Larose c. Corporation de l'École des Hautes Études commerciales de Montréal |
2021 QCCS 2299 |
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COUR SUPÉRIEURE (Action collective) |
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CANADA
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
QUÉBEC |
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N° |
200-06-000246-200 |
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DATE : |
Le 3 juin 2021 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
CLAUDE BOUCHARD, J.C.S. |
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CLAUDIA LAROSE |
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Demanderesse |
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c. |
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CORPORATION DE L’ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES COMMERCIALES DE MONTRÉAL |
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ÉCOLE NATIONALE D’ADMINISTRATION PUBLIQUE |
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ÉCOLE DE TECHNOLOGIE SUPÉRIEURE |
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INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE |
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ÉCOLE POLYTECHNIQUE DE MONTRÉAL |
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UNIVERSITÉ BISHOP’S |
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UNIVERSITÉ CONCORDIA |
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UNIVERSITÉ LAVAL |
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UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL |
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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC EN ABITIBI-TÉMISCAMINGUE |
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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À CHICOUTIMI |
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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL |
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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC EN OUTAOUAIS |
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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À RIMOUSKI |
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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À TROIS-RIVIÈRES |
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Défenderesses |
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JUGEMENT SUR DEMANDE D’AUTORISATION POUR EXERCER UNE ACTION COLLECTIVE ET POUR ATTRIBUTION D’UN STATUT DE REPRÉSENTANTE |
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[1] La demanderesse présente une demande pour autorisation d’exercer une action collective pour le compte de personnes faisant partie d’un groupe comprenant des étudiants et étudiantes du Québec, inscrits à la session d’hiver 2020 dans l’une des universités défenderesses et qui n’auraient pas reçu les services auxquels ils étaient en droit de s’attendre.
[2] Cette demande est contestée par les défenderesses qui soutiennent que les demandes des membres ne soulèvent pas des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes et, surtout, que les faits allégués ne paraissent pas justifier les conclusions recherchées, condition essentielle à l’autorisation d’une demande d’action collective.
Le contexte
[3] En janvier 2020, la demanderesse, ainsi que les personnes visées par sa demande d’autorisation d’exercer une action collective, débutent une nouvelle session universitaire dans chacune des universités défenderesses.
[4] L’inscription à une telle session universitaire donne droit aux cours qui y sont dispensés et à différents services dans un environnement d’études et d’apprentissage sain, ainsi qu’à une vie étudiante motivante, comme le prévoient les règlements, politiques et publications répertoriées sur différents sites Internet et médias sociaux afférents à ces établissements d’enseignement.
[5] Le 13 mars 2020, le gouvernement du Québec adopte un décret, en vertu duquel l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire québécois est décrété en raison de la pandémie mondiale qui sévit alors (COVID-19)[1].
[6] Dans cette foulée, la suspension des services éducatifs et d’enseignement de tous les établissements d’enseignement québécois est ordonnée et les défenderesses sont contraintes de fermer l’accès à leurs établissements d’enseignement et de diminuer leurs activités.
[7] Les étudiants et étudiantes qui fréquentent ces établissements d’enseignement sont informés de l’état des services encore offerts par des communiqués qui empruntent différents modes de communication. Le mode numérique est privilégié, que ce soit par l’entremise de sites Internet, de médias sociaux et de courriels.
[8] Ainsi, le ou vers le 13 mars 2020, les défenderesses annoncent la suspension temporaire de leurs activités dont la tenue de cours en présentiel. Dans les jours et les semaines qui suivent, la cessation définitive des activités habituelles pour l’ensemble de la session d’hiver 2020 est annoncée par les défenderesses ainsi que l’interdiction de l’accès physique à leur campus pour les étudiants et étudiantes.
[9] Le 24 mars 2020, un autre décret est adopté[2], lequel prévoit que toute activité de travail est suspendue, sauf à l’égard de milieux de travail où sont offerts des services ou activités prioritaires, dont l’enseignement supérieur en ligne.
[10] Au cours des mois de mars et avril 2020, des mesures sont mises en place par les défenderesses, que ce soit la substitution de cours magistraux en présentiel par des cours à distance, en utilisant les moyens technologiques, ou simplement l’annulation des cours.
[11] Plusieurs étudiants et étudiantes auraient fait part aux défenderesses de leurs insatisfactions et inquiétudes au regard de la situation vécue pendant cette période. Pour certains, il s’agissait d’une impossibilité de poursuivre leurs cours à distance en raison de leurs obligations familiales et pour d’autres, c’était la difficulté d’avoir accès aux ressources nécessaires pour suivre les cours à distance ou de bénéficier de milieux d’études propices à l’apprentissage.
[12] Ces étudiants et étudiantes n’ont pas été remboursés par les défenderesses pour les frais payés lors de l’inscription à la session d’hiver 2020.
[13] De leur côté, les défenderesses estiment qu’elles se sont adaptées à la situation particulière vécue en raison de la pandémie et que tout en se conformant aux décrets du gouvernement et aux directives de la Santé publique, elles ont modulé leurs offres de services en implantant, à brève échéance, des mesures pour maintenir leurs activités. Ces mesures ont permis aux étudiants et étudiantes de compléter leur session d’hiver 2020, d’acquérir les crédits rattachés aux cours pour lesquels ils se sont inscrits et pour les finissants, dont la demanderesse, d’obtenir les diplômes auxquels ils avaient droit.
Questions en litige
[14] Essentiellement, il s’agit pour le tribunal de déterminer si les critères prévus à l’article 575 C.p.c. sont remplis, à savoir si:
- les demandes des membres soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes;
- les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées;
- la composition du groupe rend difficile ou peu pratique l’application des règles sur le mandat d’ester en justice pour le compte d’autrui ou sur la jonction d’instance; et
- le membre auquel il entend attribuer le statut de représentant est en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres.
Analyse et décision
[15] Rappelons d’abord qu’il appartient à la demanderesse de démontrer que les critères prévus à l’article 575 C.p.c. sont remplis, son fardeau en étant un de démonstration et non de preuve[3].
[16] Dans cette optique, celle-ci doit démontrer que sa demande possède une apparence sérieuse de droit et qu’elle a une chance de réussite, mais sans pour autant qu’elle soit tenue d’établir une possibilité raisonnable de succès[4].
[17] Comme le souligne le juge Kasirer dans Desjardins Cabinet de services financiers inc.c. Asselin[5], la vocation de l’étape de l’autorisation de l’action collective est d’«exercer une fonction de filtrage pour écarter les demandes frivoles, sans plus». C’est aussi dans cette affaire qu’il fait un résumé des principes applicables en matière d’autorisation d’une action collective, qu’il convient de reproduire :
[27] Je propose donc de m’en tenir à l’état actuel du droit suivant les arrêts Infineon, Vivendi et Oratoire. Comme nous le savons, l’autorisation de recours collectif au Québec nécessite l’atteinte d’un seuil peu élevé. Une fois les quatre conditions énoncées à l’art. 1003 de l’ancien C.p.c. (maintenant l’art. 575 du nouveau C.p.c.) satisfaites, la juge d’autorisation doit autoriser le recours collectif; elle ne bénéficie d’aucune discrétion résiduelle lui permettant de refuser l’autorisation au prétexte que, malgré l’atteinte de ces quatre conditions, le recours ne serait pas le véhicule « le plus adéquat» (voir Vivendi). Les questions de droit peuvent être résolues par un ou une juge d’autorisation lorsque le sort de l’action projetée en dépend, mais ce choix relève généralement de la discrétion du tribunal (voir Oratoire, par. 55). Ceci témoigne de la vocation de l’étape de l’autorisation du recours collectif : exercer une fonction de filtrage pour écarter les demandes frivoles, sans plus (voir Oratoire, par.56, citant notamment Infineon, par. 61, 125 et 150). Enfin, il n’y a aucune exigence au Québec que les questions communes soient prépondérantes par rapport aux questions individuelles (voir Vivendi, par. 56-57). Au contraire, une seule question commune suffit si elle fait progresser le litige de façon non négligeable. Il n’est pas nécessaire que celle-ci soit déterminante pour le sort du litige (voir Vivendi, par. 58; Oratoire, par. 15).
