Décision

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Office municipal d'habitation de Malartic c. Bernier Bédard

2025 QCTAL 2160

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Val-d'Or

 

No dossier :

770841 13 20240227 G

No demande :

4226486

 

 

Date :

17 janvier 2025

Devant la juge administrative :

Anne A. Laverdure

 

Office Municipal D'Habitation De Malartic

 

Locatrice- Partie demanderesse

c.

Suzanne Bernier Bédard

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

CONTEXTE

  1.          La locatrice demande la résiliation du bail au motif que la locataire ne respecte pas les conditions du bail qui interdit la présence d’animaux.
  2.          Les parties sont liées par un bail reconduit du 1er juillet 2024 au 30 juin 2025 au loyer mensuel de 529 $.
  3.          La locataire s’est départie de son chien avant l’audience, car elle ne veut pas perdre son logement.
  4.          Malgré cela, la locatrice insiste pour avoir une décision qui déclare que la locataire ne peut pas posséder un animal.

QUESTIONS EN LITIGE

  1.          La clause d’interdiction des animaux est-elle valide ou abusive?
  2.          Si elle est valide, le Tribunal a-t-il le pouvoir de l’annuler ou de réduire les obligations en découlant?

ANALYSE ET DÉCISION

  1.          La mandataire de la locatrice explique que la clause au bail est claire et que cette clause a été acceptée par la locataire au moment de la signature du bail.
  2.          Comme cette clause est dans tous les baux des locataires de cet immeuble, la locatrice veut préserver la destination qu’elle a donnée à l’immeuble d’être sans animaux.

  1.          La locataire est une personne âgée. Sa capacité financière l’oblige à s’orienter vers un logement à loyer modique.
  2.      Elle tient à rester à Amos parce qu'elle y a des parents et amis et parce qu’elle n’a pas de voiture qui lui permettrait de s’éloigner sans se priver de son tissu social.
  3.      Elle possédait un petit chihuahua avant de signer son bail, mais pour accéder au logement convoité, elle a consenti à le remettre à sa petite-fille qui en est aussi la propriétaire.
  4.      La locataire n’a pas mesuré l’impact de cette séparation. Elle a perdu le goût de vivre.
  5.      Pour lui enlever ses idées suicidaires, sa petite-fille lui a demandé de garder le chien pendant la période des fêtes.
  6.      L’administration de la locatrice a réagi en modifiant le règlement au bail et en indiquant que le chien des visiteurs n’est également pas permis.
  7.      Comme sa petite-fille ne pouvait plus reprendre le chien, c’est la mort dans l’âme que la locataire l’a envoyé à la S.P.C.A.
  8.      L’état émotif dans lequel cette absence l’a plongé fait dire au Dr Frédéric Turgeon que la présence d’un animal de compagnie est très bénéfique au bien-être psychologique de sa patiente.
  9.      La psychiatre Dre Felicia Badescu écrit : « je recommande de la zoothérapie. »
  10.      Voyons maintenant quel est l’état du droit sur la question.
  11.      Le Tribunal se demande d’abord si la clause est abusive.
  12.      La décision dans l’affaire Coop d’habitation la maisonnée c. Boutin[1] résume bien les principes applicables:

« [29] Quant à la cohérence entre les décisions, suite à l’existence de courants jurisprudentiels différents en cette matière, il y a lieu de préciser ce qui suit quant à l’analyse par le Tribunal de la valeur d’une clause interdisant la présence d’animaux.

[30] Le premier courant jurisprudentiel, plus conservateur, est à l’effet que la clause restrictive doit être respectée à la lettre, étant donné qu’elle émane de la liberté contractuelle des parties que le tribunal doit faire respecter, sans se questionner.

[31] Le second courant, plus récent, est à l’effet qu’une clause restrictive relativement à la présence d’animaux, en l’absence de preuve de préjudices sérieux faite par le locateur, peut être réduite ou même annulée par le tribunal, par le biais de l’article 1901 du Code civil du Québec, lorsqu’une défense sérieuse présentée par le locataire démontre au tribunal, d’une manière crédible et probable, que le locataire subirait, en tenant compte des circonstances particulières mises en preuve, un préjudice sérieux et déraisonnable par l’application de la clause restrictive.

[32] Évidemment, il va de soi que la cohérence entre les décisions doit absolument être recherchée par le tribunal; cependant, il arrive parfois qu’il y ait différents points de vue qui méritent d’être considéré avec respect. »

  1.      Un troisième courant semble vouloir émerger voulant que la clause soit abusive.
  2.      La soussignée adhère au second courant et considère que la clause n’est pas abusive en soi, mais peut être réduite ou annulée.
  3.      Le locataire aura cependant le fardeau de démontrer que tel est le cas.
  4.      Le Tribunal renvoie à cet effet aux propos tenus par l’Honorable Gabriel De Pokomandy dans Office municipal d'habitation c. Luce [9] : [2]

« [73] Dans l'optique d'une demande d'exécution en nature, le locataire qui demande l'annulation d'une clause ou la réduction de l'obligation devra assumer le fardeau de preuve. [24]

[74] Étant donné que la ligne de démarcation entre l'agrément que procure le simple compagnonnage d'un animal et le besoin thérapeutique d'un locataire de la présence de son animal (zoothérapie) n'est pas toujours facile à tracer, il faut une preuve médicale pour établir qu'on est bien dans la deuxième situation, la seule qui permet de réduire l'obligation découlant d'une clause d’interdiction. [25].

[75]  La locataire doit donc se décharger de son fardeau d'établir que la présence de l'animal a une utilité thérapeutique, et que l'application de la clause d'interdiction du bail lui causerait un préjudice affectif ou psychologique qui rendrait cette clause déraisonnable dans les circonstances particulières du dossier.

[76]  La décision dont on demande la permission d'appeler nous apparaît avoir accepté une preuve en deçà de ce qui semble être la règle établie par la jurisprudence et ne semble pas avoir pris en compte les conditions dans lesquelles les tribunaux ont permis la présence d'un animal aux fins d'une zoothérapie. »

  1.      Dans les circonstances du présent dossier, il ne fait pas de doute que la locataire a besoin de la présence d’un animal de compagnie.
  2.      Évidemment, cet animal ne devra pas déranger les voisins.
  3.      Le Tribunal annule donc la clause dans le bail de la locataire et les règlements qui le compose concernant la présence d’un animal.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1.      DÉCLARE que la clause interdisant les animaux dans le bail ou les règlements est nulle en ce qui concerne le bail de la locataire et les règlements y afférant.

 

 

 

 

 

 

 

 

Anne A. Laverdure

 

Présence(s) :

la mandataire de la locatrice

la locataire

Date de l’audience : 

17 décembre 2024

 

 

 


 


[1] 2010 QCRDL 44956.

[2] 2012 QCCQ 15422 qui renvoie à [24] D.C. c. Berthierville (Office municipal d'habitation de), 2012 QCCQ 1524 J.L. c. Coopérative de l'Ébène, 2012 QCCQ 1524; Office municipal d'habitation de Drummondville c. Boisvert, (C.Q., 2000-03-08), J.E. 2000-763; [25] D.C. c. Berthierville (Office municipal d'habitation de), 2012 QCCQ 1524

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