Décision

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JA0593

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

 

N° :

200-17-003269-032

 

 

 

DATE :

 11 AVRIL 2005

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

YVES ALAIN, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

SOPHIE CHIASSON

Demanderesse

c.

JEAN-FRANÇOIS FILLION

Et

GENEX COMMUNICATIONS INC.(CHOI-FM)

Et

PATRICE DEMERS

Et

DENIS GRAVEL

Et

YVES LANDRY

Et

MARIE SAINT-LAURENT

Défendeurs

 

Et

CÔTÉ, TASCHEREAU, SAMSON, DEMERS, S.E.N.C.

Mise en cause

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT SUR REQUÊTE INTRODUCTIVE D'INSTANCE EN DOMMAGES ET INTÉRÊTS POUR ATTEINTE À LA RÉPUTATION ET À LA VIE PRIVÉE

______________________________________________________________________

 

[1]                Sophie Chiasson poursuit solidairement en dommages et intérêts les animateurs de l'émission radiophonique «Le monde Parallèle», GENEX COMMUNICATIONS INC. (GENEX) propriétaire de la station radiophonique CHOI-FM de même que  son principal actionnaire et administrateur Patrice Demers pour des propos diffamatoires tenus à son endroit principalement lors des émissions des 10 septembre et 8 octobre 2002.     Certains de ces propos ont été repris après l'institution des procédures et durant l'instance. 

[2]                Mme Chiasson recherche une condamnation de 200 000 $ des défendeurs à titre de dommages moraux pour atteinte à sa dignité, son honneur, sa réputation,  sa vie privée, son intégrité ainsi qu'à des  dommages exemplaires de  450 000 $ pour les propos diffamatoires et injurieux  prononcés à son endroit.  Cette dernière réclamation est fondée sur l'atteinte illicite, volontaire et intentionnelle à ses droits garantis par la Charte des droits et libertés de la personne[1], sur les antécédents des défendeurs en cette matière, leur participation active et complice, leur aveuglement volontaire, leur absence d'excuse et de remord malgré la réception d'une mise en demeure.

[3]                Enfin, alléguant une atteinte à ses droits fondamentaux protégés par la Charte et un abus d'ester en justice, elle réclame également le remboursement des frais extra-judiciaires qu'elle devra verser à ses procureurs lesquels s'élèvent en date du 15 mars 2005 à 172 927,10 $. 

[4]                Dans sa requête ré-amendée du 10 mars 2005, elle ajoute une conclusion visant à ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel et à faire déposer le total des sommes auxquelles les défendeurs seront condamnés dans le compte en «fidéicommis» des notaires Côté, Taschereau, Samson, Demers S.E.N.C. pour qu'elles soient gardées jusqu'à ce que le jugement devienne exécutoire.

[5]                Dans leur contestation ré-amendée du 15 février 2005,  les défendeurs admettent que certains propos ont entraîné leur responsabilité civile notamment les injures ayant été susceptibles de porter atteinte à la dignité,  l'honneur et l'intégrité de Mme Chiasson.  Ils reconnaissent leur faute à cet égard bien qu'elle ne soit ni intentionnelle ni malicieuse.   Elle résulte de propos prononcés dans le feu de l'action et dans le contexte des faits mentionnés à la contestation.  Ils consignent donc des offres réelles conditionnelles de 30 000 $ simultanément au dépôt de leur contestation ré-amendée et demandent au Tribunal de considérer et déclarer qu'elles sont valables, suffisantes et libératoires.

[6]                Ils nient que Mme Chiasson ait droit à des dommages punitifs ou exemplaires puisque d'une part, les paroles prononcées ne donnent pas ouverture à une telle condamnation et que d'autre part, Mme Chiasson n'a subi aucun dommage à sa réputation.  De plus, elle n'a pas pris les précautions pour en empêcher la diffusion.   Enfin, la décision du CRTC 2004 -271 du 13 juillet 2004 qui refuse de renouveler la licence de CHOI-FM comporte une punition et un caractère dissuasif importants et ce, peu importe quelle sera l'issue des procédures d'appel qui sont présentement  pendantes devant la Cour d'appel fédérale. 

[7]                L'actionnaire principal et seul administrateur de GENEX, propriétaire de CHOI-FM nie tout lien de droit avec Mme Chiasson.  Il  plaide qu'il ne peut être condamné à lui verser quelque montant que ce soit tant à titre de dommages moraux, punitifs ou frais extra-judiciaires.

1.  LES PARTIES

 

[8]                Sophie Chiasson est depuis 1999 présentatrice météo à la télévision au réseau «Météo-Média».  Au moment de l'institution des procédures, elle anime également l'émission «Au-delà de la médecine» présentée sur le réseau de télévision « Canal-Vie » ainsi qu’une chronique beauté pour le compte des pharmacies Uniprix à l’émission « Deux filles le matin » diffusée sur les ondes de TVA.

[9]                Elle est également recherchiste à l'émission « Évangélisation 2000 » diffusée sur les ondes de TVA en plus d’être comédienne dans des publicités présentées à la télévision.

[10]            Jean-François Fillion est un animateur vedette de la station radiophonique CHOI-FM de Québec,  animant à chaque jour de la semaine entre 6 h 20 et 10 h 15 une émission intitulée « Le monde parallèle ».

[11]            Yves Landry, Denis Gravel, et Marie Saint-Laurent, co-animent cette émission.

[12]             GENEX est propriétaire de la station radiophonique CHOI-FM qui sous licence diffuse dans la ville de Québec et sa banlieue.  L'antenne émettrice couvre un rayon d'au-delà de 70 kilomètres.

[13]            Patrice Demers est administrateur de GENEX dont il est le président et le principal actionnaire.

2.  LES FAITS

[14]            Sophie Chiasson est originaire de Québec.  Elle y poursuit ses études primaires et secondaires.

[15]            En 1994[2], elle obtient un diplôme d'études collégiales du CÉGEP du Vieux-Montréal et en 1998[3] un Baccalauréat en communication publique de l'Université Laval.   On  constate que durant ses études universitaires sa moyenne cumulative est de 3,37/4,33. Après l'obtention de son baccalauréat elle envisage la possibilité d'entreprendre des études de Maîtrise. 

[16]            À cette même époque, elle communique avec M. Christian Lavoie, directeur du Collège de Radio-Télévision de Québec (CRTQ).  Elle le rencontre et mentionne qu'elle est intéressée à entreprendre des études en radio-télévision.  M.  Lavoie la convoque pour effectuer un «screen test» afin de vérifier son intérêt et son sérieux.  Le CRTQ est  une école de niveau collégial et comme Mme Chiasson détient un diplôme universitaire, M. Lavoie lui indique que le cours qu'il prodigue s'adresse à des étudiants de niveau collégial et la réfère à Mme Louise Lagacé, responsable d'une station de télévision communautaire (CCAP-TV) située en banlieue de Québec.

[17]            Mme Chiasson y travaille pendant un (1) an où elle anime une chronique hebdomadaire dont le titre est «Le babillard».  Il s'agit d'un travail bénévole.  Durant la même période, elle travaille aussi pour un magazine «Autrement dit» qui s'adresse aux personnes analphabètes.

[18]            Elle renonce alors à l'idée d'entreprendre des études de Maîtrise.

[19]            Désirant améliorer la modulation et le tonus de sa voix, elle communique avec Mme Renée Hudon auprès de qui elle suit des cours à raison de trois (3) heures par semaine pendant trois (3) mois.

[20]            À la suggestion de certaines personnes de son entourage, elle prépare une cassette-vidéo qui contient ses meilleures moments à la télévision communautaire et ce dans le but de les faire parvenir à titre de «démo» à différentes stations de télévision.  Mme Lagacé lui suggère de faire parvenir copie de cette cassette à Mme Suzanne O'Rourqueà Télé-Capitale, à la station « Météo-Média » et à une compagnie de productions (SMP) située à Montréal.

[21]            En 1999, elle déménage à Montréal et collabore à la parution du magazine «Luxuria».

[22]            Dans le courant de l'année 1999, elle reçoit un appel téléphonique d'un représentant de la station de télévision « Météo-Média » qui lui demande si elle est disponible pour effectuer un «screen test».  Cet essai est concluant.  Elle devient présentatrice de météo à la télévision sur le réseau « Météo-Média » dans le courant de l'année 1999.  Elle doit alors s'astreindre à une formation comportant deux (2) volets soit : formation météo, formation télé.  Elle se familiarise avec la façon de se déplacer dans le studio de «Météo-Média», apprivoise les différents équipements télévisuels qu'elle doit utiliser, s'acclimate avec le langage particulier utilisé en météorologie, les phénomènes atmosphériques et la gestuelle particulière pour décrire à l'écran les cartes montrant les zones atmosphériques.

[23]            Au début, sa plage horaire se situe très tôt le matin.  Elle occupe des heures d'antenne qui coïncident avec celles de la diffusion de l'émission «Le monde parallèle» transmise sur les ondes de CHOI-FM entre 6 h 20 et  10  h 15 le matin.

[24]            Dès 1999, Jean-François Fillion et les co-animateurs de l'émission «Le monde parallèle» commencent à s'intéresser à elle.  Possédant en studio un téléviseur qui leur permet de syntoniser un grand nombre de chaînes et de suivre les émissions du matin qui concernent l'actualité, la météo ou autres, M. Fillion et les membres de son équipe font certains commentaires au sujet de Mme Chiasson.

[25]            Au début les commentaires sont plutôt flatteurs.  M. Fillion mentionne qu'il apprécie cette nouvelle présence à « Météo-Média ».  Mme Chiasson «est belle, elle est bonne et son travail est apprécié».  Puis, apprenant qu'elle est originaire de Québec, il demande à ses auditeurs de communiquer avec lui pour lui fournir des détails relativement à cette nouvelle présentatrice de météo.  C'est alors qu'il commence à tenir des propos blessants à l'égard de Mme Chiasson.  Il fait des remarques relativement à ses attributs physiques dont particulièrement «les seins» qu'il trouve énormes et réfère à certains éléments de sa vie privée dont le fait qu'elle fréquente ou co-habite avec une personne plus âgée qu'elle et qu'à une certaine époque de sa vie, alors qu'elle était étudiante, «elle aimait faire la fête».

[26]            Des amies de Mme Chiasson contactent alors M. Fillion et l'avisent que le portrait qu'il dépeint de la présentatrice météo ne correspond pas à la réalité. Même si Mme Chiasson a pu, à une certaine époque, faire la fête, elle s'est assagie depuis le début de sa carrière télévisuelle et elle a maintenant une vie rangée tout en participant à des activités sociales reliées à son travail.

[27]            Malgré le fait que M. Fillion ou ses co-animateurs ne connaissent pas personnellement Mme Chiasson, ils continuent à faire des commentaires désobligeants à l'égard de sa vie professionnelle ou privée.  Au cours de l'année 2000, M. Fillion fait des allusions au sujet de la manière dont Mme Chiasson peut s'y prendre pour obtenir des contrats.  Ses propos laissent sous-entendre qu'elle fréquente une personne plus âgée et qu'elle a des entrées auprès de producteurs, commanditaires ou stations de télévision.  M. Fillion réfère aussi au fait que lors d'entrevues Mme Chiasson peut dans certains cas, s'agenouiller devant ses interlocuteurs pour leur accorder des faveurs sexuelles.  Il la qualifie alors «d'aspirateur» ou «d'excellente pour faire des vacuums».

[28]            Outrés d'entendre de tels propos, les parents de Mme Chiasson, Alcide Chiasson et Christiane Giroux-Chiasson, communiquent avec leur fille pour lui demander des explications et s'enquérir si les affirmations de M. Fillion ont un fondement.  Sophie Chiasson rassure ses parents.  Son père lui demande de prendre les dispositions nécessaires pour que cessent ces propos qui affectent sa bonne réputation.  Sophie Chiasson semble démunie face à cette demande et ne sait pas quel moyen prendre.

[29]            Vers la fin de l'an 2000, Sophie Chiasson reçoit un appel téléphonique d'une personne s'identifiant comme une employée de CHOI-FM.  Cette personne lui propose une entrevue téléphonique avec M. Fillion, ce qu'elle refuse par crainte d'être enregistrée et de ne pas avoir le contrôle de la situation.  Elle demande à parler à M. Fillion qui lui propose de se déplacer à Québec pour lui accorder une entrevue en ondes au cours de l'émission «Le monde parallèle».

[30]            Elle accepte cette proposition.  Mme Chiasson veut montrer à M. Fillion qui elle est physiquement, intellectuellement et académiquement.  Elle désire que M. Fillion cesse de colporter des faussetés à son sujet.

[31]            L'entrevue a lieu le 23 janvier 2001 et est diffusée vers 7 heures du matin. Il s'agit d'une entrevue amicale où Mme Chiasson se montre directive, ferme, ouverte et limite les sujets discutés. L'enregistrement de cette émission de même que la transcription sont produits au dossier de la Cour sous la cote P-87.  On constate en début d'entrevue que Mme Chiasson a effectivement l'intention de mettre certaines choses au clair : 

«JEAN-FRANÇOIS FILLION (animateur) :

Bonjour Sophie Chiasson.

SOPHIE CHIASSON (Lectrice météo) :

Hello!

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

Ça va bien?

SOPHIE CHIASSON :

Ouais.

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

T'es habitué de te lever de bonne heure?

SOPHIE CHIASSON :

Oui…

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

Hum.

SOPHIE CHIASSON :

… mais pas depuis deux semaines.  Mais avant de parler, connais-tu l'histoire du gars de Québec, de la radio, qui parle de la fille de la météo à Montréal?

