Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Tétrault | 2025 QCCDCPA 7 |
CONSEIL DE DISCIPLINE |
ORDRE DES COMPTABLES PROFESSIONNELS AGRÉÉS DU QUÉBEC |
CANADA |
PROVINCE DE QUÉBEC |
|
No : | 47-24-00444 |
|
DATE : | 21 février 2025 |
______________________________________________________________________ |
|
LE CONSEIL : | Me LYDIA MILAZZO | Présidente |
Mme JULIE CHAURETTE, FCPA | Membre |
M. ALAIN CHASSÉ, CPA, auditeur | Membre |
______________________________________________________________________ |
|
CLAUDE MAURER, CPA, en sa qualité de syndic adjoint de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec |
Plaignant |
c. |
ANTHONY TÉTRAULT, CPA auditeur |
Intimé |
______________________________________________________________________ |
|
DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION
|
______________________________________________________________________ |
CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE CONSEIL DE DISCIPLINE PRONONCE UNE ORDONNANCE INTERDISANT LA DIVULGATION, LA PUBLICATION ET LA DIFFUSION DE LA PIÈCE SP-7.4, « FINANCIAL SNAPSHOT » (PAGES 223 à 236 ET 583 à 596), ET CE, AFIN D’ASSURER LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE ET DU RESPECT DU SECRET PROFESSIONNEL DE LA SOCIÉTÉ A, ET DE PROTÉGER LES INFORMATIONS SENSIBLES DE NATURE FINANCIÈRE RELATIVEMENT À UN PORTEFEUILLE DE CRYPTOMONNAIES QUI S’Y RETROUVENT. |
| | | | |
APERÇU
- Monsieur Anthony Tétrault, l’intimé, est inscrit pour la première fois au tableau de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec (l’Ordre) le 19 juin 2014 en tant que titulaire d’un permis de comptabilité publique; il y demeure inscrit sans interruption jusqu’à ce jour[1].
- Monsieur Claude Maurer, le plaignant, reproche à l’intimé, de ne pas avoir agi avec tout le soin nécessaire, conformément aux normes ou règles du Manuel de CPA Canada et aux données en vigueur selon l’état de la science, dans le cadre de l’exécution de la mission de compilation (avis au lecteur) relativement au Cryptocurrency wallet balance summary de la société A.
- Conjointement avec l’intimé, et dans le cadre d’une entente négociée entre les parties, le plaignant demande l’autorisation de modifier la plainte afin qu’elle se lise comme suit :
- À Montréal, des environs des mois de décembre 2021 et janvier 2022, l’intimé n’a pas agi avec tout le soin nécessaire, conformément aux normes ou règles du Manuel de CPA Canada et aux données en vigueur selon l’état de la science, dans le cadre de l’exécution de la mission de compilation (avis au lecteur) relativement au Cryptocurrency wallet balance summary de la société A pour l’exercice clos le 31 décembre 2021, notamment pour les manquements suivants :
- lors de l’acceptation de la mission, il n’a pas consigné dans le dossier de travail l’utilisation prévue de la mission et la méthode de comptabilité utilisée par la société et n’a pas obtenu de lettre de mission;
- il n’a pas respecté les exigences de documentation, en ce qu’il n’a pas notamment consigné au dossier les affaires et les activités de l’entité, le système et les documents comptables de l’entité et la méthode de comptabilité à appliquer pour la comptabilisation des cryptomonnaies ni documenté dans le dossier de travail la prise de recul requise, ni inclus de reconnaissance de la direction ou des responsables de la gouvernance;
- dans les informations financières présentées dans l’Avis, il n’a pas inclus une note décrivant la méthode de comptabilité appliquée aux cryptomonnaies;
- dans le rapport de compilation, il n’a pas inclus de référence à la divulgation de la méthode comptable utilisée et n’a pas cherché à voir si l’absence de divulgation de la méthodes comptables des cryptomonnaies faisait en sorte que l’information financière pourrait paraître trompeuse pour les investisseurs;
contrevenant ainsi à l’article 19 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés (RLRQ, c. C-48.1, r. 6);
- (…)
[Transcription textuelle]
- Le Conseil autorise le dépôt de la plainte amendée, et l’intimé enregistre un plaidoyer de culpabilité sur le seul chef tel que modifié.
- Après s’être assuré du caractère libre et volontaire de ce plaidoyer, le Conseil, unanimement et séance tenante, déclare l’intimé coupable de l’infraction en vertu de l’article 19 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés[2], lequel est ainsi libellé :
19. Le comptable professionnel agréé doit tenir compte des limites de ses compétences eu égard aux services qu’il entend rendre, au temps requis pour leur exécution et aux moyens dont il dispose. Il ne doit pas, notamment, rendre des services pour lesquels il n’est pas suffisamment préparé ou n’a pas les compétences requises sans obtenir l’assistance nécessaire. Si l’intérêt du client l’exige, il doit, sur autorisation de ce dernier, consulter un autre comptable professionnel agréé, un autre professionnel ou une autre personne compétente ou le diriger vers l’une de ces personnes.
- Les parties présentent des recommandations conjointes sur sanction suggérant d’imposer à l’intimé une période de radiation de 60 jours sur le seul chef de la plainte amendée et d’ordonner la publication d’un avis de la décision dans un journal, conformément à l’article 156 du Code des professions[3], et ce, aux frais de l’intimé.
- Les parties demandent aussi que l’intimé soit condamné au paiement de l’ensemble des déboursés[4] prévus à l’article 151 du Code des professions, lesquels comprennent notamment :
Les frais de publication dans le journal, tel que mentionné précédemment;
Le paiement de l’ensemble des frais d’expertise : 13 800 $.
