Décision

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Protection de la jeunesse — 24004655

2024 QCCA 1080

COUR D'APPEL

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE MONTRÉAL

 

No :

500-08-000585-242

      (500-24-000392-232)

 

 

PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE

 

MISE EN GARDE : Interdiction de publication ou diffusion : la Loi sur la protection de la jeunesse L.p.j. ») interdit de publier ou diffuser toute information permettant d’identifier un enfant ou ses parents, sauf sur ordonnance ou autorisation du tribunal (article 9.3 al. 1 L.p.j.). Quiconque contrevient à l’article 9.3 al. 1 L.p.j. commet une infraction et est passible d’une amende (article 135 L.p.j.).

 

DATE : Le 22 août 2024

 

L’HONORABLE JUDITH HARVIE, J.C.A.

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

AVOCAT

 

[INTERVENANTE 1], en sa qualité de personne autorisée par la Directrice de la protection de la jeunesse du CIUSSS A

 

 

Me GABRIEL DESTREMPE ROCHETTE

(CIUSSS A)

Absent

PARTIE INTIMÉE

 

 

A

 

 

ABSENTE ET NON REPRÉSENTÉE

 

PARTIE MISE EN CAUSE

AVOCATES

 

X

 

 

Me SOPHIE PAPILLON

(Le Protecteur du Citoyen)

Absente

 

Me MYLÈNE LEBLANC LACOMBE

(Me Mylène Leblanc L., avocate)

Absente

 

 

DESCRIPTION :

Demande de permission d’appeler d’un jugement rendu le 12 juillet 2024 par l’honorable Geeta Narang de la Cour supérieure, district de Montréal (article 115 de la Loi sur la protection de la jeunesse et article 357 du Code de procédure civile).

 

Greffière-audiencière : Chloé Côté-Sauvageau

Salle : RC-18

 

 


 

AUDITION

 

 

Continuation de l'audience du 20 août 2024. Les avocats ont été dispensés d’être présents à la Cour.

PAR LA JUGE : Jugement – voir page 4.

 

 

 

 

Chloé Côté-Sauvageau, Greffière-audiencière

 


JUGEMENT

 

MISE EN GARDE : Interdiction de publication ou diffusion : la Loi sur la protection de la jeunesse L.p.j. ») interdit de publier ou diffuser toute information permettant d’identifier un enfant ou ses parents, sauf sur ordonnance ou autorisation du tribunal (article 9.3 al. 1 L.p.j.). Quiconque contrevient à l’article 9.3 al. 1 L.p.j. commet une infraction et est passible d’une amende (article 135 L.p.j.).

 

[1]                         La requérante demande la permission d’appeler d’un jugement rendu le 12 juillet 2024 par la Cour supérieure, district de Montréal (l’honorable Geeta Narang)[1] qui rejette l’appel d’une décision rendue le 24 juillet 2023 par la Cour du Québec, chambre de la jeunesse (l’honorable Marie Archambault)[2]. Voici brièvement le contexte.

[2]                         À la fin de septembre 2022, la Directrice de la protection de la jeunesse du CIUSSS A Directrice » ou « DPJ ») retient un signalement au sujet d’un enfant pour des abus physiques de la mère, auquel elle attribue un « code 3 », soit qui demande une « intervention à l’intérieur d’une période de quatre jours ouvrables »[3]. Elle ne commence pas l’évaluation à ce moment. En octobre 2022, la Directrice retient trois autres signalements pour le même enfant, lesquels se voient tous octroyer un « code 3 », mais aucune démarche n’est entreprise. À la fin de novembre 2022, un cinquième signalement est retenu, lequel se voit accorder un « code 1 », soit nécessitant une intervention immédiate. Le même jour, la Directrice rencontre l’enfant et intervient en le plaçant immédiatement en famille d’accueil.

[3]                         La Directrice demande à la Cour du Québec de déclarer la sécurité et le développement de l’enfant compromis pour cause d’abus physiques et de négligence au plan éducatif. L’avocate de l’enfant demande qu’il soit déclaré en outre, que les droits de l’enfant ont été lésés par l’organisme qui a mis 59 jours à intervenir depuis la réception du premier signalement. La Cour du Québec accueille la demande présentée par la Directrice, en plus de déclarer que les droits de l’enfant ont été lésés par la Directrice et d’ordonner que le jugement « soit transmis personnellement à la Directrice de la protection de la jeunesse ainsi qu’à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse »[4].

