Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

Vig c. Dowd

2021 QCCQ 7538

 COUR DU QUÉBEC

« Division administrative et d’appel »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

LOCALITÉ DE MONTRÉAL

 

N° :

500-80-039028-197

 

 

 

DATE :

 10 juin 2021

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE 

L’HONORABLE

 CÉLINE GERVAIS, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

L’agent Sanjay VIG, matricule 5144, membre du Service de police de la Ville de Montréal

Appelant

c.

 

Me Marc-André DOWD, en sa qualité de Commissaire à la déontologie policière

Intimé

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Sanjay Vig appelle de décisions du Comité de déontologie policière qui l’ont reconnu coupable d’avoir contrevenu à l’article 7 du Code de déontologie des policiers pour avoir exigé un cautionnement d’un conducteur avant de lui avoir remis une copie du constat d’infraction, contrairement à l’article 76 du Code de procédure pénale[1], et lui ont imposé une sanction de deux jours de suspension. 

LE CONTEXTE :

[2]           Les faits de ce dossier ne sont pas vraiment contestés.  On peut les résumer brièvement.

[3]           Le 18 juillet 2012, les agents Vig et Chassé sont affectés à une opération de sécurité routière au rond-point l’Acadie.  Ils interceptent le véhicule de M. Khalid El-Dabbagh qui a franchi une ligne continue et lui demandent de se ranger sur l’accotement.  Selon les faits relatés dans la décision du Comité, M. El-Dabbagh fonce sur l’agent Vig qui doit se déplacer pour éviter d’être frappé.  Par la suite, il refuse de remettre ses documents d’identification, indique qu’il demeure en Alberta et qu’il n’a pas l’intention de payer les contraventions.

[4]           L’agent Vig dit à M. El-Dabbagh qu’il va lui demander un cautionnement et lui fournit les informations requises.  Devant le refus de M. El-Dabbagh de sortir de son véhicule et de fournir ses documents d’identification, malgré plusieurs demandes, les agents Vig et Chassé doivent utiliser la force.  Monsieur El-Dabbagh est mis en état d’arrestation vers 15 h 15. 

[5]           Vu l’attitude agressive de celui-ci et la configuration particulière du rond-point, qui est surélevé à cet endroit, les policiers décident d’amener M. El-Dabbagh au centre de détention et son véhicule est remorqué.  Les agents Vig et Chassé rencontrent un sergent détective à leur arrivée et discutent du dossier.  Ce dernier leur suggère de procéder à l’émission de constats pour entrave, pour ne pas avoir eu la preuve d’assurance ni les enregistrements du véhicule et pour avoir franchi une ligne continue.  Il est décidé de ne pas agir sur la manœuvre de M. El-Dabbagh avec son véhicule.  Les constats sont émis vers 16 h 45.

[6]           Après avoir consulté son avocat, M. El-Dabbagh paie les contraventions et décide de les contester plus tard.  Il sera déclaré coupable d’avoir franchi la ligne continue, mais acquitté des deux autres infractions.

Les décisions du Comité :

[7]           L’agent Vig fait l’objet des trois chefs suivants :

Lequel, à Montréal, le ou vers le 18 juillet 2012, alors qu’il était dans l’exercice de ses fonctions, n’a pas respecté l’autorité de la loi et des tribunaux à l’égard de monsieur Khalid El-Dabbagh, commettant autant d’actes dérogatoires prévus à l’article 7 du Code de déontologie des policiers du Québec (Chapitre P-13.1, r. 1) :

1.    en exigeant de lui un cautionnement sans lui avoir signifié au préalable un constat d’infraction;

2.    en l’arrêtant sans droit;

3.    en utilisant la force sans droit contre lui.

 

[8]           Dans sa décision sur culpabilité rendue le 26 octobre 2018, le Comité ne retient pas la version du plaignant, qui soutenait que le policier avait tenté de lui soutirer de l’argent; le Comité considère plutôt, vu les faits, que le policier Vig avait le droit d’exiger un cautionnement pour l’infraction relative à la ligne continue.

[9]           Par contre, comme le constat n’avait pas été rédigé au moment où le cautionnement avait été demandé, le Comité considère que l’agent Vig a agi à l’encontre de l’article 76 du Code de procédure pénale qui prévoit qu’un cautionnement peut être exigé d’un défendeur « au moment où un constat lui est signifié ».

