Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

CSSS du Sud-Ouest-Verdun et Benabdelhak

2015 QCCLP 2043

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

10 avril 2015

 

Région :

Montréal

 

Dossiers :

516311-71-1307      544308-71-1406      544508-71-1406

 

Dossier CSST :

140924606

 

Commissaire :

Catherine A. Bergeron, juge administrative

 

Membres :

Pierre Gamache, associations d’employeurs

 

Yvon Bellemare, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

516311-71-1307      544308-71-1406

544508-71-1406

 

 

CSSS du Sud-Ouest-Verdun

Khadija Benabdelhak

Partie requérante

Partie requérante

 

 

et

et

 

 

Khadija Benabdelhak

CSSS du Sud-Ouest-Verdun

Partie intéressée

Partie intéressée

 

 

et

et

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

Partie intervenante

Partie intervenante

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

Dossier 516311-71-1307

 

[1]           Le 9 juillet 2013, le CSSS du Sud-Ouest-Verdun, l’employeur, dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 13 juin 2013, à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 23 mai 2013 et déclare que madame Khadija Benabdelhak, la travailleuse, a subi une lésion professionnelle le 23 avril 2013, dont le diagnostic est une tendinite de l’épaule droite.

Dossiers 544308-71-1406 et 544508-71-1406

[3]           Le 17 juin 2014, l’employeur de même que la travailleuse déposent à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle ils contestent une décision rendue par la CSST le 12 juin 2014, à la suite d’une révision administrative.

[4]           Par cette décision, la CSST confirme deux décisions initialement rendues le 6 mai 2014 et déclare que la travailleuse a droit aux versements de l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’elle se soit prononcée sur sa capacité d’exercer son emploi, puisque sa lésion professionnelle a entraîné des limitations fonctionnelles.

[5]           De même, la CSST déclare que la travailleuse conserve une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique de 2,2 %, incluant le pourcentage pour douleur et perte de jouissance de la vie. Ce pourcentage lui donne droit à une indemnité pour préjudice corporel de 1 655,54 $, plus les intérêts.

[6]           Une audience est tenue à Montréal le 11 mars 2015 en présence des parties et de leur représentant respectif.

[7]           Préalablement, le procureur de la travailleuse a demandé à ce que la Commission des lésions professionnelles se prononce sur une question préliminaire qu’il entend soulever. À cet effet, le procureur de l’employeur a donné son accord. Le tribunal procède donc sur cette question exclusivement.

QUESTION PRÉLIMINAIRE

[8]           Plus spécifiquement, le procureur de la travailleuse fait valoir que la procédure d’évaluation médicale dans le présent dossier est irrégulière, puisqu’elle aurait dû porter également sur les points 2 et 3 de l’article 212 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), soit la question de la date de consolidation de même que des soins et des traitements. Au soutien de cette affirmation, le procureur de la travailleuse allègue que le rapport final émis par le docteur Daniel Émond le 3 octobre 2013 ne liait pas la CSST au moment où il a été signé.

LA PREUVE

[9]           La travailleuse est infirmière auxiliaire chez l’employeur.

[10]        Le 23 avril 2013, elle est victime d’un accident du travail dont le diagnostic reconnu à titre de lésion professionnelle est celui de tendinite à l’épaule droite.

[11]        À partir du 7 mai 2013, la travailleuse est prise en charge par le docteur Émond. Ce dernier prescrit des traitements de physiothérapie et autorise une assignation temporaire.

[12]        Le 23 mai 2013, la travailleuse subit un examen par résonance magnétique de l’épaule droite, lequel est interprété comme démontrant une tendinose du supra-épineux et de l’infra-épineux et une légère bursopathie sous-acromio-deltoïdienne. L’examen ne démontre pas de déchirure de la coiffe des rotateurs.

[13]        À la suite de cet examen, le docteur Émond retient le diagnostic de tendinite et de bursite à l’épaule droite. Il maintient les traitements de physiothérapie et recommande de débuter des traitements d’ergothérapie. Les traitements se poursuivent au cours de l’été 2013. Ceux-ci sont toutefois cessés le 7 août 2013 et une infiltration est réalisée. Une deuxième infiltration sous échographie est prévue ultérieurement.

