Décision

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Droit de la famille — 20474

2020 QCCS 1051

 

 

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

 

 

N° :

200-12-089038-187

 

 

 

DATE :

 27 mars 2020

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

JOHANNE APRIL, j.c.s.

______________________________________________________________________

 

H... S..., domicilié et résidant au [...], Ville A, province de Québec, [...]

 

Demandeur

c.

 

M... ST..., domiciliée et résidant au [...], Ville A, province de Québec, [...]

 

Défenderesse

______________________________________________________________________

 

ORDONNANCE DE SAUVEGARDE

______________________________________________________________________

[1]       Les parties sont présentement en instance de divorce. Le demandeur souhaite obtenir une ordonnance de sauvegarde afin que soient modifiés les droits d’accès de la défenderesse, qu’ils soient suspendus et remplacés par des contacts via des moyens technologiques (Skype, Facetime, etc.).

[2]       Un jugement du 6 février 2020 confie la garde des enfants, X ([...] 2008), Y ([...] 2010) et Z ([...] 2014), au demandeur.

[3]       Des accès, à la fréquence de deux (2) fins de semaine sur trois (3), sont accordés à la défenderesse, du vendredi 17h au dimanche 17h.

[4]       Il est de notoriété publique que sévit présentement une pandémie en lien avec l’éclosion de la maladie du coronavirus (COVID-19), ce qui a forcé le gouvernement du Québec à décréter l’état d’urgence sanitaire, le 14 mars dernier.

 

[5]       Devant cette situation sans précédent, des mesures visant à éviter la propagation de la maladie ont été mises en place et sont devenues pour tous une responsabilité sociale.

[6]       Les enfants ne sont pas exempts des répercussions de cette pandémie sur leur vie de tous les jours. Ils sont privés, entre autres, d’enseignement, de la pratique de leurs activités sportives et de la présence de leurs amis.

[7]       Ils sont, au même titre que les adultes, dans l’obligation de vivre reclus et doivent partager leur milieu de vie de façon sécuritaire et éviter le plus de contacts possible avec des tiers.

[8]       Il s’agit là pour eux de grands bouleversements et les parents doivent, dans l’exercice de leur autorité parentale, leur éviter autant que possible les conséquences néfastes de cette situation et, surtout, faire en sorte qu’ils soient à l'abri de la maladie.

[9]       Voilà la plus grande préoccupation du Tribunal.

[10]    Les jugements et les ordonnances rendus par les tribunaux doivent être respectés. Ils ont été prévus, lors de leur mise en vigueur, pour permettre aux enfants de profiter de la présence de leurs deux parents.

[11]    D’ailleurs, le gouvernement du Québec, conscient que la crise amènerait son lot de situations conflictuelles, a publié récemment, par l’entremise de la ministre de la Justice, un message suggérant aux parents une réflexion quant aux droits des enfants d’avoir accès à leurs parents, même en période de pandémie[1].

[12]    Bien entendu, prioritairement, les parents doivent réagir promptement et s’assurer de maintenir pour leurs enfants les meilleures conditions et privilégier un exercice commun de leur autorité parentale afin de trouver des solutions en absence d’une entente. Ultimement, ils auront recours aux tribunaux.

[13]    En espèce, les parents n’ont trouvé aucun terrain d’entente. La preuve dont dispose le Tribunal, à l’étape de la demande d’ordonnance de sauvegarde, révèle ce qui suit[2] :

-          L’un des trois enfants des parties présente des problèmes respiratoires et est sujet à la pneumonie;

-          La défenderesse habite chez ses parents, qui sont âgés de 79 et 84 ans;

-          Le père doit effectuer du télétravail pour la [Compagnie A] et fait partie de la cellule de crise. Il doit être disponible. Comme solution au fait que les enfants doivent demeurer à la résidence, il invite sa conjointe et les enfants de cette dernière à demeurer chez lui. Sa conjointe présente des problèmes de santé;

-          Dans sa déclaration sous serment, la défenderesse déclare que :

4.    Les membres de la famille et moi-même ne présentons aucun symptôme de la COVID-19 et il n’y a pas de va-et-vient à notre demeure;

[…]

