Décision

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Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (T.J.R.) c. Procureur général du Québec (Sûreté du Québec)

2020 QCTDP 20

TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

 

 

N° :

500-53-000483-188

 

 

 

DATE :

  13 novembre 2020

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

doris thibault

AVEC L’ASSISTANCE DES ASSESSEURS :

 

Me Djénane Boulad, avocate à la retraite

Me Pierre Arguin, avocat à la retraite

______________________________________________________________________

 

 

COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, agissant dans l’intérêt public et en faveur de T.J.R.[1]

Partie demanderesse

c.

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC (aux droits de la SÛRETÉ DU QUÉBEC)

Partie défenderesse

et

T.J.R.

Partie victime et plaignante

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Commission), agissant dans l'intérêt public et au bénéfice de T.J.R., reproche à la Sûreté du Québec (SQ) d'avoir porté atteinte aux droits de T.J.R. d'être traité en toute égalité, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur le handicap ou la perception de handicap en le soumettant à un processus de sélection discriminatoire et en refusant de l'embaucher pour un poste de policier, le tout contrairement aux articles 10, 16 et 18.1 de la Charte des droits et libertés de la personne (Charte)[2]. Elle reproche également à la SQ d'avoir porté atteinte de façon discriminatoire au droit au respect de la vie privée de T.J.R., à son droit à l'intégrité et à son droit à la sauvegarde de sa dignité en contravention des articles 1, 4, 5 et 10 de la Charte.

[2]           De plus, la Commission allègue qu'en obtenant des informations sur la condition de santé de T.J.R. et en révélant ces informations personnelles à des tiers dans le cadre de son enquête sur la condition de santé de celui-ci, la SQ a également porté atteinte au respect de sa vie privée.

[3]           La Commission recherche les conclusions suivantes :

1)           DÉCLARER que la SQ a porté atteinte au droit à l'égalité de T.J.R., sans discrimination fondée sur le handicap ou la perception de celui-ci, en refusant de l’embaucher pour le poste de policier patrouilleur, contrairement aux articles 10 et 16 de la Charte;

2)           DÉCLARER que le processus de sélection des policiers patrouilleurs auquel a dû se soumettre T.J.R. dans le cadre du programme de recrutement de candidats conventionnels 2012-2013 de la SQ, qui comprend des évaluations médicales et des questionnaires médicaux pré-embauche, est discriminatoire et contrevient aux articles 10 et 18.1 de la Charte;

3)           DÉCLARER que le processus de sélection des policiers patrouilleurs auquel a dû se soumettre T.J.R. dans le cadre du programme de recrutement de candidats conventionnels 2012-2013 de la SQ, qui comprend des évaluations médicales et des questionnaires médicaux pré-embauche, est discriminatoire et a porté atteinte aux droits de T.J.R. à la sauvegarde de son intégrité, de sa dignité et au respect de sa vie privée, le tout contrairement aux articles 1, 4, 5 et 10 de la Charte;

4)           DÉCLARER que la SQ a porté atteinte au droit au respect de la vie privée de T.J.R. en dévoilant à des tiers des informations médicales obtenues en violation de son droit à l’égalité dans le cadre de son enquête complémentaire, contrairement à l’article 5 de la Charte;

5)           CONDAMNER la SQ à verser à T.J.R. la somme de 60 044,21$, répartie comme suit :

a)    25 044,21$ à titre de dommages matériels, sauf à parfaire;

b)    25 000$ à titre de dommages moraux en raison de l'atteinte à ses droits prévus aux articles 1, 4, 5, 10, 16 et 18.1 de la Charte;

c)    et 10 000$ à titre de dommages punitifs en raison de l'atteinte illicite et intentionnelle à ses droits;

6)           ORDONNER à la SQ d'embaucher le plaignant dès qu'un emploi de policier sera ouvert, avec reconnaissance rétroactive au 18 novembre 2013 de tous les droits et privilèges afférents à ce poste, y compris l'ancienneté non concurrentielle et les droits au fonds de pension;

7)           ORDONNER à la SQ de payer au plaignant les avantages sociaux dont il a été privé en raison de son refus d'embauche discriminatoire, incluant la cotisation de l'employeur dans le fonds de pension du plaignant qu'il aurait dû détenir auprès de son employeur depuis le 18 novembre 2013;

8)           ORDONNER à la SQ de cesser d'utiliser le « Questionnaire d'enquête administrative pré-embauche d'un candidat policier » pour obtenir des renseignements médicaux et de cesser d'obliger ses candidats en processus d'embauche à se soumettre à des évaluations médicales et à répondre à des questionnaires médicaux, même par l'intermédiaire d'une clinique médicale spécialisée, jusqu'à la révision complète par la SQ de son processus de sélection afin de le rendre conforme à la Charte;

9)           ORDONNER à la SQ de réviser, dans les 90 jours du jugement à être rendu, l’ensemble de son processus de sélection pour l’embauche de policiers patrouilleurs afin de le rendre conforme aux articles 1, 4, 5, 10 et 18.1 de la Charte. Le processus de sélection devra s'assurer de porter le moins possible atteinte aux droits fondamentaux des candidats et les questions ou évaluations relatives à la condition de santé des candidats devront se limiter à vérifier les qualités requises pour l'exécution des tâches essentielles de l’emploi et qu'elles ne soient exigées qu’après qu’une offre d’emploi conditionnelle à l'administration de ce questionnaire ait été présentée au candidat;

10)        ORDONNER à la SQ de faire parvenir [à la Commission] une copie du nouveau processus de sélection mis en place pour l'embauche des policiers, incluant le nouveau questionnaire médical pré-embauche qui sera imposé aux policiers, et ce, dans le même délai de 90 jours du jugement.

[4]           Le Procureur général du Québec, agissant aux droits de la SQ, conteste les prétentions de la Commission et soutient que le recours doit être rejeté.

Les questions en litige

i)             La SQ a-t-elle porté atteinte aux droits de T.J.R. en requérant, au moyen de questionnaires et d'examens médicaux pré-embauche des renseignements sur sa condition de santé et ses habitudes de vie qui n'étaient pas utiles pour évaluer les aptitudes et qualités requises pour le poste de policier patrouilleur, le tout en contravention avec les articles 10 et 18.1 de la Charte? Si oui, a-t-elle compromis les droits de T.J.R. quant au respect de son intégrité, de sa dignité et de sa vie privée, sans distinction ou exclusion fondée sur le handicap ou la perception de handicap, le tout contrairement aux articles 1, 4, 5 et 10 de la Charte?

ii)            La SQ a-t-elle compromis le droit de T.J.R. d'être traité en pleine égalité, sans distinction ou exclusion fondée sur le handicap ou la perception de handicap en refusant de l'embaucher en raison de sa condition de santé, le tout contrairement aux articles 10 et 16 de la Charte?

iii)           En divulguant un problème de santé de T.J.R. à des tiers, la SQ a-t-elle porté atteinte de manière discriminatoire à son droit à la vie privée?

iv)           Dans l'affirmative, les dommages matériels, moraux et punitifs réclamés en faveur de T.J.R. sont-ils justifiés?

v)            Les ordonnances recherchées contre la SQ dans l'intérêt public sont-elles justifiées?

 

Le contexte

[5]           Au début de l'année 2012, T.J.R. pose sa candidature à la SQ. Il a environ 30 ans et souhaite depuis toujours intégrer les rangs de la police.

[6]           À l'âge de sept ans il présente des tics moteurs et nerveux et fait des bruits bizarres avec sa bouche, mais sans coprolalie (prononciation de mots inacceptables en société). Sa mère s'inquiète au point qu'elle demande une investigation médicale auprès d'un neurologue. Le médecin consulté émet alors un diagnostic de syndrome de Gilles de la Tourette (SGT), un trouble neurologique répertorié au Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5).

[7]           Au cours des années qui suivent, il ne bénéficie d'aucun traitement, thérapie ou médication en lien avec ce diagnostic.

[8]           Il observe une diminution progressive de ses symptômes jusqu'à l'adolescence. Il s'estime d'ailleurs « guéri » depuis.

[9]           Les seuls symptômes qui subsistent encore aujourd'hui de son syndrome consistent en un dégorgement de la voix et quelques légers clignements d'œil occasionnels.

[10]        Il quitte l'école au milieu de ses études secondaires en raison d'un manque de motivation.

[11]        D'octobre 2001 à janvier 2012, il travaille pour les Forces armées canadiennes. Dans le cadre du processus de pré-embauche pour cet emploi, il omet d'abord de mentionner être porteur du SGT. Toutefois, il le dévoile lors d'une entrevue, ce qui fait sourciller l'adjudant médical qui se demande alors si cette condition ne constituerait pas une fin de non-recevoir à sa candidature.

[12]        T.J.R. l'informe que sa condition est asymptomatique depuis longtemps, tout en ajoutant qu'il est prêt à consulter un neurologue pour le démontrer, ce qu'il fait. À la suite de cette consultation, le Dr Martin Cloutier, neurologue, écrit le 4 janvier 2001[3] :

EXAMEN : l'examen vient confirmer quelques tics vocaux qui demeurent rares et contrôlés. On note de rares tics moteurs sous forme de clignement des yeux. Le reste de l'examen neurologique est normal.

IMPRESSION : Donc syndrome de Gilles de la Tourette léger et Monsieur [nom omis] est maintenant capable de contrôler ses tics. Il n'y a aucune indication de traitement médical. Monsieur [nom omis] m'informe qu'à sa première tentative sa candidature n'a pas été retenue pour les Forces Armées et cette décision m'apparaît surprenante. En tant que neurologue, je considère ses symptômes très légers et je crois que sa candidature mériterait d'être réévaluée.

                                                                                        (Nos soulignements)

[13]        Cette évaluation médicale a pour effet de le rassurer en lui confirmant qu'il est « enfin normal ». Fort de cette évaluation, quelques mois plus tard T.J.R. est embauché par les Forces armées canadiennes.

[14]        Dans ce milieu de travail, il témoigne avoir connu l'expérience la plus significative de sa vie et le stress le plus intense auquel il a pu être soumis. Cependant, il n'a pas été déployé durant toute la durée de son emploi, que ce soit pour des fins militaires ou pour des missions de paix.

[15]        À une question du Tribunal, il révèle qu'il a travaillé dans les Forces armées canadiennes à temps partiel, pendant six ans soit deux mardis et une fin de semaine par mois et à temps plein à titre de chauffeur et magasinier, de quatre à cinq ans, et ce, tout en terminant ses études secondaires.

[16]        Il ajoute avoir été affecté pendant quelques mois à titre de sentinelle à Ottawa, ce qui consiste à demeurer stoïque près d'un monument ou à l’entrée d'un édifice pendant plusieurs heures. Il a effectué cette tâche sans aucune difficulté, malgré son diagnostic de SGT.

[17]        En 2009, il pose sa candidature à la Gendarmerie Royale du Canada (GRC). Il ne réussit pas l'examen écrit, mais bien qu'il veuille « profondément travailler à la GRC », il abandonne son projet. À la même période, son père est très malade.

[18]        Dans le cadre de sa candidature à la GRC, il décide néanmoins de consulter à  nouveau le Dr Cloutier, neurologue, au sujet de son SGT, car il souhaite alors « [s'] assurer de façon préventive [qu'il n'aurait] aucun problème à joindre les rangs de la police ». Le 1er mai 2009, à la suite d'un examen médical, le médecin rédige un rapport[4] dont les conclusions se lisent comme suit :

IMPRESSION : Il présente un syndrome de Gilles de la Tourette qui a bien évolué. Il ne présente maintenant que peu de tics. Il s'agit d'une évolution typique « de l'évolution lorsque le syndrome est léger à l'enfance, il s'amenuise à l'âge adulte ».

