Michaud c. Gestion Poudrier inc. / Fenomax |
2020 QCCQ 8318 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
GATINEAU |
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LOCALITÉ DE |
GATINEAU |
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« Chambre civile » |
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N° : |
550-32-701615-194 |
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DATE : |
9 décembre 2020 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DU JUGE STEVE GUÉNARD, J.C.Q. |
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LYNE MICHAUD |
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Demanderesse |
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c. |
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GESTION POUDRIER INC. / FENOMAX
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Défenderesse |
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JUGEMENT rendu séance tenante |
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[1] Mme Lyne Michaud procède à l’acquisition le 15 juillet 2016, chez la défenderesse, de trois fenêtres guillotines en pvc blanc[1]. Elle débourse à ce moment la somme de 4 187,46$.
[2] Bien qu’étant à la recherche de fenêtres en bois, moins coûteuses[2], le vendeur chez Gestion Poudrier inc, faisant affaires sous la raison sociale de Fenomax, la convainc plutôt d’acheter des fenêtres peintes au laser, permettant ainsi une imitation de bois. Le vendeur lui précise d’ailleurs, afin de la convaincre, que de telles fenêtres sont d’une qualité supérieure aux fenêtres en vrai bois, qu’il n’est pas nécessaire de les teindre ou de les revernir, qu’elles ne changent pas de couleur et qu’elles durent beaucoup plus longtemps.
[3] Mme Michaud accepte donc, en conséquence de ces représentations, de payer plus chèrement pour lesdites fenêtres.
[4] D’ailleurs, les fenêtres en question sont munies d’une Garantie Fenomax, notamment contre la décoloration excessive, et ce, pour une durée de 10 ans[3].
[5] Les fenêtres sont livrées et installées, par la défenderesse, en novembre 2016.
[6] La preuve démontre que Mme Michaud constate, dès l’été 2018, soit moins de deux ans après la vente, que la peinture au laser recouvrant les fenêtres commencent à s’écailler, voire à disparaitre. Ainsi donc, les sections qu’elle touche fréquemment avec ses doigts perdent graduellement la couleur incorporée au laser. Les photos produites le démontrent d’ailleurs éloquemment[4]. L’on peut y remarquer que la couleur blanche du PVC réapparait de manière évidente.
[7] Mme Michaud précise également que la perte de couleur ne se limite plus, au fil des mois, aux sections qu’elle touche fréquemment avec ses doigts. Par ailleurs, elle confirme que la problématique concerne les trois fenêtres.
[8] Une déclaration pour valoir témoignage, d’un estimateur résidentiel à l’emploi de l’entreprise Vision 2000 - Vitrerie, précise que la problématique, en toute probabilité, provient de la méthode employée lors de l’application de la couleur sur le pvc blanc.[5]
[9] Mme Michaud contacte donc les représentants de la défenderesse, notamment en se rendant sur les lieux du commerce mais également par l’entremise de divers échanges courriels qui sont dûment produits au dossier.
[10] La preuve établit que la défenderesse prend alors - et à plusieurs reprises d’ailleurs - l’engagement de s’occuper de la situation. « On s’occupe de vous, Mme Michaud », lui précise-t-on à de nombreuses reprises[6].
[11] Plus particulièrement, en juin 2019, de guerre lasse et décidée à obtenir un engagement plus formel, Mme Michaud se représente au commerce de la défenderesse. Le même représentant, soit M. Mario Champagne, confirme que la défenderesse devra procéder au remplacement des fenêtres.
[12] Pourtant, et malgré diverses relances en ce sens, l’engagement pris n’est jamais respecté.
[13] De guerre lasse à nouveau, après quelques ultimatums et une mise en demeure, Mme Michaud décide d’introduire, le 22 octobre 2019, une Demande devant la Division des petites créances de la Cour du Québec. Elle constate à ce moment, au surplus, que le mécanisme de l’une des fenêtres, soit celle qu’elle utilise le plus fréquemment, ne fonctionne plus. En effet, elle doit, à ce moment, user d’un bâton de bois afin de retenir la fenêtre lorsqu’elle décide de l’entrouvrir.