[18] L’on rappelle aussi dans L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J.[6] que le fardeau qui incombe au demandeur au stade de l’autorisation est d’établir l’existence d’une «cause défendable» au regard des faits et du droit applicable. Il suffit que la demande ne soit ni «frivole» ni «manifestement non fondée» en droit, le demandeur devant établir une «apparence sérieuse de droit» ou encore un «droit d’action qui paraisse sérieux».
[19] Notons également qu’à ce stade, les faits allégués sont tenus pour avérés[7], ce qui n’est pas le cas des allégations de droit ni des opinions contenues dans une demande d’autorisation d’exercer une action collective[8].
[20] Enfin, il faut se rappeler que pour être autorisée, la demande d’exercer une action collective doit répondre aux quatre critères énumérés à l’article 575 C.p.c. et que le défaut de remplir l’un d’eux, emporte le rejet du recours.
[21] Cela étant, il conviendrait d’aborder les questions en litige selon l’ordre établi à l’article 575 C.p.c. Toutefois, le débat sur la demande d’autorisation d’exercer l’action collective ayant porté en majeure partie sur le second critère prévu à cet article, à savoir si les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées, il y a lieu de disposer d’abord de cet aspect du litige. La juge Christine Baudouin, alors à la Cour supérieure, s’exprimait ainsi à ce sujet dans D’Amico c. Procureure générale du Québec[9] :
[24] Il est souvent approprié de débuter l’analyse par l’examen du second alinéa de l’article 575 C.p.c., soit le critère de l’apparence de droit, puisqu’avant de se demander si les recours individuels des membres ont un caractère collectif, il faut d’abord en analyser les fondements apparents ou le syllogisme juridique, sans lequel la demande serait de toute façon vouée à l’échec.
[22] En l’espèce, l’analyse de ce premier critère s’impose d’autant plus, car le tribunal en conclut qu’il n’est pas rempli et qu’en conséquence, le recours de la demanderesse doit être rejeté.
1. Les faits allégués paraissent-ils justifier les conclusions recherchées ?
[23] À ce chapitre, il s’agit de déterminer si le syllogisme juridique proposé par la demanderesse est défendable et que le recours envisagé constitue une cause défendable[10]. Le rôle du tribunal en est alors un de filtrage qui fait en sorte que seules les demandes frivoles ou qui ne présentent aucune chance de succès sont écartées[11].
[24] En somme, le fardeau de la demanderesse s’avère peu élevé, soit de démonstration du caractère soutenable du syllogisme juridique proposé.
1.1 Position de la demanderesse
[25] À ce propos, la demanderesse fait état de la relation contractuelle existant entre les défenderesses et les membres visés par le groupe, du contrat universitaire formé entre l’étudiant et l’université dès son inscription et admission à cet établissement d’enseignement, du paiement des frais d’inscription requis pour une session universitaire et en contrepartie, des obligations auxquelles sont tenues les défenderesses, lesquelles ont cessé en totalité ou en partie d’offrir leurs services aux étudiants et étudiantes qui soutiennent être en droit de réclamer une restitution partielle des frais acquittés pour la session universitaire de l’hiver 2020.
[26] Sur cette base, elle insiste sur la relation contractuelle établie entre les parties et les obligations qui en découlent pour les défenderesses, dont celle d’offrir un enseignement de qualité aux étudiants et étudiantes, ce qu’elles auraient omis de faire en raison de la pandémie qui sévissait au cours de la session universitaire d’hiver 2020.
[27] La demanderesse reconnaît que les défenderesses ont fait face à une situation de force majeure, la pandémie étant un événement imprévisible et irrésistible. Bien que celle-ci puisse libérer les défenderesses de l’exécution de leurs obligations, celles-ci ne peuvent, en contrepartie, exiger que les étudiants et étudiantes exécutent leur part du contrat et s’ils l’ont déjà fait, cela donne lieu à une restitution partielle des frais de scolarité acquittés conformément aux articles 1693 et 1694 du C.c.Q.
[28] Les membres du groupe s’étant déjà acquittés de leurs obligations en payant leurs frais d’inscription pour la session universitaire d’hiver 2020, au moment où les défenderesses ont cessé ou diminué leurs activités d’enseignement, ils auraient droit à une réduction sur les montants versés aux défenderesses, équivalente en proportion des obligations dont ces dernières n’ont pas été en mesure de s’acquitter.
[29] Subsidiairement, la demanderesse allègue que si la pandémie n’est pas reconnue comme un événement de force majeure, elle a quand même droit au remboursement d’une portion des frais acquittés sur la base de l’article 1590 du C.c.Q. les défenderesses ayant fait défaut d’exécuter leurs obligations.
[30] À ce titre, la demanderesse rappelle la relation contractuelle qui existe entre les défenderesses et leurs étudiants et étudiantes, laquelle aurait comme fondement un contrat sui generis, en vertu duquel les défenderesses seraient tenues de dispenser à ces derniers une éducation de qualité[12].
[31] Plus particulièrement, étant tenues de dispenser les cours auxquels les membres visés par le groupe s’étaient inscrits, autant pour des cours magistraux en présence que ceux à distance, la demanderesse affirme que les défenderesses se devaient d’offrir un enseignement de qualité raisonnable à leurs étudiants et étudiantes, en plus de leur offrir milieu universitaire propice à l’apprentissage, des accès à la bibliothèque et à des salles de travail individuel ou en équipe, aux laboratoires et autres locaux équipés de services technologiques.
[32] S’ajoute à ces obligations celle d’offrir aussi aux étudiants et étudiantes des activités connexes à l’enseignement offert, comme des stages, colloques et activités de formation, tout en les incitant à s’impliquer socialement dans leur milieu universitaire.
1.2 Position des défenderesses
[33] Les défenderesses contestent cette vision et estiment que leurs obligations envers les étudiants et étudiantes n’ont pas une telle portée, tel qu’il appert des différents documents produits en preuve, tant par la demanderesse que par les défenderesses qui ont été autorisées par le tribunal à présenter une preuve appropriée.
[34] Certes, elles reconnaissent l’existence d’obligations mutuelles entre les parties, ce qui devrait amener le tribunal à les qualifier et à se prononcer sur leur degré d’intensité. S’agit-il d’une obligation de moyens ou de résultat, ces obligations sont-elles expressément prévues aux statuts, chartes, règlements et politiques des universités défenderesses et auquel cas, ces dernières ont-elles fait défaut de s’y conformer?
[35] Précisons toutefois qu’il semble se dégager un consensus qu’il ne s’agirait que d’une obligation de moyens pour les défenderesses, lorsqu’il s’agit de dispenser aux étudiants et étudiantes un enseignement de qualité :
[23] Que ce soit en vertu de la loi ou du contrat civil résultant d’une inscription dûment acceptée, il ne saurait faire de doute qu’une institution d’enseignement universitaire a le devoir de dispenser à ses étudiants les cours figurant aux programmes dans lesquels ils sont inscrits. Certes, il s’agit d’une obligation de moyens, et non de résultat, de sorte qu’une institution ne saurait être contrainte par injonction de dispenser des cours qu’elle est empêchée de donner par cas de force majeure, comme par exemple dans le cas d’une grève légale de son personnel enseignant.[13]
[36] Par ailleurs, les défenderesses contestent la position de la demanderesse qui fonde principalement son recours sur les articles 1693 et 1694 C.c.Q., en recherchant ainsi la restitution de prestations, à savoir une partie des frais d’inscription aux universités payés par les étudiants et étudiantes, considérant qu’il s’agirait d’un cas de force majeure.