[14]        Le 19 septembre 2013, une échographie des deux épaules est réalisée. L’examen est interprété comme ne démontrant pas de signes de déchirure transfixiante décelable aux tendons de la coiffe des rotateurs ni au tendon de la longue portion du biceps. Le radiologue note toutefois une petite déchirure partielle intéressant la substance inférieure de la portion externe du tiers moyen du tendon du muscle supra-épineux droit, associée à des signes d’une légère tendinopathie. Il n’y a pas de signes de bursopathie significative.

[15]        Le 3 octobre 2013, le docteur Émond signe un rapport médical final. Il retient alors le diagnostic de tendinite de l’épaule droite avec déchirure partielle du sus-épineux. Il consolide la lésion à la date de son examen et est d’avis que la travailleuse présente une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique de même que des limitations fonctionnelles. Toutefois, il dirige la travailleuse vers le docteur John Jackson pour l’évaluation des séquelles.

[16]        Ce dernier procède à l’examen de la travailleuse le 18 octobre 2013. Il retient comme diagnostic préévaluation celui de tendinite à l’épaule droite. Selon le docteur Jackson, la travailleuse présente les limitations fonctionnelles suivantes :

La patiente ne doit pas soulever des charges de plus de 5 lb.

 

La patiente ne doit pas effectuer des mouvements répétitifs avec l’épaule droite, plus particulièrement des mouvements répétitifs plus hauts que le niveau de l’épaule.

 

La patiente ne doit pas travailler avec le membre supérieur droit dans la position étendue.

 

 

[17]        De même, il retient un déficit anatomie physiologique de 5 %.

[18]        Entretemps, la travailleuse est examinée, le 15 octobre 2013, par le docteur Michel H. Des Rosiers, à la demande de l’employeur. Aux termes de son examen, le docteur Des Rosiers retient le diagnostic d’entorse de l’épaule droite aux dépens du sus-épineux associée à une bursite secondaire sous-acromio-deltoïdienne qui lui apparaît résolue. Toutefois, il note que l’examen démontre que la travailleuse présente possiblement une lésion labrale sous-jacente non soupçonnée jusqu’à maintenant, ce qui pourrait expliquer qu’elle a toujours certaines douleurs et des signes discrets cliniques résiduels.

[19]        Il est d’avis que les soins et les traitements sont toujours nécessaires. Une arthrographie distensive est recommandée de même que la reprise de traitements d’ergothérapie. De même, il estime que la travailleuse bénéficierait de l’opinion d’un orthopédiste.

[20]        Dans ce contexte, il conclut que la condition de la travailleuse n’est pas consolidée.

[21]        Le 1er novembre 2013, l’employeur demande à la CSST de référer le dossier au Bureau d’évaluation médicale, puisque l’opinion du docteur Des Rosiers infirme celle du docteur Émond dans le rapport médical final du le 3 octobre 2013. La demande de l’employeur porte sur les points 1 à 5 de l’article 212 de la loi, c'est-à-dire le diagnostic, la date ou la période prévisible de consolidation, les soins, l’existence et l’évaluation d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et de limitations fonctionnelles. Au même moment, l’employeur transmet au docteur Émond une lettre par laquelle il lui demande de compléter un rapport complémentaire en réponse à l’opinion du docteur Des Rosiers joint à la demande.

[22]        Le 19 novembre 2013, la docteure Ursule Gariépy, médecin-conseil de la CSST, prend connaissance du rapport d’évaluation médicale du docteur Jackson. Elle suggère une deuxième opinion sur les questions de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Elle recommande donc que la travailleuse soit examinée par un médecin désigné par la CSST. À ce moment, la CSST n’a toujours pas pris connaissance du rapport du docteur Des Rosiers, selon les notes évolutives.

[23]        Le 10 décembre 2013, la CSST communique avec l’employeur afin de lui suggérer de retirer sa demande de référer le dossier au Bureau d’évaluation médicale, compte tenu du fait que le docteur Des Rosiers ne consolide pas la lésion. La CSST explique en effet que si le membre du Bureau d’évaluation médicale consolide la lésion de la travailleuse, la CSST sera liée par cette conclusion, ce que l’employeur ne semble pas vouloir.

[24]        Au final, toutefois, la CSST décide de transmettre le dossier au Bureau d’évaluation médicale le 16 janvier 2014, après quelques échanges avec l’employeur et la révision du dossier. Le formulaire est signé et transmis au Bureau d’évaluation médicale le 21 janvier 2014 par la CSST.

