Décision

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Dryburgh c. Honda Canada inc.

2020 QCCQ 14067

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

TROIS-RIVIÈRES

LOCALITÉ DE

TROIS-RIVIRÈES

« Chambre civile »

N° :

400-32-701298-197

 

DATE :

 4 décembre 2020

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

 PIERRE LABBÉ, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

MATHEW DRYBURGH

Demandeur

c.

HONDA CANADA INC.

Défenderesse

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

INTRODUCTION

[1]              Mathew Dryburgh (le demandeur) fait partie des personnes ayant connu des problèmes de peinture avec un véhicule automobile de marque Honda, modèle Civic, produit ou distribué par la défenderesse entre les années 2006 et 2013.

[2]              Il est à la connaissance du Tribunal qu’un recours collectif a été autorisé par le juge André Prévost de la Cour supérieure le 27 février 2012[1].

[3]              Le demandeur réclame à la défenderesse 5 066,14 $, détaillé de la façon suivante :

Ø   4 040 $ pour les coûts de réparation du véhicule;

Ø   336,29 $ pour les frais de location d’un véhicule pendant les réparations;

Ø   689,85 $ pour les frais de l’entreprise Estimavision.

[4]              La défenderesse nie responsabilité. Elle était cependant absente à l’audition, bien qu’ayant été dûment appelée et convoquée.

ANALYSE

[5]              Le demandeur a acheté, le 24 novembre 2014, un véhicule automobile de marque Honda, modèle Civic, de l’année 2007 pour le prix de 9 037 $ avant taxes. Le véhicule avait alors parcouru 80 489 km. Il avait été mis en service le 23 mai 2007.

[6]              Six mois après l’achat, le demandeur constate un décollement du vernis sur le toit du véhicule automobile. Il se rend chez le concessionnaire Honda de Trois-Rivières où il a acheté le véhicule. Il obtient que la peinture sur le toit soit refaite, sans frais pour lui.

[7]              En janvier 2017, le demandeur constate le même problème d’écaillement du vernis sur la peinture à d’autres endroits sur le véhicule. Il communique avec le concessionnaire Honda de Trois-Rivières. On lui dit que les garanties du fabricant sont expirées et qu’on ne peut rien faire pour lui.

[8]              Le demandeur communique avec l’entreprise Estimavision qui lui fait une estimation des réparations au véhicule au montant de 4 040 $. Aucune réparation n’avait été faite au moment de l’audition, le 30 novembre 2020.

[9]              Les allégations de la demande laissent voir que le demandeur base son recours d’une part sur la garantie de qualité prévue à l’article 1726 C.c.Q[2] et d’autre part, sur la garantie d’usage d’une durée raisonnable prévue à l’article 38 L.p.c. [3]

[10]           Il y a lieu de reproduire l’article 1726 C.c.Q. :

1726. Le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné si haut prix, s’il les avait connus.

Il n’est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l’acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

[11]           Quatre conditions sont requises pour que la garantie s’applique : le vice doit être grave et diminuer de façon importante l’usage ou l’utilité du bien, il doit exister au moment de la vente, il ne doit pas avoir été dénoncé à l’acheteur et il doit être caché.

[12]           La garantie légale de durée raisonnable est prévue à l’article 38 L.p.c. dont le texte est le suivant :

38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.

[13]           Les recours prévus à cette loi sont exposés à l’article 272 L.p.c. :

272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l’article 314 ou dont l’application a été étendue par un décret pris en vertu de l’article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas:

a l’exécution de l’obligation;

b l’autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;

c la réduction de son obligation;

d la résiliation du contrat;

e la résolution du contrat; ou

f la nullité du contrat,

sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.

[14]           La peinture est une composante importante d’un véhicule automobile puisqu’elle protège la carrosserie des éléments extérieurs qui pourraient l’endommager. Que la peinture d’un véhicule présente, après quelques années, des signes de vieillissement est normal et acceptable. Ce qui ne l’est pas, c’est que le vernis se délamine, ce qui est un signe de mauvaise construction de la part du fabricant.

