Chambre de la sécurité financière c. Lamarche
|
2020 QCCDCSF 62
|
comité de discipline
CHAMBRE DE LA
SÉCURITÉ FINANCIÈRE
|
canada
province
de québec
|
|
|
|
N°:
|
CD00-1313
|
DATE :
|
1er décembre 2020
|
le
comité :
|
Me
Claude Mageau
M. Marc
Binette, Pl. Fin.
M. Stéphane Prévost,
A.V.C.
|
Président
Membre
Membre
|
|
|
MARC-AURÈLE RACICOT, ès qualités de syndic adjoint
de la Chambre de la sécurité financière
|
|
Partie plaignante
|
c.
|
PIERRE LAMARCHE, conseiller
en sécurité financière et conseiller en assurances et rentes collectives
(certificat numéro 118676)
|
|
Partie intimée
|
décision sur
culpabilité
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
conformément à l’article 142 du code des
professions, le comité a prononcé l’ordonnance suivante :
Ordonnance
de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion des noms et des
prénoms des consommateurs concernés ainsi que de toute information permettant
de les identifier, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas
aux échanges d’information prévus à la
Loi sur l’encadrement du secteur
financier (RLRQ, c. E-6.1) et à la Loi sur la distribution de produits
et services financiers (RLRQ,
c. D-9.2).
[1]
Les 2 et 3 octobre 2018, le comité de discipline de la Chambre de la
sécurité financière (le « comité ») s’est réuni au siège social de la
Chambre situé au 2000, avenue McGill College, 12e étage, à Montréal,
pour procéder à l’audition de la plainte disciplinaire ainsi libellée portée
contre l’intimé le 4 avril 2018 :
la plainte
1.
À Château-Richer, le ou
vers le 3 juin 2007, l’intimé a fait défaut de connaître la situation
financière et personnelle ainsi que les objectifs de placement de A. et B.,
contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de
produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 15 du Code de
déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2,
r.3) ;
2.
À Château-Richer, le ou
vers le 3 juin 2007, l’intimé a recommandé et effectué des placements dans des
contrats de fonds distincts qui ne correspondaient pas à la situation
personnelle et financière de A. et B., notamment en ne s’assurant pas que les
placements proposés étaient des placements présumés sûrs au sens de l’article
1339 du Code civil du Québec et/ou respectaient les obligations de I.S.
en tant qu’administrateur du bien d’autrui, contrevenant ainsi aux articles 16,
27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ,
c. D-9.2), 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité
financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3) ;
3.
À Gatineau, entre les ou
vers les 5 novembre 2007 et 31 mars 2009, à environ douze (12) reprises,
l’intimé a effectué des transferts interfonds sans obtenir l’autorisation de
I.S., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de
produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11 et 35 du Code de
déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2,
r.3) ;
F.S.
4.
À Gatineau, les ou vers
les 29 septembre et 18 octobre 2010, l’intimé a signé, à titre de témoin, une
« Lettre d’autorisation limitée » ainsi qu’un formulaire
« Demandes de rachat, transferts interfonds et versements
périodiques » hors la présence de F.S., contrevenant ainsi aux articles 16
de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ,
c. D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité
financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3).
[2]
Le plaignant était représenté par Me Julie Piché et l’intimé était
représenté par Me Maurice Charbonneau.
[3]
Avant la fin de l’instruction, le comité avait réclamé les notes
sténographiques des témoignages, lesquelles lui sont parvenues le 25 février
2019, date du début du délibéré du présent dossier.
PREUVE DES PARTIES
[4]
Le plaignant a fait entendre trois témoins, à savoir l’enquêteur, M.
Sébastien Lévesque, I.S. et F.S., respectivement nièce et neveu de l’intimé et
consommateurs dans le présent dossier.
[5]
De plus, le plaignant a produit une série de pièces identifiées P-1 à
P-14.
[6]
L’intimé a été le seul témoin entendu en défense et a produit les pièces
identifiées I-1 à I-12.
[7]
La trame factuelle du présent dossier est plutôt simple et peut se
résumer à ce qui suit.
[8]
I.S. a été la conjointe de M.R. pendant sept ans, avec qui elle a eu
deux enfants, un garçon A et une fille B.
[9]
Le 2 avril 2007, M.R. décède subitement suite à un accident d’auto.
[10]
I.S. a alors 26 ans, son garçon A est âgé de cinq ans et sa fille B est
âgée d’un an.
[11]
Suite au décès de M.R., I.S. et ses deux enfants reçoivent alors des
indemnités de la Société de l’assurance automobile du Québec
(« SAAQ »), soit un montant de 40 000 $ pour son garçon A, 47 000
$ pour sa fille B, et plus de 80 000 $ pour I.S. personnellement.
[12]
I.S. qui n’a pratiquement aucune connaissance en matière de placement
s’adresse alors à sa mère pour déterminer comment investir les indemnités
reçues.
[13]
Après discussion avec celle-ci, il est entendu qu’I.S. ferait affaires
avec l’intimé.
[14]
L’intimé agit déjà comme conseiller en sécurité financière pour la mère
d’I.S.
[15]
Afin de discuter de l’investissement desdites indemnités, l’intimé
rencontre I.S. et sa mère au domicile de celle-ci, qui demeure comme I.S. dans
la région de Québec.
[16]
La rencontre entre l’intimé, I.S. et sa mère dure environ une heure et
demie.
[17]
L’intimé prépare alors une analyse de besoins financiers
de même que des profils d’investisseur pour I.S.
et sa fille B.
[18]
Lors de cette rencontre, l’intimé suggère à I.S. que les sommes reçues
par ses deux enfants soient investies dans des contrats de fonds distincts
« Ecoflex » avec Industrielle Alliance (« I.A. »).
[19]
À cet effet, au nom de ses enfants, I.S. souscrit des propositions de
placement dans un contrat de fonds distincts pour son garçon A au montant de
40 000 $,
et pour sa fille B pour la somme de 49 800 $.
[20]
I.S., quant à elle, souscrit aussi une proposition pour un placement dans
un tel contrat de fonds distincts pour la somme de 58 000 $.
