Autorité des marchés financiers c. Assurances Robillard & Associés inc. | 2025 QCTMF 48 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES MARCHÉS FINANCIERS |
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CANADA |
PROVINCE DE QUÉBEC |
MONTRÉAL |
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DOSSIER N° : | 2024-015 |
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DÉCISION N°
: | 2024-015-001 |
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DATE : | 10 juillet 2025 |
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DEVANT LA JUGE ADMINISTRATIVE : | CHRISTINE DUBÉ |
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AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS |
Partie demanderesse |
c. |
LES ASSURANCES ROBILLARD & ASSOCIÉS INC. et SIMON NEVEU Parties intimées |
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DÉCISION |
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- Le Tribunal est saisi d’une demande présentée par les parties afin d’entériner un accord[1] conclu entre elles qui vise le règlement de la présente affaire.
- Cette affaire tire son origine de trois inspections du cabinet Les Assurances Robillard & Associés inc. (« Cabinet ») par l’Autorité des marchés financiers (« Autorité ») pour s’assurer du respect de la législation applicable.
- L’Autorité procède à une première inspection en 2017 et une inspection de suivi en 2022. Comme des manquements récurrents sont observés lors de la première inspection de suivi, l’Autorité procède à une deuxième inspection de suivi en 2023. Alors, l’Autorité constate certains manquements récurrents qui ne sont toujours pas corrigés à des dispositions de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[2] (« LDPSF ») et du Règlement sur l’exercice des activités des représentants[3] (« Règlement sur l’exercice ») et du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome[4] (« Règlement sur le cabinet ») et qui auraient été commis par le Cabinet et Simon Neveu, son dirigeant responsable.
- C’est dans ce contexte que le 27 mai 2024, l’Autorité dépose au Tribunal un acte introductif à l’encontre des intimés (« Acte introductif »).
- En vertu de l’Acte introductif, l’Autorité demande au Tribunal d’exercer certains de ses pouvoirs[5] et de mettre en œuvre une série de mesures visant les intimés, notamment l’imposition de pénalités administratives, le changement du dirigeant responsable, l’interdiction d’agir à titre de dirigeant responsable et l’imposition de conditions au certificat de Simon Neveu.
- Le 2 juillet 2025, un accord intervient entre les parties visant le règlement de la présente affaire (« Accord »). En somme, les parties proposent conjointement que le Tribunal entérine les mesures administratives contenues dans l’Accord (« Mesures administratives »).
- Il est à noter que lors de l’audience du 7 juillet 2025, les intimés étaient présents et ils confirment consentir à l’Accord.
- Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que l’Accord est « conforme à la loi » et qu’il est dans l’intérêt public qu’il l’entérine et qu’il mette en œuvre les Mesures administratives.
ANALYSE
- En vertu de la Loi sur l’encadrement du secteur financier[6] (« LESF »), le Tribunal peut « entériner un accord, s’il est conforme à la loi »[7]. Le Tribunal exerce cette discrétion qui lui est conférée en fonction de l’intérêt public[8].
- Le Tribunal doit donc répondre à la question suivante : L’Accord est-il conforme à la loi permettant ainsi au Tribunal de l’entériner en fonction de l’intérêt public et de mettre en œuvre les Mesures administratives ?
- Le cadre juridique applicable dans le contexte d’une demande pour entériner un accord a été énoncé à plusieurs reprises par le Tribunal, notamment dans la décision Moreau[9]. À cet égard, le Tribunal rappelle que « chaque cas doit être évalué et analysé à la lumière des faits et circonstances de chaque affaire »[10].
- Essentiellement, un accord est « conforme à la loi » s’il permet d’établir la compétence du Tribunal notamment par la démonstration d’un manquement ou d’un acte contraire à l’intérêt public qui relève d’une loi sur laquelle il peut statuer[11]. Ensuite, la mesure administrative proposée par les parties, dans les limites des pouvoirs du Tribunal, doit permettre d’atteindre les objectifs poursuivis par la législation applicable[12].
- Le Tribunal joue donc un rôle actif dans l’analyse qu’il effectue pour déterminer si un accord est « conforme à la loi ». Bien qu’il favorise le règlement d’une affaire par la conclusion d’un accord entre les parties, il n’est jamais tenu d’entériner un accord si, par exemple, celui-ci excède sa compétence ou ses pouvoirs, s’il est contraire à l’intérêt public ou qu’il est de nature à déconsidérer l’administration de la justice[13]. En d’autres mots, en raison de ses fonctions et pouvoirs, le Tribunal ne peut pas simplement se contenter d’estampiller un accord. Il doit veiller au maintien de l’intérêt public[14].