[25]        Entretemps, la CSST a tout de même décidé de faire examiner la travailleuse par un médecin désigné afin qu’il se prononce sur l’existence et l’évaluation d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et de limitations fonctionnelles. Selon le dossier, il semble que cette demande a été amendée afin que le médecin se prononce également sur la question du diagnostic.

[26]        C’est dans ce contexte que la travailleuse est examinée le 27 janvier 2014 par le docteur Serge Tohmé, chirurgien orthopédiste. Ce dernier reprend les termes du mandat et décrit qu’il doit se prononcer seulement sur l’existence et l’évaluation d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles. En ce sens, il mentionne que le diagnostic accepté par la CSST est celui de tendinite à l’épaule droite.

[27]        Au terme de son examen clinique qu’il considère normal, le docteur Tohmé conclut que la travailleuse ne présente aucune séquelle.

[28]        Le 14 février 2014, la travailleuse est réexaminée à la demande de l’employeur par le docteur Des Rosiers. Il maintient qu’une lésion de nature labrale demeure à être éliminée, mais note que le médecin traitant n’a pas jugé bon de poursuivre une investigation en ce sens. Dans ce contexte, il adhère à la conclusion de ce dernier, soit que la lésion est consolidée depuis le 3 octobre 2013. Toutefois, il retient un déficit anatomo-physiologique de 3 %, de même que les limitations fonctionnelles suivantes :

Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent :

 

-      le soulèvement de charges de plus de 5 kg au-dessus de 90°;

-      les mouvements de rotations au-dessus de 90°;

-      les mouvements extrêmes d’abduction et de flexion antérieure, surtout contre résistance.

 

 

[29]        Puis, le 27 février 2014, l’employeur transmet à la CSST une lettre par laquelle il l’informe de son désistement de la demande de référer le dossier au Bureau d’évaluation médicale déposée le 1er novembre dernier. Le 21 février précédent, l’employeur avait soumis une nouvelle demande afin de contester le rapport d’évaluation médicale signé par le docteur Jackson. L’employeur demandait que le membre du Bureau d’évaluation médicale se prononce exclusivement sur les points 4 et 5 de l’article 212 de la loi, soit l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles.

[30]        Toutefois, le 27 février 2014, l’employeur se désiste également de cette deuxième demande de référer le dossier au Bureau d’évaluation médicale.

[31]        Le 14 mars 2014, le docteur Jackson signe un rapport complémentaire à la demande de la CSST afin d’étayer ses conclusions à la lecture du rapport du docteur Tohmé. Le docteur Jackson mentionne qu’il n’est pas d’accord avec l’opinion du docteur Tohmé et qu’il est d’avis que la travailleuse conserve une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et des limitations fonctionnelles.

[32]        Le 28 mars 2014, le dossier est transmis au Bureau d’évaluation médicale par la CSST. Cette demande oppose l’opinion du docteur Tohmé à celle du docteur Jackson quant à ces deux questions exclusivement.

[33]        C’est dans ce contexte que la travailleuse est examinée le 10 avril 2014 par le docteur Sevan Gregory Ortaaslan, orthopédiste. D’emblée, le médecin reconnaît que la CSST a accepté le diagnostic de tendinite de l’épaule droite.

[34]        Son examen clinique démontre des amplitudes articulaires des épaules fluides et complètes avec de légers signes d’accrochage sous-acromial à l’épaule droite. Il estime que son examen ne correspond pas à celui du docteur Tohmé. Il ne retient donc pas ses conclusions. Toutefois, son examen ne démontre aucune ankylose, tel que suggéré par le docteur Jackson.

[35]        Dans ce contexte, il explique qu’il est d’accord avec le docteur Des Rosiers, selon qui la travailleuse méritait une consultation en orthopédie afin de mieux investiguer l’état de son épaule. Il note, toutefois, que puisque le médecin traitant n’a pas référé la travailleuse en consultation ni pour d’autres investigations, la consolidation a été retenue.

[36]        Il retient, une atteinte permanente à l’intégrité physique de 2 %, de même que les limitations fonctionnelles suivantes :

La patiente doit éviter d’une manière répétitive ou fréquente :

-      de soulever le membre droit au-dessus du niveau de l’épaule, c’est-à-dire au-dessus de 90° de flexion antérieure ou d’abduction;

-      de maintenir le membre supérieur droit d’une manière répétitive ou fréquente statique à 90° de flexion antérieure ou d’abduction;

-      de soulever des charges, d’une manière répétitive, dépassant 10 kg avec le membre supérieur droit, égales ou supérieures à 90° de flexion antérieure et d’abduction.