[21]
Malheureusement, sur une période d’environ 18 mois, soit de juin 2007 à
novembre 2008, I.S. a presque retiré entièrement le montant de 58 000 $
qu’elle avait investi dans le contrat de fonds distincts « Ecoflex ».
[22]
De plus, du mois de mai 2008 au mois d’octobre 2009, alors qu’elle
n’avait pas d’emploi, elle aurait retiré la somme de 22 728 $ des deux
comptes des enfants pour subvenir à ses besoins et aux leurs.
[23]
Aussi, suite à une intervention du Curateur public, une assemblée de
parents fut tenue et un conseil de tutelle fut nommé le 31 mars 2009 par la
Cour supérieure du Québec pour les deux enfants.
[24]
La mère d’I.S. et son frère F.S. furent nommés au conseil de tutelle
avec comme secrétaire le père d’I.S., G.S.
[25]
Selon F.S., I.S. a dû rembourser à la curatelle publique une partie des
montants qui avaient été retirés des comptes des enfants, soit environ
13 000 $.
[26]
À l’automne 2008, la crise financière battant son plein, l’intimé a
décidé de repositionner les sommes détenues dans les comptes des enfants dans
le marché monétaire afin de préserver leur capital.
[27]
Pour ce faire, il exécuta des transferts interfonds, lesquels selon
l’intimé, il pouvait faire grâce à la lettre d’autorisation limitée signée par
I.S..
[28]
De plus, en octobre 2010, alors que F.S. voulait racheter son REÉR,
l’intimé lui a fait signer à Québec une lettre d’autorisation limitée (pièce
P-13), alors que lui était à Gatineau et qu’il eut déjà signé ledit document à
titre de témoin.
[29]
Par la suite, F.S. lui a retourné par télécopieur le document dûment
signé.
[30]
En 2015, F.S., qui était alors plus impliqué au conseil de tutelle des
enfants A et B, demanda à l’intimé pourquoi en 2008, les enfants avaient perdu
près de 20 000 $ à leur compte.
[31]
N’ayant pas eu, selon lui, de réponse satisfaisante de la part de
l’intimé et d’I.A.,
I.S. et F.S. déposèrent auprès de l’Autorité des marchés financiers
(« l’AMF ») une plainte contre l’intimé.
[32]
La plainte (pièce I-1) reprochait à l’intimé d’avoir fait des
transactions en 2008 qui avaient causé des pertes aux comptes des enfants, ce
qui fut considéré non fondé par l’AMF selon le témoignage de l’enquêteur, M.
Lévesque.
[33]
Toujours selon l’enquêteur, M. Lévesque, les pertes auraient plutôt été
alors occasionnées à la fois par un marché défavorable et par des retraits
exécutés dans les comptes des enfants, tel que mentionné à la réponse d’I.A.
(pièce I-2).
PRÉTENTION du PLAIGNANT
[34]
La procureure du plaignant prétend qu’en ce qui concerne le chef
d’infraction 1, l’intimé devrait être trouvé coupable étant donné que la
cueillette des faits qu’il a exécutée le 3 juin 2007 pour bien connaitre la
situation financière et les objectifs de placement des enfants A et B n’a pas
été correctement exécutée.
[35]
À cet effet, elle explique que la rencontre avec I.S. et sa mère a été
d’une courte durée, soit 1 heure et demie, que le budget établi est déficitaire,
que les données financières de la mère et des enfants sont confondues et que le
profil d’investisseur d’I.S. (pièce P-6) et celui de sa fille B (pièce
P-7) sont identiques.
[36]
Elle mentionne qu’à part ces documents, l’intimé n’a aucune note
personnelle et qu’en plus, les inscriptions faites au budget de l’analyse de
besoins financiers sont inexactes (pièce P-6).
[37]
Enfin, le profil d’investisseur de la fille B est modéré, incluant une
dimension croissance, ce qui, selon elle, ne correspond pas à celui qu’un
enfant d’un an devrait avoir.
[38]
En ce qui concerne le chef d’infraction 2, elle prétend que la
suggestion faite par l’intimé d’investir les sommes reçues par les enfants dans
un contrat de fonds distincts ne respectait pas l’article 1339 du Code civil
du Québec.
[39]
Elle prétend que l’intimé aurait dû informer I.S. de son obligation d’investir
dans des placements présumés sûrs au sens de l’article 1339 du Code civil du
Québec étant donné qu’elle était administratrice des biens des enfants et
qu’elle devait respecter les articles 1304 et 1305 du Code civil du Québec,
à titre d’administratrice du bien d’autrui.
[40]
De façon subsidiaire, Me Piché prétend que même si le comité
arrive à la conclusion que l’intimé n’était pas obligé de faire la
recommandation que les sommes soient investies dans des placements présumés sûrs
au sens de l’article 1339 du Code civil du Québec, la recommandation
faite par l’intimé n’était pas adéquate dans les circonstances pour les deux
enfants, A et B.
[41]
Pour ce qui est du chef d’infraction 3, elle déclare que l’intimé
devrait être trouvé coupable étant donné que les demandes de transfert
interfonds, pièces P-11 et P-12, n’ont pas été signées par I.S. et que la
lettre d’autorisation limitée (pièce P-10) signée par I.S. ne pouvait
constituer une autorisation suffisante pour permettre à l’intimé d’exécuter de
tels transferts sans l’approbation préalable d’I.S.
[42]
En ce qui concerne le chef d’infraction 4, elle plaide que l’intimé
devrait aussi en être trouvé coupable étant donné qu’il est clair qu’il n’a pas
assisté comme témoin à la signature de F.S. de la lettre d’autorisation limitée
(pièce P-13), contrairement à ce qu’il a déclaré.
[43]
Par conséquent, la procureure du plaignant considère que dans les
circonstances, l’intimé devrait être trouvé coupable des quatre chefs
d’infraction.
[44]
Pour appuyer sa plaidoirie, elle dépose et réfère à une liste imposante
d’autorités.
PRÉTENTION DE L’INTIMÉ
[45]
En ce qui concerne le chef d’infraction 1, le procureur de l’intimé
prétend que la seule façon pour l’intimé de connaître les objectifs de
placement des deux enfants, c’était en faisant, comme il a fait, une entrevue
avec I.S. accompagnée de sa mère.
