Décision

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Boudreault c. R.

2016 QCCA 1907

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

500-10-006031-155

(500-01-092720-132, 500-01-092722-138, 500-01-088112-138.

 500-01-109969-144, 500-01-092721-130, 500-01-085146-139,

 500-01-092723-136, 500-01-109968-146)

 

DATE :

Le 28 novembre 2016

 

 

CORAM :

LES HONORABLES

NICOLE DUVAL HESLER, J.C.Q.

MARK SCHRAGER, J.C.A.

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

 

 

ALEX BOUDREAULT

APPELANT - Accusé

c.

 

SA MAJESTÉ LA REINE

INTIMÉE - Poursuivante

 

 

ARRÊT *

 

 

[1]           L’appelant se pourvoit contre un jugement rendu le 23 septembre 2015 par la Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale, district de Montréal (l’honorable Jean-Pierre Boyer), qui l’a condamné à une peine de 36 mois d’incarcération et une suramende compensatoire de 1 400 $.

[2]           Pour les motifs du juge Mainville, auxquels souscrit le juge Schrager dans des motifs concordants, LA COUR :

[3]           REJETTE l’appel.

[4]           De son côté, la juge en chef Duval Hesler, pour d’autres motifs, aurait accueilli l’appel en partie pour déclarer inconstitutionnel l’article 737 du Code criminel, tel que maintenant rédigé, c’est-à-dire sans l’ancien alinéa 5 maintenant éliminé, et aurait annulé la condamnation à la suramende compensatoire imposée en première instance.

 

 

 

 

 

NICOLE DUVAL HESLER, J.C.Q.

 

 

 

 

 

MARK SCHRAGER, J.C.A.

 

 

 

 

 

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

 

Me Yves Gratton

Aide juridique de Montréal

Pour l’appelant

 

Me Robert Benoit

Directeur des poursuites criminelles et pénales

Me Éric Dufour

Direction des affaires juridiques et législatives

Bernard Roy (Justice-Québec)

Pour l’intimée

 

Date d’audience :

Le 3 juin 2016



 

 

MOTIFS DE LA JUGE EN CHEF

 

 

[1]           L’appelant se pourvoit contre une peine de 36 mois d’incarcération et une suramende compensatoire de 1 400 $ prononcées le 23 septembre 2015 par la Cour du Québec[1]. Ce même jugement rejette les arguments de l’appelant voulant que la suramende compensatoire prévue à l’art. 737 du Code criminel viole l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés.

[2]           Cet appel survient au milieu d’une controverse jurisprudentielle qui comprend deux volets : celui de la qualification juridique de la suramende compensatoire et celui de l’examen de la constitutionnalité de cette dernière.

[3]           Le 5 avril 2016, cette Cour a rendu une décision qui vise le premier volet de la controverse[2]. Sous la plume du juge Vauclair, la Cour a clairement tranché que la suramende compensatoire constitue une peine minimale.

[4]           Le présent appel vise l’aspect de la constitutionnalité.

[5]           La suramende compensatoire fait partie du paysage pénal depuis presque trente ans. En octobre 2013, cependant, son imposition est devenue obligatoire. L’appelant soutient que le retrait de la discrétion judiciaire de dispenser un contrevenant du paiement de la suramende compensatoire est inconstitutionnel, car ce retrait ouvre la porte à des violations de l’article 12 de la Charte, à savoir l’imposition de peines exagérément disproportionnées.

[6]           L’analyse, sous l’article 12, requiert non seulement une analyse du dossier à l’étude, mais également l’analyse de situations hypothétiques raisonnables. Puisque la suramende compensatoire s’applique à toutes les infractions du Code criminel, l’éventail d’hypothèses est, ici, particulièrement étendu.

FAITS ET PROCÉDURES

[7]           Les faits sont simples et non contestés.

[8]           Le 23 septembre 2013, l’accusé enregistre des plaidoyers de culpabilité à quatre infractions sommaires lui reprochant divers manquements à des ordonnances de probation émises entre juin 2012 et novembre 2012.

[9]           Quatre mois plus tard, il plaide coupable à sept accusations d’introduction par effraction dans des maisons d’habitation, à un chef de tentative d’introduction par effraction, à un chef de recel, à un chef de voies de fait armées et à un chef de possession d’une arme prohibée. Toutes ces infractions ont été commises entre août 2012 et mars 2013.

[10]        Un rapport présentenciel est produit à la fin mars 2014. Entre autres, ce rapport mentionne une possibilité de récidive chez l’appelant, possibilité qui se concrétise en août 2014 lorsque l’appelant est arrêté pour de nouvelles infractions. Le 16 septembre 2014, il plaide coupable à deux chefs de bris d’engagement, ainsi qu’à trois chefs d’introduction par effraction dans une maison d’habitation et trois chefs de complot.

[11]        Le 9 janvier 2015, l’appelant, par l’entremise de son procureur, annonce son intention de contester la constitutionnalité de la suramende compensatoire.

[12]        Une semaine plus tard, la Cour suprême rend sa décision dans le dossier R. c. Nur[3]. Pour la première fois depuis l’arrêt Smith, prononcé en 1988[4], la Cour suprême déclare inconstitutionnelle une disposition législative parce qu’elle enfreint l’article 12 de la Charte.

LE JUGEMENT DONT APPEL

[13]        Après avoir fait le récit des infractions auxquelles l’appelant a plaidé coupable, ainsi que des mobiles qui l’ont poussé à les commettre, le juge de première instance note que l’appelant a commis plusieurs introductions par effraction « durant une période au cours de laquelle il était sans emploi, sans domicile fixe et consommait une grande quantité de marijuana. » Il est d’avis que ces crimes ont été accomplis par l’accusé « afin de se nourrir et de satisfaire sa dépendance vis-à-vis de la drogue. »

[14]        Le juge de première instance entérine la suggestion commune des parties d’une peine globale de 36 mois, de laquelle il soustrait le temps déjà passé en détention, pour atteindre 16,5 mois d’incarcération.

[15]        Avant de se pencher sur la ventilation de cette peine d’incarcération, le juge de première instance considère les arguments des parties quant à la constitutionnalité de l’article 737 C.cr. Il prend notamment acte de leur admission que la suramende compensatoire fait partie intégrante de la peine.

[16]        Il souligne également que la suramende compensatoire est dorénavant appliquée de façon automatique, sans égard à la situation du contrevenant et que les seuls pouvoirs discrétionnaires du tribunal sont celui de majorer le montant de la suramende compensatoire (art. 737(3) C.cr.) et celui d’accorder un délai de paiement prolongé (art. 734.4 C.cr.)[5]. Mis à part le pourcentage automatique applicable aux amendes, les montants de suramende sont de 100 $ pour chaque chef d’accusation punissable par voie sommaire et de 200 $ pour chaque infraction poursuivie par mise en accusation.

[17]        Se penchant sur le droit applicable, le juge de première instance aborde l’analyse en deux temps. Dans un premier temps, il considère les faits propres à l’appelant. Il retient que le nombre et la gravité des infractions reprochées justifient la peine de 36 mois d’emprisonnement suggérée par les parties. Tout en reconnaissant la capacité limitée de l’appelant de gagner des revenus, il rappelle la disponibilité de plusieurs moyens d’adoucir l’impact de la suramende compensatoire, dont l’octroi d’un délai de paiement prolongé, la possibilité d’effectuer des travaux compensatoires et la possibilité de convertir le montant dû en jours d’emprisonnement. Il clôt ses observations avec le commentaire suivant :

[43]      Si l’accusé considère que le montant total des suramandes [sic] qu’il devra payer représente une somme excessive, celui-ci n’a que lui seul à blâmer, vu le nombre élevé d’infractions qu’il a commises; cela ne fait pas de la peine de suramende minimale de 1 400.00 $ une peine cruelle et inusitée.

[18]        Dans un deuxième temps, le juge de première instance rejette les situations hypothétiques soulevées par l’appelant. Selon lui, l’exemple de la personne accusée de 56 chefs de « liberté illégale » ne peut être considéré comme une hypothèse raisonnable puisque, à son avis, la capacité financière de l’accusé n’est pas pertinente à l’analyse. Il écarte également l’hypothèse d’un accusé qui bénéficie d’une absolution inconditionnelle, car il estime que l’accusé n’a pas l’intérêt requis pour soulever une hypothèse qui ne lui est pas applicable.

[19]        En conséquence, le juge de première instance rejette l’argument de l’inconstitutionnalité.

[20]        Néanmoins, la majorité des infractions en litige ayant été commises antérieurement aux amendements à l’article 737 C.cr., il exerce la discrétion reconnue avant ces amendements pour dispenser l’accusé du paiement des suramendes compensatoires pour tous les chefs auxquels il a plaidé coupable, sauf ceux visant des infractions commises postérieurement à ces amendements.

[21]        Sans l’exercice de cette discrétion, laquelle a maintenant été retirée à la ou au juge du procès, la suramende compensatoire totale payable par l’appelant aurait été de 4 600 $ si tous les chefs avaient procédé sur acte d’accusation. Tels que portés, ils commandent une suramende compensatoire de 4 000 $.

QUESTIONS EN LITIGE

[22]        Ce sont à mon avis les suivantes :

-       Le juge de première instance a-t-il erré en droit en omettant d’évaluer l’impact de la suramende compensatoire sur les principes de la proportionnalité et de l’individualisation de la peine?

-       Le juge de première instance a-t-il erré en droit en écartant les hypothèses raisonnables soulevées par l’appelant?

ANALYSE

Prétentions des parties

[23]        L’appelant soutient que la suramende compensatoire fait partie intégrante de la peine et doit répondre aux principes de détermination de celle-ci. D’avis que la suramende compensatoire constitue une peine minimale, il reproche au juge de première instance de ne pas avoir traité de cet aspect de la question.

[24]        Soulignant qu’il sera incarcéré pour une longue période et sans source de revenu stable, il prévoit qu’il sera dans l’impossibilité de payer la suramende compensatoire lors de sa sortie de prison. (À vrai dire, le délai de 45 jours pour ce faire est déjà expiré[6].) Il n’aura donc pas le choix que de se soumettre à une détention additionnelle de 17 jours ou à des travaux communautaires d’environ trois semaines. Comme déjà mentionné, ces peines additionnelles seraient beaucoup plus élevées si le juge de première instance n’avait, ici, exercé sa discrétion pour les réduire.

[25]        L’appelant précise qu’un prolongement du délai de paiement aurait pour effet de lui imposer une dette qui, elle, durera plusieurs années. En conséquence, sa peine n’aura été, ni proportionnelle, puisqu’excédant la recommandation conjointe, ni suffisamment individualisée.

[26]        Il avance que l’effet réel de cette peine, conçue globalement, serait donc exagérément disproportionné à son égard, la sentence de détention, dit-il, étant suffisante pour répondre aux objectifs pénologiques de l’article 718 C.cr.

[27]        La procureure générale du Québec soutient que le montant de la suramende compensatoire imposée à l’appelant n’est pas disproportionné à la lumière des nombreuses infractions commises par ce dernier. Elle attire l’attention de la Cour sur les moyens de pallier l’impact immédiat de la suramende compensatoire, moyens du reste soulignés par le juge de première instance. Elle rappelle qu’il ne revient pas aux tribunaux de remettre en question la sagesse du choix législatif de restreindre la discrétion judiciaire autrefois prévue au Code criminel.

[28]        Pour sa part, la procureure générale du Canada limite ses observations à l’impact de la suramende compensatoire sur l’octroi d’une absolution.

[29]        Je propose d’accueillir l’appel et de déclarer l’article 737 C.cr. inconstitutionnel.

[30]        Voici pourquoi.

Le droit applicable

La norme d’intervention applicable

[31]        Il est bien connu que les cours d’appel doivent faire preuve de déférence envers les juges du procès en matière de détermination de la peine[7]. Les erreurs justifiant leur intervention se ramènent à trois types : une erreur de principe déterminante en l’espèce[8], une peine « manifestement non indiquée »[9], ou encore une peine « nettement déraisonnable »[10].

[32]        Ceci étant, l’application des normes de la Charte aux faits de l’espèce est toujours une question de droit. Bien que les conclusions de fait du juge du procès commandent la déférence, la décision rendue est susceptible de contrôle au regard de la norme de la décision correcte[11].

La suramende compensatoire

[33]        La suramende compensatoire a été ajoutée au Code criminel en 1988[12]. Elle cherche à responsabiliser les contrevenants par l’imposition d’une amende qui sert à financer les services provinciaux et territoriaux de soutien aux victimes[13]. Lors de son introduction, l’imposition de la suramende compensatoire était assujettie au pouvoir discrétionnaire de la ou du juge de dispenser de son paiement le contrevenant qui démontrait que son imposition lui causerait un préjudice injustifié[14]. Ce pouvoir n’existe plus.

[34]        L’intimée a produit une preuve dans le but de démontrer qu’avant le retrait de ce pouvoir, l’exemption était devenue, dans certains ressorts, la règle plutôt que l’exception[15].

[35]        De temps à autre, le Parlement a remanié les modes de calcul et de paiement de la suramende compensatoire[16], le remaniement le plus récent étant celui de la Loi sur la responsabilisation des contrevenants à l’égard des victimes (la L.s.r.c.), entrée en vigueur le 24 octobre 2013[17]. Cette loi a apporté plusieurs changements.

[36]        Dans un premier temps, la L.s.r.c. a doublé les montants exigibles. À l’heure actuelle, en sus de toute autre peine qui lui est infligée, un contrevenant est tenu de verser, à titre de suramende compensatoire (en anglais, « victim surcharge ») 30 % de l’amende infligée pour l’infraction ou, si aucune amende n’est infligée, de 100 $ pour une infraction punissable par procédure sommaire ou de 200 $ pour une infraction punissable par mise en accusation[18], comme déjà mentionné.

[37]        Dans un deuxième temps, la L.s.r.c. modifie les modes de paiement de la suramende compensatoire. Elle maintient la possibilité de prolonger les délais de paiement[19], et introduit la possibilité pour un contrevenant de s’acquitter de sa dette par crédits de travaux réalisés dans le cadre d’un programme provincial[20].

[38]        Au Québec, les taux de conversion pour ces travaux compensatoires sont prévus à l’article 336 du Code de procédure pénal[21]. À titre d’exemple, un contrevenant qui accomplit des travaux compensatoires versera 10 $ l’heure vers les premiers 500 $ de sa dette et 20 $ l’heure pour les prochains 5 000 $. Dans le cas de l’appelant, cela signifierait 50 heures de travaux communautaires pour la première tranche, plus 45 heures pour la deuxième, pour un total de 95 heures.

[39]        La L.s.r.c. maintient les sanctions prévues pour le non-paiement de la suramende compensatoire, soit le refus de délivrance de permis[22] ou, si cette mesure n’est pas justifiée dans les circonstances de l’espèce, l’émission d’un mandat d’incarcération[23]. Une période d’emprisonnement ainsi infligée doit être purgée consécutivement à toute autre peine.

[40]        Il importe de souligner que depuis l’arrêt Wu, prononcé par la Cour suprême en 2003, l’emprisonnement ne peut être imposé au contrevenant incapable de payer pour des motifs d’impécuniosité[24].

[41]        L’aspect le plus controversé de la L.s.r.c. demeure toutefois l’abrogation de la discrétion judiciaire de dispenser un contrevenant du paiement de la suramende compensatoire. Il ne s’agit pas ici de trancher la sagesse ou le caractère opportun de la suramende compensatoire, mais bien sa constitutionnalité.

[42]        En effet, avant l’amendement, l’article 737 C.cr. comportait le paragraphe suivant, maintenant abrogé :

(5) Le tribunal peut ordonner qu’aucune suramende compensatoire ne soit infligée aux termes du paragraphe (1), si le contrevenant en fait la demande et lui démontre que cela lui causerait — ou causerait aux personnes à sa charge — un préjudice injustifié.

(5) When the offender establishes to the satisfaction of the court that undue hardship to the offender or the dependants of the offender would result from payment of the victim surcharge, the court may, on application of the offender, make an order exempting the offender from the application of subsection (1).

 

[43]        Les intimées attribuent l’abrogation du pouvoir discrétionnaire des juges à cet égard aux inquiétudes soulevées par la pratique, par endroits seulement et pas au Québec, d’exempter du paiement de la suramende compensatoire « presque tout » accusé qui en faisait la demande.

[44]        Ce retrait de discrétion judiciaire a provoqué une véritable controverse jurisprudentielle quant à la constitutionnalité de l’article 737 C.cr. Les tenants de l’inconstitutionnalité soutiennent que la L.s.r.c. enfreint les principes de la proportionnalité et de l’individualisation de la peine, contrairement aux garanties de droits des articles 7, 12 et 15 de la Charte[25]. Il s’agit pour plusieurs d’une forme de criminalisation de l’indigence, malgré la décision dans Wu mentionnée au paragraphe 40 ci-dessus. Je précise à nouveau, cependant, que dans le présent dossier seul l’article 12 est en cause.

L’article 12 de la Charte

[45]        L’article 12 de la Charte offre une protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités. Le seuil à franchir est élevé : seule une peine disproportionnée au point d’être odieuse ou intolérable, incompatible avec la dignité humaine[26], justifie une déclaration d’inopérabilité[27]. En application de cet article, la Cour suprême n’a invalidé des peines minimales que trois fois[28].

[46]        L’analyse qui s’applique à l’article 12 est contextuelle : le tribunal doit tenir compte d’une panoplie de facteurs dont aucun n’est prépondérant. Dans l’arrêt Smith, le juge Lamer, alors juge puîné, énumérait ainsi une première liste de facteurs pertinents[29] :

-       La gravité de l’infraction commise;

-       Les caractéristiques personnelles du contrevenant; et

-       les circonstances particulières de l’affaire.

[47]        Dans la décision Goltz, le juge Gonthier ajoutait à cette liste d’autres facteurs, à savoir[30] :

-       L’effet réel de la peine sur l’individu;

-       Les objectifs pénologiques applicables;

-       L’existence de solutions de rechange valables;

-       Les principes de détermination de la peine; et

-       La comparaison avec des peines infligées pour d’autres crimes du même ressort.

[48]        Dans l’arrêt récent Nur, la juge en chef McLachlin, dans le contexte des peines minimales, adopte une analyse légèrement différente[31] :

[46]      En bref, statuer sur une disposition prévoyant une peine minimale obligatoire dont on allègue l’inconstitutionnalité parce qu’elle infligerait une peine cruelle et inusitée contrairement à l’art. 12 de la Charte commande une analyse en deux étapes. Premièrement, le tribunal doit déterminer ce qui constituerait une peine proportionnée à l’infraction eu égard aux objectifs et aux principes de détermination de la peine établis par le Code criminel. Deuxièmement, il lui faut décider si la disposition contraint à l’infliction d’une peine totalement disproportionnée à la peine juste et proportionnée. Dans l’affirmative, la disposition en cause est incompatible avec l’art. 12 et de ce fait inopérante, sauf justification par application de l’article premier de la Charte.

