Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

Lemay et Transport A. Laberge & Fils inc.

2012 QCCLP 3007

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

1er mai 2012

 

Région :

Lanaudière

 

Dossier :

440059-63-1105          444073-63-1107

 

Dossier CSST :

133848689

 

Commissaire :

Lina Crochetière, juge administratif

 

Membres :

Alain Crampé, associations d’employeurs

 

Robert Côté, associations syndicales

 

 

Assesseur :

Serge Bélanger, médecin

______________________________________________________________________

 

 

 

Mario Lemay

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Transport A. Laberge & Fils inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

Dossier 440059-63-1105

[1]           Le 26 mai 2011, monsieur Mario Lemay (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 20 mai 2011, à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, l’instance de révision confirme la décision initiale rendue le 22 mars 2011 portant sur l’avis[1] du Bureau d’évaluation médicale du 17 mars 2011 et sur les droits qui en découlent.

Dossier 444073-63-1107

[3]           Le 7 juillet 2011, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 20 juin 2011, à la suite d’une révision administrative.

[4]           Par cette décision, l’instance de révision confirme la décision initiale rendue le 16 mai 2011 portant sur l’avis[2] du Bureau d’évaluation médicale du 3 mai 2011 et sur les droits qui en découlent.

[5]           L’audience est tenue à Montréal le 15 novembre 2011. Le travailleur est présent et représenté. La compagnie Transport A. Laberge & Fils inc. (l’employeur) n’est pas représentée. La cause est prise en délibéré le même jour.

L’OBJET DES REQUÊTES

Dossier 440059-63-1105

[6]           Le travailleur ne conteste pas le diagnostic de neuropraxie du plexus brachial. Il ne conteste pas le diagnostic d’entorse de l’épaule droite mais demande de reconnaître les diagnostics de déchirure partielle du sus-épineux et déchirure du labrum antérieur à l’épaule droite. Il ne conteste pas le diagnostic d’entorse cervicale mais demande d’y ajouter « avec dysfonction segmentaire résiduelle intéressant surtout l’étage supérieur, notamment en C2-C3, C3-C4 droite associée à des céphalées cervicogéniques et également intéressant l’étage cervical moyen en C4-C5 entraînant des tensions myofasciales au niveau de la ceinture scapulaire droite ». Il demande de reconnaître le diagnostic de syndrome douloureux régional complexe au membre supérieur droit. Il ne conteste pas le fait qu’au moment de l’examen par le membre du Bureau d’évaluation médicale, le 18 février 2011, la lésion n’était pas consolidée et nécessitait encore des soins ou traitements.

 

Dossier 444073-63-1107

[7]           Le travailleur demande que la date de consolidation soit fixée au 26 juillet 2011 mais demande que soit autorisé le traitement d’injection de toxine botulinique au niveau de la ceinture scapulaire droite. Il demande la reconnaissance de l’évaluation de l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique (atteinte permanente) et des limitations fonctionnelles faite par son expert.

L’AVIS DES MEMBRES

Dossiers 440059-63-1105 / 444073-63-1107

[8]           Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis d’accueillir en partie les requêtes pour les principaux motifs suivants : la preuve permet, en raison du mécanisme accidentel et de la preuve spécifique de reconnaître les déchirure du sus-épineux et du labrum mais aucune condition associée à l’entorse cervicale; la preuve démontre que la lésion est consolidée avec suffisance de soins ou traitements au jour de l’examen du second Bureau d’évaluation médicale; la preuve démontre que la neuropraxie brachiale ne laisse aucune séquelle; concernant l’épaule droite, il y a lieu de reconnaître les ankyloses; quant aux limitations fonctionnelles, la prépondérance de preuve ne permet pas de modifier celles émises par le second Bureau d’évaluation médicale.

LA PREUVE

[9]           La Commission des lésions professionnelles doit décider des diagnostics, de la date de consolidation, de la nécessité de soins ou traitements, de l’atteinte permanente, des limitations fonctionnelles ainsi que des droits qui en découlent, le tout à la suite de la lésion professionnelle du 4 août 2008.

[10]        Le travailleur est conducteur de camion. Il est droitier. Il est âgé de 46 ans au moment de son accident du travail survenu le 4 août 2008. Alors qu’il se trouve au deuxième étage de la remorque, en position allongée afin d’attacher une sangle. Il glisse et chute en bas de la remorque. Il réussit à se retenir avec la main droite au rebord de métal mais son corps tombe finalement dans le vide alors qu’il continue de se retenir de la main droite, l’épaule à environ 180º de flexion. Il ressent un contrecoup dans l’épaule droite avec une sensation de chocs électriques dans le cou qui descend le long du membre supérieur droit jusque dans la main. À ce moment, il lâche prise et tombe sur les pieds, d’une hauteur d’environ deux pieds.

[11]        À la suite de cet accident, le travailleur ressent des douleurs à la colonne cervicale accompagnées de céphalées, des douleurs à l’épaule droite avec sensations de chocs électriques et d’engourdissements dans l’épaule et dans le membre supérieur droits avec perte de sensation dans les quatrième et cinquième doigts droits, des douleurs dans la région de l’aisselle droite et de l’omoplate droite.

[12]        Le travailleur affirme n’avoir jamais ressenti de tels malaises auparavant.

[13]        Les différents médecins qui examinent le travailleur identifient un traumatisme du plexus brachial droit (surtout sensitif), une entorse cervicale, une cervicobrachialgie droite, puis une déchirure transfixiante du sus-épineux droit et du labrum antéro-supérieur droit. Éventuellement, des céphalées seront notées ainsi qu’un syndrome douloureux et un syndrome douloureux régional complexe au membre supérieur droit.

[14]        Le travailleur sera traité par médication, infiltrations aux niveaux du rachis cervical et de l’épaule droite, physiothérapie et ergothérapie. En 2009, il bénéficiera d’une évaluation de ses capacités fonctionnelles et en 2010 d’un programme de gestion de la douleur chronique par la réactivation.

[15]        Le 7 août 2008, des radiographies révèlent :

ÉPAULE DROITE :

Examen normal à savoir pas de signe de fracture ou de luxation. La gléno-humérale est normale ainsi que l’acromio-claviculaire. Aspect normal de la clavicule droite et sans charge, pas d’atteinte ou de signe d’instabilité acromio-claviculaire bilatéralement. Acromion de type II.