YVES LANDRY  (Commentateur) :

(Rires).

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

Ouais.

SOPHIE CHIASSON :

Puis elle est ici ce matin.

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

Ben oui, c'est moi, ça.

SOPHIE CHIASSON :

Comment ça va finir, ça?

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

Je ne le sais pas.  Ça va bien finir.

SOPHIE CHIASSON :

OK, j'espère.  (Rires).

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

Ça va bien finir au bout.  Une fille…  belle fille, avec de la «drive».  Tu es vraiment belle.

SOPHIE CHIASSON :

Merci.

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

T'es encore plus belle qu'à la TV.[4]

(Notre soulignement)

 

[32]            En cours d'entrevue, M. Fillion aborde la façon de traiter la météo au Québec. Mme Chiasson précise comment et avec qui elle travaille à « Météo-Média »[5].

[33]            Plus tard, au cours de l'émission, intervient un échange franc entre M. Fillion et Mme Chiasson concernant les insinuations à des faveurs sexuelles qu'elle aurait pu accorder pour obtenir du travail[6] .

[34]            Il est possible que l'enregistrement contenu sur la cassette P-87 et la transcription soient incomplets mais il est clair que les échanges au cours desquels interviennent les animateurs et Mme Chiasson se font sur un ton respectueux tout en étant franc et direct.  Il en est autrement des portions d'émission contenues sur la cassette P-87 qui ne concernent pas Mme Chiasson et où le langage est nettement différent[7].

[35]            Après l'émission du 23 janvier 2001, Mme Chiasson rencontre M. Fillion dans son bureau afin de lui remettre son curriculum vitae et lui faire part de son intérêt à effectuer une participation hebdomadaire sur un sujet concernant la communauté artistique de la Métropole.

[36]            Malgré le fait que ce soit la seule fois que Jean-François Fillion et les co-animateurs du «Monde parallèle» rencontrent Mme Chiasson et que l'entrevue se déroule bien, les animateurs continuent à propager en ondes des propos blessants pouvant affecter la réputation, la dignité et  la vie privée de Mme Chiasson.

[37]            Suite à des interventions des membres de sa famille immédiate, Mme Chiasson décide en avril ou mai 2001 de venir rencontrer «par surprise» M. Fillion afin de lui faire part de son mécontentement au sujet des attaques personnelles.

[38]            Elle se rend donc en voiture dans le stationnement de la station CHOI-FM, attend la fin de l'émission et entre rapidement à l'intérieur pour tenter de rencontrer M. Fillion.  Elle s'adresse à la réceptionniste qui lui mentionne qu'elle va s'informer si M. Fillion est en mesure de la recevoir.  Arrive le co-animateur Yves Landry qui la salue et lui demande la raison de sa visite.  Il communique alors avec Jean-François Fillion qui refuse de rencontrer Mme Chiasson.  Il  demande à M. Landry de lui faire le message qu'il a dû quitter rapidement pour assister à un tournoi de golf.  M. Fillion prend alors les mesures nécessaires pour quitter la bâtisse le plus rapidement possible en empruntant un couloir menant à une porte de sortie sans avoir à croiser Mme Chiasson.  Cette dernière se voit alors contrainte de quitter sans pouvoir faire ses commentaires à M. Fillion.

[39]            Entre janvier 2001 et juillet 2002, il arrive à l'occasion que Jean-François Fillion et ses co-animateurs prononcent des propos parfois flatteurs et parfois blessants à l'égard de Mme Chiasson.

[40]            Le 16 juillet 2002, le Conseil de la Radiotélédiffusion et des Télécommunications Canadiennes (CRTC) renouvelle  la licence de CHOI-FM Québec pour une période de 24 mois, soit du 1er septembre 2002 au 31 août 2004, aux conditions stipulées à l'annexe I de la décision incluant  le respect, par condition de licence, d'un Code de déontologie qui se trouve à l'annexe II[8] de la même décision[9].

[41]            La conclusion de la décision CRTC 2002-189 est la suivante :

«Le Conseil est grandement préoccupé par les nombreuses infractions de la titulaire aux dispositions du Règlement sur la radio et à la condition de licence portant sur les stéréotypes sexuels constatées au cours de la dernière période d’application de la licence de CHOI-FM, et que Genex a admises pour la plupart au cours de l’audience. Le Conseil éprouve également des sérieuses réserves relativement aux manquements flagrants à l’objectif de haute qualité de la programmation constatés dans les propos tenus sur les ondes de CHOI-FM et que la titulaire a également reconnus pour une bonne part au cours de l’audience.

Par conséquent, le Conseil renouvelle la licence de CHOI-FM pour une période de 24 mois, soit du 1er septembre 2002 au 31 août 2004, aux conditions stipulées à l’annexe I de la présente décision et dans Nouveau formulaire de licence pour les stations de radio commerciales, avis public CRTC 1999-137, 24 août 1999. Durant cette période, le Conseil surveillera de près le respect par la titulaire de ses obligations.

Tel que mentionné précédemment, le Conseil avait indiqué dans l’avis d’audience publique CRTC 2001-14 qu’il s’attendait à ce que Genex lui démontre les raisons pour lesquelles une ordonnance ne devrait pas être émise afin de l’obliger à se conformer aux dispositions du Règlement sur la radio. Le Conseil a tenu compte des explications et des mesures correctives proposées par la titulaire, dont entre autres le Guide déontologique et le Comité aviseur. Le Conseil est d’avis qu’à l’audience, Genex a démontré son intention de se conformer à l’avenir à ses obligations et il est donc convaincu qu’il n’est pas nécessaire d’émettre une ordonnance à ce moment-ci.

Par ailleurs, s’il estime à l’avenir que Genex a contrevenu de nouveau au Règlement sur la radio ou à l’une des conditions rattachées à la licence de CHOI-FM, dont notamment le respect du Code de déontologie qui se trouve à l’annexe II de cette décision, le Conseil pourrait la convoquer à une audience publique afin qu’elle justifie les raisons pour lesquelles il ne devrait pas émettre une telle ordonnance ou recourir aux mesures d’exécution à sa disposition, dont la suspension ou la révocation de la licence.

Le Conseil a pris en considération toutes les interventions reçues dans le cadre de la présente instance».

L'annexe I de cette décision contient notamment les dispositions suivantes :

            (…)

2. La titulaire doit respecter le Code de déontologie de CHOI-FM qui se trouve à l’annexe II de la présente décision.

3. La titulaire doit constituer et maintenir en fonction un Comité aviseur dont le mandat, la structure de fonctionnement et la composition devront être approuvés par le Conseil.

(…)

7. La titulaire doit conserver les rubans-témoins de la programmation diffusée par CHOI-FM durant une période d’au moins 90 jours à compter de la date de la radiodiffusion.

Et le code de déontologie produit en annexe II de celle-ci prévoit :

            (…)

3. Genex reconnaît que toute personne a droit au respect de sa vie privée. Si ce droit venait en conflit avec le droit du public à l’information, le droit à l’information sera privilégié lorsqu’il s’agit d’une personnalité publique, ou qui exerce une fonction publique et que des éléments de sa vie privée sont utiles à une meilleure compréhension de l’exercice de cette responsabilité, ou du comportement de cette personne. Le droit à l’information sera privilégié lorsqu’une personne donne elle-même à sa vie privée une dimension publique ou que des faits privés se déroulent dans un endroit public.

(…)

6. De la même façon, un animateur ou un journaliste ne devrait pas utiliser les ondes pour diriger des attaques personnelles ou obtenir quelque faveur personnelle que ce soit.

(…)

16. Les animateurs et journalistes devront démontrer un respect de l’intégrité et de la véracité de l’information qu’ils diffusent et devront procéder à une vérification raisonnable des faits avant leur diffusion.

(…)

18. L’utilisation de propos grossiers ou vulgaires n’ont pas leur place dans la programmation.

[42]            Au cours des émissions des 10 septembre et 8 octobre 2002, des propos prononcés à l'égard de Mme Chiasson sur les ondes de CHOI-FM la blessent profondément.  Elle décide alors d'instituer des procédures judiciaires en dommages et intérêts pour atteinte à la réputation et à la vie privée.

[43]            Le Tribunal se doit de reproduire en annexe au présent jugement des extraits de propos introduits en preuve par l'audition des cassettes P-1 et P-2  et des transcriptions P-1A et P-2A[10].

[44]            Le 10 octobre 2002, les procureurs de Mme Chiasson font signifier par huissier une mise en demeure à tous les défendeurs[11].  Ils demandent aux animateurs de l'émission «Le monde parallèle» de cesser de tenir en ondes à l'endroit de Mme Chiasson des propos grossiers, sexistes et diffamatoires et de s'abstenir de se moquer d'elle notamment en ce qui concerne ses attributs physiques.  Ils demandent à GENEX et à Patrice Demers de prendre les dispositions nécessaires pour faire respecter la mise en garde faite aux animateurs.  Ils réclament également de tous les défendeurs le paiement d'une indemnité de 550 000 $ pour atteinte à la réputation, pour perte de temps, pour troubles et inconvénients subis, l'humiliation, les souffrances, le mépris, l'embarras et le ridicule vécus à la suite de la diffusion des propos diffamatoires en ondes ainsi que pour dommages exemplaires et remboursement de frais extra-judiciaires.  Ils accordent un délai de cinq (5) jours pour donner suite à la mise en demeure, à défaut de quoi, les procédures judiciaires appropriées seront intentées.  Ils avisent également les défendeurs «qu'une plainte sera formellement transmise au CRTC relativement à cette affaire».

[45]            Le même jour ou le lendemain, les animateurs de l'émission «Le monde parallèle» ainsi que Patrice Demers se rencontrent pour discuter de la mise en demeure.

[46]            Jean-François Fillion, en présence de Patrice Demers, décide alors de communiquer avec Sophie Chiasson pour tenter de s'expliquer.  Selon M. Fillion cette conversation téléphonique a pour but d'essayer de prendre entente et de régler le différend pouvant opposer les défendeurs à Mme Chiasson.  Cette dernière a une version très différente de la teneur de la conversation téléphonique.  Elle mentionne que M. Fillion l'appelle sur son téléphone cellulaire vers 11 heures du matin alors qu'elle est à bord de sa voiture dans le stationnement d'un centre de conditionnement physique.  M. Fillion lui demande «c'est quoi toutes ces affaires-là?».  Par la suite, il lui mentionne qu'elle n'ira nulle part avec ça et que ce sont «des niaiseries».  Mme Chiasson indique qu'elle coupe court à la conversation et fait part à M. Fillion qu'à l'avenir les parties devront se parler par l'intermédiaire d'avocats, de procédures et qu'à moins d'un règlement, ils se reverront devant le Tribunal.

[47]            Les procureurs de Mme Chiasson introduisent les présentes procédures le 15 avril 2003.  Ils réclament solidairement des défendeurs  425 000 $ à titre de dommages moraux, punitifs et frais extra-judiciaires.

[48]            Le 13 juillet 2004, le CRTC rend la décision 2004-271 par laquelle il refuse la demande présentée par GENEX en vue de renouveler la licence de radiodiffusion de la station de radio commerciale de langue française CHOI-FM Québec, notamment pour les motifs suivants :

(…)  Les plaintes allèguent que la conduite des animateurs en ondes a entraîné la diffusion d’attaques personnelles et la tenue de propos offensants, vulgaires, blasphématoires, malicieux, mensongers, discriminatoires et portant au ridicule des individus.

(…)

 

Plainte de Mme Sophie Chiasson du 28 mai 2003

61.  La plaignante est animatrice à la télévision, à l’antenne du réseau de télévision TVA, et chez MétéoMédia et Canal Vie, deux services spécialisés de télévision. Dans sa plainte, elle a allégué que de nombreuses attaques personnelles la visant ont été tenues en ondes lors de l’émission matinale de la titulaire le 10 septembre 2002 et le 8 octobre 2002. À la suite de l’écoute des enregistrements contenant des propos tenus les 10 et 27septembre et le 8 octobre 2002, et à la lecture des notes sténographiques, le Conseil a relevé plusieurs propos à l’endroit de la plaignante reliés à ses attributs physiques, et plus particulièrement sexuels. On fait référence à plusieurs reprises à la grosseur de ses seins, à sa « méchante paire de boules »; et on suggère que « la grosseur du cerveau n’est pas directement proportionnelle à la grosseur de la brassière » et que « dans ce cas-ci c’est peut-être inversement proportionnel, effectivement ». Les participants se sont même questionnés quant à la texture des seins de la plaignante et à savoir si on a « parlé au tâteux » et si « ça défie la gravité ». Selon l’animateur, « tout est dans les seins » et cette paire de seins-là « fait la job sur Alexandre Daigle », ce qui expliquerait pourquoi l’animateur a dit que ce dernier aurait quitté Sheryl Crow pour la plaignante.

62. Les participants ont également traité la plaignante de « experte de la menterie », « chatte en chaleurs », « sangsue après Alexandre Daigle » et mentionné que « une cruche vide, ça a ben beau avoir des gros seins pis une tite taille pis un tit cul, ça ne fait rien », qu’ « il y a plusieurs malades chroniques à Météo-Média », que « des filles qui ont de l’allure pis qui paraissent ben, c’est toujours des connes », et « qu’un imbécile est capable de faire la météo ». Ils ont également mentionné que la plaignante « a fait le tour » et que « c’est en coulisse que ça se passe » et tenu plusieurs propos qui laissent croire qu’elle entretient des relations amoureuses et même sexuelles afin d’obtenir des contrats d’animatrice d’émissions de télévision.

