Décision

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Mon chez nous inc. c. Maneval

2024 QCTAL 41405

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Gatineau

 

No dossier :

746771 22 20231117 G

No demande :

4115783

 

 

Date :

25 novembre 2024

Devant la juge administrative :

Anne A. Laverdure

 

Mon Chez Nous Inc

 

Locatrice - Partie demanderesse

c.

Dustin Maneval

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N    I N T E R L O C U T O I R E

 

 

CONTEXTE

  1.                 La locatrice demande la résiliation du bail, l’expulsion du locataire, l’exécution provisoire et les frais.
  2.                 Dans sa demande originale, la locatrice expose les motifs de sa demande comme suit :
  • Le locataire ne respecte pas les clauses des règlements généraux de l'immeuble attachés au bail signés.
  • Le locataire trouble la jouissance des autres locataires en les intimidant, les menaçant ou en étant violent verbalement.
  • Le locataire ne collabore plus avec les intervenants, ne participe plus à son cheminement personnel tel qu'il est prévu par les règlements généraux faisant partie intégrante du bail signé entre les parties.

[Reproduit tel quel]

  1.                 Le procureur du locataire soulève que le Tribunal n’a pas compétence puisque le contrat signé entre les parties est un code de vie dont le bail n’est que l’accessoire.
  2.                 Jusqu’à ce que le Tribunal réponde à l’objection préliminaire, les parties seront dorénavant appelées : demanderesse et défendeur.
  3.                 La demanderesse dépose un amendement pendant le délibéré qui est contesté par le défendeur.
  • Sans se prononcer sur la réception de l’amendement, il convient de noter que les motifs ont été modifiés.
  • Le locataire ne respecte pas les clauses des règlements généraux de l'immeuble attachés au bail signé.

  • Le locataire trouble la jouissance des autres locataires en les intimidant, les menaçant ou en étant violent verbalement.
  • Le locataire ne collabore plus avec les intervenants,
  • Le locataire cause un préjudice sérieux au locateur, notamment, en alourdissant de manière anormale et excessive la gestion de l'immeuble.
  • Le locataire n'agit pas de bonne foi.

[Reproduit tel quel]

  1.                 Ces modifications, même si elles étaient acceptées, n’ont pas d’impact sur la question de la compétence juridictionnelle que doit absolument examiner le Tribunal.

QUESTIONS EN LITIGE

  1.                 Quelle est la nature du contrat entre les parties?
  2.                 Le Tribunal a-t-il compétence juridictionnelle pour entendre le litige?

ANALYSE ET DÉCISION

  1.                 Soulignons d’abord que même si un formulaire de bail est rempli, cela n’implique pas nécessairement qu’il s’agisse d’un bail.
  2.            Comme le soulignait le juge administratif André Monty dans la cause Watteyne c. Maison Joseph-Vincent inc [1]:

« [13]  Pour le Tribunal, il importe peu de déterminer si le formulaire de bail de la Régie du logement signé en 2008 est toujours en vigueur ou s’il a été remplacé par le contrat de services conclu le 25 mai 2009. Dans les deux cas, la Régie du logement n’est pas le tribunal approprié pour entendre le litige entre les parties. L’utilisation du formulaire de la Régie en 2008 n’y change rien. La preuve révèle que la réinsertion sociale est au centre du lien unissant le demandeur et la défenderesse. La location du studio n’est qu’un accessoire à cette réinsertion. C’est pour cette raison qu’il existe un Code de vie tant en 2008 qu’en 2009. »

(Notre soulignement)

  1.            Cela étant dit, comment déterminer si le bail est le contrat principal ou s’il est accessoire à un autre contrat.
  2.            La lecture de la jurisprudence nous amène à dégager les critères d’analyse suivants :
  • Le logement est temporaire ou transitoire.
  • Le code de vie régit des aspects de la vie qui vont bien au-delà de la relation locataire-locateur.

Le logement est-il temporaire?

