuxième étage de même que le sous-sol comprenant plusieurs chambres et bureaux. Ces parties de l’immeuble sont présentement inutilisées car elles nécessitent des réparations importantes.

[13]           La demanderesse en est la seule utilisatrice.

QUESTIONS EN LITIGE

[14]           Les conditions d’admissibilité à une reconnaissance en vue d’une exemption de taxes foncières sont-elles remplies?

[15]           Le cas échéant, quelle est la date d’entrée en vigueur de la reconnaissance?

ANALYSE

Les conditions d’admissibilité à une reconnaissance en vue d’une exemption de taxes foncières sont-elles remplies?

[16]           Pour faire droit à la demande de reconnaissance, la Commission vérifie si les conditions de la Loi sont remplies.

[17]           Elle s’assure premièrement que la personne qui fait la demande est celle qui peut en faire l’objet, soit la personne au nom de laquelle l’unité d’évaluation est inscrite au rôle d’évaluation foncière; cette personne doit être une personne morale à but non lucratif[3].

[18]           Dans le cas à l’étude, la demanderesse est une personne morale à but non lucratif constituée en vertu d’une loi de la Colombie-Britannique, le Business Corporations Act[4] et l’unité d’évaluation est bien inscrite à son nom au rôle d’évaluation foncière; elle a donc la qualité requise pour demander la reconnaissance.

[19]           La Commission doit ensuite vérifier que l’utilisateur de l’immeuble, dans un but non lucratif, y exerce des activités admissibles de façon que cet exercice constitue l’utilisation principale de l’immeuble.

[20]           Les états financiers[5] de la demanderesse établissent que ses activités sont exercées dans un but non lucratif et que ses membres n’en retirent aucun avantage personnel.

[21]           Il faut donc déterminer si les activités qu’elle exerce dans l’immeuble sont admissibles à la reconnaissance.

[22]           L’article 243.8 de la LFM prévoit les activités qui sont admissibles :

 

« 243.8. L’utilisateur doit, dans un but non lucratif, exercer une ou plusieurs des activités admissibles de façon que cet exercice constitue l’utilisation principale de l’immeuble.

 

Sont admissibles :

 

 la création, l’exposition ou la présentation d’une œuvre dans le domaine de l’art, pourvu, dans le cas de l’exposition ou de la présentation, que la possibilité d’y assister soit offerte, sans conditions préférentielles, au public;

 

 toute activité d’ordre informatif ou pédagogique destinée à des personnes qui, à titre de loisir, veulent améliorer leurs connaissances ou habiletés dans l’un ou l’autre des domaines de l’art, de l’histoire, de la science et du sport ou dans tout autre domaine propre aux loisirs, pourvu que la possibilité de profiter de l’activité soit offerte, sans conditions préférentielles, au public;

 

2.1° la conservation d’objets destinés à être exposés ou présentés dans le cadre d’une activité, autre que la création d’une œuvre dans le domaine de l’art, visée au paragraphe 1° ou 2°;

 

 toute activité exercée en vue de:

 

a) promouvoir ou défendre les intérêts ou droits de personnes qui, en raison de leur âge, de leur langue, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur race, de leur couleur ou de leur origine ethnique ou nationale ou en raison du fait qu’elles ont une maladie ou un handicap, forment un groupe;

 

b) lutter contre une forme de discrimination illégale;

 

c) assister des personnes opprimées, socialement ou économiquement défavorisées ou autrement en difficulté;

 

d) empêcher que des personnes ne deviennent en difficulté. »

 

[23]           La demanderesse est un organisme ayant pour mission de promouvoir la religion chrétienne.

[24]           À cette fin, elle a fait l’acquisition d’une ancienne église afin d’y offrir des services de culte.

[25]           En raison de travaux de réfection majeur, l’immeuble n’est pas ouvert au public pour le moment.

[26]           L’organisme offre, via une plateforme en ligne, des séances de culte et de prières, diffusées depuis l’église.

[27]           Ces séances sont constituées de conseils, d’enseignements de la bible, de prières, de musique et de chants.

[28]           Le pasteur fait des prières, prononce des sermons et joue de la guitare accompagnée d’enregistrements de musique chrétienne. Les gens en ligne peuvent alors, eux aussi, s’adonner à la prière, au chant et à la musique.

[29]           Une douzaine de personnes assistent aux séances présentées durant les jours de semaines. Entre quarante et cinquante personnes peuvent assister aux évènements tenus durant les fins de semaines.

[30]           Sa clientèle est composée principalement d’adolescents, ainsi que de familles ayant besoin de soutien spirituel.