 

[37]        Le 6 mai 2014, la CSST rend deux décisions à la suite à l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale. Elle conclut que la lésion professionnelle a entraîné une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique de 2,2 % de même que des limitations fonctionnelles. Dans ce cadre, puisqu’il y a limitations fonctionnelles, la CSST verse des indemnités de remplacement du revenu à la travailleuse jusqu’à ce qu’elle se prononce sur sa capacité d’exercer son emploi. Ces deux décisions sont confirmées le 12 juin suivant, à la suite d’une révision administrative. L’employeur et la travailleuse contestent cette dernière décision, d’où deux des présents litiges.

[38]        Le 4 juin 2014, la CSST rend une décision par laquelle elle déclare que la travailleuse est capable d’exercer son emploi, et ce, malgré la présence de limitations fonctionnelles. Cette décision est contestée par les parties, mais ne fait pas l’objet d’un litige dans la présente affaire.

[39]        À l’audience, la travailleuse explique que lorsqu’elle a vu le docteur Émond le 3 octobre 2013, elle avait toujours de la douleur à l’épaule, laquelle augmentait à l’effort. Ses activités étaient donc limitées. Sa douleur est d’ailleurs toujours présente aujourd’hui.

[40]        Après le 15 octobre 2013, elle a revu plusieurs médecins à son initiative. Une injection cortisonnée sous échographie a été suggérée.

L’AVIS DES MEMBRES SUR LA QUESTION PRÉLIMINAIRE

[41]        Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales partagent le même avis. Ils retiennent que la procédure d’évaluation médicale a été valablement effectuée et que la CSST n’avait pas à soumettre obligatoirement la question de la consolidation de la lésion, des soins et des traitements au membre du Bureau d’évaluation médicale.

[42]        En effet, le rapport médical final a été valablement signé par le médecin qui a charge de la travailleuse, lequel retient qu’un plateau est atteint, bien que la travailleuse conserve certaines séquelles, lesquelles ont été évaluées par la suite par le docteur Jackson. Rien ne permet de retenir que ce rapport n’était pas liant pour la CSST même si le médecin de l’employeur estimait que la lésion de la travailleuse n’était pas consolidée à cette date. Les membres rappellent que la loi prévoit clairement que c’est l’opinion du médecin qui a charge de la travailleuse qui prévaut.

 

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[43]        Le tribunal doit donc déterminer si la procédure d’évaluation médicale initiée par la CSST le 28 mars 2014 est régulière.

[44]        À cet égard, rappelons que le procureur de la travailleuse fait valoir que le rapport médical final signé le 3 octobre 2013 par le docteur Émond ne liait pas la CSST, et que celle-ci aurait dû soumettre la question de la consolidation, de même que celle des soins et des traitements, au membre du Bureau d’évaluation médicale. En effet, le médecin désigné par l’employeur était d’avis, à l’inverse du docteur Émond, que la lésion n’était pas consolidée et que les soins et traitements étaient toujours nécessaires. Il y avait donc contradiction sur ces points.

[45]        Les dispositions pertinentes de la loi nécessaires à l’issue du présent litige sont les suivantes :

192.  Le travailleur a droit aux soins du professionnel de la santé de son choix.

__________

1985, c. 6, a. 192.

 

 

204.  La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.

 

La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115.

__________

1985, c. 6, a. 204; 1992, c. 11, a. 13.

 

 

205.1.  Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.

 

La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216.

__________

1997, c. 27, a. 3.

 

 

206.  La Commission peut soumettre au Bureau d'évaluation médicale le rapport qu'elle a obtenu en vertu de l'article 204, même si ce rapport porte sur l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 sur lequel le médecin qui a charge du travailleur ne s'est pas prononcé.

__________

1985, c. 6, a. 206; 1992, c. 11, a. 13.

 

 

209.  L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut exiger que celui-ci se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'il désigne, à chaque fois que le médecin qui a charge de ce travailleur fournit à la Commission un rapport qu'il doit fournir et portant sur un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.

 

L'employeur qui se prévaut des dispositions du premier alinéa peut demander au professionnel de la santé son opinion sur la relation entre la blessure ou la maladie du travailleur d'une part, et d'autre part, l'accident du travail que celui-ci a subi ou le travail qu'il exerce ou qu'il a exercé.