[49]        La juge en chef a repris cette approche dans la décision encore plus récente de Lloyd[32].

[50]        Suivant cette approche, le tribunal doit en premier lieu se pencher sur le cas du contrevenant[33]. Si la peine n’est pas exagérément disproportionnée à son endroit, le tribunal décide ensuite si la disposition le serait au regard de situations hypothétiques raisonnables[34].

[51]        C’est donc dire que la deuxième étape n’est pas nécessairement obligatoire. Mais je poursuis.

[52]        La vraisemblance d’une situation hypothétique raisonnable s’évalue en fonction de l’expérience judiciaire et du bon sens[35]. Elle n’est ni invraisemblable ni difficilement imaginable[36], ce qui exclut, entre autres, l’hypothèse d’un dossier « dont la bénignité inspire la plus grande sympathie possible »[37].

[53]        La Cour suprême a récemment précisé ce que l’on entend par la situation hypothétique raisonnable dans le cadre de l’analyse d’une peine minimale obligatoire[38] :

[57]      Au fil des ans, le mot « hypothétiques » l’a malheureusement emporté sur le mot « raisonnables », d’où le débat quant à savoir à quel point la situation hypothétique avancée doit avoir une portée générale ou particulière. D’où également la proposition malheureuse selon laquelle le juge du procès voit son analyse viciée s’il omet d’attribuer à la situation hypothétique considérée un enchaînement précis de caractéristiques. Soit dit en tout respect, c’est compliquer inutilement les choses. Il faut seulement se demander s’il est raisonnablement prévisible que la disposition prévoyant une peine minimale obligatoire inflige une peine totalement disproportionnée dans le cas de certaines personnes, de sorte qu’elle contreviendrait à l’art. 12. La notion de « situations hypothétiques raisonnables » peut être utile à cet égard, mais la principale question demeure celle de savoir si la peine considérée serait totalement disproportionnée dans des cas raisonnablement prévisibles. La démarche équivaut fondamentalement à appliquer des principes bien établis d’interprétation juridique et constitutionnelle.

[Soulignements ajoutés]

La jurisprudence récente de la Cour suprême

[54]        Les deux décisions récentes de la Cour suprême en pareille matière, R. c. Nur et R. c. Lloyd, déjà mentionnées, comportent plusieurs similarités.

[55]        Dans les deux cas, les contrevenants concédaient que la peine minimale applicable ne constituait pas une peine exagérément disproportionnée dans leur cas, mais plaidaient qu’elle pouvait en constituer une dans son application raisonnablement prévisible. Dans les deux cas, les juges majoritaires ont déclaré inconstitutionnelles les peines minimales en litige.

[56]        Les motifs majoritaires des deux décisions sont rédigés par la juge en chef McLachlin. Le juge Moldaver est l’auteur des motifs dissidents de la décision Nur, accompagné par les juges Rothstein et Wagner. Dans Lloyd, ce sont les juges Wagner, Gascon et Brown qui s’opposent aux motifs des juges majoritaires.

R. c. Nur

[57]        La disposition en litige dans Nur était l’article 95(2) C.cr. Cet article interdit la possession d’une arme à feu prohibée et chargée, une infraction mixte passible d’une peine minimale de trois ans sur mise en accusation et d’une peine minimale d’un an par voie de procédure sommaire. Les juges majoritaires ont déterminé que la disposition violait l’article 12 de la Charte et ne pouvait se justifier par l’application de l’article premier.

[58]        Nur est le premier dossier dans lequel la Cour suprême s’est penchée sur la constitutionnalité d’une peine minimale dans le cadre d’une infraction mixte[39]. Cette distinction est importante pour notre dossier parce que la suramende compensatoire s’applique à toute infraction au Code criminel et que, dans le cadre des infractions mixtes, elle s’évalue en fonction des deux régimes disponibles à la poursuite.

[59]        Selon la majorité, sous la plume de la juge en chef McLachlin, une loi invalide dont la poursuite corrige ponctuellement les vices n’est pas compatible avec la responsabilité du législateur d’édicter des lois et des peines constitutionnelles[40]. L’argument des juges dissidents voulant qu’il faille tenir compte du pouvoir de la poursuite d’opter de procéder par voie sommaire afin d’éviter une peine disproportionnée reviendrait à « déléguer l’obligation constitutionnelle des tribunaux aux poursuivants — des salariés de l’État —, ce qui ne soustrait pas l’accusé au risque de se voir infliger une peine totalement disproportionnée.[41] »

[60]        Pour les juges majoritaires, ce risque est d’une grande importance dans le cadre des peines minimales. Dans un obiter dictum, la juge en chef McLachlin décrit les difficultés constitutionnelles occasionnées par l’imposition de peines minimales, apportant une nuance à l’enseignement jurisprudentiel[42] qu’une peine minimale n’est pas en soi cruelle et inusitée. Elle écrit :

[44]      La peine minimale obligatoire est en soi susceptible de s’écarter du principe de proportionnalité lors de la détermination de la peine. Elle est davantage axée sur la dénonciation, la dissuasion générale et le châtiment que sur ce qui constitue une peine appropriée au vu de la gravité de l’infraction, de la culpabilité morale du délinquant et du préjudice causé. Implacable, la peine minimale obligatoire est susceptible d’empêcher le tribunal d’arrêter une peine proportionnelle se situant à l’extrémité inférieure de la fourchette. Dans certains cas extrêmes, elle peut même emporter l’infliction d’une peine injuste, le délinquant n’étant plus au centre du processus, et ce, d’une manière qui contrevient au principe de proportionnalité. Elle modifie le processus général de la détermination de la peine, lequel prend appui sur l’examen de tous les éléments pertinents pour arriver à un résultat proportionné. Elle influe sur le résultat en modifiant le processus judiciaire habituel de détermination de la peine.

[Soulignements ajoutés]

R. c. Lloyd

[61]        Dans la décision Lloyd, la juge en chef ira encore plus loin dans sa critique des peines minimales[43] :

[35]      Le fait est, je le répète, au vu de l’arrêt Nur, que la peine minimale obligatoire qui, comme celle contestée en l’espèce, s’applique à une infraction susceptible d’être perpétrée de diverses manières, dans maintes circonstances différentes et par une grande variété de personnes se révèle vulnérable sur le plan constitutionnel. La raison en est que la disposition qui la prévoit englobera presque inévitablement une situation hypothétique raisonnable acceptable dans laquelle le minimum obligatoire sera jugé inconstitutionnel. Si le législateur tient à prévoir des peines minimales obligatoires pour des infractions qui ratissent large, il lui faudra envisager de réduire leur champ d’application de manière qu’elles ne visent que les délinquants qui méritent de se les voir infliger.

[Soulignements ajoutés]

[62]        Cette observation me semble particulièrement pertinente dans notre cas, car la disposition concernée, je le répète, s’applique à toutes les infractions prévues au Code criminel.

[63]        Dans Lloyd, la Cour s’est penchée sur l’article 5(3)a)(i)(D) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (L.r.c.d.s.)[44]. Cet article prévoit une peine minimale d’un an d’emprisonnement lorsque le contrevenant :

-       (1) est déclaré coupable de trafic ou de possession en vue d’en faire le trafic de toute quantité d’une substance inscrite à l’annexe I (telles la cocaïne, l’héroïne ou la méthamphétamine), ou de trois kilogrammes ou plus d’une substance inscrite à l’annexe II (tel le cannabis); et

-       (2) au cours des dix années précédentes avait déjà été déclaré coupable de toute infraction prévue par la partie I de la L.r.c.d.s., sauf la possession simple.

[64]        Les juges majoritaires, en déclarant cette disposition inconstitutionnelle, soulignent que la plupart des Canadiens seraient consternés d’apprendre qu’un toxicomane qui partage avec un ami une petite quantité de drogue récolte un an de prison parce qu’il a déjà été reconnu coupable de trafic, une seule fois, neuf ans auparavant, après avoir partagé de la marihuana lors d’une réunion sociale.

Les décisions de la Cour d’appel

[65]        J'ouvre une parenthèse pour répondre à la question suivante : le juge de première instance a-t-il erré en droit en omettant de se prononcer sur la qualification de la suramende compensatoire comme peine minimale?

[66]        Je crois que oui.

[67]        Le juge du procès est réputé connaître le droit[45] et l’insuffisance des motifs n’est normalement pas un moyen d’appel en soi. Pour pouvoir invoquer ce motif, l’appelant doit établir non seulement les lacunes du jugement, mais également que ces lacunes lui ont causé un préjudice dans l’exercice du droit d’appel, à savoir la possibilité pour cette Cour d’apprécier la justesse de la décision de première instance[46].

[68]        En l’espèce, le juge de première instance a passé sous silence une controverse jurisprudentielle importante ainsi qu’une décision récente de la Cour suprême qui touche au cœur de la question dont il était saisi.

[69]        J’ajoute toutefois que pareille omission n’empêche pas, ici, une analyse de la justesse de sa décision. En effet, l’arrêt de cette Cour dans Cloud[47] règle plusieurs questions qui permettent une analyse valable en appel malgré la paucité des motifs en première instance.

[70]        Dans Cloud, la constitutionnalité de l’article 737 C.cr. n’avait pas été soulevée en première instance[48] ni devant la Cour d’appel[49], malgré que la qualification de la suramende compensatoire ait été au cœur du litige.

[71]        La décision du juge Healy en première instance qualifiait la suramende compensatoire de peine minimale[50]. En appel, cette Cour, sous la plume du juge Vauclair, a confirmé cette qualification[51] :

[55]      La suramende est une mesure unique, qui n’est ni une amende ni un dédommagement au sens de l’article 738 C.cr. Je suis d’accord avec la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse lorsqu’elle conclut que la suramende est unique en son genre, mais plus proche d’une mesure de dédommagement général[29].

[56]      Bref, je ne vois aucun obstacle à ce que la suramende ne soit ni une amende ni un dédommagement, mais plutôt une sanction pécuniaire, mesure autonome et originale. Bien que le législateur ait manifestement déterminé qu’elle doive être administrée à plusieurs égards comme une amende, cela ne change pas son caractère unique et sa véritable nature.

[57]      Cela dit, la suramende s’inscrit dans la partie du Code criminel sur la détermination de la peine et il n’y a aucune raison de croire qu’elle n’en fait pas partie. Il ne s’agit pas d’une simple conséquence indirecte de la peine comme « facteu[r] li[é] à la situation personnelle du délinquant »[30], mais bien d’un élément à part entière de chaque peine. D’ailleurs, bien avant la réforme de la partie XXIII du Code criminel sur la détermination de la peine, en 1996, et bien avant la modification de 2013 qui rendait la suramende obligatoire, le juge devait en tenir compte[31].

[29]   R. c. Crowell (1992), 1992 CanLII 2506 (NS CA), 76 C.C.C. (3d) 413, 420 (C.A.N.-É).

[30]   R. c. Pham, 2013 CSC 15 (CanLII), [2013] 1 R.C.S. 739, par. 11.

[31]   R. c. Crowell (1992), 1992 CanLII 2506 (NS CA), 76 C.C.C. (3d) 413, 420 (C.A.N.-É).

 

[Soulignements ajoutés]

[72]        L’affaire Chaussé confirme succinctement que la suramende compensatoire équivaut à une peine minimale[52] :

[36]      Les dispositions sur la suramende compensatoire, équivalent d'une peine minimale insensible aux capacités de payer du délinquant[15] et qui comporte un délai rigide, reportent nécessairement l’inévitable décision sur les conséquences au défaut de paiement.

[15]   En fait, les dispositions sur la suramende compensatoire présument la capacité de payer puisque le Code criminel prévoit, au paragraphe 737(3), que le juge doit en tenir compte s’il impose un montant supérieur. […]

Ailleurs au Canada

[73]        Ailleurs au Canada, nous retrouvons des jugements qui rejoignent les conclusions de notre Cour[53] tout aussi bien qu’un courant jurisprudentiel contraire. Ce dernier refuse de qualifier la suramende compensatoire de peine - encore moins de peine minimale[54]. Selon ce courant jurisprudentiel, la suramende compensatoire ne serait qu’une ordonnance auxiliaire obligatoire.

[74]        À titre d’exemple, je reprends les mots du juge Glass de la Cour supérieure de l’Ontario[55] :

[29]      I do not read a surcharge to be a fine. It is not in the form of a penalty. It flows from a conviction for a crime, but it is not a sanction in its own right. Rather, it is quite simply what the Crown has described it to be, which is a sum of money established to be a consequence of breaking the law. That is different from a sanction because is it not in the same category as a fine, a tax, or a penalty. Rather, the surcharge is a sum of money that goes into a pool of resources to help victims of crime. Just as there are requirements for providing DNA samples upon conviction of offences and they are not sanctions, so do victim surcharges become requirements without being penalties.

[Soulignements ajoutés]

Application aux faits

[75]        Bref, il existe une controverse jurisprudentielle vive et pertinente quant à la qualification de la suramende compensatoire. Si les parties admettent ici que la suramende compensatoire constitue une peine, la question de savoir si elle constitue une peine minimale demeure clairement contestée.

[76]        Poursuivant l’analyse sous l’article 12 de la Charte, j’aborde maintenant le cas de l’appelant.

Le juge de première instance a-t-il erré en droit en omettant une évaluation de l’impact de la suramende sur les principes de la proportionnalité et de l’individualisation de la peine imposée à l’appelant[56]?

[77]        Avec respect pour le juge de première instance, je réponds oui à cette question.

[78]        Le juge de première instance, avant de proposer une peine pour l’ensemble des infractions, est tenu de déterminer, lorsque possible et opportun de le faire, une peine pour chaque infraction[57]. Trois arrêts récents de la Cour confirment l’importance de cette démarche[58]. Dans l’arrêt Desjardins, le juge Mainville signale que cet exercice est surtout crucial en matière de peines consécutives - comme l’est la suramende compensatoire[59] - afin d’éviter la distorsion d’une peine[60]. À mon avis, ce risque de distorsion s’est réalisé dans le dossier à l’étude.

[79]        Je rappelle que le paragraphe 737(5) C.cr., abrogé en octobre 2013, et cité au paragraphe [42], conférait au juge de la sentence la discrétion de dispenser le contrevenant du paiement de la suramende compensatoire.

[80]        En l’espèce, appliquant le droit du contrevenant de bénéficier de la peine la moins sévère[61], le juge de première instance a exercé sa discrétion de ne pas infliger la suramende compensatoire pour les infractions commises avant l’abrogation de ce pouvoir[62]. Sa décision implique nécessairement qu’il considérait que l’imposition de la suramende causerait un préjudice injustifié à l’appelant. Cette conclusion est troublante sur le plan du droit.

[81]        En effet, parmi les situations hypothétiques raisonnables se trouve certainement celle de l’appelant s’il avait commis les mêmes infractions quelques mois plus tard. Dans cette hypothèse, sa suramende compensatoire n’aurait pas été de 1 400 $, mais bien plutôt d’au moins 4 000 $. Suivant l’arrêt Nur, comme l’analyse de l’article 12 de la Charte requiert d’envisager la possibilité que toutes les infractions soient poursuivies par mise en accusation, la suramende compensatoire, ici, aurait atteint 4 600 $.

[82]        Dans l’arrêt Cloud, la Cour précise[63] , sous la plume du juge Vauclair :

[73]      Aux fins de façonner une peine proportionnelle et individualisée, le juge doit composer avec cet élément obligatoire de la peine [la suramende compensatoire], en sus des autres obligations pénales que lui impose la loi comme celle énoncée à l’alinéa 718.2e) C.cr.

[74]      J’admets d’emblée que le choix législatif soulève des difficultés dont on pourrait discuter dans un autre contexte. Le juge ne peut pas cependant, au moment de prononcer la peine, imposer des amendes qui n’ont pas et qui ne peuvent pas avoir d’objectif pénologique cohérent sinon celui de vouloir neutraliser la suramende.

[75]      Le juge doit donc, au moment de déterminer la peine, tenir compte du principe de totalité et de proportionnalité, ce qui inclut une ponction monétaire, la suramende ou l’équivalent en travaux compensatoires. Les avocats doivent faire de même lorsqu’ils réfléchissent à une suggestion commune. […]

[Soulignements ajoutés]

[83]        Je partage entièrement l’avis du juge Vauclair.

[84]        J’ajoute toutefois que le pouvoir d’un/e juge d’assouplir les autres composantes de la peine constitue une garantie inadéquate de la constitutionnalité de l’article 737 C.cr. Même si un/e juge pouvait valablement réduire au minimum les autres composantes de la peine - ce qui est loin d’être certain[64] - il n’en demeure pas moins que l’imposition de la suramende sans égard à la capacité financière de l’accusé peut à elle seule constituer une peine cruelle et inusitée.

[85]        En l’espèce, je considère opportun de reprendre l’analyse de l’application de l’article 12 de la Charte à la situation de l’appelant.

Les caractéristiques personnelles du contrevenant

[86]        Sans aucunement chercher à diminuer la gravité des infractions commises par l’appelant, il reste que le juge de première instance a reconnu que l’appelant avait commis les plus graves, soit les introductions par effraction, pendant une période où il était sans emploi ni domicile fixe[65].

[87]        L’appelant n’a jamais eu de source de revenus stable. Son potentiel de revenus est des plus faibles. Il n’a pas complété son secondaire. Il sait lire, dit-il, mais a « plus de la misère » à écrire[66].

Les objectifs pénologiques

[88]        Le juge de première instance opine que « [s]i l’accusé considère que le montant total des suramendes qu’il devra payer représente une somme excessive, celui-ci n’a que lui seul à blâmer, vu le nombre élevé d’infractions qu’il a commises… » La procureure générale du Québec reprend essentiellement ce commentaire lorsqu’elle avance que nous ne saurions « donner une prime au crime », soulignant en outre le rôle important que joue la suramende compensatoire dans la prise de conscience de la responsabilité de l’accusé - ainsi que l’importance de cet objectif, un thème récurrent dans les débats parlementaires.

[89]         L’appelant répond que la sentence de pénitencier proposée était suffisante pour répondre aux objectifs pénologiques de l’article 718 C.cr.

L’existence de solutions de rechange valables

[90]        Selon l’appelant, les solutions de rechange disponibles sont insuffisantes pour garantir la constitutionnalité de la suramende compensatoire depuis que la discrétion judiciaire de ne pas l’imposer a été abrogée, le retrait de cette discrétion mettant en péril la proportionnalité et l’individualisation - donc la justesse - de la peine.

[91]        La procureure générale du Québec invoque à son tour les moyens disponibles pour mitiger l’impact de la suramende compensatoire sur un contrevenant donné. Je propose maintenant d’examiner ces moyens tels que les parties les ont envisagés afin de déterminer s’ils constituent des solutions palliatives adéquates.