 

COLONNE CERVICALE :

Modification de discopathie dégénérative sévère et chronique en C3-C4 avec pincement significative pour l’âge, ostéophytose antérieure et postérieure ainsi qu’uncarthrose légère bilatérale. L’axe C1-C2 est préservé. L’alignement est adéquat. Léger phénomène de spondylose C6-C7 en antérieur.

 

 

[16]        Le 2 septembre 2008, une résonance magnétique du plexus brachial est effectuée :

Renseignements cliniques

Atteinte plexus brachial droit sensitif

 

Impression diagnostique

 

IRM DU PLEXUS BRACHIAL :

 

Constatation :

 

Légère attitude scoliotique de la colonne cervico-dorsale associée à la discopathie C3-C4 avec affaissement du disque et sclérose des plateaux vertébraux.

 

Géode kystique aux grandes tubérosités humérales droite et gauches en proximal suggestif d’une composante de tendinopathie de la coiffe des rotateurs sous-jacents. Lésion hypo-intense en pondération T1 très hyperintense en pondération T2 avec rehaussement périphérique post Gadolium située en intramusculaire du sus-épineux droit mesurant 3.7 X 1.9 X 2 cm de diamètre. Sur cet examen, pas d’argument pour parler d’une composante hémorragique tel qu’un hématome. Pourtant il s’agit d’un kyste ganglionnaire intra musculaire? Pas de fracture osseuse. Pas d’atrophie de la musculature.

 

En regard du plexus brachial droit, rehaussement accru et légère augmentation de calibre des racines à leur origine de C6 et de C7 droit qui pourraient possiblement avoir été étirées. Pas de bris de continuité grossier. Pas de pseudo myéloméningocèle. À corréler avec l’EMG afin de voir si un territoire sensitif ou moteur correspond.

 

 

[17]        Le 12 novembre 2008, l’étude électrodiagnostique des membres supérieurs et l’étude électromyographique du membre supérieur droit sont effectuées par le docteur Richard Leclaire, physiatre, qui conclut que les résultats sont dans les limites de la normale. Il interprète que le travailleur n’a pas de lésion nerveuse périphérique au membre supérieur droit ni d’atteinte plexiale ou radiale et que la faiblesse est plutôt d’origine musculaire, antalgique et provient de la condition cervicodorsale droite et de l’étirement de l’épaule droite.

[18]        Le 4 février 2009, la docteure Pierrette Girard, chirurgienne orthopédiste, examine le travailleur à la demande de l’employeur. Elle retient un diagnostic d’entorse de l’épaule droite en relation avec l’événement. Elle écarte le diagnostic d’atteinte du plexus brachial en raison de l’examen clinique non spécifique pour les racines inférieures normalement touchées lors d’un mécanisme en extension et en raison de la normalité de l’électromyogramme. Elle considère que la lésion n’est pas consolidée, suggère de la physiothérapie et estime qu’il est trop tôt pour se prononcer sur l’existence de séquelles. Elle souligne que la preuve spécifique montre la préexistence d’une condition personnelle dégénérative au rachis cervical et à l’épaule droite.

[19]        Le 29 avril 2009, la docteure Valérie Dahan, physiatre, effectue un électromyogramme des membres supérieurs et conclut que les résultats sont normaux.

[20]        Le 5 mai 2009, une arthro résonance magnétique de l’épaule droite montre :

ARTHRO IRM ÉPAULE DROITE

 

[...]

 

Constatations :

 

Un contraste intra-articulaire est présent dans l’articulation gléno-humérale.

Pas d’évidence de déchirure transfixiante à la coiffe des rotateurs.

Pourtant, il existant un contraste imbibant la substance du tendon supra-épineux, à son site d’attachement, à la grosse tubérosité. Le contraste pénètre à approximativement, 50% de l’épaisseur de la substance, près du site d’attachement.

 

Le tendon infra-épineux demeure normal aussi bien que les tendons sous-scapulaires et du petit rond.

 

Le tendon bicipital est bien situé dans sa gouttière.

 

Quant au labrum, un contraste pénètre dans la substance du labrum, à sa partie antérieure, à sa base. Ceci représente une déchirure labrale antérieure.

La partie postérieure du labrum est intacte.

 

Opinion :

 

Déchirure non transfixiante du tendon supra-épineux, à son site d’attachement, tel que décrit ci-dessus.

 

Déchirure labrale antérieure de la partie supérieure du labrum. [sic]

 

 

[21]        Le 6 mai 2009, une résonance magnétique de la colonne cervicale montre une dégénérescence discale avancée à C3-C4 avec hypertrophie osseuse postérieure, sans évidence de hernie discale, de compression de la moelle épinière ou de rétrécissement foraminal.

[22]        Le 14 septembre 2010, le docteur Charles Desautels, chirurgien orthopédiste, examine le travailleur à la demande de la CSST. Il conclut que ce dernier a subi un traumatisme par traction et a pu subir une neuropraxie du plexus brachial temporaire avec entorse cervicale et entorse de l’épaule droite alors qu’il présentait une condition préexistante asymptomatique de discopathie dégénérative sévère en C3-C4. Il considère la lésion consolidée avec suffisance de soins ou traitements, au jour de son examen. Il alloue un déficit anatomo-physiologique de 1% (code 102374) pour atteinte des tissus mous de l’épaule droite ainsi que les limitations fonctionnelles suivantes :

Les limitations fonctionnelles sont les suivantes :

 

Ø  Éviter d’effectuer des mouvements répétitifs du membre supérieur droit;

Ø  Éviter de soulever des charges de plus de 10 kilos du membre supérieur droit.

 

 

[23]        Le 18 février 2011, le docteur Garry Greenfield, chirurgien orthopédiste, examine le travailleur à titre de membre du Bureau d’évaluation médicale et rend son avis le 17 mars 2011. Il retient les diagnostics de neuropraxie du plexus brachial, entorse cervicale sur discopathie et entorse à l’épaule droite sur tendinopathie du tendon supra-épineux et gléno-labral. Il constate le peu d’amélioration des traitements dispensés, infiltrations, physiothérapie et ergothérapie, le travailleur continuant de présenter des douleurs diffuses et des changements de coloration au membre supérieur droit. Le docteur Garfield précise que, lors de son examen, il ne retrouve pas tous les critères objectifs permettant de retenir le diagnostic de syndrome douloureux régional complexe mais il croit qu’il serait prudent de faire évaluer le travailleur en clinique de la douleur. C’est pourquoi, il ne consolide pas la lésion et, au niveau des soins ou traitements, fait cette recommandation. Cette évaluation n’aura pas eu lieu.