  1.            Ce critère, on le retrouve notamment dans les décisions suivantes :
  2.            Le juge Steve Guénard, dans l’affaire Œuvres Isidore Ostiguy c. Rivest[2] écrit :

« [19]  À la lecture de la Convention, il apparait manifestement que le logement est purement transitoire et qu’il est lui-même accessoire à cette démarche qui doit être entreprise – et menée avec sérieux – par M. Rivest.  Le contrat ne prévoit pas, ni expressément ni implicitement, de droit au maintien dans les lieux.

[20]  Tel que l’image M. Roy, le logement constitue – ni plus ni moins – qu’une bouée de sauvetage. »

(Notre soulignement)


  1.            Dans Logis-Phare c. Joyner[3] , la juge administrative Sophie Alain écrit :

« [12] La soussignée a notamment pris connaissance de différentes décisions notamment Maison Grise c. Comtois[4], laquelle fut citée à plusieurs reprises dans des décisions subséquentes, Mission Bon Accueil c. Daigle[5], Maisons Transitionnelles O3 c. Henderson[6], Cegecom c. Michel[7], Unité DomRemy c. Brouilard[8], Gavan c. Résidence Maria Goretti[9], Bédard c. Le C.A.P. St-Barnabé inc.[10] et Miele c. Office Municipal de Montréal[11].

[13] Dans ces décisions, il s’agissait toujours de logements dits temporaires et non permanents dans le sens qu’ils étaient des logements de transition et un locataire pouvait perdre son droit au maintien dans les lieux loués lorsque les objectifs de la mission que s’était donné le locateur ne pouvaient être continués ou encore la durée d'occupation était déjà limitée dans le temps, ou encore, le locateur pouvait réévaluer le renouvellement du bail selon des critères précis.

[14] Chaque fois, il fut décrété qu’il ne s’agissait pas d’un bail de logement et que seule la Cour du Québec avait compétence pour entendre le dossier. »

(Notre soulignement)

  1.            On retrouve la même analyse dans l’arrêt Maison d’entraide L’Arc-en-ciel c. Tremblay[4] :

« [17] Lors de la conclusion du contrat à durée indéterminée, l’intention et l’objectif sont d’offrir au défendeur non pas un logement permanent mais un hébergement avec soutien en raison de ses faibles revenus, sa fatigue chronique, son incapacité à préparer ses repas et à se nourrir.  La situation du défendeur est exceptionnelle puisqu’il ne suit aucune thérapie mais compte tenu de ses besoins, on peut estimer qu’il est un bénéficiaire en réinsertion sociale en octobre 2003.  Cependant, quatre ans plus tard, tel n’est plus le cas.

[18] De plus, on n’a pu conclure un bail de logement car la demanderesse administre une maison d’entraide, pas une maison de chambres et pension, et n’est pas un locateur de chambres et pension. »

(Notre soulignement)

  1.            Le code de vie de la demanderesse comporte l’introduction suivante :

« Ce document fait partie intégrale du bail et/ou du renouvellement du bail. Ce code de vie a été élaboré à partir de discussions d'équipe et de consultations menées auprès des usagers. Le but de ce code est de favoriser la sécurité, la propreté, le respect et la tranquillité des lieux. Il vise également à assurer la qualité de vie des locataires. Le non-respect de ces règlements peut entraîner des conséquences allant de l'avertissement jusqu'à des procédures légales d'expulsion. »

  1.            Cette introduction nous amène à penser que l’objectif principal des parties est la location d’un espace résidentiel.
  2.            Il n’est par ailleurs pas question directement de la durée du bail dans ce code de vie.
  3.            Toutefois, il faut, à notre avis, examiner le contenu des obligations de ce code de vie avant de conclure.

Le code de vie régit-il des aspects de la vie qui vont bien au-delà de la relation locataire-locateur?