- Enfin, les parties demandent d’accorder à l’intimé une période de 24 mois pour acquitter l’ensemble des frais et des déboursés à raison de 24 paiements mensuels égaux.
QUESTION EN LITIGE
Est-ce que la recommandation conjointe sur sanction déconsidère l’administration de la justice ou est contraire à l’intérêt public?
- Le Conseil répond dans la négative à cette question et décide de donner suite à la recommandation conjointe sur sanction.
LA PREUVE
- Le plaignant dépose, de consentement avec l’intimé, une preuve documentaire qui comprend les rapports d’expertise de l’experte mandatée par le plaignant, Mme Audrey Mercier, CPA auditrice, lesquels sont déposés pour valoir témoignage[5].
- Le Conseil déclare Mme Mercier experte en matière de mission de compilation et de comptabilité publique, cette qualité d’experte étant reconnue par l’intimé.
- L’intimé témoigne devant le Conseil. Il dépose, de consentement avec le plaignant, le rapport d’expert de Mme Mélissa Fortin, CPA, pour valoir témoignage[6].
- Le Conseil déclare Mme Fortin experte en matière de mission de compilation, cette qualité d’expert étant reconnue par le plaignant.
- Dans le cadre d’un Énoncé conjoint des faits, les parties relatent la trame factuelle dont le Conseil doit tenir compte dans le cadre de son évaluation de la recommandation conjointe sur sanction, car elle représente le fondement de la recommandation conjointe[7] :
[…]
B. PREUVE SUR SANCTION
- L’enquête ayant mené au dépôt de la présente plainte a débuté le 27 décembre 2022 par suite d’une demande d’enquête accompagnée de plusieurs documents relativement à plusieurs sujets, dont l’émission de missions de compilation provenant du cabinet de l’intimé. Le demandeur d’enquête reproche essentiellement à l’intimé d’avoir induit en erreur les investisseurs de la société A (pièce SP-2);
- Le demandeur d’enquête a aussi transmis d’autres documents au plaignant dans le cadre de son enquête (pièces SP-3 et SP-4);
- La Plainte amendée amène des nuances quant à ce reproche. Au surplus, d’autres reproches sont faits par le demandeur d’enquête à l’encontre de l’intimé, mais ils ne font pas l’objet de la plainte disciplinaire;
- Le plaignant a transmis à l’intimé plusieurs lettres et questionnaires dans le cadre de son enquête (pièces SP-5, SP-8, SP-10, SP-12, SP-14 et SP-16);
- L’intimé a répondu rapidement à l’ensemble des demandes et questionnaires transmis par le plaignant (pièces SP-6, SP-7, SP-9, SP-11, SP-13, SP-15 et SP-17);
- L’enquête du plaignant lui révèle que c’est l’intimé qui a réalisé l’exécution de la mission de compilation (avis au lecteur) relativement au Cryptocurrency wallet balance summary (ci-après : Rapport de mission de compilation) de la société A pour l’exercice clos le 31 décembre 2021;
- Le plaignant a notamment obtenu de l’intimé son dossier de compilation, ses correspondances avec la société A ainsi que le Rapport de mission de compilation pour l’exercice clos le 31 décembre 2021;
- De l’enquête du plaignant, il ressort que le dossier de travail de l’intimé relativement au Rapport de mission de compilation était incomplet à sa face même;
- Dans le cadre de son enquête, le plaignant s’est adjoint les services de Mme Audrey Mercier, CPA auditrice, à titre d’experte (l’experte Mercier);
- L’intimé reconnaît la qualité d’experte de Mme Mercier en matière de mission de compilation et de comptabilité publique (voir curriculum vitae, pièce SP-18, annexe 3);
- L’intimé consent au dépôt et à la production du rapport d’expertise de Mme Mercier daté du 12 janvier 2024, mis à jour le 29 juillet 2024, ainsi qu’à son rapport réplique daté du 13 décembre 2024 pour valoir témoignage (pièce SP-18 et SP-19);
- Pour sa part, l’intimé s’est adjoint les services de Mme Mélissa Fortin, CPA, à titre d’experte (l’experte Fortin);
- Le plaignant reconnaît la qualité d’experte de Mme Fortin en matière de mission de compilation (voir curriculum vitae, pièce SI-1, annexe 3);
- Le plaignant consent au dépôt et à la production du rapport de contre-expertise de Mme Fortin daté du 4 novembre 2024 pour valoir témoignage (pièce SI-1);
- Objectif des missions de compilation et normes applicables
- Il ressort du rapport d’expertise de l’experte Mercier que la valeur d’une mission de compilation tient à ce qui suit (pièce SP-18, page 8) :
a) le professionnel en exercice assiste la direction dans la préparation d’informations financières compilées conformément à la méthode de comptabilité qu’elle a retenue, y compris la rédaction d’une note qui décrit cette méthode de comptabilité;
b) il se conforme aux normes professionnelles, y compris aux règles de déontologie pertinentes;
c) il délivre un rapport de mission de compilation qui communique clairement la nature et les limites de la mission ainsi que les responsabilités qui lui incombent et celles de la direction.
- L’experte Mercier s’exprime comme suit au sujet de la portée d’une mission de compilation (pièce SP-18, page 8) :
Une mission de compilation n’est pas une mission de certification. Dans le cadre de la mission, le professionnel en exercice n’est pas tenu de mettre en œuvre des procédures pour vérifier l’exactitude ou l’exhaustivité des informations fournies par la direction. Par conséquent, il n’exprime pas une opinion d’audit ou une conclusion de mission d’examen ni ne fournit une quelconque forme d’assurance à l’égard des informations financières compilées.
