Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

12 juillet 2005

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

240277-72-0407-R

 

Dossier CSST :

123979544

 

Commissaire :

Me Alain Suicco

 

Membres :

Jean Litalien, associations d’employeurs

 

Gilles Prud’Homme, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Serge Dutrisac

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Shinei Métaltek inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 14 janvier 2005, monsieur Serge Dutrisac (le travailleur) dépose une requête en révision à l’encontre de la décision rendue le 1er décembre 2004 par la Commission des lésions professionnelles.

[2]                Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles rejette le moyen préliminaire concernant la régularité de la procédure d’évaluation médicale et conclut que le travailleur ne conserve pas d’atteinte permanente ni de limitations fonctionnelles résultant de la lésion professionnelle survenue le 10 avril 2003 et qu’il est ainsi capable de refaire son emploi à compter du 16 juin 2003.

[3]                À l’audience tenue le 4 juillet 2005, le travailleur de même que l’employeur étaient présents et représentés par procureurs.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[4]                Le travailleur demande de réviser la décision rendue le 1er décembre 2004, de déclarer irrégulière la procédure d’évaluation médicale, de déclarer qu’en relation avec la lésion professionnelle survenue le 10 avril 2003, il conserve l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles suggérées par les docteurs Allen Payne et Gilbert Thiffault, et que conséquemment il a droit aux indemnités prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

L’AVIS DES MEMBRES

[5]                Le membre issu des associations syndicales de même que le membre issu des associations patronales sont d’avis que la requête du travailleur devrait être rejetée parce que la procédure d’évaluation médicale était régulière et quant au fond, aucune erreur n’a été soumise. 

LES FAITS ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[6]                C’est l’article 429.56 de la loi qui permet à la Commission des lésions professionnelles, de réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue. Cette disposition définit les critères qui donnent ouverture à la révision ou la révocation d’une décision.

429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:

 

1°   lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2°   lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3°   lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[7]                Cette disposition doit cependant être lue en conjugaison avec l’alinéa troisième de l’article 429.49 de la loi, qui indique le caractère final et sans appel des décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles.

429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.

 

Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[8]                Le tribunal est d’avis que le législateur a voulu ainsi s’assurer de la stabilité juridique des décisions rendues. Il y a donc lieu de tenir compte de ces objectifs, aux fins d’interpréter ces deux dispositions législatives.

[9]                Dans le présent dossier, c’est le motif d’un « vice de fond » qui est invoqué pour invalider la décision rendue. La Commission des lésions professionnelles s’est prononcée à plusieurs occasions sur la portée du paragraphe troisième de l’article 429.56[2]. La lecture de ces décisions indique qu’une erreur de faits ou de droit peut constituer un « vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision », si le requérant démontre que cette erreur est manifeste et déterminante concernant l’objet de sa contestation.

[10]           Pour faciliter la compréhension de la présente requête, il y a lieu de reproduire certains extraits de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 1er décembre 2004.

« […]

 

MOYEN PRÉALABLE

 

[5] Le procureur du travailleur allègue que la procédure pour soumettre le dossier du travailleur au Bureau d'évaluation médicale est irrégulière. Il soutient qu’il n’y avait aucun désaccord entre le docteur Payne et le docteur Thiffault sur le fait qu’il y avait une atteinte permanente. Seul le pourcentage à attribuer à cette atteinte différait. Ainsi, le membre du Bureau d'évaluation médicale ne pouvait conclure, comme il l’a fait, à l’absence d’atteinte permanente puisque cette question ne pouvait lui être soumise.

 

[…]

 

 

LES FAITS ET LES MOTIFS SUR LE MOYEN PRÉALABLE ET SUR LE FOND

 

[8] Le 16 juin 2003, le docteur Michel Saine, médecin qui a charge du travailleur, complète un rapport final. Les diagnostics retenus en relation avec la lésion professionnelle du travailleur sont les suivants : Entorse cervicale, tendinite des deux épaules et entorse lombaire. Il consolide la lésion professionnelle en date du 16 juin 2003. Il ne prévoit pas d’atteinte permanente à l’intégrité physique mais il prévoit des limitations fonctionnelles. Il réfère le travailleur au docteur Allen Payne pour compléter le rapport d'évaluation médicale.