  1.            Le Tribunal se penche sur quelques-unes des obligations imposées à la personne participante.
  2.            Les mots « personne participante » sont utilisés dans l’entête du code de vie pour désigner le tiers contractant.
  3.            Voici donc des extraits de ce code de vie :

« 2. Absence

 Les visiteurs devront quitter l'immeuble si le locataire doit s'absenter.

3. Bon voisinage

 (…) Si le locataire souhaite écouter la télévision ou la radio après 23 h00, des écouteurs sont de mise. Dans le cas où le locataire doit recevoir des visiteurs pour une fête/party, etc. il doit en informer ses voisins quelques jours à l'avance (voisin immédiat et voisin en dessus et en dessous de lui) et leur indiquer à quelle heure la fête devrait se terminer.

Il est interdit d'emprunter de l'argent, de la nourriture, des cigarettes ou de vendre tout objet à un autre locataire. En annexe, la procédure de plainte détaillée.

5. Alcool et cigarette

 Il est interdit de consommer des boissons alcoolisées dans les espaces communs tels que : salles communautaires, corridors, escaliers et entrées de l'immeuble (exception faite pour les événements spéciaux tels que : cérémonies, banquet, fêtes, etc. Si une permission a été accordée par la direction). Ces événements devront être sous la supervision de l'intervenant responsable. Aucune bouteille de verre ou canette d'alcool (bière, vin, spiritueux) ne sera tolérée sur la terrasse et sur le terrain de Mon chez nous.

Il est interdit de se promener intoxiqué dans les espaces communs et de se présenter intoxiqué aux activités, de fumer dans les aires communes (salons communautaires, salons, salle à dîner), de laisser sa porte ouverte pour faire aérer et de vendre des cigarettes illégales.

7. Cheminement personnel

Le locataire a été sélectionné pour vivre à Mon Chez Nous dans le cadre d'une démarche de cheminement personnel et de reprise en charge déjà amorcée. Celui-ci s'engage donc à poursuivre ce cheminement et à collaborer avec la personne ou l'organisme référant ainsi qu'avec les intervenants de Mon Chez Nous. De plus le locataire s'engage à participer à toutes les rencontres mensuelles des locataires.

(…)

8. Propreté (des lieux et hygiène personnelle)

9. Accès au logement

(…)

Les logements sont loués à UNE seule personne : la cohabitation et la sous-location ne sont pas permises. Les locataires peuvent quand même recevoir des visiteurs pour coucher sur une base non régulière.

11. Sécurité

(…) Il est donc défendu de prêter ses clés ou d'en faire des copies pour les donner à une autre personne. (…) »

[Reproduit tel quel]

  1.            Bien que le paragraphe 7 est exorbitant de la relation locataire-locateur, il a déjà été décidé que cela ne suffisait pas à considérer que le bail est accessoire.
  2.            Cette analyse se retrouve dans l’affaire Chez-Nous c. Faubert[5] sous la plume du juge administratif André Gagnier :

« [7]   Mais, dans les cas de l’immeuble ici concerné, les occupants sont des locataires, en vertu d’un bail de logement. Il y a alors un « Code de vie » (P-3) joint au bail mais il appert que ce Code de vie est en réalité un document résumant certaines obligations de tout locataire, découlant des lois (tels le bon voisinage ou l’interdiction de vente de drogue).

[8]    La seule clause de ce document de 7 pages qui n’entre pas cette catégorie est la première des 2 clauses 7 (deux clauses portent erronément le numéro 7) qui indique :

« Le locataire a été sélectionné pour vivre à Mon Chez Nous dans le cadre d’une démarche de cheminement personnel et de reprise en charge déjà amorcée. Celui-ci s’engage donc à poursuivre ce cheminement et à collaborer avec la personne ou l’organisme référant ainsi qu’avec les intervenant(e)s de Mon Chez Nous. Les interventions faites à Mon Chez Nous s’exerceront dans un esprit de confidentialité. Les services de soutien à l’intégration sociale se pratiquent à partir du « secret partagé et d’équipe. »

[9]    La réalité est qu’il s’agit alors d’un soutien communautaire tel que défini au point 3.1 du « Cadre de référence sur le soutien communautaire en logement social » émanant du Ministère de la Santé et des services sociaux et de la Société d’habitation du Québec (P-4) qui indique : « En fait, la notion de support communautaire désigne : « …ce qui relève de l’accompagnement social des individus et/ou des groupes » incluant la gestion du bail. ».