[37] À ce sujet, elles affirment n’invoquer d’aucune manière la force majeure comme moyen de défense, car elles se sont conformées à leurs obligations selon les décrets du gouvernement et les directives de la Santé publique, et ce, dans le cadre des activités académiques et administratives qui leur sont propres comme institutions autonomes et indépendantes.
[38] Au surplus, elles soutiennent qu’il n’appartient pas à la demanderesse, créancière d’une obligation, de soulever ce moyen de défense, s’il en est, mais plutôt aux défenderesses, débitrices d’une telle obligation, ce qu’elles ne font pas.
[39] Étant d’avis que le présent recours relève davantage du domaine de l’inexécution d’obligations selon l’article 1590 C.c.Q., elles prétendent qu’une faute contractuelle doit leur être reprochée pour donner ouverture au présent recours. Or, la demande d’autorisation d’exercer une action collective introduite par la demanderesse n’allèguerait pas une telle faute, ni quelconque fait qui pourraient être qualifié de faute dans l’application des règles du régime de la responsabilité.
[40] Comme conséquence, ces dernières affirment que le recours de la demanderesse devrait être rejeté au stade de l’autorisation, puisqu’il est manifestement mal fondé en droit, les faits allégués ne cadrant pas avec le fardeau de preuve qui incombe à la demanderesse et ne donnant pas ouverture aux conclusions recherchées.
[41] Dans cette optique, les défenderesses présentent un argument qui devrait être décidé à ce stade-ci, fondé sur la retenue judiciaire que devrait exercer le tribunal au regard d’une demande qui a trait au fonctionnement interne des universités, et plus particulièrement qui remet en cause la qualité de leur enseignement.
1.3 Discussion
[42] D’abord, le tribunal n’est pas convaincu qu’il doive apporter, à ce stade-ci, une réponse à toutes les questions formulées par les parties concernant la nature et l’intensité des obligations qui peuvent exister entre elles. Les parties ont fait valoir chacune leur point de vue à cet égard, en excédant parfois les limites qui s’imposent lorsque le tribunal doit déterminer, au stade d’une demande d’autorisation d’exercer une action collective, si les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées.
[43] Précisons dans un premier temps que le recours de la demanderesse est basé sur l’inexécution d’obligations contractuelles auxquelles se seraient engagées les défenderesses à l’endroit de leurs étudiants et étudiantes aux termes d’un contrat sui generis existant entre les parties.
[44] Sur cette base, la demanderesse s’appuie sur les articles 1693 et 1694 C.c.Q. et recherche ainsi la restitution de prestations en cas de force majeure, laquelle aurait rendu impossible l’exécution par les défenderesses de leurs obligations. En pareil cas, la demanderesse n’aurait pas à démontrer une faute contractuelle des défenderesses, mais simplement qu’une obligation prévue au contrat n’a pu être exécutée par celles-ci.
[45] À ce propos les défenderesses font valoir qu’elles n’ont pas l’intention d’invoquer ce moyen de défense, n’étant pas dans une situation de force majeure rendant impossible l’exécution de leurs obligations, puisqu’elles prétendent s’y être conformées.
[46] En outre, elles ajoutent que ce moyen d’exonération de responsabilité est réservé au débiteur d’une obligation et non à son créancier. Dans 9193383 Canada inc. c. Société du Vieux-Port de Montréal inc.[14], le juge Christian Immer de la Cour supérieure affirme :
[62] En présence d’une obligation de moyens ou de résultats, l’article 1470 C.c.Q. offre un moyen de défense à une partie afin de se dégager de sa responsabilité pour le préjudice causé à autrui si elle prouve que le préjudice résulte d’une force majeure.
[47] Au même effet, le juge Paul Trudeau de cette même Cour s’exprime ainsi :
CHQ soutient que le tribunal doit ici appliquer l’article 1202 C.c.B-C. :
(…)
L’impossibilité prévue à cet article est celle qui résulte du cas fortuit et de la force majeure.
Comme on peut le constater à la lecture, bien que les deux parties soient libérées, l’article 1202 est rédigé en fonction du débiteur de l’obligation et non pas en fonction du créancier de l’obligation.
(…)
Il n’appartient nullement à la créancière de l’obligation, CHQ, d’invoquer cette disposition pour mettre fin au contrat. Comme l’exprime l’honorable juge Denis Lévesque dans La Brasserie Labatt Limitée c. Ville de Montréal :
Labatt en tant que débitrice de l’obligation pourrait seule invoquer l’impossibilité pour faire éteindre son obligation et ainsi libérer les deux parties selon le libellé de l’article 1002 ou selon son interprétation littérale. Elle n’a jamais fait appel à cette disposition du Code civil du Bas-Canada. Encore une fois, il faut écarter l’article 1200 du Code civil du Bas-Canada.[15]
[48] La demanderesse ne pouvant baser son recours sur l’inexécution des obligations des défenderesses en raison de la force majeure, elle doit, selon les défenderesses, s’en remettre à son argument subsidiaire, soit l’article 1590 C.c.Q., qui prévoit qu’en cas d’inexécution des obligations d’une partie au contrat, l’autre partie peut demander la réduction de ses obligations en proportion de celles non remplies. Toutefois, sur cette base, la demanderesse doit démontrer prima facie une faute dans l’exécution des obligations des défenderesses.
[49] Ceci dit, quels que soient les articles du C.c.Q sur lesquels s’appuie la demanderesse pour introduire son recours, cela ne change pas la prémisse de base que celui-ci repose essentiellement sur la théorie de l’inexécution des obligations des défenderesses, qui n’auraient pas fourni aux étudiants et étudiantes l’enseignement de qualité auquel ils avaient droit en vertu du contrat intervenu entre les parties.
[50] Ce faisant, la demanderesse invite le tribunal à évaluer la qualité de l’enseignement offert par les universités défenderesses pendant la période visée par son recours, soit la session d’hiver 2020, et ce, sans égard au moyen de défense que pourraient faire valoir ces dernières à l’encontre de ce recours, force majeure ou absence de faute.
[51] Le moyen soulevé par les défenderesses, soit la retenue judiciaire à l’égard des activités universitaires, fait obstacle à cette démarche dans la mesure où il suppose que les tribunaux ne s’immiscent pas dans les activités académiques et le fonctionnement interne des universités, à moins qu’elles aient agi de mauvaise foi ou de façon déraisonnable ou qu’elles aient commis un abus de droit ou un déni de justice.
[52] Or, les allégations de la demande d’autorisation d’exercer une action collective présentée par la demanderesse, lesquelles sont tenues pour avérées, ne contiennent aucune mention de cette nature ni faits pouvant conduire à de telles conclusions.
[53] Rappelons à cet égard que les universités étant des institutions autonomes et indépendantes dotées d’une vaste discrétion dans la gestion de leurs affaires académiques administratives, elles devraient pouvoir adapter leur enseignement et offrir des services para-universitaires selon les circonstances, y compris en réponse à des situations exceptionnelles, comme la pandémie vécue à la session d’hiver 2020.