[46]
Il expose que la cueillette des faits pertinents pour connaitre la
situation financière des deux enfants âgés de cinq ans et un an était fort
simple et qu’une durée d’une heure et demie était tout à fait appropriée dans
les circonstances.
[47]
Il reconnait que l’analyse de besoins financiers et le budget qui s’y
trouve (pièce P-6) ne sont pas parfaits, mais il prétend qu’on ne peut
reprocher à l’intimé d’avoir mal évalué la situation en ce qu’il a clairement
compris que les indemnités reçues par les enfants suite au décès de leur père devaient
être investies pour des fins d’étude dans des placements sécuritaires, ce qu’il
a fait.
[48]
Peut-être que son évaluation n’a pas été idéale et que son dossier aurait
pu comporter plus de notes personnelles, mais cette évaluation n’est pas
fautive au point de constituer une infraction déontologie tel qu’établi par la
jurisprudence.
[49]
Pour ce qui est du chef d’infraction 2, Me Charbonneau
explique tout d’abord qu’un contrat de fonds distincts n’est pas un placement,
mais bien plutôt un contrat d’assurance, lequel contient des placements.
[50]
En espèce, il prétend que le plaignant n’a présenté aucune preuve du
contenu et de la nature des placements qu’on trouvait à l’intérieur de ce
contrat de fonds distincts.
[51]
De plus, le procureur de l’intimé plaide que l’intimé n’avait pas cette
obligation de recommander des placements présumés sûrs au sens de l’article
1339 du Code civil du Québec ou qui respecteraient les obligations d’un
administrateur du bien d’autrui.
[52]
D’ailleurs, à cet effet, il réfère le comité à la décision rendue dans
l’affaire Gauthier,
où il a alors été décidé par le comité que bien qu’il soit souhaitable qu’un
représentant connaisse ces règles du Code civil et qu’il puisse en informer ses
clients, ces dispositions ne s’appliquent pas au représentant, mais au tuteur
et que c’est à ce dernier qu’il incombe de s’assurer que les placements pour un
mineur soient des placements présumés sûrs.
[53]
En ce qui concerne le chef d’infraction 3, le procureur de l’intimé
prétend que la lettre d’autorisation limitée (pièce P-10) permettait à l’intimé
d’exécuter les transferts interfonds dans les comptes des deux enfants et qu’il
doit, par conséquent, en être acquitté.
[54]
En ce qui concerne le chef d’infraction 4, il réfère aux articles 2 et
39 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information
(RLRQ, c. C-1.1).
[55]
Il prétend que l’intimé a transmis par télécopieur à l’assureur la
demande de rachat, pièce P-13,
sur laquelle il atteste avoir reçu la signature du client par télécopieur.
[56]
En fait, Me Charbonneau prétend que l’intimé pouvait déclarer
à l’assureur qu’il avait reçu la signature du client par télécopieur et qu’en
ce faisant, il n’a pas fait de fausse déclaration.
[57]
Le procureur de l’intimé prétend donc que le comité doit dans les
circonstances déclarer l’intimé non coupable des quatre chefs d’infraction qui
lui sont reprochés.
ANALYSE
ET MOTIFS
[58]
Pour décider du bien-fondé de la plainte contre l’intimé, le comité doit
déterminer si ce dernier a bien évalué la situation financière et personnelle
des enfants A et B (chef d’infraction 1), s’il a recommandé ou effectué des
placements qui ne correspondaient pas à leur situation personnelle et
financière en ne s’assurant pas notamment qu’ils étaient présumés sûrs au sens
de l’article 1339 du Code civil du Québec ou qu’ils respectaient les
obligations d’I.S. en tant qu’administrateur du bien d’autrui (chef
d’infraction 2), s’il a exécuté des transferts de fonds dans les comptes des
enfants A et B sans l’autorisation d’I.S. (chef d’infraction 3) et enfin, s’il
a signé à titre de témoin hors la présence de F.S. la lettre d’autorisation
limitée, pièce P-13 (chef d’infraction 4).
[59]
Le comité présentera son analyse et ses motifs individuellement pour
chacun des chefs d’infraction.
CHEF D’INFRACTION 1
[60]
Le plaignant reproche à l’intimé par ce premier chef d’infraction
d’avoir fait défaut de connaître la situation personnelle ainsi que les
objectifs de placements des enfants A et B, contrevenant ainsi aux articles 16
et 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers
de même qu’à l’article 15 du Code de déontologie de la Chambre de la
sécurité financière.
[61]
Ces dispositions de rattachement alléguées à ce chef d’infraction se lisent
comme suit :
-
Articles 16 et 27 de la Loi sur la distribution de produits
et services financiers (RLRQ, c. D-9.2)
« 16. Un
représentant est tenu d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec
ses clients.
Il doit agir avec compétence et professionnalisme. »
« 27. Un représentant en
assurance doit s’enquérir de la situation de son client afin d’identifier ses
besoins.
Il doit s’assurer de conseiller
adéquatement son client, dans les matières relevant des disciplines dans
lesquelles il est autorisé à agir; s’il lui est possible de le faire, il offre
à son client un produit qui convient à ses besoins. »
-
Article 15 du Code de déontologie de la Chambre de la
sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3)
« 15. Avant de
renseigner ou de faire une recommandation à son client ou à tout client
éventuel, le représentant doit chercher à avoir une connaissance complète des
faits. »
[62]
Pour décider de ce premier chef d’infraction, le comité doit déterminer
si l’intimé connaissait bien ses clients, c’est-à-dire s’il a respecté la règle
bien connue dans l’industrie communément identifiée sous le vocable anglais de
« KYC », c’est-à-dire « Know your client ».
[63]
Voici comment l’Honorable France Dulude de la Cour supérieure du Québec
décrit cette règle fondamentale de l’industrie qui s’applique en
l’espèce :
« [49] As recognized by both
parties, the know-your-client rule is the cardinal rule for any investment
advisor (KYC Rule)[30]. This rule requires him to inform and provide investment
recommendations that are suitable to each client. To do so, he must identify
his client’s objectives, in light of his knowledge of trading and his risk
tolerance. He must be diligent in explaining the relevant details, taking into
account the level of investment sophistication of the client who, for his part,
must be prudent and make a minimum effort to understand the information that is
provided to him. Investment advisors’ obligation is one of means and not
results[31]. »
(références omises)
[64]
Les cinq principaux facteurs pour analyser la situation d’un client sont
l’âge, les revenus, les connaissances en investissement, les objectifs
d’investissement et la tolérance aux risques.
