Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Abitibi-Témiscamingue

ROUYN-NORANDA, le 22 janvier 2002

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

155742-08-0102

DEVANT LE COMMISSAIRE :

Me Pierre Prégent

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉ DES MEMBRES :

Rodney Vallière

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Daniel Laperle

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

112409529

AUDIENCE TENUE LE :

11 octobre 2001

 

 

 

 

 

 

 

EN DÉLIBÉRÉ LE :

1er décembre 2001

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Rouyn-Noranda

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RONALD FAVRE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TÉMABEX INC.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL DE L’ABITIBI-TÉMISCAMINGUE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 16 février 2001, monsieur Ronald Favre (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 13 février 2001 à la suite d’une révision administrative.

[2]               Par cette décision, la CSST confirme une décision déjà rendue le 1er décembre 2000 à la suite de l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale.  Elle déclare que la lésion professionnelle, survenue le 10 février 1999, n’entraîne pas d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique additionnelle à celle déjà déterminée au dossier médical du travailleur.  En conséquence, aucune indemnité pour dommages corporels ne lui sera versée.  Toutefois, compte tenu de ses limitations fonctionnelles, la CSST confirme que le travailleur a droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’elle se soit prononcée sur la capacité du travailleur à exercer un emploi.

[3]               À l’audience, le travailleur est présent et il est représenté.  La CSST est représentée par procureur.  Les parties ont eu un délai de 15 jours pour produire les notes et autorités sur la question préliminaire.  Le délai a été prolongé jusqu’au 1er décembre 2001.  À ce moment, le dossier a été pris en délibéré.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]               Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il subsiste de la lésion professionnelle, survenue le 10 février 1999, une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique.

QUESTION PRÉLIMINAIRE

[5]               La représentante du travailleur soulève que l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale est irrégulier.  Elle soumet que la CSST a omis d’acheminer au médecin qui a charge du travailleur le rapport médical de son médecin désigné conformément à l’article 205.1 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

 

 

LES FAITS

[6]               Le 10 février 1999, le travailleur subit une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle, soit un syndrome de canal carpien bilatéral.  Il subit une seconde intervention pour neurolyse du nerf médian au niveau du canal carpien droit le 11 février 1999.  La même chirurgie est réalisée du côté gauche le 2 juin 1999.

[7]               Le 30 juin 1999, le docteur Meyers note une faiblesse marquée aux 2 mains du travailleur.  Il dirige ce dernier en physiothérapie.  La période de consolidation de la lésion professionnelle est fixée à 60 jours ou moins.  La situation est inchangée au 16 août 1999.

[8]               À la demande de la CSST, l’orthopédiste A. Quiniou examine le travailleur le 17 août 1999.  Il est d’avis que la lésion professionnelle n’est pas consolidée et que le travailleur doit être référé à la Clinique de la douleur.

[9]               Le 10 novembre 1999, le docteur Meyers consolide un tunnel carpien bilatéral.  Il précise qu’il résulte de la lésion professionnelle une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et des limitations fonctionnelles.  Le docteur Meyers indique qu’il ne procédera pas à l’évaluation des séquelles de la lésion professionnelle subie le 10 février 1999.

[10]           Le travailleur choisit le docteur B. Chartrand afin qu’il procède au bilan des séquelles.  Le 10 mai 2000, ce dernier examine le travailleur.  Il détermine par la suite le déficit anatomo-physiologique comme suit : séquelles actuelles - 63,45  % et séquelles antérieures - 41,6 %.  Au niveau des limitations fonctionnelles, il précise que le travailleur ne devrait pas faire un travail où il aurait à utiliser ses mains plus de 20 heures par semaine.

[11]           Le médecin désigné par la CSST, le neurochirurgien G. L’Espérance examine le travailleur le 19 juillet 2000.  Il est d’avis de retenir le déficit anatomo-physiologique de 23,6 % pour séquelles actuelles de la lésion professionnelle survenue le 28 mai 1998 tel que précisé le 19 octobre 1999 par la Commission des lésions professionnelles.  La Commission des lésions professionnelles infère de son rapport d’évaluation médicale que le déficit anatomo-physiologique est précisé comme suit : séquelles actuelles - 23,6 % et séquelles antérieures - 23,6 %.  Il ajoute qu’il conviendrait que le travailleur n’ait pas à faire un travail qui nécessite des mouvements de force avec ses mains.