- La Norme canadienne de services connexes (NCSC) 4200 relativement aux missions de compilation est entrée en vigueur le 14 décembre 2021 (pièce SP-18, page 7);
- L’experte Mercier s’exprime de la façon suivante au sujet de la différence entre la nouvelle norme NCSC 4200 et l’ancienne NCSC 9200 (pièce SP-18, page 7) :
La NCSC 4200 remplace l’ancien chapitre 9200, Missions de compilation. La NCSC 4200 diffère considérablement du chapitre 9200, qui datait de presque 35 ans. Elle contient toutes les exigences et les modalités d’application relatives à la réalisation d’une mission de compilation et prévoit la délivrance d’un tout nouveau rapport de mission de compilation qui remplace l’Avis au lecteur exigé dans l’ancienne norme.
- L’experte Mercier précise le niveau de complexité et de risque associé au secteur des cryptoactifs (pièce SP-18, page 6) :
Les opérations sur des cryptoactifs comportent des risques particuliers face auxquels les CPA doivent mettre au point une stratégie financière globale.
L’ascension fulgurante et la volatilité des cryptomonnaies suscitent un vif intérêt à l’échelle mondiale et font l’objet d’une surveillance accrue de la part des organisations, des investisseurs, des autorités de réglementation, des gouvernements et d’autres groupes ou personnes. Les parties intéressées se préoccupent des conséquences comptables et fiscales qui sont associées aux cryptomonnaies.
- L’experte Fortin précise quant à elle le niveau de complexité et d’incertitude en matière de normes comptables applicables à la comptabilisation des cryptomonnaies (pièce SI-1, pages 8-9) :
En 2021, il n’existait pas de norme comptable selon les deux référentiels comptables pour les entreprises privées au Canada (IFRS ou NCECF). Il n’existe pas de directives spécifiques concernant la comptabilisation des produits ou opérations comprenant des monnaies digitales, incluant les cryptomonnaies.
Les NCECF ne contiennent aucune directive explication sur la façon de comptabiliser les cryptomonnaies ou les activités de minage des cryptomonnaies. De plus, les Normes Internationales d’information financière (IFRS) et les principes comptables généralement reconnus (PCGR) des États-Unis ne fournissent aucune directrice qui serait appropriée d’appliquer par analogie par les entités appliquant les indications du chapitre 1100 « Principes comptables généralement reconnus ».
- Face à ce dernier commentaire, l’experte Mercier amène la précision suivante (pièce SP-19, pages 8-9) :
Le Rapport Fortin mentionne à quelques reprises que les règles comptables et d’audit ne sont pas claires en matière de cryptomonnaies.
Selon Mme Fortin, en 2021, il n’existait pas de norme comptable selon les deux référentiels comptables pour les entreprises privées au Canada (IFRS ou NCECF). Il n’existait pas de directives spécifiques concernant la comptabilisation des produits ou opérations comprenant des monnaies digitales, incluant les cryptomonnaies. Un CPA se retrouvait devant un flou d’application de normes comptable dans le cas de comptabilisation concernant des cryptomonnaies.
En janvier 2019, CPA Canada a publié un guide intitulé « Introduction à la comptabilisation des cryptomonnaies selon les Normes comptables pour les entreprises à capital fermé ». Une copie du guide a été jointe à l’annexe 2 du présent rapport. Cette publication porte sur la comptabilisation, selon les NCECF, des cryptomonnaies acquises auprès de tiers.
Bien qu’il n’existât pas de normes comptables spécifiques sur le sujet des cryptomonnaies, ce guide donnait de très bonnes indications au CPA quant aux normes à appliquer pour comptabiliser les cryptomonnaies pour les entreprises privées. M. Tétrault aurait pu s’y référer pour déterminer la comptabilisation appropriée des cryptomonnaies dans son dossier.
- L’experte Fortin indique ce qui suit au sujet de la différence entre l’ancienne norme NCSC 9200 et la nouvelle norme NCSC 4200 et la mise en application de cette dernière (pièce I-1, pages 11 à 13) :
La norme NCSC 4200-Missions de compilations telles qu’évoqué dans le rapport de Mme Mercier était en vigueur à compter du 14 décembre 2021.
Aucune période de transition n’est considérée après cette date. L’application est donc en vigueur, encore à ce jour de la norme.
En revanche, comme tout référentiel dans une profession qui change, il est conservateur de penser que l’application de la nouvelle norme puisse prendre un certain délai avant d’être à la hauteur des officiers, comptables dans ce cas-ci qui est représenté par l’Ordre des CPA.
Étant dans un changement réglementaire quant aux normes d’application de la NCA4200, le constat de l’Ordre des CPA Québec est que l’application n’avait pas atteint les attentes pour l’année 2021.
[...]
Ainsi, il est possible de constater que les manquements et déficiences dans l’application de la norme NCSC 4200- Missions de compilation dans le rapport d’inspection de 2021-2022 de l’Ordre des CPA sont les mêmes déficiences que nous retrouvons dans le dossier particulier d’Alfa à la suite de l’inspection de l’Ordre des CPA, et qu’Alfa ne fait pas exception aux déficiences d’application de la nouvelle norme comptable.
Après observation de l’enquête faite auprès d’Alfa, les constats sont que cette dernière se retrouve dans la même situation que nombreux cabinets, dans la période d’application d’une nouvelle norme ce qui vient nuancer et atténuer le contexte d’application de celle-ci.