[24]        Outre de la médication, le travailleur ne reçoit pas de traitement médical actif au niveau physique par la suite.

[25]        La CSST soumet une seconde fois le dossier au Bureau d’évaluation médicale, sans obtenir au préalable l’avis d’un autre médecin désigné. À l’audience, le procureur du travailleur déclare qu’il ne soulève aucune objection quant à la régularité de la procédure menant à ce second avis du 3 mai 2011.

[26]        Donc, le 27 avril 2011, le docteur Hany Daoud, chirurgien orthopédiste, examine le travailleur à titre de membre du Bureau d’évaluation médicale et rend son avis le 3 mai 2011. Il considère les trois diagnostics, retenus par le Bureau d’évaluation médicale précédent, consolidés avec suffisance de soins ou traitements le 14 septembre 2010.

[27]        Il n’alloue aucun déficit anatomo-physiologique non plus qu’aucune limitation fonctionnelle pour le diagnostic de neuropraxie du plexus brachial.

[28]        Il alloue un déficit anatomo-physiologique de 2 % pour l’entorse cervicale (code 203513) ainsi que les limitations fonctionnelles suivantes :

Colonne cervicale :

 

Classe 1

 

Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de :

- soulever, porter, pousser, tirer des charges supérieures à 25 kg;

- ramper;

- effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne cervicale;

- subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale (ex : provoquées par du matériel roulant sans suspension).

 

 

[29]        Il alloue un déficit anatomo-physiologique de 2 % pour l’atteinte des tissus mous de l’épaule droite (code 102 383) ainsi que les limitations fonctionnelles suivantes :

Entorse de l’épaule droite sur tendinopathie du tendon supra-épineux et gléno-labrale :

 

- Éviter le travail avec l’épaule droite en abduction ou antéflexion de plus de 70º;

- Éviter les mouvements répétitifs de l’épaule droite en abduction et en antéflexion;

- Éviter de soulever avec le membre supérieur droit l’épaule droite en position d’abduction ou d’antéflexion des poids dépassant 10 lb.

 

[30]        Au soutien de sa requête, le travailleur produit un rapport d’expertise médicale rédigé le 26 juillet 2011 par la docteure Muriel Haziza, physiatre :

[...]

 

SYMPTOMATOLOGIE ACTUELLE :

 

Le patient présente donc des douleurs chroniques depuis son accident de 2008, notamment au niveau de la région cervico-brachiale droite. Les douleurs les plus intenses sont en regard de l’épaule droite sur le niveau du moignon, au niveau de la face antérieure pouvant irradier jusqu’au coude. Ses douleurs sont présentes au repos et augmentent avec tout mouvement de l’épaule, notamment des mouvements de flexion antérieure et d’abduction au-delà de 90°.

 

Il présente également des cervico-brachialgies droites intenses irradiant jusqu’au niveau du poignet et descendant le long des 4e et 5e doigts. Ceci est présent depuis l’accident. Associé à cela il présente des paresthésies intermittentes des 4e et 5e doigts de la main droite. Il ne décrit pas de parésie, pas d’atteinte vésico-sphinctérienne.

 

Le patient présente des phénomènes de raideur cervicale importante qui le limitent beaucoup dans sa vie quotidienne. Notons que les douleurs peuvent irradier également au niveau de la région scapulaire droite et en regard de l’omoplate. Les cervicalgies sont associées à des phénomènes migraineux qui surviennent quotidiennement. Ces épisodes ne sont pas accompagnés de symptôme visuel ni de nausée ou vomissement par contre.

 

Ces douleurs chroniques qui n’ont pas été améliorées par les différents traitements soit les traitements de thérapie physique ainsi que les essais d’injections cortisonées, blocs facettaires et injections de l’épaule laissent des symptômes limitant qui sont peu diminués par la prise de médicaments. Cela entraîne des troubles de sommeil important et monsieur souffre d’insomnie en raison des douleurs et des symptômes psychologiques qui sont associés. En effet, il présente des symptômes d’anxiété et de dépression assez marqués. Monsieur est découragé de sa situation. En effet, il fait face à des phénomènes de douleurs chroniques qui ont changé sa vie.

 

EXAMEN PHYSIQUE :

 

Rachis cervical :

 

Amplitudes articulaires actives :

 

 

 

Droite

Gauche

Normale

Flexion antérieure

10°

 

 

40°

Extension

10°

 

 

30°

Rotation

 

15°

20°

60°

Flexion latérale

 

15°

20°

40°

 

À l’examen palpatoire, il y a des douleurs à la palpation des apophyses épineuses et en parafacettaire des niveaux C2-C3, C3-C4, C4-C5, C5-C6, C6-C7, plus marqués à droite qu’à gauche.

 

Tous les niveaux sont douloureux de façon égale.

 

Il y a également des tensions myofasciales au niveau de la musculature para-vertébrale, cervicale de même qu’au niveau du trapèze, de l’angulaire de l’omoplate et des rhomboïdes.

 

Le Spurling est impossible à faire en raison des limitations des amplitudes articulaires.

 

Examen de l’épaule :

 

Amplitudes articulaires actives (épaule droite) :

 

 

 

Droite

Gauche

Normale

Abduction

80°

 

 

180°

Flexion antérieure

90°

 

 

180°

Rotation externe avec

membre en abduction

45°

 

 

°90°

Rotation interne

40°

 

 

40°

 

À l’examen palpatoire, il y a des douleurs diffuses à la palpation du moignon de l’épaule. Notons qu’il semble y avoir un patron capsulaire douloureux. Les manœuvres d’accrochage et les épreuves topographiques sont difficiles à effecteur et à interpréter en raison de douleurs importantes lors de la mobilisation de l’épaule. Les manœuvres labrales telles que le Clunk est également impossible en raison des douleurs importantes lors des mouvements de l’épaule.