 

[9] Le 28 juillet 2003, le docteur Payne examine le travailleur pour compléter le rapport d'évaluation médicale. Il conclut à un pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique de 16,5 % et à des limitations fonctionnelles :

 

         Nous mettrions une classe 1 à titre préventif, par ailleurs il y aurait des limitations surtout de travail au dessus des épaules de façon répétée et de flexion du tronc de façon répétée. Monsieur voit ses limitations comme étant compatible avec son travail d'opérateur de robot avec quelques déménagements. Nous suggérions une pause après 2 heures encore une fois à titre préventif.

 

         SÉQUELLES ACTUELLES :

        

204004

Entorse lombaire

2%

203513

Entorse cervicale

2%

104808

Abduction à 160 degrés de l'épaule droite

1%

104915

Élévation antérieure à 140 degrés de l'épaule droite

1,5%

105004

Rotation externe de l'épaule droite à 70 degrés

1%

105059

Rotation interne à 25 degrés de l'épaule droite

1%

104817

Abduction à 150 degrés de l'épaule gauche

2%

104924

Élévation antérieure de l'épaule gauche à 120 degrés

2%

105013

Rotation externe à 50 degrés de l'épaule gauche

2%

105068

Rotation interne de l'épaule gauche à 20 degrés

2%

        

        

[10] Le 13 janvier 2004, le docteur Gilbert Thiffault, chirurgien orthopédiste, examine le travailleur à la demande de la CSST pour un avis médical sur l’existence et le pourcentage de l’atteinte permanente et sur l’existence et la détermination des limitations fonctionnelles résultant de la lésion professionnelle comme le permet l’article 204 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., ch A-3.001 (la Loi).

 

[11] Dans son rapport daté du 19 janvier 2004, le docteur Thiffault conclut à un pourcentage de déficit anatomo-physiologique de 6 % et à des limitations fonctionnelles relativement aux tendinites aux épaules :

Séquelles actuelles

        

Entorse cervicale sur des changements dégénératifs de la colonne cervicale sans limitations des mouvements

0%

Tendinite du membre supérieur droit avec séquelles fonctionnelles 102383

2%

Tendinite de l'épaule gauche avec séquelles fonctionnelles   102383

2%

Par ailleurs, il n'y a pas d'ankylose au niveau des deux épaules

 

Il y a un facteur de bilatéralité de 2% chez ce patient

2%

 

 

Existence et évaluation des limitations fonctionnelles : Ce patient doit éviter de travailler les membres supérieurs droit et gauche en élévation antérieure ou abduction de plus de 90% de façon répétées.

 

Il devra éviter de soulever des poids de plus de 20 kilos de façon répétée également.

 

 

[…]

 

[13] Le 11 mars 2004, l’agente d’indemnisation, madame Carole Patenaude, transmet au docteur Payne le rapport d’expertise du docteur Thiffault, afin que le docteur Payne puisse étayer ses conclusions sur le formulaire de rapport complémentaire. Il est avisé de retourner son rapport complémentaire dans les 30 jours suivant la date de réception de cette lettre.

 

[14] Le 19 avril 2004, la même agente d’indemnisation fait une demande au Bureau d'évaluation médicale. Elle coche ne pas avoir reçu le rapport complémentaire du docteur Payne. Elle demande un avis médical sur l’existence et le pourcentage de l’atteinte permanente et sur l’existence et la détermination des limitations fonctionnelles.

 

[15] Le 18 mai 2004, le docteur Jean-Pierre Lacoursière, chirurgien orthopédiste et membre du Bureau d'évaluation médicale, examine le travailleur. Dans son rapport signé le 20 mai et transmis à la CSST le 21 mai, il conclut à aucun déficit anatomo-physiologique ni limitations fonctionnelles.

 

[16] Le 1er juin suivant, la CSST rend une décision entérinant l’avis du docteur Lacoursière. Cette décision est confirmée le 30 juin 2004 à la suite d’une révision administrative, d’où le présent litige.