[14] Dans le cadre de sa Demande, Mme Michaud réclame l’annulation de la vente conclue ainsi qu’une condamnation de la défenderesse au paiement d’une somme de 4 849,46$, qui se détaille ainsi :
i) 4 187,46$ pour le remboursement de la somme payée pour les fenêtres, dont elle offre la restitution à la défenderesse;
ii) 650$ quant à un amalgame de trois préjudices différents, à savoir :
- les tracas, le trouble et les inconvénients liés au temps passé à relancer la défenderesse, notamment la perte de salaire liée à deux journées de travail en lien avec tous les pas et démarches rendues nécessaires dans les circonstances;
- le temps nécessaire afin de préparer le dossier pour la Cour;
- l’augmentation éventuelle du prix lié à l’achat de nouvelles fenêtres;
iii) 12$ pour les frais de l’envoi de la mise en demeure;
[15] La défenderesse ne produit aucune Contestation au dossier. Elle est d’ailleurs absente lors du Procès. Mme Michaud fut ainsi autorisée à procéder par défaut à son encontre.
[16]
Bien que le dossier procède par défaut, il revenait tout de même à Mme
Michaud de démontrer, par prépondérance de preuve, le bienfondé de sa Demande.
Une preuve prépondérante se qualifie comme telle si elle est claire et
convaincante, le tout en application des articles
[17] En l’espèce, la preuve produite par Mme Michaud est claire, convaincante, en plus d’être non contredite.
[18] Le contrat conclu entre les parties est assujetti à la Loi sur la protection du consommateur[7].
[19] La preuve établit, en l’espèce, que le représentant de la défenderesse a vanté à Mme Michaud la grande qualité et durabilité des fenêtres offertes. Or, du moins en ce qui concerne les fenêtres achetées spécifiquement par Mme Michaud, il est établi que de telles promesses de durabilité et de qualité ne se sont pas matérialisées.
[20]
Les articles
37. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné.
38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.
[21]
Dans la même veine, les articles
40. Un bien ou un service fourni doit être conforme à la description qui en est faite dans le contrat.
41. Un bien ou un service fourni doit être conforme à une déclaration ou à un message publicitaire faits à son sujet par le commerçant ou le fabricant. Une déclaration ou un message publicitaire lie ce commerçant ou ce fabricant.
42. Une déclaration écrite ou verbale faite par le représentant d’un commerçant ou d’un fabricant à propos d’un bien ou d’un service lie ce commerçant ou ce fabricant.
[22] En l’espèce, il est apparu évident que les fenêtres vendues n’ont pu servir à l’usage auquel elles étaient destinées, et ce, pendant une durée raisonnable, le tout en contradiction évidente des représentations formulées par le vendeur de la défenderesse. Le tout également en contradiction des dispositions précitées de la LPC.
[23]
Dans une telle situation, l’article
272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l’article 314 ou dont l’application a été étendue par un décret pris en vertu de l’article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas:
a) l’exécution de l’obligation;
b) l’autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;
c) la réduction de son obligation;
d) la résiliation du contrat;
e) la résolution du contrat; ou
f) la nullité du contrat,
sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.
[24] La preuve démontre en l’espèce que le remède recherché par Mme Michaud, à savoir l’annulation pure et simple du contrat, peut se justifier. La problématique invoquée est importante, et elle n’est plus seulement cosmétique, tel que la preuve l’a révélé.
[25] D’ailleurs, il s’agit là d’un remède analogue à celui auquel la défenderesse s’était engagée, celle-ci ayant pris l’engagement de remplacer les trois fenêtres, ce qu’elle a fait défaut de faire.
[26] D’ailleurs, cet engagement pris démontre bien que l’option, à première vue plus simple, de procéder à la réparation des fenêtres ne s’avère pas réaliste dans les circonstances. Du reste, Mme Michaud confirme que lors de l’une de ses visites de suivi chez la défenderesse, elle constate que la fenêtre peinte au laser, qui est en « démonstration », présente le même écaillement important.
[27] Ainsi donc, le fait de repeinturer la fenêtre ne représenterait, en toute vraisemblance, qu’un simple diachylon peu utile après quelques mois.
