Demers c. Gravel |
2016 QCCQ 1553 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
BEAUHARNOIS |
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LOCALITÉ DE |
SALABERRY-de-VALLEYFIELD |
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« Chambre civile » |
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N° : |
760-32-016983-159 |
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DATE : |
24 février 2016 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
CLAUDE MONTPETIT, J.C.Q. |
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BRIAN DEMERS |
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Demandeur |
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c. |
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DENIS GRAVEL & RITA ROY & LE FLEURISTE ST-LAZARE INC. |
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Défendeurs |
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JUGEMENT |
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[1] Le présent recours concerne des morsures de chien qu’a subies le demandeur Demers en date du 9 décembre 2013.
[2] La compagnie Intact Assurance a pris fait et cause pour ses trois assurés, les défendeurs Gravel, Roy et Fleuriste St-Lazare Inc.
[3] La responsabilité est admise et la seule question en litige est le montant de la réclamation (le quantum) sur lequel les parties n’ont pu s’entendre.
[4] Séance tenante, le représentant de l’assureur a offert 5 000,00$ au demandeur pour les pertes matérielles, ses souffrances, ennuis et inconvénients de tous genres. Le demandeur a refusé cette offre.
LE DROIT
[5] L’article 1466 du Code civil du Québec se lit comme suit :
« 1466. Le propriétaire d'un animal est tenu de réparer le préjudice que l'animal a causé, soit qu'il fût sous sa garde ou sous celle d'un tiers, soit qu'il fût égaré ou échappé.
La personne qui se sert de l'animal en est aussi, pendant ce temps, responsable avec le propriétaire. »
ANALYSE
[6] Le chien qui a mordu le demandeur est de race Montagne des Pyrénées âgé d’environ quatre ans et qui pèse plus de cent livres.
[7] Les défendeurs Roy et Gravel sont propriétaires du chien et leur responsabilité est couverte par leur assurance habitation émise par Intact Assurance.
[8] L’incident est survenu alors que le chien était présent à un étalage de vente de sapins de Noël opéré par Le Fleuriste St-Lazare Inc., propriété des défendeurs Roy et Gravel, également couvert par une police d’assurance responsabilité émise par Intact Assurance.
[9] Il est admis que le 9 décembre 2013, le chien des défendeurs a mordu le demandeur Demers sans aucun signe préalable d’agression ni aucune provocation de la part du demandeur.
[10] La première morsure a été faite au bas du poignet droit de monsieur Demers qui s’est alors effondré au sol. La seconde morsure, plus sévère, se situe à la main gauche où sept des dents de l’animal ont pénétré la chair sans toutefois briser les os.
[11] Le demandeur Demers, âgé de 70 ans au moment de l’incident, a décrit, avec force détails, les douleurs intenses qu’il a ressenties pendant plusieurs jours, l’insomnie, les cauchemars, les visites à l’hôpital afin de recevoir des traitements (radiographies, désinfection, bandages, antibiotiques intraveineux, etc) ainsi que les nombreux ennuis et inconvénients qu’il a subis pendant plusieurs mois en raison de son incapacité de se servir de sa main gauche qui est sa main dominante, étant gaucher.
[12] Ce n’est finalement que plus de vingt mois après les morsures que le demandeur a pu reprendre sa vie normale et s’adonner de nouveau à ses activités habituelles.
[13] Il faut souligner que le demandeur est retraité depuis plusieurs années et qu’à l’âge de 70 ans, il bénéficie d’une bonne santé qui lui permet de voyager et d’avoir une vie sociale active avec sa conjointe et ses amis.
[14] Dans sa mise en demeure préalable à l’introduction de son recours (pièce P-1), le demandeur réclamait une somme de 35 000,00$ qu’il a accepté de réduire à 15 000,00$ afin de s’adresser à la division des Petites créances.
[15] Le demandeur n’a produit aucune expertise afin de justifier un pourcentage d’incapacité partielle permanente ou déficit quelconque.
[16] Le demandeur réclame uniquement pour ses pertes matérielles, ses souffrances physiques et morales, les ennuis et inconvénients de tous genres qu’il a subis suite aux morsures.
[17] Au titre de ses pertes matérielles, le demandeur a prouvé qu’il a dû se rendre à l’hôpital de Hawkesbury à six reprises (80 km aller-retour) pour des déplacements totaux de 480 kilomètres pour lesquels le Tribunal accorde une somme de 500,00$.
[18] La morsure a également laissé des traces sur sa main gauche où on peut toujours voir les sept marques de dents qui ont perforé la peau (photos produites en liasse).
[19] Dans son jugement dans l’affaire Bouchard c. Shink, le Juge Mongeon de la Cour supérieure mentionne ce qui suit quant aux cicatrices [1]:
« [26] Il est vrai que les cicatrices sont petites, sans doute sans conséquences esthétiques sérieuses et peut-être même sans conséquences tout court. Néanmoins, la victime a dû subir en cinq endroits une perforation de la peau. Ces perforations ont laissé des traces. Madame Bouchard a le droit de vivre sans ce genre de traces ou de marques.
[27] La demanderesse n’a pas jugé bon de faire corriger l’apparence de ses cicatrices, soit parce que celles-ci ne sont pas très visibles, soit parce qu’elle peut fort bien vivre avec celles-ci. Cela ne veut pas dire qu’elle n’a pas le droit d’être compensée.
[28] Une personne ne tolérerait pas ce genre de dommage sur un meuble, causé par un déménageur négligent, et encore moins sur la carrosserie d’une automobile. La somme accordée de quatre cents dollars par cicatrice semble non seulement adéquate mais raisonnable. »
[20] Quant au montant des dommages, le Tribunal fait référence à l’arrêt Lessard c. Morrow[2] de la Cour d’appel où un montant global a été accordé plutôt que d’allouer plusieurs postes de dommages non pécuniaires.
[21] De l’avis du Tribunal, les décisions dans les affaires Bouchard c. Shink[3] (12 000,00$) et Harvey c. Côté[4] (8 400,00$) se rapprochent beaucoup des faits de la présente affaire.
[22] Le Tribunal estime que 9 500,00$ à titre de dommages non pécuniaires indemnisera adéquatement le demandeur Demers.
[23] À cette somme s’ajoute le montant de 500,00$ pour les frais de déplacement, pour un total de 10 000,00$.
[24] Le Tribunal rappelle que la firme Intact Assurance, par son expert en sinistre, Serge Jutras, a confirmé devant la Cour avoir pris fait et cause pour ses trois assurés.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE la demande du demandeur en partie;
CONDAMNE les défendeurs Denis Gravel, Rita Roy et Fleuriste St-Lazare Inc., solidairement, à payer au demandeur la somme de 10 000,00$ avec intérêts au taux légal, l’indemnité additionnelle prévue par l’article 1619 C.c.Q. à compter de la mise en demeure du 31 mars 2014 et les frais de justice de 200,00$.
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__________________________________ CLAUDE MONTPETIT, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
12 février 2016 |
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SECTION III
DU RETRAIT ET DE LA DESTRUCTION DES PIÈCES
Les parties doivent reprendre possession des pièces qu'elles ont produites, une fois l'instance terminée. À défaut, le greffier les détruit un an après la date du jugement ou de l'acte mettant fin à l'instance, à moins que le juge en chef n'en décide autrement.
Lorsqu'une partie, par quelque moyen que ce soit, se pourvoit contre le jugement, le greffier détruit les pièces dont les parties n'ont pas repris possession, un an après la date du jugement définitif ou de l'acte mettant fin à cette instance, à moins que le juge en chef n'en décide autrement. 1994, c. 28, a. 20.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.