Prolongation du délai de paiement

[92]        En vertu de l’article 734.3 C.cr. le tribunal peut prolonger le délai de paiement de la suramende compensatoire. Toutefois, le tribunal qui accorde un délai doit demeurer conscient de l’enseignement de la Cour suprême dans R. c. Pham[67] selon lequel une peine ne peut être modifiée dans le but d’éviter les conséquences d’une peine minimale.

[93]        À titre d’exemple et par analogie, dans l’arrêt Wu, le juge Binnie commente avec approbation une décision de cette Cour qui a permis à un contrevenant d’étaler le paiement d’une amende de 5 000 $ sur trois ans, ce qui équivaut à un paiement de 138 $ par mois[68].

[94]        La seule preuve devant le juge de première instance quant aux moyens financiers de l’appelant démontre que jusqu’à maintenant, un versement mensuel de 400 $ d’aide gouvernementale constitue son seul revenu. À la lumière de cette preuve, il est acquis que l’appelant ne saurait rencontrer des versements mensuels de 138 $. Son procureur propose plutôt des paiements mensuels de 10 $, dont le réalisme ne saute pas aux yeux.

[95]        La technicienne judiciaire au bureau du percepteur des amendes précise qu’en général les ententes prises avec le percepteur sont plutôt de l’ordre de 20 à 50 $ par mois. Selon ces hypothèses, le paiement de la suramende compensatoire de l’appelant, sans présumer du caractère réaliste de ces montants pour une personne qui doit vivre avec 400 $ par mois, s’étalerait ainsi dans le temps :[69]

 

Suramende compensatoire payable

Nombre de paiements mensuels de 10 $

Nombre de paiements mensuels de 20 $

Nombre de paiements mensuels de 50 $

Nombre de paiements mensuels de 140 $

1 400 $

140

70

28

10

4 000 $

400

200

80

29

4 600 $

460

230

92

33

 

[96]        Je note que plusieurs jugements invoquent, avec raison, l’effet néfaste du stress imposé sur le contrevenant qui vit à long terme avec pareille épée de Damoclès[70]. D’autres avancent qu’un tel constat est spéculatif et, en l’absence d’une preuve quasi scientifique, rejettent l’idée d’un préjudice découlant du stress imposé par de telles dettes[71] sur une personne indigente.

[97]        C’est méconnaître, à mon avis, la nature humaine. Devant un obstacle trop grand, beaucoup se découragent. Ce serait larguer les principes de réhabilitation et de réinsertion sociale que d’écarter l’effet, sur l’être humain, d’obstacles évidemment insurmontables pour l’individu concerné. Bien que l’article 15 n’ait pas été abordé devant nous, je note que de le qualifier de « bouclier » servant à protéger les indigents contre l’application de la loi néglige l’aspect, pourtant important, de l’égalité réelle. Si on interdit au riche comme au pauvre de voler du pain, il serait fondamentalement injuste pour le pauvre de récolter une punition dont les effets sont exagérément disproportionnés en comparaison avec ceux subis par le riche.

Travaux compensatoires

[98]        Contrairement au paiement de la suramende compensatoire en espèces, l’option de s’acquitter de la suramende compensatoire par acquisition de crédits au titre de travaux compensatoires ne peut excéder une durée maximale de deux ans[72].

[99]        Le taux de conversion applicable, inchangé depuis 1995, est fixé par l’article 336 du Code de procédure pénale (C.p.p.) :

Pour la partie des sommes dues entre:

Une heure de travail compensatoire équivaut à:

1 $         et       500 $:

501 $     et    5 000 $:

5 001 $  et  10 000 $:

10 001 $ et 15 000 $:

15 001 $ et 20 000 $:

20 001 $ et 25 000 $:

25 001 $ et 30 000 $:

30 001 $ et 35 000 $:

35 001 $ et 40 000 $:

40 001 $ et 45 000 $:

45 001 $ et 50 000 $:

50 001 $ et plus:

10 $

20 $

40 $

60 $

80 $

100 $

120 $

140 $

160 $

180 $

200 $

320 $

 

[100]     Tenant pour acquis que l’alternative de travaux compensatoires est toujours disponible, ce qui ne semble pas être le cas[73], la conversion en travaux compensatoires serait la suivante :

Suramende compensatoire payable

Heures du travail

Semaines de travail à temps plein

1 400 $

50 x 10 $/h

45 x 20 $/h

95 heures

2

4 000 $

50 x 10 $/h

175 x 20 $/h

225 heures

5.5

4 600 $

50 x 10 $/h

205 x 20 $/h

255 heures

6

 

[101]     À l’instar du juge Vauclair dans l’affaire Chaussé[74], je note que la législation et la preuve sont muettes quant à la possibilité d’effectuer des travaux compensatoires en détention. Cette preuve aurait été pertinente en l’espèce puisque l’appelant sera détenu tout au long des 45 jours du délai de paiement initial et pendant les deux tiers du délai de deux ans alloué pour effectuer de tels travaux[75], ce qui rend cette alternative, en l’espèce, des plus aléatoires.

[102]     Enfin, si cette approche ex post facto constitue un moyen de percevoir une somme qui ne peut être perçue, elle ne constitue pas un moyen de rééquilibrer une peine qui est à son origine disproportionnée. En d’autres mots, ce moyen de perception ne constitue pas un remède juridique à l’imposition d’une peine injuste et disproportionnée.

L’emprisonnement

[103]     L’article 734.7 C.cr. régit l’emprisonnement pour défaut de s’acquitter de la suramende compensatoire. L’émission d’un mandat d’incarcération est subordonnée au refus du contrevenant, sans excuse raisonnable, soit de payer l’amende, soit de s’en acquitter en effectuant des travaux compensatoires. Chaque jour d’emprisonnement compense 80 $ de la dette exigible. Pour l’appelant, l’acquittement de sa dette en jours de prison serait calculé ainsi :

Suramende compensatoire payable

Jours en prison

1 400 $

18

4 000 $

50

4 600 $

58

[104]     Une autre précision s’impose : nous ne saurions assimiler à un refus ni le défaut de paiement pour cause d’indigence[76] ni le défaut de payer en l’absence d’un programme de travaux compensatoires[77]. Ceci étant, le spectre de l’incarcération des débiteurs démunis semble être écarté - du moins en principe.

[105]     Or, dans l’affaire Chaussé, la Cour a envisagé l’hypothèse d’un contrevenant qui n’a et n’aura jamais les moyens financiers ou la capacité d’effectuer des travaux et qui, par conséquent, peut demander son emprisonnement immédiatement afin de se libérer de la suramende compensatoire[78]. Autrement, pour ce type de contrevenant, l’emprisonnement demeure une deuxième épée de Damoclès[79] :

[66]      Toutefois, dans le cas d’une personne indigente, l’appelante plaide que les procédures de recouvrement de la suramende compensatoire peuvent recommencer perpétuellement. Cela me laisse perplexe. Sans surprise, ni l’arrêt Wu ni les textes législatifs n’offrent de réponse. La Cour a déjà dit qu’ « il n'est pas improbable qu'un mandat d'incarcération ne soit jamais émis »[38]. Tout indique que cette proposition est correcte, mais doit-on un jour trancher définitivement la question? Sinon, combien de fois et à quelle fréquence acceptable la personne indigente peut-elle être forcée de comparaître, peut-être arrêtée et détenue[39], afin de déterminer si elle a toujours une « excuse raisonnable » de ne pas payer ou de ne pas exécuter des travaux compensatoires? D’ailleurs, l’article 734.7 C.cr. autorise-t-il le tribunal à prolonger un délai de payer s’il détermine que le délinquant a une excuse raisonnable de refuser de payer ou d’exécuter des travaux compensatoires? Dans la décision Cook, la Cour supérieure conclut qu’un tribunal épuise sa compétence lorsqu’il prononce une ordonnance d’emprisonnement pour défaut de paiement[40]. N’en serait-il pas de même lorsqu’il la refuse?

[38]   R. c. Deng, 2003 CanLII 32942 (QC CA), 2003 CanLII 32942, par. 21 (C.A.Q.).

[39]   L’article 734.7(3) C.cr. prévoit notamment l’application des dispositions relatives à l’arrestation des personnes pour les amener à comparaître devant le juge de paix.

[40]   R. c. Cook, 2014 QCCS 6657 (CanLII).

 

[106]     Les observations du juge Vauclair rejoignent celles du juge Paciocco, de la Cour de la justice de l’Ontario, pour qui l’imposition d’une suramende compensatoire à un contrevenant impécunieux s’apparente à une peine non déterminée[80].

[107]     Comme déjà mentionné, la seule preuve devant le juge de première instance quant aux moyens financiers de l’appelant démontre que, jusqu’à maintenant, un versement mensuel de 400 $ d’aide gouvernementale constitue son seul revenu. Cette preuve n’est pas contestée.

[108]     Selon Statistiques Canada, le seuil de faible revenu avant impôt pour une personne comme l’appelant (c’est-à-dire, un adulte célibataire et sans enfant, habitant dans une ville de plus de 500 000 habitants) est de 24 328 $[81], plusieurs fois au-dessus des revenus de l’appelant.

[109]     Dans ces circonstances, l’imposition d’une suramende de 1 400 $ est excessive au point de ne pas être compatible avec la dignité humaine. D’ailleurs, à mon avis, la plupart des Canadiens seraient consternés d’apprendre qu’un juge aurait imposé une suramende qui représente 30 % des revenus annuels d’une personne qui ne dispose que de 4 800 $ annuellement pour vivre.

[110]     De plus, la circonstance la plus particulière en l’espèce est la suivante : ici, le juge de première instance a pu exercer la discrétion qui lui a maintenant été retirée. Il a pu exempter l’appelant de cette suramende pour les infractions antérieures à l’amendement. Tel que déjà mentionné, si les infractions avaient été commises plus tard dans le temps, l’appelant aurait dû à l’État une somme de 4 000 $, qu’il n’aurait vraisemblablement pu payer en espèces, et pour laquelle les solutions de rechange auraient été encore plus onéreuses, selon les tableaux reproduits précédemment, pour quelqu’un qui tente de se réinsérer dans le tissu social.

[111]     Il demeure donc opportun d’analyser les situations hypothétiques raisonnables qu’avance l’appelant, dont notamment celle selon laquelle il aurait commis les mêmes infractions après l’amendement attaqué.

[112]     Ceci nous amène à la question suivante.

Le juge de première instance a-t-il erré en droit dans son analyse des situations hypothétiques raisonnables?

[113]     Dans l’arrêt Nur, la Cour suprême reprend en détail plusieurs aspects de l’analyse des situations hypothétiques raisonnables. Elle précise qu’un tribunal peut se pencher non seulement sur la situation du contrevenant, mais aussi sur toute autre situation raisonnablement prévisible à laquelle la disposition pourrait s’appliquer[82]. L’éventail des situations hypothétiques raisonnables est donc très large : seules sont écartées les situations « invraisemblables » ou « n’ayant qu’un faible rapport avec l’espèce »[83]. La considération des cas répertoriés est explicitement permise[84]. Ainsi, le tribunal peut tenir compte des caractéristiques personnelles des personnes auxquelles la peine minimale pourrait s’appliquer, mais doit se garder de constituer un dossier qui, par sa bénignité, inspirerait la plus grande sympathie possible[85].

Application aux deux hypothèses soulevées par l’appelant

[114]     En l’espèce, l’éventail de situations hypothétiques raisonnables me semble presque illimité, car la suramende compensatoire s’applique à toutes les infractions du Code criminel. Avec respect pour l’opinion contraire, j’estime que le juge de première instance a erré en refusant de considérer les deux situations hypothétiques soulevées par l’appelant.

L’hypothèse de 56 chefs de liberté illégale

[115]     Le juge de première instance a écarté comme hypothèse raisonnable l’exemple de la personne accusée de 56 chefs de « liberté illégale » car la capacité financière de l’accusé n’est pas, à son avis, pertinente à l’analyse[86]. Cette position est clairement écartée par la décision Nur, non seulement parce que cette décision enseigne que les caractéristiques du contrevenant peuvent être prises en compte, mais aussi parce qu’elle prévoit spécifiquement la considération de cas répertoriés. Comme le décrit la requête en déclaration d’inconstitutionnalité de l’appelant, cette hypothèse s’inspire d’un dossier récent dans le district de St-François, soit le dossier d’un dénommé Lacroix.

[116]     Le plumitif dans ce dossier fait voir que le contrevenant faisait face à 56 chefs de liberté illégale, tous poursuivis par mise en accusation. Si ces chefs avaient été maintenus, M. Lacroix se serait vu imposer une suramende compensatoire de 11 500 $. L’appelant fait observer que même si la poursuite avait choisi de procéder par voie sommaire, la suramende compensatoire aurait été de 5 600 $, soit plus que l’amende maximale de 5 000 $ prévue par l’article 787(1) C.cr. Dans les faits, il y a eu arrêt des procédures à l’endroit de 55 des 56 chefs d’accusation.

[117]     Citant l’arrêt Desjardins[87], le juge de première instance opine que la totalité de la suramende compensatoire, dans le cas de chefs multiples, ne peut pas servir de démonstration qu’une peine est exagérément disproportionnée. Comme déjà mentionné, il estime que l’appelant n’a que lui seul à blâmer, vu le nombre élevé de ses infractions[88]. La procureure générale du Québec épouse cet argument, ajoutant que « les tribunaux ont rejeté cette approche globale des sanctions pécuniaires ».

[118]     L’argument de la procureure générale est facilement écarté[89]. À l’appui de sa prétention que les tribunaux ont rejeté l’approche globale, elle n’invoque qu’une seule décision, en provenance de la Cour du Québec, soit AMF c. Demers[90]. Avec égards, il serait difficile de trouver un cas d’espèce plus éloigné du cas sous étude.

[119]     Dans Demers, la Cour du Québec a imposé une amende de 1 297 500 $ et 30 mois d’emprisonnement à Steven Demers, qui avait été trouvé coupable de 346 chefs d’accusation. M. Demers avait aidé deux compagnies (1) à procéder au placement d’une forme d’investissement sans prospectus et (2) à exercer l’activité de courtier en valeurs mobilières sans être inscrit à ce titre auprès de l’AMF. À la lumière de ces faits particuliers, il n’est guère surprenant que la décision n’ait que rarement été citée dans un contexte autre que celui d’une poursuite par l’AMF[91].

[120]     Le cas de l’appelant se distingue également des décisions rendues en vertu de la Loi sur l’accise, dont l’arrêt Desjardins cité par le juge de première instance[92]. Dans cette série de décisions, quatre cours d’appel ont tranché que des peines minimales impressionnantes n’étaient ni cruelles ni inusitées puisque que les sentences prenaient en compte la quantité de biens de contrebande, la magnitude des profits illégaux et l’amende imposée. En d’autres mots, l’amende imposée était proportionnelle à la culpabilité du contrevenant.

[121]     L’argument de la proportionnalité est difficile à soutenir dans le cas de la suramende compensatoire, qui n’atteint que 600 $ pour le meurtrier d’une famille de trois personnes, mais 11 600 $ dans la situation hypothétique soulevée par l’appelant. Elle est aussi difficile à soutenir dans un cas semblable à celui de l’appelant.

[122]     La seule raison qui fait en sorte qu’en l’espèce, le juge de première instance parvient à une somme de suramende compensatoire moindre est précisément parce qu’il a pu exercer une discrétion qui lui est maintenant retirée. Comme l’a souligné la Cour suprême, le Parlement peut restreindre le pouvoir du tribunal d’infliger une peine juste, mais il ne saurait exiger l’imposition d’une peine exagérément disproportionnée[93].

[123]     À vrai dire, je comprends difficilement pourquoi l’appelant ne soulève pas sa propre situation comme situation hypothétique raisonnable alors que quelque mois plus tard, il aurait eu inéluctablement une dette d’au moins 4 000 $ à rembourser.

[124]     Selon moi, une telle suramende serait nettement et exagérément disproportionnée. Dans la meilleure des hypothèses, elle se traduirait par des paiements mensuels étalés sur 6 ans, ou encore 5 semaines et demie de travail à temps plein, ou encore 50 jours d’emprisonnement en sus des 36 mois d’emprisonnement déjà imposés.

[125]     La conclusion que ce résultat cause à l’appelant un préjudice injustifié découle du raisonnement adopté en première instance. Si le juge a estimé qu’une peine totale de 36 mois d’emprisonnement et une suramende compensatoire de 1 400 $ constituaient une peine raisonnable, c’est qu’il estimait nécessairement, exerçant une discrétion qui lui a maintenant été retirée, que la même période d’emprisonnement plus une suramende compensatoire automatique de 4 000 $ aurait causé à l’appelant un préjudice injustifié.

[126]     La jurisprudence est truffée d’exemples de contrevenants qui seraient indûment affectés par la suramende compensatoire. Je partage l’avis du juge Paciocco qu’une telle peine automatique, sans la discrétion de la réduire dans le cas d’une personne indigente « …deprives them of the ability to repay their debt to society. Because they do not have the means to repay, they lose the opportunity to be restored.[94] » J’estime qu’il est incohérent en droit et contraire à la dignité humaine d’imposer des peines qui s’apparentent à une peine non déterminée pour la seule raison qu’un contrevenant est impécunieux.

[127]     Pour cette raison, l’abrogation de la discrétion judiciaire autrefois prévue par l’article 737 C.cr. est à mon avis inconstitutionnelle.

[128]     Ceci étant, il ne me paraît pas nécessaire de traiter de l’hypothèse d’un accusé qui pourrait bénéficier d’une absolution inconditionnelle, qui ne s’applique pas ici. Le principe de la retenue judiciaire m’incite à ne pas m’en exprimer davantage dans le présent contexte.

L’atteinte est-elle justifiée par application de l’article premier de la Charte?

[129]     Bien que les parties n’en aient pas parlé, il vaut la peine de se pencher sur l’application de l’article 1. En l’espèce, il demeure possible de trancher de la question en complétant le dossier en appel « par le bon sens et le raisonnement par déduction »[95]. Je souligne qu’à cette étape de l’analyse, il incomberait à l’État de démontrer que l’atteinte au droit envisagée à l’article 12 est raisonnable dans une société libre et démocratique. Aucune explication n’a été fournie quant à cette lacune de la part de la poursuite, qui a ainsi failli à son devoir de fournir à la Cour les données nécessaires pour trancher cette question. Nonobstant cette omission, je poursuis l’analyse comme le requiert la loi.

[130]     Ce qui n’est pas remis en question par quiconque, c’est l’objectif du législateur, c’est-à-dire la responsabilisation des contrevenants par l’imposition d’une amende dont les sommes servent à financer les services provinciaux et territoriaux de soutien aux victimes[96]. Pourtant, lorsque la suramende compensatoire est imposée sans égard à la capacité du contrevenant de payer, il me semble qu’il n’y a aucun lien rationnel entre ces objectifs et la mesure imposée. Imposer une suramende qui de toute évidence ne sera jamais payée ne sert pas à avancer l’objectif du législateur : c’est tout simplement l’équivalent de punir pour punir, ce qui est cruel et incohérent en droit.