[65]
Le plaignant a le fardeau de démontrer par prépondérance de preuve, de
façon claire et convaincante, que l’intimé n’a pas respecté cette obligation
s’il veut obtenir sa condamnation sur ce premier chef d’infraction.
[66]
Après avoir analysé l’ensemble de la preuve, le comité est d’opinion qu’en
l’espèce, le plaignant ne s’est pas déchargé de son fardeau et que l’intimé
doit être déclaré non coupable de ce premier chef d’infraction.
[67]
La procureure du plaignant considère que l’analyse faite par l’intimé de
la situation personnelle et financière des jeunes enfants, alors âgés
respectivement de cinq ans pour le garçon A et un an pour la fille B, était
trop sommaire, superficielle et inexacte.
[68]
Plus particulièrement, elle reproche à l’intimé les éléments
suivants :
-
Une courte entrevue d’une heure et demie avec I.S. et sa mère;
-
Un budget déficitaire pour la mère et les enfants (pièce P-6);
-
Inexactitudes retrouvées au budget (pièce P-6);
-
Aucun profil d’investisseur pour le garçon A;
-
Similarité évidente des profils d’investisseur préparés pour la
mère et pour la fille B;
-
Inexactitudes retrouvées au profil d’investisseur de la fille B.
[69]
Tout d’abord, en ce qui concerne la rencontre ayant eu lieu le 3 juin
2007, le comité considère qu’une durée d’une heure et demie n’apparaît pas à sa
face même une durée insuffisante compte tenu de la situation que l’intimé avait
à analyser.
[70]
En effet, il s’agissait alors de déterminer ce qui devait être fait avec
les indemnités reçues par les deux enfants de cinq ans et un an suite au décès
de leur père.
[71]
Bien évidemment, la situation financière personnelle de ces deux enfants
en bas âge est entièrement liée à la situation financière de la mère I.S.
[72]
Le comité considère que la démarche qui devait être faite par l’intimé pour
bien connaître cette situation financière ne nécessitait pas un processus
d’enquête élaboré et compliqué de sa part et il est d’opinion que cette
cueillette des faits pouvait tout à fait se faire à l’intérieur d’une période
d’une heure et demie.
[73]
Il est vrai que la documentation préparée par l’intimé lors de ce processus
d’analyse n’est pas idéale, mais le comité considère néanmoins que l’intimé
avait bien cerné et évalué la situation financière et personnelle des enfants.
[74]
En fait, les sommes reçues par les deux enfants devaient être investies
et préservées pour leurs études, qui n’auraient pas lieu avant dix ou même 15
ans.
[75]
L’objectif de placement des enfants était donc à long terme et il devait
être protégé avec une très faible tolérance aux risques.
[76]
De plus, au profil d’investisseur d’I.S., signé par celle-ci, et à celui
de sa fille B, il était indiqué : « Nous voulons prendre un peu de
risque (sic) tout en étant conservateur ».
[77]
La procureure du plaignant a insisté beaucoup sur le fait que pour un
des enfants, soit pour le garçon A, aucun profil d’investisseur n’avait été
préparé par l’intimé.
[78]
Le comité considère que ce défaut n’est pas fatal en l’espèce.
[79]
Le défaut d’avoir confectionné un profil financier pour le garçon A n’a
pas empêché l’intimé de bien connaître la situation financière des enfants et
d’analyser correctement leurs besoins, étant donné qu’en l’espèce, c’était le
profil financier de la mère I.S., qui était essentiel, car tel que mentionné
plus haut, la situation financière et personnelle des enfants était tributaire
de celle de la mère I.S.
[80]
Aussi, le fait que le profil d’investisseur de la fille B semble être
une copie conforme du profil d’I.S. dans les circonstances, n’est pas non plus un
élément déterminant pour le comité.
[81]
Il semble assez évident pour le comité qu’en l’espèce, cet enfant d’un
an pouvait difficilement se trouver dans une situation financière différente de
celle de sa mère qui est responsable d’elle légalement.
[82]
Pour ce qui est des inexactitudes au budget faisant partie de l’analyse
des besoins financiers d’I.S. (pièce P-6), soulevées par la procureure du
plaignant, le comité est d’opinion qu’elles sont trop légères pour lui
permettre de conclure que l’intimé n’a pas bien évalué la situation financière
et personnelle des enfants.
[83]
Tel que mentionné plus haut, le processus exécuté par l’intimé n’est pas
idéal, il n’est probablement pas souhaitable non plus, mais le comité est
d’opinion qu’il n’est certainement pas inacceptable au point de constituer une
faute déontologique.
[84]
Par conséquent, le comité considère que l’intimé doit être acquitté du
chef d’infraction 1, et ce, en ce qui concerne les trois dispositions y
mentionnées à savoir les articles 16 et 27 de la Loi sur la distribution de
produits et services financiers et l’article 15 du Code de déontologie
de la Chambre de la sécurité financière.
CHEF D’INFRACTION 2
[85]
La trame factuelle pour le chef d’infraction 2 est la même que pour le
chef d’infraction 1.
[86]
À ce deuxième chef d’infraction, le plaignant reproche à l’intimé en
cette même date du 3 juin 2007, d’avoir recommandé et effectué des placements
dans des contrats de fonds distincts pour les enfants A et B, lesquels ne
correspondaient pas à leur situation personnelle et financière notamment en ce qu’il
ne s’était pas assuré que ces placements étaient présumés sûrs au sens de
l’article 1339 du Code civil du Québec et/ou ne respectaient pas les
obligations d’I.S. en tant qu’administrateur du bien d’autrui.
[87]
Le plaignant reproche donc la non-convenance de la recommandation de
placements faite par l’intimé.
[88]
Les dispositions de rattachement alléguées au chef d’infraction 2 se
lisent comme suit :
-
Articles 16 et 27 de la Loi sur la distribution de produits
et services financiers (RLRQ, c. D-9.2)
« 16. Un
représentant est tenu d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec
ses clients.