[10]        Vu cette conclusion sur le premier chef, l’arrestation devenait sans droit ainsi que l’usage de la force.

[11]        Dans sa décision sur sanction rendue le 26 avril 2019, le Comité impose une suspension de deux jours à être purgée de façon concurrente pour chacun des chefs.  Le Comité rappelle que le geste du policier Vig résulte essentiellement d’une méconnaissance du droit applicable et de la procédure imposée par le Code de procédure pénale.  Il retient que le policier avait, au moment des faits, douze ans d’expérience, dont huit ans à la circulation, ainsi que l’absence de tout dossier déontologique.

QUESTIONS EN LITIGE :

1.    Quelle est la norme d’intervention applicable ?

2.    Le Comité a-t-il commis une erreur en concluant que la méconnaissance de l’article 76 du Code de procédure pénale par le policier constituait une faute déontologique ?

3.    La sanction imposée était-elle appropriée ?

ANALYSE ET DÉCISION :

1.         Quelle est la norme d’intervention applicable ?

[12]        Le procureur de l’agent Vig plaide que le présent dossier soulève une question de droit parce que le Comité de discipline n’aurait pas appliqué les faits au droit, mais procédé à une simple équation en concluant que la méconnaissance de l’article 76 du Code de procédure pénale constituait une faute, d’où l’application de la norme de la décision correcte.

[13]        Par ailleurs, il plaide également l’application de cette même norme en se fondant sur le paragraphe 37 de la décision Vavilov[2] qui indique que si le législateur entend prévoir l’application en appel d’une autre norme de contrôle, il lui est toujours loisible d’exprimer son intention en énonçant dans la loi la norme de contrôle applicable.

[14]        Il voit dans la combinaison des articles 83.1 de la Loi sur les tribunaux judiciaires[3] et de l’article 252 de la Loi sur la police[4] une telle indication d’une autre norme de contrôle, vu le pouvoir donné à la Cour du Québec de rendre la décision qui aurait dû être prononcée en premier lieu.

[15]        Pour sa part, la procureure du Commissaire plaide que c’est la norme de l’erreur manifeste et déterminante qui doit s’appliquer puisqu’il s’agit d’une erreur mixte de fait et de droit.

[16]        L’argument du procureur de l’agent Vig a été rejeté à quelques reprises par la Cour du Québec.[5]

[17]        Le Tribunal est en accord avec les conclusions de cette jurisprudence et considère qu’il y a lieu d’appliquer la règle générale énoncée à l’arrêt Vavilov.

[18]        Cet arrêt enseigne qu’il y a lieu de recourir aux normes applicables en appel pour réviser la décision, selon la nature de la question.  Ainsi, une question de droit appelle la norme de la décision correcte, alors qu’une question de fait ou une question mixte de fait et de droit appelle l’application de la norme de contrôle de l’erreur manifeste et déterminante.

[19]        Plusieurs décisions établissent que la détermination par un Comité de discipline qu’un comportement donné constitue ou non une faute déontologique est une question mixte de fait et de droit, comme en font foi les extraits suivants de jurisprudence :

« [38]      Visiblement, le COMITÉ a considéré l’ensemble de la preuve. La nature de sa décision relève donc de sa qualification des faits mis en preuve à la notion juridique de ce que constitue une faute déontologique, une question mixte de fait et de droit qui commande la norme de contrôle de l’erreur manifeste et déterminante. »[6]

« [60]        En effet, les tribunaux ont rappelé, à de nombreuses reprises, que la qualification d’une trame factuelle « x », par un comité de discipline, d’infraction déontologique « y », constitue un fort bel exemple de questions mixtes de faits et de droit.  Il s’agit de l’application, ni plus ni moins, d’un cadre juridique à une trame de faits. »[7]

« [9]           Quant à la norme de contrôle applicable à l’appel, les parties conviennent toutes deux que les questions soulevées relèvent de la qualification des faits en preuve à la notion juridique de ce que constitue une faute déontologique, soit des questions mixtes de faits et de droit qui commandent l’application de la norme de contrôle de l’erreur manifeste et déterminante.