- En l’espèce, en vertu de l’Accord, les intimés consentent au dépôt de toutes les pièces alléguées au soutien de l’Acte introductif, sans autre formalité. Ils admettent également avoir commis les manquements contenus dans l’Accord.
- Le Cabinet est une société inscrite auprès de l’Autorité à titre de cabinet dans les catégories de l’assurance de personnes et l’assurance collective de personnes depuis au moins le 11 avril 2014[15].
- Simon Neveu est le deuxième actionnaire du cabinet et en est le dirigeant responsable[16]. Il est titulaire d’un certificat émis par l’Autorité dans les catégories de l’assurance de personnes et l’assurance collective et il est rattaché au Cabinet[17].
- À la suite d’une inspection en 2017 du Cabinet où des engagements sont pris, l’Autorité procède à une inspection de suivi en 2022. Lors de cette inspection de suivi, plusieurs manquements, dont plusieurs sont récurrents, sont constatés par l’Autorité. Simon Neveu, agissant comme dirigeant responsable, s’engage à les corriger. Compte tenu de la récurrence et de l’importance des manquements, une seconde inspection de suivi du Cabinet a débuté le 2 février 2023. L’Autorité dresse un rapport de suivi le 14 septembre 2023 où elle soulève moins de manquements. Toutefois cinq manquements sont observés dont quatre sont récurrents. À la lumière de cette situation, l’Autorité dépose au Tribunal l’Acte introductif qui fait référence à divers manquements à la LDPSF et au Règlement sur l’exercice et au Règlement sur le cabinet qui auraient été commis par les intimés.
- Les parties concluent ensuite l’Accord dans lequel les intimés admettent avoir commis les manquements suivants[18] :
- Analyses des besoins financiers (« ABF ») non conformes;
- Tenue de dossiers inadéquate;
- Supervision et contrôle interne inadéquats;
- Procédure de remplacement non de police non respectée; et
- Manuel de politiques et procédures incomplet.
- Simon Neveu admet avoir fait défaut d’assumer adéquatement son rôle de dirigeant responsable[19].
- De plus, les intimés reconnaissent avoir manqué à des engagements souscrits auprès de l’Autorité[20].
- Selon ce qui précède, l’Accord permet d’établir que les intimés ont commis des manquements à la LDPSF ainsi qu’au Règlement sur l’exercice et au Règlement sur le cabinet.
- Il convient maintenant d’analyser les Mesures administratives suggérées par les parties. Le Tribunal prend notamment en considération le fait que les intimés admettent les manquements qui leur sont reprochés[21] et qu’ils reconnaissent avoir manqués à des engagements souscrits auprès de l’Autorité[22]. L’Accord découle de négociations entreprises entre leurs avocats respectifs. Les intimés en comprennent la portée et s’en déclarent satisfaits[23].
- Les parties soutiennent que les Mesures administratives reflètent les facteurs aggravants et atténuants habituellement pris en considération par le Tribunal[24]. Ces mesures tiennent notamment compte de la gravité des manquements commis par les intimés face au public et aux clients du Cabinet ainsi que la récurrence de certains manquements, dont le non-respect des engagements souscrits auprès de l’Autorité. Les Mesures administratives tiennent également compte de la bonne collaboration des intimés pour conclure un accord avec l’Autorité, de leur volonté de s’amender et du fait que le Cabinet s’engage à mettre en place des mesures de contrôle et de surveillance. La procureure de l’Autorité est confiante que la situation sera corrigée dans l’avenir.
- De plus, le Cabinet s’engage volontairement à changer son dirigeant responsable.
- L’Autorité réfère finalement le Tribunal à certaines décisions rendues par celui-ci[25] et elle affirme que les Mesures administratives suggérées respectent les précédents en la matière.
- Le Tribunal rappelle que la LDPSF et ses règlements visent principalement à assurer la protection du public[26]. De plus, pour maintenir la confiance du public envers l’industrie de l’assurance, il s’avère essentiel que ses participants respectent les devoirs et obligations qui découlent de la législation applicable[27].