[15]           À l’analyse de la preuve, le Tribunal considère que la garantie de qualité ne s’applique pas puisque la preuve ne révèle pas qu’il y a eu diminution importante de l’usage ou de l’utilité du véhicule[4]. En effet, le demandeur a acheté le véhicule en 2014 lorsqu’il avait parcouru 80 489 km. Au moment de l’évaluation des coûts de réparation le 6 novembre 2019, le véhicule avait parcouru 140 705 km, soit plus de 60 000 km depuis l’acquisition par le demandeur. Au moment de l’audition, le véhicule avait parcouru 148 000 km.

[16]           Cependant, la garantie légale de l’article 38 L.p.c. s’applique puisque la peinture n’a pas eu une durée raisonnable considérant le prix du véhicule, soit 9 037 $, et l’utilisation normale faite par le demandeur[5].

[17]           Le demandeur a connu en 2017, les mêmes problèmes qu’il avait connus en 2014, ce qui révèle qu’il s’agit d’une continuation du même phénomène de délamination du vernis de la peinture.

[18]           Les recours prévus à l’article 272 C.p.c. peuvent faire l’objet d’une appréciation discrétionnaire par le Tribunal s’il estime que celui exercé par le consommateur n’est pas approprié. C’est ce qu’a décidé la Cour Suprême du Canada dans l’arrêt Richard c. Time inc.[6] :

[145]       En premier lieu, nous devons prendre en compte, comme dans le cas des dommages-intérêts compensatoires, le libellé même de l’art. 272 L.p.c.  Celui-ci indique clairement que le consommateur qui se prévaut d’un recours sous son égide « peut également demander des dommages-intérêts punitifs ». Comme nous l’avons exposé plus haut, cette rédaction confirme que le législateur a voulu permettre au consommateur qui intente un recours en vertu de l’art. 272 L.p.c. de choisir entre un ensemble de mesures réparatrices destinées à corriger les effets de la violation des droits que lui accorde la loi.  Ainsi, le consommateur qui exerce un recours prévu par l’art. 272 L.p.c. a le choix de demander à la fois des réparations contractuelles, des dommages-intérêts compensatoires et des dommages-intérêts punitifs ou, au contraire, de ne réclamer que l’une de ces mesures. Il appartiendra ensuite au juge de première instance d’accorder les réparations qu’il estimera appropriées dans les circonstances.

[Soulignement ajouté]

[19]           La Cour d’appel du Québec avait déjà en 1995, énoncé ce principe dans l’arrêt Beauchamp c. Relais Toyata inc.[7] en écrivant :

[…]

Le recours choisi par le consommateur, en vertu de l'article 272, doit cependant être approprié puisque le législateur mentionne «selon le cas». À cet égard, je partage l'opinion de la professeure Nicole L'Heureux :

Le consommateur peut opter pour la sanction de son action parmi une gamme de recours. Le remède demandé doit être approprié, en ce sens qu'il est soumis aux règles d'inexécution des obligations du Code civil notamment, celui qui demande la nullité du contrat doit offrir de remettre ce qu'il a reçu. S'il n'est pas en mesure de le faire, il doit opter pour une autre sanction. Si le consommateur ne fait pas une action appropriée, le tribunal a discrétion pour accorder un autre remède implicitement inclus dans celui demandé par le consommateur. L'inexécution des obligations légales peut donner lieu à la réduction des obligations contractuelles du consommateur, à la résolution, à la résiliation ou à la nullité du contrat (art. 272, art. 1590 C.c.Q.). S'il accorde la nullité, il doit tenter de remettre les parties dans l'état antérieur, et le consommateur doit remettre le bien reçu à moins qu'il en soit incapable par la faute du commerçant.