 [10]        Le Tribunal est en accord avec cette proposition de sorte que son analyse se fera à travers le prisme de cette norme de contrôle. »[8]

 

[20]        Ainsi, en se rapportant à la démarche proposée par l’arrêt Teal Cedar Products Ltd.[9], le cadre de référence est le suivant :

-       Les questions de droit concernent la détermination du critère juridique applicable;

-       Les questions de fait portent sur ce qui s’est réellement passé entre les  parties;

-       Les questions mixtes consistent à déterminer si les faits satisfont aux critères juridiques ou en d’autres termes supposent l’application d’une norme juridique à un ensemble de faits.

 

[21]        En l’instance, le Comité de déontologie policière a d’abord évalué les versions des agents Vig et Chassé ainsi que celle du plaignant, pour préférer le témoignage des policiers.  Il a ensuite considéré les agissements de l’agent Vig quant à la remise du constat d’infraction après avoir exigé un cautionnement pour qualifier ce geste de faute déontologique.

[22]        C’est donc la norme de l’erreur manifeste et déterminante qui doit trouver application.

2.         Le Comité a-t-il commis une erreur en concluant que la méconnaissance de l’article 76 du Code de procédure pénale par le policier constituait une faute déontologique ?

[23]        Il convient en premier lieu de revoir quel a été le raisonnement du Comité pour en venir à la conclusion que l’agent Vig avait commis une faute déontologique :

Ø  L’agent Vig avait le droit d’exiger un cautionnement de la part de M. El-Dabbagh, considérant les circonstances;

Ø  Au moment de la demande de fournir un cautionnement, le constat d’infraction n’était pas encore rédigé;

Ø  L’article 76 du Code de procédure pénale est clair, le défendeur doit être en possession du constat au moment de fournir le cautionnement;

Ø  L’agent Vig admet qu’il ne le savait pas;

Ø  Les jugements sur l’article 76 du Code de procédure pénale sont peu nombreux;

Ø  Selon l’affaire Villeneuve rendue par la Cour supérieure en 1998[10], l’article 76 du Code de procédure pénale est clair et limpide - le pouvoir d’exiger un cautionnement est restreint et circonscrit par la loi;

Ø  L’agent Vig n’a pas reçu de formation sur la question du cautionnement, ni à l’école de police ni subséquemment;

Ø  À défaut de savoir avec assurance ce qu’il fallait faire, le policier Vig aurait dû, sur les lieux de l’événement, consulter un officier supérieur afin d’être conseillé;

Ø  Le policier Vig a erronément imaginé que la signification verbale du constat était suffisante.  Il s’agit d’une ignorance inacceptable d’une disposition de la loi de la part du policier;

Ø  Ce faisant, l’agent Vig a dérogé à l’article 7 du Code de déontologie.

[24]        Pour sa part, le procureur de l’agent Vig plaide que l’illégalité d’un geste n’entraine pas automatiquement une faute déontologique et que le Comité devait pousser sa réflexion en se demandant si les gestes posés constituaient une violation au sens du Code de déontologie des policiers.  Il ajoute que le policier n’a pas commis une faute revêtant un caractère de mauvaise foi, de négligence désinvolte ou d’incompétence grossière.

[25]        Il soumet que le Comité n’aurait pas dû se fonder sur la décision Villeneuve, puisque les faits étaient très différents et que, dans le jugement qui refuse la permission d’appeler, la Cour d’appel mentionne ne pas entériner l’interprétation de l’article 76 du Code de procédure pénale faite par le premier juge.

[26]        L’agent Vig soumet encore qu’il a seulement commis une erreur technique et qu’il y a lieu de faire une distinction entre le non-respect de la loi et de l’autorité de la loi.  Enfin, il plaide qu’une erreur de droit n’engage pas automatiquement la responsabilité déontologique du policier, qui a par ailleurs le droit de se tromper.

[27]        Pour sa part, le Commissaire à la déontologie policière plaide l’absence d’erreur manifeste et déterminante dans les conclusions du Comité, ajoutant que le contexte permettait au Comité de conclure comme il l’a fait, en tenant compte de la longue expérience du policier Vig.

[28]        Le Commissaire ajoute qu’un policier ne peut omettre les étapes prévues à la loi et que cela constitue une erreur grave.  Il fait une analogie avec la décision Valenta[11], où il a été décidé que l’omission d’informer une citoyenne de l’infraction qu’elle venait de commettre avant de lui demander de s’identifier constituait une erreur grave.