- Après avoir analysé l’ensemble de la mission de compilation et de la documentation fournie par l’intimé (par l’intermédiaire du plaignant), l’experte Mercier formule les conclusions suivantes dans son rapport (pièce SP-18, pages 25-26) :
Sur la base de mon examen des informations et des documents qui m’ont été remis et des réserves, des restrictions et des hypothèses mentionnées dans la présente note de service, je conclus que les services rendus par M. Tétrault ne rencontrent pas les normes professionnelles et les règles de l’art en matière de mission de compilation. J’ai noté les déficiences suivantes :
a) Lors de l’acceptation de la mission, M. Tétrault n’a pas consigné dans son dossier de travail l’utilisation prévue de la mission et la méthode de comptabilité utilisée par [A] et n’a donc pas respecté l’exigence du paragraphe 24 de la NCSC 4200 (chef 1 a.)
b) M. Tétrault n’a pas obtenu de lettre de mission et n’a donc pas respecté l’exigence du paragraphe 27 de la NCSC 4200. (chef 1 a.)
c) M. Tétrault n’a pas consigné au dossier les affaires et les activités de l’entité, le système et les documents comptables de l’entité et la méthode de comptabilité à appliquer pour la comptabilisation des cryptomonnaies et n’a donc pas respecté l’exigence du paragraphe 29 de la NCSC 4200. (chef 1 b.)
d) Les informations financières présentées dans l’Avis n’incluent pas une note décrivant la méthode de comptabilité appliquée aux cryptomonnaies. M. Tétrault n’a pas respecté l’exigence du paragraphe 30 de la NCSC 4200. (chef 1 c.)
(…)
f) M. Tétrault n’a pas documenté dans son dossier de travail la prise de recul requise par le paragraphe 33 de la NCSC 4200. (chef 1 b.)
g) M. Tétrault n’a pas cherché à voir si l’absence de méthodes comptables rendait l’information financière trompeuse pour les investisseurs et n’a donc pas respecté l’exigence du paragraphe 32 de la NCSC 4200. (chef 1 d.)
h) Le dossier de travail de M. Tétrault n’inclut pas de reconnaissance de la direction ou des responsables de la gouvernance tel que requis par le paragraphe 35 de la NCSC 4200. (chef 1 b.)
i) M. Tétrault n’a pas respecté les exigences de documentation de la NCSC 4200 tel qu’établi au paragraphe 41 de la norme. (chef 1 b.)
j) Le rapport de compilation n’incluait pas de référence à la divulgation de la méthode comptable utilisée. M. Tétrault n’a donc pas respecté l’exigence du paragraphe 39 de la NCSC 4200. (chef 1 d.)
(…)
L’Avis au lecteur (« Notice to Reader ») daté du 26 janvier 2022 relativement au Cryptocurrency Wallet Balance Summary de la société [A] pour l’exercice clos le 31 décembre 2021 ne respecte pas la norme NCSC 4200, Missions de compilation.
- Analyse et conclusions de l’experte Fortin
- Après avoir analysé l’ensemble de la mission de compilation, de la documentation fournie par l’intimé et le rapport de l’experte Mercier, l’experte Fortin formule les conclusions suivantes dans son rapport (pièce SI-1, pages 30-31) :
- Lors de l’acceptation de la mission et l’exigence du paragraphe 24 de la NCSC 4200, j’arrive à une conclusion que M. Tétrault a partiellement satisfait le critère.
- M. Tétrault n’a pas obtenu de lettre de mission et n’a pas respecté l’exigence du paragraphe 27 de la NCSC 4200. Ici, je précise qu’étant en application de nouvelle norme, cette exigence a été fréquemment en déficiences (voir section 5.1.).
- M. Tétrault n’a pas consigné la documentation du dossier, mais à compléter toutes les tâches nécessaires pour démontrer qu’il respectait les connaissances de l’entité et donc, il respecte partiellement l’exigence du paragraphe 29 de la NSCS 4200.
- M. Tétrault répond partiellement à l’exigence du paragraphe 30 de la NCSC 4200, car il a appliqué la méthode de la juste valeur, mais ne l’a pas documentée dans son rapport de compilation. (…)
- M. Tétrault a cherché et a fait de multiples démarches afin de valider la méthode comptable et même l’Ordre elle-même n’a pas donné de réponse claire à ce sujet. Cependant, M. Tétrault a comptabilisé à la juste valeur. Ainsi, il a cherché à valider si l’information pouvant être trompeuse pour un investisseur. Il a même ajouté une note afin de divulguer que TimeChain possédait la majorité d’une cryptomonnaie et qui aurait pu en faire diminuer rapidement la valeur lors d’un retrait. Cette note était pour un investisseur expérimenté en cryptomonnaies. Ainsi, M. Tétrault répond partiellement aux exigences du paragraphe 32 de la NCSC 4200.
- M. Tétrault s’est entretenu verbalement avec les différents membres de TimeChain afin d’obtenir des informations supplémentaires. M. Tétrault n’a pas consigné la documentation des entretiens dans le dossier de travail. Ainsi, il respecte partiellement le paragraphe 33.
- Le dossier de travail de M. Tétrault n’inclut pas de reconnaissance des responsables de la gouvernance mais répond partiellement à la norme tel que requis par le paragraphe 35 de la NCSC 4200.
- Le rapport de compilation n’incluait pas de référence de la divulgation de la méthode comptable utilisée. M. Tétrault n’a donc pas respecté l’exigence du paragraphe 39 de la NCSC 4200.