Il doit agir avec compétence et
professionnalisme. »
« 27. Un représentant en
assurance doit s’enquérir de la situation de son client afin d’identifier ses
besoins.
Il doit s’assurer de conseiller
adéquatement son client, dans les matières relevant des disciplines dans
lesquelles il est autorisé à agir; s’il lui est possible de le faire, il offre
à son client un produit qui convient à ses besoins. »
-
Articles 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de
la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3)
« 12. Le représentant doit agir envers son
client ou tout client éventuel avec probité et en conseiller consciencieux,
notamment en lui donnant tous les renseignements qui pourraient être
nécessaires ou utiles. Il doit accomplir les démarches raisonnables afin de
bien conseiller son client. »
« 35. Le
représentant ne doit pas exercer ses activités de façon malhonnête ou
négligente. »
[89]
Le comité considère que le plaignant ne s’est pas non plus déchargé de
son fardeau de démontrer de façon prépondérante, claire et convaincante, que
l’intimé est coupable du chef d’infraction 2, et ce, en ce qui concerne les
quatre dispositions reprochées audit chef d’infraction et qu’en conséquence, l’intimé
doit en être acquitté.
[90]
Tout d’abord, le comité doit déterminer ce qu’est un « contrat
de fonds distincts » comme celui recommandé par l’intimé en l’espèce,
soit le contrat de fonds distinct identifié « Ecoflex » d’I.A.
[91]
Le plaignant n’a pas présenté de preuve au comité pour lui expliquer la
nature de ce genre de produit recommandé par l’intimé à I.S. pour les comptes
de ses enfants.
[92]
Néanmoins, le comité à partir des pièces produites au dossier
et de la jurisprudence existant sur le sujet est en mesure de considérer qu’un
contrat de fonds distincts « Ecoflex » est un contrat d’assurance
individuelle dont les fonds sont investis dans un ou plusieurs actifs de base.
[93]
Dans une décision antérieure rendue dans l’affaire Goyette, le
comité a d’ailleurs déjà commenté et décrit de la façon suivante le fonds
distinct :
« [34] Reprenant alors à son
compte la définition contenue à une publication du ministère fédéral des
Finances relative à l’industrie canadienne des assureurs de personnes
(septembre 2002), elle en fit la description suivante :[7]
" Un fonds distinct,
que seule une société d’assurances de personnes est autorisée à exploiter,
s’apparente à un produit de fonds commun de placement proposé par d’autres
institutions financières : il comprend des portions de fonds de placement dans
toute une gamme de valeurs mobilières (p. ex. des actions, des obligations, des
fonds équilibrés). Cependant, il diffère des produits de fonds commun de
placement étant donné qu’un pourcentage minimal du placement (en général au
moins 75 %) doit être remis à l’investisseur à l’échéance du placement. Le
terme « distinct » est utilisé parce que les fonds doivent être
conservés indépendamment des autres actifs de la société d’assurances. " »
(nos soulignés, référence omise)
[94]
Par conséquent, le contrat de fonds distincts comme
« Ecoflex » d’I.A. est un contrat d’assurance qui est un véhicule
financier contenant différents types de valeurs mobilières dont le titulaire
détient des unités, lesquelles ont une valeur qui peut fluctuer un peu comme un
produit de fonds commun de placement.
[95]
En l’espèce, le plaignant n’a présenté aucune preuve par témoin
ordinaire ou témoin expert quant aux caractéristiques des placements contenus
au fonds distinct dont les enfants d’I.S. détenaient des unités.
[96]
L’enquêteur, M. Lévesque, a mentionné ne pas s’être informé de la
nature des placements apparaissant aux relevés des comptes des enfants.
[97]
Bien qu’étant un tribunal spécialisé, le comité ne peut jamais s’en
remettre à l’expertise de ses membres pour combler un manque de preuve.
[98]
À partir des relevés de comptes des enfants, le comité est cependant en
mesure de constater qu’au 31 décembre 2007, les actifs des contrats des enfants
étaient dans des fonds de placement qui étaient répartis de façon équilibrée
dans des fonds de revenus, des fonds d’actions canadiennes et des fonds
d’actions américaines et internationales.
[99]
Enfin, les investissements faits par les enfants possédaient une
garantie d’investissement de 100 % à la date d’échéance de la garantie.
[101]
La prétention du plaignant est aussi à l’effet que la recommandation
faite par l’intimé n’en était pas une qui respectait l’article 1339 du Code
civil du Québec ou les obligations d’I.S. en tant qu’administrateur du bien
d’autrui.
[102]
L’article 1339 du Code civil du Québec se lit comme suit :
« 1339.
