Décision

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Baril c. Autobus Idéal inc.

2020 QCCQ 1916

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

LONGUEUIL

« Chambre civile »

N° :

505-32-702181-182

 

DATE :

20 mai 2020

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

DANIEL LÉVESQUE, J.C.Q.

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JEAN BARIL

 

Partie demanderesse

c.

 

AUTOBUS IDÉAL INC.

 

Partie défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Le demandeur acquiert de la défenderesse, le 22 juin 2018, pour un prix de 6 500 $, un autobus scolaire fabriqué en 2006. Mécanicien, il entend le transformer et l’utiliser comme véhicule récréatif.

[2]           L’eau de pluie y pénètre en quantité importante dès la première occasion où le véhicule circule sous un orage, le 14 juillet 2018.

[3]           La pluie se déverse au voisinage du pare-brise, devant et sur le conducteur. La visibilité est réduite et le conducteur est incommodé. Les installations électriques du poste de conduite sont menacées de court-circuit. La conduite sécuritaire du véhicule est impossible.   

[4]           La défenderesse, Autobus Idéal inc. (ci-après « Idéal ») ne conteste pas les symptômes décrits par le demandeur ou qu’ils empêchent l’utilisation normale et sécuritaire de l’objet vendu comme véhicule routier et donc pour les fins auxquels il est destiné.

[5]           Elle révèle que ce type de véhicule présente une vulnérabilité inhérente à l’infiltration d’eau. Elle ne soutient plus, comme dans sa contestation, que le défaut pourrait résulter des travaux du demandeur et la preuve indique qu’il n’en est rien. 

[6]           Pour identifier les garanties qui découlent de la loi et pour apprécier l’effet juridique des représentations et communications entre les parties, il faut déterminer si le contrat de vente intervenu entre les parties constitue un contrat de consommation au sens de la Loi de protection du consommateur.

[7]           Le contrat de consommation est le contrat par lequel le consommateur, une personne physique acquiert, loue, emprunte ou se procure de toute autre manière, à des fins personnelles, familiales ou domestiques, des biens ou des services auprès d'un commerçant[1].

[8]           Le statut de commerçant « nécessite la présence de deux éléments.  Le premier consiste dans l'exercice d'une activité dans un but de profit.  Le second dans le caractère de permanence de l'activité sans qu'il doive s'agir nécessairement de l'activité principale ni même unique de l'opérateur.  L'activité doit cependant s'exercer de façon habituelle plutôt qu'occasionnelle[2] ».

[9]           Idéal assure le transport de nombreux écoliers et dispose d’une flotte importante d’autobus scolaires. La vente de véhicules n’est pas une activité significative pour elle.

[10]        Néanmoins, à mesure que les autobus atteignent le kilométrage fixé par la réglementation elle est tenue, par les normes de sécurités rigoureuses qui régissent ses opérations, de cesser leur utilisation et de s’en départir.

[11]        Bien que ce ne soit qu’un aspect secondaire de ses opérations, elle doit vendre, chaque année, un certain nombre d’autobus notamment à des consommateurs qui lui manifestent, spontanément, de temps à autre leur intérêt.

[12]        Du fait du cycle de vie de ces équipements et de la nécessité récurrente de se départir des unités caduques, il s’agit d’une opération « habituelle plutôt qu'occasionnelle ».

[13]        Le contrat est en conséquence régi non seulement par le Code civil du Québec mais aussi par la Loi sur la protection du consommateur. Il en résulte qu’en plus de la garantie de qualité prévue au Code civil, le vendeur est tenu à sa garantie d’aptitude et de bon fonctionnement qui stipule que:  

37. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné.

38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien[3].

[14]        La nature et les effets de ces garanties sont résumés par le juge Luc Hervé Thibaudeau, J.C.Q. ainsi:

La garantie des articles 37 et 38 L.p.c. est une application particulière de la garantie contre les vices cachés que l’on retrouve à l’article 1726 C.c.Q. Il faut préciser que le régime particulier de la L.p.c. allège le fardeau de preuve du consommateur. À compter du moment où le bien vendu cesse de fonctionner normalement au point où il perd son utilité de façon importante et que le consommateur ne l’aurait pas acheté ou n’aurait pas payé si haut prix, on peut présumer qu’il est affecté d’un vice. Si le consommateur ignorait que le bien était affecté d’un vice, l’article 272 L.p.c. crée une présomption absolue de préjudice donnant ouverture aux remèdes énumérés à cette disposition[4].