[31]           La demanderesse allègue que ses activités sont admissibles conformément au paragraphe 1° du deuxième alinéa de l’article 243.8 de la Loi qui prévoit qu’est admissible toute activité de création, d’exposition ou de présentation d’une œuvre dans le domaine de l’art.

[32]           Elle réfère aux activités de prières, de musique et de chants qui ont lieu durant les séances de culte.

[33]           L’expression « exercice du culte public » a été définie par la Cour du Québec dans une décision rendue en 1990[6] et « comprend l’ensemble des pratiques religieuses offertes par les autorités ecclésiastiques, y compris les prières, les réunions à caractère pastoral et autres activités religieuses auxquelles peuvent s’adonner les adhérents.»

[34]           La Commission est d’avis que les activités de la demanderesse ne sont pas admissibles en vertu du paragraphe 1° du deuxième alinéa de l’article 243.8 de la Loi qui vise la création, l'exposition ou la présentation d'une œuvre dans le domaine de l'art, ni en vertu du paragraphe 2.1° qui vise la conservation d’objets destinés à être exposés ou présentés dans le cadre d’une activité autre que la création d’une œuvre dans le domaine de l’art.

[35]           Certes les séances de culte offertes par la demanderesse comprennent des prestations de chants religieux, accompagnées de musique enregistrée et de prestations à la guitare par le pasteur ou par des adeptes en ligne.

[36]           La Commission considère qu’il s’agit plutôt d’un mode d’expression dans le cadre de l’exercice du culte.

[37]           Ces activités ne sont pas, non plus, admissibles en vertu du paragraphe 2° du deuxième alinéa de l’article 243.8 de la Loi. Il ne s’agit pas d’activité d’ordre informatif ou pédagogique pratiquées à des fins de loisirs. Ces activités de culte sont plutôt réalisées dans le cadre de temps engagé. 

[38]             En effet, comme le rappelle la Commission dans la décision Centre alimentaire Aylmer[7] la pratique de la religion n’est pas une activité pédagogique ou informative exercée à des fins de loisirs.

« [28]        La célébration de la messe n’est pas une activité d’ordre informatif ou pédagogique, mais plutôt d’ordre cérémonial ou rituel. Aussi, une personne qui assiste à la messe pratique sa religion dans le cadre d’un engagement moral ou spirituel, et non à titre de loisir.  »

 

[39]           D‘ailleurs, la Commission refuse de façon constante de reconnaître toute activité reliée à l’exercice du culte religieux et de la prière comme étant une activité de loisirs[8].

[40]           De plus, la demanderesse fait valoir que ces activités sont également admissibles conformément au premier alinéa de l’article 243.8 de la Loi et au sous-paragraphe d) du paragraphe 3° du deuxième alinéa de cet article qui prévoient qu’est admissible toute activité exercée en vue d’empêcher que des personnes ne deviennent en difficulté.

[41]           Elle souligne que lors des séances de cultes, elle offre des conseils et des prières à des jeunes qui sont, pour certains, aux prises avec des problèmes de dépression ou d’anxiété. Elle leur vient ainsi en aide à travers les prières, les chants et la musique.

[42]           Bien que des conseils et des prières soient offerts à des jeunes, dont certains ont des problèmes de dépression ou d’anxiété, la Commission considère qu’ils s’inscrivent plutôt dans le cadre des enseignements, des sermons et de la pratique du christianisme ayant lieu durant les séances de cultes.

[43]           Ce réconfort que certains adeptes y retrouvent est une conséquence subjective pour ceux-ci. Il ne s’agit pas de l’objectif principal de ces activités.

[44]           Le témoignage de la demanderesse, ainsi que les mentions apparaissant au formulaire de demande démontrent clairement que le but dominant, c’est-à-dire la cause principale et immédiate[9] de ces activités consiste à offrir des services de cultes.

[45]           Il ne s’agit pas non plus d’une activité visant à promouvoir ou défendre les intérêts ou droits d’un groupe de personne (par. 3° a), à lutter contre une forme de discrimination illégale (par 3° b), à assister des personnes opprimées, socialement ou économiquement défavorisées ou autrement en difficulté (par. 3° c). 

[46]           La Commission conclut donc que la demande ne répond aux exigences de la Loi et que la demande de reconnaissance doit être refusée.

[47]           Par ailleurs, tel que le prévoit l’alinéa 2 de l’article 243.7 de la Loi, l’utilisation d’une partie de l’immeuble, par le pasteur et sa famille comme lieu de résidence permanent, ne peut constituer une activité admissible à une reconnaissance. En effet, bien qu’ils soient des occupants, il ne s’agit pas d’un hébergement de nature transitoire au sens de la Loi.

[48]           Finalement, la Municipalité a fait valoir différents arguments de non-conformité de l’immeuble relativement à ses règlements d’urbanismes, notamment au niveau des usages permis.