 

Examen du coude :

 

Amplitudes articulaires active :

 

Les amplitudes articulaires du coude sont normales à part pour un flexum de 10° associé à des douleurs à la palpation de l’épicondyle externe. Les manœuvres de Mills et Cozen sont négatives.

 

EXAMEN NEUROLOGIQUE :

 

L’examen de la sensibilité au tact et à la piqûre démontre une hypoesthésie à ces modalités au niveau des 4e et 5e doigts sans dissociation médio-cubitale de l’annulaire.

 

À l’examen des forces segmentaires il y a une faiblesse diffuse à tout le membre supérieur droit qui semble être en lien avec des phénomènes antalgiques.

 

À l’examen des réflexes ceux-ci sont normaux et symétriques aux quatre membres. Cutanés plantaires en flexion bilatéralement.

 

Je n’ai pas noté d’allodynie cutanée, par contre nous notons la présence d’une allodynie mécanique modérée, notamment avec une douleur lors de la compression des métacarpo-phalangiennes ainsi que la compression du poignet de même que la traction de ses articulations. Il y a également une coloration légèrement violacée. Nous ne notons pas de changement au niveau de la sudation. Par contre, monsieur nous dit avoir des alternances de moiteur excessive au niveau de sa main droite.

 

 

 

 

DISCUSSION :

 

Il s’agit d’un patient de 37 ans qui fut impliqué dans un accident survenu au travail le 4 août 2008 lors duquel il chuta du haut de son « trailer ». Pour éviter la chute, monsieur Lemay resta suspendu sur le rebord avec sa main droite. À la suite de cela il s’infligea une blessure par traction du plexus brachial inférieur entraînant une atteinte neurogène à ce niveau associée à des symptômes douloureux en regard de l’épaule. Il développa également des cervico-brachialgies qui demeurent chroniques malgré les différents traitements tentés par les différents médecins, notamment la Dre Dahan. Ces douleurs chroniques engendrèrent des symptômes psychiatriques importants chez monsieur et il demeure avec des symptômes anxio-dépressifs résiduels. L’ensemble des symptômes physiques et des symptômes psychologiques font en sorte que monsieur Lemay demeure très incapacité et limité dans ses activités de la vie quotidienne aussi banales que de s’habiller ou d’effectuer des tâches ménagères légères. Il n’a d’ailleurs jamais pu ré-entreprendre le marché du travail et demeure même limité d’un point de vue social.

 

CONCLUSION :

 

Statut post-plexopathie brachiale intéressant surtout le tronc inférieur, la lésion est de type neurapraxique sans anomalie dénervative retrouvée à l’EMG. Il demeure avec des paresthésies résiduelles au niveau du territoire du tronc inférieur du plexus brachial. Ceci a même été démontré lors de l’IRM du plexus qui démontrait un rehaussement au niveau des racines.

 

Statut post-déchirure partielle du sus-épineux ainsi que déchirure du labrum antérieur démontrée à l’arthro-résonance magnétique également en lien avec le traumatisme à traction subit chez M. Lemay.

 

Statut post-entorse cervicale avec dysfonction segmentaire résiduelle intéressant surtout l’étage supérieur, notamment en C2-C3, C3-C4 droite associée à des céphalées cervicogéniques et également intéressant l’étage cervical moyen en C4-C5 entraînant des tensions myofasciales au niveau de la ceinture scapulaire droite. Il n’y a pas d’évidence de radiculopathie ni de myélopathie, ni d’irritation duremerienne à l’examen clinique d’aujourd’hui.

 

Trouble de l’adaptation avec symptômes anxio-dépressifs suivis en psychiatrie.

 

Je suis d’accord avec le Dr Greenfield que le patient ne possède pas tous les critères pouvant nous mener à la conclusion d’un diagnostic de syndrome régional douloureux complexe. Par contre, ce diagnostic m’apparaît tout de même plausible tel que l’a évoqué également la Dre Tania Bruneau, pour expliquer l’hyperalgie accrue au niveau de son membre supérieur droit, l’allodynie mécanique et l’évolution non favorable jusqu’à présent.

 

RECOMMANDATIONS :

 

L’état de M. Lemay est actuellement consolidé. En effet, de nombreux traitements ont été tentés sans aucune amélioration, notamment des techniques d’injections cortisonées au niveau de l’épaule, des blocs facettaires, des injections de trigger point au niveau du trapèze et de l’angulaire de l’omoplate ainsi que des traitements de physio et d’ergothérapie. Tous ces traitements n’ont pas amélioré de façon significative la condition de M. Lemay et il fait donc face à des douleurs chroniques avec lesquelles il devra vivre pour le restant de ses jours.

 

Un essai de prise en charge interdisciplinaire au centre de réadaptation Constance-Lethbridge fut également tenté et s’avéra un échec.

 

La seule possibilité que nous pouvons entrevoir est l’essai d’injection de toxine botulinique au niveau de la ceinture scapulaire droite pour tenter de diminuer les douleurs ressenties à ce niveau. Ceci pourrait possiblement diminuer légèrement les douleurs, mais je n’entrevois pas d’amélioration sur le plan fonctionnel significative si ce n’est qu’une légère amélioration de sa qualité de vie possible.

 

De plus, je suis d’accord avec le Dr Greenfield, qu’une évaluation en clinique de la douleur serait souhaitable. Je doute par contre que ces approches thérapeutiques simples puissent entraîner une altération du fonctionnement de monsieur de façon significative.

 

BILAN DES SÉQUELLES :

 

Ø  Déchirure du labrum et déchirure partielle de la coiffe des rotateurs, code 102383 :

 

DAP     2%

 

Ø  Ankylose en abduction (limité à 80 degrés), code 104844 :

 

DAP     5%

 

Ø  Ankylose en flexion antérieure (limité à 90 degrés), code 104933 :

 

DAP     2.5%

 

Ø  Ankylose en rotation externe (limité à 45 degrés), code 105013 :

 

DAP     2%

 

Ø  Neurapraxie du plexus brachial, atteinte du tronc inférieur, atteinte motrice légère, code 111774 :

 

DAP     10%

 

Ø  Neurapraxie du plexus brachial, atteinte du tronc inférieur, atteinte sensitive modérée, code 112470 :

 

DAP     2.5%

 

Ø  Entorse cervicale avec séquelles fonctionnelles objectivées et céphalées cervicogéniques, code 203513 :

 

DAP     2%

 

Je suis tout à fait en désaccord avec les limitations fonctionnelles émises par le Dr Daoud qui n’émet pas de restriction pour l’atteinte du plexus brachial bien que le patient demeure avec des symptômes physiques résiduels. De plus, il émet des séquelles de classe I qui sont tout à fait non compatibles avec l’état physique et psychologique du patient actuellement. Ceci est non réaliste.