Sont présumés sûrs les placements faits dans les biens suivants:
1° Les titres de propriété sur un immeuble;
2° Les obligations ou autres titres d’emprunt émis ou garantis par
le Québec, le Canada ou une province canadienne, les États-Unis d’Amérique ou
l’un des États membres, la Banque internationale pour la reconstruction et le
développement, une municipalité ou une commission scolaire au Canada ou une
fabrique au Québec;
3° Les obligations ou autres titres d’emprunt émis par une personne
morale exploitant un service public au Canada et investie du droit de fixer un
tarif pour ce service;
4° Les obligations ou autres titres d’emprunt garantis par
l’engagement, pris envers un fiduciaire, du Québec, du Canada ou d’une province
canadienne, de verser des subventions suffisantes pour acquitter les intérêts
et le capital à leurs échéances respectives;
5° Les obligations ou autres titres d’emprunt d’une société dans les
cas suivants:
a) Ils sont garantis par une hypothèque de premier rang sur un
immeuble ou sur des titres présumés sûrs;
b) Ils sont garantis par une hypothèque de premier rang sur des
équipements et la société a régulièrement assuré le service des intérêts sur
ses emprunts au cours des 10 derniers exercices;
c) Ils sont émis par une société dont les actions ordinaires ou
privilégiées constituent des placements présumés sûrs;
6° Les obligations ou autres titres d’emprunt émis par une
institution de dépôts autorisée en vertu de la Loi sur les institutions de
dépôts et la protection des dépôts (chapitre I-13.2.2);
7° Les créances garanties par hypothèque sur des immeubles situés au
Québec:
a) Si le paiement du capital et des intérêts est garanti ou assuré
par le Québec, le Canada ou une province canadienne;
b) Si le montant de la créance n’est pas supérieur à 80% de la
valeur de l’immeuble qui en garantit le paiement, déduction faite des autres
créances garanties par le même immeuble et ayant le même rang que la créance ou
un rang antérieur;
c) Si le montant de la créance qui excède 80% de la valeur de
l’immeuble qui en garantit le paiement, déduction faite des autres créances
garanties par le même immeuble et ayant le même rang que la créance ou un rang
antérieur, est garanti ou assuré par le Québec, le Canada, une province
canadienne, la Société canadienne d’hypothèques et de logements, la Société
d’habitation du Québec ou par un contrat d’assurance hypothécaire souscrit par
un assureur autorisé en vertu de la Loi sur les assureurs (chapitre A-32.1);
8° Les actions privilégiées libérées, émises par une société dont
les actions ordinaires constituent des placements présumés sûrs ou qui, au
cours des cinq derniers exercices, a distribué le dividende stipulé sur toutes
ses actions privilégiées;
9° Les actions ordinaires, émises par une société qui satisfait
depuis trois ans aux obligations d’information continue définies par la Loi sur
les valeurs mobilières (chapitre V-1.1), dans la mesure où elles sont inscrites
à la cote d’une bourse reconnue à cette fin par le gouvernement, sur
recommandation de l’Autorité des marchés financiers, et où la capitalisation
boursière de la société, compte non tenu des actions privilégiées et des blocs
d’actions de 10% et plus, excède la somme alors fixée par le gouvernement;
10° Les titres d’un fonds d’investissement ou d’une fiducie d’utilité
privée, à la condition que 60% de leur portefeuille soit composé de placements
présumés sûrs et que le fonds ou la fiducie satisfait depuis trois ans aux
obligations d’information continue définies par la Loi sur les valeurs
mobilières. »
[103]
Les infractions reprochées au chef d’infraction sont relatives au non-respect
des normes et principes généralement reconnus dans la pratique et nécessitent
donc une preuve d’expert.
[104]
Le comité considère que c’est à-propos que le procureur de l’intimé
réfère à une décision antérieure rendue du comité dans l’affaire Gauthier.
[105]
Le comité avait alors décidé ce qui suit :
« [41] Par ailleurs, relativement au reproche
adressé à l'intimé au paragraphe b) de ce même chef, si la preuve a révélé que
l'intimé a fait défaut d'informer ses clients de l'existence des règles
concernant les placements présumés sûrs, aucune preuve par expert ou
autrement n'a été présentée au comité relativement à l'existence d'une norme
généralement reconnue dans la profession obligeant le représentant à informer
une mère tutrice ou sa fille mineure des règles concernant les placements
présumés sûrs prévus au Code civil. Bien qu'il
aurait été souhaitable que l'intimé en connaisse les règles et puisse en
informer ses clientes ou leur en souligner l'existence, celles-ci s'appliquent
au tuteur et c'est à ce dernier qu'incombe l'obligation de s'assurer que les
placements pour une mineure soient des placements " présumés sûrs ". (nos soulignés)
[106]
Le plaignant en l’espèce n’a produit aucune expertise, ni de preuve
quelconque à l’effet qu’un représentant dans l’industrie doit respecter une
telle norme.
[107]
Par conséquent, vu ce qui précède, le comité est d’opinion que le
plaignant ne s’est pas déchargé de son fardeau de prouver de façon
prépondérante, claire et convaincante, que l’intimé a commis l’infraction
reprochée au chef d’infraction 2.
[108]
L’intimé sera donc aussi déclaré non coupable de ce chef d’infraction en
vertu de chacune des dispositions y reprochées et il en sera donc acquitté.
CHEF D’INFRACTION 3
[109]
Ce troisième chef d’infraction se rapporte aussi aux comptes détenus par
les enfants d’I.S.
[110]
Les dispositions de rattachement alléguées quant à ce chef d’infraction
sont les suivantes :
-
Article 16 de la Loi sur la distribution de produits et
services financiers (RLRQ, c. D-9.2)
« 16. Un
représentant est tenu d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec
ses clients.
Il doit agir avec compétence et
professionnalisme. »
-
Articles 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de
la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3)
« 11. Le
représentant doit exercer ses activités avec intégrité. »
« 35. Le
représentant ne doit pas exercer ses activités de façon malhonnête ou
négligente. »
[111]
Quant à ce chef d’infraction, le comité est d’opinion que le plaignant a
renversé son fardeau de preuve et que l’intimé doit en être trouvé coupable
pour les raisons suivantes.
[112]
Les transactions visées par le chef d’infraction 3, qui ont eu lieu
entre le mois de novembre 2007 et le mois de mars 2009, dans les comptes des
enfants d’I.S., ne sont pas contestées par l’intimé.
[113]
Il s’agit en fait de transferts interfonds à l’intérieur desdits comptes.
[114]
En fait, l’intimé ne les nie pas à son témoignage, mais prétend qu’il pouvait
effectuer de tels transferts interfonds, compte tenu de l’existence au dossier
d’une lettre d’autorisation limitée signée par I.S. le 11 août 2007.
[115]
Il prétend aussi que cette façon de procéder était une pratique
existant alors chez I.A.
[116]
L’intimé avait aussi donné cette même explication à l’enquêteur du
plaignant lors de l’entrevue le 2 août 2017 dont l’enregistrement et une partie
de la transcription ont été déposés comme pièce P-14.
[117]
La prétention de l’intimé est à l’effet que la partie B de cette lettre
d’autorisation limitée (pièce P-10) lui permettait de faire ce genre de
transferts interfonds, car selon lui, il avait alors effectué des « transferts
entre fonds à l’intérieur d’un même contrat » :
« Partie B : Types
des transactions et identification de la compagnie d’assurance
Par cette lettre d’autorisation limitée (ci-après " lettre
d’autorisation ") relativement
à des contrats de rentes différées individuelles, vous autorisez votre
représentant (ci-après " le
représentant ") à donner à l’Industrielle
Alliance, Assurance et services financiers inc. (ci-après "
la Compagnie ") les
instructions nécessaires pour procéder aux transactions financières suivantes
en votre nom :
a)
Nouvelles primes
b)
Revalorisations des valeurs minimales
garanties
c)
Transferts entre fonds à
l’intérieur d’un même contrat
d)
Rachats
e)
Renouvellements des placements à taux
d’intérêt garanti échus
à l’intérieur des contrats couverts par cette lettre
d’autorisation.