[10]  La preuve révèle qu’il y a des intervenants sociaux qui organisent des activités de loisirs pour les locataires et qui perçoivent les loyers. Ils remettent également un avis si une personne ne respecte pas le Code de vie. Si un locataire éprouve un problème particulier, l’intervenant le réfère alors vers les ressources du milieu (psychothérapeute, ressources externes, etc…). Autrefois, les intervenants pouvaient accompagner des locataires ayant à se rendre à l’hôpital ou encore à la banque alimentaire mais la locatrice prohibe maintenant cela à ses employés.

[11]  Le juge administratif Serge Adam a analysé le droit applicable et le résume aux paragraphes 40 à 45 dans la décision Corporation Maison Lucine-L’allier c. Khaled Jelili (rendue le 7 juillet 2015, dossier 183753, 2015 QCRDL 22578) :

[40]   « Dans le cas sous étude, certains services ou activités communautaires sont offerts, mais comme l’indique Jobin déjà cité, l’article 1892 alinéa 2 dispose que le droit sur le louage résidentiel s’applique également au bail concernant les services, accessoires et dépendances du logement.

[41]   Jobin ajoutait ceci sur les conséquences de cette précision :

« Cette précision a plus d’une implication. D’abord, elle impose l’application du droit sur le louage résidentiel à tous les accessoires, services et dépendances, qu’ils soient visés par le bail du lieu d’habitation ou par un ou plusieurs contrats distincts. Ensuite, l’importance des services fournis en plus du logement n’empêche pas le bail d’être résidentiel; par exemple, la location d’une chambre ou d’un petit appartement dans une résidence pour personnes âgées ou en convalescence avec services d’infirmerie, de restauration et autres, ne cesse pas pour autant d’être un bail résidentiel. (11) (référence omise)

[42]   À l’instar de l’avocat du locataire, toutes les fois où il fut décidé que la juridiction du tribunal était celui de la Cour du Québec, au lieu du présent Tribunal, non seulement il y avait contestation sur l’intention des parties lors de la signature du bail, mais également il y avait la notion de logement temporaire où l’organisme décide lui-même de la décision de mettre fin au bail ou, en l’absence de bail à l’utilisation du logement par l’usager. Le logement temporaire sous-entend souvent la notion de logement de transition.

[43]   Or, dans notre dossier, il n’est nullement spécifié que ce soit au bail ou aux règlements de l’immeuble ou de l’organisme une telle notion.

[44]   En outre, dans tous les cas où la Cour du Québec fut déclarée compétente, les règles souvent appelées « code de vie » auxquels devaient se soumettre les résidents étaient très contraignants et ceux-ci régissaient presque tous les aspects de la vie courante.

[45]   Encore ici, bien que certaines de ces règles peuvent se trouver dans la liste de ceux que l’on trouve dans la jurisprudence citée, le Tribunal ne peut trouver ici une similitude dans les engagements des résidents alors que ceux-ci sont des précisions sur son obligation de ne pas abuser du bien loué et ne pas troubler les autres locataires, tels que abus de drogue ou d'alcool ou encore interdiction de faire du harcèlement pouvant porter atteinte à la dignité ou à l’intégrité physique, sociale ou psychologique de la personne. »

[12]  Considérant les faits et le droit applicable, le tribunal conclut que le présent bail relève clairement de la juridiction du tribunal de la Régie du logement. »