 

LIMITATIONS FONCTIONNELLES :

 

En raison des douleurs chroniques importantes au membre supérieur droit ainsi que des répercussions psychiatriques, M. Lemay n’est pas apte à ré-entreprendre son emploi prélésionnel dans le domaine du transport d’automobiles. Il demeure avec des limitations fonctionnelles importantes de classe 3 telles que :

Éviter d’effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents au niveau du rachis cervical, même de faible amplitude.

 

Éviter d’effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents au niveau du membre supérieur droit.

 

Éviter d’effectuer des mouvements qui demandent d’élever ou de maintenir le membre supérieur droit à 90° d’abduction.

 

Ne pas soulever de charges de plus de 5 kilos.

 

Éviter les vibrations et contrecoups aux dépens du rachis.

 

Éviter la prise de toute charge à bout de bras au membre supérieur droit. [sic]

 

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[31]        Le tribunal constate que l’accident du travail du 4 août 2008 constitue un traumatisme par traction du membre supérieur droit, impliquant incidemment le rachis cervical, l’épaule droite, le plexus brachial droit et le membre supérieur droit.

[32]        Le tribunal disposera d’abord de la question de la date de consolidation avec suffisance de soins ou traitements puisqu’il fixe une seule date pour toutes les lésions. Par la suite, le tribunal disposera des autres questions soumises en fonction du siège de lésion et/ou du diagnostic.

La date de consolidation

[33]        Le 17 mars 2011, le premier membre du Bureau d’évaluation médicale ne consolide pas la lésion. Le 3 mai 2011, le deuxième membre du Bureau d’évaluation médicale fait rétroagir la date de consolidation au 14 septembre 2010.

[34]        Sans égard à la justification médicale, du point de vue légal, ce second avis équivaut à une révision du premier.

[35]        Or, le Bureau d’évaluation médicale ne possède pas de pouvoir de révision. Il doit tenir compte d’un avis précédemment rendu. Il l’a d’ailleurs fait, en tenant compte des diagnostics retenus dans l’avis précédent, pour se prononcer sur les questions dont il est saisi. Pour respecter ces principes, le second membre du Bureau d’évaluation aurait dû fixer la date de consolidation entre celle de l’avis du 17 mars 2011 et celle de son propre examen, le 27 avril 2011.

[36]        Rappelons que le travailleur ne conteste pas l’avis du 17 mars 2011 concernant la non consolidation de sa lésion mais conteste le second avis en demandant de fixer la date de consolidation au jour de l’examen de la docteure Haziza le 26 juillet 2011.

[37]        Le tribunal procède de novo et peut tenir compte de la preuve subséquente au second avis pour fixer la date de consolidation. Toutefois, l’avis du Bureau d’évaluation médicale du 17 mars 2011 n’étant pas contesté sur la question de la consolidation, le tribunal ne pourra fixer une date qu’à compter du 18 mars 2011.

[38]        La notion de consolidation est définie à l’article 2 de la loi :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« consolidation » : la guérison ou la stabilisation d'une lésion professionnelle à la suite de laquelle aucune amélioration de l'état de santé du travailleur victime de cette lésion n'est prévisible;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

 

[39]        Au membre du Bureau d’évaluation médicale ayant rendu le second avis, le travailleur déclare que son état est inchangé depuis deux ans. Le tribunal constate effectivement dans la preuve au dossier que, durant la période qui se situe entre le premier et le second avis du Bureau d’évaluation médicale, la condition est stable.

[40]        Ce qui semble être la seule raison pour laquelle le docteur Greenfield, premier membre du Bureau d’évaluation médicale, prolonge la période de consolidation est la suspicion d’un syndrome douloureux régional complexe au membre supérieur droit et la référence à une clinique de la douleur pour en faire l’évaluation. Or, tel qu’il sera motivé plus loin, le tribunal ne retient pas ce diagnostic, lequel ne peut donc justifier une prolongation de la période de consolidation.

[41]        Quant aux autres diagnostics, le 26 juillet 2011, la docteure Haziza conclut que tous les traitements reçus par le travailleur n’ont apporté aucune amélioration et qu’il devra vivre avec des douleurs chroniques. Elle suggère :

[...]

 

La seule possibilité que nous pouvons entrevoir est l’essai d’injection de toxine botulinique au niveau de la ceinture scapulaire droite pour tenter de diminuer les douleurs ressenties à ce niveau. Ceci pourrait possiblement diminuer légèrement les douleurs, mais je n’entrevois pas d’amélioration sur le plan fonctionnel significative si ce n’est qu’une légère amélioration de sa qualité de vie possible.

 

De plus, je suis d’accord avec le Dr Greenfield, qu’une évaluation en clinique de la douleur serait souhaitable. Je doute par contre que ces approches thérapeutiques simples puissent entraîner une altération du fonctionnement de monsieur de façon significative.

 

 

[42]        La preuve démontre qu’à la suite de l’événement du 4 août 2008, la condition du travailleur est stable depuis longtemps. Les traitements n’apportent pas d’amélioration. Les suggestions de la docteure Haziza ne font état que d’une possibilité de légère amélioration de la qualité de vie et non d’une amélioration prévisible. Cette preuve ne permet pas de prolonger davantage la période de consolidation.

[43]        Le tribunal considère approprié, dans les circonstances, de fixer la date de consolidation avec suffisance de soins ou traitements, pour tous les diagnostics, au jour de l’examen clinique détaillé effectué par le second membre du Bureau d’évaluation médicale, soit le 27 avril 2011.

Le plexus brachial

[44]        Le diagnostic de neuropraxie du plexus brachial n’est pas contesté et n’est pas remis en cause.

[45]        Le tribunal doit décider si cette lésion laisse des séquelles.