[54] À ce propos, les tribunaux ont reconnu le caractère autonome et indépendant des institutions universitaires, qui reflète leur rôle traditionnel dans la société et les distingue des autres acteurs de la société civile. C’est ce qui ressort notamment des commentaires du juge La Forest de la Cour suprême dans l’arrêt McKinney c. Université de Guelph[16]:
- McKinney c. Université de Guelph :
L'autonomie en droit des universités est entièrement étayée par leur rôle traditionnel dans la société. Toute tentative du gouvernement d'influencer les décisions des universités, particulièrement celles qui concernent la nomination, la permanence et le renvoi de membres du personnel enseignant, ferait l'objet d'une opposition acharnée de la part des universités puisque cela pourrait conduire à des violations de la liberté académique. En un mot, ce ne sont pas des décisions du gouvernement. Bien que la législature puisse délimiter en grande partie le milieu dans lequel les universités fonctionnent, la réalité est qu'elles fonctionnent comme des organismes autonomes dans ce milieu. […][17]
[55] Dans cette optique, il s’est développé une jurisprudence constante concernant le pouvoir limité des tribunaux d’intervenir dans le fonctionnement des universités, dont voici des illustrations :
- Blasser v. Royal Institute for advancement of Learning[18] :
[21] The reasons for leaving matters of this kind to be decided within the university structures are not hard to imagine. Professor Ouellette put it this way (p. 636):
Si l'on fait reposer l'immunité universitaire sur des considérations d'opportunité ou sur le principe de la liberté académique, on pourrait plus facilement soutenir que la règle conserve en 1970 toute son actualité et mériterait d'être retenue. La recherche scientifique, l'enseignement supérieur, la collation des grades, exigent une liberté qui conduit à soustraire les universitaires à l'influence des autorités étatiques, y compris du pouvoir judiciaire, et pour y arriver, le meilleur moyen est sans doute d'accorder aux universités des pouvoirs juridictionnels. En outre, on peut juger souhaitable que les disputes universitaires soient réglées par des personnes qui ont une bonne connaissance du milieu universitaire plutôt que par des juges qui risquent d'être embarrassés par ce genre de problèmes et d'être tentés de les escamoter.
[…]
[36] In any university, whether or not it has a visitor, there are certain internal matters and disputes that are best decided within the academic community rather than by the courts. This is so, not only because the courts are not as well equipped as the universities to decide matters such as academic qualifications, grades, the conferring of degrees and so on, but also because these matters ought to be able to be decided more conveniently, more quickly, more economically and at least as accurately by those who are specialized in educational questions of that kind. In addition, of course, there is every good reason not to risk compromising the essential independence of universities by undue interference in their academic affairs.
- Dickason c. Université de l'Alberta[19] :
[…] Le rôle que jouent les universités dans notre société en tant que centres autonomes d'érudition, de recherche et d'enseignement sauvegardés par la liberté dont jouissent les membres du corps professoral est unique. Les tribunaux ont respecté cela et, au fil des ans, ce n'est qu'avec beaucoup de circonspection qu'ils sont intervenus dans les affaires des universités. […]
- Barreau du Québec c. Boyer[20] :
Il est un principe constant et bien reconnu en droit administratif canadien et québécois que les tribunaux de révision judiciaire ne s'immiscent pas dans les activités académiques et le fonctionnement interne des institutions d'enseignement, plus particulièrement lorsqu'il s'agit de matières relatives aux examens et à l'application de normes d'évaluation, à moins de circonstances tout à fait exceptionnelles, comme, par exemple, lorsque l'institution d'enseignement a fait preuve de mauvaise foi ou a agi de façon déraisonnable, arbitraire ou discriminatoire.
- Friesen c. Université du Québec à Montréal[21] :
Les universités, ces établissements où se dispense un enseignement supérieur, jouissent traditionnellement d'une très grande autonomie; les tribunaux ne s'immiscent pas, règle générale, dans les activités académiques et le fonctionnement interne des institutions d'enseignement, à moins de circonstances tout à fait exceptionnelles.
- Université de Montréal c. Fédération des médecins résidents du Québec[22] :
Au départ, il convient de rappeler que les tribunaux sont très réticents à intervenir dans le fonctionnement interne des établissements universitaires. Ceux-ci fournissent un service public, mais ils sont légalement autonomes et indépendants.
Les tribunaux ne peuvent s'immiscer dans leurs affaires que si l'établissement a agi de mauvaise foi ou de façon déraisonnable, ou que s'il a commis un abus de droit ou un déni de justice.
Il existe une jurisprudence constante et bien arrêtée sur le sujet. […]
- Phen c. Université de Montréal, faculté de médecine dentaire[23]:
[59] Dans sa demande de révision exceptionnelle, M. Phen remet en question la pertinence académique de la décision de la Faculté d’imposer à l’étudiant de compléter en double le nombre d’évaluations cliniques manquantes, sans aucun échec, lorsqu’il n’a pu les réaliser durant l’année.
[60] Ce n’est pas le rôle du Tribunal d’apprécier la pertinence académique des exigences de la Faculté. Cette dernière a modulé un droit à la reprise dans les cas de non atteinte des exigences cliniques et cette modulation a été appliquée à M. Phen comme à tous les autres étudiants.
M. Phen n’a pas été traité différemment et le processus suivi par la Faculté était équitable. Il lui appartenait de remplir les normes académiques du programme.
[56] On pourrait croire que ce principe de non-intervention des tribunaux n’est applicable qu’en matière de contrôle judiciaire d’une décision administrative, et pourtant, dans Chokki c. HEC Montréal[24], le juge Pierre Dalphond, dans le cadre d’un recours contractuel où un étudiant prétendait que la mauvaise correction de ses examens lui donnait droit à des dommages-intérêts, s’exprime ainsi lorsque saisi d’une requête pour permission d’en appeler :
[2] Par requête introductive d'instance datée du 25 mai 2009, le requérant demandait à la Cour du Québec de lui octroyer, en dommages, une somme de 22 460 $ dont il donne les détails au paragraphe 60. Aux paragraphes 53 à 58, sous la rubrique « la faute », il allègue que les intimées ont agi de mauvaise foi quant à la correction de ses examens […]
[9] Notre Cour déclare dans l'arrêt Barreau du Québec c. Boyer (référence omise) :
Il est un principe constant et bien reconnu en droit administratif canadien et québécois que les tribunaux de révision judiciaire ne s'immiscent pas dans les activités académiques et le fonctionnement interne des institutions d'enseignement, plus particulièrement lorsqu'il s'agit de matières relatives aux examens et à l'application de normes d'évaluation, à moins de circonstances tout à fait exceptionnelles comme, par exemple, lorsque l'institution d'enseignement a fait preuve de mauvaise foi ou a agi de façon déraisonnable, arbitraire ou discriminatoire. […]
[10] Ce principe me semble tout aussi applicable à une action en dommages qu'à un recours en révision judiciaire.
[57] C’est le cas aussi dans les deux affaires suivantes où il s’agissait, dans la première, d’un recours contestant une augmentation de frais de scolarité par des étudiants non-résidents du Québec fondé sur les règles contractuelles et, dans la seconde, d’un recours en dommages d’un étudiant contre l’université et deux professeurs qu’il tenait responsables de ne pas avoir complété son doctorat:
- Ruel c. Marois, ès qualités Ministre de l'Éducation[25]:
Sixième moyen: Incompatibilité des termes et conditions du contrat entre l'Université McGill et les étudiants contenus dans le document « Undergraduate programm 1997-98 » avec les articles 7 et 1437 du Code civil du Québec :
[…]
[37] Dans la présente affaire, il importe peu de décider de la nature du contrat, contrat de gré à gré, d'adhésion ou de consommation. Il s'agit de savoir si les ajustements décrétés constituent un acte juridiquement abusif qui justifierait le Tribunal d'intervenir dans le contrat qui existe entre l'Université McGill et les étudiants.