[28] La preuve démontre que Mme Michaud n’aurait jamais contracté avec la défenderesse si elle avait connu la durabilité réelle de la couleur laser ajoutée auxdites fenêtres.
[29] Conséquemment, il est approprié, dans les circonstances, de prononcer la nullité du contrat. Mme Michaud prenant l’engagement de remettre les fenêtres à la défenderesse, le Tribunal en prendra acte à même les conclusions du présent Jugement.
[30] Ainsi donc, la somme originalement déboursée pour celles-ci, soit la somme de 4 187,46$, devra être remboursée par la défenderesse.
[31] Qu’en est-il, par ailleurs, des dommages additionnels réclamés par Mme Michaud?
[32] Pour être indemnisable, un préjudice doit être la conséquence directe et immédiate de la faute ou du non-respect d’une obligation contractuelle.
[33] Les Tribunaux ont rappelé à de nombreuses reprises que le temps que passe une partie à préparer son dossier pour un procès éventuel ne peut être compensé. La jurisprudence a en effet établi qu’il ne s’agit pas là d’un préjudice indemnisable, au sens des articles 1607, 1611 et 1613 du Code civil du Québec[8].
[34] Ceci dit, les troubles, le stress, les inconvénients et le temps perdu peuvent, au contraire, constituer autant de préjudices qui peuvent être indemnisés, conformément à ces mêmes dispositions.
[35]
Par ailleurs, il est de l’opinion du Tribunal que la hausse potentielle
du coût de nouvelles fenêtres ne peut se qualifier, en l’espèce, de préjudice
ayant un lien direct et immédiat avec les reproches formulés à l’encontre de la
défenderesse. Il ne s’agit pas ici d’un préjudice pouvant être indemnisé en
vertu de l’article
[36] Après tout, et conformément aux conclusions du présent Jugement, Mme Michaud se verra rembourser, en totalité, de la somme versée initialement pour l'achat des trois fenêtres.
[37] Par voie de conséquence et en application de ces principes, à la lumière de la preuve entendue et des diverses démarches effectuées par Mme Michaud, et en particulier à la lumière des divers engagements pris, mais non respectés, par la défenderesse, le Tribunal considère approprié, raisonnable et proportionnel d’accorder la somme de 350$ sous ce chef de réclamation.
[38] À cette somme doit s’ajouter celle liée au déboursé (12$) rendu nécessaire pour la transmission de la lettre de mise en demeure. La preuve documentaire produite supporte l’existence de ce déboursé[9].
[39] Conséquemment, la Demande de Mme Michaud sera accordée partiellement, soit donc pour une somme de 4 549,46$.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE partiellement la Demande;
PREND ACTE de l’engagement de la demanderesse de remettre les trois fenêtres à la défenderesse, le tout, le cas échéant, aux frais de cette dernière;
ANNULE le contrat intervenu entre les parties et produit en pièce P-1;
CONDAMNE la défenderesse
à payer à la demanderesse la somme de 4 549,46$, le tout avec l’intérêt
légal ainsi que l’indemnité additionnelle prévue à l’article
LE TOUT, avec les frais de justice en faveur de la demanderesse.
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__________________________________ STEVE GUÉNARD, J.C.Q. |
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Date d’audience : 9 décembre 2020 |
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[1] Voir le contrat conclu en pièce P-1.
[2] Voir les soumissions produites en Pièce P-10.
[3] Voir ladite garantie en Pièce P-7.
[4] Voir en particulier en Pièces P-2 et P-3.
[5] Voir ladite Déclaration pour valoir témoignage produite en Pièce P-11.
[6] Voir notamment les échanges courriels en Pièce P-4. Voir également la Déclaration pour valoir témoignage, datée du 2 octobre 2019, et signée par M. Michel Provost, soit un ami de la demanderesse qui était présent lors de cette discussion, survenue au commerce de la défenderesse, le 25 juin 2019.
[7]
Conformément aux articles
[8]
Voir notamment les affaires Provost c. Curnew,
[9] En Pièce P-10.
[10] Pièce P-5.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.