[46]        La résonance magnétique du plexus brachial effectuée le 2 septembre 2008 montre un rehaussement accru et une légère augmentation de calibre des racines C6 et C7 à leur origine mais pas de bris de continuité grossier.

[47]        Les résultats des électromyogrammes des 12 novembre 2008 et 29 avril 2009 sont normaux. À cet égard, le tribunal note que le docteur Leclaire qui effectue le premier test, après avoir examiné le travailleur, interprète que ce dernier ne présente pas d’atteinte plexiale.

[48]        La docteure Girard est d’opinion que le travailleur ne présente pas d’atteinte du plexus brachial parce que l’électromyogramme est négatif et qu’elle ne retrouve pas, à l’examen clinique, d’atteinte neurologique du plexus brachial inférieur.

[49]        Le docteur Desautels considère que le travailleur a pu subir une neuropraxie du plexus brachial, de façon temporaire, mais il n’en retrouve pas de séquelles.

[50]        Le docteur Greenfield reconnaît le diagnostic de neuropraxie du plexus brachial, mais ne se prononce pas sur l’existence ou non de séquelles car il ne fixe pas la date de consolidation en raison de la suspicion d’un syndrome douloureux régional complexe dont il ne retient pas formellement le diagnostic mais pour lequel il réfère en clinique de la douleur pour évaluation.

[51]        Le docteur Daoud ne reconnaît aucune séquelle pour l’atteinte du plexus brachial en raison de la négativité des tests précités.

[52]        La docteure Haziza écrit :

Statut post-plexopathie brachiale intéressant surtout le tronc inférieur, la lésion est de type neuropraxique sans anomalie dénervative retrouvée à l’EMG. Il demeure avec des paresthésies résiduelles au niveau du territoire du tronc inférieur du plexus brachial. Ceci a même été démontré lors de l’IRM qui démontrait un rehaussement au niveau des racines.

 

 

[53]        Elle alloue un déficit anatomophysiologique de 10 % pour atteinte motrice (code 111774) et de 2,5% pour atteinte sensitive (code 112470) ainsi que des limitations fonctionnelles précitées émises pour l’ensemble des diagnostics.

[54]        Le tribunal considère que l’opinion isolée de la docteure Haziza ne peut être retenue puisque la prépondérance de preuve médicale ne démontre pas que la neuropraxie du plexus brachial laisse des séquelles permanentes.

[55]        En effet, même si au début de la période de consolidation, en septembre 2008, la résonance magnétique montre une légère augmentation de calibre des racines C6 et C7 sans bris de continuité grossier, les électromyogrammes subséquents, effectués en novembre 2008 et avril 2009 n’objectivent pas de séquelles neurologiques ou, plus précisément, d’atteinte plexiale.

[56]        De plus, d’un point de vue clinique objectif, les docteurs Leclaire en 2008 et Girard en 2009 ne retrouvent pas de neuropraxie brachiale et, à plus forte raison, de séquelles d’une telle atteinte. Les docteurs  Desautels en 2010 et Daoud en 2011 ne retrouvent pas de séquelle de la neuropraxie brachiale.

[57]        Le tribunal confirme donc l’avis du Bureau d’évaluation médicale du 3 mai 2011 à l’effet que la neuropraxie du plexus brachial ne laisse aucune atteinte permanente non plus qu’aucune limitation fonctionnelle.

 

 

L’épaule droite

[58]        Le diagnostic d’entorse de l’épaule droite n’est pas contesté et n’est pas remis en cause.

[59]        Le travailleur demande d’écarter la notion de tendinopathie du tendon supra-épineux et gléno-labral retenue par le membre du Bureau d’évaluation médicale, pour retenir celle de la déchirure partielle du sus-épineux et du labrum antérieur.

[60]        Lors de l’examen effectué par le docteur Desautels, l’amplitude articulaire de l’épaule droite est globalement diminuée et le Jobe est impossible à vérifier en raison des douleurs.

[61]        Le docteur Desautels n’associe pas la déchirure partielle du sus-épineux au traumatisme subi lors de l’événement mais à des modifications dégénératives au niveau des grosses tubérosités humérales des deux épaules. Il ne se prononce pas sur la relation causale concernant la déchirure labrale.

[62]        Le membre du Bureau d’évaluation médicale, le docteur Greenfield, note à l’examen clinique, une difficulté à évaluer le Jobe, une limitation de la mobilité de l’épaule droite avec douleur diffuse, une diminution de la sensibilité diffuse et une diminution de la force motrice associée aux douleurs rapportées. Il conclut à une entorse de l’épaule droite sur tendinopathie du tendon supra-épineux et gléno-labral mais n’explique pas pour quelle raison il retient le vocable de tendinopathie plutôt que celui de déchirure, ni pour quelle raison l’entorse est sur une tendinopathie.

[63]        Le membre du Bureau d’évaluation médicale, le docteur Daoud, considère l’examen clinique de l’épaule droite inadéquat car le travailleur le limite en raison des douleurs qu’il allègue. Il observe toutefois une minime atrophie du deltoïde et de la fosse du sus-épineux droit. Il ne se prononce pas sur le diagnostic en tant que tel car il  n’est pas saisi de cette question.

[64]        Pour sa part, la docteure Haziza, reprend les termes de déchirure du sus-épineux et de déchirure du labrum antérieur utilisés par le radiologiste dans le rapport de l’arthro-résonance magnétique du 6 mai 2009 et précise que ces lésions sont en lien avec le traumatisme en traction. C’est pourquoi elle retient un statut post-déchirure.

[65]        Le tribunal retient de la preuve que, concernant l’épaule droite, le travailleur est fonctionnel et asymptomatique avant l’événement et que cette chute qui cause un traumatisme par traction est compatible avec la déchirure du sus-épineux et du labrum.

[66]        D’ailleurs, les rapports de radiographies et de l’arthro-résonance magnétique ne décrivent pas un tableau de dégénérescence de l’épaule. Conclure, comme le fait le docteur Greenfield, que l’entorse de l’épaule est survenue sur une tendinopathie signifie que cette tendinopathie était préexistente à l’événement. La preuve spécifique versée au dossier et l’interprétation qu’en font la plupart des examinateurs ne permettent pas de conclure que le travailleur présentait une condition préexistante à l’épaule droite au moment de l’événement du 4 août 2008.