Il est toutefois interdit au représentant d’effectuer
des transactions discrétionnaires en votre nom, c’est-à-dire de donner à la
Compagnie quelque instruction sans avoir obtenu au préalable une autorisation
spécifique de votre part pour chacune des instructions, et rien dans le présent
formulaire ne confère au représentant un tel pouvoir. Vous devez lire l’Autorisation du titulaire de la
police qui paraît dans la présente lettre d’autorisation et signer la
déclaration aux endroits indiqués. Si vous omettez de signer la déclaration,
cette lettre d’autorisation ne pourra être mise à exécution.
Partie C : Autorisation du titulaire de la police
1.
JE, LE TITULAIRE DE LA
POLICE, AUTORISE PAR LES PRÉSENTES Pierre Lamarche (" le représentant ") à
fournir par écrit des instructions à mon nom et à signer tout document
pertinent se rattachant aux transactions permises listées de (a) à (e) dans la
partie B de ce formulaire, conformément aux instructions spécifiques que
j’aurai donnés (sic) pour chacune
des transactions. »
(nos soulignés)
[118]
La procureure du plaignant reconnait que la lettre d’autorisation
limitée permet à l’intimé de « fournir par écrit des instructions à
I.A. pour exécuter ce genre de transaction ».
[119]
Cependant, elle est d’opinion que pour pouvoir donner de telles
instructions de transactions à I.A., l’intimé doit néanmoins au préalable avoir
obtenu de sa cliente une autorisation spécifique pour ce faire.
[120]
En fait, selon elle, l’intimé ne peut jamais exécuter « des
transactions discrétionnaires au nom du client », tel que mentionné
ci-haut à la partie B de la lettre d’autorisation limitée, « c’est-à-dire
de donner à la compagnie quelques instructions sans avoir obtenu au préalable
une autorisation spécifique » de la part du client.
[121]
Le comité partage entièrement la prétention de la procureure du
plaignant et considère que l’interprétation textuelle faite par le procureur de
l’intimé de l’autorisation ne peut être acceptée.
[122]
Le comité considère que cette interprétation textuelle est inacceptable,
car elle ne tient pas compte de sa globalité.
[123]
Comme on sait, les clauses d’un texte ou d’un contrat doivent
s’interpréter « les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune
le sens qui résulte de l’ensemble du contrat ».
[124]
En effet, il apparait évident que le but de la lettre d’autorisation
limitée (pièce P-10) n’est pas de permettre à un représentant d’exécuter des
transactions discrétionnaires, ce qu’un représentant ne peut jamais faire dans
l’industrie, à moins d’être spécifiquement autorisé de ce faire par les
autorités réglementaires.
[125]
D’ailleurs, une telle interprétation a déjà été adoptée par la
jurisprudence.
[126]
Le procureur de l’intimé prétend aussi que l’intimé ne devrait pas être
trouvé coupable du chef d’infraction 3, car il n’a que suivi la façon de
procéder à la compagnie d’assurance I.A.
[127]
Le comité ne peut accepter une telle prétention compte tenu tout d’abord
du texte clair de la lettre d’autorisation limitée, tel que mentionné plus haut.
[128]
De plus, aucun représentant d’I.A. n’est venu témoigner devant le comité
pour établir une telle pratique ou un tel usage.
[129]
De plus, le comité ajoutera que ce n’est pas parce que l’institution
financière ne demande pas au représentant de produire l’autorisation préalable
de la cliente avant d’effectuer la transaction demandée que celui-ci peut
prétendre qu’il en est dispensé de l’obtenir, cette obligation demeurant
toujours la sienne.
[130]
Par conséquent, selon le comité, le fait que I.A. ait en l’espèce accepté
d’effectuer les transferts interfonds demandés par l’intimé ne peut constituer
pour lui une défense quant à l’infraction d’avoir manqué de professionnalisme
et de compétence en vertu de l’article 16 de la Loi sur la distribution de
produits et services financiers et quant à l’infraction d’avoir exercé ses
activités de façon négligente au sens de l’article 35 du Code de déontologie
de la Chambre de la sécurité financière.
[131]
Cependant, le comité considère qu’à partir de la preuve présentée, l’intimé
n’a pas manqué d’intégrité dans ses activités au sens de l’article 11 du Code
de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.
[132]
L’intimé sera donc trouvé coupable du chef d’infraction 3 pour avoir
manqué de professionnalisme et de compétence au sens de l’article 16 de la Loi
sur la distribution de produits et services financiers et d’avoir exercé
ses activités de façon négligente au sens de l’article 35 du Code de
déontologie de la Chambre de la sécurité financière.
[133]
Il sera cependant acquitté d’avoir manqué d’intégrité en vertu de l’article
11 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.
[134]
En vertu du principe prohibant les condamnations doubles ou multiples, le
comité ordonnera la suspension conditionnelle des procédures en ce qui concerne
l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière
et l’intimé devra donc être convoqué pour une audition sur sanction quant au
chef d’infraction 3 uniquement quant à l’article 16 de la Loi sur la
distribution de produits et services financiers, pour avoir manqué de
professionnalisme et de compétence.
CHEF D’INFRACTION 4
[135]
Ce chef d’infraction, contrairement aux trois premiers chefs
d’infraction, ne concerne pas le compte des deux enfants A et B, mais bien
celui de l’oncle F.S.
[136]
Le plaignant reproche à l’intimé d’avoir, à l’automne 2010, signé à
titre de témoin une « lettre d’autorisation limitée » ainsi
qu’un formulaire de « Demandes de rachat, transferts interfonds et
versements périodiques » hors la présence de F.S., ayant ainsi
contrevenu aux dispositions suivantes :
-
Article 16 de la Loi sur la distribution de produits et
services financiers (RLRQ, c. D-9.2)
« 16. Un
représentant est tenu d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec
ses clients.