[131]     Et même si j’avais tort sur ce point, il me semble manifeste qu’une peine exagérément disproportionnée ne peut respecter ni le critère de l’atteinte minimale ni celui de la proportionnalité[97]. Je me répète : lorsque la suramende compensatoire ne sera jamais payée, elle ne sert à aucune fin qui permettrait l’application de l’article 1 de la Charte.

[132]     Je propose donc d’accueillir l’appel en partie pour déclarer inconstitutionnel l’article 737 du Code criminel, tel que maintenant rédigé, c’est-à-dire sans l’ancien alinéa 5 maintenant éliminé, et d’annuler la condamnation à la suramende compensatoire imposée en première instance.

 

 

 

NICOLE DUVAL HESLER, J.C.Q.


 

 

MOTIFS DU JUGE MAINVILLE

 

 

[133]     Le retrait du pouvoir discrétionnaire d’un tribunal d’exempter un contrevenant de la suramende compensatoire fédérale prévue à l’article 737 du Code criminel fait-il de celle-ci une peine cruelle et inusitée au sens de l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés[98]? C’est la question que soulève l’appelant.

[134]     Pour les motifs qui suivent et ceux énoncés par le juge Schrager, je conclus qu’une contribution obligatoire affectée à l’aide aux victimes d’actes criminels d’un montant de 30 % de l’amende infligée pour une infraction ou, si aucune amende n’est infligée, de 100 $ pour une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire ou de 200 $ pour une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par mise en accusation, ne constitue pas une peine cruelle et inusitée.

[135]     Cette conclusion repose notamment sur le fait (a) qu’un juge peut tenir compte de la suramende compensatoire dans l’établissement de la peine juste et appropriée; (b) qu’aucune mesure d’exécution civile ne peut être entreprise afin d’en assurer le paiement; (c) que l’échéance de paiement peut être prolongée pour s’assurer que le contrevenant impécunieux ne risque pas un refus ou une suspension de licence ou de permis pour défaut de paiement; (d) qu’un tel individu ne pourra être emprisonné pour défaut de l’acquitter tant qu’il n’en a pas les moyens; et (e) qu’un mode facultatif de paiement au moyen de travaux compensatoires est disponible dans la plupart des provinces et territoires canadiens, dont le Québec.

La suramende compensatoire

[136]     Incorporée au Code criminel en 1989[99], la suramende compensatoire sert de soutien financier aux services provinciaux et territoriaux d’aide aux victimes d’actes criminels. Cette mesure vise la réparation partielle des torts causés aux victimes ou à la collectivité par l’ensemble des contrevenants. Elle cherche aussi à susciter chez ces derniers la conscience de leurs responsabilités envers les victimes et la communauté qui découlent de leurs activités criminelles.

[137]     Les sommes perçues au moyen de la suramende compensatoire sont affectées à l’aide aux victimes d’actes criminels en conformité avec les instructions du gouvernement de la province ou du territoire où elles sont infligées. Au Québec, c’est l’article 13 de la Loi sur l’aide aux victimes d’actes criminels[100] qui prévoit cette affectation au Fonds d’aide aux victimes d’actes criminels.

[138]     La suramende compensatoire se distingue de l’ordonnance de dédommagement sous l’article 738 du Code criminel en ce qu’elle ne vise pas le versement d’une somme du contrevenant directement à sa victime. Elle vise plutôt à instaurer une indemnité collective pour les victimes d’actes criminels, à être versée par l’ensemble des contrevenants.

[139]     Selon la disposition du Code criminel prévoyant la suramende compensatoire telle qu’édictée à l’origine en 1989, le tribunal devait ordonner le versement de celle-ci à l’égard de chaque contrevenant, mais le montant était laissé à l’appréciation du tribunal, sous la réserve qu'il ne pouvait dépasser le moins élevé de (a) 15 % de l’amende infligée ou, (b) si aucune amende n’était infligée, le montant prévu par règlement, lequel était alors établi à 35 $. Le tribunal pouvait aussi exempter un contrevenant de la suramende compensatoire si ce dernier lui démontrait qu’elle lui causerait, ou causerait aux personnes à sa charge, un préjudice injustifié. Dans un tel cas, le tribunal devait motiver sa décision.

[140]     Les dispositions du Code criminel portant sur la suramende compensatoire ont été modifiées en 1995[101] afin principalement (a) d’ajouter une période d’emprisonnement pour défaut de paiement, (b) de permettre la modification par le tribunal du montant, des modalités, des conditions et de l’échéance du paiement, et (c) pour préciser que le mode facultatif de paiement au moyen de travaux compensatoires ne s’appliquait pas.

[141]     Les recettes de la suramende compensatoire pour l’aide aux victimes se sont révélées nettement inférieures aux prévisions[102]. Des recherches réalisées par des consultants du ministère de la Justice du Canada au début des années 1990 ont révélé que, dans de nombreux cas, les tribunaux ne prenaient pas en considération la suramende compensatoire ou oubliaient de l’infliger, en particulier lorsque la peine imposée n’était pas sous la forme d’une amende[103]. Une étude de 1992 sur la mise en œuvre de la suramende compensatoire en Colombie-Britannique révélait que celle-ci n’était appliquée que rarement[104]. Une autre étude, datant de 1994, concluait qu’en Ontario, elle n’avait été imposée que dans 15 % environ des cas où elle s’appliquait[105].

[142]     En 1997, les ministres de la Justice provinciaux ont demandé au ministre de la Justice du Canada d’apporter des modifications à la suramende compensatoire afin qu’elle soit imposée d’office et d’en accroître le montant[106]. Cette demande a conduit à des modifications au Code criminel en 1999[107].

[143]     Les modifications de 1999 ont rendu non discrétionnaire le montant de la suramende compensatoire. La loi en fixe alors le montant à 15 % de l’amende infligée pour l’infraction ou, si aucune amende n’est infligée, à 50 $ pour une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire ou à 100 $ pour une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par mise en accusation. Le tribunal pouvait néanmoins ordonner une suramende compensatoire plus élevée. Par contre, si le contrevenant en faisait la demande et s’il démontrait un préjudice injustifié, le tribunal pouvait le dispenser de celle-ci, mais il devait alors motiver sa décision et consigner ses motifs au dossier.

[144]     Les amendements de 1999 précisaient également les moyens d’exécution. Les dispositions du Code criminel portant sur l’emprisonnement pour défaut de payer une amende continuaient d’être applicables à une suramende compensatoire. On y ajoutait les dispositions permettant aux autorités provinciales de suspendre ou de refuser de délivrer ou de renouveler un permis ou une licence jusqu’au paiement intégral. Les amendements précisaient à nouveau que le mode facultatif de paiement au moyen de travaux compensatoires ne s’appliquait pas à la suramende compensatoire.

[145]     Les problèmes de mise en œuvre ont persisté même après les amendements législatifs de 1999, ce qui a conduit le procureur général du Manitoba à recommander, en 2005, que le montant de la suramende compensatoire fédérale soit augmenté à 20 % des amendes imposées[108]. Les ministres de la Justice du Canada, des provinces et des territoires ont convenu de soumettre la question au Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur les victimes d’actes criminels. Le sous-ministre de la Justice du Nouveau-Brunswick a proposé que sa province serve de site pilote pour une recherche sur la suramende compensatoire afin que les résultats servent de base aux discussions sur l’efficacité des dispositions relatives à celle-ci[109].

[146]     Cette étude, publiée en 2006, a révélé que sur une période de 5 ans (2000-2005) le taux d’exemption de la suramende au Nouveau-Brunswick était de 66,2 %, malgré que le taux réel de perception des suramendes imposées était élevé, même parmi la population carcérale. Dans 99 % des dossiers examinés, aucun motif n’avait été consigné dans le dossier du tribunal lorsque le contrevenant en était exempté[110]. Une seconde étude menée en 2007 dans les Territoires du Nord-Ouest confirme des constats similaires quant au taux d’exemption[111]. Ces constats sont aussi confirmés dans une étude plus récente de 2013 portant sur la Saskatchewan pour la période 2002-2003 à 2006-2007, laquelle révèle que le taux d’exemption moyen se chiffrait alors à 73 %[112].

[147]     Les amendements de 2013 au Code criminel[113] cherchaient donc à modifier cette situation[114]. Ces amendements apportaient trois modifications au régime de la suramende compensatoire.

[148]     En premier lieu, le montant de la suramende compensatoire fut augmenté à 30 % de l’amende infligée et, si aucune amende n’est infligée, à 100 $ pour une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et à 200 $ pour une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par mise en accusation.

[149]     En second lieu, la discrétion judiciaire d’en exempter un contrevenant en cas de préjudice injustifié fut retirée, éliminant par le fait même toute exception à cette mesure. Il est utile de préciser que plusieurs provinces canadiennes avaient déjà adopté leurs propres régimes de suramende compensatoire obligatoire ne permettant aucune discrétion judiciaire dans l’imposition de celle-ci. Ainsi, dans le cas du Québec, cette mesure fut intégrée au Code de procédure pénale en 2002 par le biais de l’article 8.1, toujours en vigueur, et elle s’ajoute aux amendes provinciales, y compris aux amendes minimales, sans égard au préjudice subi par le contrevenant[115].

[150]     En troisième lieu, le mode facultatif de paiement au moyen de travaux compensatoires a été étendu afin que les contrevenants qui n’ont pas les moyens financiers d’acquitter la suramende compensatoire puissent le faire au moyen de travaux compensatoires dans les provinces et territoires qui en offrent, soit le Québec, le Nouveau-Brunswick, l’Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse, l’Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba, le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut[116].

[151]     En l’occurrence, l’article 737 du Code criminel portant sur la suramende compensatoire est maintenant ainsi rédigé :

 

737 (1) Dans le cas où il est condamné — ou absous aux termes de l’article 730 — à l’égard d’une infraction prévue à la présente loi ou à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le contrevenant est tenu de verser une suramende compensatoire, en plus de toute autre peine qui lui est infligée.

 

(2) Sous réserve du paragraphe (3), le montant de la suramende compensatoire représente :

 

a) trente pour cent de l’amende infligée pour l’infraction;

 

b) si aucune amende n’est infligée :

(i) 100 $ pour une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire,

(ii) 200 $ pour une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par mise en accusation.

(3) Le tribunal peut, s’il estime que les circonstances le justifient et s’il est convaincu que le contrevenant a la capacité de payer, ordonner à celui-ci de verser une suramende compensatoire supérieure à celle prévue au paragraphe (2).

 

(4) La suramende compensatoire est à payer à la date prévue par le lieutenant-gouverneur en conseil de la province où la suramende est imposée ou, à défaut, dans un délai raisonnable après l’imposition de la suramende.

 

 

(5) et (6) [Abrogés, 2013, ch. 11, art. 3]

 

(7) Les suramendes compensatoires sont affectées à l’aide aux victimes d’actes criminels en conformité avec les instructions du lieutenant-gouverneur en conseil de la province où elles sont infligées.

 

 

(8) Le tribunal fait donner au contrevenant un avis écrit établissant, en ce qui concerne la suramende compensatoire :

 

a)   le montant;

 

b)  les modalités du paiement;

 

c)   l’échéance du paiement;

 

d)  la procédure à suivre pour présenter une demande visant à modifier les conditions prévues aux alinéas b) et c) en conformité avec l’article 734.3.

 

(9) Les paragraphes 734(3) à (7) et les articles 734.3, 734.5, 734.7, 734.8 et 736 s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, aux suramendes compensatoires infligées aux termes du paragraphe (1) et, pour l’application de ces dispositions :

a) à l’exception du paragraphe 734.8(5), la mention de « amende » vaut mention de « suramende compensatoire »;

b) l’avis donné conformément au paragraphe (8) est réputé être une ordonnance rendue par le tribunal en application de l’article 734.1.

(10) [Abrogés, 2013, ch. 11, art. 3]

 

737 (1) An offender who is convicted, or discharged under section 730, of an offence under this Act or the Controlled Drugs and Substances Act shall pay a victim surcharge, in addition to any other punishment imposed on the offender.

 

(2) Subject to subsection (3), the amount of the victim surcharge in respect of an offence is

 

(a)  30 per cent of any fine that is imposed on the offender for the offence; or

 

(b) if no fine is imposed on the offender for the offence,

(i) $100 in the case of an offence punishable by summary conviction, and

(ii) $200 in the case of an offence punishable by indictment.

(3) The court may order an offender to pay a victim surcharge in an amount exceeding that set out in subsection (2) if the court considers it appropriate in the circumstances and is satisfied that the offender is able to pay the higher amount.

 

(4) The victim surcharge imposed in respect of an offence is payable within the time established by the lieutenant governor in council of the province in which the surcharge is imposed. If no time has been so established, the surcharge is payable within a reasonable time after its imposition.

 

(5) and (6) [Repealed, 2013, c. 11, s. 3]

 

(7) A victim surcharge imposed under subsection (1) shall be applied for the purposes of providing such assistance to victims of offences as the lieutenant governor in council of the province in which the surcharge is imposed may direct from time to time.

 

(8) The court shall cause to be given to the offender a written notice setting out

(a) the amount of the victim surcharge;

(b) the manner in which the victim surcharge is to be paid;

(c) the time by which the victim surcharge must be paid; and

(d) the procedure for applying for a change in any terms referred to in paragraphs (b) and (c) in accordance with section 734.3.

 

(9) Subsections 734(3) to (7) and sections 734.3, 734.5, 734.7, 734.8 and 736 apply, with any modifications that the circumstances require, in respect of a victim surcharge imposed under subsection (1) and, in particular,

(a) a reference in any of those provisions to “fine”, other than in subsection 734.8(5), must be read as if it were a reference to “victim surcharge”; and

(b) the notice provided under subsection (8) is deemed to be an order made under section 734.1.

(10) [Repealed, 2013, c. 11, s. 3]

Le cadre d’analyse de l’article 12 de la Charte

[152]     L’article 12 de la Charte tire son origine du Bill of Rights d’Angleterre de 1688[117], lequel prévoit notamment ce qui suit :

That excessive Bail ought not to be required, nor excessive Fines imposed; nor cruel and unusual Punishments inflicted.

[Traduction] Il ne pourra être exigé de cautionnement excessif, ni imposé d’amendes excessives, ni infligé de châtiments cruels et inusités.

[153]     La protection contre un cautionnement excessif est maintenant prévue à l’alinéa 11e) de la Charte, lequel dispose que tout inculpé a le droit de ne pas être privé sans juste cause d’une mise en liberté assortie d’un cautionnement raisonnable. La protection contre les châtiments cruels et inusités est prévue à l’article 12 de la Charte :

12. Chacun a droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités.

12. Everyone has the right not to be subjected to any cruel and unusual treatment or punishment.

[154]     Par contre, contrairement au texte du Bill of Rights d’Angleterre ou à celui du Bill of Rights américain[118], aucune protection contre les amendes excessives n’est prévue expressément à la Charte. D’ailleurs, la Déclaration canadienne des droits[119] ne prévoit pas non plus une telle protection. La question qui se pose dès lors est celle de savoir si la protection contre les amendes excessives est comprise dans la Charte.

[155]     Il est reconnu que la Charte ne protège pas pleinement la propriété[120]. On pourrait donc soutenir qu’elle ne protège pas contre les amendes puisque celles-ci s’exécutent généralement sur les biens. Cependant, une interprétation large et libérale de la Charte conduit à une autre conclusion[121].

[156]     Une amende qui est simplement excessive n’est pas visée par la Charte puisqu’aucune protection spécifique n’y est énoncée à cet égard. La protection de la Charte ne s’étend qu’à l’amende dont l’effet direct (le montant de l’amende) ou indirect (la durée de l’emprisonnement ou la mesure d’exécution en cas de défaut de paiement) est tel qu’il peut la faire basculer dans le concept étroit de « traitements ou peines cruels et inusités » énoncé à l’article 12 de la Charte. Pour invoquer cet article de la Charte, il ne suffit donc pas qu’une amende soit excessive; elle doit être cruelle et inusitée.

[157]     Compte tenu de sa nature, on comprendra que ce ne sera que dans de rares cas qu’une amende pourra être qualifiée de cruelle et inusitée. Comme le signalait le juge Cory dans Steele c. Établissement Mountain[122] :

Il arrivera très rarement qu’une cour de justice conclura qu’une peine est si exagérément disproportionnée qu’elle viole les dispositions de l’art. 12 de la Charte. Le critère qui sert à déterminer si une peine est beaucoup trop longue est à bon droit strict et exigeant. Un critère moindre tendrait à banaliser la Charte.

Cette mise en garde s’applique avec plus de force dans le cas d’une amende.

[158]     D’ailleurs, à ce jour, aucune amende n’a été annulée par la Cour Suprême du Canada sous l’article 12 de la Charte[123]. Par ailleurs, notre Cour dans Zachary c. Canada (Procureur général)[124], la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick dans R. c. Desjardins[125], la Cour d’appel de l’Île-du-Prince-Édouard dans R. v. MacFarlane[126] et la Cour d’appel de l’Ontario dans R. c. Pham[127] ont toutes refusé de déclarer contraires à l’article 12 les amendes imposées sous la Loi sur l’accise[128]. Dans Pham, le juge Goudge a d’ailleurs rejeté la proposition voulant que l’incapacité financière des contrevenants à verser l’amende minimale de 154 000 $ en cause dans cette affaire permette d’invoquer l’article 12[129] :

Nor is the appellants' apparent inability to pay the fine of much weight in the s. 12 analysis. Indeed in R. v. Desjardins, supra, at p. 338, Bastarache J.A. (as he then was) said that this factor is immaterial to the analysis in light of the obvious illegal profits to be derived from such an operation. Although the fines represent a very substantial financial liability for the appellants, any impact on the s. 12 analysis is attenuated by their right under s. 734.3 of the Criminal Code to apply for an extension of time beyond the two-year period imposed by the trial judge. Moreover, while the term of imprisonment which the trial judge elected to impose in default of payment is not, strictly speaking, a part of a minimum fine provision, s. 734.7 of the Code attenuates its impact as well by permitting a warrant for committal to be issued only where the offender has refused to pay the fine without reasonable excuse.

[159]     Cela étant, l’expression « traitements ou peines cruels et inusités » de l’article 12 de la Charte doit être considérée comme la formulation concise d’une norme constitutionnelle sévère : la peine doit être excessive au point de ne pas être compatible avec la dignité humaine; autrement dit, elle doit être exagérément disproportionnée au point de devenir odieuse ou intolérable socialement[130].