[38] Bien que très importants, les changements ne sont pas abusifs au point de justifier une intervention judiciaire. Dans une affaire récente, la Cour d'appel a conclu dans ce sens; voir Université de Montréal c. Fédération des médecins résidents du Québec [1997 CanLII 10675 (QC CA), J.E. 97- 1257 (C.A.)]. Elle a surtout rappelé la tendance à la non-intervention des tribunaux dans les affaires internes des universités. […]
- Hazanavicius c. McGill University[26] :
[53] Mr. Hazanavicius alleges that the Defendants did not fulfill their contractual obligations towards him and, as the employer, the University is responsible for the acts of Dr. Aboud and Dr. Mendelson in the performance of their duties.
[…]
[65] The Courts do not intervene in the exercise of powers conferred on universities in academic matters, except in very special circumstances where bad faith, unreasonable, arbitrary or discriminatory acts by the university, or a violation of the rules of natural justice occur.
[58] De son côté, la demanderesse répond à cet argument en référant le tribunal à l’arrêt Lagueux c. Collège d’électronique de Québec inc[27], plus particulièrement aux commentaires du juge Paul-Arthur Gendreau, alors que la Cour d’appel était saisie d’un recours collectif visant le remboursement de frais de scolarité et des dommages, en raison de l’inexécution d’obligations par le Collège électronique de Québec au regard de son contrat d’enseignement.
[59] Après avoir reconnu que la notion de qualité de l’enseignement soulève des questions difficiles, le juge Gendreau affirme :
[30] Cela dit, en droit, le contrat de services éducatifs est acte juridique comme tous les autres, dont l’inexécution sera sanctionnée par les tribunaux. Aussi, la difficulté ne résulte pas de l’application de la règle de la réparation en cas de contravention à une obligation, mais au regard de la preuve du contenu obligationnel, d’une part, et de son inexécution, d’autre part. La situation n’offrira certes pas de difficulté si le recours en inexécution vise une obligation spécifique du contrat. Il sera alors aisé d’en constater la violation et de la sanctionner. Ce serait le cas, par exemple, d’une école qui ne dispenserait pas un cours ou le nombre d’heures d’enseignement ou le stage en entreprise auquel elle se serait obligée envers les élèves.
[31] Il sera cependant tout autrement si le reproche vise l’inexécution de la fonction éducationnelle prise dans sa globalité. On entre alors dans une autre sphère plus subtile et plus abstraite qui exige du demandeur, pour satisfaire à son fardeau, une preuve sans doute possible, mais combien complexe. Une école, en effet, ne s’engage pas à fournir le meilleur enseignement. Elle a l’obligation de dispenser des cours qui satisfassent à des exigences de qualité normales et raisonnables.
[60] La demanderesse en conclut que le recours est possible contre les universités défenderesses, malgré que la remise en cause de la notion de qualité de l’enseignement puisse soulever des questions difficiles et que son fardeau soit lourd à cet égard, comme en fait foi ce commentaire du juge Gendreau :
[40] Ces illustrations sont intéressantes et pas seulement pour les comparatistes. J’estime toutefois, comme je l’ai écrit plus tôt, qu’en droit québécois, le recours contractuel de l’élève contre son école pour bris de contrat de services éducatifs est, sans aucun doute, possible et ouvert. La difficulté du demandeur est en relation avec la preuve. La situation est simple si la violation contractuelle alléguée vise une obligation découlant d’une promesse garantie spécifique non respectée. Elle se complique singulièrement si le reproche est plus général et s’attache à la qualité générale de l’enseignement.[28]
[61] Les défenderesses soutiennent qu’il faut distinguer cet arrêt de la jurisprudence constante des tribunaux précitée qui s’applique de façon spécifique aux universités et qui tient compte de leur caractère autonome et indépendant, alors que les commentaires du juge Gendreau concernent une école privée, non subventionnée par l’État et détentrice d’un permis d’enseignement privé délivré par le ministère de l’Éducation, en vertu duquel elle est autorisée à dispenser deux cours d’informatique selon des normes édictées par l’État.
[62] Au surplus, le contrat de services éducatifs intervenu avec les étudiants dans cette affaire prévoyait que le Collège, moyennant un prix, s’engageait envers ceux-ci à fournir des services éducatifs dans l’une des spécialités reconnues par le Ministère et qui avait pour but de conduire à une attestation officielle décernée par le ministre.
[63] Manifestement, ce Collège ne bénéficiait pas de la même autonomie et indépendance qui caractérise les universités défenderesses, comme on l’a vu précédemment.
[64] D’ailleurs, il convient à ce sujet de référer, à titre d’exemple, à certaines dispositions de la Charte et des Statuts de l’Université de Montréal qui illustrent la discrétion conférée à cette institution d’enseignement.
[65] Notons d’abord que c’est en vertu de sa Charte qu’est constituée la Commission des études, laquelle comprend entre autres quatre membres nommés par un conseil représentant les étudiants de l’Université[29]. Cette commission s’est vue attribuer de larges pouvoirs en vertu des Statuts de l’Université, particulièrement lorsqu’un événement imprévu survient :
Lorsqu’un événement non prévu entraîne la suppression d’activités pendant une période prolongée, celles-ci doivent être reprises conformément à des modalités déterminées ou approuvées par la Commission des études.[30]
36. Rattrapage
Lorsqu’un événement non prévu au calendrier universitaire officiel entraîne la suppression des activités qui entrent dans le calcul des crédits, celles-ci doivent être reprises conformément à des modalités déterminées ou approuvées par la Commission des études.[31]
[66] Les décisions qui ont dû être prises pour faire face à la pandémie et se conformer aux décrets gouvernementaux lors de la session d’hiver 2020, l’ont été ici par la Commission des études de l’Université de Montréal.
[67] Cela étant, le tribunal ne peut s’écarter de la jurisprudence établie qui reconnaît explicitement le caractère autonome et indépendant des universités défenderesses et, par le fait même, la déférence dont il doit faire preuve à leur endroit. Ce constat fait en sorte que le tribunal ne peut «s’immiscer dans leurs affaires que si l’établissement a agi de mauvaise foi ou de façon déraisonnable, ou que l’établissement a commis un abus de droit ou un déni de justice», pour reprendre les termes utilisés dans l’arrêt Université de Montréal c. Fédération des médecins résidents du Québec[32].
[68] Qu’en est-il?
[69] Sur cet aspect, la demanderesse attire l’attention du tribunal sur les paragraphes 17,18 et 21 de sa procédure introductive, qu’il convient de reproduire :
[17] Malgré les dites mesures prises par les Défenderesses, ces dernières ont fait défaut de fournir l’ensemble des services universitaires qu’elle devait offrir à leurs étudiants;
[18] Privés des services pour lesquels ils avaient payé et qui leur permettait notamment d’obtenir un enseignement de qualité supérieure et un climat d’étude favorable, plusieurs étudiants ont fait part de leurs insatisfactions et de leurs inquiétudes aux Défenderesses, tel qu’il appert des commentaires de certains étudiants universitaires déposés en liasse au soutien des présentes comme pièces P-7;
[21] Finalement, sans remboursement aucun de la part des Défenderesses, à la fin du mois d’avril et au début du mois de mai 2020, les étudiants universitaires ont terminé leur session après avoir obtenu des services d’enseignement supérieur d’une qualité nettement inférieure à ce qu’ils étaient en droit d’obtenir et pour lesquels ils avaient payé.