63. En réponse, la titulaire a allégué qu’il s’agissait d’une parenthèse faite dans le cadre d’une émission de « showbizz » qui est toujours faite sous le sceau de l’humour et que le tout était fait sur un ton humoristique et imagé et qu’en ce sens, il ne s’agissait pas d’attaques personnelles. Selon la titulaire, il est permis de critiquer le corps et la présentation d’une présentatrice météo dans le contexte d’un débat public car c’est quelqu’un qui gagne sa vie de cette façon, d’une manière publique.

64. Le Conseil est d’avis que CHOI-FM a délibérément ridiculisé et insulté la plaignante, en diffusant plusieurs propos offensants sur ses attributs physiques sexuels et en prétendant qu’elle est populaire seulement à cause d’eux et qu’elle est autrement dépourvue de talent et d’intelligence. Ces propos ont été diffusés pendant plusieurs minutes, à plusieurs reprises. Ils visaient clairement à dénigrer et à rabaisser la plaignante aux yeux du public.

65. Le Conseil considère que les propos diffusés au sujet de Mme Chiasson étaient offensants et risquaient d’exposer la plaignante, et les femmes en général, au mépris pour des motifs fondés sur le sexe, contrairement à l’article 3b) du Règlement. De plus, l’ensemble de ces propos ne répond pas aux objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion énoncée dans la Loi. L’ensemble des propos n’était pas de la programmation de haute qualité, tel qu’exigé par l’article 3(1)g) de la Loi.

66. Le Conseil considère que de tels propos ne servent pas à sauvegarder, enrichir et renforcer la structure sociale du Canada, ni à refléter la condition et les aspirations des femmes, notamment sur le plan de l’égalité des femmes, tel qu’exigé par l’article 3(1)d)(iii) de la Loi. Le Conseil rappelle que l’égalité des sexes est une valeur visée par l’article 15 de la Charte et il considère qu’une programmation qui mine très substantiellement cette valeur va à l’encontre des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion et n’est pas digne des ondes publiques.

Conformité au Code de déontologie de CHOI-FM

67.  Le Conseil a reconnu plus d’une fois le droit d’une titulaire, par l’entremise de ses animateurs, de critiquer et de remettre en question en ondes les gestes d’individus, d’organismes et d’institutions qui oeuvrent dans la communauté. Toutefois, tel que mentionné, entre autres dans la décision 2002-189, le Conseil considère que le droit de critiquer n’entraîne pas le droit de dénigrer ou de faire preuve d’acharnement indu, ni de se servir des ondes publiques pour proférer des attaques personnelles.

68.  Dans Politique en matière de tribunes téléphoniques, avis public CRTC1998-213, 23 décembre 1988 (l’avis public 1998-213) le Conseil a affirmé ce qui suit :

Pour le Conseil, les attaques personnelles injustifiées contre des particuliers ou des groupes, les reportages non documentés ou inexacts et les comportements non professionnels en ondes sont des exemples d'incapacité de satisfaire à la programmation de haute qualité exigée de chaque titulaire.

69.  Ces principes sont reflétés dans l’article 6 du Code de déontologie de la titulaire imposé en condition de licence dans la décision 2002-189. Cet article prévoit expressément qu’un animateur ou un journaliste ne devrait pas utiliser les ondes pour diriger des attaques personnelles ou obtenir quelque faveur personnelle que ce soit. L’article 17 du Code de déontologie prévoit que les personnalités publiques, les auditeurs et les regroupements formels ou informels ont droit au respect et ne devraient pas être harcelés, ni insultés, ni ridiculisés.

70.  Le Conseil a reçu plusieurs plaintes qui démontrent que les animateurs de la titulaire ont continué à faire preuve d’acharnement indu dans leur utilisation des ondes publiques pour faire des attaques personnelles, harceler, insulter et ridiculiser les gens.  

Plainte de Mme Sophie Chiasson du 28 mai 2003 :

71.  Cette plainte a été examinée plus haut sous le volet de l’article 3b) du Règlement. En plus de cette infraction, le Conseil est d’avis que le traitement de la plaignante en ondes et l’ensemble des propos mentionnés plus haut envers Mme Chiasson ont constitué des attaques envers sa personne. Le Conseil considère ces propos dénigrants et totalement gratuits, notamment ceux liés à ses attributs physiques par rapport à ses capacités intellectuelles. Ils ont servi à ridiculiser et à insulter la plaignante, dans un manque total de respect et dans un esprit d’acharnement à son endroit.

72.  Le Conseil considère que l’ensemble des propos et la conduite notés ci-haut vont à l’encontre des articles 6 et 17 du Code de déontologie de la titulaire.

73.  Le Conseil note que, dans la décision 2002-189, la titulaire a déjà été trouvée en violation de sa condition de licence qui l’oblige à respecter le Code d’application concernant les stéréotypes sexuels à la radio et à la télévision de l’Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR). Bien que la condition de licence qui exige le respect du code est suspendue tant et aussi longtemps que la titulaire en est un membre en règle, le Conseil note que les propos tenus en ondes à l’égard de Mme Chiasson qui enfreignaient l’article 3b) du Règlement et le Code de déontologie de CHOI-FM sont semblables à ceux qui ont entraîné la contravention à sa condition de licence au cours de la période de licence précédente.

(…)

132.  Le Conseil note qu’à peine un mois après la publication de la décision 2002-189, dans laquelle il exprimait de grandes préoccupations et prévenait la titulaire que de nouvelles infractions pourraient entraîner la suspension ou la révocation de sa licence, Genex concluait une entente avec M. André Arthurpour obtenir sa collaboration à l’émission quotidienne du matin de CHOI-FM. Cette décision de M. Demers a fait l’objet d’une discussion sur les ondes de CHOI-FM le 16 août 2002. Invité à expliquer les raisons de son geste, M. Demers a déclaré notamment sur les ondes de CHOI-FM : 

…je pense que les cotes d’écoute qui ont été générées par André Arthur au fil de sa carrière, et celles que CHOI génère, doivent être ce qui compte réellement.

133.  Le Conseil estime que tout ce qui précède remet en question la crédibilité de Genex et de son actionnaire de contrôle, seul administrateur et président directeur général, M. Patrice Demers, à l’égard de la capacité de Genex de comprendre et d’exercer les responsabilités qui lui sont confiées par la Loi à titre de titulaire d’une licence de radiodiffusion. La gravité et la fréquence des infractions relevées, le fait qu’il s’agit de récidive, le comportement de dénégation générale affiché par la titulaire, les mesures dilatoires qu’elle a utilisées dans le traitement des plaintes tout au long de la présente période de licence ont convaincu le Conseil que Genex n’accepte pas ses obligations réglementaires et n’a pas la volonté de s’y conformer.

            (Notre soulignement)

 

[49]            Le 8 septembre 2004, M. Fillion mentionne en ondes que la poursuite de Mme Chiasson constitue «des niaiseries et une tempête dans un verre d'eau» et «qu'il n'a pas de temps à perdre avec ça»[12].

[50]            Après l'introduction des procédures, M. Fillion de même que les co-animateurs de l'émission «Le monde parallèle» se permettent de faire en ondes des commentaires concernant la vie privée de Mme Chiasson. Ils minimisent l'importance des propos tenus à l'égard de celle-ci en septembre et octobre 2002 et réfèrent à la plainte formulée auprès du CRTC ainsi qu'à la diffusion des propos tant dans la décision du CRTC de juillet 2004 que dans les différents journaux, à la radio, à la télévision.

[51]            M. Demers accorde également une entrevue à M. Damien Rousseau du Journal Économique qui publie le 5 février 2004 un article qui fait référence aux relations de Mme Chiasson avec Robert Gillet et au fait que les autorités de la station radiophonique sont au courant «de toutes les allées et venues de Mme Chiasson…»[13]

[52]            Le 17 février 2005, les défendeurs déposent au dossier de la Cour une contestation ré-amendée dans laquelle tous les défendeurs sauf Patrice Demers personnellement font une admission de responsabilité.  Simultanément, ils font des offres réelles et consignent un montant de 30 000 $ au greffe de la Cour supérieure.  Cette procédure contient notamment les allégations suivantes :

97.1 Les défendeurs admettent que certains propos encourent leur responsabilité civile notamment les injures ayant été susceptibles de porter atteinte à la dignité, l’honneur et l’intégrité de la demanderesse ;

97.2          Les défendeurs reconnaissent donc leur faute à cet égard bien que celle-ci ne soit pas intentionnelle ni malicieuse et qu’elle résulte de propos prononcés dans le feu de l’action et dans le contexte précité sans aucune intention de nuire;

(…)

108.1 Tel qu’il appert de l’interrogatoire de la demanderesse, celle-ci n’a subi aucun dommage à sa réputation.  Elle s’est plutôt sentie humiliée par les propos des défendeurs ;

108.2  Cette humiliation est reliée aux injures, insultes et sarcasmes des défendeurs, de même qu’à leur l’humour abrasif, à l’endroit de la demanderesse, le tout ayant fait l’objet d’une admission de responsabilité des défendeurs Fillion, Saint-Laurent, Landry, Gravel et Genex Communications inc. ;

108.3  Dans les circonstances et compte tenu de la jurisprudence en la matière, la somme de trente mille dollars (30 000$), ayant fait l’objet d’une procédure d’offre et consignation par dépôt au greffe de la Cour supérieure, est raisonnable, justifiée et suffisante;

[53]            La procédure amendée reproche à Mme Chiasson de n'avoir rien fait pour mitiger ses dommages, indique qu'elle n'a subi aucun dommage à sa réputation et que toute réclamation de sa part supérieure à 30 000 $ est grossièrement exagérée.

[54]            Pour ce qui est des dommages exemplaires et des frais extra-judiciaires, on indique qu'aucune faute intentionnelle n'a été commise, que la plainte de Mme Chiasson auprès du CRTC menant à la décision CRTC 2004-271[14], constitue une punition ayant un caractère dissuasif important et que les conditions d'ouverture au paiement de frais extra-judiciaires sont absentes dans le présent dossier.  Il y a lieu de reproduire ici certaines des allégations ajoutées par les défendeurs dans leur contestation ré-amendée.

108.6   Malgré l’admission de responsabilité, il est cependant clair, compte tenu du contexte, que la faute n’a pas été commise intentionnellement par les défendeurs, ceux-ci n’ayant pas voulu faire du tort à la demanderesse, bien au contraire ;

108.7 Subsidiairement, l’intervention agressive de la demanderesse dans le processus de renouvellement de la licence de CHOI-FM, notamment par le biais de plainte, a grandement contribué à ce que le CRTC refuse de renouveler la licence de CHOI-FM, le tout tel qu’il appert de la décision CRTC 2004-271 déjà déposée par la demanderesse sous la cote P-21 ;

108.8  Cette décision comporte pour les défendeurs une punition et un caractère dissuasif important et ce, peu importe quelle sera l’issue des procédures d’appel qui sont présentement pendantes ;

108.9  En effet, les défendeurs ont longuement réfléchi à la portée de leur propos depuis la décision, ceux-ci ayant été l’objet du jugement de la province entière notamment dans les médias et de façon quotidienne ;

108.10 Les défendeurs vivent constamment l’incertitude, l’inquiétude et le stress face à la possibilité que la licence de CHOI-FM ne soit pas renouvelée ; sans compter qu’ils doivent supporter des coûts importants reliés à la défense de leur droit  devant les tribunaux ;

108.11 Cette décision, à laquelle la demanderesse a contribué de par sa plainte pour les mêmes propos que ceux relatés dans les présentes procédures, constitue une punition déjà très disproportionnée et les défendeurs soumettent, avec respect, que les objectifs de la loi sont déjà pleinement servis et qu’aucun dommage exemplaire et punitif additionnel ne devrait être accordé ;

108.12 Quant aux frais extra-judiciaires, les défendeurs soumettent également, avec respect, qu’il ne s’agit pas d’un cas exceptionnel qui justifierait leur octroi ni d’un cas où les défendeurs ont abusé de leur droit à une défense pleine et entière ;

[55]            Malgré les allégations de la contestation ré-amendée et l'admission qu'elle contient, M. Fillion de même que certains co-animateurs de l'émission «Le monde parallèle» après le début du procès le 28 février 2005 formulent des commentaires relativement à la poursuite de Mme Chiasson ou font des inférences à son témoignage[15].

3. QUESTIONS EN LITIGE

 

[56]            Les défendeurs, à l'exception de Patrice Demers, admettent donc que certains propos, encourent leur responsabilité civile notamment les injures ayant été susceptibles de porter atteinte à la dignité,  l'honneur et l'intégrité de Mme Chiasson.  Le Tribunal doit donc  analyser la teneur et la portée de ces propos,  déterminer le dommage qu'ils ont causé à Mme Chiasson et conséquemment décider si les offres réelles et consignation au montant de 30 000 $ sont suffisantes, à défaut de quoi, en déterminer le quantum. 


