Lajoie c. Tremblay |
2019 QCCQ 3836 |
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COUR DU QUÉBEC |
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Division des petites créances |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT D’ |
ALMA |
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LOCALITÉ D’ |
ALMA |
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« Chambre civile » |
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N° : |
160-32-700168-185 |
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DATE : |
14 juin 2019
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
MONSIEUR LE JUGE |
MICHEL BOUDREAULT |
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PIERRE LAJOIE
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Partie demanderesse |
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c.
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GUILLAUME TREMBLAY
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Partie défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Le demandeur réclame 7 315,46 $ au défendeur, ce qui représente le solde impayé pour des travaux de carrosserie et de peinture effectués sur son véhicule.
[2] Le défendeur conteste la demande, justifiant que les travaux n’ont pas été exécutés selon les règles de l’art.
Les Faits
[3] Au cours de la période estivale 2016, le défendeur confie son véhicule au demandeur, un camion Ford 300 4x4 de l’année 1996, avec instructions de procéder à l’enlèvement de la rouille, de réparer la carrosserie au complet et de repeindre le véhicule.
[4] Les parties conviennent que les travaux nécessiteront quelques semaines de travail. Aucun montant n’est convenu entre les parties pour le coût des travaux, à l’exception d’un taux horaire de 30 $ de l’heure.
[5] Le défendeur qui travaille en mécanique dans un garage adjacent à celui du demandeur, se présente régulièrement pour suivre le déroulement des travaux de carrosserie.
[6] Le 2 août 2016, une fois le travail accompli, le demandeur produit sa facture[1]. Le coût des travaux s’élève à 8 025,46 $, taxes incluses.
[7] Le 4 août 2016, le défendeur inspecte son véhicule avant d’en prendre possession et constate certaines anomalies apparentes au niveau de la porte du conducteur de sorte que le demandeur procède aux corrections. Satisfait du travail, ce dernier repart avec son véhicule le jour même.
[8] Le défendeur, pendant cette période, éprouve des difficultés financières. Le demandeur convient avec celui-ci qu’il l’emploierait, à son garage, pour des travaux de carrosserie afin de diminuer sa créance.
[9] Le 16 août, soit douze jours après la prise de possession de son véhicule, le défendeur travaille pour le demandeur pendant les deux semaines qui suivent, notamment en effectuant du remorquage en plus de divers travaux. Il diminue ainsi sa dette de 710 $, ce qui laisse un solde de 7 315,46 $ qu’il reconnaît d’ailleurs.
[10] À l’audience, le défendeur indique que les travaux ont été mal exécutés en ce que la peinture du camion présentait, après six mois, de l’écaillement à certains endroits. De plus, la porte du côté conducteur est toujours bossée et des imperfections sont visibles au niveau du bas des portes. Il produit d’ailleurs une série de photographies[2] à l’appui.
[11] En réplique, le demandeur ajoute qu’il avait avisé le défendeur qu’il n’y avait aucune garantie sur les réparations pour éliminer la rouille, soulignant au passage qu’il s’agissait d’un camion de l’année 1996.
Analyse et Décision
[12] D’abord, il importe de souligner que la relation juridique entre les parties est assujettie à la Loi sur la protection du consommateur[3] et également par le Code civil du Québec.
[13] Plus particulièrement, le Tribunal cite les articles pertinents, pour le présent litige, de la Loi sur la protection du consommateur :
167. Aux fins de la présente sous-section, on entend par:
a) «commerçant» : une personne qui effectue une réparation moyennant rémunération;
b) «réparation» : un travail effectué sur une automobile, à l’exception d’un travail prévu par règlement.
168. Avant d’effectuer une réparation, le commerçant doit fournir une évaluation écrite au consommateur. Le commerçant ne peut se libérer de cette obligation sans une renonciation écrite en entier par le consommateur et signée par ce dernier.
L’évaluation n’est pas requise lorsque la réparation doit être effectuée sans frais pour le consommateur.
Un commerçant ne peut exiger de frais pour faire une évaluation à moins d’en avoir fait connaître le montant au consommateur avant de faire l’évaluation.
176. Une réparation est garantie pour trois mois ou 5 000 kilomètres, selon le premier terme atteint. La garantie prend effet au moment de la livraison de l’automobile.
261. On ne peut déroger à la présente loi par une convention particulière.
262. À moins qu’il n’en soit prévu autrement dans la présente loi, le consommateur ne peut renoncer à un droit que lui confère la présente loi.
[14] Les dispositions pertinentes du Code civil du Québec sont les suivantes :
1470. Toute personne peut se dégager de sa responsabilité pour le préjudice causé à autrui si elle prouve que le préjudice résulte d’une force majeure, à moins qu’elle ne se soit engagée à le réparer.