[29]        Le Commissaire plaide que la décision a été rendue dans la sphère de juridiction  spécialisée du Comité.  Il prétend que l’agent Vig a enfreint une règle de base et que la lecture de l’article 76 du Code de procédure pénale ne laisse pas place à l’interprétation.  Il ajoute que le jugement est suffisamment motivé et que le Commissaire n’avait pas à prouver l’intention coupable du policier.

[30]        La jurisprudence a abondamment défini ce qui  constitue une erreur manifeste, laquelle doit être évidente et doit pouvoir être identifiée précisément par l’appelant.  L’erreur déterminante, quant à elle, a un effet sur l’issue du litige.  Nous reprenons ce que la Cour d’appel mentionnait dans l’arrêt Cloutier c. Bussière, comme quoi une erreur est dite manifeste lorsqu’elle peut être identifiée avec une grande économie de moyens, sans que la chose provoque un long débat de sémantique et sans qu’il soit nécessaire de revoir des pans entiers d’une preuve documentaire et testimoniale qui est partagée et contradictoire. [12]

[31]        Une analyse de la notion de faute déontologique s’impose, pour bien cerner si la décision du Comité est entachée d’une erreur manifeste.  Dans l’affaire Gingras, une décision souvent citée, le Juge Patrick Théroux fait une revue de la jurisprudence ayant analysé cette notion[13].  Cette décision rappelle les enseignements de la Cour d’appel dans l’arrêt Poulin c. Gilbert[14], lequel indiquait que le Code de déontologie mentionne des actes suffisamment graves pour entacher la moralité ou la probité professionnelle de l’agent, les distinguant d’une simple erreur de jugement dans la conduite d’une enquête policière.  La cour souligne qu’il faut que l’acte ou l’omission constitue une violation du principe de moralité et d’éthique propre au milieu en cause et issu de l’usage et des traditions ou un manquement volontaire ou par négligence grossière à un devoir professionnel.

[32]        De même, dans l’arrêt Tremblay[15], ces enseignements sont repris dans l’optique de faire primer les intérêts du public sur les intérêts privés et de maintenir un standard professionnel de haute qualité.  Le Juge Théroux souligne que ces considérations sont incontournables.[16]

[33]        Il convient de reproduire les paragraphes 127 à 130 de la décision Gingras :

« [127]     L'erreur de jugement ou le manque de prudence dans l'exercice d'une fonction réglementée ne constituent une faute déontologique que dans la mesure où ils sont suffisamment graves pour entacher la moralité ou la probité professionnelle de celui qui en est l'auteur.

[128]     Il doit donc s'agir d'une erreur d'une gravité telle qu'on puisse conclure qu'elle porte atteinte à l'honneur et à la dignité de la profession, à la confiance et à la considération que requiert la fonction.  C'est ce qui justifie qu'une sanction soit prononcée.

[129]     Le comportement reproché doit être inapproprié, en ce sens qu'il amène à conclure que son auteur n'a pas agi avec la moralité, la probité professionnelle suffisantes pour préserver l'honneur et la dignité de sa profession ou, encore, comme ici, la confiance et la considération que requiert la fonction de policier.

[130]     La maladresse hors de l'ordinaire, l'ignorance outrée, l'insouciance impardonnable, le laxisme, sont de cet ordre, selon la jurisprudence répertoriée dans l'ouvrage de Me Goulet[17]. »

 

[34]        Une autre définition souvent reprise veut que le comportement reproché doive présenter un caractère de malice, s’apparentant à mauvaise foi, ou de négligence désinvolte, s’apparentant à incompétence grossière, pour équivaloir à manquement déontologique.[18]

[35]        Plusieurs décisions de jurisprudence appliquent cette définition à la survenance d’une simple erreur commise par un policier ou d’une mauvaise interprétation de la loi, pour les exclure du cadre de la faute déontologique.

[36]        Par exemple, dans l’affaire Bianchi c. Racicot[19], la cour en vient à la conclusion que même si le policier n’aurait pas dû saisir les armes, la preuve ne permettait pas de déterminer qu’il avait automatiquement manqué de respect à l’autorité de la loi, précisant que l’erreur d’interprétation de la loi n’entraine pas automatiquement une faute déontologique.