Pour les besoins d'un travail quelconque, y compris le travail de policier, je crois qu'il peut être considéré comme neurologique (sic) normal et je ne vois pas à quoi sa condition le mettrait à risque de problèmes dans le cadre de son travail ou mettrait à risques ses collègues ou la population. S'il rencontre les autres critères pour être accepté comme policier, je crois que sa candidature devrait être retenue. Il ne nécessite aucune médication.

                                                                                        (Nos soulignements)

[19]        Parallèlement, de 2010 à 2012, il travaille aussi à l'Établissement de détention A (prison A) à titre d'agent correctionnel, et ce, « à temps partiel régulier ». Il évoque le stress associé à un tel travail, particulièrement lors des interventions d'urgence auxquelles il a dû participer. Il ajoute avoir fait partie de l'Équipe correctionnelle spéciale d'intervention d'urgence, qu'il décrit comme la « Swat Team » des établissements de détention. Il quitte cet emploi lorsqu'il reçoit une promesse d'embauche de la SQ.

[20]        Durant cette période, il mentionne avoir aussi été admis à la faculté de droit de l'Université de Montréal, y avoir étudié durant une session complète, mais avoir ensuite renoncé à y poursuivre de telles études parce qu'il estimait ne « pas avoir les habiletés » requises pour éventuellement exercer les fonctions de juriste, tout « en ne se voyant pas faire autre chose que policier ».

[21]        Au début 2012, il pose sa candidature à la SQ dans le cadre du programme de recrutement conventionnel, lequel s'adresse aux aspirants policiers n'ayant pas reçu de formation en techniques policières.

[22]        Le processus de recrutement des policiers dit « conventionnel » se déroule alors en plusieurs étapes, incluant de multiples tests d'aptitudes physiques ou psychométriques, des tests de jugement situationnel, des évaluations médicales, composées de questionnaires et d'examens, des entrevues, ainsi que des enquêtes de sécurité et en déontologie policière, notamment.

[23]        À compter du dépôt de sa candidature en 2012 jusqu'au refus d'embauche de la SQ qui surviendra officiellement en septembre 2014, T.J.R. se soumet donc à plusieurs questionnaires et évaluations médicales.

[24]        Il complète un formulaire administratif[5] et quelques jours plus tard l'enquêteur Bernard Brideau le rencontre et reprend avec lui chacune des questions et des réponses afin de s'assurer qu'il a bien compris et qu'il n'a rien oublié.

[25]        Le 9 mars 2012, T.J.R. répond une première fois au questionnaire médical pré-emploi[6] et une seconde fois le 26 juillet 2013[7]. Les deux formulaires de la clinique Medisys mandatée par la SQ comportent les mêmes questions[8].

[26]        Il doit être mentionné que selon une évaluation de risque pathologique à laquelle il se soumet en février 2012, T.J.R. présente « une désirabilité sociale élevée », soit un biais qui consiste à vouloir se présenter sous un jour plus favorable à ses interlocuteurs. Cette conclusion exige que les résultats des tests soient traités avec prudence. Selon la preuve administrée, il ne s'agit toutefois pas d'un critère qui permet à lui seul d'écarter un candidat, mais d'une mise en garde.

[27]        Le 5 juillet 2012, il reçoit une promesse d’embauche de la SQ conditionnelle à la réussite d’une formation collégiale d’une durée de 32 semaines au Collège de Maisonneuve, à la réussite d’une formation de base d’une durée de 15 semaines à l’École nationale de police du Québec (ENPQ), à la recommandation favorable du Service de l’emploi, division du recrutement, « après la mise à niveau de votre dossier (enquête administrative de sécurité) et de l’analyse globale de votre contingent prévue à la fin de l’année 2013 ou au début d’année 2014 », ainsi que « le maintien des besoins d’effectifs de la Sûreté du Québec au moment où vous serez diplômé ».

[28]        On lit aussi à la lettre du 5 juillet 2012[9] :

Dans le cas où l’ensemble de ces conditions ne sont pas satisfaites d’ici le 31 mai 2014, nous mettrons automatiquement fin à cette promesse d’embauche. La Sûreté du Québec se réserve le droit de mettre fin à toute procédure d’embauche. Ce droit pourrait notamment s’exercer si des gestes posés par vous ou si des informations portées à notre connaissance établissaient, de l’avis de la Sûreté du Québec, que vous ne répondez pas à nos critères d’embauche.

[29]        T.J.R. réussit tous les tests qu’on lui impose au cours de son processus de pré-embauche, dont la formation de 15 semaines dispensée par l’ENPQ à l’automne 2013. À la suite de cette formation, il reçoit d’ailleurs une distinction de ses pairs pour « son implication, sa préoccupation pour le service aux citoyens, la qualité de ses relations interpersonnelles et sa contribution au sein du groupe »[10].

[30]        En somme, il semble alors répondre objectivement à tous les critères requis pour être éventuellement embauché par la SQ et anticipe avec optimisme cette perspective.

[31]        Toutefois, lors de la cérémonie de remise des diplômes de l’ENPQ tenue le 25 octobre 2013, monsieur Charles Hudon[11], qui s'est spécialement déplacé pour cette occasion, alors qu’il discute de façon informelle avec quelques finissants de l’ENPQ, apprend fortuitement que T.J.R. « fait des sons bizarres avec sa bouche », assortis de tics, et qu’il serait possiblement atteint du SGT.

[32]        Monsieur Hudon demande donc un complément d’enquête sur deux aspects, l’un médical, l’autre portant sur l’éthique et les bonnes mœurs de T.J.R.

[33]        Il mentionne ignorer à ce moment ce qu'est le SGT et souhaite connaître les possibles conséquences de celui-ci sur la capacité de T.J.R. d’exercer le travail de policier. La partie médicale de cette enquête est confiée au médecin conseil de la SQ, le Dr Mitchell S. Pantel.

[34]        Par ailleurs, monsieur Hudon veut aussi savoir si cette information a été déclarée par T.J.R. dans le cadre de son processus de pré-embauche, plus particulièrement dans ses réponses aux questionnaires de pré-embauche administrés par l'enquêteur Brideau de la SQ. Pour lui, il est important d'avoir des candidats qui disent la vérité.

[35]        Dans l’intervalle, T.J.R., contrairement à ses pairs de Nicolet, ne reçoit pas d’appel téléphonique lui annonçant son embauche officielle, ce qui l’inquiète.

[36]        Le 5 novembre 2013, il reçoit un appel de l’enquêteur Brideau de la SQ qui le convie à une rencontre le lendemain « afin de valider certaines informations », précise-t-il.

[37]        Comme souhaité, cette rencontre se tient le 6 novembre 2013 au quartier général de la SQ. T.J.R., l'enquêteur et son supérieur monsieur Jacques Decoste sont présents.

[38]        Après quelques questions de routine, l'enquêteur Brideau lui exhibe une lettre du 31 octobre 2008, rédigée par la Directrice de l’Association québécoise du syndrome de la Tourette (l’Association).

[39]        Dans cette lettre, qui fait partie du dossier de candidature de T.J.R., la signataire mentionne notamment que ce dernier est bénévole à l’Association depuis septembre 2007. Le dernier paragraphe de cette lettre indique aussi ce qui suit[12] :

Deux fois par année, en moyenne, Monsieur X [nom omis] agit à titre de personne-ressource atteinte de SGT au groupe de soutien Entr’Ados (pour les jeunes de 13 à 17 ans atteints du syndrome de la Tourette).

[40]        On le questionne sur son omission de déclarer l’existence de ce diagnostic plus tôt dans le cours du processus d'embauche, plus particulièrement en réponse aux questionnaires de pré-embauche qu'il a remplis, ce à quoi T.J.R. répond que pour lui «c’est réglé », qu'il est normal.

[41]        On lui mentionne aussi que le dossier révèle qu’il aurait consulté un psychologue à la suite du décès de sa mère.

[42]        De façon spontanée, T.J.R. précise avoir aussi consulté un psychologue en raison d’une problématique « de relations malsaines avec les femmes ».

[43]        Or, il a omis d’en faire mention lorsqu'il a complété le questionnaire pré-embauche le 3 mars 2012 et les questionnaires médicaux subséquents. En effet, son dossier de candidature ne révèle rien de particulier au plan psychologique, hormis sa consultation en 1999 auprès d'un psychologue à la suite du décès de sa mère.

[44]        Sur son défaut d’en avoir fait mention auparavant, dans le cadre de son processus de pré-embauche, T.J.R. explique qu’il n’avait alors consulté « [qu’] un coach de vie »[13].

[45]        Au cours de la rencontre, les enquêteurs lui mentionnent que son dossier sera analysé à nouveau. Ces circonstances font qu'il ne saurait être sélectionné pour l’embauche de novembre 2013.

[46]        L'enquêteur Brideau demande à T.J.R. de consigner par écrit[14]  ce qu’il vient de leur raconter avant d’échanger avec lui une poignée de mains et mettre fin à la rencontre.

[47]        Il déclare entre autres :

[…] j'ai oublier (sic) d'inscrire que j'ai consulté un psychologue vers les années 2004-2005 sur le questionnaire de la SQ et de Medisys. En effet, vous devez savoir qu'à environ 10 à 20 reprises échelonné (sic) sur une période maximale de 2/3 ans, j'ai été voir un psychologue car je constatais que je vivais des relations malsaines avec les filles.

                                                                                        (Nos soulignements)

[48]        Aussi, quant à son diagnostic de SGT, T.J.R. mentionne qu’il estimait ne pas avoir à le déclarer puisqu’il disposait d’un rapport d’évaluation médicale du 1er mai 2009[15] du neurologue, le Dr Cloutier, qui le considérait alors « comme étant neurologiquement normal ».

[49]        T.J.R. affirme qu'après la rencontre, sa vie bascule. Il ne sait plus quoi faire, sauf entreprendre des démarches auprès de la SQ pour démontrer sa sincérité. Il estime n'avoir commis qu’une erreur de bonne foi.

[50]        Il écrit une lettre[16] à monsieur Hudon afin de lui expliquer les raisons pour lesquelles il n’a pas fait mention auparavant de certains « renseignements que l’organisation jugeait importants ».

[51]        Tout en admettant qu'il s'agit d'une erreur de ne pas avoir mentionné avoir consulté un psychologue à compter de 2004, T.J.R. précise alors ne l’avoir rencontré que « de façon sporadique en 2004-2005 [sic] » pendant environ 16 rencontres. Le contre-interrogatoire nous apprend qu'il a plutôt consulté 48 fois le psychologue, soit 30 rencontres entre le 30 novembre 2004 et le 23 août 2005 et 18 rencontres entre le 29 mai 2006 et juin 2007.

[52]        Parallèlement, la SQ poursuit son enquête, plus particulièrement sur ses bonnes mœurs en raison des omissions relatives à ce diagnostic et sur ses consultations psychologiques pour « des relations malsaines » avec les femmes, mais aussi sur les possibles effets du SGT sur la capacité de T.J.R. d'exercer les fonctions de policier.

[53]        Au plan médical, la SQ consulte son médecin-conseil, le Dr Pantel. Dans le cadre de cette consultation, ce dernier demande un complément d’information en vertu duquel il pose les quatre questions suivantes afin de vérifier, auprès des instructeurs qui ont observé T.J.R. pendant sa formation à l’ENPQ, l’impact potentiel de cette maladie sur ses communications en situation d’urgence :

1)          Lors des simulations d’interventions ou toute autre condition stressante, monsieur avait de la difficulté à communiquer verbalement au cascadeur ou autre individu?

2)          Est-ce que la perception des paroles de monsieur est affectée lorsqu’il parle sur le radio en situation stressante?

3)          Est-ce qu’il y a eu des situations où les gens ont remarqué que monsieur était affecté par des tics vocales ou motrices?