[70] À la lecture de ces allégations, il s’avère qu’elles ne font aucunement état d’agissements de mauvaise foi ou de façon déraisonnable de la part des défenderesses, ni de la commission d’un abus de droit ou d’un déni de justice, conditions requises qui pourraient justifier une intervention du tribunal.
[71] La demanderesse invite toutefois ce dernier à ne pas se limiter au seul libellé de ces allégations, mais à «lire entre les lignes» comme le suggère le juge Kasirer dans l’arrêt Desjardins cabinet de services financiers inc. c. Asselin[33] :
[18] La Cour d’appel cherche aussi, en utilisant «l’expression lire entre les lignes», à dénoncer le rigorisme et le littéralisme qui, selon elle, transpirent du jugement de première instance. Ce rigorisme mal avisé serait à l’origine de l’erreur révisable, commise par la première juge, de «s’avancer dans le domaine de la preuve et du fond et [d’]imposer au requérant un fardeau allant bien au-delà des exigences fixées par l’art. 575 C.p.c. (1003 a. C.p.c.)» (par. 35). Je conviens avec ma collègue que la juge a commis cette erreur notamment en concluant que la crise financière de 2008, et non la faute de Gestion, était la cause du préjudice subi.
[72] Le tribunal est conscient de cet écueil s’il devait faire preuve d’un rigorisme mal avisé. Cela dit, pour donner ouverture à son recours, la demanderesse doit à tout le moins alléguer une faute commise par les défenderesses, et à plus forte raison lorsque celle-ci doit s’apparenter à de la mauvaise foi, de l’abus de droit ou à un déni de justice. Il n’en est rien.
[73] S’il ne s’agissait que d’une utilisation de termes imprécis qui pourraient éventuellement être complétés et précisés par l’administration d’une preuve, une interprétation rigoureuse serait malvenue. Ici, il ne s’agit pas simplement d’un motif technique invoqué par les défenderesses à l’encontre des allégations de la demande d’autorisation d’exercer une action collective, mais d’une question de droit, puisqu’elle conditionne le degré d’intervention du tribunal dans le cadre du présent recours.
[74] Le constat qui s’impose est qu’il n’y a pas lieu d’accueillir la présente demande d’autorisation d’exercer une action collective car à la lecture de ses allégations, elle ne satisfait pas au critère de l’apparence de droit, son syllogisme juridique étant défaillant à cet égard.
[75] C’est aussi à ce résultat qu’en est venue la Cour supérieure de l’Ontario dans l’affaire Turner v. York University[34], dans un contexte qui a plusieurs affinités avec le présent litige.
[76] En effet, cette Cour a refusé d’autoriser une action collective qui visait le remboursement de droits de scolarité payés par les étudiants de l’Université York en 2008-2009. Cette action collective avait été intentée à la suite d’une grève des employés de cette université survenue à l’automne 2008, laquelle avait entraîné des conséquences importantes pour les étudiants, dont la suspension de leurs cours pour une période de trois mois, des trimestres d’automne 2008 et d’hiver 2009 plus courts et la réduction des trimestres d’hiver 2008 et d’hiver 2009 en un seul trimestre échelonné entre les mois de février et juin 2009.
[77] De plus, des séances de cours ont dû être annulées, la période d’examen raccourcie et diverses autres modifications apportées aux cours, aux évaluations et au calendrier académique.
[78] Le principal motif retenu par le juge de première instance est que l’action collective remet en cause la qualité de l’enseignement universitaire et que cela ne pouvait faire l’objet d’une évaluation judiciaire, en l’absence d’allégations de mauvaise foi ou d’abus de droit. Le juge s’exprime ainsi à cet égard :
[13] […] The plaintiff does not sufficiently plead a breach of contract by stating that certain actions in particular circumstances constituted a breach of an otherwise unspecified term that forbade them. A plea that the defendant's conduct was a breach of contract without specifying the term that was breached is nothing more than a bald assertion of liability that does not sufficiently indicate the case the defendant has to meet.
[…]
[15] If the breach consisted of the “relative” interruption of classes, the term breached might be that cancellation was never permitted in any circumstances, was permitted only in reasonable circumstances, or was permitted only if educational and academic standards were maintained by remedial action. Reading the pleading generously albeit with some difficulty - and in view of the repeated references to the inadequacy of the remedial measures implemented by York - the last of the possibilities mentioned seems likely to be what was intended. That, however, would involve pursuing the kind of inquiry that Winkler J. declined to enter into in Ciano v. York University, [2000] O.J. No. 183
(S.C.J.) - a case involving an earlier strike at York.
[16] Unlike this case, Ciano involved a motion for summary judgment so that the issue was whether a triable issue of breach of contract had been raised on the evidence in the light of the pleading. In finding that there was no triable issue on the question whether the plaintiff had suffered damages, the learned judge considered a submission that damages could be presumed from the evidence that classes had been disrupted and that York's evidence that its remedial measures were sufficient to maintain academic standards should be rejected. Winkler J. declined to take this approach on the ground - among others - that it would involve a qualitative assessment of the education provided by York and that this was not a matter for the court to decide. In paras 20 - 22 of his reasons, the learned judge stated, in part, as follows:
In rejecting the accommodation program [i.e., remedial measures] and asking the court to do likewise, the plaintiff is seeking a determination from the court on the quality of education received; that is something our courts cannot entertain.
It is clearly established in Canadian jurisprudence that the court should not impede on an educational body’s decisions regarding the nature and quality of education … While it may seem as though the request for return of a portion of tuition fees is "quantitative" in nature, the plaintiff is attacking the educational adequacy of the proffered alternative in the form of the accommodation program.
It is not appropriate for the courts to engage in an analysis of the qualitative aspects of an educational program with the result that I am not in a position to reject the accommodation program out of hand.
[…]
[23] […] Even on the most generous interpretation of the pleading, the plaintiff is seeking to have the court make qualitative assessments of the effect on educational standards of York's response to the strike and of the remedial measures introduced. These are matters that fall within the discretion of the University and - without a plea of facts that if proven could establish that York exceeded or abused its discretion - bald assertions that they constituted breaches of contract are not enough.
[79] Cette décision a été confirmée par la Cour divisionnaire[35], qui réitère qu’il n’est pas du ressort des tribunaux de s’immiscer dans les affaires internes de l’université:
[31] Further, I agree with Horkins J., in her decision denying leave to amend, that Gauthier and Jaffer v. York University, 2010 ONCA 654 are entirely unhelpful to the appellant. While it is possible for a student to enter into a contract with a university, that is not to be confused with the academic relationship between a student and his or her university. Gauthier enunciates, and Jaffer confirms that the contract must be pleaded and there must be particulars given that the university has gone beyond its broad academic discretion.
[32] For a court to consider the claim as argued by the appellant, a court would have to inquire into whether York's decisions in dealing with the strike were right, as measured against a standard of academic integrity. This is exactly the kind of decision the courts ought not to review, as it falls within the purview of a university’s ability to make decisions concerning academic integrity.
[33] The appellant has failed to demonstrate that Cullity J. erred in his application of the law as it relates to the relationship between the parties. At issue is whether the university, in modifying the academic schedule to accommodate the strike's disruption, was within its discretion over "the organizing and carrying out the university programs", as noted in Gauthier. The appellant's statement of the existence of a contractual relationship is insufficient on its own, and moreover is not distinguished from the academic discretion described in Gauthier and Jaffer.