- M. Tétrault ne respecte pas les exigences de documentation de la NCSC 4200 tel que conformément au paragraphe 41 de la norme. (…)
- FACTEURS OBJECTIFS ET SUBJECTIFS
- La Norme canadienne de services connexes (NCSC) 4200 relativement aux missions de compilation est entrée en vigueur le 14 décembre 2021, soit six semaines avant la signature de la mission de compilation faisant l’objet du chef 1 de la plainte amendée, et deux semaines avant la date de clôture de l’exercice financier de la mission de compilation faisant l’objet du chef 1 (31 décembre 2021);
- L’intimé, actuellement âgé de 36 ans, était âgé de 33 à 34 ans au moment de la commission de l’infraction en décembre 2021 et janvier 2022;
- L’intimé a plaidé coupable à la première occasion à l’égard du chef 1 de la plainte amendée;
- L’intimé n’a aucun antécédent disciplinaire, et ce, alors qu’il est membre de l’Ordre des CPA depuis le 19 juin 2014 jusqu’à ce jour;
- Par suite de l’inspection professionnelle intervenue à son cabinet le 18 août 2022 et aux recommandations émises par le Comité d’inspection professionnelle le 10 février 2023, l’intimé a pris la décision de cesser d’exécuter des missions de compilation;
- Suivant la recommandation du Comité d’inspection professionnelle, l’intimé a suivi le 31 août 2022 la formation Dossier modèle en mission de compilation selon la norme NCSC 4200;
- Sans que le plaignant n’ait pu faire de vérification à ce sujet, l’Intimé affirme avoir modifié sa pratique générale en prenant soin d’avoir des dossiers de travail complets et qui respectent les normes comptables. Son cabinet s’est doté de formulaires et questionnaires interactifs précis, lesquels assurent que tous les éléments des dossiers ont été traités en conformité avec les normes professionnelles établies;
- Considérant ces derniers points, le plaignant estime que le risque de récidive est faible;
[Références omises]
[Caractères gras et italiques dans l’original]
- Le Conseil rappelle que l’exposé conjoint des faits est une partie intégrante de l’entente intervenue entre les parties et que les conseils de discipline doivent considérer seulement la trame factuelle de l’infraction présentée conjointement par les parties[8].
Témoignage de l’intimé
- L’intimé témoigne avoir entamé sa carrière en comptabilité dans le cadre d’une entreprise familiale. Il a travaillé à cet endroit pendant un an.
- Par la suite, il a exercé sa profession au sein de la firme comptable, Demers Beaulne, où il a effectué des missions d’audit, d’examen et de compilation, dans le cadre d’un stage de 24 mois, suivi d’une année de travail comme CPA auditeur, pour un total de trois ans.
- Il a ensuite travaillé pendant un an comme dirigeant d’une entreprise, soit Club Piscine Laval. Il portait le titre de vice-président des finances et opérations. Bien qu’il préparât les rapports de la fin du mois ainsi que les états financiers, son travail était beaucoup plus axé sur les opérations, dont le service à la clientèle, l’entrepôt et le département des ventes. Cette entreprise comptait 135 employés.
- Son prochain emploi l’a rapproché plus de la comptabilité publique. Il était alors directeur des finances pour une entreprise publique avec une équipe de 15 personnes. Il était responsable, entre autres, des rapports et des états financiers.
- Il a quitté cet emploi après trois ans pour devenir chef de finance globale pour une entreprise spécialisée en l’acquisition de compagnies de logiciels. Il indique l’avoir aidée à compléter 35 acquisitions de sociétés comptant entre cinq à soixante-dix employés. Le nombre d’employés de cette entreprise a augmenté de cinq à soixante-dix pendant son emploi qui a duré presque trois ans.
- C’est dans le cadre de ce dernier emploi qu’il a connu son partenaire avec qui il a démarré, le 1er mai 2021, une firme comptable AlfaCorp offrant des services de comptabilité et de finances aux entreprises, ainsi que des services de soutien et de consultation aux entreprises qui procèdent à des opérations d’acquisition (la firme).
- Au début, vu le nombre restreint d’employés, il s’agissait principalement de la reprise de tenue de livres pour des entreprises.
- La firme n’offrait aucun service de fiscalité, d’examen ou d’audit à cette époque.
- La firme a eu des demandes pour faire des missions de compilation, mais en a fait moins de dix.
- Pour sa part, l’intimé en a fait une seule, soit celle faisant l’objet de la plainte. Il s’agit de sa première et dernière mission de compilation.
- À la suite de l’inspection professionnelle effectuée par l’Ordre, la firme a cessé d’offrir ce service, le volume n’étant pas assez fort pour justifier économiquement la poursuite de cette activité professionnelle.
- Une acquisition faite en 2023 a permis aux partenaires d’avoir un certain volume de travail et d’embaucher du personnel chevronné et expérimenté provenant de grands cabinets afin de pouvoir assurer la conformité des services offerts, dont un employé qui effectue les missions.
- L’intimé explique que depuis deux ans, il se concentre personnellement sur le côté client, dont le développement de partenariats avec d’autres firmes, des professionnels, des CFO sur demande, permettant de lui référer des clients. Donc son rôle est plus au niveau de la vente. Il travaille aussi sur le côté « fusion et acquisition ». La firme a réalisé quatre acquisitions à date.
- Son rôle étant plus au niveau de la gestion et la planification stratégique de la firme, il n’a aucun contact avec aucune clientèle.
- Il souligne avoir suivi, à la suite de l’inspection professionnelle, une formation relative à la documentation des dossiers de compilation, et ce, selon la nouvelle norme en cette matière.