[57]            Les questions en litige :

4.1       La responsabilité de l'administrateur Patrice Demers;

4.2       Le montant des dommages moraux;

4.3       Les dommages punitifs;

4.4       Le paiement des honoraires extra-judiciaires;

4.5       L'exécution provisoire nonobstant appel;

4.6       Survie de l'ordonnance de confidentialité et de non-publication;

4.7       Le partage de responsabilité pour valoir entre les défendeurs seulement.

 

4.  ANALYSE ET DISCUSSION

[58]            Mme Chiasson reproche à Jean-François Fillion de s'être livré directement  à des attaques personnelles contre elle «en diffu­sant publiquement des propos tendancieux, accrocheurs, irresponsables, grossiers, teintés de malice, de sexisme et de mauvaise foi à l’égard de sa réputation, de son honneur et de sa dignité».  En ce qui concerne les co-animateurs, Yves Landry, Denis Gravel et Marie Saint-Laurent, elle leur reproche leur participation aux émissions des 10 septembre et 8 octobre 2002, leurs interventions déplacées et leur soutien aux propos de Jean-François Fillion et, dans certains cas,  leurs propres commentaires lesquels ont accentué l'ampleur des dommages causés par Jean-François Fillion.  Mme Chiasson invoque le principe de la solidarité à leur endroit.

[59]            Elle  demande également une condamnation solidaire de GENEX, invoquant qu'il s'agit de l'employeur des animateurs de l'émission,  qu'elle était bien au fait des antécédents de ses animateurs en matière de diffamation et de leurs attaques personnelles à son endroit par les plaintes déposées auprès du CRTC, des procédures judiciaires ainsi que la décision CRTC 2002-189 de juillet 2002[16] et de n'avoir rien fait pour y mettre un terme.

[60]            Mme Chiasson reproche enfin à Patrice Demers à titre d'administrateur, président et actionnaire majoritaire de GENEX, d’avoir commis une faute engendrant sa responsabilité personnelle en n'ayant rien fait pour empêcher et mettre fin aux agissements de M. Fillion et des co-animateurs de l'émission «Le monde parallèle».

4.1 LA RESPONSABILITÉ DE L'ADMINISTRATEUR PATRICE DEMERS

[61]             Dans sa requête, Mme Chiasson demande au Tribunal de condamner M. Patrice Demers à l'indemniser solidairement avec les autres défendeurs pour les dommages moraux, punitifs et honoraires extra-judiciaires qu'elle réclame.

[62]            Sa procédure contient les allégations suivantes :

38.    Le défendeur Demers est également responsable des dommages causés à la demanderesse puisqu’à titre d’administrateur, président et actionnaire majoritaire de la défenderesse Genex, employeur du défendeur Fillion, il n’a rien fait pour empêcher et mettre fin aux agissements du défendeur Fillion;

39.        Bien plus, le défendeur Demers, connaissant les antécédents de son animateur vedette en ce qui concerne les attaques personnelles et de diffamation, n’a pris aucune démarche concrète afin d’encadrer, limiter ou voire même congédier son animateur, le défendeur Fillion;

[63]            S'agissant d'un recours relevant de la responsabilité extra-contractuelle prévue à l'article 1457 C.c.Q., la jurisprudence est à l'effet que l'administrateur qui participe à la faute en est solidairement responsable en vertu de l'article 1526 C.c.Q.[17].  Il ne peut se retrancher derrière un mandat.  De plus, il n'est pas nécessaire de soulever le voile corporatif pour lui imposer une responsabilité personnelle[18].

[64]            À la suite de la décision du CRTC 2002-189, M. Demers  se voit servir un sérieux avertissement relativement au type de propos véhiculés lors de l'émission «Le monde parallèle».  La preuve démontre qu'après réception de cette décision, il ne pose aucun geste pour réprimander ses animateurs et ne fait rien pour qu'ils s'amendent.  Il laisse faire.  Tout comme Jean-François Fillion, il recherche une augmentation de l'auditoire pour la station CHOI-FM dans le but de générer des profits.    L'appât du gain est plus fort que tout.

[65]            Ici, la preuve démontre que M. Demers a commis une faute personnelle en tant qu'administrateur de GENEX, la propriétaire de CHOI-FM.  Malgré que M. Demers était bien au fait des attaques répétées de M. Fillion et des co-animateurs à l'endroit de Mme Chiasson, il n'a posé aucun geste concret afin d'empêcher la poursuite de leur comportement fautif.  Il se serait limité à un moment donné à dire à son animateur vedette de cesser de parler de Mme Chiasson, sans plus.  Or, le salissage de la réputation de Mme Chiasson a continué par la suite.  Il s'agit-là d'une situation qu'il ne pouvait ignorer et il n'a rien fait pour y mettre fin.

[66]            Il était plus préoccupé par les gains et profits de son entreprise que le sort réservé à Mme Chiassion et aux autres cibles de son animateur.  Cette inertie inexpliquée et inexplicable entraîne sa responsabilité personnelle.

4.2  LE MONTANT DES DOMMAGES MORAUX

[67]            Le recours de Mme Chiasson  se fonde sur le principe de la responsabilité civile extra-contractuelle contenu à l'article 1457 C.c.Q. :

1457. Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s'imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.

 

Elle est, lorsqu'elle est douée de raison et qu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu'elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel.

 

Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d'une autre personne ou par le fait des biens qu'elle a sous sa garde.

[68]            Elle invoque également des contraventions à certains de ses droits prévus à la Charte des droits et libertés de la personne :

Art. 4   Toute personne a le droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation.

Art. 5   Toute personne a droit au respect de sa vie privée.

[69]            Dans le présent dossier, il n'y a pas lieu d'élaborer longuement sur les principes d'application de ces dispositions législatives puisqu'aux paragraphes 97.1 et 97.2 de leur contestation ré-amendée les défendeurs Jean-François Fillion, Marie Saint-Laurent, Yves Landry, Denis Gravel et GENEX admettent que les propos tenus les 10 septembre et 8 octobre 2002 par les animateurs de l'émission «Le monde parallèle» encourent leur responsabilité civile et portent atteinte à la dignité, l'honneur et l'intégrité de Mme Chiasson. 

[70]            Dans leur traité La responsabilité civile[19], les auteurs Jean-Louis Baudouin et Patrice Deslauriers indiquent que la faute en cette matière peut résulter de deux genres de conduite qui donne ouverture à réparation :

268 - Nécessité d'une faute - Pour que la diffamation donne ouverture à une action en dommages-intérêts, son auteur doit avoir commis une faute.  Cette faute peut résulter de deux genres de conduite.  La première est celle où le défendeur, sciemment, de mauvaise foi, avec intention de nuire, s'attaque à la réputation de la victime et cherche à la ridiculiser, à l'humilier, à l'exposer à la haine ou au mépris du public ou d'un groupe.  La seconde résulte d'un comportement dont la volonté de nuire est absente, mais où le défendeur a, malgré tout, porté atteinte à la réputation de la victime par sa témérité, sa négligence, son impertinence ou son incurie.  Les deux conduites donnent ouverture à la responsabilité et droit à réparation, sans qu'il existe de différence entre elles sur le plan du droit.  En d'autres termes, il convient de se référer aux règles ordinaires de la responsabilité civile et d'abandonner résolument l'idée fausse que la diffamation est seulement le fruit d'un acte de mauvaise foi emportant intention de nuire.  De plus, la diffamation en droit civil, ne résulte pas seulement de la divulgation ou de la publication de nouvelles fausses ou erronées.  S'il n'y a pas de responsabilité lorsque les fait publiés sont exacts ou d'intérêt public, il en est autrement lorsque la publication n'a pour autre but que de nuire à la victime.  On ne peut se réfugier derrière le droit à la libre expression dans le seul but de porter préjudice à autrui.

En revanche, en matière d'éditorial ou de critique, le caractère loyal et honnête des commentaires peut permettre une exonération lorsqu'il s'agit d'un sujet d'intérêt public; que le traitement par le journalisme est correct et finalement qu'il existe une conclusion raisonnable à l'égard des faits pertinents.  Au sujet de ce dernier aspect, la Cour d'appel rappelait récemment que l'évaluation du caractère raisonnable se fait «in abstracto» selon le test de la personne raisonnable.

269 - Personnes visées - Ce n'est pas seulement l'auteur même de la diffamation qui peut être poursuivi, mais également celui qui la diffuse au sens large du terme, par exemple, dans le cas d'un journal ou d'une revue, la maison d'édition, mais aussi l'imprimeur et dans le cas d'une émission de radio ou de télévision, le poste diffuseur.

À cet égard, l'utilisation de l'Internet ou du courrier électronique crée de nouveaux problèmes notamment en ce qui a trait à la difficulté de retracer l'auteur du message ou de poursuivre le site qui en facilite la transmission.

270 - Appréciation de la faute - L'appréciation de la faute est naturellement laissée à la discrétion des tribunaux et demeure une question de faits et de circonstances.  Les personnes publiques, comme les personnages politiques, peuvent s'attendre à être plus souvent attaqués que d'autres et leur mesure de tolérance à l'injure doit, dans leur cas, être plus large.  Néanmoins, ils conservent un droit à leur réputation et les attaques à leur endroit sont inacceptables si elles sont basées sur des faits inexacts ou qui ne sont pas d'intérêt public.  La cour doit aussi tenir compte du contexte dans lequel l'injure a été faite ou la diffamation effectuée.  Dans certains échanges particulièrement vifs, elle admet parfois soit la «compensation» d'injures, soit la défense de provocation, à condition que, dans le premier cas, l'échange ait été simultané et, dans le second cas, que l'injure résultant de la provocation ait été prononcée sur-le-champ.  Un autre facteur important dans l'appréciation de la faute est l'effet que l'atteinte a produit ou était destinée à produire.  En la matière, il est donc difficile de généraliser, tant les circonstances particulières à chaque espèce sont susceptibles de variations.

[71]            Tel que le mentionne M. le juge Cory dans l'arrêt Hill[20] «il ne fait aucun doute que dans les affaires de libelle, les valeurs jumelles de réputation et de liberté d'expression entreront en conflit.   Cependant, la liberté d'expression n'a jamais été reconnue comme un droit absolu.  Les déclarations fausses et injurieuses ne peuvent contribuer à l'épanouissement personnel et on ne peut pas dire qu'elles encouragent la saine participation aux affaires de la collectivité.  En fait, elles nuisent à l'épanouissement de ces valeurs et aux intérêts d'une société libre et démocratique».[21]

[72]            La sauvegarde de la dignité, de l'honneur et de la réputation d'une personne ainsi que le respect de son droit à la vie privée sont également d'une importance fondamentale dans une société démocratique et font l'objet d'une protection prévue à La Charte des droits et libertés de la personne.

 [22]  Les libertés d'opinion et d'expression ainsi que le droit au respect de la réputation, chéris dans tous les pays démocratiques, ont été élevés au rang de droits constitutionnels au Canada.  Ici, ces droits s'affrontent, celui des intimés de sauvegarder leur réputation et celui des appelants d'exprimer librement leur opinion.  C'est dans la perspective de l'équilibre entre ces droits distincts que la jurisprudence reconnaît que l'écrit diffamatoire n'engage pas la responsabilité civile de son auteur s'il est l'expression honnête d'une opinion raisonnable portant sur un sujet d'intérêt public[22].

[73]            En l’espèce, l'admission contenue à la contestation ré-amendée démontre clairement que les animateurs ainsi que le diffuseur reconnaissent que les paroles prononcées à l'égard de Mme Chiasson ne contreviennent pas à leur liberté d'expression et que ces propos ne respectent pas les conditions reconnues par la loi et la jurisprudence leur  permettant d'éviter d'encourir une condamnation pour dommages.  De plus, ils reconnaissent qu'il s'agit d'attaques personnelles qui ne peuvent constituer une expression honnête d'une opinion raisonnable portant sur un sujet d'intérêt public.  Il y a donc ouverture à réparation tel que prévu à l'article 1607 C.c.Q.[23].

[74]            Dans l'arrêt Radiomutuel, cité précédemment, la Cour d'appel sous la plume de Mme la juge Rousseau-Houle mentionne que le juge de première instance jouit d'une grande discrétion dans l'estimation de ces dommages :

[69] Le juge de la Cour supérieure jouit d'une grande discrétion dans l'estimation des dommages.  Ce principe ne pourrait être mis de côté que si le juge de première instance avait commis une erreur de droit ou une erreur manifeste dans l'indemnisation.

[70] La détermination des dommages à la réputation ne comporte aucune règle précise.  Chaque cas est un cas d'espèce.

[75]            La poursuite en dommages et intérêts intentée par Sophie Chiasson en 2003 concerne principalement les commentaires faits par Jean-François Fillion et les co-animateurs de l'émission «Le monde parallèle» lors des émissions des 10 septembre et 8 octobre 2002.

[76]            Toutefois il y a lieu de souligner que pendant plusieurs années, soit à compter de 1999, des propos diffamants concernant Mme Chiasson ont été diffusés sur les ondes de CHOI-FM.

[77]             Au tout début les commentaires sont plutôt flatteurs.  M. Fillion  la trouve «belle et bonne» et il constate «qu'elle passe bien à l'écran».  Puis, à la suite de commentaires suscités par M. Fillion auprès d'auditeurs,  débute une campagne de dénigrement et d'attaques personnelles comportant des propos sexistes, diffamants, ignobles et inacceptables. 

[78]            Malgré les interventions répétées de certaines amies de Mme Chiasson, M. Fillion et les co-animateurs de l'émission «Le monde Parallèle» se moquent du physique de Mme Chiasson, de ses fréquentations et lui imputent des comportements odieux visant à obtenir des contrats tant à «Météo-Média», qu'à TVA.  Soulignons que Jean-François Fillion, Yves Landry, Denis Gravel et Marie Saint-Laurent ne connaissent pas personnellement Sophie Chiasson au moment où ils se livrent à des attaques personnelles concernant sa vie privée.  Leurs commentaires n'ont rien à voir avec la façon dont on traite la diffusion des informations météorologiques au Québec. Ils s'attaquent directement à la dignité, à la réputation et à la vie privée de Mme Chiasson.