[80] Le professeur et auteur Finn Makela de l’Université de Sherbrooke écrit :
La conformité avec la jurisprudence de ces ordonnances de dispenser les cours n’est pas acquise. En effet, la jurisprudence accorde une marge de manœuvre importante aux universités quant à leur gestion interne et il est généralement admis que « les tribunaux doivent être très prudents au moment où on leur demande d’intervenir au moyen d’une injonction pour s’immiscer dans l’administration des universités ». Cette marge comprend la modification de l’horaire de cours afin de répondre à des situations imprévues, telle une grève du personnel enseignant. Par exemple, dans l’affaire Turner c. York University, la Cour supérieure de l’Ontario a statué que la modification unilatérale de l’horaire fait partie des prérogatives universitaires et qu’elle ne saurait fonder un recours en responsabilité contractuelle en l’absence de preuve établissant que la conduite de l’université fût abusive. Même s’il y a des différences entre le droit des contrats en vigueur en Ontario et celui du Québec, cette conclusion rejoint le droit québécois sur la question. […] [36]
[81] En somme, si une modification unilatérale de l’horaire d’une université fait partie de ses prérogatives universitaires et ne saurait fonder un recours en responsabilité contractuelle en l’absence d’une preuve de conduite abusive de cette université, à plus forte raison ce raisonnement s’applique-t-il lorsque des universités doivent composer avec une pandémie qui les oblige à suspendre leurs activités pendant quelques semaines, pour les reprendre en mode virtuel pour le reste de la session, conformément aux décrets gouvernementaux et aux directives de la Santé publique.
[82] La demanderesse n’a allégué dans sa procédure aucune obligation contractuelle qui aurait été inexécutée par les universités en raison de décisions déraisonnables, discriminatoires ou prises en violation de leur devoir d’agir équitablement.
[83] Comme on l’a vu précédemment, les allégations visées aux paragraphes 17, 18 et 21, lesquelles justifieraient son recours, sont générales et surtout, ne font état d’aucune conduite abusive des universités défenderesses ni même de faits démontrant qu’elles ont commis une faute. Certes, il est fait mention du défaut de fournir des services universitaires, d’insatisfactions et d’inquiétudes de certains des étudiants et d’un enseignement supérieur de qualité inférieure au prix payé, mais sans préciser que cela résulte d’une faute commise par les défenderesses.
[84] Dans Lebeau c. Procureur général du Canada[37], la juge Isabelle Breton de la Cour supérieure, appelée à se prononcer dans le cadre d’une demande d’autorisation d’exercer une action collective dans laquelle était invoquée l’immunité relative de l’État, a rejeté cette demande sur la base que celle-ci ne contenait aucune allégation de «faute de l’ordre de la mauvaise foi ou d’un abus de pouvoir», élément essentiel pour établir une cause défendable en responsabilité civile. Elle s’exprime ainsi :
[47] Ainsi, lorsque des dommages sont réclamés en réparation d’une violation par l’État d’un droit garanti par la Charte, il est essentiel qu’une faute de l’ordre de la mauvaise foi ou d’un abus de pouvoir soit alléguée, afin d’établir une cause défendable en responsabilité civile. Tel est l’effet de l’immunité relative de l’État.
[48] En l’espèce, la demande d’autorisation ne comporte aucune allégation de cette nature ni même quelconque de faits qui pourraient être qualifiés de faute dans l’application des règles du régime de la responsabilité. Ces lacunes sont fatales au syllogisme juridique fondant la réclamation en dommages.
[85] Il en est de même dans le présent dossier.
[86] Bien que les défenderesses ne bénéficient pas d’un privilège d’immunité, la retenue judiciaire voulant que les tribunaux s’abstiennent de s’immiscer dans les activités académiques et administratives des universités, à moins d’être en présence de décisions déraisonnables, arbitraires, discriminatoires ou prises en violation de leur devoir d’agir équitablement, limite l’intervention du tribunal.
[87] Le critère de l’apparence de droit n’étant pas satisfait, l’analyse du présent recours pourrait s’arrêter ici, puisque les quatre critères doivent l’être pour que celui-ci soit autorisé. Il convient quand même de traiter brièvement des autres critères.
2. Les demandes des membres soulèvent-elles des questions de droit et de faits identiques, similaires ou connexes?
[88] Sur cet aspect, notons d’abord que quinze (15) établissements d’enseignement sont visés par la demande d’autorisation d’exercer une action collective.
[89] À première vue, la question de savoir si les demandes soulèvent des questions de droit ou de faits identiques, similaires ou connexes se pose avec d’autant plus d’acuité, les défenderesses faisant d’ailleurs valoir que les politiques peuvent varier d’une université à l’autre, tout comme les mesures mises en place pour contrer les effets de la pandémie sur leur calendrier scolaire.
[90] L’on sait par ailleurs qu’une question peut être considérée «comme commune si elle permet de faire progresser le règlement de la réclamation de chacun des membres du groupe», comme l’affirme la Cour suprême dans l’arrêt Vivendi c. Dell’Aniello[38]. Cette Cour ajoute que le «critère de la communauté de questions n’exige pas une réponse identique pour tous les membres du groupe, ni même que la réponse bénéficie dans la même mesure à chacun d’entre eux».
[91] Il est bien établi, particulièrement au Québec, que la présence d’une seule question de droit identique, similaire ou connexe est suffisante, pourvu que son importance soit susceptible d’influencer le sort de l’action de manière non négligeable[39]. Il n’est pas requis que la question commune permette la résolution complète du litige[40].
[92] Ici, la demanderesse soutient que les défenderesses n’ont pas été en mesure de remplir entièrement leurs obligations pour la session universitaire de l’hiver 2020, en raison de l’avènement de la COVID-19.
[93] Selon la demanderesse, une relation contractuelle s’est établie entre les défenderesses et leurs étudiants et étudiantes en prévision de cette session universitaire, dès que ceux-ci se sont inscrits et ont été admis au sein des défenderesses. Celles-ci devaient dès lors leur offrir des cours de qualité, en présence ou à distance, en plus d’être tenues de leur offrir un accès à des bibliothèques, à des salles équipées de technologiques spécialisées, à des salles de travail d’équipe, à des laboratoires informatiques et enfin, à un milieu d’études favorable à leur apprentissage.
[94] La demanderesse étant d’avis que chacune des défenderesses est liée contractuellement avec au moins un membre du groupe visé, de manière générale, il sera nécessaire d’établir le contenu d’un contrat universitaire et les obligations qui en résultent envers les membres du groupe visé, afin de déterminer si ceux-ci ont droit à une réduction des frais engagés pour cette session universitaire, ayant été privés partiellement de ce à quoi ils avaient droit.
[95] Dans cette veine, elle identifie quatre questions communes à l’ensemble des membres visés par le groupe, qu’elle formule ainsi :
a) Quelles sont les obligations des universités envers leurs étudiants en vertu du contrat intervenu entre ces parties?
b) Quelles sont les obligations corrélatives des étudiants envers leurs universités en vertu du contrat intervenu entre ces parties?
c) Dans le contexte de la COVID-19, pour la session d’hiver 2020, les universités ont-elles manqué à leurs obligations à l’égard des membres du groupe?
d) Les membres du groupe ont-ils droit à une restitution partielle des frais acquittés pour la session d’hiver 2020?
[96] Outre ces questions communes, la demanderesse affirme que d’autres questions communes ou sous-questions devront être abordées dans le cadre du présent recours, plus particulièrement au regard du contrat universitaire liant une université avec un étudiant, afin d’en déterminer son étendue et de circonscrire les sources d’obligations de ce contrat. Ces obligations peuvent notamment concerner l’étudiant qui assiste à un cours en présentiel, à distance ou qui effectue un stage.