- Bien qu’il ait déjà décidé de ne plus faire de mission de compilation et que l’inspection professionnelle était passée, il s’est assuré de documenter le dossier visé par la plainte selon la nouvelle norme, car il tenait à bien faire les choses. Cela démontre, selon l’intimé, sa volonté de respecter les règles.
- Il précise que l’ajout de la documentation selon la nouvelle norme n’a rien changé concernant le rapport et ses conclusions, puisqu’il s’agissait de documents qu’il possédait au moment où il a rédigé son rapport; c’est plus sur le plan des questionnaires requis que la documentation était manquante. Il attend avec anticipation les résultats de l’inspection à cet égard pour savoir si le travail a finalement été bien fait.
- La firme a pris des mesures pour s’assurer que ces questionnaires soient dument remplis dans le futur.
- L’intimé soutient que le processus disciplinaire est sévère. Ce processus a eu un impact important sur son entreprise. La possibilité d’une radiation a déjà donné lieu au refus de deux financements de la part de la banque.
- Il comprend toutefois qu’il y a eu des manquements dans le dossier visé par la plainte.
- Pendant la période de radiation qui lui sera imposée, il devra se retirer de toute activité qui implique l’utilisation de son titre, notamment, céder ses actions à son partenaire (soit celui qui est en place en ce moment ou celui qui devra le remplacer) et se retirer des décisions du conseil d’administration.
- Il se dit prêt à assumer les conséquences de ses manquements.
ANALYSE
- Les principes généraux
- La sanction en droit disciplinaire ne vise pas à punir le professionnel[9]. Son but est, avant tout, de protéger le public, de dissuader le professionnel de récidiver et de servir d’exemple aux autres membres de la profession, considérant en dernier lieu le droit du professionnel visé d’exercer sa profession[10].
- Par ailleurs, chaque cas demeure un cas d’espèce. Le Conseil impose la sanction seulement après avoir pris en considération tous les facteurs, objectifs et subjectifs, propres au dossier :
[39] Le Comité de discipline impose la sanction après avoir pris en compte tous les facteurs, objectifs et subjectifs, propres au dossier. Parmi les facteurs objectifs, il faut voir si le public est affecté par les gestes posés par le professionnel, si l’infraction retenue contre le professionnel a un lien avec l’exercice de la profession, si le geste posé constitue un acte isolé ou un geste répétitif […] Parmi les facteurs subjectifs, il faut tenir compte de l’expérience, du passé disciplinaire et de l’âge du professionnel, de même que sa volonté de corriger son comportement. La délicate tâche du Comité de discipline consiste donc à décider d’une sanction qui tienne compte à la fois des principes applicables en matière de droit disciplinaire et de toutes les circonstances, aggravantes et atténuantes, de l’affaire.[11]
[Soulignements ajoutés]
- La gravité d’une infraction s’évalue notamment en fonction de ses conséquences possibles, qu’elles se soient matérialisées ou non[12].
- Le Tribunal des professions dans l’affaire Paquin[13] rappelle que « l’objectif de protection du public occupe une place prédominante » dans le système professionnel.
- La « nécessité de s’intéresser d’abord à l’infraction est intimement liée à l’objectif de protection du public alors que la gravité d’une faute ne doit pas être subsumée au profit de circonstances atténuantes lesquelles reflètent davantage de la personnalité du professionnel que de l’exercice de la profession[14] ».
- Le Tribunal des professions dans l’affaire Serra[15] rappelle toutefois que le droit du professionnel d’exercer sa profession ne doit pas être négligé et que les objectifs de la sanction disciplinaire énoncés dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault « s’inscrivent dans l’esprit de la règle fondamentale de l’individualisation et de la proportionnalité[16] ».
- Les fourchettes de peines et les points de départ constituent des balises utiles et offrent aux juges des points de repère pour amorcer leur réflexion[17], mais comme le souligne la Cour suprême du Canada, les peines doivent être individualisées[18].
- Dans le cas présent, les parties présentent une recommandation conjointe sur sanction.
- La suggestion conjointe sur sanction issue d’une négociation rigoureuse dispose d’une « force persuasive certaine » de nature à assurer qu’elle sera respectée en échange du plaidoyer de culpabilité[19].
- Dans l’arrêt Anthony-Cook[20], la Cour suprême du Canada énonce la règle selon laquelle, en présence d’une recommandation conjointe, ce n’est pas le critère de la « justesse de la peine » qui s’applique, mais celui plus rigoureux de savoir si la peine serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou serait, par ailleurs, contraire à l’intérêt public.
- Il s’agit d’un seuil élevé. Une recommandation conjointe déconsidérera l’administration de la justice ou sera contraire à l’intérêt public seulement si elle « correspond si peu aux attentes des personnes raisonnables instruites des circonstances de l’affaire que ces dernières estimeraient qu’elle fait échec au bon fonctionnement du système de justice pénale[21] ».
- Son « rejet dénote une recommandation à ce point dissociée des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant que son acceptation amènerait les personnes renseignées et raisonnables, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’importance de favoriser la certitude dans les discussions en vue d’un règlement, à croire que le système de justice avait cessé de bien fonctionner[22]. »
- Selon les enseignements de la Cour d’appel, l’analyse ne doit pas débuter par la détermination de la sanction qui aurait été appropriée, car cela inviterait le tribunal à rejeter la recommandation conjointe en la considérant comme contraire à l’intérêt public par le seul fait qu’elle s’écarte de cette sanction[23].