[160]     Cette norme constitutionnelle sévère a été constamment reprise, par exemple récemment par la juge en chef McLachlin dans Lloyd[131] :

La Cour place la barre haute lorsqu’il s’agit de savoir si une peine constitue une peine cruelle et inusitée. Pour qu’elle soit « exagérément disproportionnée », la peine ne peut être simplement excessive. Elle doit être « excessive au point de ne pas être compatible avec la dignité humaine », de même qu’ « odieuse ou intolérable » socialement […]

[161]     C’est donc sous cette loupe analytique sévère que l’analyse sous l’article 12 de la Charte doit s’effectuer.

[162]     L’analyse comporte deux aspects. Le premier concerne l’appréciation de la peine contestée dans l’optique de la personne à qui elle a en fait été infligée[132]. Si les faits particuliers en l’espèce ne justifient pas une conclusion de disproportion exagérée, il faut alors examiner si la question constitutionnelle concernant la validité de la peine fondée sur la disproportion exagérée est démontrée par des circonstances hypothétiques raisonnables, par opposition à des situations invraisemblables ou difficilement imaginables[133]. Comme le signalait récemment la juge en chef McLachlin dans Nur[134], il ne s’agit pas de compliquer inutilement les choses dans ce deuxième aspect de l’analyse. Il faut simplement se demander s’il est raisonnablement prévisible que la disposition législative prévoyant la peine contestée inflige une peine totalement disproportionnée dans le cas de certaines personnes, de sorte qu’elle contreviendrait à l’article 12 de la Charte. La notion de « situations hypothétiques raisonnables » peut être utile à cet exercice, mais la principale question demeure celle de savoir si la peine considérée serait exagérément disproportionnée dans des cas raisonnablement prévisibles. La démarche équivaut fondamentalement à appliquer des principes bien établis d’interprétation juridique et constitutionnelle.

[163]     Quant à l’analyse elle-même, elle s’effectue en deux étapes comme nous l’enseigne la récente décision Nur[135]. À la première, il faut déterminer ce qui constituerait une peine proportionnée à l’infraction eu égard aux objectifs et aux principes de détermination de la peine établis au Code criminel. La seconde consiste à décider si la disposition contestée contraint à l’imposition d’une peine exagérément disproportionnée. Les deux étapes de l’analyse sont décrites plus précisément comme suit par la juge en chef du Canada[136] :

Statuer au regard de l’art. 12 de la Charte sur une disposition prévoyant une peine minimale obligatoire commande une analyse en deux étapes (Nur, par. 46). Premièrement, le tribunal doit déterminer ce qui constitue une peine proportionnée à l’infraction eu égard aux objectifs et aux principes de détermination de la peine établis par le Code criminel. Il n’a pas à attribuer à la peine ou à la fourchette de peines des valeurs précises, spécialement dans le cas d’une situation hypothétique raisonnable revêtant un degré élevé de généralité. Mais il doit considérer, ne serait-ce qu’implicitement, l’échelle générale des peines qui sont appropriées. Deuxièmement, le tribunal doit se demander si la peine minimale obligatoire le contraint à infliger une peine exagérément disproportionnée à l’infraction et aux circonstances de sa perpétration (Smith, p. 1073; R. c. Goltz, [1991] 3 R.C.S. 485, p. 498; R. c. Morrisey, 2000 CSC 39, [2000] 2 R.C.S. 90, par. 26-29; R. c. Lyons, [1987] 2 R.C.S. 309, p. 337-338). Par le passé, la Cour a vu dans la proportionnalité le rapport entre la peine devant être infligée et celle qui est juste et proportionnée (voir p. ex. Nur, par. 46; Smith, p. 1072-1073). Pour simplifier, disons qu’il faut se demander si, compte tenu de la peine juste et proportionnée, la peine minimale obligatoire est exagérément disproportionnée à l’infraction et aux circonstances de sa perpétration. Dans l’affirmative, la disposition contrevient à l’art. 12.

[164]     Finalement, une peine minimale obligatoire est susceptible de s’écarter plus aisément du principe de proportionnalité, particulièrement lorsqu’elle s’applique à une vaste gamme de comportements potentiels[137]. Mais cela ne signifie pas que de ce seul fait elle soit cruelle et inusitée[138]. La dissuasion générale et d’autres facteurs pertinents peuvent justifier une peine minimale obligatoire qui, quoique sévère, se situe à l’intérieur de la fourchette des peines qui ne sont pas cruelles et inusitées[139]. Comme le signalait le juge en chef Dickson dans Smith, une « peine minimale obligatoire d’emprisonnement n’est manifestement pas cruelle et inusitée en soi » [140]. Il en va évidemment de même d’une amende minimale obligatoire. Ce n’est que si l’amende minimale obligatoire n'est pas conforme à la norme constitutionnelle sévère qu’elle pourra être invalidée.

 

Les moyens invoqués

[165]     L’appelant ne conteste pas la suramende compensatoire en soi. Il ne conteste que le retrait de la discrétion d’un tribunal d’en exempter un contrevenant si ce dernier établit un préjudice injustifié.

[166]     Cela a une certaine importance dans l’analyse qui s’impose puisqu’il ne s’agit pas de déterminer si l’imposition d’une suramende compensatoire aux contrevenants serait une peine cruelle et inusitée. L’appelant reconnaît qu’il ne s’agit pas là d’une mesure en soi inconstitutionnelle, et il semble plutôt en accord avec le principe que les contrevenants soient obligés de contribuer à l’aide aux victimes. Son principal reproche porte plutôt sur le fait que la suramende compensatoire soit obligatoire dans tous les cas, ce qui, selon lui, mènerait à des injustices, particulièrement pour les contrevenants qui n’auraient pas les moyens financiers de la verser, ce qui la rendrait « cruelle et inusitée » au sens de l’article 12 de la Charte.

[167]     Il avance deux principaux moyens.

[168]     En premier, il prétend que la suramende compensatoire constitue une peine minimale empêchant, dans tous les cas, un tribunal d’accorder l’absolution, rendant ainsi sans objet l’article 730 du Code criminel. Il soutient donc qu’en l’absence d’une discrétion judiciaire permettant d’écarter la suramende compensatoire dans les cas d’absolution, cette dernière ne pourra jamais être prononcée en faveur de qui que ce soit, ce qui serait cruel et inusité.

[169]     Il soutient, en second, qu’en l’absence de discrétion judiciaire, les principes de proportionnalité et d’individualisation de la peine sont mis au rancard puisque la suramende compensatoire s’ajoute à la peine juste imposée par le tribunal. Cela conduit à des résultats injustes dans tous les cas, mais surtout à l’égard des contrevenants impécunieux. Il ajoute que le montant de la suramende compensatoire qui lui a été imposé est exagérément disproportionné à sa situation particulière au point de rendre cette mesure cruelle et inusitée dans son cas, vu son indigence. Ce serait également le cas dans plusieurs autres situations hypothétiques raisonnables impliquant des contrevenants impécunieux.

 

Analyse

[170]     Le premier moyen invoqué par l’appelant peut être aisément écarté.

[171]     Le paragraphe 730(1) du Code criminel permet à un tribunal « devant lequel comparaît l’accusé, autre qu’une organisation, qui plaide coupable ou est reconnu coupable d’une infraction pour laquelle la loi ne prescrit pas de peine minimale […] [de] prescrire par ordonnance qu’il soit absous inconditionnellement ou aux conditions prévues dans l’ordonnance rendue aux termes du paragraphe 731(2) ».

[172]     Le paragraphe 737(1) portant sur la suramende compensatoire prévoit notamment que le contrevenant qui est « absous aux termes de l’article 730 […] est tenu de verser une suramende compensatoire, en plus de toute autre peine qui lui est infligée ».

[173]     La règle d’interprétation statutaire applicable a été maintes fois énoncée par la Cour suprême du Canada[141] :

Aujourd’hui, il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

[174]     Lisant les paragraphes 730(1) et 737(1) dans le contexte global du Code criminel, en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de ce code, son objet et l’intention du Parlement, on ne peut conclure que la suramende compensatoire constitue une « peine minimale » au sens du paragraphe 730(1), car le paragraphe 737(1) prévoit expressément que l’absolution est possible malgré l’obligation faite au contrevenant absous de la verser.

[175]     La rédaction des textes statutaires en cause résout donc le moyen soulevé par l’appelant quant à l’effet de la suramende compensatoire sur l’absolution.

[176]     Par contre, au-delà de cette question portant sur l’absolution, la qualification juridique de la suramende compensatoire comme « peine » ou comme « peine minimale » a fait l’objet d’une controverse compte tenu des effets de cette qualification au plan constitutionnel. En effet, sous plusieurs aspects, la suramende compensatoire s’apparente à une mesure administrative fiscale, alors que sous d’autres aspects, elle s’apparente à une amende.

[177]     La Cour a mis fin à cette controverse, pour le Québec du moins, dans la récente affaire R. c. Cloud[142] où le juge Vauclair adopte la définition de la suramende compensatoire avancée par le juge Freeman dans R. c. Crowell[143] :

The victim fine surcharge is a new concept in restitution: general, rather than specific restitution made by an offender, not to his or her own victim, but to victims of crime generally by creating a fund to provide them with certain services. It is a statutorily imposed deterrent with perhaps a secondary relevance to reformation; its role as a deterrent is incidental to its fund-raising purpose.

[…]

The victim fine surcharge is therefore neither a true tax nor a true fine, but rather a unique penalty in the nature of a general kind of restitution. As such it is penal in its pith and substance and therefore constitutional as a proper matter for parliamentary legislation under s. 91(27) of the Constitution Act, 1867. It must be taken into account by criminal court judges in crafting the sentences they impose.

[178]     La suramende compensatoire est donc une mesure unique en son genre (on pourrait aussi dire sui generis, autonome, particulière ou originale), qui n’est ni une amende ni un dédommagement, mais qui se rapproche plus d’une mesure de dédommagement général[144]. Par contre, comme le signalait le juge Vauclair dans Cloud, la suramende compensatoire s’inscrit dans les dispositions du Code criminel portant sur la détermination de la peine et il n’y a aucune raison qu’elle ne fasse pas partie intégrante de la peine[145]. Cela n’enlève cependant rien à son caractère unique, mais puisqu’elle fait partie de la peine, elle engage une analyse sous l’article 12 de la Charte.

[179]     Cela m’amène donc à l’analyse du second moyen soulevé par l’appelant voulant que la suramende compensatoire obligatoire écarte les principes de proportionnalité et d’individualisation dans son cas et dans plusieurs autres cas hypothétiques raisonnables, ce qui conduit à des injustices qui sont telles dans le cas de contrevenants impécunieux que la mesure devient cruelle et inusitée.

[180]     Selon les enseignements de cette Cour dans Cloud, la suramende compensatoire n’écarte pas les principes de proportionnalité et d’individualisation. Le tribunal doit en effet façonner une peine proportionnelle et individualisée qui tient compte de la suramende compensatoire[146] :

[73]      Aux fins de façonner une peine proportionnelle et individualisée, le juge doit composer avec cet élément obligatoire de la peine, en sus des autres obligations pénales que lui impose la loi comme celle énoncée à l’alinéa 718.2e) C.cr.

[…]

[75]      Le juge doit donc, au moment de déterminer la peine, tenir compte du principe de totalité et de proportionnalité, ce qui inclut une ponction monétaire, la suramende ou l’équivalent en travaux compensatoires. Les avocats doivent faire de même lorsqu’ils réfléchissent à une suggestion commune. L’impact sera plus ou moins important selon les dossiers et les délinquants. En outre, le Code criminel permet, en présence d’une preuve conséquente et d’un objectif légitime, de saisir la cour pour modifier les paramètres de la suramende.

[181]     ll est donc inexact de soutenir que la suramende compensatoire écarte dans tous les cas les principes de proportionnalité et d’individualisation de la peine.

[182]     Il y a néanmoins lieu de poursuivre l’analyse en deux étapes à laquelle nous convie la juge en chef du Canada dans Nur et Lloyd, soit déterminer ce qui constitue une peine proportionnée à l’infraction eu égard aux objectifs et aux principes de détermination de la peine établis par le Code criminel, et se demander si la suramende compensatoire contraint le tribunal à infliger une peine exagérément disproportionnée à l’infraction et aux circonstances de sa perpétration dans le cas de l’appelant et dans les cas hypothétiques raisonnables qui pourraient autrement survenir.

[183]     La difficulté de cette approche dans le cas de la suramende compensatoire est que celle-ci s’applique à toutes les infractions énoncées au Code criminel. Il faut donc l’analyser en fonction de l’ensemble de ces infractions.

[184]     La suramende compensatoire s’appuie sur le principe qu’il appartient à tous les contrevenants, quels qu’ils soient et quelle que soit l’infraction qu’ils ont commise, de contribuer aux fonds de leur province ou territoire qui viennent en aide aux victimes d’actes criminels. Il s’agit donc d’une contribution minimale obligatoire applicable à toutes les infractions criminelles et devant servir aux fins de l’aide aux victimes.

[185]     Requérir un contrevenant de contribuer 100 $ ou, selon le cas, 200 $ lors d’une infraction criminelle n’apparaît pas en soi comme une mesure disproportionnée ou déraisonnable, surtout si on la compare aux amendes minimales obligatoires des provinces pour des infractions bien moins sérieuses. À titre d’exemple, au Québec, l’amende minimale obligatoire pour une infraction à une loi provinciale qui ne prévoit aucune peine est de 50 $, à laquelle s’ajoute une suramende provinciale de 20 $ et les frais, ce qui peut, en tout, facilement excéder 100 $[147].

[186]     Ce n’est d’ailleurs pas à cette enseigne que se loge la contestation de l’appelant. Celui-ci soutient plutôt que la suramende compensatoire peut devenir déraisonnable et même cruelle et inusitée lorsque l’individu à l’égard duquel elle est imposée n’a pas les moyens financiers de l’acquitter. C’est là le cœur du litige. Qu’en est-il?

[187]     Lorsqu’il s’agit d’une amende - qui n’est pas une amende minimale, une amende pouvant être infligée au lieu d’une ordonnance de confiscation ou une suramende compensatoire - le Code criminel établit que la capacité de la payer est considérée à deux étapes : (a) en premier lieu, lorsqu’il y a lieu de déterminer le montant de l’amende (par. 734(2) C.cr.), et (b) en second lieu, lorsqu’il s’agit de décider les modalités et l’échéance du paiement de l’amende (art. 734.1, 734.3 et par. 734.7(1) C.cr.).

[188]     Ainsi, un contrevenant peut bien posséder la capacité financière de verser une amende au moment où elle est imposée. Par contre, il se peut que ses circonstances personnelles changent avant que l’amende ne soit acquittée. Il peut perdre son emploi, devenir insolvable, ou être atteint d’une maladie ou d’une incapacité qui l’empêche d’acquitter l’amende. Dans un tel cas, le tribunal n’a pas le pouvoir de modifier le montant de l’amende imposée (art. 734.3 C.cr.), mais il peut, je dirais même doit, tenir compte de ces nouvelles circonstances afin d’établir de nouvelles modalités et une nouvelle échéance de paiement.

[189]     Lorsqu’il s’agit d’une amende minimale, d’une amende pouvant être infligée au lieu d’une ordonnance de confiscation ou d’une suramende compensatoire, la capacité de payer n’est plus considérée à la première étape portant sur l’établissement du montant à verser (par. 734(2) et 737(1) (2) C.cr.). Cela étant, la capacité de payer continue néanmoins d’être prise en compte à la deuxième étape, soit à l’égard des modalités et de l’échéance du paiement (art. 734.1, 734.3 et par. 734.7(1), 737(8) et (9) C.cr.).

[190]     Il est donc inexact de soutenir que la capacité de payer ne peut être prise en compte dans le cas d’une amende minimale, d’une amende infligée au lieu d’une ordonnance de confiscation ou d’une suramende compensatoire. Dans ces derniers cas, l’individualisation de la mesure s’établit non pas en regard du montant à verser, mais plutôt à l’égard des modalités et des échéances de paiement.

[191]     Il faut aussi tenir compte du fait que l’emprisonnement pour défaut de s’acquitter d’une amende ou d’une suramende compensatoire ne peut être imposé si le défaut résulte d’une impécuniosité (par. 734.7(1) et 737(9) C.cr.). Ainsi, dans Wu, le juge Binnie s’exprime comme suit[148] :

[23]      En infligeant une amende minimale obligatoire de 9 600 $ sans égard à la capacité du délinquant de payer, le législateur a créé une exception aux principes usuels de détermination de la peine. Même avant les réformes apportées en 1996 au régime de détermination de la peine, la règle voulait que le montant de l’amende soit établi en fonction de [traduction] « la capacité du délinquant de payer » (R. c. Snider (1977), 37 C.C.C. (2d) 189 (C.A. Ont.), p. 190). Il était tout à fait loisible au législateur d’imposer une amende minimale, mais les modifications qu’il a apportées n’exigeaient pas que l’incapacité de payer du délinquant lui vaille nécessairement une peine d’emprisonnement. En fait, il ressort des modifications de 1996 que le législateur n’avait nullement l’intention d’emprisonner les démunis du seul fait de leur incapacité de payer.

[192]     De plus, et contrairement aux amendes, la suramende compensatoire ne peut faire l’objet d’une exécution civile sous l’article 734.6 du Code criminel vu que le paragraphe 737(9) n’y fait pas référence. Ainsi, il n’est donc pas possible de chercher le recouvrement de la suramende compensatoire au moyen d’une exécution civile sur les biens ou revenus du contrevenant.

[193]     S’il est vrai que le défaut de payer une suramende compensatoire peut mener à une suspension ou au refus de délivrer ou de renouveler une licence ou un permis (comme c’est le cas pour une amende), une telle mesure n’est permise que si le délinquant est en défaut de paiement (art. 734.5 et par. 737(9) C.cr.). Or, tant que le paiement de la suramende n’est pas effectivement échu, la mesure visant une licence ou un permis ne peut être mise en œuvre puisque le contrevenant n’est pas alors en défaut. Notons de nouveau que l’échéance de paiement de la suramende compensatoire peut et doit être prolongée par le tribunal tant et aussi longtemps que le délinquant n’est pas en mesure de l’acquitter au motif d’impécuniosité.

[194]     Finalement, au Québec et dans la majorité des provinces et territoires canadiens, la suramende compensatoire, comme l’amende, peut être acquittée au moyen de travaux compensatoires (art. 736 et par. 737(9) C.cr.). Au Québec, le programme des travaux compensatoires s’adresse principalement aux personnes démunies. Les heures de travail sous ce programme sont réalisées au profit d’organismes à but non lucratif ou de municipalités. Le nombre d’heures de travail à effectuer est établi en fonction du montant de l’amende ou de la suramende selon une table d’équivalence. À titre d’exemple, une amende ou suramende de 200 $ s’acquitte par 20 heures de travaux compensatoires, tandis qu’une amende ou suramende de 5 000 $ s’acquitte par 245 heures.