  1.            Dans le code de vie à l'étude, il y a d’autres éléments qui interroge le Tribunal.
  2.            La conjonction des articles 2, 9 et 11 fait en sorte qu’il est interdit au défendeur de vivre avec un ou une ami(e) ou un membre de sa famille.
  3.            Cette solitude obligée nous ramène d’abord à la question sur la durée. Forcer une personne à vivre seule se comprend dans le cadre d’un cheminement transitoire, mais est contraire à un projet de vie à long terme, du moins, pour de nombreuses personnes.
  4.            L’interdiction de sous-location est également contraire aux dispositions du Code civil s’il s’agit d’un bail résidentiel plutôt que d’un contrat innommé.
  5.            Ces contraintes vont bien au-delà d’une relation locataire-locateur.
  6.            Si on y ajoute l’interdiction d'emprunter de l'argent, de la nourriture, des cigarettes ou de vendre tout objet à un autre locataire ainsi que de se promener intoxiqué dans les espaces communs, nous devons conclure que l’on règlemente plusieurs aspects de la vie privée.
  7.            Le Tribunal reprend ici l’analyse dans l’affaire Watteyne c. Maison Joseph-Vincent inc précitée[6]:

« [15]   La Régie du logement n’a compétence sur un litige que lorsque le contrat conclu entre les parties peut être qualifié de « bail de logement ». Ce n’est pas le cas en l’espèce. Dès 2008, la conclusion d’un Code de vie était une condition préalable à l’obtention d’un studio. Les bénéficiaires étaient et sont toujours accompagnés dans leur cheminement. Ils doivent notamment respecter des règles strictes.


[16]  Le juge Bousquet, dans l'affaire La Maison Grise de Montréal c. Comtois, écrivait :

« Les obligations de l'intimée sont fort différentes de celles du locataire d'un logement qui doit uniquement payer son loyer, ne pas abuser du bien loué et ne pas troubler les autres locataires (art. 1855, 1860 et 1862 C.C.Q.)

Il faut donner aux mots leur sens usuel et le sens usuel de l'expression « bail d'un logement » ne comprend pas la fourniture de services psychosociaux ni l'engagement de respecter un Code de vie qui réglemente à peu près tous les aspects de la vie privée.

Le Tribunal conclut donc que la fourniture d'un studio par la requérante ne constitue pas un bail d'un logement mais plutôt un accessoire d'un contrat complexe et innomé comportant principalement des obligations de la nature de celles d'un contrat de service. »[1]

[17]  Dans une autre décision, la juge administratif Jodoin concluait de la même façon, alors qu'encore là, une résidente de la Maison Maria Goretti devait respecter des règles d'occupation qui ne se retrouvent pas dans le cadre d'une relation locataire-locateur au sens strict. La juge administratif décidait, conséquemment, que l'occupation de la résidente s'inscrivait dans le cadre de la mission sociale de la Maison, plutôt que dans celle d'un bail résidentiel [2].

[18]  Dans l'affaire Unité Domrémy de Baie Comeau c. Landry [3], le juge administratif Dubé concluait que les parties avaient convenu une entente fort différente de celle d'un bail résidentiel, alors que le but premier de l'hébergement à la maison Domrémy était de venir en aide aux personnes dans le besoin, non la location résidentielle de logements offerts au public en général. En cette instance, comme en l'espèce, l’occupant s'était engagé à respecter un code de vie.

[19]  En 2012, la juge administratif De Palma déclinait compétence dans le cadre du dossier Coleman c. Booth Center [4]. Dans ce dossier, le défendeur est un organisme à but non lucratif dont la mission est de venir en aide à des « hommes en difficulté et à risque d'itinérance, âgés de 18 ans ou plus ». Le Centre Booth y est définit comme un centre de réintégration sociale. La juge De Palma concluait :

[19] En la présente instance, l'analyse de la preuve et des ententes soumises par les parties révèle aussi que la convention existant entre les parties prévoit des exceptions et des particularités qui ne relèvent pas d'un bail de logement au sens usuel, amenant le tribunal à conclure qu'il ne s'agit pas d'un tel contrat, mais bien d'un contrat « innomé », pour reprendre l'expression employée par le juge Bousquet dans l'affaire Maison Grise de Montréal, précitée.