- L’analyse doit plutôt débuter par le fondement de la recommandation conjointe, incluant les effets bénéfiques pour l’administration de la justice, et ce, afin de déterminer s’il y a un élément, à part la durée ou la sévérité de la peine, qui est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qui est contraire à l’intérêt public[24].
- Par ailleurs, la constatation par le Conseil que la recommandation conjointe ne s’écarte pas des sanctions habituellement imposées en semblable matière fait obstacle en soi à son rejet[25].
- Enfin, il incombe aux parties de faire preuve de la plus grande transparence et d’établir la justesse de leur recommandation, laquelle est issue d’une négociation rigoureuse[26].
- À la lumière des principes précités, le Conseil doit déterminer si, en tenant compte du fondement de la recommandation conjointe et de ses avantages pour le système de justice, la sanction proposée conjointement par les parties est, dans les circonstances pertinentes du présent dossier, de nature à déconsidérer l’administration de la justice ou contraire à l’intérêt public.
- Le fondement de la recommandation conjointe sur sanction
- Les parties, par l’entremise de leurs avocats respectifs, affirment que leur recommandation conjointe sur sanction respecte les principes enseignés par la Cour suprême dans l’arrêt Anthony-Cook[27].
- Citant l’affaire Chan c. Médecins (Ordre professionnel des)[28], le plaignant rappelle la démarche à suivre dans le cas où le Conseil serait en désaccord avec la recommandation conjointe.
- Il énumère alors les éléments pris en considération aux fins des recommandations conjointes[29] :
Facteurs objectifs :
a) La protection du public;
b) La gravité objective des infractions : contrevenir aux normes en matière de de mission de compilation;
c) La comptabilité publique étant l’activité réservée de la profession de CPA, elle constitue le cœur de l’exercice de la profession;
d) La conduite de l’intimé porte ombrage à l’ensemble de la profession;
e) La spécificité de la profession;
f) L’exemplarité;
g) La Norme canadienne de services connexes (NCSC) 4200 relativement aux missions de compilation est entrée en vigueur le 14 décembre 2021, soit six semaines avant la signature de la mission de compilation faisant l’objet du chef 1 de la plainte amendée;
h) Domaine de la cryptomonnaie considéré complexe par les expertes;
Facteurs subjectifs :
a) L’intimé n’a aucun antécédent disciplinaire, et ce, alors qu’il est membre de l’Ordre des CPA depuis le 19 juin 2014 jusqu’à ce jour;
b) L’intimé, actuellement âgé de 36 ans, était âgé de 33 à 34 ans au moment de la commission de l’infraction en décembre 2021 et janvier 2022;
c) Le nombre d’années d’expérience : l’intimé est membre de l’Ordre des CPA depuis le 19 juin 2014. L’intimé avait donc un peu plus de 7 années d’expérience au moment de la commission des infractions commises entre décembre 2021 et janvier 2022;
d) L’admission des faits;
e) Le plaidoyer de culpabilité à la première occasion;
f) Le risque de récidive faible selon le plaignant considérant la formation suivie par l’intimé (Dossier modèle en mission de compilation selon la norme NCSC 4200) et le fait qu’il a pris la décision de cesser d’exécuter des missions de compilation;
[Références omises]
[Caractères gras et italiques dans l’original]
- Le plaignant souligne que la comptabilité publique est une activité réservée.
- Il reconnait que l’entrée en vigueur de la Norme canadienne de services connexes (NCSC) 4200 relativement aux missions de compilation, le 14 décembre 2021, soit peu avant l’exécution de la mission de compilation faisant l’objet de la plainte, constitue un facteur atténuant, tout en ajoutant que n’eût été cet élément, il aurait proposé une sanction plus sévère.
- Il souligne, par ailleurs, que la complexité du domaine de la cryptomonnaie constitue un facteur aggravant. Ainsi, les membres du public qui consultent les missions émises par des comptables professionnels agréés dans ce domaine croient qu’elles peuvent s’y fier et que l’information qui s’y trouve est fiable.
- Bien que le plaignant qualifie le risque de récidive de l’intimé comme étant faible, il constate que dans le cadre de son témoignage, celui-ci minimise en quelque sorte sa responsabilité en minimisant l’importance de l’exigence de documenter son rapport de compilation.
- Le plaignant rappelle les propos de l’experte Mercier dans le cadre de sa contre-expertise à ce sujet[30] :
Tel que démontré dans la liste ci-haut, le Rapport Fortin estime que les exigences sont partiellement atteintes puisqu’il s’agit de situations où la documentation est manquante.
Ne pas avoir documenté une exigence dans une mission de compilation représente une déficience importante. La documentation du dossier doit fournir la preuve que toutes les procédures requises par le NCSC 4200 ont été effectuées. Tel que précisé dans la NCSC 4200 au paragraphe 41, la documentation permet de comprendre comment les exigences ont été remplies. Le dossier doit être autonome sans nécessiter d’explications orales ou écrites supplémentaires et sans le recours à des documents situés hors du dossier de travail. Dans le domaine de la certification, un élément non-documenté est considéré comme n’ayant pas été complété.
Les principes de base pour préparer la documentation sont de s’assurer que la documentation est bien organisée, indexée aux exigences de la norme et est claire et concise. Tel qu’expliqué à la section 6.2 du Rapport Initial, le professionnel en exercice consigne généralement ces travaux dans un dossier de travail, qui contient des questionnaires ou des mémorandums complétés par l’équipe de mission afin de rencontrer les exigences de documentation. Le document intitulé « Financial Snapshot » et le complément de preuve du 6 juin 2024 ne constituent pas à proprement dit un dossier de mission de compilation. La documentation est plutôt similaire à ce qu’on retrouverait dans un dossier de tenue de livres. Le document intitulé « Financial Snapshot » et le complément de preuve du 6 juin 2024 ne contiennent aucune documentation des procédures complétées dans le cadre de la mission de compilation effectuées par M. Tétrault.