- Dans l’atteinte de ces objectifs, le Tribunal peut exercer certains pouvoirs, dont ceux nécessaires à la mise en œuvre des Mesures administratives proposées par les parties[28]. Comme mentionné précédemment, le pouvoir d’intervention du Tribunal s’exerce en fonction de l’intérêt public et cette intervention est de nature protectrice et préventive[29]. Le Tribunal peut aussi tenir compte de la dissuasion générale et spécifique dans l’exercice de ce pouvoir[30].
- Selon le Tribunal, les Mesures administratives suggérées par les parties sont raisonnables, car elles permettent d’atteindre les objectifs de la législation applicable, soit la protection du public et le maintien de la confiance du public dans l’industrie de l’assurance.
- En effet, les circonstances de la présente affaire justifient notamment :
- L’imposition de pénalités administratives de 38 000 $ et 20 000 $ respectivement au Cabinet et à Simon Neveu;
- L’interdiction pour Simon Neveu d’agir à titre de dirigeant responsable pour une période de trois ans, ainsi que l’assortiment de conditions à son certificat;
- L’engagement du Cabinet de procéder au changement de son dirigeant responsable et
- L’engagement du le Cabinet de mettre en place des mesures de contrôle et de surveillance.
- Les Mesures administratives reflètent les facteurs aggravants et atténuants habituellement pris en considération par le Tribunal[31]. Ces mesures sont aussi dissuasives, car elles ont pour effet de prévenir que les intimés commettent à nouveau les manquements précités et elles visent à décourager ou à empêcher toute personne susceptible de se retrouver dans une situation similaire[32].
- Le Tribunal conclut donc que l’Accord est conforme à la loi permettant ainsi de l’entériner dans l’intérêt public et de mettre en œuvre les Mesures administratives qui y sont consignées.
POUR CES MOTIFS, le Tribunal administratif des marchés financiers, en vertu des articles 93, 94 et 97 al. 2 (6o) de la Loi sur l’encadrement du secteur financier ainsi que des articles 115, 115.1 et 115.9 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers :
ENTÉRINE l’accord intervenu entre l’Autorité des marchés financiers et les intimés Assurances Robillard & Associés inc. et Simon Neveu, PREND ACTE des engagements qu’il contient, le REND exécutoire et ORDONNE aux parties de s’y conformer;
Les Assurances Robillard & Associés inc.
IMPOSE aux Assurances Robillard & Associés inc. une pénalité administrative de dix mille dollars (10 000 $) payable selon les modalités prévues à l’accord, pour avoir manqué aux engagements souscrits les 6 juin 2018 et 22 septembre 2022 auprès de l’Autorité des marchés financiers;
IMPOSE aux Assurances Robillard & Associés inc. une pénalité administrative de vingt-huit mille dollars (28 000 $) payable selon les modalités prévues à l’accord, pour l’ensemble des manquements constatés;
PREND ACTE de l’engagement de Assurances Robillard & Associés inc. à procéder volontairement au changement du dirigeant responsable en remplacement de Simon Neveu dans les quarante-cinq (45) jours de la présente décision, étant entendu que ce ne puisse être Michel Robillard, considérant l’ensemble des manquements soulevés alors qu’il était dirigeant responsable, et étant entendu que le nouveau dirigeant responsable devra être soumis à l’approbation de l’Autorité des marchés financiers et approuvé par cette dernière 15 jours avant le changement effectif du dirigeant responsable considérant notamment ses compétences, son expérience et sa capacité à remplir cette fonction en toute indépendance;
PREND ACTE de l’engagement de Assurances Robillard & Associés inc. à transmettre, à la personne qui envisage d'accepter le rôle de dirigeant responsable, copie de la présente décision, du rapport d’inspection ainsi que de l’acte introductif et de transmettre à l’Autorité des marchés financiers une confirmation écrite à l’effet que cette personne a pris connaissance de ces documents et a été informée des obligations qui en découlent, cette confirmation devant être transmise à l’Autorité des marchés financiers avant le changement effectif du dirigeant responsable;