[79]            Rien ne peut justifier les commentaires de M. Fillion et de ses acolytes.  Les allusions relativement à la façon dont elle peut se comporter lors d'entrevues avec des producteurs ou des télédiffuseurs ne sont pas fondées.  Il n'existe même pas un soupçon de preuve à cet égard. 

[80]            En outre, même si Mme Chiasson avait utilisé les méthodes décrites par Jean-François Fillion, ce qui n'est pas le cas, cela ne justifiait pas M. Fillion de faire les commentaires qu'il tient «en ondes» au cours des années 1999, 2000 et 2001.  C'est une contravention évidente à des droits reconnus dans la Charte des droits et libertés de la personne et ils constituent une attaque aux droits à la réputation, à la dignité et à la vie privée de Mme Chiasson.

[81]            Rappelons qu'à la fin 2000, début 2001, une employée de CHOI-FM entre en communication avec Mme Chiasson pour lui demander d'accorder une entrevue téléphonique à Jean-François Fillion.  Craignant que cette entrevue soit enregistrée et qu'elle puisse être utilisée à son détriment, Mme Chiasson propose à son interlocutrice de discuter directement avec M. Fillion.  Ils s'entendent sur une participation à l'émission «Le monde parallèle».  Mme Chiasson a alors l'intention de rétablir les faits au sujet des propos véhiculés en ondes  à son sujet.  L'émission est diffusée le 23 janvier 2001. 

[82]            Le Tribunal est d'avis, après audition de la cassette et lecture de la transcription  de cette émission, que le ton est totalement différent de celui qui ressort des émissions des 10 septembre et 8 octobre 2002.

[83]            Il appert clairement au début de l'entrevue que Mme Chiasson a des comptes à régler avec Jean-François Fillion et qu'elle a l'intention de rétablir les faits concernant sa réputation et sa dignité.  Elle veut que cesse toute insinuation ou allusion concernant ses fréquentations.  Bien plus, elle affirme de façon catégorique que toutes les insinuations de l'animateur concernant la façon dont elle procède au cours des entrevues pour l'obtention de contrats sont inexactes et qu'en aucun temps elle n'a accordé de faveurs sexuelles ou accepté d'invitation afin d'obtenir du travail.

[84]            Malgré le fait que les animateurs mentionnent au procès que l'enregistrement de l'émission produit en preuve n'est pas complet, le Tribunal est d'avis, après écoute de cette cassette (P-87), qu'elle contient l'essentiel de la participation de Mme Chiasson à l'émission et d'autres extraits de celle-ci.   À la lecture de la transcription, le Tribunal ne peut que constater que le langage utilisé par les animateurs de l'émission lors de l'entrevue avec Mme Chiasson et les autres interventions détonne.  Il suffit de lire les pages 51 à 67 de la transcription pour constater la différence de langage entre l’entrevue avec  Mme Chiasson et les autres portions de l'émission du 23 janvier 2001. 

[85]            Au cours de cette émission, Mme Chiasson démontre qu'elle est disposée à discuter de tous les sujets abordés antérieurement par M. Fillion et ses co-animateurs de l'émission «Le monde parallèle».  Elle est prête à fournir toutes les réponses à leurs interrogations.

[86]            Malgré les admissions contenues aux paragraphes 97.1 et suivants de la contestation ré-amendée, les animateurs de l'émission affirment, lors de leur témoignage devant le Tribunal, que vu l'ouverture d'esprit de Mme Chiasson et les sujets abordés lors de l’émission du 23 janvier 2001, ils se croyaient justifiés de tenir les propos prononcés lors des émissions des 10 septembre et 8 octobre 2002.  Le Tribunal est en complet désaccord avec ces affirmations.  En aucun temps, lors de l'émission du 23 janvier 2001, Mme Chiasson donne-t-elle ouverture aux commentaires faits par les animateurs lors des émissions des 10 septembre et 8 octobre 2002.

[87]            D’autre part, les faits qui suivent démontrent que MM. Fillion et Demers croient que tout leur est permis, qu'ils sont au-dessus de la loi.

[88]            Dès la réception de la mise en demeure du 10 octobre 2002, Jean-François Fillion entre en communication par voie téléphonique avec Sophie Chiasson.  Selon son témoignage, il désire trouver une entente de règlement à l'amiable alors que Mme Chiasson mentionne que M. Fillion lui demande «c'est quoi ces affaires-là», qu'il qualifie la démarche «de niaiseries, de perte de temps et d’exercice inutile qui n'aboutira à rien».  Le Tribunal n'a aucune hésitation à accorder foi à la version de Mme Chiasson.  D'ailleurs les événements ultérieurs lui donnent raison.

[89]            La mise en demeure semble peu déranger l'administrateur de GENEX.  Il ne prend même pas la peine d'écouter les propos prononcés lors des émissions des 10 septembre et 8 octobre 2002 alors qu'il a  en sa possession les enregistrements.   Dans les faits, après l'institution des procédures judiciaires, tant Jean-François Fillion, les co-animateurs et Patrice Demers continuent de dénigrer Mme Chiasson.

[90]            Le type d'émission animé par Jean-François Fillion constitue «la locomotive» qui traîne les auditeurs à l'antenne de CHOI-FM le matin.  Cela fait en sorte que la station devient numéro 1 à Québec peu de temps après son acquisition par Patrice Demers et GENEX et après la mise en ondes de l'émission «Le monde parallèle».

[91]            Alors qu'elle est loin derrière dans les cotes d'écoute en 1997, sa remontée est fulgurante.  Elle devient rapidement la radio numéro 1 à Québec en l'espace de quelques années seulement.

[92]            Les interrogatoires après contestation de MM. Demers et Fillion démontrent clairement le but visé par l'émission diffusée le matin à l'antenne de CHOI-FM.  Ils désirent obtenir la plus grande cote d'écoute, ce qui permet d'augmenter la vente de publicité et par le fait même leurs revenus.  La clientèle visée est le groupe des «18-34 ans».   Tant M. Fillion que M. Demers indiquent lors de leur interrogatoire hors cour qu'il est nécessaire d'adopter une telle approche qu'ils qualifient d'humoristique, sarcastique et ironique pour rejoindre l'auditoire cible.

[93]            Au moment de ces interrogatoires, la contestation et contestation amendée contient le paragraphe 49 qui se lit comme suit :

«Le niveau de langage utilisé répond aux critères de haute qualité dictée par la Loi mais est populaire afin de rejoindre l'auditeur québécois moyen.»

Il est vrai que dans leur contestation ré-amendée les défendeurs ont retiré cette allégation.  Cependant, le sujet ayant été abordé lors des interrogatoires de MM. Fillion et Demers, le Tribunal croit approprié de faire certains commentaires .  D'une part, les extraits d'émissions introduits en preuve sont loin de démonter que le niveau de langage utilisé répond aux critères de haute qualité dictée par la Loi.  D'autre part le fait d'ajouter que ce langage doit être populaire afin de rejoindre l'auditeur québécois moyen démontre un manque flagrant de respect à l'égard du public ciblé.

[94]            La constatation faite par le CRTC lors du dépôt de la décision CRTC 2002-189 du 16 juillet 2002 dont des extraits sont reproduits dans le présent jugement ainsi que le dépôt des cassettes P1, P-2 et P-87 et  leur transcription démontrent bien au contraire que le niveau de langage utilisé par Jean-François Fillion et les co-animateurs sont de qualité plus que douteuse.   En fait, les propos visant Mme Chiasson sont sexistes, haineux, malicieux, non fondés, blessants et injurieux.   Ils portent atteinte à la dignité, à l'honneur et à l'intégrité de l'être humain en général et de Mme Chiasson en particulier. 

[95]            Lorsque Jean-François Fillion et les animateurs de l'émission «Le monde parallèle» font référence à Mme Chiasson lors des émissions des 10 septembre et 8 octobre 2002, il s'agit d'insultes et d'attaques gratuites.  C'est un manque total de respect pour la personne humaine et une intrusion dans l'intimité et la vie privée de Mme Chiasson.  On peut facilement comprendre qu'à l'écoute de tels propos, la personne visée se sente humiliée, amoindrie, déstabilisée, perde confiance en elle et doute de ses capacités.

[96]            Le tort causé est très grave et presque irréparable.   Mme Chiasson a raison de se sentir souillée en tant que femme et de considérer qu'il s'agit d'une attaque à son intégrité professionnelle et physique ainsi qu'à sa vie privée.

[97]            On a beau avoir «la couenne dure» comme le mentionnent les quatre (4) animateurs lors de leur témoignage devant le Tribunal, aucun être humain quel qu'il soit incluant Mme Chiasson, ne peut avoir une carapace assez solide pour rester imperméable aux insultes proférées à son endroit et aux incursions faites dans son intimité et sa vie privée; surtout lorsqu’elles sont fausses et se répètent fréquemment.

[98]            Les propos tenus en septembre et octobre 2002 sont inqualifiables surtout qu'ils s'adressent à une personne que les animateurs ont déjà eu l'occasion de rencontrer et qui leur a fourni toutes les preuves nécessaires pour démonter qu'elle est intelligente, que son cheminement se fait au gré d'efforts constants et  qu'elle n'a rien à se reprocher au niveau professionnel.

[99]            Pourquoi Jean-François Fillion et les co-animateurs s'attaquent-ils à Sophie Chiasson de façon aussi démesurée depuis 1999-2000?  Pourquoi arrive-t-on aux attaques personnelles de l'automne 2002?   Rien ne permet de comprendre la gratuité de tels propos.

[100]       Les animateurs de l'émission «Le monde parallèle» tentent de justifier leurs commentaires concernant Mme Chiasson en expliquant que M. Fillion est un féru de météorologie et qu'à travers elle il s'attaque à la façon dont on traite la météo au Québec.  L'explication ne tient pas.  Il faudrait être bien naïf pour croire la partie des témoignages de MM. Fillion, Landry, Gravel et Mme Saint-Laurent à ce sujet.  Ceci est d'autant plus insoutenable et incroyable que lors de l'émission du 23 janvier 2001 on complimente Mme Chiasson sur sa façon de travailler à «Météo-Média».  Lors de l'entrevue qu'elle a eue avec M. Fillion en janvier 2001, Mme Chiasson  explique  qu'à «Météo-Média» on travaille en collaboration avec des météorologues qui fournissent toutes les informations nécessaires permettant de diffuser des bulletins météo exacts.  D'ailleurs, M. Fillion déclare qu'il ne vise pas Mme Chiasson ni «Météo-Média» mais les autres stations qui obtiennent leurs renseignements d'Environnement Canada.

[101]       Plus outrageant, M. Fillion indique au Tribunal au cours de son témoignage «qu'il faut avoir du respect pour le traitement de la météo». En réponse à une question du Tribunal qui lui demandait s'il n'est pas plus important d'avoir du respect pour l'être humain plutôt que pour la météo,  M. Fillion fait un signe affirmatif de la tête et baisse le regard pour montrer qu'il se sent mal à l'aise.  Pour sa part, M. Gravel réfère également à la préoccupation de M. Fillion pour le traitement de la météo au Québec.  À une question du Tribunal, M. Gravel  avoue que CHOI-FM diffuse des  bulletins météo sans intervention de météorologue et que les renseignements transmis en ondes proviennent d'Environnement Canada ou d'agences de presse.

[102]       Il faut admettre qu'au cours de leur témoignage les co-animateurs de l'émission «Le monde parallèle» utilisent un langage très différent de celui entendu en ondes lors des extraits d'émission produits en preuve.  Le Tribunal n'a aucune hésitation à dire que lors de leurs témoignages MM. Fillion, Landry, Gravel et Mme Saint-Laurent s'expriment en bon français, démontrent un certain respect pour l'institution judiciaire et adoptent une attitude de repentir au sujet des propos prononcés à l'égard de Mme Chiasson à l'automne 2002.  Chacun des animateurs affirme «qu'ils sont allés trop loin et que les propos n'avaient pas raison d'être».  Ils les qualifient d'ailleurs de vulgaires, grossiers et blessants.

[103]       Devant le Tribunal, ils s'excusent auprès de Mme Chiasson.  M. Fillion mentionne même que «s’il lui était possible d'avoir une baguette magique pour faire disparaître ces propos, il en serait très heureux».  En regardant Mme Chiasson, il lui fait des excuses que le Tribunal croit alors «sincères».  Or, les propos tenus postérieurement sur les ondes de CHOI-FM démontrent que ces excuses ne contenaient pas « le  ferme  propos » puisque lors des émissions des 4, 8 et 9 mars 2005, M. Fillion et certains des co-animateurs en rajoutent au sujet de Mme Chiasson.  Ils  font des commentaires très désagréables à l'égard du contenu de son témoignage, insistent sur son peu d'importance ou banalisent ce qui a été dit en septembre et octobre 2002.   Plus particulièrement lors de l'émission du 4 mars 2005, M. Fillion dit que la poursuite en diffamation de Mme Chiasson constitue «une perte de temps pour lui».

[104]       Le Tribunal se doit de constater que l'attitude des animateurs de l'émission «Le monde parallèle» change du tout au tout dès qu'ils entrent en studio.  Ils s'adressent alors à leur auditoire par l'intermédiaire d'un microphone, sont invisibles et ne peuvent être contredits. Ils se permettent de dire n’importe quoi et sont incapables de s’autocensurer, c’est ce qu’ils appellent « liberté d’expression ». En 2002, ils s'adressent simultanément à près de 64 000 personnes au quart d'heure alors qu'en 2004 ils rejoignent 100 100 auditeurs.