14.  Je ne souhaite pas mettre en danger la santé de mes enfants, du demandeur, de sa conjointe et des enfants de cette dernière, je demande simplement que les accès ordonnés soient respectés et je suis disposée à mettre en place les mesures sanitaires appropriées;

[…]

16.  Avant de demander la suspension des accès, il n’a même pas demandé si nous présentions des symptômes. Nous n’avons pas de symptômes de la COVID-19;

17.  Selon les indications gouvernementales, la période maximale d’apparition des symptômes est de dix (10) jours. Je n’en ai aucun et nos enfants non plus;

[14]    Le père demande la suspension des droits accès de la mère et suggère des contacts par des moyens technologiques, deux (2) fins de semaine sur trois (3), les vendredis, samedis et dimanches entre 15h et 16h.

Décision

[15]    Le Tribunal doit d’abord déterminer s’il y a urgence à modifier le statu quo, c’est-à-dire, à modifier les modalités d’accès de la mère auprès des enfants, telles qu’elles ont été prévues au jugement du 6 février 2020.

[16]    Partant du fait que le demandeur a la garde des enfants, ce dernier a mis en place des mesures d’hygiène et s’est assuré de respecter les consignes émises par les autorités gouvernementales.

[17]    Le Tribunal doit évaluer si, tel que le demandeur le soutient, le milieu de la mère présente des dangers pour la santé et la sécurité des enfants.

[18]    La mère, dans sa déclaration sous serment, précise qu’elle est parfaitement au courant des mesures sanitaires et d’hygiène qui s’imposent dans les circonstances actuelles et qu’il n’est pas dans son intention de mettre en péril la santé du père, celle de sa conjointe, pas plus que celle des enfants, de ses parents et, par conséquent, la sienne.

[19]    Les autorités, qui sont présentes quotidiennement dans les médias, tout en exposant avec transparence les tenants et aboutissants de la situation, sont rassurantes à l’effet que lorsque les exigences sanitaires et d’hygiène sont respectées, les contacts avec les personnes non infectées et qui ne présentent aucun symptôme sont possibles. Toutefois, la vigilance et le respect des droits de chacun demeurent de mises.

 

[20]    Par conséquent, malgré que cela puisse paraître paradoxal, la présence de la COVID-19 considérée comme une urgence sanitaire n’est pas en soi, en absence de symptômes pour les individus concernés, un motif suffisant nécessitant une modification du statu quo, de la garde et des accès pour les enfants.

[21]    Bien entendu, les parties devront respecter les consignes d’hygiène et de sécurité dans leur milieu respectif.

[22]    Le Tribunal n’a pas de doute que les parties ont à cœur le bien-être de leurs enfants et qu’ils limiteront, autant que faire se peut, les risques d’exposition de ceux-ci à cet ennemi que nous combattons collectivement.

[23]    La situation d’urgence sanitaire évolue de jour en jour. Il est donc possible que d’autres modalités soient à prévoir au fur et à mesure que nous serons confrontés à l’urgence que nécessite la situation.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL, À TITRE DE MESURES DE SAUVEGARDE :

[24]    REJETTE la demande d’ordonnance de sauvegarde;

[25]    CONFIRME les modalités de garde et d’accès prévues au jugement du 6 février 2020;

[26]    RECOMMANDE fortement aux parents de respecter les consignes d’hygiène et de sécurité émises par les autorités gouvernementales et reliées à la pandémie du coronavirus (COVID-19);

[27]    LE TOUT, sans frais de justice.

 

 

 

 

 

JOHANNE APRIL, j.c.s.

Me Marie-Claude Héroux

Héroux & Associé, avocats, s.e.n.c.r.l.

Casier : 32

Pour le demandeur

 

Me Louis-Philippe Pelletier-Langevin

LPL avocats inc.

Casier : 76

Pour la défenderesse

 

Date de l’audience : 26 mars 2020

 



[1]    Justice Québec, des réponses à vos questions : les échanges de garde en période de pandémie. https://www.justice.gouv.qc.ca/coronavirus/questions-reponses-garde-enfants/

[2]    Déclarations sous serment des parties, produites les 25 et 26 mars 2020.

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