4)          Est-ce que monsieur peut effectuer en sécurité les méthodes d’emploi de la force qui nécessite sa présence, ses paroles ainsi que des ordres au suspect? [sic]

[54]        Cependant, l’enquêteur Brideau, qui est chargé de communiquer avec des gens qui ont côtoyé T.J.R. lors de son passage à l’ENPQ, prend l’initiative d’ajouter une cinquième question à celles posées par le Dr Pantel, à savoir :

5)          « Est-ce que monsieur a déjà parlé de la maladie du syndrome de Gilles de la Tourette durant ses études? ».

[55]        Dans les faits, cette dernière question est posée par l'enquêteur à quatre personnes qui ont côtoyé T.J.R. à l’ENPQ.

[56]        Dans un courriel du 29 avril 2014[17], le Dr Pantel s’insurge contre l’ajout, à son insu, de cette cinquième question par l’enquêteur Brideau en invoquant une atteinte potentielle au droit de T.J.R. à la sauvegarde du caractère confidentiel du diagnostic dont il est le porteur.

[57]        Néanmoins, le Dr Pantel conclut en mentionnant qu’à la lumière des réponses données aux quatre questions originales par les instructeurs qui ont pu observer T.J.R. dans des situations de simulation, que le SGT n’est pas une entrave à l'exercice de la fonction de policier patrouilleur. Il le considère apte à ce travail.

[58]        Le 18 septembre 2014, la SQ transmet une lettre à T.J.R. l’avisant de sa « décision de mettre fin à la promesse d’embauche du 5 juillet 2012 en raison de nouvelles informations portées à notre connaissance, lesquelles nous permettent de conclure que vous avez volontairement omis de divulguer certaines informations demandées ».

[59]        T.J.R. est anéanti par ce refus. Ses relations interpersonnelles, tant avec son père qu’avec sa conjointe d’alors en souffrent. Néanmoins, il minimise ses dommages du mieux qu’il peut en empruntant de l’argent à son père pendant quelques mois, puis en dénichant en janvier 2014 un emploi de courtier en assurances de particuliers pour une firme importante, travail qu’il exerce encore au moment de l’audience, non sans avoir décroché depuis une promotion.

[60]        Après quelques démarches infructueuses auprès d’autres corps policiers en vue d’y trouver un emploi, il y renonce après trois ans.

[61]        Le 4 mars 2015, il porte plainte à la Commission alléguant avoir été victime de discrimination fondée sur le handicap ou la perception de celui-ci dans un contexte d’embauche.

Le droit

[62]        Les articles pertinents à la solution du litige sont les articles 1, 4, 5, 10, 16, 18.1, 20 et 49 de la Charte :

1.         Tout être humain a droit à la vie, ainsi qu'à la sûreté, à l'intégrité et à la liberté de sa personne.

4.         Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation.

5.         Toute personne a droit au respect de sa vie privée.

10.       Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, l’identité ou l’expression de genre, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap.

Il y a discrimination lorsqu'une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit.

16.       Nul ne peut exercer de discrimination dans l'embauche, l'apprentissage, la durée de la période de probation, la formation professionnelle, la promotion, la mutation, le déplacement, la mise à pied, la suspension, le renvoi ou les conditions de travail d'une personne ainsi que dans l'établissement de catégories ou de classifications d'emploi.

18.1.    Nul ne peut, dans un formulaire de demande d'emploi ou lors d'une entrevue relative à un emploi, requérir d'une personne des renseignements sur les motifs visés dans l'article 10 sauf si ces renseignements sont utiles à l'application de l'article 20 ou à l'application d'un programme d'accès à l'égalité existant au moment de la demande.

20.    Une distinction, exclusion ou préférence fondée sur les aptitudes ou qualités requises par un emploi, ou justifiée par le caractère charitable, philanthropique, religieux, politique ou éducatif d'une institution sans but lucratif ou qui est vouée exclusivement au bien-être d'un groupe ethnique est réputée non discriminatoire.

49.       Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnu par la présente Charte confère à la victime le droit d'obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte.

En cas d'atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages-intérêts punitifs.

[63]        Il y a discrimination au sens de l'article 10 de la Charte lorsque sont réunis les trois éléments suivants[18] :

1.            Une distinction, exclusion ou préférence;

2.            Fondée sur l'un des motifs énumérés à l'article 10 de la Charte; et

3.            Qui a pour effet de détruire ou de compromettre le droit à une pleine égalité dans la reconnaissance et l'exercice d'un droit ou d'une liberté de la personne.

[64]        L'article 18.1 de la Charte « vise à protéger et à promouvoir, à la source, le droit à l'égalité sans discrimination dans l'embauche et l'emploi »[19]. L'objectif de cet article est donc d'éliminer la discrimination lors du processus d'embauche en interdisant les questions relatives aux caractéristiques personnelles du candidat n'ayant pas de lien avec ses qualifications et ses capacités.

[65]        La Cour suprême dans l'arrêt Janzen[20] écrit sur le droit d'égalité à l'emploi :

L'égalité en matière d'emploi signifie que nul ne doit se voir refuser un débouché pour des raisons qui n'ont rien à voir avec sa compétence. Elle signifie le libre accès sans barrières arbitraires. La discrimination fait qu'un obstacle arbitraire vient souvent s'interposer entre la compétence d'une personne et sa possibilité d'en faire la preuve. Si quiconque désirant se réaliser a véritablement la possibilité d'accéder à l'emploi qui l'intéresse, on atteint alors une certaine égalité, c'est-à-dire le droit à l'égalité sans aucune discrimination.

                                                                                        (Nos soulignements)

[66]        Le droit protégé par l’article 18.1 de la Charte est un droit autonome. Par conséquent, le simple fait de poser une question en lien avec les motifs énumérés à l’article 10 de la Charte entraîne une violation[21].

[67]        En outre, la jurisprudence reconnaît que les questionnaires pré-embauche comprenant des questions sur la condition de santé du candidat sont une collecte d’informations au sens de l’article 18.1 de la Charte, tel que le rappelle la Cour d’appel dans l’arrêt Centre hospitalier régional de Trois-Rivières[22] :

[64]      L'article 18.1 de la Charte interdit explicitement la recherche, dans un formulaire de demande d'emploi, de renseignements sur les motifs de discrimination énumérés à l'article 10, sauf lorsqu'un lien peut être établi avec les « aptitudes ou qualités requises par un emploi ». Or, la recherche de renseignements sur les affections liées à l'état de santé des personnes en recherche d'emploi rejoint un motif de discrimination énuméré à l'article 10 de la Charte, soit le handicap, conformément à l'interprétation large que doit recevoir ce terme.

                                                                                        (Nos soulignements)

[68]        La partie demanderesse doit, par prépondérance de preuve, établir que le candidat a dû répondre à des questions portant sur l'un des motifs visés par l'article 10 de la Charte, soit en l'espèce le handicap. Une fois la violation établie prima facie, l'employeur doit, en vertu de l'article 20 de la Charte, faire la preuve que les renseignements recueillis sont nécessaires à l'évaluation des aptitudes et des qualités exigées par l'emploi.

[69]        S'inspirant de la méthode d'analyse développée par la Cour suprême dans l'arrêt Meiorin[23] qui est applicable à l'article 20 de la Charte, la Cour d'appel dans Centre hospitalier régional de Trois-Rivières conclut que l'employeur doit ainsi « démontrer que les renseignements sont requis dans un but rationnellement lié à l'exécution du travail en cause et qu’ils sont raisonnablement nécessaires pour réaliser ce but légitime lié au travail »[24], et ce, malgré l'utilisation du terme « utile » employé par le législateur à l'article 18.1 de la Charte.

[70]        Le droit de l'employeur d'obtenir des informations du candidat doit donc « être modulé en fonction de l'emploi convoité et des tâches à accomplir »[25].

[71]        Outre la Charte, en droit québécois deux lois encadrent la collecte, la détention, l’utilisation et la communication des renseignements personnels par l’employeur[26].

[72]        En particulier, l'article 64 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels se lit ainsi :

64.       Nul ne peut, au nom d'un organisme public, recueillir un renseignement personnel si cela n'est pas nécessaire à l'exercice des attributions de cet organisme ou à la mise en œuvre d'un programme dont il a la gestion.

                                                                                       (Nos soulignements)

[73]        En ce qui a trait au respect de la vie privée dans le processus d’embauche, il a été reconnu que les questionnaires pré-embauche peuvent donner lieu à des intrusions indues dans la vie privée des candidats, notamment lorsqu'ils requièrent des renseignements de nature intime qui ne sont pas nécessaires eu égard à la nature et aux exigences de l'emploi.

[74]        Dans la décision Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (A.A.) c. Centre intégré de santé et de services sociaux des Laurentides[27], le Tribunal écrit au sujet du respect de la vie privée et du droit à la dignité :

[102]     Le droit au respect de la vie privée vise donc à protéger « ce qui fait partie du cercle personnel et intime de chaque personne ». Si un questionnaire pré-embauche contient des questions reliées à l'un des motifs énoncés à l'article 10 de la Charte qui « ouvrent une brèche dans ce domaine, alors qu'elles ne sont pas nécessaires eu égard à la nature ou aux exigences de l'emploi », il y aura alors une atteinte discriminatoire au droit au respect de la vie privée du candidat.

[103]     Quant au droit à la dignité prévu à l'article 4 de la Charte, il s'agit d'« […] une valeur transcendante à tous les droits et libertés et inscrite dans le préambule de la Charte […] ». La Cour suprême du Canada, sous la plume du juge Iacobucci, écrivait dans l'arrêt Law :

« La dignité humaine signifie qu'une personne ou un groupe ressent du respect et de l'estime de soi. Elle relève de l'intégrité physique et psychologique et de la prise en main personnelle. La dignité humaine est bafouée par le traitement injuste fondé sur des caractéristiques ou la situation personnelle qui n'ont rien à voir avec les besoins, les capacités ou les mérites de la personne

                                                                       (Références omises)

                                                                       (Nos soulignements)

[75]        Le droit à l'intégrité qui est expressément protégé par l'article 1 de la Charte, est l'un des droits fondamentaux susceptible d'être affecté dans le cadre d'un processus d'embauche, particulièrement en ce qui concerne les examens médicaux pré-embauche.

L'analyse

i)             La SQ a-t-elle porté atteinte aux droits de T.J.R. en requérant, au moyen de questionnaires et d'examens médicaux pré-embauche des renseignements sur sa condition de santé et ses habitudes de vie qui n'étaient pas utiles pour évaluer les aptitudes et qualités requises pour le poste de policier patrouilleur, le tout en contravention avec les articles 10 et 18.1 de la Charte? Si oui, a-t-elle compromis les droits de T.J.R. quant au respect de son intégrité, de sa dignité et de sa vie privée, sans distinction ou exclusion fondée sur le handicap ou la perception de handicap, le tout contrairement aux articles 1, 4, 5 et 10 de la Charte?

[76]        Avant de répondre à cette question, il faut préalablement déterminer les qualités et les aptitudes requises par l'emploi. Il faut donc, dans un premier temps, connaître les particularités du travail de policier patrouilleur.

[77]        L'article 115 de la Loi sur la police[28], établit des conditions minimales :

115      Les conditions minimales pour être embauché comme policier sont les suivantes :

1o         être citoyen canadien;

2o         être de bonnes mœurs;

3o         ne pas avoir été reconnu coupable, en quelque lieu que ce soit, d'un acte ou d'une omission que le Code criminel (Lois révisées du Canada (1985), chapitre C-46) décrit comme une infraction ni d'une des infractions visées à l'article 183 de ce Code, créées par l'une des lois qui y sont énumérées;

4o         être diplômé de l'École nationale de police du Québec ou satisfaire aux normes d'équivalence établies par règlement de l'École.