[49]           Dans le cadre d’une demande de reconnaissance aux fins d’exemption des taxes foncières, la Commission n’a pas à examiner la conformité d’un immeuble relativement aux règlements d’urbanisme en vigueur sur le territoire de la Ville sur lequel il est situé.

[50]           La Commission doit plutôt et uniquement déterminer si la demande qui lui est présentée remplit les conditions prévues aux articles 243.5 et suivants de la Loi.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION MUNICIPALE DU QUÉBEC :

        REJETTE la demande de reconnaissance de Jubilé Missions Canada

 

 

 

 

Martin St-Laurent

Juge administratif

 

MSL/md

 

Madame Susanna Hyeonmo Goo

Pour la demanderesse

 

Madame Paula Knudsen

Pour la mise en cause

 

Audience tenue le 30 mai 2024, par visioconférence

 

 

La version numérique de
ce document constitue l’original de la Commission municipale du Québec

 

 

Secrétaire

Président

 


[1] RLRQ, chapitre F-2.1.

[2] Résolution no 2024-05-R086, adoptée lors de la séance ordinaire du conseil de la municipalité tenue le 7 mai 2024.

[3] Art. 243.3, 243.5 et 243.6 de la Loi.

[4] S.B.C. 2002, c. 57.

[5] États financiers datés du 31 décembre 2022.

[6]  Québec (Communauté urbaine de) c. Pentecostal Assemblies of Canada inc., Cour du Québec, 5 janvier 1990 (200-02-001841-867), p. 7.

[7]  Centre alimentaire Aylmer et Ville de Gatineau, 2018 CanLII 66313 (QC CMNQ).

[8]  Le centre islamique libanais inc. (Re), 2003 CanLII 56741 (QC CMNQ); Comité de la Vierge du Rocher de Pentecôte inc. (Re), 2003 CanLII 55695 (QC CMNQ) ; La Congrégation de la Maison d’Israël du Lac à la Truite Ltée (Re), 2004 CanLII 58496 (QC CMNQ); Ahlul-Bayt Centre-Ottawa (Re), 2004 CanLII 58678 (QC CMNQ); Fondation Haqqani (Re), 2004 CanLII 59360 (QC CMNQ); Fondation IQRA (Re), 2005 CanLII 59783 (QC CMNQ); Fondation Radio Galilée (Re), 2006 CanLII 60174 (QC CMNQ) ; Centre islamique Badr (Re), 2006 CanLII 60106 (QC CMNQ); Bnot Jérusalem garderie et école pour jeunes filles (Re), 2007 CanLII 54433 (QC CMNQ); Comité de la Vierge du Rocher de Pentecôte inc. (Re), 2007 CanLII 54397 (QC CMNQ); Buddhist Compassion Relief Tzu Chi Foundation of Canada et Ville de Montréal, 2009 CanLII 51735 (QC CMNQ); Association musulmane du Canada (Re), 2009 CanLII 73698 (QC CMNQ); Centre bouddhiste Serlingpa et Ville de Baie-Comeau, 2010 CanLII 44564 (QC CMNQ); Centre Kawtar de Laval inc. (Re), 2011 CanLII 10319 (QC CMNQ); Mission charismatique internationale du Canada et Ville de Montréal, 2011 CanLII 24461 (QC CMNQ); Centre communautaire musulman de Longueuil et Ville de Longueuil, 2014 CanLII 4715 (QC CMNQ); Centre de bouddhisme Hu’O’Ng Vân et Ville de Laval, 2015 CanLII 78763 (QC CMNQ); Fondation Radio Galilée et Ville de Québec, 2016 CanLII 65854 (QC CMNQ); Association musulmane du Canada et Ville de Montréal, 2016 CanLII 72604 (QC CMNQ); Comité de la Vierge du Rocher de Pentecôte inc. et Ville de Port-Cartier, 2017 CanLII 16760 (QC CMNQ); Presbytère Maison du Partage et Municipalité de la paroisse de Saint-Louis-du Ha! Ha!, 2017 CanLII 60898 (QC CMNQ); Centre alimentaire Aylmer et Ville de Gatineau, 2018 CanLII 66313 (QC CMNQ), Fondation de l'Église St-Georges inc. et Ville de Drummondville, 2020 CanLII 27919 (QC CMNQ), Coopérative de solidarité en habitation Carpe Diem et Ville de Lévis, 2020 CanLII 76254 (QC CMNQ), Centre communautaire et culturel bouddhique laotien et Municipalité de Sainte-Julienne, 2022 CanLII 62708 (QC CMNQ).

[9]  Article 243.11 de la Loi.

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