[37]        Dans la décision Théorêt[20], on reprochait au policier de n’avoir pas suivi les prescriptions de l’article 72 du Code de procédure pénale en ayant immédiatement demandé une pièce d’identité, alors qu’il doit avoir des motifs raisonnables de croire que la personne ne lui a pas déclaré ses véritables nom et adresse pour ce faire.  La cour rappelle qu’il faut plus qu’une erreur d’interprétation de la loi pour constituer une faute déontologique, ajoutant la distinction comme quoi l’article 7 du Code de déontologie des policiers prévoit le défaut de respecter « l’autorité de la loi », ce qui est différent de ne pas respecter la loi.

[38]        D’autres décisions mettent en garde contre l’automatisme qui vient associer la méconnaissance de la loi, en matière de procédure ou de droits garantis, à une faute déontologique.  En effet, dans Boilard c. Côté[21], la cour décide ce qui suit :

« [14]   Un manquement à l’article 503 du Code criminel n’a pas pour effet d’engendrer une responsabilité absolue en matière disciplinaire. La légalité ou la conformité au Code criminel de l’action de l’appelant n’est pas déterminante. Il faut apprécier la preuve pour déterminer, au-delà de la simple allégation d’illégalité, si l’action du policier constitue un manquement déontologique. »

[39]        Dans l’affaire Simon[22], on reproche au Comité d’avoir tenu compte uniquement de l’article 8 de la Charte canadienne, sans analyse des éléments de preuve en fonction du Code de  déontologie des policiers.  On indique que le Comité avait fait sienne la prétention du Commissaire qui disait que si la fouille et la perquisition étaient contraires aux prescriptions de la Charte, cela constituait nécessairement un acte dérogatoire au Code de déontologie.  Le Comité avait ainsi commis une erreur manifeste et déterminante.

[40]        Enfin, dans la récente décision Thibault[23], le Juge Lareau s’exprime ainsi :

« [40]      Ce qui étonne dans la DÉCISION est l’automatisme avec lequel le COMITÉ en vient à la conclusion que le non-respect par THIBAULT de son obligation d’informer M. Dion de ses droits constitutionnels est une faute déontologique. (…)

 [41]      La jurisprudence en matière de déontologie policière reconnaît une distinction entre une erreur et une faute déontologique.

(…)

[45]      Dans sa DÉCISION, le COMITÉ ne fait aucun exercice pour qualifier le geste de THIBAULT comme faute déontologique. Le constat est automatique, il y a eu erreur et cette erreur équivaut à une faute déontologique. »

 

[41]        La cour conclut dans cette décision que cet automatisme constitue une erreur manifeste dont l’effet a été déterminant dans la culpabilité du policier.

[42]        Il y a lieu ici de souligner une distinction d’importance avec l’affaire Paquin plaidée par le Commissaire et où la décision du Comité avait été maintenue.[24]  Cette décision s’applique sur un jugement antérieur qui expliquait en quoi la violation d’une règle de droit constituait une faute déontologique; on y indiquait que tel était le cas non pas tant en raison de la violation elle-même que parce qu’une violation si flagrante ne pouvait s’expliquer que par l’incompétence grossière ou la mauvaise foi.[25]  Or, dans l’affaire Paquin, il apparaît de la décision du Comité que celui-ci ne croit pas à la bonne foi des policiers.

[43]        En l’instance, le Comité a cru la version de l’agent Vig et de son collègue le policier Chassé.

[44]        La décision Valenta[26] doit aussi être distinguée, puisqu’il s’agissait d’une infraction à l’article 5 du Code de déontologie des policiers, où le Comité avait conclu que le fait d’avoir menotté une mère de famille qui allait chercher son enfant à l’école dans le contexte d’une contravention pour stationnement illégal constituait, entre autres, un abus d’autorité.

[45]        Selon le Tribunal, on est ici en présence d’une faute de nature technique, le policier Vig ayant témoigné devant le Comité du fait qu’il avait demandé des cautionnements uniquement à trois reprises dans sa carrière.[27]

[46]        Le raisonnement du Comité par lequel il infère la faute déontologique du seul fait qu’un policer de douze ans d’expérience ne devrait pas ignorer les dispositions de l’article 76 du Code de procédure pénale constitue une erreur manifeste.  Cette erreur a eu un effet déterminant sur la déclaration de culpabilité.