La force majeure est un événement imprévisible et irrésistible; y est assimilée la cause étrangère qui présente ces mêmes caractères
2098. Le contrat d’entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l’entrepreneur ou le prestataire de services, s’engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s’oblige à lui payer.
2100. L’entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d’agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l’ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d’agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s’assurer, le cas échéant, que l’ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.
Lorsqu’ils sont tenus au résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu’en prouvant la force majeure.
[15]
Dans la présente affaire, le demandeur avait donc une obligation de
résultat, et ce, en application de l’article
[16] Contrairement aux prétentions du demandeur, ce dernier ne pouvait exclure cette garantie étant donné qu’il s’agit d’une loi d’ordre public.
[17]
Cela dit, les défectuosités, telles les anomalies ou imperfections au
niveau de la peinture et aux travaux reliés à la carrosserie, constatées par le
défendeur l’ont été à l’extérieur du délai de la période de garantie de trois
mois ou 5 000 kilomètres, selon le premier terme atteint, prévu à
l’article
[18] En second lieu, de l’ensemble de la preuve soumise devant le Tribunal, le demandeur a rempli son obligation de résultat.
[19] D’une part, le défendeur avait assisté, en grande partie, à la progression des travaux sur son véhicule et, le 4 août 2016, lorsqu’il en a pris possession, après inspection, il s’en est déclaré satisfait. La preuve en est que dans les heures qui ont suivies, il a exhibé des photographies de son véhicule sur Facebook[4], démontrant sa grande satisfaction.
[20] La preuve photographique[5] démontre, toutefois, que la peinture est écaillée et laisse également voir, à différents endroits, des défauts apparents. Par contre, il appert que ces photos ont probablement été prises avant l’audition, donc trente-trois mois après les travaux.
[21] Au surplus, le Tribunal tient compte que les travaux ont été exécutés sur un véhicule de 1996, donc âgé de vingt ans au moment des réparations, avec la particularité que le défendeur avait demandé qu’on effectue les travaux de carrosserie avec les pièces originales. Donc, enlèvement de la rouille sans enlever les pièces d’origines pour les remplacer soit par des neuves ou des réusinées.
[22] Dans ces circonstances, le défendeur devait nécessairement s’attendre à des détériorations au niveau de la peinture et de la carrosserie avec le temps. Surtout après plus de deux ans.
[23] D’ailleurs, jamais ne s’est-il plaint, avant l’introduction du présent recours, pour reprocher au demandeur la qualité des travaux ou lui demander de les reprendre.
[24] Dans les faits, le défendeur a tort de prétendre que le demandeur avait l’obligation de lui livrer un camion de vingt ans avec une carrosserie et une peinture d’origine.
[25]
Cela dit, un seul reproche est adressé au demandeur dans cette affaire.
C’est que ce dernier ne s’est pas acquitté de son obligation légale de fournir
une évaluation écrite avant d’effectuer les réparations aux termes de l’article
[26] En effet, il ressort de la preuve qu’aucune évaluation du coût des réparations n’a été communiquée au défendeur. Le demandeur ne pouvait agir ainsi, sans l’aviser préalablement et le tenir dans l’ignorance, surtout pour des réparations valant plus de 6 000 $.
[27] Le Tribunal convient que le défendeur assistait régulièrement à la progression des travaux effectués par le demandeur, travaux qui se sont échelonnés sur plusieurs semaines, mais il n’a jamais acquiescé au fait que le demandeur consacrerait un nombre aussi important d’heures pour effectuer les travaux de débosselage et de peinture. Le demandeur l’a placé devant un fait accompli, pour l’informer seulement au moment où il devait reprendre son véhicule, qu’il devait acquitter une facture de 8 025,46 $
[28]
C’est la raison d’être de l’article
[29] Cependant, le Tribunal retient de la preuve que le défendeur était au fait des réparations d’une part et, d’autre part, qu’il lui en coûterait un certain montant pour faire exécuter les travaux de réparations sur son véhicule.
[30] Ceci étant, le Tribunal, usant de sa discrétion volontaire, réduit le coût des travaux pour la réparation du véhicule du défendeur d’un montant de 1 500 $ afin de tenir compte du manquement du commerçant de respecter les dispositions impératives de la L.P.C.
[31] Pour l’ensemble des motifs énoncés précédemment, le Tribunal accueille en partie la réclamation du demandeur pour un montant de 5 815,46 $.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[32] ACCUEILLE partiellement la demande.
[33]
CONDAMNE Guillaume Tremblay à payer à Pierre Lajoie le montant de
5 815,46 $ avec les intérêts au taux légal plus les indemnités
additionnelles prévues à l’article
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__________________________________ MICHEL BOUDREAULT Juge à la Cour du Québec |
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Date d’audience : |
7 mai 2019 |
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AVIS :
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