[195]     Dans un tel contexte, il est difficile de conclure que la suramende compensatoire serait une peine cruelle et inusitée. Si la capacité de payer du délinquant n’est manifestement pas prise en compte afin d’établir le montant d’une amende minimale ou d’une suramende compensatoire, celle-ci demeure toujours pertinente lorsqu’il s’agit d’établir les modalités et l’échéance du paiement. Tant que le délinquant est incapable d’acquitter une suramende compensatoire pour cause d’impécuniosité, il pourra obtenir une prolongation de l’échéance et, dans un tel cas, aucune mesure d’exécution ni aucune mesure d’emprisonnement ne pourront être entreprises contre lui.

[196]     Je ne puis non plus souscrire à l’idée que la prolongation indéfinie de l’échéance du versement d’une amende ou d’une suramende compensatoire serait cruelle et inusitée à cause du poids psychologique que cela imposerait au contrevenant impécunieux ou parce que cela rendrait alors la peine indéterminée à son égard.

[197]     Je traiterai en premier lieu de la proposition selon laquelle la peine devient indéterminée. Une peine indéterminée en est une qui s’exécute contre un délinquant sans qu’elle soit précise et fixe[149]. Il faut distinguer entre une peine indéterminée et une peine qui n’est pas exécutée. Une peine dont l’exécution est suspendue ne devient pas de ce fait indéterminée, ni ne devient de ce fait cruelle et inusitée.

[198]     Ainsi, dans le cas d’une amende ou d’une suramende compensatoire, le montant que le délinquant doit verser est déterminé, précis et fixe. Si, par contre, le délinquant ne peut s’exécuter pour cause d’impécuniosité, il peut obtenir une prolongation de l’échéance du paiement jusqu’à ce qu’il ait les moyens de l’acquitter. Ce faisant, l’exécution de l’amende ou de la suramende compensatoire est de fait suspendue. Cela n’a pas pour résultat de rendre celle-ci indéterminée. La peine sous forme d’amende ou de suramende compensatoire demeure déterminée, mais selon les enseignements de Wu, son échéance est retardée jusqu’au moment où le délinquant a la capacité de l’acquitter. Je ne puis accepter que l’effet de Wu soit de rendre indéterminée la peine sous forme d’amende du simple fait que le contrevenant ne puisse s’en libérer au moyen d’un emprisonnement.

[199]     En second lieu, l’argument du poids psychologique indu ne me convainc pas. Le contrevenant qui est impécunieux ou qui ne peut effectuer des travaux compensatoires ne risque pas l’emprisonnement et peut obtenir une prolongation de l’échéance du paiement d’une amende ou de la suramende compensatoire. Aucune mesure d’exécution ne peut alors être entreprise contre lui. Dans ce contexte, je perçois difficilement comment le poids psychologique qui résulterait d’une amende ou d’une suramende pourrait raisonnablement être qualifié de cruel et inusité, i.e. d’exagérément disproportionnée au point d’être incompatible avec la dignité humaine ou odieuse ou intolérable socialement.

[200]     Si tel était le cas, il serait alors constitutionnellement interdit d’imposer une amende à l’égard d’un individu indigent, ce qui aurait pour effet de créer une catégorie sociale à l’abri de toute forme de sanction dans les cas d’infractions ne méritant pas l’emprisonnement, c’est-à-dire la plupart des infractions provinciales et certaines infractions fédérales. Le juge Binnie nous a mis en garde contre ce raisonnement en notant « que la pauvreté ne devrait pas servir de bouclier contre toute forme de sanction »[150].

[201]     Prenons l’exemple de la conduite affaiblie, dont la sanction pour une première infraction est une amende minimale de 1 000 $ (art. 253 et sous-al. 255(1)a)i) C.cr.). Le contrevenant impécunieux devrait-il simplement être exempté de cette sanction au motif qu’il ne pourra verser l’amende dans un avenir prévisible? Je ne peux souscrire à une telle prétention. Il ne faut pas confondre l’incapacité de payer l’amende avec l’immunité de sanction.

[202]     J’analyse maintenant le cas de l’appelant, afin de déterminer si la suramende compensatoire qui lui a été imposée serait excessive au point de ne pas être compatible avec la dignité humaine ou exagérément disproportionnée dans son cas au point de devenir odieuse ou intolérable socialement.

[203]     L’appelant avait 21 ans au moment du prononcé de la peine. Il est célibataire, sans enfant et sans charges financières. Ses revenus sont minimes. Son histoire judiciaire juvénile débute en 2012, lorsqu'il a été reconnu coupable d’introduction par effraction, d’avoir proféré des menaces, de méfait, de possession de marijuana, de voies de fait et de vol. Pour ces délits, il écope d’une peine probatoire de neuf mois avec surveillance. Ses premiers délits en tant qu’adulte sont l’omission de se conformer à une décision et un vol. On lui impose alors une probation de deux ans avec surveillance.

[204]     Les infractions qui ont mené à sa peine sont liées au non-respect de conditions et à des effractions dans des maisons, la nuit, alors que les occupants s’y trouvaient. À une occasion, l’appelant s’est livré à des voies de fait armées sur un occupant. Le juge de première instance a imposé 36 mois d’emprisonnement, moins les crédits pour le temps passé en détention préventive, pour une peine totale de 16,5 mois d’incarcération, à laquelle s’ajoute un montant de 1 400 $ pour la suramende compensatoire.

[205]     L’appelant fera face à des difficultés à sa sortie de prison, mais je ne puis en conclure qu’il n’aura aucun avenir ni aucune espérance d’une vie productive lui permettant éventuellement d’acquitter la suramende compensatoire, laquelle pourra alors servir à l’aide aux victimes. De plus, l’appelant a clairement indiqué lors de son témoignage qu’il serait disposé à entreprendre des travaux compensatoires pour acquitter cette suramende[151], ce qui représente 95 heures de travaux dans son cas. En l’occurrence, la suramende compensatoire imposée n’est manifestement pas une peine cruelle et inusitée dans le cas de l’appelant.

[206]     Qu’en est-il des cas hypothétiques raisonnables qui pourraient survenir? Ils sont nombreux, car la suramende compensatoire s’applique à toutes les infractions prévues au Code criminel. Cela étant, et pour les motifs énoncés plus haut, je ne puis conclure que la suramende compensatoire serait une peine cruelle et inusitée dans des cas hypothétiques raisonnables vu (a) qu’un juge peut en tenir compte dans l’établissement de la peine; (b) qu’aucune mesure d’exécution civile ne peut être entreprise afin d’en assurer le paiement; (c) que l’échéance de paiement peut être prolongée afin d’assurer au contrevenant qui n’a pas les moyens de l’acquitter qu’il ne sera pas sujet à un refus ou une suspension d’une licence ou d’un permis pour défaut de paiement; (d) qu’un contrevenant qui n’a pas la capacité de l’acquitter ne pourra être emprisonné; et (e) qu’un mode facultatif de paiement au moyen de travaux compensatoires est disponible dans la plupart des provinces et territoires canadiens, dont le Québec.

[207]     Cela étant, je reconnais comme le juge Vauclair dans Chaussé que l’abrogation de la discrétion judiciaire dans l’imposition de la suramende compensatoire entraîne certaines complications pour l’administration de la justice[152]. Par contre, je reconnais aussi que la suramende compensatoire soulève plusieurs questions complexes portant sur les droits et intérêts des victimes de la criminalité, le financement des régimes étatiques d’aide aux victimes, la responsabilisation des délinquants, l’interaction entre la pauvreté et la peine, et l’administration de la justice criminelle. Il s’agit là précisément de questions complexes qui sont propices à un débat politique et non à un débat de Charte. D’ailleurs, la ministre de la Justice du Canada a récemment annoncé qu’elle soumettra au Parlement un projet d’amendement au Code criminel qui permettrait à un tribunal d’exempter un contrevenant de la suramende compensatoire et de la réduire dans certaines circonstances précises.

[208]     Pour ces motifs et ceux du juge Schrager, j.c.a., je rejetterais l’appel.

 

 

 

 

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

 


 

 

MOTIFS DU JUGE SCHRAGER

 

 

[209]     Je souscris aux motifs de mon collègue, l’honorable juge Robert Mainville, et je souhaite ajouter quelques mots afin d’expliquer ma perspective sur la question. Ceci dit avec les plus grands égards, il va sans dire que je ne souscris pas aux motifs de la juge en chef et, plus particulièrement, à sa conclusion voulant que la suramende compensatoire minimale obligatoire imposée par l’article 737 C.cr. constitue une peine cruelle et inusitée. Plus particulièrement, ici, c’est l’abrogation des dispositions qui, antérieurement, accordaient au juge qui détermine la peine, la discrétion judiciaire d’exempter un contrevenant du paiement de la suramende qui constituerait l’origine d’une prétendue violation de la Charte canadienne des droits et libertés[153].

[210]     J’accepte les faits tels que relatés dans les motifs de la juge en chef ainsi que sa méthode d’analyse. Toutefois, selon ma compréhension de l’article 12 de la Charte et son application par la Cour suprême du Canada, je conclus que, malgré les excès dans les situations hypothétiques qui ressemblent au dossier de l’appelant, les dispositions prévoyant la suramende minimale obligatoire ne sont pas cruelles et inusitées.

[211]     Le critère pour déterminer ce qui constitue une peine cruelle et inusitée établi par la Cour suprême du Canada est celui de la peine excessive au point de ne pas être compatible avec la dignité humaine. Pour franchir ce seuil, la peine ou son effet doit être exagérément disproportionné en comparaison avec ce qui serait approprié à la lumière des circonstances selon l’exercice approprié de la discrétion judiciaire en matière de détermination de la peine. À cet égard, un tribunal doit, dans son analyse, examiner les alternatives à la peine afin de déterminer si cette dernière est excessivement disproportionnée. C’est ainsi que, dans R. c. Smith[154], a été déclarée invalide, cruelle et inusitée une peine minimale obligatoire de sept ans pour l’importation de toute quantité de la marihuana.

[212]     Plus récemment, dans la décision Nur[155], une peine minimale obligatoire de cinq ans d’emprisonnement pour la possession illégale d’une arme à feu a été jugée cruelle et inusitée puisque la durée d’emprisonnement aurait été exagérément disproportionnée dans le cas (hypothétique) d’un contrevenant qui ne fait que mal entreposer son arme à feu. Le troisième et dernier dossier dans lequel la Cour suprême a invalidé une peine minimale obligatoire suivant l’article 12 de la Charte est celui de Lloyd[156], dans lequel une peine minimale obligatoire d’un an d’emprisonnement, infligée pour une deuxième infraction reliée à la drogue dans les dix années subséquentes à une première infraction (même des plus anodines), a été déclarée cruelle et inusitée.

[213]     À mon avis, il est primordial que le critère ne soit pas diminué par l’application de l’étiquette « cruelle et inusitée » à une peine qui ne suscite pas de l’indignation face à une transgression de notre sens de la décence. C’est à bon droit qu’une barre haute a été établie dans Smith. Dans Nur et Lloyd, la juge en chef McLachlin, écrivant pour les juges majoritaires, a observé que le Parlement doit considérer vulnérable, sur le plan constitutionnel, l’imposition de peines minimales obligatoires pour des infractions susceptibles d’être perpétrées de diverses manières. Pourtant, selon ma lecture de ces dossiers, je n’estime pas que la barre ait été abaissée.

[214]     Les trois dossiers concernaient tous des peines minimales obligatoires d’emprisonnement, prescrites par la loi sans égard à l’absence de gravité des circonstances de leur commission.

[215]     La Cour suprême n’a jamais invalidé une amende comme étant cruelle et inusitée. Pourtant, dans R. c. Wu[157], la plus haute instance a jugé qu’une période d’emprisonnement pour défaut de paiement d’une amende, imposée à un contrevenant impécunieux, ne constitue pas une sanction juste. Le juge Binnie (écrivant pour les juges majoritaires) a déclaré que bien qu’il soit tout à fait loisible au Parlement d’imposer une amende minimale, ceci n’exigeait pas que l’incapacité de payer du délinquant lui vaille nécessairement une peine d’emprisonnement[158]. Aucune contestation fondée sur la Charte n’a été soulevée dans Wu[159]. Néanmoins, le juge Binnie n’a pas été offensé par le résultat que l’amende demeurerait tout simplement impayée, ce qui demeure pertinent à l’avis que j’exprime plus loin[160].

[216]     Il convient de souligner d’autres exemples de ce que la Cour suprême du Canada n’a pas déclaré cruel et inusité selon l’application des critères énoncés dans Smith. Ainsi, l’obligation de purger une période minimale d’emprisonnement avant d’être éligible à la libération suite à une condamnation pour meurtre ne viole pas l’article 12 de la Charte (R. c. Luxton[161]). Dans R. c. Goltz[162], la Cour suprême a jugé qu’une peine minimale de sept jours d’emprisonnement (en vertu d’une loi provinciale) pour conduite sous le coup d’une interdiction n’était pas excessive ou exagérément disproportionnée à la gravité de l’infraction au point d’être incompatible avec la dignité humaine. Ni l’interdiction obligatoire de possession d’armes suite à une déclaration de culpabilité pour la production de cannabis (R. c. Wiles[163]) ni la peine minimale d’emprisonnement de quatre ans infligée pour négligence criminelle causant la mort par suite de l’usage d’une arme à feu ne contreviennent à l’article 12 de la Charte (R. c. Morrisey[164]).

[217]     Dans ce contexte des principes applicables, l’objet de notre étude en l’espèce doit être décrit avec précision.

[218]     Comme le décrit mon collègue Mainville, dans ses motifs, à son origine, la suramende compensatoire a été introduite afin de sensibiliser les contrevenants à la détresse imposée aux victimes par la criminalité et afin de financer les programmes d’aide provinciaux. Dans la réalité, les crimes ne sont ni sans victime ni sans conséquence pour de vraies personnes, et il existe aussi un coût réel à l’aide fournie à celles qui doivent surmonter les effets des crimes dont elles sont victimes. Se basant sur les études produites au dossier, le Parlement a jugé que les contrevenants étaient exemptés du paiement de la suramende presque systématiquement suite à la simple représentation que le contrevenant n’avait pas la capacité de payer. Le remède choisi par le Parlement a été l’abolition de la discrétion du juge qui détermine la peine afin que la suramende s’applique dans tout dossier, calculée en fonction de 30 % de l’amende imposée ou, si aucune amende n’est infligée, de 100 $ ou 200 $ selon que l’infraction est punissable par procédure sommaire ou par mise en accusation (voir l’article 737(2) C.cr.).

[219]     La Cour suprême a déclaré que les peines minimales sont l’expression claire d’une politique générale qui, en l’absence d’une déclaration d’inconstitutionnalité, doit être appliquée[165]. Je comprends qu’en l’espèce les tenants de l’application de l’article 12 de la Charte n’avancent pas que l’abrogation de la discrétion d’exempter un contrevenant du paiement de la suramende compensatoire contrevient en soi à l’article 12. Ils constatent plutôt une situation dans laquelle la peine ne respecte pas le critère de l’individualisation[166] et qui a un effet démoralisant pour le contrevenant qui sait qu’elle ne sera jamais satisfaite.

[220]     Dans les circonstances particulières du contrevenant dans ce dossier, le nombre de condamnations a comme résultat une suramende de 1 400 $. (En fait, le montant était de 4 000 $, mais le juge a octroyé une exemption pour les infractions commises antérieurement à l’amendement.) Les peines imposées étaient de nature carcérale et l’appelant ne conteste pas la justesse de son incarcération dans les circonstances.

[221]     Le revenu annuel de l’appelant est de 4 800 $ (400 $ par mois). Si cela ne démontrait pas en soi la preuve de son incapacité de payer la suramende, notons que le seuil de la pauvreté au Canada s’établit à 23 800 $. Évidemment, ce contrevenant n’a pas la capacité de payer et il est irréaliste de penser qu’il sera capable de payer dans un avenir prévisible.

[222]     Dans les circonstances du dossier de l’appelant, la suramende compensatoire est-elle excessive au point de ne pas être compatible avec la dignité humaine? Je ne le crois pas.

[223]     Premièrement, et mettant les choses en perspective, la suramende est de 200 $ par contravention. Le juge qui a prononcé la peine note que ce n’est que pour une question d’arithmétique, en raison du nombre d’infractions commises par l’appelant, que l’on devient consterné par l’ampleur de la somme en comparaison avec sa capacité financière. Mettant les choses en perspective, la suramende est de 200 $ par infraction, pour des condamnations qui méritent une peine d’emprisonnement. Ces dernières, comme nous le savons, sont la dernière mesure de la sévérité dans l’échelle des peines (art. 718.2 d) et e) C.cr.). Mon code moral n’est pas outré par l’ajout de 200 $ à une peine pour une infraction dont la gravité mérite une période d’emprisonnement. Cette situation est totalement différente des circonstances dans Smith, Nur et Lloyd, où une peine d’emprisonnement assez importante était édictée par un minimum statutaire pour une infraction qui était, en soi, relativement banale. La décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans R. c. Pham[167] mérite également mention puisque l’amende de 154 000 $ imposée en vertu de la Loi sur l’accise[168] l’était en fonction de la quantité de cigarettes illégalement détenues par l’accusé. Il a été jugé que cette peine ne contrevenait pas l’article 12 de la Charte malgré une plaidoirie d’incapacité financière. Il se peut qu’il existe un dossier dans lequel une amende est si exorbitante comparée à la gravité de l’infraction qu’elle sera peut-être jugée cruelle et inusitée[169], mais je ne crois pas que la suramende minimale de 200 $ équivaille à pareille situation.

[224]     Qui plus est, puisque le but de la suramende est de porter assistance aux victimes, une augmentation du montant exigible correspondant au nombre d’infractions commises est cohérente puisque, vraisemblablement, le nombre de victimes augmente avec le nombre d’infractions commises.

[225]     Mon raisonnement est également influencé par les modes alternatifs de paiement disponibles. L’appelant pouvait purger 17 jours additionnels d’emprisonnement, ce qu’il a indiqué être prêt à faire. De cette façon, il pouvait éviter le spectre de l’amende impayée s’il le souhaitait. D’ailleurs, un programme de travaux compensatoires est disponible au Québec[170]. Je suis en désaccord avec la perspective que la disponibilité du programme constitue une mesure de perception ou d’exécution postérieure à l’imposition de la peine et, en tant que telle, ne modifie pas une peine qui était cruelle et inusitée lors de son imposition. À mon avis, dès son imposition, la suramende pourrait être acquittée en cours légal (ce que l’on obtient, normalement, par les fruits de ses efforts). Le programme de travail compensatoire permet à ceux et celles qui n’ont pas cette liquidité d’appliquer leurs efforts directement à l’acquittement de leurs dettes. Ce système s’apparente quasiment à un troc de travail pour la peine. Si la conclusion que la peine est cruelle et inusitée se base sur l’incapacité financière du contrevenant, voici une mesure qui permet aux contrevenants d’acquitter leurs dettes, nonobstant le fait qu’ils sont démunis d’actifs ou de liquidité. Ceci étant, dans la situation particulière de l’appelant, je considère que cette peine n’est pas cruelle.