[47]        Il faut par ailleurs souligner que dans sa décision, le Comité s’appuie sur le jugement Villeneuve pour conclure que l’article 76 du Code de procédure pénale est limpide.[28]  Or, en refusant la permission d’appeler de cette décision, l’Honorable Juge André Brossard de la Cour d’appel indique ce qui suit :

« Considérant que ceci ne constitue pas cependant un endossement de la position juridique adoptée par la Cour supérieure dans l’interprétation de l’article 76 C.p.p., mais simplement l’énoncé que les faits particuliers du présent dossier pourraient suffire à justifier l’acquittement même si l’interprétation de l’appelante de l’article 76 C.p.p. était la bonne. »[29]

 

[48]        Cette mention par la Cour d’appel jette une ombre sur la conclusion comme quoi l’article 76 du Code de procédure pénale est limpide.

[49]        Pour tous ces motifs, l’appel de l’agent Sanjay Vig doit être accueilli.

3.         La sanction imposée était-elle appropriée ?

[50]        Compte tenu de cette conclusion sur la déclaration de culpabilité, il n’y a pas lieu de se prononcer sur la question de la sanction.

 

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE  le présent appel;

 

INFIRME les décisions rendues par le Comité de déontologie policière les 26 octobre 2018 et 26 avril 2019;

 

LE TOUT sans frais.

 

 

 

 

 

__________________________________

CÉLINE GERVAIS, J.C.Q.

 

Me Mario Coderre

ROY BÉLANGER AVOCATS sencrl

Procureurs de l'appelant

 

Me Virginie Gagnon

DESROSIERS ROY CHEVRIER

Procureurs de l'intimé

 



[1]     RLRQ, c. C-25.1.

[2]     Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65.

[3]     RLRQ, c. T-16.

[4]     RLRQ, c. P-13.

[5]     Levasseur c. Dowd, 2020 QCCQ 998; Suréna c. Dowd, 2020 QCCQ 10040; Urèche c. Dowd, 2021 QCCQ 446 et Blémur c. Dowd, 2021 QCCQ 1552.

[6]     Thibault c. Dowd, 2020 QCCQ 3901.

[7]     Gaudette c. Dowd, 2021 QCCQ 978.

[8]     De Grandpré c. Dowd, 2021 QCCQ 1811.

[9]     Teal Cedar Products Ltd. c. Colombie-Britannique, 2017 CSC 32, paragraphe 43.

[10]    Reine c. Villeneuve, AZ-98026502 (C.S.), le 21 mai 1998, Juge Orville Frenette.

[11]    Valenta c. Veilleux, 2012 QCCS 5518.

[12]    Cloutier c. Bussière, 2019 QCCA 2014.

[13]    Gingras c. Simard, 2013 QCCQ 8862.

[14]    1997 CanLII 10196 (C.A.).

[15]    Tremblay c. Dionne, 2006 QCCA 1441, [2006] R.J.Q. 2614.

[16]    Supra, note 13.

[17]    Mario GOULET, Le droit disciplinaire des corporations professionnelles, Les Éditions Yvon Blais inc.,  1993, p. 66.

[18]    Boivin c. Côté, D.T.E. 98T-656 (C.Q.).

[19]    AZ-00039013 (C.Q.), le 25 janvier 2000, Juge André Renaud.

[20]    Théoret c. Larochelle, 2016 QCCQ 6402.

[21]    Boilard c. Côté, REJB 1998-04538 (C.Q.).

[22]    Simon c. Racicot, REJB 2000-16787 (C.Q.).

[23]    Thibault c. Dowd, 2020 QCCQ 3901.

[24]    Paquin c. Monty, 2004 CanLII 4154.

[25]    Allard c. Monty, (C.Q. 2003-11-19), 500-80-000467-028, Juge Jacques Désormeau.

[26]    Supra, note 11.

[27]    Contre-interrogatoire de Sanjay Vig, 15 février 2018, exposé de l’appelant p. 147, p. 27 des notes, ligne 4.

[28]    Supra, note 10.

[29]    R. c. Villeneuve, C.A.M. 500-10-001353-984, le 30 juin 1998.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.