                                                                                       (Notre soulignement)

[78]        La Dre Christine Van Dyke, médecin expert pour la SQ, témoigne sur les aptitudes essentielles requises pour exercer le travail de policier patrouilleur.

Le policier doit :

-       utiliser une arme à feu; ce qui implique une stabilité psychologique et des habiletés physiques et nécessite une main exempte de pathologie;

-       conduire un véhicule en mode urgence ou prioritaire; ce qui implique le contrôle de l'impulsivité et de la colère et des compétences de conduite; l'individu doit bien voir;

-       maîtriser un individu par les techniques de la force; cela nécessite du discernement, de la stabilité émotionnelle, la connaissance de techniques et nécessite l'usage des quatre membres; l'utilisation de ces techniques expose le policier aux entorses, luxations, commotions cérébrales et fractures;

-       travailler sur des quarts de rotation (jour, soir et nuit); cet horaire atypique n'est pas compatible avec un individu qui connaît des troubles de sommeil, qui a une certaine vulnérabilité émotionnelle et elle ajoute que tous les troubles psychologiques sont très sensibles au bris du cycle du sommeil;

[79]        Elle qualifie les questions en lien avec la santé mentale de très pertinentes compte tenu que ce métier expose les policiers « à des situations de violence et de stress au-dessus de la moyenne ».

[80]        Le témoignage de la Dre Pascale Denis, psychologue experte pour la Commission, est au même effet bien que sa description des aptitudes et qualités requises pour ce type d'emploi soit plus générale. Elle insiste sur l'importance d'évaluer plusieurs éléments liés à la santé mentale de l'aspirant policier. Il faut, dit-elle, une bonne stabilité émotionnelle pour exercer ce travail où les enjeux de sécurité sont majeurs.

[81]        Elles conviennent toutes deux que les questions posées doivent être simples afin que les candidats soient en mesure d'y répondre. Elles insistent sur les particularités du travail de policier et des risques élevés associés à ce travail.

[82]        Dans l'affaire Centre hospitalier régional de Trois-Rivières[29], la Cour d'appel souligne l'importance de bien cibler la cueillette d'informations lors du processus d'embauche :

[57]      Cela dit, l'employeur a le droit et même le devoir de vérifier si une personne possède les aptitudes requises pour exécuter de façon sécuritaire les tâches qui lui seront confiées. Il doit lui offrir des conditions qui respectent sa santé, sa sécurité et son intégrité physique. S'impose, en conséquence, la cueillette d'une information à l'embauche qui ciblera par exemple les qualifications professionnelles et les expériences antérieures de travail, voire, dans certains cas, l'état de santé physique et psychologique et les antécédents judiciaires du postulant.

                                                                                           (Référence omise)

                                                                                        (Nos soulignements)

[83]        Ceci étant, les termes « aptitudes ou qualités » doivent être interprétés de façon restrictive[30].

[84]        S'ajoute l'article 2088 du Code civil du Québec qui prévoit que le salarié a une obligation de bonne foi :

2088    Le salarié, outre qu'il est tenu d'exécuter son travail avec prudence et diligence, doit agir avec loyauté et honnêteté et ne pas faire usage de l'information à caractère confidentiel qu'il obtient dans l'exécution ou à l'occasion de son travail.

                                                                                       (Notre soulignement)

[85]        Le Tribunal fait siens les propos des auteurs Jean-Yves Brière, Fernand Morin, Dominic Roux et Jean-Pierre Villaggi[31] lorsqu'ils écrivent sur la bonne foi du candidat :

Cette obligation de bonne foi s'impose également à chacun des candidats qui doit s'engager dans ce processus de façon honnête et responsable. Cela implique l'obligation de collaborer entièrement à chaque étape du processus d'embauche et de fournir tous les renseignements demandés pourvu qu'ils ne soient pas discriminatoires et qu'ils soient justifiés par le besoin d'évaluer les capacités physiques ou psychologiques du candidat ainsi que les aptitudes et compétences professionnelles objectivement requises par l'emploi. Ces agissements réciproques peuvent être une garantie supplémentaire de la cohabitation harmonieuse nécessaire à l'établissement d'une relation professionnelle stable et durable.

                                                                                        (Nos soulignements)

[86]        La Commission allègue que les informations demandées dans ces questionnaires vont au-delà de ce qui est nécessaire, car elles ne sont pas limitées dans le temps et qu’elles concernent toute la vie du candidat. Elle allègue également que les questions posées sont trop larges et invasives et qu’elles ne réfèrent pas à des qualités ou aptitudes requises par l’emploi de policier.

[87]        Pour la SQ, la connaissance de l’historique médical physique et psychologique permet de s’assurer que le candidat sera en mesure de répondre aux exigences particulières du métier de policier.

[88]        Elle soutient qu’il est nécessaire de poser des questions d’ordre médical liées à la condition physique ou psychologique portant sur l’état actuel du candidat et sur ses  antécédents permettant de révéler les affections antérieures actuellement asymptomatiques, mais qui pourraient évoluer exposant le policier à un risque accru d’atteinte à son intégrité physique ou psychologique et mettant en danger la sécurité de ses collègues et du public.

[89]        Le Tribunal a déjà retenu que le poste de policier patrouilleur est particulier et que l'employeur, dans le cadre du processus d'embauche, peut exiger une norme accrue de sécurité[32] :

[96] […] Le Tribunal reconnaît, compte tenu des explications fournies par la capitaine Cloutier, que l'agent patrouilleur doit être en mesure d'affronter de nombreuses situations stressantes et que, dans certains cas, il peut être privé de sommeil pendant des périodes relativement longues. Aussi, on ne peut douter que certaines incapacités physiques ou mentales puissent mettre en danger la sécurité de l'agent, de ses collègues de travail et du public en général.

[97] Aussi, en raison des caractéristiques du poste concerné, le Tribunal reconnaît qu'une norme plus exigeante que la sécurité raisonnable s'applique en l'espèce. […] Le Tribunal considère que la Sûreté était en droit d'exiger une norme accrue de sécurité en fonction de laquelle un risque moindre qu'un risque excessif pouvait s'avérer inacceptable.

                                                                                        (Nos soulignements)

[90]        Dans le respect de ces paramètres, les informations requises auprès de T.J.R. contreviennent-elles aux droits protégés par la Charte?

A.         Les questionnaires médicaux pré-embauche

[91]        Le Tribunal reconnaît que la fonction de policier exige que l’employeur ait une bonne connaissance de la condition de santé physique et psychologique de tout postulant dès le début du processus d’embauche et nécessite une investigation au moyen d'un questionnaire médical adapté aux exigences du poste.

[92]        La Dre Van Dyke précise que la question médicale posée en termes simples permet d’ouvrir la porte à un suivi par le médecin examinateur et mener, le cas échéant, à une investigation médicale plus poussée.

[93]        Elle explique que les questions ne sont pas limitées dans le temps en ce qui concerne les problèmes physiques qui peuvent resurgir dans certaines circonstances. Elle donne l’exemple d’une luxation à l’épaule qui, même apparemment guérie, peut être fragilisée dans un mouvement et l’individu peut à nouveau se déboîter l’épaule. Le savoir dès le départ permet au médecin examinateur d’explorer cette condition.

[94]        Elle ajoute que les questions sur les troubles du système nerveux ne sont pas limitées dans le temps, car les pathologies psychologiques laissent une trace chez l’individu et une récurrence probable dans un épisode de stress. Il est par conséquent nécessaire de connaître les pathologies psychiatriques, les troubles de la personnalité ou autre trouble psychologique afin de s’assurer de la stabilité émotionnelle du policier.

[95]        Le médecin examinateur qui revoit le questionnaire avec le candidat pourra procéder à une analyse approfondie des pathologies ou troubles dénoncés et tenter de déterminer l’incidence de ces pathologies ou troubles sur les fonctions de policier et déterminer si la condition est incapacitante ou pas.

[96]        Les Dres Van Dyke et Gabrielle Grégoire médecin experte pour la Commission, conviennent que le SGT est un diagnostic de trouble mental et la Dre Denis quant à elle, parle de maladie psychiatrique, d'un trouble neuropsychiatrique.

[97]        La Dre Van Dyke ajoute que généralement les patients qui en sont atteints présentent d’autres troubles, comme un déficit d’attention ou un comportement compulsif ou des troubles du sommeil et de la personnalité.

[98]        Elle reconnaît que ce n’est pas un syndrome commun et qu’il est difficile à caractériser, mais cependant elle croit qu’il aurait dû être dénoncé à la question 18 du formulaire (maladies du système nerveux) ou à la question 25 (autre problème de santé).

[99]        La question 18[33] du formulaire vise à mesurer adéquatement les maladies du système nerveux en raison du stress occasionné par les situations difficiles dans lesquelles peuvent se retrouver les policiers. Tel qu’expliqué par le médecin expert de la SQ, si le policier est en proie à des troubles anxieux ou tout autre trouble mental, le stress peut exercer une pression sur ces fragilités et aggraver un état psychologique antérieur.

[100]     La Dre Grégoire de son côté estime que la question 18 est incomplète et pourrait être mieux élaborée. Elle soutient qu’aucune question du formulaire ne permet au candidat de divulguer qu’il souffre (ou a souffert) du syndrome de Gilles de la Tourette. Elle suggère qu’il aurait fallu une question portant sur les tics.

[101]     Elle relève également qu’il n’y a aucune question sur le déficit d’attention, ni sur un trouble obsessif/compulsif qui seraient des comorbidités du syndrome Gilles de la Tourette.

[102]     La SQ a démontré que les renseignements demandés à la question 18 sont « directement et rationnellement en lien avec les aptitudes ou qualités requises » pour le travail de policier patrouilleur. Selon le Tribunal, la SQ était justifiée de poser la question 18 qui n'est pas discriminatoire.

[103]     Cependant, il est vrai que le questionnaire médical ratisse large. Plus particulièrement, le Tribunal constate que les questions suivantes du formulaire médical[34] sont trop larges ou n'ont pas de lien avec les aptitudes ou qualités requises par l’emploi de policier eu égard à la preuve :

a)             Question 1 du formulaire : « Avez-vous déjà été hospitalisé? Si oui, détailler ». Cette question est trop large; l’hospitalisation étant moins utile à connaître que la condition de santé à proprement parler.

b)             Question 2 du formulaire : « Avez-vous déjà été opéré? Si oui, détailler ».

c)             Question 3 du formulaire : « Avez-vous déjà subi un accident d'auto ou été victime d'acte criminel qui a occasionné des blessures? Si oui, détailler ».

d)         Question 7 du formulaire : « Recevez-vous ou avez-vous déjà reçu un montant forfaitaire suite à une maladie ou blessure? Si oui, détailler ».

Ces questions ne sont pas pertinentes pour connaître la condition de santé du candidat.

e)         Question 8 du formulaire : « Avez-vous déjà été exposé, (…) au travail ou dans vos loisirs : mouvements répétés des mains ou coudes, à des niveaux de bruit élevés, à l’amiante, au plomb, mercure, cadmium ou autres métaux, à des substances radioactives, à des outils vibratoires, à des pesticides, herbicides, insecticides, à des poussières de décapage, de sablage, de forage de textiles, de charbon, de silice, de grains, etc., ». Ces parties de la question 8 liées à l’exposition à certaines substances n’ont aucun lien avec la condition de santé du candidat. En outre, tout citoyen dans sa vie courante serait porté à répondre par l’affirmative.

[104]     Enfin, la question 25 du formulaire médical demande au candidat de noter s’il est traité ou a été traité pour « tout autre problème de santé non-mentionné  ci-dessus? Si oui, détailler ». Cette question est trop large et contrevient à l'article 18.1 de la Charte.

[105]     La Commission reproche également à la SQ la formulation et l'absence de lien rationnel avec l'emploi des questions 12 et 21.