[226]     Qu’en est-il des circonstances hypothétiques? C’est à bon droit que la juge en chef considère l’hypothèse d’un contrevenant qui habite une province qui n’offre pas un programme de travaux compensatoires. Dans un tel ressort, je conviens que l’amende ne sera pas acquittée. Depuis la décision de la Cour suprême dans Wu, le contrevenant ne peut pas être emprisonné à cause de son incapacité de payer. On avance par conséquent qu’il s’agit d’« une éternelle épée de Damoclès » laquelle serait cruelle et inusitée. Or, l’amende impayée n’était pas inconnue avant la décision Wu; le défaut de paiement d’une amende n’est guère exceptionnel. Les amendes imposées en vertu du Code criminel ne sont soumises à aucune limitation ou prescription. De plus, l’art. 178 de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité[171] a toujours prévu qu’une ordonnance de libération ne libère pas le failli d’une amende. Ainsi, au niveau législatif, il n’y a rien de particulier en ce qui concerne une amende impayée qui continue à subsister comme passif. S’agit-il là d’une circonstance cruelle? Les personnes les plus démunies font face à un combat quotidien afin d’obtenir les nécessités de la vie. Ajouter à ce fardeau une dette impayée à l’État est peu charitable et peut-être injuste, mais en l’absence d’autres conséquences concrètes (comme la saisie des actifs de l’accusé ou son emprisonnement), je ne peux conclure que la situation est excessive au point de ne pas être compatible avec ma notion de la dignité humaine. D’ailleurs, avancer l’hypothèse d’« une épée de Damoclès » présume que l’amende impayée entraîne des effets psychologiques néfastes pour le contrevenant[172]. Hypothétiquement, je ne peux que présumer que l’éventail de réactions à une dette impayée est aussi large et variable que l’éventail des contrevenants. Chose certaine, dans le dossier à l’étude, il n’existe aucune expertise psychologique qui aborde la question. À cet égard, je me questionne sur le caractère raisonnable de cette hypothèse.

[227]     En guise de conclusion, je note qu’une peine minimale ne contrevient pas en soi à l’article 12 de la Charte[173]. Pourtant, il se peut que l’analyse préconisée par ceux qui considèrent la suramende compensatoire minimale comme étant cruelle et inusitée mène au résultat que toute amende minimale soit cruelle et inusitée pour la seule raison qu’il existe plusieurs contrevenants impécunieux. À mon avis, un tel résultat usurpe le rôle du Parlement d’élaborer la politique en matière de détermination de la peine.

[228]     Pour ces motifs, ainsi que ceux de mon collègue le juge Mainville, je propose de rejeter l’appel.

 

 

 

 

MARK SCHRAGER, J.C.A.

 



[1]     R. c. Boudreault, 2015 QCCQ 8504 [jugement dont appel].

[2]     R. c. Cloud, 2016 QCCA 567.

[3]     R. c. Nur, [2015] 1 R.C.S. 773, 2015 CSC 15.

[4]     R. c. Smith, [1987] 1 R.C.S. 1045.

[5]     Jugement dont appel, paragraphe 30. En fait, l’article 734.3 C.cr. permet la modification de toute condition de la suramende compensatoire à l’exclusion de son montant.

[6]     Art. 737(4) C.cr. & Décret 1259-1999, G.O.Q. II, p. 5918. Depuis avril 2016, la suramende compensatoire est exigible dans les 45 jours de son imposition, à moins qu’une autre amende soit infligée, dans quel cas la suramende compensatoire est exigible à la date d’échéance de l’autre amende. Voir : Décret 154-2016, G.O.Q. II, p. 1637.

[7]     R. c. Lacasse, [2015] 3 R.C.S. 1089, 2015 CSC 64, paragraphe 52.

[8]     R. c. Lacasse, [2015] 3 R.C.S. 1089, 2015 CSC 64, paragraphe 44.

[9]     R. c. Stone, [1999] 2 R.C.S. 290, paragraphe 230; R. c. Lacasse, [2015] 3 R.C.S. 1089, 2015 CSC 64, paragraphes 48-52, 55.

[10]    R. c. Shropshire, [1995] 4 R.C.S. 227, paragraphe 46.

[11]    R. c. Shepherd, [2009] 2 R.C.S. 527, 2009 CSC 35, paragraphe 20; R. c. Araujo, [2000] 2 R.C.S. 992, 2000 CSC 65, paragraphe 18; R. c. Biniaris, [2000] 1 R.C.S. 381, 2000 CSC 15, paragraphe 23.

[12]    Voir : Loi modifiant le Code criminel (victimes d’actes criminels), L.C. 1988, ch. 30.

[13]    Art. 737(7) C.cr.; Chambre des communes, Débats de la Chambre des communes, 33e lég., 2e sess., vol. 9, 19 novembre 1987, à la p. 10973 (Ray Hnatyshyn).

[14]    Art. 737(5) C.cr., abrogé, 2013, ch. 11, art. 3.

[15]    Soit dit en passant, la preuve produite par les intimées ne démontre pas que c’était le cas au Québec. Au contraire, un rapport sur l’imposition de la suramende compensatoire au Nouveau-Brunswick indique que le Québec était la province la plus performante en ce qui concerne la récupération de la suramende compensatoire. M.A. Law et S.M. Sullivan, « Imposition de la suramende compensatoire fédérale au Nouveau-Brunswick : un examen opérationnel » Canada : Ministre de la Justice, 2006. Cette observation est reprise plusieurs fois dans les débats parlementaires.

[16]    Voir : Loi modifiant le Code criminel (victimes d’actes criminels), L.C. 1988, ch. 30; Loi modifiant le Code criminel (détermination de la peine) et d’autres lois en conséquence, L.C. 1995, ch. 22; Loi modifiant le Code criminel (victimes d’actes criminels) et une autre loi en conséquence, L.C. 1999, ch. 25; Loi sur la responsabilisation des contrevenants à l'égard des victimes, L.C. 2013, ch. 11.

[17]    Décret fixant au 24 octobre 2013 la date d’entrée en vigueur de la loi, C.P. 2013-1061.

[18]    Art. 737(2) C.cr.

[19]    Arts. 737(9) et 734.3 C.cr.

[20]    Arts. 737(9) et 736 C.cr. L'Alberta, l'Île-du-Prince-Édouard, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, le Nunavut, le Québec, la Saskatchewan, les Territoires du Nord-Ouest, et le Yukon offrent ce mode facultatif de paiement. L'Ontario et la Terre-Neuve-et-Labrador n'offrent pas ce genre de programme aux contrevenants. Tanya Dupuis, « Projet de loi C-37 : Loi sur la responsabilisation des contrevenants à l’égard des victimes », Bibliothèque du Parlement, Résumé législatif, 11 avril 2013.

[21]    RLRQ, c. C-25.1.

[22]    Art. 734.5 C.cr.

[23]    Art. 734.7(b) C.cr. Je note que la saisie civile prévue à l’article 734.6 C.cr. ne figure pas parmi les sanctions disponibles.

[24]    R. c. Wu, [2003] 3 R.C.S. 530, 2003 CSC 73.

[25]    Il convient de rappeler, comme l’a fait récemment la Cour suprême, que l’analyse de l’article 12 ne vise pas à déterminer si l’imposition d’une peine respecte la règle de proportionnalité toujours de mise dans le processus de détermination de la peine, mais plutôt à déterminer si la peine en question est exagérément disproportionnée. Voir : R. c. Safarzadeh-Markhali, 2016 CSC 14, paragraphes 21 et 71.

[26]    R. c. Smith, [1987] 1 R.C.S. 1045, p. 1072; R. c. Luxton, [1990] 2 R.C.S. 711, p. 724; R. c. Goltz, [1991] 3 R.C.S. 485, p. 499.

[27]    R. c. Morrisey, [2000] 2 R.C.S. 90, 2000 CSC 39, paragraphe 26; R. c. Wiles, [2005] 3 R.C.S. 895, 2005 CSC 84, paragraphe 4.

[28]    R. c. Smith, [1987] 1 R.C.S. 1045 (peine minimale de sept ans pour importation des stupéfiants); R. c. Nur, [2015] 1 R.C.S. 773, 2015 CSC 15 (peine minimale de trois ans pour la possession sans autorisation d’une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte lorsque l’arme est chargée ou que des munitions sont facilement accessibles); R. c. Lloyd, 2016 CSC 13 (peine minimale d’un an pour trafic ou possession en vue d’en faire le trafic, au délinquant qui, au cours des 10 années précédentes, a été reconnu coupable de toute infraction en matière de drogue (sauf la possession simple)).

[29]    R. c. Smith, [1987] 1 R.C.S. 1045, p. 1073.

[30]    R. c. Goltz, [1991] 3 R.C.S. 485, p. 500.

[31]    R. c. Nur, [2015] 1 R.C.S. 773, 2015 CSC 15, paragraphe 46.

[32]    R. c. Lloyd, 2016 CSC 13.

[33]    R. c. Morrisey, [2000] 2 R.C.S. 90, paragraphe 29.

[34]    R. c. Morrisey, [2000] 2 R.C.S. 90, paragraphe 29; R. c. Nur, [2015] 1 R.C.S. 773, paragraphe 77.

[35]    R. c. Nur, [2015] 1 R.C.S. 773, paragraphe 62.

[36]    R. c. Goltz, [1991] 3 R.C.S. 485, p. 515.

[37]    R. c. Nur, [2015] 1 R.C.S. 773, 2015 CSC 15, paragraphe 75. Par exemple, la Cour suprême n’a retenu ni la thèse d’une grand-mère qui cultive la marihuana (R. c. Wiles, [2005] 3 R.C.S. 895, paragraphe 6) ni celle du parent seul qui conduit un enfant gravement malade à l’hôpital alors que son permis de conduire est suspendu (R. c. Goltz, [1991] 3 R.C.S. 485, p. 518-519).

[38]    R. c. Nur, [2015] 1 R.C.S. 773, 2015 CSC 15.

[39]    R. c. Nur, [2015] 1 R.C.S. 773, 2015 CSC 15, paragraphe 147, juge Moldaver, dissident.

[40]    R. c. Nur, [2015] 1 R.C.S. 773, 2015 CSC 15, paragraphe 91.

[41]    R. c. Nur, [2015] 1 R.C.S. 773, 2015 CSC 15, paragraphe 87.

[42]    Voir : R. c. Smith, [1987] 1 R.C.S. 1045, p. 1077 et R. c. Goltz, [1991] 3 R.C.S. 485, p. 501.

[43]    R. c. Lloyd, 2016 CSC 13.

[45]    R. c. Burns, [1994] 1 R.C.S. 656, p. 664 & s.; R. c. Sheppard, [2002] 1 R.C.S. 869, 2002 CSC 26, paragraphe 55.

[46]    R. c. Sheppard, [2002] 1 R.C.S. 869, 2002 CSC 26, paragraphe 33; R. c. Braich, [2002] 1 R.C.S. 903, 2002 CSC 27.

[47]    R. c. Cloud, 2016 QCCA 567.

[48]    R. v. Cloud, 2014 QCCQ 464, paragraphe 18; Chaussé c. R., 2016 QCCA 568, paragraphe 31.

[49]    Une requête pour permission de soulever la question constitutionnelle a été rejetée par cette Cour : R. c. Cloud, 2014 QCCA 1680 (la juge en chef Duval Hesler en dissidence).

[50]    Voir, entre autres : R. v. Barinecutt, 2015 BCPC 189; R v. Madeley, 2016 ONCJ 108; R. v. Michael, 2014 ONCJ 360; Tinker v. The Queen, 2014 ONCJ 208 inf. par R. v. Tinker, Judge, Bondoc & Mead, 2015 ONSC 2284, en appel devant la Cour d’appel de l’Ontario, ref. C-60413; cet appel va être entendu avec R. c. Larocque, 2015 CSON 5407, ref. C-61572.

[51]    R. c. Cloud, 2016 QCCA 567.

[52]    Chaussé c. R., 2016 QCCA 568.

[53]    R. v. Flaro, 2014 ONCJ 2; R. v. Barinecutt, 2015 BCPC 189; R. v. Madeley, 2016 ONCJ 108; R. v. Michael, 2014 ONCJ 360.

[54]    Voir, entre autres : Saskatchewan v. Torry, 2014 SKQB 189; R. v. Tinker, Judge, Bondoc & Mead, 2015 ONSC 2284, en appel devant la Cour d’appel de l’Ontario, ref. C-60413; R. v. Novielli, 2015 ONCJ 192. Au Québec, voir : R. c. Malouin, 2015 QCCQ 14118.

[55]    R. v. Tinker, Judge, Bondoc & Mead, 2015 ONSC 2284, en appel devant la Cour d’appel de l’Ontario, ref. C-60413.

[56]    Je souligne encore qu’il ne s’agit pas de remettre en question la règle de la proportionnalité, toujours de mise dans le processus de détermination de la peine, mais bien plutôt de trancher la question de savoir si la peine est exagérément disproportionnée au sens de l’article 12 de la Charte.

[57]    Art. 725(1) C.cr.

[58]    R. c. Guerrero Silva, 2015 QCCA 1334, paragraphes 53-59 repris dans Desjardins c. R., 2015 QCCA 1774, paragraphes 29-37; et Thibault c. R., 2016 QCCA 335, paragraphes 67-70.

[59]    Si ce principe trouve application majoritairement dans l’imposition des peines d’emprisonnement, son application à l’imposition des amendes ne semble pas pourtant être exclue. Pour l’application de ce principe à la suramende compensatoire voir : R. c. Cloud, 2016 QCCA 567; R. c. Larocque, 2014 ONCJ 428, inf. pour d’autres motifs par R. c. Larocque, 2015 CSON 5407, en appel devant la Cour d’appel de l’Ontario, ref. C-61572; R. v. Michael, 2014 ONCJ 360. En ce qui concerne son application en d’autres matières, voir : R. v. Great White Holdings Ltd., 2005 ABCA 188, paragraphes 29-30; et Clayton Ruby, Gerald Chan & Nader Hasan, Sentencing, 8e éd., LexisNexis, Markham : Ontario, 2012, p. 51, § 2.69.

[60]    Desjardins c. R., 2015 QCCA 1774, paragraphes 30-33.

[61]    En vertu de l’art. 11i) de la Charte.

[62]    Jugement dont appel, paragraphe 55.

[63]    R. c. Cloud, 2016 QCCA 567.

[64]    L’imposition d’amendes minimes pour déclencher l’application du sous-paragraphe 737(2)a) et ainsi éviter l’imposition de la suramende compensatoire a fait l’objet de critiques. Voir : R. c. Cloud, 2016 QCCA 567, paragraphe 77; R. c. Chaussé, 2014 QCCQ 5234, paragraphe 29; R. c. Larocque, 2014 ONCJ 428, paragraphe 51; R. v. Michael, 2014 ONCJ 360, paragraphes 106-108. La réticence judiciaire à ce sujet semble découler de l’enseignement dans l’arrêt R. c. Pham, [2013] 1 R.C.S. 739, 2013 CSC 15 précisant que les peines ne peuvent être modifiées dans le but d'éviter les conséquences indirectes susceptibles de découler d'un régime législatif et, ainsi, d'éluder la volonté du législateur.

[65]    Jugement dont appel, paragraphe 8.

[66]    Témoignage d’Alex Boudreault.

[67]    R. c. Pham, [2013] 1 R.C.S. 739, 2013 CSC 15.

[68]    R. c. Wu, [2003] 3 R.C.S. 530, 2003 CSC 73, paragraphe 31.

[69]    On a souligné qu’un contrevenant peut demander une prolongation du délai de paiement de payer la suramende compensatoire. Avec égards, là n’est pas la question. Éventuellement, l’exigence qu’un contrevenant indigent se présente perpétuellement devant la cour afin de demander une prolongation est en soi exagérément disproportionnée. Voir : Chaussé c. R, 2016 QCCA 568, paragraphe 66.

[70]    À titre d’exemple, voir : R. v. Michael, 2014 ONCJ 360, paragraphes 74-75; R. c. Larocque, 2014 ONCJ 428, paragraphes 41-44; et par analogie Chaussé c. R., 2016 QCCA 568, paragraphe 66.

[71]    R. c. Larocque, 2015 CSON 5407, en appel à la Cour d’appel de l’Ontario, ref. C-61572; R. v. Novielli, 2015 ONCJ 192, paragraphe 69.

[72]    Art. 736(1) C.cr.

[73]    Dans l’affaire Chaussé, le juge Vauclair fait la remarque suivante :

L’accès aux travaux compensatoires n’est pas garanti. Tant l’article 736 C.cr. que les admissions déposées prévoient que l’application de la mesure est soumise à des conditions d'admissibilité (Admissions, Pièce S-7, M.A. p. 38, no. 7). Au surplus, l’article 333 C.p.p. prévoit que le percepteur offre la possibilité d’effectuer des travaux compensatoires « dans la mesure de la disponibilité » de ceux-ci. Or, si en droit provincial la non-disponibilité de travaux compensatoires ne semble pas être un empêchement à l’emprisonnement, il en va peut-être différemment en droit criminel puisque cette réalité pourrait constituer une « excuse raisonnable ».

La question demeure ouverte. Dans R. c. Topp, [2011] 3 R.C.S. 119, 2011 CSC 43, au paragraphe 13, le juge Fish a suggéré que l’emprisonnement n’est pas justifié en l’absence d’un tel programme. Voir aussi l’échange entre Françoise Boivin et Dave MacKenzie suggérant que l’absence des travaux ne fait pas obstacle à l’emprisonnement. Comité permanent de la justice et des droits de la personne, Témoignages, 41e Lég., 1er sess., 1re novembre 2012.

[74]    Chaussé c. R., 2016 QCCA 568, paragraphe 64.

[75]    Avant l’abrogation de la discrétion judiciaire, les tribunaux québécois ont eu l’occasion de pointer du doigt les difficultés de paiement engendrées par la durée de la détention et de la détention préventive comme motifs pour dispenser un accusé du paiement de la suramende compensatoire : Voir : R. c. Charbonneau, 2012 QCCS 147; R. c. N'Drin Beugré, 2011 QCCS 5363; R. c. Koleszar, REJB 2002-36336 (QCCS).

[76]    R. c. Wu, [2003] 3 R.C.S. 530, 2003 CSC 73.

[77]    R. c. Topp, [2011] 3 R.C.S. 119, 2011 CSC 43, paragraphe 13. Pour quelques nuances quant à l’application de cet arrêt voir supra note 73.

[78]    Chaussé c. R., 2016 QCCA 568, paragraphes 73-74.

[79]    Chaussé c. R., 2016 QCCA 568.