Il doit agir avec compétence et
professionnalisme. »
-
Articles 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre
de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3)
« 11. Le
représentant doit exercer ses activités avec intégrité. »
« 34. Le représentant
doit fournir aux assureurs les renseignements qu’il est d’usage de leur
fournir. »
« 35. Le
représentant ne doit pas exercer ses activités de façon malhonnête ou
négligente. »
[137]
Le comité est d’opinion que le plaignant a démontré par prépondérance
de preuve que l’intimé est coupable de ce dernier chef d’infraction pour les
raisons suivantes.
[138]
Encore une fois, les faits pour ce chef d’infraction ne sont pas
contestés par l’intimé.
[139]
En effet, son témoignage confirme le témoignage du consommateur F.S. qui
a expliqué que pour pouvoir racheter son REÉR, l’intimé lui a fait parvenir une
télécopie le 18 octobre 2010 contenant un formulaire de rachat et une lettre
d’autorisation limitée.
[140]
En fait, suite à la demande de F.S. qui voulait racheter son REÉR,
l’intimé avait fait parvenir une demande de rachat à I.A. que lui seulement avait
signée le 29 septembre 2010.
[141]
Cette transaction avait été refusée le 4 octobre 2010 par I.A. vu
l’absence de signature des documents par F.S..
[142]
C’est suite à ce refus que l’intimé a fait parvenir à F.S. par télécopie
le 18 octobre 2010 les documents en question pour signature alors qu’il les
avait pourtant déjà signés à titre de témoin le 29 septembre 2010 avant que
F.S. ne les signe.
[143]
F.S. a signé les documents à son tour et les a par la suite retournés à
l’intimé par télécopieur le 19 octobre 2010.
[144]
Par conséquent, l’intimé avait donc signé à titre de témoin de la
signature du client F.S. avant même que ce dernier n’ait signé lesdits documents.
[145]
Le procureur de l’intimé a prétendu qu’en vertu des articles 2 et 39 de
la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information (RLRQ,
c. 1.1), l’intimé pouvait déclarer à l’assureur qu’il avait reçu la signature
du client par télécopie et qu’ainsi, il pouvait prétendre que le client avait
signé lesdits documents devant lui.
[146]
Le comité ne peut accepter un tel argument.
[147]
En effet, la preuve est à l’effet que l’intimé a bien signé les
documents hors la présence de F.S. le 29 septembre 2010 avant même qu’il les
signe le 18 octobre 2010 et les lui retourne par télécopieur.
[148]
Par conséquent, l’intimé a faussement déclaré avoir signé comme témoin
de la signature de F.S., tel que reproché au chef d’infraction 4 et l’argument
technique avancé par le procureur de l’intimé ne peut constituer une défense
face à cette preuve prépondérante, claire et convaincante présentée au comité
par le plaignant.
[149]
Le geste de la part de l’intimé démontre un manque de professionnalisme,
mais en l’espèce, il ne démontre pas un manque d’honnêteté ou de loyauté compte
tenu qu’il appert que le geste a été fait dans un but d’efficience et non de
tromperie à l’égard du consommateur F.S.
[150]
Le comité considère par conséquent que le plaignant a démontré par prépondérance
de preuve que l’intimé a manqué de compétence et de professionnalisme au sens
de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services
financiers et qu’il a agi de façon négligente au sens de l’article 35 du Code
de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.
[151]
Cependant, compte tenu de la preuve présentée et des raisons ci-haut
mentionnées, le comité acquittera l’intimé de ne pas avoir exercé ses activités
avec intégrité au sens de l’article 11 du Code de déontologie de la Chambre
de la sécurité financière.
[152]
Il sera aussi acquitté en vertu de l’article 34 du Code de
déontologie de la Chambre de la sécurité financière, car le plaignant n’a
pas fait la preuve d’un usage comme le requiert cet article du Code de
déontologie de la Chambre de la sécurité financière.
[153]
Enfin, en vertu du principe prohibant les condamnations doubles ou
multiples, le comité ordonnera la suspension conditionnelle des procédures en
ce qui concerne l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité
financière et l’intimé sera donc convoqué pour une audition sur sanction
uniquement en vertu de l’article 16 de la Loi sur la distribution de
produits et services financiers pour avoir manqué de professionnalisme et
de compétence en ce qui concerne le chef d’infraction 4.
PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :
réitère l’ordonnance de non-divulgation, de non-diffusion et de non-publication
des noms et des prénoms des consommateurs concernés ainsi que de toute information
permettant de les identifier, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas
aux échanges d’information prévus à la oi sur l’encadrement du secteur
financier (RLRQ, chapitre E-6.1) et à la Loi sur la distribution de
produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2);
ACQUITTE l’intimé des
chefs d’infraction 1 et 2 pour avoir contrevenu à toutes les dispositions
mentionnées auxdits chefs d’infraction;
DÉCLARE l’intimé coupable des
chefs d’infraction 3 et 4 pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur
la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2)
et à l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité
financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);
ORDONNE la suspension
conditionnelle des procédures quant à l’article
35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre
D-9.2, r.3) en ce qui concerne les chefs d’infraction 3 et 4;
ACQUITTE l’intimé en vertu
des articles 11 et 34 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité
financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3) quant aux
chefs d’infraction 3 et 4;
CONVOQUE les parties,
avec l’assistance de la secrétaire du comité de discipline, à une audition sur
sanction quant à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits
et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3) pour lesdits chefs
d’infraction 3 et 4.
|
(S) Me Claude Mageau
|
|
Me CLAUDE MAGEAU
Président du comité de discipline
(S) Marc Binette
|
|
M. MARC BINETTE, PL. FIN.
Membre du comité de discipline
(S) Stéphane Prévost
|
|
M. STÉPHANE PRÉVOST, A.V.C.
Membre du comité de discipline
|
Me Jean-Simon
Britten
THERRIEN
COUTURE JOLI-COEUR S.E.N.C.R.L.
Procureurs de la partie
plaignante
Me Maurice
Charbonneau
TRIVIUM
AVOCATS INC.
Procureurs de la
partie intimée
Dates
d’audience : 2 et 3 octobre 2018
COPIE CONFORME À
L’ORIGINAL SIGNÉ