[…]

[Référence omise]

[20]           Accorder 4 040 $ à titre de dommages pour repeindre un véhicule qui a près de 13 ans d’âge, 148 000 km et dont la valeur marchande est peu élevée n’est pas une réparation appropriée[8].

[21]           Le demandeur a connu l’ampleur et l’étendue du problème de peinture à son véhicule en janvier 2017. Il a mis en demeure la défenderesse que le 10 novembre 2019.

[22]           Le demandeur a parcouru plus de 60 000 km avec le véhicule depuis l’achat et la valeur de celui-ci en a été diminuée.

[23]           Les travaux de réparation au coût de 4 040 $ n’avaient pas été effectués au moment de l’audition.

[24]           Le demandeur avait l’obligation de minimiser ses dommages en vertu de l’article 1479 C.c.Q., dont le texte est le suivant :

1479. La personne qui est tenue de réparer un préjudice ne répond pas de l’aggravation de ce préjudice que la victime pouvait éviter.

[25]           Le Tribunal use de sa discrétion, eu égard à la preuve faite, pour accorder à la demanderesse 1 000 $ pour les dommages réclamés[9].

[26]           La réclamation de 336,29 $ pour location d’un véhicule n’est pas accordée puisqu’elle est hypothétique.

[27]           Les frais réclamés de 689,85 $ pour Estimavision sont réduits à 150 $ pour les motifs suivants :

[28]           La facture d’Estimavision[10]du 6 novembre 2019  indique les éléments suivants, sans autre précision :

§   Rapport d’expertise                 150,00 $

§   Valeur marchande                     150,00 $

§   Frais d’estimation                     300,00 $

       Total                                            689,85 $

[29]           La réclamation de 150 $ pour estimer la valeur du véhicule automobile n’est pas un dommage direct et ne peut être accordée.

[30]           Les sommes de 150 $ et de 300 $ pour le rapport d’expertise et les frais d’estimation font double emploi de sorte que le Tribunal accorde seulement la somme de 150 $.

[31]           En résumé, le demandeur a droit à la somme de 1 150 $.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[32]           ACCUEILLE en partie la demande.

[33]           CONDAMNE la défenderesse à payer au demandeur la somme de 1 150 $, plus les intérêts sur cette somme au taux légal de 5 % l’an, majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, à compter de la mise en demeure, soit le 10 novembre 2019.

[34]           CONDAMNE la défenderesse aux frais de justice.

 

 

__________________________________

PIERRE LABBÉ, J.C.Q.

Date d’audience :

30 novembre 2019

 



[1]     Daunais c. Honda Canada inc., 2019 QCCS 621.

[2]     Code civil du Québec, CCQ-1991.

[3]     Loi sur la protection du consommateur, RLRQ, c. P-40.1.

[4]     ABB Inc. c. Domtar Inc., 2007 CSC 50, SOQUIJ AZ-50459657.

[5]     Pièce D-10.

[6]     Richard c. Time Inc., 2012 CSC 8, SOQUIJ AZ-50834275, [2012] 1 R.C.S. 265.

[7]     Beauchamp c. Relais Toyota inc., SOQUIJ AZ-95011346, [1995] R.J.Q. 741, p. 744 ; Voir aussi : Nichols c. Toyota Drummondville (1982) inc., SOQUIJ AZ-95011364, [1995] R.J.Q. 746, p. 749.

[8]     Lussier c. Honda Canada inc., 2018 QCCQ 7857. Dans une affaire semblable, le Juge Vaillancourt a accordé 575 $ au demandeur.

[9]     Le demandeur a déposé le jugement rendu le 26 mai 2019 par le juge soussigné dans Montembeault c. Honda Canada inc.,(2019 QCCQ 5950). La somme de 5 089,21 $ a été accordée parce qu’Honda l’avait offerte et l’avait consignée au greffe. Les circonstances étaient donc différentes de celles en l’instance.

[10]    Pièce P-5.

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