[12]           Le rapport médical du docteur L’Espérance n’est pas acheminé au médecin qui a charge tel qu’admis par le procureur de la CSST à l’audience.  La CSST achemine le dossier médical du travailleur au Bureau d’évaluation médicale vers le 25 août 2000.

[13]           Le 11 septembre 2000, le docteur A. Léveillé, qui agit à titre de membre du Bureau d’évaluation médicale, examine le travailleur afin de se prononcer sur l’existence ou le pourcentage de l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et sur l’existence ou l’évaluation des limitations fonctionnelles.

[14]           Il conclut à un déficit anatomo-physiologique équivalent à 6 % en relation avec la lésion professionnelle survenue le 10 février 1999.  Il détermine les limitations fonctionnelles suivantes :

-         éviter de soulever des objets lourds en regard des deux mains de plus de 20 livres;

-         éviter les tâches qui nécessitent des mouvements de flexion-extension répétitifs en regard des poignets et des doigts.

 

 

[15]           Il signe son avis le 25 septembre 2000.  À la demande de la CSST, il produit un avis complémentaire qu’il signe le 13 novembre 2000.  Il reprend les séquelles antérieures déterminées par la Commission des lésions professionnelles le 19 octobre 1999.  Toutefois, il ne détermine pas à nouveau les séquelles actuelles reliées à la lésion professionnelle survenue le 10 février 1999.  Il écrit qu’il semble donc qu’entre les séquelles déjà accordées par la Commission des lésions professionnelles et les trouvailles objectivées faites lors de son évaluation, dont les séquelles actuelles ont déjà été précisées lors de son examen du 11 septembre 2000, il y a eu modification favorable.  Il maintient donc les séquelles actuelles qu’il avait déjà recommandées.

[16]           Le 1er décembre 2000, la CSST, liée par l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale, détermine qu’il ne résulte pas d’atteinte permanente supplémentaire suite à la lésion professionnelle survenue le 10 février 1999.  Aucune indemnité pour dommages corporels ne lui sera donc versée.  Toutefois, vu les limitations fonctionnelles précisées, des indemnités de remplacement du revenu seront versées jusqu’à ce que la CSST détermine sa capacité à occuper un emploi.

[17]           Cette décision est contestée par le travailleur le 6 décembre 2000.  Elle est confirmée par la CSST, le 13 février 2001, à la suite d’une révision administrative, d’où la requête déposée par le travailleur à la Commission des lésions professionnelles le 16 février 2001.

L’ARGUMENTATION DES PARTIES

[18]           La représentante du travailleur allègue que la CSST a omis de transmettre au médecin qui a charge du travailleur, le rapport du médecin désigné de la CSST conformément à l’article 205.1 de la loi.  En conséquence, l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale doit être déclaré irrégulier.

[19]           Le procureur de la CSST allègue que l’omission d’acheminer le rapport médical du médecin désigné au médecin qui a charge du travailleur, selon les dispositions de l’article 205.1 de la loi, ne doit pas rendre irréguliers pour autant la procédure et l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale.

L’AVIS DES MEMBRES

[20]           Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis que la procédure de contestation médicale prévue à la loi n’a pas été suivie correctement par la CSST.  Son recours au Bureau d’évaluation médicale est prématuré.

[21]           La Commission des lésions professionnelles, qui reconnaît le principe de la primauté de l’avis du médecin qui a charge, doit annuler l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale.  Elle doit retourner le dossier à la CSST afin qu’elle sollicite l’avis complémentaire du médecin qui a charge.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[22]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale a été obtenu régulièrement dans la présente affaire.

[23]           Pour disposer de la question préliminaire soulevée par la représentante du travailleur, la Commission des lésions professionnelles réfère aux dispositions suivantes de la loi :

204. La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui - ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.

 

La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115.

________

1985, c. 6, a. 204; 1992, c. 11, a. 13.

 

 

205.1. Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l’application de l’article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l’un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l’article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu’elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d’étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé.  Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.