__________

1985, c. 6, a. 209; 1992, c. 11, a. 14.

 

 

212.  L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants :

 

1° le diagnostic;

 

 

2° la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;

 

3° la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;

 

4° l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;

 

5° l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.

 

L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.

__________

1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.

 

 

212.1.  Si le rapport du professionnel de la santé obtenu en vertu de l'article 212 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de cet article, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.

 

La Commission soumet ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216.

__________

1997, c. 27, a. 5.

 

 

224.  Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.

__________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.

 

 

224.1.  Lorsqu'un membre du Bureau d'évaluation médicale rend un avis en vertu de l'article 221 dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par cet avis et rend une décision en conséquence.

 

Lorsque le membre de ce Bureau ne rend pas son avis dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par le rapport qu'elle a obtenu du professionnel de la santé qu'elle a désigné, le cas échéant.

 

Si elle n'a pas déjà obtenu un tel rapport, la Commission peut demander au professionnel de la santé qu'elle désigne un rapport sur le sujet mentionné aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 qui a fait l'objet de la contestation; elle est alors liée par le premier avis ou rapport qu'elle reçoit, du membre du Bureau d'évaluation médicale ou du professionnel de la santé qu'elle a désigné, et elle rend une décision en conséquence.

 

La Commission verse au dossier du travailleur tout avis ou rapport qu'elle reçoit même s'il ne la lie pas.

__________

1992, c. 11, a. 27.

 

 

358.  Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.

 

Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365.

 

Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2 ni du refus de la Commission de renoncer à un intérêt, une pénalité ou des frais ou d'annuler un intérêt, une pénalité ou des frais en vertu de l'article 323.1.

 

 

 

 

Une personne ne peut demander la révision du taux provisoire fixé par la Commission en vertu de l'article 315.2.

__________

1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14; 2006, c. 53, a. 26.

 

 

[46]        Ainsi, il appert clairement de ces différents articles que la loi attribue une primauté à l’opinion du médecin qui a charge du travailleur relativement aux questions médicales mentionnées à l’article 212 de la loi, soit le diagnostic, les soins et les traitements, la période de consolidation, l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique de même que les limitations fonctionnelles.

[47]        De même, l’article 358 de la loi prévoit qu’un travailleur ne peut demander la révision d’une question médicale sur laquelle la CSST est liée en vertu de l’article 224 de la loi. Ainsi, bien que selon l’article 192 de la loi, un travailleur a le droit de choisir son médecin traitant afin de recevoir des soins, il demeure lié par ses conclusions compte tenu du libellé des articles 358 et 224 de la loi.

[48]        Toutefois, la loi prévoit une procédure d’évaluation médicale qui permet à l’employeur ou à la CSST de contester l’opinion du médecin qui a charge du travailleur. Ainsi, en vertu des articles 209 et 212 de la loi, l’employeur peut se prévaloir de la procédure d’évaluation médicale et demander à la CSST que le dossier soit référé au Bureau d’évaluation médicale lorsque le rapport de son médecin désigné infirme les conclusions du médecin qui a charge quant à l’un ou plusieurs des sujets médicaux mentionnés à l’article 212 de la loi.

[49]        Lorsque l’employeur rencontre les exigences de ces deux articles, la CSST est tenue de référer le dossier au Bureau d’évaluation médicale. Toutefois, une telle demande demeure le choix de l’employeur.

[50]        Également, en vertu des articles 204 et 206, la CSST peut contester l’opinion du médecin qui a charge. L’article 206 de la loi prévoit que la CSST peut soumettre au Bureau d’évaluation médicale le rapport qu’elle a obtenu en vertu de l’article 204 de la loi. Ainsi, même s’il y a contradiction entre l’opinion du médecin qui a charge du travailleur et celui désigné par la CSST, le terme « peut » signifie qu’elle n’est pas tenue de référer le dossier au Bureau d’évaluation médicale.

[51]        En l’instance, le tribunal conclut que la procédure d’évaluation médicale initiée par la CSST le 28 mars 2014, ayant conduit à l’avis du docteur Ortaaslan, est régulière.

[52]        Dans un premier temps, le tribunal retient que le rapport médical final signé par le docteur Émond liait la CSST.

[53]        Ce rapport médical s’inscrit dans un contexte tout à fait logique où la travailleuse a bénéficié de traitements conservateurs de même que de deux épidurales. Or, malgré cela, sa condition demeure douloureuse, mais atteint un certain plateau.