[105]       À tous les jours de la semaine entre 6 h 20 et 10 h 15, les animateurs de l'émission «Le monde parallèle» changent de personnalité, ils deviennent  incontrôlables, prêts à dire n'importe quoi sur n'importe qui pour améliorer leur cote d'écoute.  Ils agissent en «matamore»[24] dès qu'ils sont devant un  «microphone». 

[106]       L'admission faite aux paragraphes 97.1 et ss. de la contestation ré-amendée et la preuve accablante faite à l’audience donnent ouverture à l'octroi d’importants dommages moraux. 

[107]       Au cours des interrogatoires après contestation, MM. Fillion et Demers minimisent la portée des propos tenus à l'égard de Mme Chiasson les qualifiant de «banalités» et allant jusqu'à dire qu'il s'agit de «compliments».  Il est vrai que lorsqu'on parle d'une personne pour dire «qu'elle est belle et qu'elle est bonne», il s'agit-là d'un compliment.  Cependant, lorsqu'on réfère à «des beignes» et qu'on dit que la personne visée, Mme Chiasson, n'est pas« la plus mauvaise beigne de la boîte», il est difficile de prétendre qu’il s’agit-là d’un compliment.  On ne peut non plus considérer comme un compliment le fait d’entendre «Chophie qui est venue ici pis qui… a enlevé son jacket pour être sûre qu’on lui voit ses deux (2) grosses affaires là. Et de source sûre c’est gros là. C’est encore plus gros toute nue que… habillée là. C’est le genre de fille que tu fais un saut quand elle, quand ça sort de là», «tout est dans la brassière»,   «est-ce que ça défie la gravité?», «au-dessus des épaules il n'y a pas grand-chose», «pouffiasse», «niochonne», « chouchounne», «chatte en chaleurs», «sangsue», «la même p’tite rapace», « cruche vide», «spécialiste de la menterie», «méchante malade» etc.  Le Tribunal réfère à tous les péjoratifs reproduits en annexe au présent jugement, et entendus sur les cassettes P-1 et P-2, termes qu'il ne considère pas comme des compliments, bien au contraire.

[108]       Il est tout à fait normal que Mme Chiasson soit grandement affectée par ces propos.  Elle a un profond sentiment de dégoût à l'écoute de ce qui se dit à son sujet les 10 septembre et 8 octobre 2002, elle se sent étouffée, prisonnière, terrorisée et angoissée.  Elle a l'impression d'être examinée au microscope, qu'on s'acharne sur elle et qu'elle est constamment épiée.

[109]       Depuis 1999-2000, elle vit dans un climat de panique qui s'accentue à chaque fois que M. Fillion et les co-animateurs de l'émission «Le monde parallèle» font des commentaires à son sujet.  Les deux (2)  émissions de l'automne 2002 en sont le point culminant et elle doit prendre les moyens pour qu'on cesse de s'attaquer à son intégrité physique, à sa dignité, à sa vie professionnelle, à sa vie privée et à sa réputation.

[110]       Même si la preuve démontre que seuls les membres de sa famille et ses proches amis font référence aux propos tenus par Jean-François Fillion à son endroit ; elle se questionne à chaque fois qu'elle rencontre quelqu'un sur ce que cette personne peut penser d'elle concernant tous les sujets abordés par Jean-François Fillion et ses acolytes. Elle est même justifiée de croire qu’on peut l’enguirlander ou lui faire un mauvais parti parce qu’elle a osé se plaindre des agissements des animateurs de CHOI-FM.

[111]       À compter de ce moment, sa vie change.  Elle modifie sa façon de se vêtir, change ses habitudes de vie et prend les dispositions nécessaires pour ne pas prêter flanc à la critique.  Originaire de Québec, elle craint même de revenir dans sa ville natale et se sent constamment surveillée.  Sa confiance en elle s'effrite.  Malgré le fait qu'en apparence sa carrière ne soit pas affectée, sa manière de travailler l'est.  Le témoignage de Mme Renée Hudon,  professeur de diction et «protectrice» de Sophie Chiasson est éloquent à ce sujet.  Le Tribunal est d'avis qu'on ne doit pas considérer le témoignage de Mme Hudon comme «un témoignage d'expert».  C’est un témoin de faits.  Elle voit le changement d'attitude dans le comportement professionnel de Sophie Chiasson avant et après 2002.

[112]       L'acharnement et le harcèlement démontrés par les défendeurs à l'égard de Mme Chiasson la conduisent à une détresse psychologique qui l'oblige à consulter en médecine.  Elle doit se faire prescrire des  anxiolytiques et des somnifères pour l'aider à supporter l'épreuve qui l'accable.

[113]       Mme Chiasson a droit à une condamnation pour dommages moraux largement supérieurs à ce qu'offrent les défendeurs et qui fait l'objet de consignation ( 30 000 $). 

[114]       La preuve est accablante. Les propos sont dévastateurs et la vie de Mme Chiasson est affectée considérablement depuis ce temps (1999). Elle vit un «enfer» depuis plusieurs années. Les animateurs s’acharnent sur elle, Genex les laisse faire et Patrice Demers ne réagit pas malgré les décisions du CRTC en 2002 et 2004.

[115]       Il est difficile de quantifier ce que valent des dommages moraux puisque qu'ils ne font pas l'objet d'une perte de revenu. Ils constituent une blessure profonde à l’âme de l’être humain affecté au plus profond de lui-même. Dans le  présent cas, vu la hargne, l'acharnement, le harcèlement, les insultes et les injures faites à Mme Chiasson pendant autant d’années ainsi que leur conséquence sur sa vie, il y a lieu d'accorder un montant largement supérieur à l'offre faite par les défendeurs.

[116]       Le Tribunal est d'avis qu'il s'agit ici d'un cas d'espèce.  Les atteintes sont tellement graves, répétées et échelonnées dans le temps qu'elles justifient l'octroi d'un montant de 100 000 $ à titre de dommages moraux que tous les défendeurs sont   condamnés à payer solidairement à Mme Sophie Chiasson.

 

4.3  LES DOMMAGES PUNITIFS

[117]       C'est l'article 1621 C.c.Q.  qui donne ouverture à l'attribution de dommages-intérêts punitifs :

Art. 1621   Lorsque la loi prévoit l'attribution de dommages-intérêts punitifs ceux-ci ne peuvent excéder, en valeur, ce qui est suffisant pour assurer leur  fonction préventive.

Ils s'apprécient en tenant compte de toutes les circonstances appropriées, notamment de la gravité de la faute du débiteur, de sa situation patrimoniale ou de l'étendue de la réparation à laquelle il est déjà tenu envers le créancier, ainsi que, le cas échéant, du fait que la prise en charge du paiement réparateur est, en tout ou en partie, assumée par un tiers.

(Notre soulignement)

[118]       La Charte des droits et libertés de la personne prévoit spécifiquement à son article 49 qu'une atteinte illicite à un droit peut donner ouverture à une condamnation à des dommages-intérêts punitifs :

Art. 49 : Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnu par la présente Charte confère à la victime le droit d'obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte.

En cas d'atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages-intérêts punitifs.

[119]       Mme Chiasson invoque une telle atteinte à ses droits prévus aux articles 4 et 5 de la Charte.  Au moment de l'institution des procédures, elle réclame une condamnation pour un montant de 200 000 $ qu'elle augmente à 450 000 $ lors du dépôt de la requête ré-amendée le 11 mars 2005.

[120]       Les auteurs Baudouin et Deslauriers analysent l'évolution de l'interprétation de la notion d'atteinte intentionnelle par les tribunaux :

« 342 - Atteinte illicite - La question s’est posée de savoir si l’atteinte illicite et la faute constituent une seule et même réalité. Une doctrine favorisait une conception autonomiste de la Charte et considérait que l’atteinte illicite peut engendrer  en soi un dommage et se distingue ainsi du concept traditionnel de la faute. Toutefois, la Cour suprême est venue rappeler l’existence de l’intégration des règles.  La violation d’un droit protégé par la Charte équivaut à une faute civile, puisqu’il y a contravention aux normes de conduite édictées par elle et au devoir général de bonne conduite. (…)

 

343 -   Atteinte intentionnelle : évolution -  Le critère de l’intentionnalité a suscité une controverse importante, notamment en Cour d’appel, avant que la Cour suprême n’intervienne pour fixer certains paramètres. Au début, la majorité de la jurisprudence exigeait, en effet, du demandeur la preuve du caractère délibéré, voulu et intentionnel de l’acte. Une faute, même lourde, ne paraissait donc pas, selon cette interprétation restrictive, suffire. Cependant, certaines décisions interprétant largement le critère de l’intentionnalité appliquaient plus libéralement la règle à des hypothèses de négligence tellement grossière qu’il était difficile de ne pas y soupçonner une intention malicieuse.

 

344 - Arrêt St-Ferdinand - La Cour suprême[25], dans un souci de compromis, a adopté une interprétation de la notion d’atteinte intentionnelle qui peut être qualifiée d’intermédiaire. Si, d’une part, la cour favorise une interprétation libérale de la Charte, en revanche, elle considère que ni la faute lourde, et a fortiori , ni la simple négligence ne constituent une atteinte intentionnelle. Pour la cour, il y a atteinte intentionnelle lorsque l’auteur a un état d’esprit qui dénote un désir, une volonté de causer les conséquences de sa conduite fautive ou encore s’il agit en toute connaissance des conséquences négatives, immédiates et naturelles, ou au moins extrêmement probables. Cet arrêt est bien fondé pour plusieurs raisons. En premier lieu, il réaffirme l’importance d’interpréter libéralement les dispositions de la Charte. En second lieu, il opère une distinction entre l’acte ou la faute intentionnelle d’un côté et, d’un autre côté, l’atteinte intentionnelle. En troisième lieu, il met l’accent sur l’aspect subjectif du comportement. Finalement, il s’harmonise avec la fonction préventive attribuée aux dommages punitifs »[26]

(notre soulignement)

[121]       Le Tribunal réfère également à certains commentaires de M. le juge René Letarte, alors juge ad hoc  à la Cour d’appel, dans l'arrêt Lafferty[27].

[70] L'arrêt Hill[28] a ainsi défini les principes d'application générale des dommages-intérêts punitifs:

«On peut accorder des dommages-intérêts punitifs lorsque la mauvaise conduite du défendeur est si malveillante, opprimante et abusive qu'elle choque le sens de dignité de la cour.  Les dommages-intérêts punitifs n'ont aucun lien avec ce que le demandeur est fondé à recevoir à titre d'une compensation.  Ils visent non pas à compenser le demandeur, mais à punir le défendeur.  C'est le moyen par lequel le jury ou le juge exprime son outrage à l'égard du comportement inacceptable du défendeur.  Ils revêtent le caractère d'une amende destinée à dissuader le défendeur et les autres d'agir ainsi.  Il importe de souligner que les dommages-intérêts punitifs ne devraient être accordés que dans les situations où les dommages-intérêts généraux et majorés réunis ne permettent pas d'atteindre l'objectif qui consiste à punir et à dissuader.

 

Contrairement aux dommages-intérêts compensatoires, les dommages-intérêts punitifs ne sont pas généralisés.  En conséquence, les tribunaux disposent d'une latitude et d'une discrétion beaucoup plus grandes en appel.  Le contrôle en appel devrait consister à déterminer si les dommages-intérêts punitifs servent un objectif rationnel.  En d'autres termes, la mauvaise conduite du défendeur était - elle si outrageante qu'il était rationnellement nécessaire d'accorder des dommages-intérêts punitifs dans un but de dissuasion?

 

C'est le critère qui a été formulé par le juge Robins dans Walker c. CFTO Ltd.[29].  Dans cette affaire, le juge a conclu que les dommages-intérêts généraux de 908 000 $ étaient de toute évidence suffisants pour satisfaire quelque nécessité de punir et de dissuader.  Il a jugé que, dans ces circonstances, les dommages-intérêts punitifs de 50 000 $ ne servaient aucun objectif rationnel.  En l'espèce, la Cour d'appel a suivi le même raisonnement et maintenu les dommages-intérêts punitifs.

 

Les dommages-intérêts punitifs peuvent servir, et servent effectivement, un objectif utile.  S'ils n'existaient pas, il ne serait que trop facile pour les gens importants, puissants et riches de persister à répandre des libelles contre des victimes vulnérables.  Les dommages-intérêts généraux et majorés à eux seuls pourraient simplement être considérés comme la redevance à payer pour être autorisé à continuer cette atteinte à la réputation.  La protection de la réputation d'une personne à la suite de la publication de déclarations fausses et injurieuses doit être efficace.  La meilleure protection est de faire savoir que des amendes, sous forme de dommages-intérêts punitifs, peuvent être imposées lorsque le comportement du défendeur est véritablement outrageant.»

 

[71] Dans l'affaire Whiten c. Pilot Insurance Company[30], le juge LeBel définissait ainsi la fonction principale des dommages-intérêts punitifs dans le cadre du droit de la responsabilité civile délictuelle (maintenant appelée «extracontractuelle») :

«L'objectif premier des dommages-intérêts punitifs demeure non pas la réparation de la perte ou du préjudice subi par la victime, mais le maintien de l'ordre et la réparation du tort causé au bien public et à la paix sociale

(Notre soulignement)

[122]       En l'espèce, le comportement outrageant et persistant des défendeurs démontre qu'ils ont agi en toute connaissance des conséquences de leurs actes et paroles et qu'il y a lieu d'accorder à Mme Chiasson des dommages punitifs importants afin qu'ils aient un effet dissuasif.