 

La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d’évaluation médicale prévu à l’article 216.

________

1997, c. 27, a. 3.

206. La Commission peut soumettre au Bureau d'évaluation médicale le rapport qu'elle a obtenu en vertu de l'article 204, même si ce rapport porte sur l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 sur lequel le médecin qui a charge du travailleur ne s'est pas prononcé.

________

1985, c. 6, a. 206; 1992, c. 11, a. 13.

 

212. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants :

 

1°  le diagnostic;

2°  la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;

3°  la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;

4°  l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;

5°  l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.

 

L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.

________

1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.

 

 

217. La Commission soumet sans délai les contestations prévues aux articles 205.1, 206 et 212.1 au Bureau d'évaluation médicale en avisant le ministre de l'objet en litige et en l'informant des noms et adresses des parties et des professionnels de la santé concernés.

________

1985, c. 6, a. 217; 1992, c. 11, a. 19; 1997, c. 27, a. 6.

 

 

224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.

________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.

 

 

224.1. Lorsqu’un membre du Bureau d’évaluation médicale rend un avis en vertu de l’article 221 dans le délai prescrit à l’article 222, la Commission est liée par cet avis et rend une décision en conséquence.

 

Lorsque le membre de ce Bureau ne rend pas son avis dans le délai prescrit à l’article 222, la Commission est liée par le rapport qu’elle a obtenu du professionnel de la santé qu’elle a désigné, le cas échéant.

 

Si elle n’a pas déjà obtenu un tel rapport, la Commission peut demander au professionnel de la santé qu’elle désigne un rapport sur le sujet mentionné aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l’article 212 qui a fait l’objet de la contestation; elle est alors liée par le premier avis ou rapport qu’elle reçoit, du membre du Bureau d’évaluation médicale ou du professionnel de la santé qu’elle a désigné, et elle rend une décision en conséquence.

 

La Commission verse au dossier du travailleur tout avis ou rapport qu’elle reçoit même s’il ne la lie pas.

________

1992, c. 11, a. 27.

 

 

[24]           La Commission des lésions professionnelles est d’avis que, en choisissant le docteur Chartrand pour l’examiner afin de produire le bilan des séquelles de la lésion professionnelle survenue le 10 février 1999, le travailleur faisait de lui son médecin qui a charge.

[25]           Il n’est pas contredit que la CSST a omis d’acheminer au docteur Chartrand le rapport d’évaluation médicale de son médecin désigné le docteur L’Espérance.

[26]           Malgré cette omission, la CSST achemine le dossier médical du travailleur au Bureau d’évaluation médicale pour faire trancher les questions de l’atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles.  En effet, sur chacun de ces points, les conclusions du médecin désigné de la CSST diffèrent de celles du médecin qui a charge du travailleur.

[27]           Elles infirment les conclusions du médecin qui a charge sur le déficit anatomo-physiologique attribuable aux séquelles actuelles de la lésion professionnelle survenue le 10 février 1999.  En effet, le docteur Chartrand accorde un déficit anatomo-physiologique comme suit : séquelles actuelles - 63,45 %, séquelles antérieures - 41,6 %.  Pour sa part, le docteur L’Espérance retient comme séquelles actuelles celles déjà retenues par la Commission des lésions professionnelles, le 19 octobre 1999, soit 23,6 % à la suite de la lésion professionnelle survenue le 28 mai 1998.

[28]           La Commission des lésions professionnelles infère des conclusions médicales du docteur L’Espérance qu’il ne résulte pas d’atteinte permanente additionnelle à l’intégrité physique à la suite de la lésion professionnelle survenue le 10 février 1999.

[29]           Dans son avis motivé, le membre du Bureau d’évaluation médicale fixe à 6 % l’atteinte permanente à l’intégrité physique qui résulte de la lésion professionnelle survenue le 10 février 1999.

[30]           De plus, les conclusions médicales du docteur L’Espérance infirment également celles du docteur Chartrand quant aux limitations fonctionnelles.  Ce dernier est d’avis que le travailleur ne doit pas faire un travail où il aurait à utiliser ses mains plus de 20 heures par semaine.  Pour sa part, le docteur L’Espérance détermine que le travailleur ne doit pas faire un travail de force avec ses mains.

