Décision

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10318396 Canada inc. c. Leblanc

2024 QCTAL 20777

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

785941 31 20240415 G

No demande :

4288372

 

 

Date :

19 juin 2024

Devant la juge administrative :

Marie Dominique

 

10318396 Canada Inc.

 

Locatrice - Partie demanderesse

c.

Michael Leblanc

 

Sen Thi Minh Nguyen

 

Locataires - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Par sa demande déposée le 15 avril 2024, la locatrice réclame le recouvrement du loyer non payé au moment du départ des locataires (9 040 $) et la condamnation solidaire des locataires, le tout avec les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec. Elle réclame également l’exécution provisoire de la décision malgré l’appel ainsi que les frais de justice.

[2]         Le 23 avril 2024, la locatrice dépose un premier amendement afin de corriger l’adresse des défendeurs.

[3]         Le 16 mai 2023, la locatrice dépose un deuxième amendement afin que la demande tienne compte du déguerpissement des locataires.

[4]         En vertu de l’article 56.2 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[1], la locatrice avait jusqu’au 30 mai 2024 pour notifier la demande et déposer la preuve de la notification au dossier du Tribunal. Or, la demande a été notifiée par huissier le 4 juin et la preuve de notification a été déposée au Tribunal le 7 juin 2024.

[5]         À l’audience, la locatrice demande d’être relevée du défaut d’avoir déposé la demande dans les 45 jours.

[6]         Considérant le témoignage du représentant de la locatrice au sujet des nombreuses démarches qu’il a dû effectuer pour retracer l’adresse des locataires et considérant que les locataires reconnaissent avoir reçu la demande par la poste à l’intérieur du délai de 45 jours, le Tribunal relève la locatrice de son défaut.


[7]         À l’audience, la locatrice demande au Tribunal de l’autoriser à amender sa procédure de manière à ce que le montant de loyer demandé soit plutôt réclamé à titre de dommages pour perte de loyer et indemnité de relocation et afin de corriger le nom de la locataire pour Sen Thi Minh Nguyen. La locatrice révise à la baisse le montant de sa réclamation à 6 780 $. Les locataires consentent à l’amendement, lequel est autorisé par le Tribunal.

Les faits

[8]         La locatrice et Michael Leblanc sont liés aux termes d’un bail pour la période du 1er mars 2023 au 29 février 2024 au loyer mensuel de 2 260 $. Mme Nguyen n’est pas partie au bail, le demande contre elle est donc rejetée.

[9]         La preuve démontre que le locataire a tenté de céder son bail, ce qui a été refusé par la locatrice.

[10]     Le 20 septembre 2023, le locataire fait une demande au Tribunal[2] afin de faire valider la cession de bail.

[11]     Le 7 octobre, le locataire a quitté le logement emportant ses effets personnels.

[12]     Au début novembre, le locataire tente de payer son loyer en ligne, mais l’accès à la plate-forme de la locatrice lui est refusé. L’électricité du logement est payée jusqu’à la mi-novembre.

[13]     Le 5 novembre, il se présente au bureau afin de parler à une personne de l’administration et s’acquitter du paiement du loyer.

[14]     Le 6 novembre, la locatrice écrit au locataire qu’elle considère que ce dernier a déguerpi le 7 octobre dernier et que le bail a été résilié en vertu de l’article 1975 C.c.Q.

[15]     La locatrice écrit : « Nous avons donc immédiatement remis votre unité sur le marché. Dès que nous aurons réussi à relouer le logement 1906, nous vous réclamerons les dommages-intérêts causés par votre déguerpissement. »

[16]     Le 15 novembre, le Tribunal entend la demande pour faire valider la cession de bail.

[17]     Le 17 novembre 2023, le juge administratif Richard Barbe signe la décision par laquelle il rejette la demande en raison du défaut d’avoir produit la preuve de notification dans les 45 jours.

[18]     La locatrice réclame en dommages-intérêts les mois de novembre et décembre 2023 et le mois de janvier 2024. Le logement a été reloué pour le 1er février 2024.

Analyse et décision

[19]     Le Tribunal doit d’abord déterminer s’il y a eu déguerpissement.

[20]     Comme le souligne la juge administrative Me Francine Jodoin dans l'affaire Sophie Morin c. Sylvie Côté :

« En vertu de cette disposition (1975 C.c.Q.), la résiliation du bail a donc lieu par le seul effet de la loi lorsque les deux conditions prévues sont remplies. Ainsi, le bail est résilié lorsque le locataire quitte le logement en emportant tous ses effets mobiliers et ce, sans motif.

Cet article ne donne aucune définition du terme « déguerpissement ». Au sens commun, déguerpir signifie « abandonner, quitter précipitamment un lieu » (2) ou encore « se sauver, décamper, s'enfuir ». Au sens légal, le déguerpissement a lieu lorsque le locataire abandonne le logement en cours de bail, sans motif valable. » (1)

[21]     Dans l'affaire Consumire Inc. et Als c. Baudoin et Therrien, le représentant de la locatrice avait trouvé le logement et une vitre brisée. Afin de déterminer si la Cour du Québec avait compétence pour entendre la demande du locateur, il fallait décider au préalable s'il y avait eu déguerpissement. Le juge Jean-Claude Paquin écrit :

« Le professeur Gérard Cornu écrit et donne ainsi une définition du mot déguerpissement :

« Déguerpissement : Abandon de la propriété ou de la possession d'un immeuble pour se soustraire aux charges foncières ou obligations réelles qui le grèvent. V. délaissement, renonciation, abandonnement, exponse. »


Émile Littré défini ainsi déguerpir :

« v.t. Dr. Abandonner la possession de. Déguerpir un héritage (XIVe s.), Sortir, se retirer d'un lieu malgré soi. Fam. »

Les agissements du locataire Johnny Caron ne rencontrent nullement les éléments d'aucune de ces définitions pour conclure au déguerpissement. » ([3])

[22]     Après avoir entendu le locataire, le Tribunal considère que ce dernier n’a pas déguerpi.

[23]     Au moment de son départ du logement, une demande pour faire reconnaître la cession de bail était pendante.

[24]     Le 1er novembre, le locataire a tenté de faire le paiement du loyer et a contacté la locatrice à ce sujet. Il continuait de s’acquitter de son obligation de payer l’électricité.

[25]     Le Tribunal s’explique mal comment, dans un tel contexte, la locatrice a pu conclure à un déguerpissement.

[26]     Force est de constater que la locatrice a unilatéralement décidé que le bail était résilié et a remis le logement sur le marché, et ce, avant même de recevoir la décision du Tribunal sur la validité de la cession.

[27]     Dans un tel contexte, le Tribunal ne peut accorder de dommages-intérêts pour perte de loyer et indemnité de relocation.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[28]     REJETTE la demande;

[29]     La locatrice en supportant les frais.

 

 

 

 

 

 

 

 

Marie Dominique

 

Présence(s) :

la locatrice

les locataires

Date de l’audience : 

7 juin 2024

 

 

 


 


[1] RLRQ c T-15.01.

[2] Dossier 734566.

[3] 31-030911-013G, r. Jodoin.

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