[67]        Le tribunal modifie donc l’avis du Bureau d’évaluation médicale du 17 mars 2011 quant au diagnostic visant l’épaule droite. Le tribunal retient les diagnostics d’entorse de l’épaule droite, de déchirure partielle du sus-épineux à son site d’attachement et de déchirure antéro-supérieure du labrum.

[68]        L’ensemble des examinateurs constatent une diminution de l’amplitude articulaire de l’épaule droite, à la mobilisation active, et même à la mobilisation passive en ce qui concerne les examens des docteurs Desautels et Greenfield. Dans tous les cas, l’épaule est douloureuse, si bien que la majorité des examinateurs ne peuvent effectuer de manœuvres.

[69]        Le docteur Desautels suggère un déficit anatomo-physiologique de 1 % (code 102374) pour atteinte des tissus mous du membre supérieur droit sans séquelle fonctionnelle, mais avec changements radiologiques.

[70]        Le membre du Bureau d’évaluation, le docteur Daoud, retient plutôt un déficit anatomo-physiologique de 2 % (code 102383) pour atteinte des tissus mous du membre supérieur droit avec séquelles fonctionnelles, mais sans se référer au tableau des ankyloses.

[71]         La docteure Haziza retient le même code que le docteur Daoud mais alloue, selon les résultats de son examen clinique, des pourcentages de déficit anatomo-physiologique pour les ankyloses au niveau de la flexion antérieure, de l’abduction et de la rotation externe.

[72]        Compte tenu des résultats de la preuve spécifique qui montre une déchirure du tendon du sus-épineux et une déchirure antéro-supérieure du labrum, compte tenu de la constatation par le docteur Daoud d’une minime atrophie au niveau du deltoïde et de la loge du sus-épineux ainsi que de la constatation par la docteure Haziza de la persistance de la diminution de l’amplitude articulaire de l’épaule droite, il y a lieu de retenir effectivement le code 102383 pour atteinte des tissus mous du membre supérieur droit avec séquelles fonctionnelles ainsi que les codes appropriés pour les ankyloses, constatées par la docteure Haziza, au niveau de l’abduction limitée à 80º (code 104844), de la flexion antérieure limitée à 90º (code 104933) et de la rotation externe limitée à 45º (code 105013).

[73]        Quant à l’existence de limitations fonctionnelles, la docteure Haziza émet des limitations qu’elle qualifie de classe 3 et qui semblent viser tous les sites de lésion. Cette façon de procéder peut être appropriée dans un contexte clinique. Il en va autrement d’un cadre médico-légal où il importe de bien distinguer chaque lésion. Les conclusions médicales retenues pour chacune des lésions peuvent être différentes et donner droit à des prestations différentes.

[74]        Le tribunal ne peut donc retenir les limitations fonctionnelles non spécifiques émises par la docteure Haziza et maintient les limitations fonctionnelles spécifiques à l’épaule droite émises par le docteur Daoud, membre du Bureau d’évaluation médicale, lesquelles sont appropriées aux pourcentages de déficit anatomo-physiologique :

- Éviter le travail avec l’épaule droite en abduction ou antéflexion de plus de 70º;

- Éviter les mouvements répétitifs de l’épaule droite en abduction et en antéflexion;

- Éviter de soulever avec le membre supérieur droit l’épaule droite en position d’abduction ou d’antéflexion des poids dépassant 10 lb. [sic]

 

 

Le rachis cervical

[75]        Le diagnostic d’entorse cervicale n’est pas contesté et n’est pas remis en cause.

[76]        Le membre du Bureau d’évaluation médicale du 17 mars 2011 ajoute « sur discopathie ». Cette mention est peu spécifique mais en lisant la discussion rédigée par ce membre nous constatons qu’il fait référence à la discopathie C3-C4 décrite à la résonance magnétique cervicale du 6 mai 2009.

[77]        Le travailleur demande d’ajouter au diagnostic d’entorse cervicale « avec dysfonction segmentaire résiduelle intéressant surtout l’étage supérieur, notamment en C2-C3, C3-C4 droite associée à des céphalées cervicogéniques et également intéressant l’étage cervical moyen en C4-C5 entraînant des tensions myofasciales au niveau de la ceinture scapulaire droite » selon l’opinion de la docteure Haziza qui reconnaît toutefois que le travailleur ne présente pas de radiculopathie, de myélopathie ou d’irritation dure-mérienne.

[78]        Pour ajouter au diagnostic d’entorse cervicale (non contesté) les conditions que la docteure Haziza associe, il faudrait pouvoir conclure que ces conditions en C2-C3, C3-C4 et C4-C5 ont été rendues symptomatiques et/ou aggravées par l’événement, que les céphalées sont bien d’origine cervicogénique et que l’atteinte en C4-C5 entraîne bien des tensions myofasciales.

[79]        Les radiographies et la résonance magnétique cervicale montrent une condition dégénérative avancée, en toute probabilité présente avant l’événement du 4 août 2008.

[80]        Les céphalées sont d’étiologie multiple et la preuve ne démontre pas une investigation complète, éliminant les principales autres causes possibles et permettant de retenir l’opinion peu étayée de la docteure Haziza sur ce point.

[81]        Quant aux tensions myofasciales et/ou spasme musculaire, le docteur Leclaire n’en mentionne pas. La docteure Girard précise qu’il n’y a pas de spasme des trapèzes. Le docteur Desautels ne note pas de spasme à la palpation de la musculature para-cervicale droite et la ceinture scapulaire droite. Le docteur Greenfield ne décrit pas de spasme musculaire ou de tensions myofasciales. Le docteur Daoud précise qu’il ne retrouve pas de spasme musculaire au niveau cervical et péri-scapulaire droit.

[82]        Tous les évaluateurs retrouvent cependant une diminution de l’amplitude articulaire du rachis cervical.

[83]        Tenant compte de la prépondérance de preuve, le tribunal modifie l’avis du Bureau d’évaluation médicale du 17 mars 2011 et retient le diagnostic d’entorse cervicale sans y ajouter de conditions associées.