[15]        De plus, en vertu de la L.P.C. une déclaration écrite ou verbale faite à un commerçant à propos d’un bien ou d’un service lie ce commerçant[5]. On doit tenir compte de l’impression générale qui en découle pour le consommateur et déterminer si cette impression générale est conforme à la réalité[6].

[16]        Idéal ne conteste pas que son représentant et âme dirigeante représente au demandeur avant la vente que le véhicule est en « excellente condition ». Il en est convaincu compte tenu du processus d’inspection périodique des autobus dont les rapports sont produits au dossier et de la bonne apparence du véhicule au moment de son inspection par ailleurs attentive par le demandeur.

[17]        Pourtant, il s’avère que le véhicule est défectueux au moment de sa vente. Il ne peut servir à l’usage auquel il est destiné, au sens de l’article 37 L.P.C ni à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix au sens de l’article 38.

[18]        Sa condition n’est pas conforme aux représentations émises au moment de la vente et aux garanties légales.

[19]        Le choix de la mesure de réparation appartient au consommateur

La nature des obligations dont la violation peut être sanctionnée par le biais de l'art. 272 L.p.c. est essentiellement de deux ordres. La L.p.c. impose d'abord aux commerçants et aux fabricants un éventail d'obligations contractuelles de source légale. Ces obligations se retrouvent principalement au titre I de la loi. La preuve de la violation de l'une de ces règles de fond permet donc, sans exigence additionnelle, au consommateur d'obtenir l'une des mesures de réparation contractuelles prévues à l'art. 272 L.p.c. Comme la juge Rousseau-Houle l'a affirmé dans l'arrêt Beauchamp c. Relais Toyota inc., «[l]e législateur présume de façon absolue que le consommateur subit un préjudice par suite d'un manquement par le commerçant ou le fabricant à l'une ou l'autre de ces obligations et donne au consommateur la gamme des recours prévue à l'article 272» (p. 744). Le choix de la mesure de réparation appartient au consommateur, mais le tribunal conserve la discrétion de lui en accorder une autre plus appropriée aux circonstances.[7] 

[20]        Les réparations assurant l’étanchéité du véhicule sont relativement complexes et exigent le démantèlement de plusieurs parties du véhicule. Une soumission indique qu’elles peuvent être réalisées pour un prix arrondi à 1 950 $. Ce montant qui n’est pas contesté par une preuve contraire semble raisonnable eu égard à la description des travaux requis d’autant qu’une autre soumission fait état d’un prix substantiellement plus élevé.

[21]        Le demandeur affirme aussi qu’au moment où les défauts du véhicule se manifestent le prive de ses vacances estivales et des frais engagés pour des séjours pendant cette période et lui imposent des dépenses imprévues pour s’organiser autrement. 

[22]        L’indemnité qu’impose le Tribunal doit toutefois demeurer raisonnable et ne jamais procurer un avantage indu à l'acheteur et déterminé en tenant compte également de «mesure d'équité pour le vendeur. Ainsi, il ne saurait être question, par exemple, d'ordonner la restitution intégrale du prix payé tout en permettant à l'acheteur de conserver la propriété du bien vendu.[8]

[23]        En considération du prix des travaux nécessaires, des inconvénients subis par le demandeur mais dans le souci de tenir compte du prix du bien vendu, de son âge et des risques qui sont associés à un tel achat, le Tribunal conclut qu’une indemnité globale au bénéfice du demandeur de 2 600 $ s’impose.

 

[24]        POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[25]        ACCUEILLE partiellement la demande;

[26]        CONDAMNE la partie défenderesse à payer à la partie demanderesse la somme de 2 600 $ avec intérêts au taux légal plus l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q., à compter du 12 août 2018 plus les frais de justice de 187 $.

 

 

 

__________________________________

DANIEL LÉVESQUE, J.C.Q.

 

 

 



[1]    Thibaudeau, L. Contrat de consommation Guide pratique de la société de consommation, Tome 2 : Les garanties, L. Thibaudeau, 2017 EYB2017SDC28.

[2]    Lac Express inc. c. Laliberté, 1995 CanLII 4902.

 

[3]    Loi sur la protection du consommateur, RLRQ c P-40.1 art.37 et 38.

[4]    Bouchard c. 4472560 Canada inc. (Gestions automobiles JSL), 2019 QCCQ 6646.

[5]    Loi sur la protection du consommateur, art.42.

[6]    Richard c. Time Inc., 2012 CSC 8.

 

[7]    Richard c. Time Inc., 2012 CSC 888, ([2012] 1 R.C.S. 265, 2012 CSC 8, J.E. 2012-469) (Texte intégral - Version française)

[8]    Verville c. 9146-7308 Québec inc., 2008 QCCA 1593

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