 

[17] La Commission des lésions professionnelles ne peut retenir les prétentions du procureur du travailleur voulant que la CSST ne pouvait soumettre la question de l’existence d’un déficit anatomo-physiologique relativement aux tendinites des deux épaules, puisqu’il n’y avait pas de litige sur cette question et que seul le pourcentage pouvait être soumis pour un avis du membre du Bureau d'évaluation médicale.

 

[18] Lorsqu’on prend le soin d’analyser les rapports des docteurs Payne et Thiffault, on constate qu’il n’y a aucune entente sur même une seule séquelle. Tant le descriptif des séquelles que les numéros de code diffèrent. Quant aux limitations fonctionnelles, elles diffèrent également. On ne peut donc pas considérer que la CSST faisait face à des conclusions médicales entre les deux médecins qui étaient claires et sans ambiguïtés. Dans ce contexte, elle était tout à fait justifiée de demander au Bureau d'évaluation médicale qu’un des ses membres départagent ces questions.

 

[19] Ainsi, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que le rapport du docteur Thiffault, médecin désigné par la CSST, pouvait valablement être soumis au Bureau d'évaluation médicale et elle considère donc que l’avis du Bureau d'évaluation médicale est légal sur toutes les questions qui lui ont été posées, soit sur l’existence et le pourcentage de l’atteinte permanente et sur l’existence et la détermination des limitations fonctionnelles.

 

[20] La Commission des lésions professionnelles doit maintenant examiner la question de fond afin de déterminer l’existence et le pourcentage de l’atteinte permanente et sur l’existence et la détermination des limitations fonctionnelles.

 

[…]

 

[30] La Commission des lésions professionnelles considère l’opinion du docteur Lacoursière comme étant l’opinion à retenir puisque son examen est superposable à celui du docteur Thiffault quant aux amplitudes retrouvées aux épaules et que celles-ci ne justifient pas l’octroie d’un déficit anatomo-physiologique et de limitations fonctionnelles.

 

[31] Elle est donc d’avis que le travailleur ne conserve aucun déficit anatomo-physiologique ni limitations fonctionnelles et qu’il est ainsi capable de refaire son emploi.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

 

REJETTE la requête de monsieur Serge Dutrisac tant sur le moyen préalable que sur le fond;

 

[…]

 

DÉCLARE que monsieur Serge Dutrisac ne conserve aucune atteinte permanente ni limitations fonctionnelles à la suite de sa lésion professionnelle survenue le 10 avril 2003 et qu’il est capable de refaire son emploi à compter du 16 juin 2003. »

 

 

[11]           Dans sa requête écrite de même que dans son argumentation à l’audience, le procureur du travailleur soumet que la décision rendue le 1er décembre 2004 comporte une erreur, eu égard à la question préliminaire qui lui avait été soumise.

[12]           Contrairement à ce que la Commission des lésions professionnelles indique aux paragraphes [17] et [18] de la décision, il n’y avait pas de désaccord entre les opinions émises par les docteurs Payne et Thiffault, concernant l’existence même de l’atteinte permanente au niveau des épaules. La seule différence entre les opinions des deux médecins concerne le pourcentage de cette atteinte, plus particulièrement le numéro de code du Règlement sur le barème des dommages corporels (Règlement)[3]. Le procureur soumet donc que les deux médecins sont d’avis qu’il y a « présence et existence » d’une atteinte permanente au niveau des épaules du travailleur.

[13]           Le procureur soumet au surplus que le rapport médical complémentaire émis par le docteur Payne le 4 novembre 2004, précise l’accord de ce dernier avec le docteur Thiffault, tant au niveau de l’existence que du pourcentage d’atteinte permanente eu égard aux épaules du travailleur. Le procureur soumet donc que contrairement à l’article 205.1 de la loi, les rapports des docteurs Thiffault et  Payne ne s’infirment pas, de sorte que la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) ne pouvait initier la procédure d’évaluation médicale, telle qu’indiquée à l’article 217 de la loi. L’avis du Bureau d’évaluation médicale n’était plus requis, « parce qu’il n’y avait plus de litige ».