[106]     La Dre Grégoire prétend que la question 12 du formulaire qui porte sur une des maladies des organes suivants : foie, pancréas, estomac et intestins n’est pas pertinente pour établir un lien avec les aptitudes (physiques) du poste de policier.

[107]     L’experte de la SQ, la Dre Van Dyke, quant à elle, croit que les informations demandées à la question 12 sont nécessaires car tous les systèmes du corps humain sont liés entre eux et qu’il est nécessaire de savoir si le candidat est atteint par exemple d’hépatite pour la sécurité de ses collègues et du public.

[108]     La Commission allègue que la question portant sur la maladie de la peau (question 21) n’a pas de lien avec les aptitudes ou qualités nécessaires pour la fonction de policier. La Dre Van Dyke explique cependant que cette information est nécessaire pour permettre au médecin examinateur de pousser l’investigation si le candidat déclare souffrir de manière légère ou non d’une maladie de peau pouvant avoir un impact sur la barrière cutanée du candidat ou rendre difficile et dangereux le maniement d'une arme à feu.

[109]     En ce qui concerne ces questions (12 et 21 du formulaire), le Tribunal retient le témoignage de l'experte de la SQ et conclut que ces questions sont directement et rationnellement en lien avec les aptitudes ou qualités requises par le travail de policier patrouilleur.

[110]     De la preuve, le Tribunal conclut que les questionnaires médicaux pré-embauche, administrés par Medisys, respectent la Charte, sauf quant aux questions 1, 2, 3, 7, 8 et 25. L'obtention des informations demandées étant sans relation avec les aptitudes ou les qualités requises par le travail de policier patrouilleur, contrevient à l'article 18.1 de la Charte, ainsi qu'aux droits protégés par les articles 4, 5 et 10.

B.           Le questionnaire administratif pré-embauche

[111]     Le 3 mars 2012, T.J.R. remplit le Questionnaire d’enquête administrative - d’un candidat policier[35]. Ce questionnaire comporte plusieurs parties, sur la recherche notamment de renseignements familiaux, académiques, professionnels, sociaux, médicaux et financiers.

[112]     Ce formulaire, contrairement aux questionnaires médicaux de Medisys, émane de l’employeur, la SQ. Par conséquent, les déclarations médicales qui sont faites par le candidat sont données directement à l’employeur. Précisons que les formulaires de Medisys sont analysés par un médecin examinateur qui est tenu au secret professionnel et qui, dans le cadre de son mandat, a le devoir de simplement informer l’employeur de l’aptitude ou non du candidat[36].

[113]     À la sous-question 7.5, on demande au candidat s’il a déjà souffert de : dépression, anxiété, troubles de panique, troubles du comportement, phobies ou autre maladie mentale.

[114]     Le Tribunal ayant reconnu en l’espèce que l'employeur est justifié de poser des questions sur la santé mentale des candidats, cette question n'est pas discriminatoire.

[115]     L'intérêt de cette sous-question est de permettre au candidat de pouvoir répondre clairement si ce dernier souffre d'une maladie mentale. Étant donné que le syndrome de Gilles de la Tourette est qualifié de maladie mentale, T.J.R. aurait dû sans ambiguïté, le déclarer à la sous-question 7.5, ce qu’il a omis de faire.

[116]     La sous-question suivante (7.6) demande au candidat de répondre à la question : « Avez-vous déjà consulté les professionnels de la santé mentale suivants? Psychiatre, Psychologue, Autre(s) (précisez). » Et plus loin, on demande au candidat de fournir les informations concernant le professionnel de la santé traitant - nom et coordonnées - et d’expliquer dans quelles circonstances la consultation a eu lieu.

[117]     De la même manière, le Tribunal reconnaît que l’employeur, en l’espèce, est justifié de demander aux candidats policiers s’ils ont déjà consulté pour des troubles d’ordre psychiatrique ou psychologique. Une consultation en psychologie peut être en lien avec un problème de santé mentale.

[118]     Par contre, la question 7.7 du questionnaire administratif, soit : « Avez-vous déjà été hospitalisé, subi une opération chirurgicale ou une blessure ayant nécessité des soins hospitaliers? » est trop large et contrevient à l'article 18.1 de la Charte ainsi qu'aux droits protégés par les articles 4, 5 et 10.

C.        Les examens médicaux

[119]     Le 9 mars 2012, T.J.R. remplit le formulaire médical dans le cadre de sa visite à la clinique Medisys[37].

[120]     Le 25 février 2013, T.J.R. se soumet à un examen médical pour son admission à l’ENPQ.

[121]     Enfin, le 26 juillet 2013, T.J.R. se soumet à un deuxième examen médical après avoir rempli le même questionnaire médical qu’en mars 2012[38]. Le médecin examinateur à la même date, complète le rapport sur l’examen physique[39].

[122]     Dans les deux rapports sur l’examen physique de mars 2012 et juillet 2013, on y voit que T.J.R. a, dans le cadre de l’examen portant sur la partie « abdomen », subi une palpation de ses parties génitales.

[123]     La Commission plaide qu’il s’agit d’une atteinte discriminatoire à l'intégrité, à la dignité et à la vie privée de T.J.R., car l’examen n’est en lui-même d’aucune utilité relativement à des pathologies pouvant avoir un impact sur les aptitudes et les qualités requises pour occuper le poste de policier.

[124]     La Dre Van Dyke témoigne que cet examen n’est plus administré actuellement.

[125]     Dans la décision Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (A.A.) c. Centre intégré de santé et de services sociaux des Laurentides[40], le Tribunal écrit sur l'atteinte à l'intégrité dans le contexte d'un examen médical pré-embauche :

[129]     Il est certain que chaque affaire doit être analysée au mérite et en fonction de la preuve administrée et qu’en l’espèce, aucun examen médical n’a été administré à A.A. Il n’en demeure pas moins que l’examen médical, comme étape du processus d’embauche, soulève de sérieuses interrogations en regard au respect des droits fondamentaux d’un simple postulant vu sous l’angle de son droit à l’intégrité de sa personne, de son droit à la sauvegarde de sa dignité et de son droit au respect de sa vie privée.

                                                                                          (Notre soulignement)

[126]     La preuve ne démontre pas que la palpation des parties génitales de T.J.R. est justifiée dans les circonstances. Le Tribunal conclut que T.J.R. a ainsi subi une atteinte discriminatoire à son droit à la sauvegarde de sa dignité et à l’intégrité de sa personne ainsi qu’au respect de sa vie privée.

[127]     Le même raisonnement s'applique relativement à la radiographie pulmonaire à laquelle il a dû se soumettre. Le témoignage de la Dre Van Dyke nous apprend que cet examen est fait à des fins de dépistage, donc inutile dans le cadre du processus d'embauche concerné.

[128]     Ces examens médicaux intrusifs sont non pertinents à l'exercice de la fonction de policier patrouilleur et portent particulièrement atteinte, de manière discriminatoire, à l’intégrité de T.J.R. Ces examens ainsi que certaines questions trop larges et non justifiées représentent une atteinte discriminatoire à son intégrité, à sa dignité et à sa vie privée, le tout en contravention des articles 1, 4, 5, 10 et 18.1 de la Charte.

ii)            La SQ a-t-elle compromis le droit de T.J.R. d'être traité en pleine égalité, sans distinction ou exclusion fondée sur le handicap ou la perception de handicap en refusant de l'embaucher en raison de sa condition de santé, le tout contrairement aux articles 10 et 16 de la Charte?

[129]     La Commission allègue que la SQ a mis fin au processus d'embauche en raison du fait que T.J.R. était atteint du SGT et que la défense de « bonnes mœurs » est un prétexte. La SQ de son côté plaide qu'elle a mis fin au processus d'embauche parce que T.J.R. n'a pas dit la vérité concernant le SGT et son suivi en psychologie et non en raison de sa condition de santé. Selon elle, T.J.R. ne répondait pas au critère de « bonnes mœurs », qualités requises pour occuper l'emploi de policier.

[130]     Selon la Commission, le questionnaire médical pré-embauche contrevenant à l'article 18.1 de la Charte, T.J.R. n'aurait pas dû être sanctionné pour avoir omis de donner certaines informations.

[131]     Le Tribunal n'est pas de cet avis. Les omissions volontaires de T.J.R. sont en lien avec des informations pertinentes à l'exercice de la fonction de policier. Ces questions n'étant pas discriminatoires, car liées aux aptitudes et qualités requises par la fonction de policier, il devait y répondre.

[132]     On lit dans l'affaire Centre hospitalier régional de Trois-Rivières[41] :

[77]      Le questionnaire ratisse large et il ne paraît pas conçu pour obtenir des renseignements d'ordre médical qui soient seulement reliés aux aptitudes ou qualités requises par l'emploi d'infirmier. Certains redressements auraient sans doute pu être demandés en vertu de la Charte. Ce n'est pas dire, pour autant, qu'à partir du moment où certaines questions n'auraient pas dû être posées, il n'est plus possible d'opposer au salarié des déclarations fausses portant sur des informations que l'employeur était en droit de connaître pour assumer ses responsabilités et prendre la décision d'embauche qu'il croyait la meilleure, dans les circonstances.

[78]      Je n'adhère pas à la thèse selon laquelle le postulant est, dans un tel cas de figure, libéré de son obligation de bonne foi et de transparence. Il ne peut, dans le doute, cacher des informations qui pourraient lui être préjudiciables et invoquer, si le subterfuge est éventuellement découvert, le caractère potentiellement discriminatoire de certaines questions posées.

[79]      Je conviens qu'une fausse déclaration ne peut être déterminante si l'omission porte sur un élément que l'employeur n'aurait pas eu le droit de considérer en raison de l'article 18.1 de la Charte ou sur un élément insignifiant qui n'a pas déterminé le consentement. Mais il ne s'agit pas de cela ici.

                                                                                        (Nos soulignements)

[133]     En effet, tel que le Tribunal l'a conclu précédemment, la SQ avait le droit de poser ces questions afin de s'assurer de la stabilité de la santé mentale de T.J.R.

[134]     Au surplus, le questionnaire administratif contient la mention suivante :

J'atteste que les renseignements fournis dans les formulaires Questionnaire d'enquête administratif - Préembauche d'un candidat policier (214-356) et Offre de service policière et policier (214-350) de la Sûreté du Québec sont complets et conformes à la vérité, sachant qu'une fausse déclaration peut entraîner le rejet de ma candidature ou mon renvoi, le cas échéant.

                                                                                        (Nos soulignements)

[135]     Accepter la proposition de la Commission dans la situation particulière de T.J.R. va à l'encontre de l'obligation de bonne foi devant prévaloir dans les relations interpersonnelles en matière d'emploi et d'embauche.

[136]     Est-ce qu'un candidat qui cache des informations sur sa condition, informations qui pourraient altérer ses chances d'obtenir un emploi, peut être préféré à un candidat qui lui dit la vérité sur sa condition et n'obtiendrait pas le poste convoité? Dans Commission scolaire de Montréal c. Alliance des professeures et professeurs de Montréal[42], le juge Dufresne de la Cour d'appel, écrit sur le sujet, dans ses motifs dissidents :

[62]      […] L'employeur est en droit de s'attendre à la franchise du postulant à qui il fait suffisamment confiance pour lui confier l'emploi. Qui plus est, le formulaire d'embauche et la convention collective exigent du postulant qu'il réponde avec franchise, sous peine d'annulation de l'engagement.

[63]      Autrement, quel message envoie-t-on? Qu'il vaut mieux mentir, somme toute, que de prendre le risque que la vérité n'affecte ses chances d'être embauché.

                                                                                        (Nos soulignements)

[137]     La prépondérance de la preuve démontre que ce n'est pas en raison de sa condition de santé que la SQ a refusé d'embaucher T.J.R.