[20] Partant, la Régie du logement ne saurait avoir compétence pour solutionner le présent litige, vu les termes de l'article 28 de la Loi sur la Régie du logement, précités, et restreignant le cadre de sa compétence aux seuls baux de logements au sens strict.

[20]  L’analyse de la preuve dans le présent dossier amène le soussigné à conclure que le demandeur est lié à la défenderesse par un contrat « innommé » et non par un bail de logement. »

  1.      Tout est question de degré d’encadrement et de l’avis du Tribunal, il s’agit ici d’un contrat innommé dont le bail est accessoire.
  2.      Le Tribunal reprend ici l’analyse de la juge administrative Sophie Alain et la fait sienne :

« [15]  En outre, les règles souvent appelées « code de vie » auxquels devaient se soumettre les résidents étaient très contraignants et ceux-ci régissaient presque tous les aspects de la vie courante, comme la situation en l’instance.

[16]  Le juge administratif Danielle Dumont dans l’affaire Novash c. Soucy précise ce qui suit :

« Or, comme l’a déjà décidé la Cour du Québec, ce qui est déterminant, c’est la fin pour laquelle le logement a été loué et non pas la nature ou la qualification des lieux où est situé le logement. Le tribunal doit donc examiner l’usage des lieux loués et l’intention des parties au moment de la conclusion du bail.[12] »

[Référence omise]

[17]  Donc, pour déterminer s’il s’agit d’un bail à logement ou non, le Tribunal doit se placer au moment de la formation du contrat et tenter de découvrir quelle était l’intention des parties.

[18]  L’article1425 du Code civil du Québec stipule que dans l’’interprétation des contrats, il faut rechercher quelle a été l’intention commune des parties plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes utilisés.

[19]  Le Tribunal estime que la fourniture du logement à Joyner ne constitue pas un bail de logement, mais plutôt un accessoire d'un contrat complexe et innommé comportant principalement des obligations de la nature de celle d'un contrat de service. »


POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1.            DÉCLINE compétence.

 

 

 

 

 

 

 

 

Anne A. Laverdure

 

Présence(s) :

Me Nadia Bailey, avocate de la locatrice

le locataire

Me Mario G Morin, avocat du locataire

Date de l’audience : 

22 octobre 2024

 

 

 


 


[1] (R.D.L., 2015-06-04), 2015 QCRDL 18374, SOQUIJ AZ-51183080, 2015EXP-2150.

[2] 2022 QCCQ 4227.

[3] 2015 QCRDL 21492 qui réfère à [4] 500-02-113545-029, C.Q., 7 mai 2003, juge F. Bousquet. [5] 013 QCCQ 10947. [6] 2007 QCCQ 11001. [7] 500-22-098518-049, juge Bernad Tellier, 3 septembre 2004, EYB 2004-70266 (C.Q.). [8] 199 J.L. 129. [9] [2005], J.L. 103 (R.L.), j.a. F. Jodoin. [10] Bédard c. Le C.A.P. St-Barnabé inc., R.L.31 080320 077 G, 23-07-2008, j.a. E.L. Moffat, citée dans la décision Mission Bon Accueil c. Daigle, 2013 QCCQ 10947. [11] 2003 J.L. 1.

[4] 2007 QCCQ 10107 (Juge Lina Bond).

[5] 2016 QCRDL 35505, SOQUIJ AZ-51335874.

[6] Qui réfère à [1] [2003] J.L. 196 à 200. [2] Gavan c. Résidence Maria Goretti, [2005] J.L. 103 à 105. [3] 11-981106-001G, 99-01-28. [4] Coleman c. Booth Center, Montréal, 31-120316-042G, 10 juillet 2012, juge administratif De Palma.

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