PREND ACTE de l’engagement de Assurances Robillard & Associés inc. à procéder à la mise en place de mesures de contrôle et de surveillance afin d’assurer que le cabinet, son dirigeant responsable, ses représentants et ses employés respectent la Loi sur la distribution de produits et services financiers et ses règlements, ainsi que de corriger les manquements soulevés aux rapports des inspections 2017, 2022 et 2023;
Simon Neveu
IMPOSE à Simon Neveu une pénalité de quinze mille dollars (15 000 $) payable selon les modalités prévues à l’accord, pour avoir fait défaut de s’acquitter de ses obligations à titre de dirigeant responsable et pour l’ensemble des manquements constatés;
IMPOSE à Simon Neveu une pénalité administrative de cinq mille dollars (5 000$), payable selon les modalités prévues à l’accord, pour avoir manqué à l’engagement souscrit le 22 septembre 2022 auprès de l’Autorité des marchés financiers;
INTERDIT à Simon Neveu d’agir, directement ou indirectement, à titre de dirigeant responsable d’Assurances Robillard & Associés inc. ou de tout autre cabinet, et ce, pour une période de trois (3) ans à compter de la date de la nomination du nouveau dirigeant responsable ou au plus tard quarante-cinq (45) jours de la présente décision, selon la date la plus rapprochée;
ASSORTIT le certificat portant le numéro 124998 au nom de Simon Neveu des conditions suivantes :
- Le représentant doit être rattaché à un cabinet dont il n’est pas le dirigeant responsable pour une période de trois (3) ans alors qu’il a un droit d’exercice valide;
- Le représentant ne peut agir à titre de superviseur ou de maître de stage pour une période de trois (3) ans;
- Le représentant doit, dans les 90 jours de la présente décision, compléter et réussir trois formations pertinentes à déterminer conjointement avec l’Autorité des marchés financiers, lesquelles ne pourront être comptabilisées dans le calcul des unités de formation continue obligatoire à être complétées par ce dernier;
ORDONNE à Simon Neveu de transmettre à l’Autorité des marchés financiers, dans les 30 jours de la réussite des formations mentionnées ci-haut, une preuve de réussite de ces formations.
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| | __________________________________ Christine Dubé Juge administrative | |
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Me Suzie Cloutier Me Édouard Plante Gagnon |
(Contentieux de l’Autorité des marchés financiers) |
Pour l’Autorité des marchés financiers |
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Me Karine Bourassa (Tassé Bertrand Barabé avocats inc.) |
Pour Assurances Robillard & Associés inc. et Simon Neveu |
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Date d’audience : | 7 juillet 2025 |














[1] Une copie de l’accord est jointe à la présente décision.
[3] RLRQ, c. D-9.2, r. 10.
[4] RLRQ, c. D-9.2, r. 2.
[5] Loi sur l’encadrement du secteur financier, RLRQ, c. E-6.1, art. 93 et 94; LDPSF, art. 115 et 115.1.
[7] LESF, art. 97 al. 2 (6o).
[8] LESF, art. 93 al. 2; Sharp c. Autorité des marchés financiers, 2023 CSC 29, par. 14.
[9] Autorité des marchés financiers c. Moreau, 2021 QCTMF 51.
[10] Autorité des marchés financiers c. Unissa Assurances inc., 2019 QCTMF 42, par. 60.
[11] LESF, art. 93 al. 1.
[12] Autorité des marchés financiers c. Moreau, 2021 QCTMF 51, par. 36.
[13] Autorité des marchés financiers c. Moreau, 2021 QCTMF 51, par. 28, 31, 32 et 36.
[24] Autorité des marchés financiers c. Demers, 2006 QCBDRVM 17.
[25] Autorité des marchés financiers c. Services financiers Wesley inc., 2023 QCTMF 90; Autorité des marchés financiers c. Infinitum Succession et Patrimoine inc., 2023 QCTMF 2 et Autorité des marchés financiers c. Jacques Beaudoin inc., 2022 QCTMF 43.
[26] La Souveraine, Compagnie d’assurance générale c. Autorité des marchés financiers, 2013 CSC 63, par. 32 et Marston c. Autorité des marchés financiers, 2009 QCCA 2178, par. 52.
[27] La Souveraine, Compagnie d’assurance générale c. Autorité des marchés financiers, 2013 CSC 63, par. 49.
[28] LESF, art. 93 et 94; LDPSF, art. 115 et 115.1.
[29] Comité pour le traitement égal des actionnaires minoritaires de la Société Asbestos Ltée c. Ontario (Commission des valeurs mobilières), 2001 CSC 37 et Sharp c. Autorité des marchés financiers, 2023 CSC 29, par. 84.
[30] Cartaway Resources Corp. (Re), 2004 CSC 26.
[31] Autorité des marchés financiers c. Demers, 2006 QCBDRVM 17.
[32] Cartaway Resources Corp. (Re), 2004 CSC 26, par. 60 et Autorité des marchés financiers c. Moreau, 2021 QCTMF 51, par. 72.