[123]       La Charte des droits et libertés de la personne s'insérant dans le contexte de protection des valeurs les plus chères à l'être humain et à la société, il y a lieu de tenir compte de la conduite des défendeurs qui violent cette loi lorsqu'il s'agit d'établir le quantum des dommages punitifs.  Tel que le mentionne Me Claude Dallaire dans «La mise en œuvre des dommages exemplaires sous le régime des Chartes»[31].  [ Le Tribunal paraphrase certains extraits  qu'on retrouve en page 107 ] :

«Le Tribunal peut prendre en compte le degré de malice, l'ampleur des répercussions occasionnées à la victime, le caractère ignoble de l'acte posé ainsi que la persistance des gestes des défendeurs qui font l'objet d'une étude particulière et servent de base à l'établissement du quantum des dommages exemplaires.  Le Tribunal peut analyser rétrospectivement la conduite des défendeurs à la date où le geste répréhensible a été posé afin d'y établir l'objectif recherché par l'auteur et il peut ensuite tenir compte de leurs faits et gestes jusqu'à la fin de l'audition pour vérifier s'il y a récidive ou excuse.  Dans le cas où le Tribunal constate que les gestes répréhensibles sont multiples ou répétés, et qu'il y a absence d'excuse véritable, la décision pourra alors s'en trouver affectée et le quantum des dommages augmenté.  Par contre, une attitude sincère de repentir ou des sanctions multiples découlant des mêmes faits pourront inciter le Tribunal à faire preuve de plus de clémence, ce qui peut avoir pour effet de diminuer, voire même de refuser l'octroi des dommages exemplaires réclamés»[32].

[124]       Comme on vient de le constater, les propos répétitifs prononcés depuis 1999 à l'égard de Mme Chiasson sont ignobles, hargneux, sexistes et malicieux.  Bref, les défendeurs ont de façon répétitive,  porté atteinte  à la dignité et à la vie privée de Mme Chiasson.  Ces propos diffusés en ondes et qui ont atteint un large auditoire (± 64 000 personnes au quart d'heure) sont inacceptables dans une société libre et démocratique.

[125]       Ils débordent largement le cadre de la liberté d'expression et constituent du harcèlement ayant eu pour effet de déstabiliser et diminuer comme être humain Mme Chiasson dans le seul but d'augmenter des cotes d'écoute. 

[126]       M. Fillion, ses co-animateurs Gravel, Landry et St-Laurent ainsi que GENEX et Patrice Demers n'ont aucun respect pour l'être humain en général, pour les femmes et pour Mme Chiasson qu'ils traitent comme « des objets».   M. Fillion témoigne avoir du respect pour la météo toutefois il n'a pas le même respect pour les êtres humains notamment pour Mme Chiasson.

[127]       Le Tribunal est outré par le témoignage de M. Fillion lorsqu’il parle de « respect de la météo».  Il est certes plus important de respecter les individus et de porter une attention particulière aux conséquences de propos gratuits et diffamants prononcés en ondes que de respecter la météo.  Au moment de l’événement de l'automne 2002, M. Fillion connaît peu Mme Chiasson.  Or, celle-ci a pris la peine de se déplacer de Montréal à Québec pour le rencontrer ainsi que les animateurs de CHOI-FM afin de se faire connaître et de répondre franchement aux questions posées. Or, ils ne tiennent aucunement compte de ce qu’ils ont appris et constaté lors de cette rencontre. Bien plus, ils ont déformé ses propos pour la ridiculiser.

[128]       Pour le Tribunal il n'y a aucun doute que les commentaires diffusés les 10 septembre et 8 octobre 2002 constituent une atteinte illicite et intentionnelle tel que déterminé par la Cour suprême dans l'arrêt St-Ferdinand. 

[129]       D'une part, M. Fillion et les co-animateurs de l'émission «Le monde parallèle» contreviennent à des droits protégés par la Charte en s'attaquant à la dignité, à la réputation et à la vie privée de Mme Chiasson; d'autre part, le contexte dans lequel ces propos ont été tenus démontre un état d'esprit qui dénote un désir et une volonté de causer les conséquences de leur conduite fautive et ils agissent en toute connaissance des conséquences négatives, immédiates et naturelles ou à tout le moins probables que peuvent avoir leurs propos.

[130]       Il y a donc ouverture à une condamnation pour des dommages punitifs qui doivent être évalués eu égard au comportement des auteurs, du diffuseur et de son administrateur et aussi des faits survenus postérieurement à la diffusion de ces émissions (article 1621 C.c.Q.).

[131]       Depuis qu'il anime l'émission «Le monde parallèle», Jean-François Fillion a une attitude qui démontre clairement qu'il n'a aucun contrôle sur lui-même et son équipe.  Dès qu'il entre en ondes,  il se déchaîne.   Tout devient permis.  Lorsqu'il parle d'un individu, il se préoccupe peu de l'effet destructeur de ses propos.  Hormis quelques compliments à l'égard de Mme Chiasson au cours des années 1999 et 2000, il prononce des paroles blessantes qui ont des conséquences dévastatrices auprès de Mme Chiasson, de sa famille, de ses amis et de son entourage.

[132]       M. Demers, principal actionnaire et administrateur unique de GENEX ne fait rien pour empêcher M. Fillion et les co-animateurs de l'émission de tenir de tels propos.  Pour lui, ce qui importe c'est d'obtenir le plus grand auditoire possible, être en mesure d'avoir des arguments de vente et ainsi générer des revenus plus importants pour CHOI-FM, GENEX et lui-même.  Plus les cotes d'écoute sont élevées, plus les commanditaires sont nombreux.   Par voie de conséquence la valeur des actions et les revenus de M. Demers augmentent.

[133]       Le 16 juilllet 2002, le CRTC dépose sa décision 2002-189[33] qui constitue un sérieux avertissement à l'égard de GENEX, de Patrice Demers et des animateurs de l'émission «Le monde parallèle».  Les paragraphes 19 et ss. de cette décision sont éloquents.   Le Tribunal se permet de reproduire un extrait du paragraphe 20 :

(…)  Toutefois, le Conseil estime que le droit de critiquer n’entraîne pas le droit de dénigrer et de faire preuve d’acharnement indu, ni de se servir des ondes pour faire des attaques personnelles, telles que celles constatées dans l’émission qui a fait l’objet de la plainte de l’ADISQ du 27 novembre 2001.

[134]       Au paragraphe 29, le CRTC fait certains commentaires concernant les contraventions de CHOI-FM au Code sur les stéréotypes sexuels :

«Le Conseil relève notamment les plaintes signalant que les femmes sont rabaissées à un niveau d’objet sexuel alors que l’animateur s’informe régulièrement de leur poids et de la grosseur de leur poitrine, celles portant sur l’organisation de concours de fellation et de relations sexuelles et les descriptions très explicites de scènes de pornographie qu’aurait vues l’animateur sur Internet. Genex a admis à l’audience que certains des propos tenus n’étaient pas conformes aux lignes directrices du Code sur les stéréotypes sexuels. Elle s’est aussi engagée à ne plus tenir sur les ondes de CHOI-FM des concours offensants à caractère sexuel et dégradant pour la personne».

[135]       Malgré ce sérieux avertissement, malgré le renouvellement de la licence pour une période de 24 mois seulement et l'assujettissement à un code de déontologie produit en annexe de la décision; GENEX, CHOI-FM,  Patrice Demers et les animateurs de l'émission «Le monde parallèle» ne modifient aucunement leur comportement.

[136]       À l'audience, les animateurs de l'émission «Le monde parallèle» mentionnent que suite au dépôt de la décision du CRTC, ils en prennent immédiatement connaissance et «apprennent par cœur le code de déontologie» qu'ils mettent en application.  M. Gravel va plus loin, il indique au Tribunal que depuis 2002, une copie du code de déontologie se retrouve en studio et que les animateurs y réfèrent.  Le Tribunal ne peut accorder aucune crédibilité à ce témoignage puisqu'il est clair, à l'écoute des cassettes P-1 et P-2, que les animateurs, le détenteur de licence et son administrateur Patrice Demers ont écarté le message de l'organisme régulateur et refusé de se plier à la mise en garde faite par le CRTC.  Sans nécessairement mettre en doute le fait qu'une copie du code de déontologie puisse être en permanence en studio, le Tribunal constate qu'eu égard à Mme Chiasson, ils ne l'ont pas appliqué; en fait, leur connaissance du code constitue un facteur aggravant car cela démontre qu’ils ont agi en toute connaissance de cause.

[137]       Les faits qui se déroulent en juillet 2002 et au cours des mois suivants, démontrent une atteinte illicite et intentionnelle aux droits à la dignité, à l'intégrité et à la vie privée de Mme Chiasson.   Ce qui donne ouverture à l'octroi de dommages punitifs.

[138]       Au cours de l'émission du 10 septembre, M. Fillion fait les remarques suivantes :

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

«On est bitch, hein?»

DENIS GRAVEL :

 «Ouins, un peu.

INTERVENANT NON IDENTIFIÉ :

«Fiers, de l'être»[34].

[139]       Par la suite, lors de l'émission du 8 octobre, MM. Fillion, Landry et Gravel font les affirmations suivantes :

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

J'ai su entre les branches que quelqu'un de Québec qui fait carrière à Montréal était sur le bord de me poursuivre.

YVES LANDRY :

Oh.

DENIS GRAVEL :

Voyons.

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

Alexandre Daigle a manqué le faire puisqu'il a envoyé une mise en demeure.  Puis il y a quelqu'un qui était du milieu de la télévision de Québec qui est à Montréal qui actuellement est en train de travailler sur une poursuite avec l'avocat qui s'est occupé de la poursuite de Claudette Samson, je pense.  Donc, ça court…

YVES LANDRY :

C'est le moment.

JEAN- FRANÇOIS FILLION :

…  dans le milieu juridique en ce moment à Québec.

DENIS GRAVEL :

Est-ce qu'il y a des avocats qui sont attitrés à ton dossier maintenant?

JEAN- FRANÇOIS FILLION :

Je ne le sais pas.

DENIS GRAVEL :

OK, mais je pose la question.

JEAN- FRANÇOIS FILLION :

Je ne le sais pas, mais je trouve que le lien est bizarre, là.[35]

[140]       Suite à la diffusion de ces deux (2) émissions, Mme Chiasson fait parvenir par l'intermédiaire d'un procureur la mise en demeure du 10 octobre 2002[36].

[141]       Au cours de leur témoignage les animateurs de l'émission «Le monde parallèle» disent qu'ils sont surpris et estomaqués de recevoir cette mise en demeure.  M. Fillion est tellement estomaqué qu'après discussion avec Patrice Demers il entre en communication avec Mme Chiasson pour obtenir des explications sur le contenu de cette mise en demeure et lui mentionner qu'il s'agit de «niaiseries» et qu'elle «n'ira pas loin avec ça».  Ces propos ne démontrent aucun regret. Il n’y a ni excuses ou repentir dans une telle attitude.

[142]       M. Demers ne semble pas non plus très affecté par la réception de cette mise en demeure.  En effet, lors de son témoignage à l'audience, il indique au Tribunal qu'il n'écoute pas les propos tenus à l'égard de Mme Chiasson les 10 septembre et 8 octobre 2002.  Il se limite à demander à Jean-François Fillion de ne plus parler en ondes de Mme Chiasson.  Cette attitude de M. Demers ne surprend pas le Tribunal puisqu'à la lecture d'un article publié dans le journal La Presse du 9 octobre 2002[37] ce dernier indique déjà qu'il n'a pas l'intention de modifier sa formule qui agrandit son auditoire et génère des revenus importants.  Le Tribunal reproduit un extrait de cet article et les commentaires de M. Demers :

«On a un succès remarquable avec notre formule, pourquoi prendre une autre direction…  On sait bien que nos chances ne sont pas grandes devant le CRTC qui aime plutôt la radio que fait Radio-Canada.  Qui choisit la radio que les Québécois écoutent.  Le CRTC ou les auditeurs?»

Peut-être M. Demers fait-il partie des «mal cités» mais l'article de La Presse est clair.  M. Demers ne fait aucune allusion à cet article durant son témoignage qui fait partie de la preuve puisque les pièces ont été admises en début d'audience.  Il n'en dément pas le contenu.  Le Tribunal doit donc le considérer comme exact.

[143]       De même, dans «Le journal économique de Québec» du 5 février 2004, le journaliste Damien Rousseau écrit un article qui fait suite à une entrevue accordée par M. Patrice Demers.  Au cours de son contre-interrogatoire, M. Demers indique au procureur de Mme Chiasson que les propos rapportés dans l'article sont inexacts et que la teneur de l'entrevue diffère de ce qui est écrit.  M. Rousseau, auteur de l'article, témoigne devant le Tribunal. Il indique qu'au moment où il rencontre Patrice Demers, il enregistre ses propos sur magnétophone avec l'assentiment de ce dernier. Il ajoute que tout ce qui est écrit dans l'article «reproduit les propos exacts tenus par M. Demers en sa présence.»  Le Tribunal réfère à quelques extraits de cet article :

«Il est vrai qu'au début on accordait plus ou moins d'importance aux plaintes qu'on recevait.  La station était techniquement en faillite et notre priorité était de faire de l'argent, de la rentabiliser…  admet le président Patrice Demers.»

(…)

«C'est d'ailleurs cette notion de «haute qualité» qui pose problème.  «On ne sait pas c'est quoi, dira M. Demers.  Personne ne peut définir ça clairement et tout le monde s'y réfère…  Où est la ligne de ce qui est acceptable ou non?»