[84]        La preuve ne démontre pas, de façon prépondérante, qu’une condition préexistante, au niveau du rachis cervical, a été rendue symptomatique et/ou aggravée par l’événement. La preuve ne démontre pas non plus qu’une condition autre que l’entorse cervicale soit en relation avec l’événement.

[85]        Le tribunal constate qu’il n’y a pas de litige au niveau du pourcentage de déficit anatomo-physiologique attribué puisque la docteure Haziza recommande, tout comme le membre du Bureau d’évaluation médicale, le docteur Daoud, un déficit anatomo-physiologique de 2% (code 203513) pour entorse cervicale avec séquelles fonctionnelles objectivées, avec ou sans changements radiologiques.

[86]        Par contre, au niveau des limitations fonctionnelles, le tribunal se réfère aux remarques faites dans la rubrique précédente et écarte les limitations fonctionnelles non spécifiques émises par la docteure Haziza pour maintenir les limitations spécifiques au rachis cervical émises par le docteur Daoud :

Colonne cervicale :

 

Classe 1

 

Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de :

- soulever, porter, pousser, tirer des charges supérieures à 25 kg;

- ramper;

- effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne cervicale;

- subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale (ex : provoquées par du matériel roulant sans suspension).

Le syndrome douloureux régional complexe

[87]        Enfin, le travailleur demande de reconnaître le diagnostic de syndrome douloureux régional complexe.

[88]        Ce diagnostic peut être posé en présence d’un certain nombre de symptômes rapportés par le patient et d’un certain nombre des signes cliniques objectifs constatés par un médecin. Même si ce diagnostic est évoqué au dossier, aucun médecin ne le pose formellement.

[89]        Les docteurs Girard et Desautels ne retrouvent aucun signe. Le docteur Greenfield suspecte le syndrome mais reconnaît aussi qu’il n’en retrouve pas tous les signes. Le docteur Daoud n’en décrit pas. Enfin, la docteure Haziza est d’accord avec le fait que tous les critères ne sont pas présents. Elle explique toutefois que ce diagnostic est plausible en raison de l’hyperalgie au membre supérieur droit, de l’allodynie mécanique et de l’évolution non favorable.

[90]        Le tribunal rappelle que le degré de preuve requis en la matière est la prépondérance de preuve et non la plausibilité. Le syndrome douloureux régional complexe fait l’objet de consensus médicaux internationaux qui établissent les critères permettant de poser ce diagnostic. La preuve soumise dans le présent dossier est insuffisante pour retenir ce diagnostic.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 440059-63-1105

ACCUEILLE en partie la requête du travailleur, monsieur Mario Lemay;

MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 20 mai 2011, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que relativement à la lésion professionnelle du 4 août 2008

o   les diagnostics sont :

o   neuropraxie du plexus brachial

o   entorse de l’épaule droite avec déchirure partielle du sus-épineux à son site d’attachement et déchirure antéro-supérieure du labrum

o   entorse cervicale;

o   le 17 mars 2011, jour de l’avis du premier Bureau d’évaluation médicale, la lésion n’est pas consolidée et nécessite encore des soins ou traitements;

o   le travailleur a en conséquence droit à l’assistance médicale et à l’indemnité de remplacement du revenu.

Dossier 444073-63-1107

ACCUEILLE en partie la requête du travailleur, monsieur Mario Lemay;

MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 20 juin 2011, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que relativement à la lésion professionnelle du 4 août 2008 :

o   la date de consolidation, avec suffisance de soins ou traitements, pour tous les diagnostics reconnus, est fixée au 27 avril 2011 et la Commission de la santé et de la sécurité du travail est justifiée de cesser de payer les soins ou traitements à compter de cette date;

o   la neuropraxie du plexus brachial ne laisse aucune atteinte permanente à l’intégrité physique ou  psychique et aucune limitation fonctionnelle

o   l’entorse de l’épaule droite avec déchirure partielle du sus-épineux à son site d’attachement et déchirure antéro-supérieure du labrum laisse les pourcentages de déficit anatomo-physiologique et les limitations fonctionnelles suivants :

o   2 % pour atteinte des tissus mous du membre supérieur droit avec séquelles fonctionnelles (code 102383)

o   5 % pour ankylose de l’abduction limitée à 80º (code 104844)

o   2,5 % pour ankylose de la flexion antérieure limitée à 90º (code 104933) et

o   2 % pour ankylose de la rotation externe limitée à 45º (code 105013)

- Éviter le travail avec l’épaule droite en abduction ou antéflexion de plus de 70º;

- Éviter les mouvements répétitifs de l’épaule droite en abduction et en antéflexion;

- Éviter de soulever avec le membre supérieur droit l’épaule droite en position d’abduction ou d’antéflexion des poids dépassant 10 lb. [sic]

 

o   l’entorse cervicale laisse le pourcentage de déficit anatomo-physiologique et les limitations fonctionnelles suivants :

o   2 % pour entorse cervicale avec séquelles fonctionnelles objectivées, avec ou sans changements radiologiques (code 203513)

Colonne cervicale :

 

Classe 1

 

Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de :

- soulever, porter, pousser, tirer des charges supérieures à 25 kg;

- ramper;

- effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne cervicale;

- subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale (ex : provoquées par du matériel roulant sans suspension).

 

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail devra ajouter les pourcentages pour Douleur et perte de jouissance de la vie, établir le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et l’indemnité pour préjudice corporel correspondante qu’elle devra payer au travailleur avec intérêts depuis le dépôt de sa réclamation;

DÉCLARE que le travailleur a droit à la réadaptation que requiert son état;

DÉCLARE que le travailleur a droit à l’indemnité de remplacement du revenu.

 

 

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Lina Crochetière

 

 

Me Éric Marsan

LÉGER, MARSAN, ASSOCIÉS

Représentant de la partie requérante

 



[1]           Neuropraxie du plexus brachial, entorse cervicale sur discopathie, entorse épaule droite sur tendinopathie du tendon supra-épineux et gléno-labral; non consolidée; évaluation en clinique de la douleur.

[2]           Lésions consolidées avec suffisance de soins ou traitements le 14 septembre 2010; aucun déficit anatomo-physiologique et aucune limitation fonctionnelle pour la neuropraxie du plexus brachial; pourcentages de déficit anatomo-physiologique et limitations fonctionnelles pour le rachis cervical et l’épaule droite.

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