[14]           La procureure de l’employeur rappelle d’abord la jurisprudence concernant la procédure de révision prévue à l’article 429.56 de la loi.

[15]           Concernant le premier argument soumis par le procureur du travailleur, l’employeur indique que le paragraphe [18] de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles, réfère « à la nature des atteintes ». De sorte que même si les docteurs Payne et Thiffault suggèrent une atteinte permanente au niveau des épaules, le type d’atteinte diffère totalement. La procureure soumet « qu’en d’autres termes, les deux médecins ne voient pas les mêmes affaires ».

[16]           Au surplus la procureure soumet que de toute façon, en raison de l’alinéa deuxième de l’article 221 de la loi, le Bureau d’évaluation médicale pouvait donner son avis concernant l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles.

[17]           La procureure de l’employeur soumet enfin que le rapport médical complémentaire du docteur Payne daté du 4 novembre 2004, n’a aucune valeur juridique. Le docteur Payne se devait de fournir ce rapport dans un délai de 30 jours de la réception du rapport du docteur Thiffault, conformément à l’article 205.1 de la loi. Dans le présent cas, le rapport du docteur Thiffault est daté du mois de janvier alors que celui du docteur Payne est du mois de novembre. Au surplus, le rapport du docteur Payne a même été produit plus de six mois après l’avis émis au mois de mai par le Bureau d’évaluation médicale.

[18]           Le tribunal doit donc décider s’il y a lieu de réviser la décision rendue le 1er décembre 2004.

[19]           Il n’y a pas lieu de retenir le premier argument soumis par le procureur du travailleur. Conformément à l’article 204 de la loi, la CSST a obtenu du docteur Thiffault un rapport d’évaluation médicale. Ce rapport daté du 13 janvier 2004, fait état d’un déficit anatomo-physiologique de 6% au niveau des épaules, plus particulièrement en raison d’une atteinte des tissus mous (code 102 383). Le rapport d’évaluation médicale complété par le docteur Payne au mois de juillet 2003, fait état entre autres d’un déficit anatomo-physiologique de 12,5% au niveau des épaules, en raison d’ankyloses (codes 104 808, … 105 068). Le tribunal est d’avis qu’il y a lieu de retenir l’argument de l’employeur qui indique que non seulement le pourcentage d’atteinte permanente au niveau des épaules est différent, mais également que la nature et le type de séquelles sont différentes. Ainsi les rapports des docteurs Payne et Thiffault « s’infirment », conformément à l’article 205.1 de la loi. La CSST était donc autorisée à acheminer le dossier du travailleur à la procédure d’évaluation médicale, conformément à l’article 217 de la loi.

[20]           Le tribunal se doit également de retenir l’argument de la procureure de l’employeur concernant le rapport médical complémentaire du docteur Payne, daté du mois de novembre 2004. D’une part, il ne respecte pas le délai de 30 jours prévu à l’article 205.1 de la loi, soit le délai qui doit être calculé à partir du rapport d’évaluation médicale émis par le docteur Thiffault au mois de janvier 2004. Dans le présent dossier, le rapport médical complémentaire ayant été émis au mois de novembre 2004, le délai est de 10 mois. Au surplus, comme le rappelait la procureure de l’employeur, le rapport médical complémentaire du mois de novembre 2004, a même été complété après l’avis du Bureau d’évaluation médicale émis au mois de mai 2004.

[21]           Le tribunal se doit donc d’écarter l’argument du procureur du travailleur qui soumet qu’en raison du rapport émis par le docteur Payne au mois de novembre 2004 et qui indique qu’il est d’accord avec le docteur Thiffault, les avis des deux médecins ne s’infirmant plus, la procédure d’évaluation médicale aurait été irrégulière parce qu’il n’y avait plus de litige. Le tribunal est plutôt d’avis que le rapport médical complémentaire émis par le docteur Payne au mois de novembre 2004, n’a aucune valeur juridique eu égard à la régularité de la procédure d’évaluation médicale. Ce rapport se devait d’être évalué uniquement eu égard au mérite de la contestation.