[31]           Le membre du Bureau d’évaluation médicale retient les limitations fonctionnelles suivantes :

-         éviter de soulever des objets lourds en regard des deux mains de plus de 20 livres;

-         éviter les tâches qui nécessitent des mouvements de flexion-extension répétitifs en regard des poignets et des doigts.

 

[32]           Dans ce contexte, il faut maintenant déterminer si la procédure d’évaluation médicale suivie par la CSST est régulière.  Dans le cas contraire, il faudra préciser les effets de cette irrégularité sur l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale.

[33]           Il ressort des dispositions de l’article 205.1 de la loi que le médecin qui a charge du travailleur peut fournir à la CSST un rapport complémentaire en vue d’étayer ses conclusions, dans les 30 jours de la réception du rapport du médecin désigné.  Ce rapport doit infirmer ses conclusions quant à l’un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l’article 212 rapporté plus haut, soit le diagnostic, la date ou la période prévisible de la consolidation de la lésion, la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits, l’existence ou le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et l’existence ou l’évaluation des limitations fonctionnelles.

[34]           Dans l’affaire Gilles Coderre et R. H. Nugent Équipement Rental ltée et CSST[2], la Commission des lésions professionnelles inférait ce qui suit des dispositions de l’article 205.1 de la loi :

« On peut comprendre, de l’objectif visé par l’article 205.1, qu’en cas de désaccord entre les conclusions du médecin désigné et celles du médecin qui a charge du travailleur, que ce dernier pourra répondre à ce rapport et que pour ce faire, il devra avoir eu connaissance dudit rapport du médecin désigné.  En effet, l’article 205.1 stipule que le médecin qui a charge du travailleur dispose d’un délai de 30 jours pour le faire, à compter de la réception dudit rapport.  Le médecin qui a charge du travailleur peut donc s’attendre, dans un tel cas, à recevoir de la CSST une copie du rapport du médecin désigné. »  [sic]

 

 

[35]           Le soussigné partage les propos du commissaire Sincennes, dans la décision citée plus haut, lorsqu’il écrit que la procédure prévue à l’article 205.1 de la loi ne s’applique que si le rapport du médecin désigné, aux fins de l’application de l’article 204 de la loi, infirme les conclusions du médecin qui a charge quant à l’un ou plusieurs sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l’article 212.

[36]           Dans le cas contraire, il n’est pas nécessaire que la CSST s’adresse au médecin qui a charge pour obtenir de lui un rapport complémentaire.  En l’absence de contradiction sur des questions médicales, il n’y a pas lieu de soumettre le dossier médical du travailleur au Bureau d’évaluation médicale.

[37]           Dans deux décisions récentes[3], la Commission des lésions professionnelles commente l’ensemble des dispositions relatives à la procédure d’évaluation médicale.  Elle retient particulièrement que le rôle du Bureau d’évaluation médicale est de régler un conflit entre deux conclusions médicales contradictoires.  Son pouvoir est d’infirmer ou de confirmer des conclusions d’ordre médical, ce qui implique l’existence d’une différence ou d’une contradiction entre deux opinions de nature médicale.  De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, cette interprétation du rôle du Bureau d’évaluation médicale respecte aussi le principe de la primauté de l’avis du médecin qui a charge du travailleur.

[38]           La primauté de l’avis du médecin qui a charge du travailleur est un élément essentiel dans le processus d’évaluation médicale.  La simple lecture de l’article 224, dont le texte est cité plus haut, est suffisante pour en convaincre la Commission des lésions professionnelles.

[39]           Mais la primauté de l’avis du médecin qui a charge du travailleur est un élément tout aussi important dans le processus de contestation médicale comme le confirme le deuxième alinéa de l’article 205.1 de la loi.  Non seulement la CSST peut-elle soumettre au Bureau d’évaluation médicale les rapports d’évaluation médicale du médecin qui a charge du travailleur et celui du médecin désigné mais également le rapport complémentaire obtenu en vertu des dispositions du premier alinéa de l’article 205.1.

[40]           Ces principes dégagés par cette jurisprudence récente doivent guider le soussigné dans l’appréciation des faits de la présente affaire et de la portée juridique des conséquences qu’ils engendrent.