Les éléments non-documentés par M. Tétrault sont tous liés à des éléments critiques de la NCSC 4200 visant à répondre à des besoins d’intérêt public. De plus, ces éléments sont aussi en lien avec l’exercice du jugement professionnel. Il s’agit donc d’exigences très importantes ayant un impact direct sur le respect de la norme NCSC 4200.
[Soulignements ajoutés; références omises]
- Par ailleurs, le plaignant souligne la présence de facteurs atténuants ainsi que le témoignage de l’intimé indiquant qu’il ne fait plus de missions de compilation. Toutefois, le plaignant fait remarquer que cette affirmation de l’intimé ne représente pas un engagement formel.
- Le plaignant dépose plusieurs précédents en semblable matière faisant état de l’imposition de périodes de radiation variant entre un et six mois[31].
- Il fait référence à l’analyse de cette fourchette dans l’affaire Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Émond[32], en soulignant qu’en matière de comptabilité publique, cette sanction est habituellement de trois mois.
- Le plaignant indique avoir notamment fondé la recommandation conjointe sur l’affaire Laquerre[33].
- Dans cette affaire, le professionnel n’a pas documenté suffisamment son dossier dans le cadre d’une mission d’examen. Celui-ci a plaidé coupable, a cessé de pratiquer la comptabilité publique et s’est engagé à aviser l’Ordre dans l’éventualité où il reprend cette pratique. La recommandation conjointe de lui imposer une période de radiation de deux mois tient compte notamment de sa faible expérience au moment des infractions.
- L’intimé, par l’entremise de son avocate, souligne que la sanction proposée conjointement ne se situe pas au bas de la fourchette, mais s’approche du milieu.
- Il dépose deux autorités additionnelles en matière semblable, lesquels font état de l’imposition de périodes de radiation de six semaines, plus une amende de 3 750 $[34], et de trois mois[35]. Les deux sont en matière de documentation, de vérifications et de précisions données au client, comme dans le présent dossier.
- La comptable Beaudouin n’a pas tenu compte des nouvelles normes comptables pour les organismes à but non lucratif, dans le cadre de la préparation des états financiers et de la mission d’examen de sa cliente. Elle se voit imposer des périodes de radiation de trois mois concurrents sur les sept chefs de la plainte. Cependant, elle avait un antécédent disciplinaire.
- L’intimé souligne son faible risque de récidive en raison de sa volonté de bien faire les choses, des mesures prises au sein de sa firme à cet égard, de même que vu son intention déclarée devant le Conseil de ne plus faire des missions de compilation. Bien qu’il n’ait pas signé d’engagement formel à cet égard, l’intimé indique avoir tout de même pris un engagement verbal auprès de l’inspection professionnelle.
- Le plaignant confirme que si jamais l’intimé décide de reprendre cet aspect de sa pratique, il devra aviser l’Ordre. À ce moment-là, les conditions et recommandations de l’inspection professionnelle à cet égard seront applicables.
- Il rappelle que la recommandation conjointe découle de négociations sérieuses entre avocats, le tout ayant mené à une modification de la plainte en fonction des rapports d’expertises soumis de part et d’autre.
- Enfin, les deux parties sont d’avis que leur recommandation sur sanction est juste et raisonnable dans les présentes circonstances, n’est pas contraire à l’intérêt public et ne déconsidère pas l’administration de la justice.
- Conclusion
- Le Conseil réitère le principe fondamental édictant qu’en matière de recommandation conjointe sur sanction, lorsqu’un conseil de discipline s’attarde à examiner la justesse de la sanction proposée conjointement, au lieu de se limiter à la question de son incidence sur l’intérêt public ou l’administration de la justice, il commet une erreur de droit[36].
- La Cour d’appel écrit que « [l]’adoption du critère d’intérêt public vise la protection de la recommandation conjointe des parties et permet “au système de justice de fonctionner de manière efficace et efficiente[37].” »
- Considérant le fondement de la recommandation conjointe et ses avantages pour le système de justice, le Conseil est d’avis que la sanction proposée conjointement par les parties n’est pas susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ni contraire à l’intérêt public.
- Ainsi, le Conseil donne suite à la recommandation conjointe sur sanction.
EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL, UNANIMEMENT ET SÉANCE TENANTE, LE 30 JANVIER 2025 :
- A DÉCLARÉ l’intimé coupable de l’infraction prévue à l’article 19 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés.
ET CE JOUR :
- IMPOSE à l’intimé une période de radiation de soixante (60) jours.
- ORDONNE la publication d’un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé a son domicile professionnel, conformément à l’article 156 al. 7 du Code des professions, et ce, aux frais de ce dernier.
- CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés en vertu de l’article 151 du Code des professions, incluant les frais d’expertise s’élevant à 13 800 $.
- ACCORDE à l’intimé une période de 24 mois afin de payer l’ensemble des frais et déboursés à raison de 24 paiements mensuels égaux.
|
| ____________________________________ Me LYDIA MILAZZO Présidente ____________________________________ Mme JULIE CHAURETTE, FCPA Membre ____________________________________ M. ALAIN CHASSÉ, CPA, auditeur Membre |
|
Me Alexandre Racine |
Avocat du plaignant |
|
Me Mary-Pier Lareau |
Avocate de l’intimé |
|
Date d’audience : | 30 janvier 2025 |
| | |