[54]        En outre, à la suite de cette deuxième infiltration et des résultats de l’échographie des épaules du 19 septembre 2013, le docteur Émond estime qu’il n’a plus rien à offrir, mais que la travailleuse conserve des séquelles. Il réfère cet aspect au docteur Jackson afin d’obtenir une évaluation de celle-ci. Le tribunal considère que le rapport d’évaluation médicale du docteur Jackson, rédigé à la suite de l’examen du 18 octobre 2013, est une suite logique du rapport final émis le 3 octobre précédent. Il ne contredit en rien l’opinion du docteur Émond et vient plutôt sceller l’issue de l’évaluation des séquelles.

[55]        Il est vrai que le docteur Des Rosiers, médecin désigné par l’employeur, conclut, le 15 octobre 2013, que la lésion de la travailleuse n’est pas consolidée et que celle-ci bénéficierait de traitements additionnels, mais surtout d’une investigation supplémentaire de même que de l’opinion d’un orthopédiste en raison d’une suspicion d’une déchirure labrale. Toutefois, la travailleuse confirme à l’audience que son médecin a bien pris connaissance de l’évaluation médicale du docteur Des Rosiers et que malgré cela, il n’a pas donné suite à cette recommandation. Il a maintenu son opinion selon laquelle la travailleuse avait atteint un plateau et qu’elle devrait vivre avec la douleur, ce pour quoi des séquelles sont retenues.

[56]        Or, rappelons encore une fois que l’opinion du médecin traitant prévaut[2].

[57]        Il est vrai que la jurisprudence[3] du présent tribunal retient que dans certaines circonstances exceptionnelles, il est justifié de mettre de côté l’avis du médecin qui a charge du travailleur sur les questions d’ordre médical liant la CSST en vertu de l’article 224 de la loi. Par exemple, lorsque le diagnostic du médecin qui a charge est manifestement faux, lorsqu’il ignore un élément important s’étant ajouté par la suite au dossier ou lorsque le travailleur a encore besoin de soins quand la lésion est consolidée.

[58]        Le tribunal est d’avis que la présente affaire n’est pas l’un de ces cas exceptionnels qui justifient d’écarter le rapport final du médecin qui a charge.

[59]        En effet, l’opinion du docteur Émond ne comporte aucune ambiguïté et n’est pas manifestement erronée. Il est d’avis que la travailleuse est consolidée le 3 octobre 2013 et son comportement est concordant. Il cesse les traitements et dirige la travailleuse vers le docteur Jackson pour l’évaluation des séquelles. Il ne change aucunement d’idée par la suite, bien au contraire. Lorsqu’il voit la travailleuse en mars 2014, il maintient son opinion, bien qu’il ait pris connaissance de l’avis du docteur Des Rosiers.

[60]        Il est vrai que la travailleuse a vu d’autres médecins par la suite, mais aucun d’eux ne signe une attestation médicale CSST.

[61]        De même, ultérieurement, l’employeur qui avait initié une demande à la CSST afin de référer le dossier au Bureau d’évaluation médicale le 1er novembre 2013, s’est désisté de ladite demande. Il est vrai que l’opinion du médecin désigné par l’employeur et celle du médecin traitant sont contradictoires et auraient pu permettre à la CSST de référer le dossier au Bureau d’évaluation médicale conformément à l’article 212 de la loi sur la question de la date de consolidation et des soins et des traitements. Toutefois, l’employeur s’est désisté de cette demande. Autant l’employeur n’a aucune obligation de demander une référence au Bureau d’évaluation médicale, autant il peut retirer cette demande à tout moment[4].

[62]        C’est donc à bon droit que la CSST s’est considérée liée par la date de consolidation retenue par le médecin qui a charge de la travailleuse, soit le 3 octobre 2013, et sur la fin des soins et des traitements à cette date. Elle désirait avoir une opinion au sujet des séquelles comme la loi le lui permet spécifiquement à l’article 204 de la loi.

[63]        La CSST a donc demandé l’opinion du docteur Tohmé. Elle pouvait lui demander de se prononcer exclusivement sur les points 4 et 5, ce que le docteur Tohmé a d’ailleurs fait. Or, le docteur Tohmé ne retenant aucune séquelle découlant de la lésion professionnelle, il y avait contradiction entre son opinion et celle du médecin qui a charge de la travailleuse. Elle pouvait donc référer le dossier au Bureau d’évaluation médicale. Cette décision demeure toutefois un choix, car rien dans la loi ne l’oblige à le faire, même s’il y a contradictions entre les opinions des médecins.