[41]           Dans l’affaire D’Orazio et Asphalte & Pavage Tony inc.[4], la Commission des lésions professionnelles retenait que le défaut de la CSST d’expédier au médecin du travailleur les rapports du médecin désigné, en vertu de l’article 204 de la loi, qui infirmaient ses conclusions quant au diagnostic, contrevenait aux dispositions de l’article 205.1 de la loi.

[42]           De plus, dans l’affaire Coopérative forestière Papineau-Labelle et Gagnon[5], il fut reconnu qu’il était de la responsabilité de la CSST de soumettre les rapports contradictoires au Bureau d’évaluation médicale et de solliciter le médecin qui a charge du travailleur pour qu’il remplisse un rapport complémentaire s’il le juge à propos.

 

 

 

[43]           Dans le présent cas, les conclusions médicales du docteur L’Espérance infirment les conclusions médicales du docteur Chartrand quant à l’évaluation de l’atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles qui résultent de la lésion professionnelle survenue le 10 février 1999.  Puisque le docteur L’Espérance est le médecin désigné de la CSST, selon les dispositions de l’article 204 de la loi, et que le docteur Chartrand est devenu le médecin qui a charge du travailleur par le choix de ce dernier, les conditions d’application de l’article 205.1 de la loi étaient toutes présentes aux environs du 25 août 2000.

[44]           En application du principe de la primauté de l’avis du médecin qui a charge du travailleur, la Commission des lésions professionnelles considère que la CSST avait l’obligation d’acheminer au docteur Chartrand le rapport d’évaluation médicale du docteur L’Espérance afin de solliciter son rapport complémentaire.

[45]           Son omission entache la procédure de contestation médicale qu’elle a elle-même enclenchée.  Vu ce qui précède, la Commission des lésions professionnelles considère que le recours de la CSST à l’intervention du Bureau d’évaluation médicale était prématuré.

[46]           En conséquence, la Commission des lésions professionnelles conclut que l’avis du docteur Léveillé, qui agit comme membre du Bureau d’évaluation médicale, doit être annulé.

[47]           La Commission des lésions professionnelles est d’avis que le dossier doit être retourné à la CSST afin qu’elle achemine au docteur Chartrand le rapport d’évaluation médicale du docteur L’Espérance et qu’elle sollicite son rapport complémentaire.

[48]           Si le docteur Chartrand manifestait son accord aux conclusions du docteur L’Espérance, la CSST devrait rendre une décision en conformité avec les dispositions de l’article 224 de la loi.

[49]           En cas de désaccord du docteur Chartrand, la CSST devra alors recourir à l’avis du Bureau d’évaluation médicale pour trancher les questions médicales contradictoires.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

QUESTION PRÉLIMINAIRE

ACCUEILLE la requête de monsieur Ronald Favre (le travailleur);

ANNULE l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale du 25 septembre 2000 et l’avis complémentaire du 31 octobre 2000;

 

ANNULE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 13 février 2001 à la suite d’une révision administrative;

RETOURNE le dossier à la CSST afin qu’elle rende une décision dans les meilleurs délais, conformément aux dispositions de la loi sur la procédure d’évaluation médicale, sur l’existence ou l’évaluation de l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et sur l’existence ou l’évaluation des limitations fonctionnelles qui résultent de la lésion professionnelle survenue le 10 février 1999.

 

 

 

 

 

Me Pierre Prégent

 

Commissaire

 

 

 

 

 


TUAC

(Ginette Lapointe)

 

Représentante de la partie requérante

 

 

 

PANNETON LESSARD

(Me Louis Cossette)

 

Représentant de la partie intervenante

 



[1]          L.R.Q., chapitre A-3.001

[2]          154843-07-0102, CLP, 2001-12-06, P. Sincennes

[3]          Gaston Blanchette et Pétroles J. C. Trudel inc., CLP, 132329-08-0002, 2001-09-13, M. Lamarre; Denise Morin et José & Georges inc., CLP, 154442-64-0101, 2001-09-24, R. Daniel

[4]          113959-73-9903, 2000-01-19, A. Archambeault

[5]          136414-64-0004, 2000-10-05, J. F. Martel (00LP-67)

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