[138]     Le motif pour lequel il n'a pas été embauché est qu'il a caché, à plusieurs reprises, des informations en lien avec les aptitudes et qualités requises par l'emploi en répondant aux questionnaires médicaux et administratif pré-embauche.

[139]     Il a tenté de cacher son diagnostic de SGT et aussi qu'il avait consulté un psychologue pour des relations malsaines avec les femmes. Il ne s'agit pas d'erreurs de bonne foi telle qu'il le prétend. Les réponses différentes qu'il donne à divers moments aux mêmes questions, démontrent qu'il tente de déguiser le contexte dans lequel il a rencontré un psychologue.

[140]     T.J.R. aurait pu dénoncer les consultations psychologiques à plusieurs reprises, soit :

-           Le 3 mars 2012, il coche « Oui » à la question 7.6 du Questionnaire d'enquête administrative pré-embauche d'un candidat policier de la SQ : «Avez-vous déjà consulté les professionnels de la santé mentale suivants? Psychiatre/Psychologue/Autres », et il évoque sa consultation de 1999 à l'occasion du décès de sa mère, mais passe sous silence les 48 consultations psychologiques de 2004 à 2007.

-           Le 3 avril 2012, il révise ses réponses précédentes avec l'enquêteur Brideau, mais omet d'y corriger son omission.

-           Le 9 mars 2012, il coche « Non » à la question 18 du Questionnaire médical préemploi de Medisys : « Maladies du système nerveux : B) Insomnie, anxiété, dépression, épuisement, « burnout », perte de mémoire, troubles émotifs divers, dépendance aux drogues/alcool, etc.? Si oui, détailler : ».

-           Le 26 juillet 2013, il coche « Non » aux mêmes questions (18 B et 25) dans le cadre de l'administration d'un autre questionnaire médical préemploi par Medisys.

[141]     À chacune de ces questions, T.J.R. omet de révéler l'existence de consultations psychologiques relatives à « des problèmes de relations malsaines » avec les femmes, et ce, malgré qu'elles soient plus fréquentes et plus contemporaines que la précédente.

[142]     À cela s'ajoute que T.J.R. donne des motifs différents pour justifier son défaut d'informer la SQ des consultations psychologiques.

[143]     En novembre 2013, il dit à l'enquêteur Brideau et à monsieur Decoste que ce n'était pas suffisamment contemporain et qu'il ne voyait pas la nécessité de le dire, alors qu'il fait état d'une consultation psychologique qui remonte à 1999.

[144]     Dans la lettre qu'il transmet à monsieur Hudon, il explique avoir rencontré un psychologue de façon sporadique en 2004 et 2005 et qu'il s'agit d'une erreur de sa part de ne pas en avoir parlé.

[145]     Le 29 mars 2019 lors de l'interrogatoire préalable, il explique qu'il n'y avait pas suffisamment de lignes dans le questionnaire pour donner cette information et plus tard que ce n'était pas un psychologue, mais quelqu'un qui allait le conseiller et qui aurait pu être un « coach de vie ».

[146]     Et, lors de l'audience, il témoigne qu'il avait consulté un « coach de vie » et non pas un psychologue, ajoutant toujours qu'il s'agit d'une erreur de bonne foi, pour ensuite admettre qu'il s'agissait bien d'un psychologue.

[147]     C'est l'absence de transparence et les omissions volontaires faites par T.J.R. lorsqu'il a complété les formulaires médicaux et administratif pré-embauche qui ont rompu le lien de confiance avec la SQ. Les bonnes mœurs et la probité sont des conditions de base que doit rencontrer un candidat au travail de policier.

[148]     La probité est une composante essentielle à la qualification de « bonnes mœurs ».

[149]     La Cour suprême a reconnu, dans l'arrêt S.N. qui concerne un refus d'embauche fondé sur les antécédents judiciaires, qu'être de « bonnes mœurs » constitue une aptitude ou qualité requise pour un policier et « qu'une probité exemplaire soit essentielle pour exercer la fonction de policier[43] ». Dans cette affaire, les juges Binnie et Charron, dissidents, concluent eux aussi que l'exigence de bonnes mœurs constitue une aptitude ou qualité requise par l'emploi, au sens de l'article 20 de la Charte dans le cas des policiers. Selon eux, la norme de « bonnes mœurs » prévue à la Loi sur la police remplit les deux premiers critères de l'arrêt Meiorin. « Il s'agit donc de savoir si l'employeur peut, sans subir de contraintes excessives, accepter la demande »[44] d'une personne ayant fait de fausses déclarations. Ils poursuivent en expliquant que les contraintes sont de deux ordres pour les policiers, soit le risque de récidive et la perception qu'a le public de l'intégrité des services de police.

[150]     Les policiers représentent la capacité de notre système démocratique d'assurer le maintien de l'ordre social et de prévenir les crimes.

[151]     Ils représentent la garantie que les citoyens peuvent se sentir en sécurité dans l'exercice de leurs droits. La Loi sur la police et la Common Law leur accordent des pouvoirs importants pour atteindre les objectifs de leur mission qui est d'assurer la prévention des crimes et la protection des personnes et des biens. Ils bénéficient d'une grande latitude à l'égard de situations susceptibles de toucher aux droits et liberté des citoyens avec lesquels ils interagissent.

[152]     Les citoyens doivent pouvoir compter sur leur honnêteté et croire en leur intégrité.

[153]     Bien que le contexte soit différent, certains parallèles peuvent être faits avec l'un des aspects traité par la Cour suprême dans l'arrêt Therrien[45].

[154]     La Cour suprême écrit :

[110]    En ce sens, les qualités personnelles, la conduite et l'image que le juge projette sont tributaires de celles de l'ensemble du système judiciaire et, par le fait même, de la confiance que le public place en celui-ci. Le maintien de cette confiance du public en son système de justice est garant de son efficacité et de son bon fonctionnement. Bien plus, la confiance du public assure le bien-être général et la paix sociale en maintenant un État de droit.

                                                                                        (Nos soulignements)

[155]     La SQ, en l'espèce, a jugé le comportement de T.J.R. inacceptable, le rendant inapte à occuper les fonctions de policier patrouilleur. Le témoignage de monsieur Hudon est d'ailleurs éloquent à cet égard, lorsqu'il dit que « pour lui il est important d'avoir des candidats qui disent la vérité ».

[156]     En l'occurrence, les fausses déclarations de T.J.R. lui ont été fatales dans son processus d'embauche. Le Tribunal conclut que le refus d'embaucher T.J.R. n'est pas discriminatoire car la décision est fondée sur une qualité essentielle à la fonction de policier, soit les bonnes mœurs et l'intégrité et non sur le fait qu'il était porteur du SGT.

[157]     Le témoignage de T.J.R. démontre la difficulté qu'il a de dire la vérité. Les réponses différentes qu'il donne à divers moments aux mêmes questions, tel que mentionné par le Tribunal précédemment, l'illustrent bien. De plus, alors qu'il témoigne avoir été accepté à la faculté de droit et avoir complété une session, il affirme dans le formulaire administratif[46] à la section 3 Renseignements académiques, qu'il détient un certificat en droit et en gestion policière. Il témoigne également avoir reçu une médaille de l'Armée américaine après une opération conjointe alors qu'il n'a jamais été déployé.

[158]     Il affirme que lorsqu'il était dans l'armée il était membre du groupe d'opération Tactiques psychologiques pour finalement préciser qu'il a suivi une formation pour faire partie de ce groupe.

[159]     Ces exemples d'informations inexactes ne sont pas déterminants pour la question en litige, mais sont révélateurs du niveau de probité de T.J.R. et corroborent le résultat de l'évaluation du risque pathologique auquel il s'est soumis en février 2012 et qui conclut qu'il présente un haut niveau de désirabilité sociale, ce qui exige de faire preuve de prudence dans la vérification des informations fournies par le candidat et en l'espèce affectent significativement la fiabilité de son témoignage.

[160]     La Commission allègue que la SQ ne peut invoquer valablement les fausses déclarations comme motif de refus d'embauche considérant qu'après avoir connu les fausses informations fournies par T.J.R. (novembre 2013), un long délai s'est écoulé avant qu'elle l'informe de son refus d'embauche (septembre 2014). Elle considère que le bris du lien de confiance invoqué par la SQ ne peut donc être crédible.

[161]     La jurisprudence invoquée par la Commission, soit plus particulièrement l'affaire Wal-Mart[47], s'inscrit dans un contexte de congédiement où l'employé a continué d'exercer sa fonction plus d'un an après la connaissance par l'employeur des fausses déclarations.

[162]     En fait ce que le tribunal écrit dans l'affaire Wal-Mart, c'est que lorsque l'employeur apprend les fausses déclarations de son employé, il doit apprécier leur importance et leur impact dans un délai raisonnable après la prise de connaissance. Dans cette affaire, la preuve démontrait que même si le gérant du magasin savait, depuis plus d'un an, que les informations données lors de l'embauche par le candidat étaient fausses, il avait exercé une discrétion en décidant de ne pas le congédier ni de lui imposer de mesures disciplinaires. Tenant compte de cela et du fait que la prestation de travail de l'employé avait été évaluée par la suite de façon satisfaisante, le Tribunal a conclu que Wal-Mart était forclose d'invoquer la fausse déclaration et le bris du lien de confiance comme motifs justifiant le congédiement. Les faits en l'espèce diffèrent grandement. Le délai de réaction de la SQ n'est pas déraisonnable dans les circonstances car les différentes démarches d'évaluation sur ses bonnes mœurs, mais aussi sur les possibles effets du SGT sur sa capacité d'exercer les fonctions de policier, ont impliqué plusieurs personnes, ce qui entraîne nécessairement des délais.

[163]     Le Tribunal comprend que dès le 3 novembre 2013 T.J.R. est informé que son dossier sera réévalué en raison des omissions constatées et qu'il ne saurait être sélectionné pour l'embauche de novembre 2013. Aussi, le 11 novembre 2013, la SQ classe la candidature de T.J.R. au niveau 3[48], c'est-à-dire qu'elle comporte un risque élevé en considération des fausses déclarations qu'il a faites au cours du processus. Si elle demande des informations additionnelles après cette date, c'est dans le but de déterminer s'il y avait d'autres motifs de refus d'embauche.

[164]     Au surplus, la preuve non-contredite est à l'effet que le complément d'enquête médicale est demandé dans le but de documenter la fermeture du dossier de T.J.R. Monsieur Hudon témoigne à l'effet que la fermeture d'un dossier peut s'effectuer pour plus d'une raison, c'est pourquoi il attendait d'avoir toutes les informations concernant T.J.R. pour faire « une bonne fermeture du dossier ».

[165]     En l'espèce, les circonstances sont telles qu'au moment où elle rejette la candidature de T.J.R., la SQ après avoir fait une enquête approfondie, avait connaissance d'un ensemble de faits lui permettant de conclure qu'il n'était pas de bonnes mœurs et qu'il était donc inapte à l'emploi. Le fait que T.J.R. n'était pas de bonnes mœurs constitue la cause véritable du rejet de sa candidature, mais au surplus son handicap n'a joué aucun rôle et n'avait aucun lien même secondaire avec le rejet de sa candidature.

[166]     La SQ n'a donc pas contrevenu aux articles 10 et 16 de la Charte.

iii)           En divulguant un problème de santé de T.J.R. à des tiers, la SQ a-t-elle porté atteinte de manière discriminatoire à son droit à la vie privée?

[167]     Monsieur Hudon apprend, lors de la soirée de graduation des candidats policiers du 25 octobre 2013, que T.J.R. serait porteur du syndrome Gilles de la Tourette lors de discussions informelles avec ses pairs.

[168]     Il rencontre au cours de la soirée les instructeurs de la promotion et leur mentionne ce qui vient de lui être raconté au sujet de T.J.R. Les instructeurs confirment qu’en effet, durant les exercices de simulation, ils ont observé certains tics et certains sons. Le syndrome Gilles de la Tourette est mentionné lors de cette conversation et les instructeurs indiquent que cela explique certains comportements de T.J.R.