[4]                         La Directrice porte en appel devant la Cour supérieure, la conclusion selon laquelle les droits de l’enfant ont été lésés. Le jugement détermine que la Cour du Québec ne motive pas suffisamment sa conclusion, car elle « n’aborde pas les arguments soulevés par la DPJ pour s’opposer à la demande de déclaration de lésion de droits de l’enfant »[5]. La juge procède donc à l’analyse et conclut que la déclaration était fondée. Selon elle, le dernier alinéa de l’article 91 de la Loi sur la protection de la jeunesse[6], qui doit être interprété de façon large et libérale, est clair. Il concerne tous les droits des enfants, incluant le droit à la sécurité et à la protection de leur personne, mais également les droits énoncés dans d’autres textes législatifs comme la Charte des droits et libertés de la personne[7] ainsi que le Code civil du Québec, et ce, sans égard aux ressources de la DPJ. Ainsi, ces droits ne sont pas limités par les ressources humaines, matérielles et financières dont dispose la DPJ, au sens des articles 8 de la Loi et 13 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux[8]. Elle conclut que les droits de l’enfant à la sécurité et la protection « sont brimés parce que 59 jours se sont écoulés entre le premier signalement et la première intervention de la DPJ. […] Le manque criant de ressources à la DPJ est peut-être la cause de la lésion des droits en l’espèce, mais ce manque de ressources ne fait pas obstacle au prononcé d’une déclaration de lésion. »[9]

[5]                         La Directrice présente une demande de permission d’appeler du jugement en vertu de l’article 115 de la Loi. Elle plaide que la juge commet une erreur de droit dans son interprétation des dispositions pertinentes qui impose une obligation de résultat aux « Directrices de la protection de la jeunesse et, plus largement, aux établissements quant aux services à fournir aux enfants et à leur famille ». Elle souligne qu’il s’agit d’une question de droit qui n'a jamais été étudiée par la Cour d’appel et qui aura un large impact sur le régime juridique applicable pour déterminer si les droits d’un enfant en difficulté ont été lésés. À l’audience, l’avocat de la Directrice m’informe que la mère de l’enfant n’entend pas participer aux débats. De son côté, l’enfant conteste par la voix de son avocate en plaidant qu’il n’y a pas de jurisprudence contradictoire sur cette question, que l’appel n’a pas de chance de succès et que la décision n’a pas d’impact réel sur le système de protection de la jeunesse.

***

[6]                         Dans un jugement récent, ma collègue, la juge Marcotte, rappelle les principes applicables pour accorder la permission d’appeler en vertu de l’article 115 de la Loi :

[3] […] Celle-ci peut être accordée lorsque le requérant « démontre un intérêt suffisant à faire décider d’une question de droit seulement ». L’« intérêt suffisant » mentionné au libellé de l’article 115 de la [Loi] signifie que la question de droit doit revêtir une importance pour l'administration de la justice en matière de protection de la jeunesse en général, allant au-delà des seuls intérêts des parties au litige.[10]

[Renvois omis]

[7]                         J’estime que le pourvoi satisfait ces critères en ce qu’il soulève une nouvelle question de droit dont l’intérêt dépasse celui des parties au litige et justifie que j’accorde la permission d’appeler.

POUR CES MOTIFS, LA SOUSSIGNÉE : 

[8]                         ACCUEILLE la demande de permission d’appeler;

[9]                         ACCORDE la permission de faire appel;

[10]                    PORTE l'affaire au rôle du 16 janvier 2025 en salle Pierre-Basile-Mignault, à 9 h 30;

[11]                    FIXE au 25 septembre 2024 le délai de notification et de dépôt au greffe de l’exposé écrit de l’appelante d’au plus 10 pages ainsi que trois annexes (art. 13 et 58 R.C.a.Q.m.civ. et Avis du greffier no 7);

[12]                    FIXE au 25 octobre 2024 le délai de notification et de dépôt au greffe de l’exposé écrit de la partie mise en cause. Celuici doit comporter une argumentation écrite d’au plus 10 pages et, si nécessaire, un complément à l’une ou l’autre des annexes de l’appelante (art. 13 et 58 R.C.a.Q.m.civ. et Avis du greffier no 7);

[13]                    SANS FRAIS, vu la nature du dossier.

 

 

 

JUDITH HARVIE, J.C.A.

 


[1]  Protection de la jeunesse — 243913, 2024 QCCS 2880 [jugement].

[2]  Protection de la jeunesse — 233781, 2023 QCCQ 553 [jugement de la Cour du Québec]

[3]  Jugement de la Cour du Québec, paragr. 17. L’urgence d’intervention est qualifiée soit de « code 1 » nécessitant une intervention immédiate, « code 2 », nécessitant une intervention à l’intérieur de 24 heures d’un jour ouvrable ou « code 3 ».

[4]  Jugement de la Cour du Québec, paragr. 45.

[5]  Jugement, paragr. 31.

[6]  RLRQ, c. P-34.1 [Loi].

[7]  RLRQ, c. C-12.

[8]  RLRQ, c. S-4.2.

[9]  Jugement, paragr. 57.

[10]  Protection de la jeunesse — 24986, 2024 QCCA 362.

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