[97] À première vue, ces questions telles que formulées pourraient s’appliquer aux défenderesses, bien que les réponses à celles-ci puissent varier d’une université à l’autre, notamment lorsqu’il s’agit d’identifier l’article précis de la charte, des statuts, des politiques ou autres documents qui pourraient contenir les obligations des défenderesses à l’égard des étudiants et étudiantes.
[98] Malgré que ces obligations puissent être formulées différemment, il est possible de penser qu’un consensus se dégage au regard de certains éléments, suffisamment pour faire progresser le débat.
3. La composition du groupe rend-t-elle difficile peu pratique l’application des règles sur le mandat d’ester en justice pour le compte d’autrui ou sur la jonction d’instance?
[99] Ce critère n’a pas fait l’objet de débats lors de l’audience, mais il ne fait pas de doute qu’on peut répondre affirmativement à cette question, considérant le nombre de défenderesses interpellées et le nombre de membres du groupe visés par le recours.
4. Le membre auquel il entend attribuer le statut de représentants est en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres?
[100] À ce titre, les défenderesses font valoir que l’insuffisance des faits allégués à la demande introductive et le syllogisme invoqué au soutien de la demande ne conduisant pas le tribunal à conclure que les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées, la demanderesse ne serait pas en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres.
[101] Il est aussi invoqué que la situation particulière de la demanderesse, au regard des Statuts de l’Université Laval[41], de son Règlement des études[42] et de sa Politique de gestion de crise[43], font en sorte qu’elle n’aurait pas droit aux conclusions visées par son recours.
[102] Étant donné la conclusion à laquelle en arrive le tribunal au regard du second critère de l’article 575 C.p.c. et des dispositions qui règlementent la vie universitaire, lesquelles accordent une large discrétion à cet établissement d’enseignement, le recours de la demanderesse est voué à l’échec, ce qui affecte sa capacité de représenter les membres du groupe.
[103] Néanmoins, si ce n’était de cette conclusion, le tribunal estime que la demanderesse possède les attributs pour mener à bien son recours, ayant démontré un intérêt suffisant lors de son interrogatoire, sa compétence et l’absence de conflits avec les membres du groupe ne pouvant être mises en cause.
[104] Le tribunal estime aussi qu’on ne peut lui reprocher de n’avoir pu être présente lors de l’audience, en raison de son travail. Rappelons qu’il s’agit d’une étudiante qui vient de compléter ses études universitaires et qu’aucune autre information n’a été fournie au regard de ses conditions d’emploi et de la possibilité de s’absenter de son travail.
[105] Enfin, depuis l’arrêt Banque de Montréal c. Marcotte[44], l’on sait que le représentant n’est pas tenu d’avoir un intérêt direct et personnel à l’encontre de chacun des défendeurs, son rôle étant d’assurer une représentation adéquate.
Conclusion
[106] Considérant que la demanderesse n’a pas satisfait le critère que les faits allégués justifient les conclusions recherchées, la demande d’autorisation d’exercer une action collective sera donc rejetée, sans frais de justice vu les moyens limités de la demanderesse qui était étudiante au moment où elle a introduit son recours.
[107] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[108] REJETTE la demande d’autoriser l’exercice d’une action collective introduite par la demanderesse.
[109] Sans frais de justice.
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__________________________________ CLAUDE BOUCHARD, J.C.S. |
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Me Jean-François Bertrand Me François-Étienne Pinard-Thériault Me Élodie Drolet-French Me Amélie Dufour JEAN-FRANÇOIS BERTRAND AVOCATS Casier 25 Avocats de la demanderesse |
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Me Marie Audren AUDREN ROLLAND 393, Saint-Jacques Montréal (Québec) H2Y 1N9 Avocate de la défenderesse Université de Montréal |
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Me ChristianTrépanier Me Maxime-Arnaud Keable FASKEN Casier 133 Avocats de la défenderesse Université Concordia
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Me Judith Rochette LAVERY Casier 3 Avocate de la défenderesse École Nationale d’administration publique |
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Me Vincent Rochette Me Maya Angenot Me Éric Dunberry NORTON ROSE FULBRIGHT Casier 92 Avocats des défenderesses Corporation de l’École des Hautes, Études commerciales de Montréal, École de technologie supérieure, Institut national de la recherche scientifique, École Polytechnique de Montréal, Université Bishop’s, Université Laval, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, Université du Québec à Chicoutimi, Université du Québec à Montréal, Université du Québec en Outaouais, Université du Québec à Rimouski, Université du Québec à Trois-Rivières |
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Date de l’audience : Les 4 et 5 mai 2021 |
[1] Décret numéro 177-2020 du 13 mars 2020 concernant une déclaration d’urgence sanitaire conformément à l’article 118 de la Loi sur la santé publique, (2020) 152 G.O.II, 1101A.
[2] Décret numéro 223-2020 du 24 mars 2020, concernant l’ordonnance de mesures visant à protéger la santé de la population dans la situation de pandémie de la COVID-19, (2020) 152 G.O. II, 1140A.
[3] Valiquette c. Groupe TVA inc. 2021 QCCS 161.
[4] Daigle c. Club de golf de Rosemère, 2019 QCCS 5801.
[5] 2020 CSC 30.
[6] 2019 CSC 35, par. 58.
[7] Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, 2013 CSC 59, par.67.
[8] Option Consommateurs c. Bell Mobilité, 2008 QCCA 2201, par. 38.
[9] 2018 QCCS 4830, constat de caducité (C.A., 2019-03-28), 500-09-027981-182.
[10] Desjardins Cabinet de services financiers inc. c. Asselin, précité, note 5, par. 52 et 58.
[11] L’Oratoire St-Joseph du Mont Royal c. J.J., précité, note 6, par. 56-57.
[12] Jourdain c. Université du Québec à Rimouski (UQAR), 2012 QCCS 1781, par. 23.
[13] Id.
[14] 2020 QCCS 370, par. 62.
[15] Horvath, Teasell, Deschênes et Associés inc. c. Corporation d’hébergement du Québec, J.E. 93-1595 (C.S.).
[16] [1990] 3 R.C.S. 229, 272-273.
[17] Id.
[18] 1985 CanLII 3061 (C.A.).
[19] [1992] 2 R.C.S. 1103, 1129.
[20] 1993 CanLII 4401 (C.A.).
[21] 1996 CanLII 6188 (C.A.).
[22] 1997 CanLII 10675 (C.A.).
[23] 2016 QCCS 5318.
[24] 2011 QCCA 175.
[25] 1998 CanLII 12073 (C.S.) par.37-38 (confirmé par Ruel c. Québec (Éducation), 2001 CanLII 27967 (C.A.), par. 134.
[26] 2008 QCCS 1617.
[27] 2004 CanLII 13907 (C.A.).
[28] Id.
[29] Pièce UdeM-1, art 22 f).
[30] Pièce UdeM-3, art.5.3 d).
[31] UdeM-4, art.36
[32] Précité, note 22.
[33] Précité, note 5.
[34] 2010 ONSC 4388.
[35] Turner v. York University, 2012 ONSC 4272.
[36] Finn MAKELA, La démocratie étudiante, la grève étudiante et leur régulation par le droit, (2014) 44 R.D.U.S. 307, p. 394.
[37] 2021 QCCS 1448.
[38] 2014 CSC 1.
[39] Infineon technologies AG c. Option consommateurs, précité, note 7; L'Oratoire Saint-Joseph du Mont Royal c. J.J., précité, note 6; Desjardins Cabinet de services financiers inc. c. Asselin, précité, note 5.
[40] Vivendi Canada inc. c. Dell’Aniello, précité, note 38.
[41] Pièce UL-2
[42] Pièce P-24.
[43] Pièce- UL-3.
[44] 2014 CSC 55.
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