[169]     Monsieur Hudon rencontre la personne en charge du processus d’embauche et lui demande de procéder à une vérification dans le dossier de T.J.R. afin de savoir s’il y a une mention de ce syndrome. On l’informe qu’il n’y a aucune mention dans aucun des formulaires, ce qui l’amène à demander un complément d’enquête.

[170]     Le 11 novembre 2013, l'enquêteur Brideau soumet à son supérieur un complément d’enquête administrative de sécurité du candidat policier[49] après avoir procédé à une vérification d’informations sur T.J.R., notamment auprès de ses anciens collègues de l’ENPQ.

[171]     Dans le cadre de son enquête, il pose par courriel cinq questions aux ex-collègues de T.J.R. de l’ENPQ[50] à la suite de la demande qui lui est faite par ses supérieurs. La cinquième question qu'il a pris l'initiative d'ajouter aux quatre questions soumises par le Dr Pantel se lit ainsi :

5)          « Est-ce que monsieur a déjà parlé de la maladie du syndrome de Gilles de la Tourette durant ses études? ».

[172]     Le but de la question 5) selon l'enquêteur Brideau est de savoir si T.J.R. a parlé du syndrome à un de ses ex-collègues, s’il s’est confié à l’un d’eux. Il explique que la question telle que posée ne fait pas expressément référence au fait qu'il est atteint du SGT. Toutefois, les réponses des ex-collègues ne laissent aucun doute sur la teneur de la question posée, à savoir si T.J.R. est porteur du syndrome Gilles de la Tourette.

[173]     La Commission fait valoir que l'enquêteur Brideau, par ses questions sur la condition de santé de T.J.R., a porté atteinte à la vie privée de ce dernier.

[174]     La Commission allègue que les informations relatives à la condition de santé de T.J.R., sont liées à un motif interdit de discrimination énuméré à l'article 10 de la Charte, soit le handicap et ont été révélées sans son consentement à des tiers dans le cadre du processus d'embauche.

[175]     La SQ reconnaît que la cueillette d’informations dans le cadre de l’enquête demandée à l'enquêteur Brideau, a été maladroite. Cependant, elle considère qu'elle ne porte pas atteinte au respect de la vie privée de T.J.R. parce que cette question a été posée dans le cadre du complément d'enquête administrative et que le résultat de l'enquête administrative démontre qu'il avait parlé du SGT à deux de ses collègues d'études.

[176]     Subsidiairement, elle croit que si l'atteinte à la vie privée est prouvée, elle est à son seuil le plus bas et ne peut entraîner l'octroi des dommages réclamés.

[177]     Dans la décision Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Dubé et autre) c. Martin[51], le Tribunal définit ainsi la vie privée :

Le droit à la vie privée réfère généralement à ce domaine de la vie personnelle qui bénéficie d'une confidentialité que nul ne peut violer. À cet égard, la protection que l'on accorde à la vie privée peut se définir comme "la barrière que ne franchissent pas certaines informations, séparant les intéressés des autres".

                                                                                        (Nos soulignements)

[178]     Les questions relatives à la condition de santé d'une personne font partie intégrante de sa vie privée. Il appartient ainsi à chacun « de déterminer quelles informations de sa vie privée demeureront confidentielles et quelles autres il divulguera »[52].

[179]     Le fait de révéler à des tiers une information concernant une personne, sans son consentement, en lien avec un motif interdit de discrimination, comme en l'espèce des renseignements relatifs à une condition de santé donc en lien avec le motif du handicap, constitue une atteinte discriminatoire au droit à la vie privée.

[180]     Le Tribunal conclut que par ses agissements, l'enquêteur Brideau a porté atteinte aux droits de T.J.R. au respect de sa vie privée sans distinction ou exclusion fondée sur le handicap, contrairement aux articles 5 et 10 de la Charte. L'enquêteur Brideau est un employé de la SQ, cette dernière est donc responsable des gestes qu'il a posés dans l'exercice de ses fonctions.

iv)          Dans l'affirmative, les dommages matériels, moraux et punitifs réclamés en faveur de T.J.R. sont-ils justifiés?

A.         Les dommages moraux

[181]     Le Tribunal ayant reconnu que certaines questions posées dans les formulaires médicaux et administratif de même que certains aspects des examens médicaux sont discriminatoires et aussi que les renseignements sur la condition de santé de T.J.R. révélés à des tiers contreviennent de façon discriminatoire à son droit à la protection de sa vie privée, des dommages moraux peuvent-ils être accordés?

[182]     Rappelons que mesurer le dommage moral et déterminer l'indemnité conséquente, constituent une tâche délicate et forcément discrétionnaire[53].

[183]     T.J.R. ne témoigne pas de son sentiment lorsqu'il complète les formulaires médicaux et administratif et lorsqu'il doit se soumettre à une palpation de ses organes génitaux et à une radiographie pulmonaire. L'essentiel de son témoignage sur les dommages moraux réclamés se concentre sur les conséquences du refus d'embauche sur sa vie personnelle, familiale et sociale.

[184]     Malgré l'absence d'expression du malaise vécu lors de la passation des examens médicaux discriminatoires et en répondant aux questions administratives et médicales, l'analyse du préjudice comporte, comme l'exprime la Cour suprême dans St-Ferdinand[54], un aspect objectif :

[67] […]

On peut par ailleurs envisager une perte du préjudice extrapatrimonial dans sa matérialité, en insistant sur son caractère visible et tangible. Cette analyse n'exclut pas la notion subjective du préjudice moral. En effet, elle s'y ajoute. Son aspect essentiel, c'est la reconnaissance de l'existence d'un préjudice extrapatrimonial objectif et indépendant de la souffrance ou de la perte de jouissance de la vie ressentie par la victime. Dans cette perspective, le préjudice est constitué non seulement de la perception que la victime a de son état, mais aussi de cet état lui-même.

[…]

[71]      Ainsi, aux fins de la caractérisation de la nature du préjudice moral pour fins d'indemnisation, je suis d'avis, comme le juge Nichols, que la conception purement subjective n'a pas sa place en droit civil puisque les dommages sont recouvrables, non pas parce que la victime pourra en bénéficier, mais plutôt en raison même de l'existence d'un préjudice moral. L'état ou la capacité de perception de la victime ne sont donc pas pertinents quant au droit à la compensation du préjudice moral.

                                                                                       (Nos soulignements)

[185]     Ces principes trouvent application en l'espèce. En effet, outre une atteinte discriminatoire à son droit à la dignité, T.J.R. a subi une atteinte discriminatoire à son droit à l'intégrité en subissant des examens médicaux inutiles et intrusifs en plus de subir des atteintes discriminatoires à son droit à la vie privée.

[186]     Dans le contexte mis en preuve, le Tribunal fixe à 8 000 $ le montant des dommages moraux à être versés à T.J.R.

            B.         Les dommages punitifs

[187]     Si l'article 49 de la Charte permet l'octroi de dommages punitifs dans les cas « d'atteinte illicite et intentionnelle », c'est l'arrêt Hôpital St-Ferdinand[55] rendue par la Cour suprême qui nous éclaire quant aux conditions nécessaires à l'octroi de ce type de dommages :

[…] il y aura atteinte illicite et intentionnelle au sens du second alinéa de art. 49 de la Charte lorsque l'auteur de l'atteinte illicite a un état d'esprit qui dénote un désir, une volonté de causer les conséquences de sa conduite fautive ou encore s'il agit en toute connaissance des conséquences, immédiates et naturelles ou au moins extrêmement probables, que cette conduite engendrera. Ce critère est moins strict que l'intention particulière, mais dépasse, toutefois, la simple négligence. Ainsi, l'insouciance dont fait preuve un individu quant aux conséquences de ses actes fautifs, si déréglée et téméraire soit-elle, ne satisfera pas, à elle seule, à ce critère.

                                                                                        (Nos soulignements)

[188]     L’attribution de dommages punitifs revêt un caractère exceptionnel et poursuit des objectifs de punition, de dissuasion et de dénonciation de comportements jugés particulièrement répréhensibles. Leur attribution vise à punir l'auteur d’une atteinte illicite et intentionnelle à un droit protégé par la Charte, à le dissuader de récidive, à décourager les tiers d'agir de la même façon et à exprimer la désapprobation du Tribunal face à ce comportement.

[189]     On lit également sur le sujet dans l'arrêt Hill c. Église de scientologie de Toronto[56] :

[196]    On peut accorder des dommages-intérêts punitifs lorsque la mauvaise conduite du défendeur est si malveillante, opprimante et abusive qu'elle choque le sens de dignité de la cour. Les dommages-intérêts punitifs n'ont aucun lien avec ce que le demandeur est fondé à recevoir au titre d'une compensation. Ils visent non pas à compenser le demandeur, mais à punir le défendeur. C'est le moyen par lequel le jury ou le juge exprime son outrage à l'égard du comportement inacceptable du défendeur. Ils revêtent le caractère d'une amende destinée à dissuader le défendeur et les autres d'agir ainsi.

                                                                                        (Nos soulignements)

[190]     La prépondérance de la preuve ne démontre pas qu'à l'époque des événements en litige, soit en 2012-2013, la SQ savait que certaines questions des questionnaires pré-embauche contrevenaient à la Charte et encore moins qu'elle avait la volonté de causer préjudice à T.J.R. et cette preuve est nécessaire pour donner ouverture à l'attribution de dommages punitifs.

[191]     L'absence de preuve du caractère intentionnel des gestes posés ne permet donc pas l'octroi de dommages punitifs.

v)            Les ordonnances recherchées contre la SQ dans l'intérêt public sont-elles justifiées?

[192]     Plaidant l'intérêt public, la Commission demande au Tribunal de rendre une ordonnance visant à prévenir la discrimination pour l'avenir, une ordonnance qui dépasse le cadre des faits du litige soumis, mais qu'autorise l'article 80 de la Charte qui se lit ainsi :

80.       Lorsque les parties refusent la négociation d'un règlement ou l'arbitrage du différend, ou lorsque la proposition de la Commission n'a pas été, à sa satisfaction, mise en œuvre dans le délai imparti, la Commission peut s'adresser à un tribunal en vue d'obtenir, compte tenu de l'intérêt public, toute mesure appropriée contre la personne en défaut ou pour réclamer, en faveur de la victime, toute mesure de redressement qu'elle juge alors adéquate.

                                                                                       (Notre soulignement)

[193]     La Cour suprême dans l'arrêt Bombardier[57] discute du rôle que doit jouer l'article 80 de la Charte d'empêcher que d'autres personnes soient victimes des mêmes actes de discrimination et insiste sur l'importance du lien qui doit exister entre les ordonnances réclamées (l'intérêt public) et le dossier du plaignant. Elle écrit :

[103]    Nous sommes d'accord avec la Commission sur les principes qu'elle invoque. Au-delà de l'interprétation large et libérale que commande la Charte, une lecture attentive de ses dispositions révèle la volonté du législateur de permettre à la Commission de prendre des mesures nécessaires pour éliminer la discrimination et ainsi protéger l'intérêt public. Plus particulièrement, l'art. 71 de la Charte précise que la Commission doit assurer « par toutes mesures appropriées, la promotion et le respect des principes contenus dans la présente Charte ». En outre, aux termes de l'art. 80, la Commission peut s'adresser à un tribunal « en vue d'obtenir, compte tenu de l'intérêt public, toute mesure appropriée contre la personne en défaut ou pour réclamer, en faveur de la victime, toute mesure de redressement qu'elle juge alors adéquate ». Cette disposition prévoit que les ordonnances que le Tribunal peut prononcer ne sont pas limitées à la réparation du préjudice subi par le demandeur, mais peuvent également inclure des mesures nécessaires dans l'intérêt public. L'exercice de ce pouvoir doit toutefois se rapporter au litige soumis au Tribunal, être appuyé par la preuve pertinente et être approprié compte tenu de l'ensemble des circonstances.