[64]        À l’audience, le procureur de la travailleuse a insisté sur le fait que la CSST s’était immiscée dans le processus d’évaluation médicale en suggérant à l’employeur de retirer sa demande de référer le dossier au Bureau d’évaluation médicale.

[65]        Le tribunal ne retient pas cette prétention. D’une part, la CSST étant gestionnaire du régime, c’est à bon droit qu’elle fait des interventions afin d’éviter, par exemple, des procédures inutiles.

[66]        D’autre part, les notes évolutives de la CSST démontrent clairement que celle-ci a suggéré à l’employeur, le 10 décembre 2013, de retirer sa demande de référer le dossier au Bureau d’évaluation médicale puisque, si ce dernier consolidait la lésion, la CSST serait liée par cette opinion conformément à l’article 224.1 de la loi. Selon la compréhension du tribunal, la CSST cherchait à faire comprendre à l’employeur que s’il voulait remettre en cause la date de consolidation du médecin traitant et retenir plutôt l’opinion de son médecin désigné qui ne consolide pas la lésion, il n’atteindra possiblement pas cet objectif. Le tribunal note que cet état de fait était aussi avantageux pour la travailleuse.

[67]        De même, malgré cette intervention, l’employeur maintient sa demande afin que le dossier soit référé au Bureau d’évaluation médicale. La CSST accepte d’ailleurs de transmettre cette demande, comme elle le confirme le 23 janvier 2014 à l’employeur.

[68]        Puis, sans autre intervention de la part de la CSST, c’est l’employeur lui-même qui décide de retirer sa demande au Bureau d’évaluation médicale de même que la deuxième demande qu’il avait soumise le 21 février 2014. Cette décision respecte en tous points la loi.

[69]        Par ailleurs, de manière subsidiaire, le procureur de la travailleuse affirme que les décisions rendues par la CSST le 6 mai 2014 ne sont pas conformes à l’avis rendu par le membre du Bureau d’évaluation médicale. Il prétend que le docteur Ortaaslan ne consolide pas la lésion, car il mentionne dans son rapport être d’accord avec le docteur Des Rosiers qui suggère que la travailleuse bénéficie d’une investigation plus poussée et d’une consultation en orthopédie.

[70]        Le tribunal constate toutefois que le docteur Ortaaslan ne se prononce aucunement sur la question de la date de consolidation et les soins et les traitements. Il en traite dans la portion discussion de son rapport. D’ailleurs, il prend bien note de mentionner que la suggestion du docteur Des Rosiers n’a pas été retenue par le médecin traitant et que la consolidation a bien été retenue. Son mandat se limite à la question des séquelles et il se prononce seulement sur ces deux aspects, comme la loi le lui permet. La CSST pouvait donc rendre ses décisions telles quelles.

[71]        Dans ce contexte, le tribunal conclut que les décisions rendues par la CSST à la suite de l’avis du Bureau d’évaluation médicale sont régulières.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la question préliminaire soumise par la travailleuse, Khadija Benabdelhak;

DÉCLARE que les décisions rendues par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 6 mai 2014 sont régulières de même que la décision rendue, à la suite d’une révision administrative, qui les confirme le 12 juin 2014;

CONVOQUERA à nouveau les parties afin que les litiges soient entendus sur le fond à une date ultérieure.

 

 

__________________________________

 

Catherine A. Bergeron

 

 

 

 

Me Jacques Rousse

MCCARTHY, TÉTRAULT

Représentant de l’employeur

 

 

Me Maxime Dupuis

F.I.Q.

Représentant de la travailleuse

 

 

Me Véronique Ranger

VIGNEAULT THIBODEAU BERGERON

Représentante de la partie intervenante

 



[1]          RLRQ, c. A-3.001.

[2]           Parisé et Construction Dany Lachance inc. (fermé), C.L.P. 397541-63-0912, 11 novembre 2010, P. Bouvier.

[3]           Larbi et Emploi Québécoise (2005), C.L.P. 318893-71-0705, 24 octobre 2008, Monique Lamarre; Gagné et Marmen inc., C.L.P. 360448-01A-0810, 3 février 2010, N. Michaud.

[4]           Cliniques de réadaptation Universelle Fleury, 2011 QCCLP 762.

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