[80]    R. v. Michael, 2014 ONCJ 360, paragraphe 75. Une peine non déterminée ne viole pas l’article 12 lorsque le contrevenant a été déclaré un délinquant dangereux. Or, la Cour suprême implique que ce ne serait pas le cas dans d’autres circonstances. Voir : R. c. Lyons, [1987] 2 R.C.S. 309, p. 338-341. Je note, en passant, que le concept de la peine indéterminée revêt un sens particulier dans notre droit pénal. En effet, les premières « peines indéterminées » imposées dans certaines provinces à la fin du 19e siècle ont servi une fonction semblable à la libération conditionnelle : le contrevenant purgeait une période fixe (la peine déterminée) pour ensuite être éligible à la libération à tout moment pendant une période subséquente, sujet à sa bonne conduite (la peine indéterminée). Cette deuxième période de temps était précise et prédéterminée, eu égard à sa durée maximale. L’objectif de la peine indéterminée était de séparer les jeunes contrevenants, souvent pour leur première infraction, des contrevenants plus endurcis pendant la deuxième partie de leur peine. Voir généralement : R v. Bond, [1937] O.R. 535; Turcotte c. R. [1970] R.C.S. 843; R. v. Burnshine, [1975] 1 R.C.S. 693; Clayton Ruby, Sentencing, Toronto: Butterworths, 1976c p. 285 & s. Aujourd’hui, la peine indéterminée est celle purgée par un délinquant dangereux. À cause de la réticence de notre système de justice à infliger de telles peines, le régime des délinquants dangereux est soumis à des conditions strictes, ainsi qu’un contrôle législatif (voir la Partie XXIV C.cr. Voir également R. c. Lyons, [1987] 2 R.C.S. 309; Steele c. Mountain Institution, 1990 2 R.C.S. 1385). La suramende compensatoire ne respecte ni l’une ni l’autre de ces deux conditions. Plus pertinemment, tant les peines indéterminées du 19e siècle que les peines purgées par les délinquants dangereux sont adaptées pour ne pas recevoir une application trop large. De plus, elles comportent un lien rationnel avec un objectif législatif. Comme je le précise plus loin, ceci n’est pas le cas en ce qui concerne la suramende compensatoire infligée sans égard à la capacité financière du contrevenant.

[81]    Statistique Canada, Tableau 206-0092, Seuils de faible revenu (SFR) avant et après impôt selon la taille de la communauté et de la famille en dollars constants de 2014, en ligne : <http://www5.statcan.gc.ca/cansim/a26>.

[82]    R. c. Nur, [2015] 1 R.C.S. 773, 2015 CSC 15, paragraphe 58.

[83]    R. c. Nur, [2015] 1 R.C.S. 773, 2015 CSC 15, paragraphe 68.

[84]    R. c. Nur, [2015] 1 R.C.S. 773, 2015 CSC 15, paragraphe 72.

[85]    R. c. Nur, [2015] 1 R.C.S. 773, 2015 CSC 15, paragraphes 75-76.

[86]    Jugement dont appel, paragraphe 26.

[87]    R. c. Desjardins (1996), 182 NBR (2d) 321, juge Bastarache.

[88]    Jugement dont appel, paragraphe 43.

[89]    Voir notamment R. c. Cloud, 2016 QCCA 567; R. c. Larocque, 2014 ONCJ 428, inf. pour d’autres motifs par R. c. Larocque, 2015 CSON 5407, en appel à la Cour d’appel de l’Ontario, ref. C-61572; R. v. Michael, 2014 ONCJ 360. En ce qui concerne son application en d’autres matières, voir : R. v. Great White Holdings Ltd., 2005 ABCA 188, paragraphes 29-30; et Clayton Ruby, Gerald Chan & Nader Hasan, Sentencing, 8e éd., LexisNexis, Markham : Ontario, 2012, p. 51, § 2.69.

[90]    Autorité des marchés financiers c. Demers, 2009 QCCQ 7063.

[91]    Les exceptions à cette règle relèvent du domaine de la responsabilité professionnelle. Voir : Ordre des CMA du Québec c. Tissoudal, 2009 QCCQ 12768 où un comptable a illégalement utilisé l'abréviation "CMA" dans un courriel alors qu'il n'apparaissait pas indiqué au Tableau de l'Ordre. Le tribunal a imposé l’amende maximale sur le premier chef (30 000 $) avec des frais de 4 500 $, et sur le deuxième chef, sans frais; Ordre des comptables agréés du Québec c. Chénier, 2010 QCCQ 4569, Chénier a reconnu sa culpabilité vis-à-vis 172 chefs d'accusation concernant des gestes dérogatoires, la pratique illégale et l'usurpation de titre en apposant à la suite de son nom l'abréviation "CA". Bien qu'aucune victime n'ait subi de pertes monétaires, le tribunal impose une amende de 516 000 $. Voir aussi : Commission de la santé et de la sécurité du travail c. JP Signalisation 2000, 2015 QCCQ 13147, où l’employeur a plaidé coupable à l'infraction d'avoir compromis directement et sérieusement la santé, la sécurité ou l'intégrité d'un travailleur. Le Tribunal estime qu'une amende de 55 000 $ constitue la peine appropriée dans les circonstances.

[92]    Voir : R. c. Zachary, [1996] R.J.Q. 2484 (C.A.), paragraphe 30. La Cour confirme l’imposition d’une amende de 165 009,18 $ à chaque appelant qui a plaidé coupable à la contrebande de quelque 15 000 cartons de cigarettes; R. c. Desjardins (1996), 182 NBR (2d) 321 (C.A.N-B.), p. 13. La Cour a condamné un appelant impécunieux à une amende de 112 200 $ et 30 mois d’emprisonnement. L’appelant avait été reconnu coupable de possession illégale de 2 880 boîtes de tabac de 200 grammes, et de 2 200 sacs de tabac de 200 grammes; R. c. MacFarlane (1997), 121 C.C.C. (3d) 211 (P.E.I. C.A.), paragraphe 7. La Cour impose une amende minimale de 16 380 $ à chaque appelant reconnu coupable de complot pour vente de 90 000 cigarettes et 18 000 grammes d’autres produits du tabac; R. c. Pham (2002), 167 C.C.C. (3d) 570 (C.A. Ont.), paragraphes 18-19. La Cour impose une amende minimale de 154 000 $ aux appelants reconnus coupables de la possession de 1 200 kilos du tabac.

[93]    R. c. Safarzadeh-Markhali, 2016 CSC 14, paragraphe 71.

[94]    R. v. Michael, 2014 ONCJ 360, paragraphe 75.

[95]    R. c. K.R.J., 2016 CSC 31, paragraphe 60, R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45, 2001 CSC 2, paragraphe 78.

[96]    Art. 737(7) C.cr.; Voir entre autres : Chambre des communes, Débats de la Chambre des communes, 41e lég., 1er sess., vol. 146, 17 septembre 2012, p. 10048 (Kerry Lynne Findlay, secrétaire parlementaire du ministre de la Justice), p. 10059 (Robert Goguen, du ministre de la Justice); Chambre des communes, Comité permanent de la justice et des droits de la personne, Procès-verbal, 41e lég., 1er sess., vol. 046, 23 octobre 2012, p. 1 (Rob Nicholson, ministre de la Justice et procureur général du Canada); Sénat, Débats du Sénat, 41e lég., 1er sess., vol. 148, 5 février 2013, p. 3194 (Pierre-Hugues Boisvenu).

[97]    Je note que deux jugements des cours de l’Ontario arrivent à la même conclusion tout en adoptant une analyse différente. Voir : R. v. Michael, 2014 ONCJ 360, paragraphe 116; Tinker v. The Queen, 2014 ONCJ 208 inf. par R. v. Tinker, Judge, Bondoc & Mead, 2015 ONSC 2284, en appel devant la Cour d’appel de l’Ontario, ref. C-60413.

[98]     Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11 [Charte].

[99]     Loi modifiant le Code criminel (victimes d’actes criminels), L.C. 1988, ch. 30, art. 6.

[100]     Loi sur l’aide aux victimes d’actes criminels, RLRQ, c. A-13.2.

[101]     Loi modifiant le Code criminel (détermination de la peine) et d’autres lois en conséquence, L.C. 1995, ch. 22, art. 6.

[102]     M.A. Law et S.M. Sullivan, Imposition de la suramende compensatoire fédérale au Nouveau-Brunswick : un examen opérationnel, Ministère de la Justice du Canada, 2006, p. 13.

[103]     Ibid.

[104]     Tim Roberts, Évaluation de la suramende compensatoire en Colombie-Britannique, Ministère de la Justice du Canada, 1992, telle que résumée dans Susan McDonald, Melissa Northcott et Menaka Raguparan, La suramende compensatoire fédérale en Saskatchewan, Ministère de la Justice du Canada, 2014, p. 17.

[105]     Lee Axon et Bob Hann, L’aide aux victimes par l’imposition d’une suramende compensatoire, Ministère de la Justice du Canada, 1994, telle que résumée dans S. McDonald, M. Northcott et M. Raguparan, supra, note 7, p. 18.

[106]     M.A. Law et S.M. Sullivan, supra, note 5, p. 14.

[107]    Loi modifiant le Code criminel, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1999, ch. 5, art. 38; Loi modifiant le Code criminel (victimes d’actes criminels) et une autre loi en conséquence, L.C. 1999, ch. 25, art. 20.

[108]    Bibliothèque du Parlement, Résumé législatif du projet de loi C-37 : Loi sur la responsabilisation des contrevenants à l’égard des victimes, publication n°41-1-C37-F, 27 février 2013 (révisée le 11 avril 2013), p. 4.

[109]    M.A. Law et S.M. Sullivan, supra, note 5, p. 17-18.

[110]    Ibid., p. iii, vii, 54-55.

[111]    Bibliothèque du Parlement, supra, note 11, p. 4, citant Lisa Warrilow et Susan McDonald, « Résumé d’études sur la suramende compensatoire fédérale au Nouveau-Brunswick et dans les Territoires du Nord-Ouest », dans Victimes d’actes criminels : Recueil des recherches (Ministère de la Justice), n° 1, printemps 2008, p. 24.

[112]    S. McDonald, M. Northcott et M. Raguparan, supra, note 7, p. vi.

[113]    Loi sur la responsabilisation des contrevenants à l’égard des victimes, L.C. 2013, ch. 11.

[114]    Chambre des communes, Débats de la Chambre des communes, 41e lég., 1re sess., vol. 146, n°146, 17 septembre 2012, p. 10 048-10 051 (K.-L. D. Findlay, secrétaire parlementaire du ministre de la Justice). Ces amendements ont été adoptés avec l’appui des députés du gouvernement Conservateur de l’époque, des députés de l’opposition officielle d’alors (N.P.D.) et de ceux du Bloc québécois.

[115]    Code de procédure pénale, RLRQ, c. C-25.1, art. 8.1. Cet article fut intégré au Code de procédure pénale par la Loi modifiant le Code de procédure pénale, L.Q. 2002, ch. 78, art. 1, et il fut amendé à plusieurs reprises par la suite afin d’accroître le montant de la suramende provinciale.

[116]    Bibliothèque du Parlement, supra, note 11, p. 6.

[117]    1 Wm. & M., sess. 2, chap. 2.

[118]    Le huitième amendement à la Constitution des États-Unis prévoit ce qui suit : « Excessive Bail shall not be required, nor excessive fines imposed, nor cruel and unusual punishment inflicted ».

[119]    Déclaration canadienne des droits, S.C. 1960, ch. 44.

[120]    La jurisprudence est claire à cet égard en ce qui concerne du moins l’article 7 de la Charte : Beals c. Saldanha, 2003 CSC 72, [2003] 3 R.C.S. 416, par. 78 : « [L]’art. 7 de la Charte ne protège pas […] contre les conséquences financières de l’exécution d’un jugement »; Siemens c. Manitoba (Procureur général), 2003 CSC 3, [2003] 1 R.C.S. 6, par. 45 : « Le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne englobe les choix fondamentaux qu’une personne peut faire dans sa vie, et non des intérêts purement économiques »; Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 927, p. 1003 : « [L]’exclusion intentionnelle de la propriété de l’art. 7 […] permet d’en déduire globalement que les droits économiques, généralement désignés par le terme « propriété », ne relèvent pas de la garantie de l’art. 7 ».

[121]    Sur l’interprétation large et libérale des dispositions de la Charte afin d’assurer aux justiciables le plein bénéfice des droits et libertés y énoncés et ainsi réaliser son objet, voir : Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville), 2015 CSC 16, [2015] 2 R.C.S. 3, par. 147; Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation), 2003 CSC 62, [2003] 3 R.C.S. 3, par. 23; R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295, p. 344; Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145, p. 156.

[122]    Steele c. Établissement Mountain, [1990] 2 R.C.S. 1385, p. 1417.

[123]    La Cour suprême des États-Unis n’a invalidé une amende qu’une seule fois sous la clause du « no excessive fine » du Bill of Rights américain : United States v. Bajakajian (1998), 524 US 321. La Cour suprême des États-Unis était d’ailleurs fortement divisée sur la question, une majorité mince de cinq juges souscrivant aux motifs du juge Clarence Thomas. Le juge Kennedy notait d’ailleurs ce qui suit pour les quatre juges minoritaires : “For the first time in its history, the Court strikes down a fine as excessive under the Eigth Amendment. The decision is disturbing both in its specific holding and for the broader upheaval it foreshadows.”

[124]    Zachary c. Canada (Procureur général), [1996] R.J.Q. 2484 (C.A.).

[125]    R. c. Desjardins (1996), 182 N.B.R. (2d) 321 (C.A. N.-B.).

[126]    R. v. MacFarlane, [1997] P.E.I.J. No. 116 (C.A. P.E.I.) (QL).

[127]    R. c. Pham (2002), 167 C.C.C. (3d) 570 (C.A. Ont.) [Pham].

[128]    Loi sur l’accise, L.R.C. 1985, ch. E-14.

[129]    R. c. Pham, supra, note 30, p. 575-576.

[130]    R. c. Smith (Edward Dewey), [1987] 1 R.C.S. 1045, p. 1072 [Smith].

[131]    R. c. Lloyd, 2016 CSC 13, par. 24 [Lloyd].

[132]    R. c. Goltz, [1991] 3 R.C.S 485, p. 505.

[133]    Ibid., p. 505-506.

[134]    R. c. Nur, 2015 CSC 15, [2015] 1 R.C.S. 773, par. 57 [Nur].

[135]    Ibid., par. 46.

[136]    R. c. Lloyd, supra, note 34, par. 23.

[137]    R. c. Nur, supra, note 37, par. 44 et 82; R. c. Lloyd, supra, note 34, par. 24 et 27.

[138]    R. c. Nur, supra, note 37, par. 45.

[139]    Ibid., citant R. c. Morrisey,  2000 CSC 39, , [2000] 2 R.C.S. 90, par. 45.

[140]    R. c. Smith (Edward Dewey), supra, note 33, p. 1077. D’ailleurs, la Cour suprême du Canada a refusé à plusieurs reprises de déclarer qu’une peine minimale soit cruelle et inusitée.

[141]    Bell Express Vu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, [2002] 2 R.C.S. 559, par. 26, citant Elmer Driedger, Construction of Statutes, 2e éd., Toronto, Butterworths, 1983, p. 87; cette règle a été reprise à de nombreuses occasions : Société Radio-Canada c. SODRAC 2003 Inc., 2015 CSC 57, [2015] 3 R.C.S. 615, par. 48; R. c. Steele, 2014 CSC 61, [2014] 3 R.C.S. 138, par. 23.

[142]    R. c. Cloud, 2016 QCCA 567, par. 48 [Cloud]. Voir aussi Chaussé c. R., 2016 QCCA 568 [Chaussé].

[143]    R. c. Crowell (1992), 76 C.C.C. (3d) 413 (C.A. N.S.), p. 418 et 420.

[144]    R. c. Cloud, supra, note 45, par. 56.

[145]    Ibid., par. 57-58.

[146]    Ibid., par. 73 et 75. Ce principe avait d’ailleurs déjà été énoncé dans R. c. Crowell, supra, note 46, p. 420 : « It [the victim surcharge] must be taken into account by criminal court judges in crafting the sentences they impose ».

[147]    Code de procédure pénale, articles 8.1 et 235.

[148]    R. c. Wu, 2003 CSC 73, [2003] 3 R.C.S. 530, par. 23 [Wu].

[149]    Selon le Nouveau Petit Robert, le terme « indéterminé » signifie ce qui « n’est pas déterminé, précisé, fixé » et ses synonymes sont les termes « imprécis » ou « indéfini ».

[150]    R. c. Wu, supra, note 51, par. 37.

[151]    Transcription de l’audition du 8 avril 2015, p. 32-33.

[152]    Chaussé c. R., supra, note 45, par. 35.

[153]     Charte canadienne des droits et libertés, L.R.C. 1985, app. II, no 44, annexe B [Charte].

[154]     R. c. Smith, [1993] 3 R.C.S. 635 [Smith].

[155]     R. c. Nur, [2015] 1 R.C.S. 773, 2015 CSC 15 [Nur].

[156]     R. c. Lloyd, 2016 CSC 13 [Lloyd].

[157]     R. c. Wu, [2003] 3 R.C.S. 530, 2003 CSC 73 [Wu].

[158]     Wu, supra, note 5, paragr. 23.

[159]     Wu, supra, note 5, paragr. 45.

[160]     Wu, supra, note 5, paragr. 67-69.

[161]     R. c. Luxton, [1990] 2 R.C.S. 711 [Luxton].

[162]    R. c. Goltz, [1991] 3 R.C.S. 485 [Goltz].

[163]    R. c. Wiles, [2005] 3 R.C.S. 895, 2005 CSC 84.

[164]    R. c. Morrisey, [2000] 2 R.C.S. 90, 2000 CSC 39.

[165]    R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206, paragr. 45 [Nasogaluak]; Voir également, R. c. Perry (1984), 14 C.C.C. (3d) 5, 2013 QCCA 212, paragr. 150 à 152 [Perry], demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 21 novembre 2013, no 35288.

[166]    Dans Chaussé c. R., 2016 QCCA 568, notre Cour a déterminé que la suramende fait partie intégrante de la peine et, ceci étant, doit obéir à l’objectif d’individualisation.

[167]    R. v. Pham, 2002 O.J. no 2545 (Ont. C.A.).

[168]    Loi sur l'accise, L.R.C. 1985, ch. E-14.

[169]    Voir, par exemple, United States v. Bajakajian, Cour suprême des États-Unis, no 96-14871, 22 juin 1988, où la Cour Suprême des États-Unis a annulé la confiscation de 357 144 $ imposée pour l’infraction douanière de défaut de déclarer la possession d’espèces dépassant 10 000 $.

[170]    Tel que prévu par l’article 736 C.cr.

[171]    Loi sur la faillite et l'insolvabilité, L.R.C. 1985, ch. B-3.

[172]    Voir R. v. Larocque, 2015 ONSC 5407, paragr. 72-77.

[173]    Nasogaluak, supra, note 13, paragr. 45; Perry, supra, note 13, paragr. 149-152.

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