                                                                                       (Notre soulignement)

[194]     L'analyse de la jurisprudence des tribunaux supérieurs sur le sujet démontre l'importance que les mesures ordonnées soient exécutoires, plus particulièrement qu'elles soient suffisamment précises sans pour autant franchir certaines limites.

[195]     Eu égard à la preuve qui est exhaustive sur certaines questions des formulaires administratif et médicaux ainsi que certains aspects des examens médicaux, mais non sur d'autres, il n'est pas possible pour le Tribunal de se prononcer sur chacun des aspects couvert par les formulaires et examens. Cependant, les constats sur le caractère discriminatoire de questions précises et certains examens médicaux en lien avec la cueillette d'informations non pertinentes pour l'exercice de la fonction de policier patrouilleur, nécessitent une révision par la SQ des questionnaires et examens pré-embauche de façon à ce qu'ils soient conformes aux droits fondamentaux protégés par la Charte.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[196]     ACCUEILLE partiellement la demande;

[197]     ORDONNE que le plaignant soit identifié par les initiales T.J.R.;

[198]     DÉCLARE que certains aspects des évaluations médicales et des questionnaires médicaux et administratif pré-embauche sont discriminatoires et ont porté atteinte de manière discriminatoire aux droits de T.J.R. à la sauvegarde de son intégrité, de sa dignité et au respect de sa vie privée, le tout contrairement aux articles 1, 4, 5, 10 et 18.1 de la Charte;

[199]     DÉCLARE que le Procureur général (aux droits de la Sûreté du Québec) a porté atteinte de manière discriminatoire au droit à la vie privée de T.J.R. en dévoilant des informations médicales le concernant à des tiers dans le cadre de son enquête complémentaire, contrairement aux articles 5 et 10 de la Charte;

[200]     CONDAMNE le Procureur général (aux droits de la Sûreté du Québec) à verser à T.J.R. 8 000 $ à titre de dommages moraux avec les intérêts au taux légal plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., depuis la notification de la proposition des mesures de redressement, soit le 5 octobre 2017;

[201]     ORDONNE au Procureur général (aux droits de la Sûreté du Québec) de réviser, dans les 90 jours du présent jugement, les questionnaires médicaux et administratif pré-embauche et évaluations médicales qui sont administrés dans le cadre du processus d'embauche de policiers patrouilleurs afin qu'ils ne requièrent aucun renseignement sur les motifs visés par l'article 10 de la Charte, sauf si ces renseignements sont fondés sur les aptitudes ou les qualités requises pour le poste de policiers patrouilleurs;

[202]     LE TOUT avec les frais de justice.

 

 

__________________________________

DORIS THIBAULT,

Juge au Tribunal des droits de la personne

 

Me Stéphanie Fournier

Me Buschra Jalabi

BITZAKIDIS CLÉMENT MAJOR FOURNIER

Pour la partie demanderesse

 

Me Charles Gravel

Me François-Alexandre Gagné

BERNARD ROY (justice-qUÉBEc)

Pour la partie défenderesse

 

Dates d’audience :

20, 21, 22, 23 et 24 janvier 2020

 


TABLE DES MATIÈRES

 

 

I             -        INTRODUCTION......................................................................................        2

 

II            -        LES QUESTIONS EN LITIGE................................................................        4

 

III           -        LE CONTEXTE.........................................................................................        5

 

IV                    LE DROIT .................................................................................................      13

 

V            -        L'ANALYSE...............................................................................................      18

 

i)      La SQ a-t-elle porté atteinte aux droits de T.J.R. en requérant, au moyen de questionnaires et d'examens médicaux pré-embauche des renseignements sur sa condition de santé et ses habitudes de vie qui n'étaient pas utiles pour évaluer les aptitudes et qualités requises pour le poste de policier patrouilleur, le tout en contravention avec les articles 10 et 18.1 de la Charte? Si oui, a-t-elle compromis les droits de T.J.R. quant au respect de son intégrité, de sa dignité et de sa vie privée, sans distinction ou exclusion fondée sur le handicap ou la perception de handicap, le tout contrairement aux articles 1, 4, 5 et 10 de la Charte? ………......      18

 

        A.       Les questionnaires médicaux pré-embauche ....................      22

 

        B.       Le questionnaire administratif pré-embauche.....................      26

 

        C.       Les examens médicaux ........................................................      27

 

ii)     La SQ a-t-elle compromis le droit de T.J.R. d'être traité en pleine égalité, sans distinction ou exclusion fondée sur le handicap ou la perception de handicap en refusant de l'embaucher en raison de sa condition de santé, au terme d'un processus discriminatoire, le tout contrairement aux articles 10 et 16 de la Charte?.....................................................................................................................      28

 

iii)    En divulguant un problème de santé de T.J.R. à des tiers, la SQ a-t-elle porté atteinte de manière discriminatoire à son droit à la vie privée? …………………………………….………................................................      36

 

iv)    Dans l'affirmative, les dommages matériels, moraux et punitifs réclamés en faveur de T.J.R. sont-ils justifiés? …………...........................................      38

 

 

        A.       Les dommages moraux ........................................................      38

 

        B.       Les dommages punitifs..........................................................      39

 

v)     Les ordonnances recherchées contre la SQ dans l'intérêt public sont-elles justifiées? …………………………………………..................................      41

 

 

VI           -        CONCLUSION..........................................................................................      42

 

 



[1]     La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, conformément aux termes de l'article 121 de la Charte des droits et liberté de la personne, a demandé que la partie plaignante soit identifiée au présent jugement sous le vocable T.J.R., ce que le Tribunal a accordé le 21 février 2019.

[2]     RLRQ, c. C-12.

[3]     Pièce P-37, Rapport du Dr Martin Cloutier, neurologue, daté du 4 janvier 2001.

[4]     Pièce P-16, Rapport du Dr Martin Cloutier, neurologue, daté du 1er mai 2009.

[5]     Pièce P-8, Formulaire administratif signé le 3 mars 2012.

[6]     Pièce P-9, Copie du questionnaire médical pré-emploi et/ou questionnaire médical de la clinique Medisys rempli par T.J.R., le ou vers le 9 mars 2012.

[7]     Pièce P-10, Copie du questionnaire médical pré-emploi et/ou questionnaire médical de la clinique Medisys rempli par T.J.R., le ou vers le 26 juillet 2013.

[8]     À noter que le formulaire actuellement utilisé par Medisys a subi quelques légères modifications (Pièce D-8, par exemple, question 33 du formulaire : on y précise maintenant que la question portant sur la période menstruelle féminine est posée pour fins de l’analyse d’urine).

[9]     Pièce P-6-A, Lettre de la Sûreté du Québec.

[10]    Pièce P-7, Distinction.

[11]    À l'époque des faits, il est le chef de la division du recrutement policier à la SQ.

[12]    Pièce P-14, Lettre de référence de la directrice de l'Association québécoise du syndrome de la Tourette.

[13]    T.J.R. donne à divers moments des explications différentes pour expliquer son omission.

[14]    Pièce P-17-A, Déclaration rédigée par T.J.R. le 6 novembre 2013.

[15]    Rapport qu’il annexe à sa lettre du 6 novembre 2013.

[16]    Pièce D-6, Lettre à monsieur Charles Hudon.

[17]    Pièce P-24, Courriel du Dr Pantel.

[18]    Commission scolaire régionale de Chambly c. Bergevin, [1994] 2 RCS 525; Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville); Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Boisbriand (Ville), 2000 CSC 27; Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), 2015 CSC 39, par. 35.

[19]    Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (A.A.) c. Centre intégré de santé et de services sociaux des Laurentides (Centre de santé et de service sociaux de Thérèse-de-Blainville), 2017 QCTDP 2, par. 85.

[20]    Janzen c. Platy Enterprises Ltd, [1989] 1 RCS 1252, p. 1279.

[21]    Voir Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Magasins Wal-Mart Canada inc., 2003 CanLII 24566 (QCTDP), par. 173-174, inf. en partie sur d'autres questions par 2005 QCCA 93.

[22]    Syndicat des infirmières, inhalothérapeutes, infirmières auxiliaires du Cœur du Québec (SIIIACQ) c. Centre hospitalier régional de Trois-Rivières, 2012 QCCA 1867. (demande pour autorisation d'appeler refusée CSC, 21-03-2013, 35130.)

[23]    Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 RCS 3 (Meiorin).

[24]    Syndicat des infirmières, inhalothérapeutes, infirmières auxiliaires du Cœur du Québec (SIIIACQ) c. Centre hospitalier régional de Trois-Rivières, préc., note 22, par. 68 (soulignements omis).

[25]    Id, par. 69.

[26]    Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, RLRQ, c. P-39.1, Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, RLRQ, c. A-2.1.

[27]    Préc., note 19.

[28]    Loi sur la police, RLRQ, c. P-13.1.

[29]    Syndicat des infirmières, inhalothérapeute, infirmière auxiliaires du Cœur du Québec (SIIIACQ) c. Centre hospitalier régional de Trois-Rivières, préc., note 22..

[30]    Id, par. 53 Brossard (Ville) c. Québec (Commission des droits de la personne), [1988] 2 RCS 279, par. 56 et Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville); Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Boisbriand (Ville), préc., note 18, par. 29.

[31]    Jean-Yves BRIÈRE et al., Le droit de l'emploi au Québec, 4e éd., Montréal, Éditions Wilson et Lafleur, 2010, no. II-22.

[32]    Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Drolet) c. Sûreté du Québec, 2007 QCTDP 13.

[33]    La question 18 : « Maladies du système nerveux » demande au candidat s’il est ou a été traité pour l’une des maladies suivantes : « A) Convulsions, vertiges, épilepsie, paralysie, maux de tête importants, perte de connaissance? Si oui détailler; B) Insomnie, anxiété, dépression, épuisement, « burnout », perte de mémoire, troubles émotifs divers, dépendance aux drogues/alcool, etc.? Si oui, détailler. »

[34]    Pièces P-9 et P-10.

[35]    Pièce P-8, Ce questionnaire est rempli par le candidat avant de remplir les questionnaires médicaux (Pièces P-9 et P-10).

[36]    Pièce P-11, Rapport d’évaluation médicale de Medisys (daté du 9 mars 2012); Pièce P-12, Rapport d’évaluation médicale de Medisys (daté du 26 juillet 2013).

[37]    Pièce P-9.

[38]    Pièce P-10.

[39]    Id.

[40]    Préc., note 19.

[41]    Préc., note 22.

[42]    Commission scolaire de Montréal c. Alliance des professeures et professeurs de Montréal, 2008 QCCA 995.

[43]    Montréal (Ville) c. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), 2008 CSC 48, par. 25, 33 et 82 (S.N.).

[44]    Id., par. 85.

[45]    Therrien (Re), 2001 CSC 35.

[46]    Préc., note 5.

[47]    Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Magasins Wal-Mart Canada inc., préc., note 21.

[48]    Pièce P-29, Rapport d'enquête administrative.

[49]    Pièce P-28, Complément d'enquête du 6 novembre 2013.

[50]    Pièce P-22, Complément d’enquête administrative de sécurité du candidat policier du 17 avril 2014.

[51]    Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Dubé et autre) c. Martin, 1997 CanLII 39 (QC TDP), par. 6.

[52]    Id, par. 8.

[53]    Calego international inc. c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2013 QCCA 924, par. 59.

[54]    Québec (Curateur public) c. Syndicat National des employés de l'hôpital St-Ferdinand, 1996 3 RCS 211.

[55]    Id, par. 121.

[56]    Hill c. Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 RCS 1130.

[57]    Préc., note 18.

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