[22]           Concernant les limitations fonctionnelles, le tribunal ne fait que souligner qu’elles résultent de l’atteinte permanente. En l’occurrence, l’avis émis par le Bureau d’évaluation médicale du mois de mai 2004 n’en retenant pas, aucune limitation n’existe.

[23]           Le tribunal tient cependant à souligner que le délai de 30 jours prévus à l’article 205.1 de la loi est très court, eu égard à la disponibilité et à l’accessibilité des médecins spécialistes dans notre société. Ce délai est d’autant plus important que bien qu’il ne concerne que la procédure, il a parfois des conséquences énormes pour les parties.

[24]           D’autant que la jurisprudence majoritaire la plus récente du présent tribunal, indique qu’un dossier peut être acheminé à la procédure d’évaluation médicale uniquement lorsque le rapport du médecin traitant est infirmé, soit par le médecin de l’employeur ou le médecin désigné par la CSST. Cette orientation jurisprudentielle reflète l’esprit de la loi, laquelle reconnaît la primauté du médecin qui a charge et le but visé par la procédure d’évaluation médicale. Comme le souligne la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Morin[4], « le bureau d’évaluation médicale doit son existence dans un but de règlement d’un conflit entre deux conclusions médicales contradictoires ». De la même façon dans l’affaire Blanchette[5], la Commission des lésions professionnelles précise que « cependant, l’article 221 (2) ne concerne pas le cas où les deux médecins se prononcent dans le même sens sur la même question médicale ». Cette orientation jurisprudentielle avait d’ailleurs déjà été retenue dans de nombreuses autres décisions[6] du présent tribunal.

[25]           Le tribunal souligne enfin que le médecin qui est à l’origine du rapport médical complémentaire, n’est pas obligé d’avoir examiné le travailleur, « lorsque la preuve révèle qu’il avait en sa possession tous les éléments requis pour acquiescer aux conclusions … de l’autre médecin[7] », ou qu’il avait déjà examiné le travailleur, d’autant à plus d’une occasion.

[26]           Le tribunal est donc d’avis que la décision rendue le 1er décembre 2004, ne comporte aucune erreur de droit ou de faits. Cette décision n’est donc entachée d’aucun vice de fond de nature à l’invalider.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête du travailleur, monsieur Serge Dutrisac.

 

 

 

__________________________________

 

Me Alain Suicco

 

Commissaire

 

 

 

 

Me Daniel Thimineur

TEAMSTERS QUÉBEC

Procureur de la partie requérante

 

 

Me Anny Lafrance

HEENAN BLAIKIE

Procureure de la partie intéressée

 

 

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001

[2]          Produits forestiers Donohue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733 ; Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783 ; Hôpital Sacré-Coeur de Montréal et Gagné, C.L.P. 89669-61-9707, 12 janvier 1998, C.-A. Ducharme; Bourassa c. Commission des lésions professionnelles, C.A. Montréal, 500 - 09‑011014-016, 28 août 2003, jj. Mailhot, Rousseau-Houle, Rayle; TAQ c. Godin, C.A. Montréal,  500‑09-009744-004, 18 août 2003, jj. Fish, Rousseau-Houle, Chamberland; Amar c. Commission de la santé et sécurité du travail, C.A. Montréal,  500-09-011643-012, 28 août 2003, jj. Mailhot, Rousseau-Houle, Rayle.

[3]          1987, 119, G.O. II, 5576

[4]          C.L.P. 154442-64-0101, 24 septembre 2001, D. Robert.

[5]          C.L.P. 132329-08-0002, 13 septembre 2001, M. Lamarre.

[6]          Huaracha, C.L.P., 118441-72-9906, 7 janvier 2000, D. Taillon; Montécalvo, C.L.P. 126403‑72‑9910, 14 juillet 2000, F. Juteau; Courcelles , C.L.P. 126795-72-9911, 31 mars 2000, R. Langlois; Bouliane, C.L.P. 120026-05-9907, 19 octobre 2000, M. Allard; Lapointe, C.L.P. 126312‑01B-9911, 14 décembre 2000, L. Desbois.

[7]          Morin, C.L.P. 225507-08-0401, 9 juillet 2004, M. Morin.

AVIS :
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