«Pour l'heure, 48 plaintes ont été dirigées au CRTC à l'endroit de CHOI-FM, et 42 ont été jugées irrecevables ou sans objet pour le conseil qui les a donc rejetées.  Parmi celles qui restent, notons celle de l'animateur Robert Gillet au cœur d'une affaire de prostitution juvénile et celle d'une présentatrice de météo à TVA, Mme Sophie Chiasson de qui l'animateur Jeff Fillion aurait dit que «pour être Miss-Météo, il ne fallait pas de cerveau, mais des grosses boules».  Or, dira M. Demers, «on constate que curieusement Mme Chiasson et M. Gillet sont des amis.  On a même des photos d'eux allant souper ensemble.  On connaît toutes ses allées et venues…(Mme Chiasson)».

(Notre soulignement)

[144]       Le Tribunal est convaincu que les propos rapportés par le journaliste Damien Rousseau ont effectivement été prononcés par M. Demers.  Ceux-ci démontrent le peu de souci qu'il a, même en 2004, du respect des droits et libertés des personnes qui font l'objet des invectives de Jean-François Fillion et des co-animateurs de l'émission du matin.  L'important étant encore une fois de rentabiliser la station radiophonique et de générer des profits.

[145]       Le 13 juillet 2004, le CRTC dépose la décision 2004-271 par laquelle il refuse la demande présentée par GENEX en vue de renouveler la licence de radiodiffusion de la station de radio commerciale CHOI-FM Québec[38].  Aux paragraphes 132 et 133 de la décision, le CRTC commente ainsi l'attitude de M. Demers :

132.       Le Conseil note qu’à peine un mois après la publication de la décision (2002-189), dans laquelle il exprimait de grandes préoccupations et prévenait la titulaire que de nouvelles infractions pourraient entraîner la suspension ou la révocation de sa licence, Genex concluait une entente avec M. André Arthur pour obtenir sa collaboration à l’émission quotidienne du matin de CHOI-FM.

Cette décision de M. Demers a fait l’objet d’une discussion sur les ondes de CHOI-FM le 16 août 2002. Invité à expliquer les raisons de son geste, M. Demers a déclaré notamment sur les ondes de CHOI-FM :

…je pense que les cotes d’écoute qui ont été générées par André Arthur au fil de sa carrière, et celles que CHOI génère, doivent être ce qui compte réellement.

133.        Le Conseil estime que tout ce qui précède remet en question la crédibilité de Genex et de son actionnaire de contrôle, seul administrateur et président directeur général, M. Patrice Demers, à l’égard de la capacité de Genex de comprendre et d’exercer les responsabilités qui lui sont confiées par la Loi à titre de titulaire d’une licence de radiodiffusion. La gravité et la fréquence des infractions relevées, le fait qu’il s’agit de récidive, le comportement de dénégation générale affiché par la titulaire, les mesures dilatoires qu’elle a utilisées dans le traitement des plaintes tout au long de la présente période de licence ont convaincu le Conseil que Genex n’accepte pas ses obligations réglementaires et n’a pas la volonté de s’y conformer.

(Gras ajouté)

[146]       Là encore, on constate que M. Demers n'a pas compris le sérieux avertissement servi par le CRTC en juillet 2002 et qu'il n'a rien fait pour mettre en application les balises fixées par la décision CRTC 2002-189.  Pendant les deux (2) années qui suivent, il poursuit dans la même voie en laissant toute liberté à ses animateurs.  Du point de vue commercial, la preuve démontre que cette stratégie est excessivement rentable puisque les cotes d'écoute du matin passent de 64 000 auditeurs au quart d'heure en 2002 à 100 100  en 2004.

[147]       Cela est lucratif. Mais lorsqu'on se livre à des attaques personnelles répétitives à l'égard d'individus, il y a un prix à payer.   Ce prix est d'autant plus élevé que les profits générés sont importants.

[148]       La décision du CRTC de 2004 refuse la demande de renouvellement de licence de CHOI-FM et indique que la diffusion à l'antenne de CHOI-FM devra cesser au plus tard le 31 août 2004.  GENEX s'adresse alors à la Cour d'appel fédérale afin d'obtenir un sursis. Elle conteste le pouvoir du CRTC de refuser le renouvellement de sa licence.  GENEX attaque la loi constitutive alléguant que l’organisme n'a pas les pouvoirs de rendre une telle décision.

[149]       CHOI-FM obtient par la suite un sursis de la décision du CRTC.  Elle peut donc continuer à diffuser jusqu'à ce que la Cour d'appel fédérale rende une décision. 

[150]       Dès lors, Jean-François Fillion et GENEX se retrouvent dans une position très précaire.  On peut dire que Jean-François Fillion vit «sur du temps emprunté» et  CHOI-FM «sur respirateur artificiel».

[151]       Malgré cela, Jean-François Fillion et ses acolytes poursuivent leur campagne de dénigrement à l'égard de Mme Chiasson. 

[152]       Au cours de l'émission du 8 septembre 2004[39], M. Fillion fait référence à la poursuite de Mme Chiasson.  Il  affirme «c'est des niaiseries», «c'est une tempête dans un verre d'eau» et «je n'ai pas de temps à perdre avec ça».

[153]       Le 17 janvier 2005, un mois avant l'audition de la présente cause, il fait à nouveau référence à Mme Chiasson en s'attaquant à son honneur, à sa dignité et à sa réputation.  Tout en indiquant qu'il est capable d'admettre qu'effectivement les propos prononcés à l'automne 2002 sont graves, il les minimise ajoutant que la poursuite «vaut 2 $ et des travaux communautaires» et «qu'il est prêt à aller faire le ménage chez Mme Chiasson pour remplir son obligation» [40].  À la page 9 de la transcription de cette émission, il critique le système judiciaire et indique «là, on est rendu que t'as des peines plus sévères pour dire d'une fille que c'est une «niochonne aux grosses boules» que quand tu tues quelqu'un puis tu te sauves chaud».  M. Fillion parle «des deux (2) côtés de la bouche»; il reconnaît la gravité des propos tenus à l'automne 2002 mais réfère encore une fois à Mme Chiasson comme étant une «niochonne aux grosses boules».  Encore des attaques personnelles et une démonstration évidente d'une atteinte intentionnelle à la dignité et à l'honneur d'un être humain.  Ce sont des propos sexistes qui placent la femme au niveau d'un objet.  

[154]       Au cours du procès, malgré l'admission contenue aux paragraphes 97.1 et ss. de la contestation ré-amendée et les excuses «feintes» des animateurs de l'émission «Le monde parallèle», GENEX adopte une stratégie de défense que le Tribunal qualifie d'odieuse. On tente de harceler et de déstabiliser Mme Chiasson pour qu'elle abandonne son recours. On lui fait des menaces à peine voilées

[155]       Les quatre (4) animateurs et M. Demers admettent que les propos prononcés à l'automne 2002 sont grossiers et vulgaires, qu'ils constituent des attaques personnelles et qu'ils n'auraient jamais dus être diffusés sur les ondes de CHOI-FM.   Cependant, ils tentent d'en diminuer l'impact, de les banaliser et de rejeter le blâme sur Mme Chiasson  lui reprochant d’avoir annexé à sa plainte logée auprès du CRTC à l’endroit de CHOI-FM la transcription des commentaires qui ont été diffusés par la suite autant dans la décision du CRTC de 2004 que dans les journaux à travers le Canada. Ils plaident que Mme Chiasson ouvre à nouveau  des plaies béantes en insistant pour que le Tribunal auditionne, au cours du procès, les propos tenus le 10 septembre et le 8 octobre 2002.

[156]       Quoique puissent en penser les défendeurs, le Tribunal est d'avis que Mme Chiasson est dans son droit le plus strict d'agir comme elle l'a fait.  Quand une loi ou un organisme régulateur permet à un individu de poursuivre ou de porter plainte au sujet de propos diffusés en ondes, il est tout à fait normal que la procédure soit bien articulée.  Le Tribunal ou  l'organisme décideur doit dans bien des cas reproduire ces propos, lesquels risquent d'être diffusés, surtout lorsqu'il s'agit d'attaques personnelles dévastatrices comme dans le présent cas.

[157]       C'est Jean-François Fillion et les co-animateurs de l'émission «Le monde parallèle» qui diffusent ces propos.  Ils  en sont les auteurs,  ce sont eux qui causent les dommages et doivent en supporter les conséquences.  La diffusion des propos et la plainte formulée devant le CRTC n'en sont que la conséquence.   Mme Chiasson n'avait pas à prendre de mesures particulières pour protéger les animateurs de l'émission «Le monde parallèle» et CHOI-FM d'autant plus qu'ils se complaisent à dire en ondes que les mécontents peuvent soit les poursuivre ou porter plainte devant le CRTC s'ils le désirent.

[158]       Le Tribunal considère plus outrageante encore l'offre faite par les défendeurs à la demanderesse en cours de procès de retirer de sa requête introductive d'instance les paragraphes 4 et 44 de même que toute la preuve de bonne réputation en retour de quoi, ils s'engagent à ne pas la contre-interroger sur sa  bonne réputation afin de ne pas lui causer plus de tort.  La manœuvre peut paraître habile, toutefois Mme Chiasson refuse de se prêter à ce jeu. 

[159]       Le contre-interrogatoire de Mme Chiasson concernant sa bonne réputation ne révèle aucun élément négatif.  On a tenté sans succès d’y porter atteinte.  Elle sort de ce procès avec une réputation intacte.

[160]       La défense fait entendre un certain nombre de témoins, qui pour la plupart sont des employés de CHOI-FM.  Leur témoignage porte sur des «peccadilles».  Une petite incartade survenue dans un groupe de 12 à 15 personnes au Pub de l'Université  Laval en 1997. Une initiation à laquelle participe Mme Chiasson alors qu'elle effectue un stage au FM-93 à l'automne 1997, qu'on la fait monter sur une chaise avec deux autres stagiaires, qu'elle doit ingurgiter un verre de boisson alcoolique rapidement et qu'on lui applique sur les vêtements des auto-collants de la station FM-93.  Un party de Noël  qui se déroule au restaurant «La Crémaillère» en présence d'un groupe d'une vingtaine de personnes, alors qu'elle est toujours en stage au FM-93.  Mme Chiasson y consomme une certaine quantité de vin.  Dans le courant de la soirée, elle s'approche d'un des employés de la station;  les yeux fermés et la bouche ouverte elle semble vouloir obtenir un baiser.  La personne visée reste impassible devant Mme Chiasson puis après quelques secondes elle quitte.  Rien d'autre.  Cela a-t-il pour conséquence de ternir la réputation de Mme Chiasson?  Le Tribunal dit non.  À la même époque, Mme Chiasson se rend à deux (2) reprises dans un bar de danseuses avec  trois ou quatre autres compagnons de travail.  Aucun autre commentaire. Où veut-on en venir?  Cette tentative d'attaque est totalement inutile.

[161]       Une autre employée de CHOI-FM, Catherine Bachand, recherchiste à l'émission «Le retour» de Gilles Parent  mentionne au Tribunal qu'à l'automne 2002, elle se rend à un cocktail pour l'ouverture du «Café du Monde» qui déménage dans des nouveaux locaux au Vieux-Port de Québec.  Elle y rencontre Robert Gillet qui lui mentionne être content du jugement rendu dans le dossier Daniel Johnson.  Il aurait ajouté un commentaire au sujet de Mme Chiasson disant qu'il l'a référée à ses propres procureurs, qu'il n'est pas question qu'elle règle hors cour et qu'il y aura procès.  Même si cela était vrai, le Tribunal est d'avis que cela n’a aucune  pertinence dans le présent débat.   Le fait que Mme Chiasson puisse connaître M. Gillet n'a aucune incidence sur l'issue du présent procès.

[162]       Les 4, 8 et 9 mars 2005[41], M. Fillion fait des allusions en ondes au sujet du procès qui se déroule et dans lequel il est défendeur.  Il commente certains aspects du témoignage de Mme Chiasson sans toutefois nommer son nom.  Le 4 mars il dit que le fait d'instituer des procédures en diffamation «c'est de perdre son temps» et «qu'il n'a pas l'intention de se déplacer à nouveau devant le Tribunal» alors qu'il a déjà témoigné. Pourtant, la preuve révèle qu’il invite les auditeurs blessés par ses propos à le poursuivre. Est-ce une perte de temps? Le 8 mars, il réfère à Mme Chiasson la qualifiant de «Mère Thérèsa».  Il se moque insidieusement de son témoignage laissant entendre que les auditeurs de CHOI-FM ne sont pas des êtres dangereux qui pourraient faire un «mauvais parti» à Mme Chiasson.  Le 9 mars, il fait référence à certains événements qui se sont déroulés dans un aréna. Il  laisse alors supposer que le chahut aurait pu être provoqué par une personne ayant la même attitude que  Sophie Chiasson.  De plus,  il mentionne le nom d'une personne de sexe masculin qui, selon toute vraisemblance, serait le nouvel ami de Mme Chiasson.  Il s'agit-là encore d'attaque gratuite et sans fondement visant la vie privée  d’une personne qui est en procès contre lui pour des propos blessants et malveillants.

[163]       Le Tribunal est d'avis que cela est une démonstration évidente de la non-compréhension de M. Fillion de la gravité des propos tenus à l'égard de Mme Chiasson.  C'est également un manque de respect à l'égard du processus judiciaire, une manifestation évidente qu'il se croit au-dessus de tout et de tous.  Bref rien ne peut l'affecter.  Personne ne peut le contrôler.  D'ailleurs, lors de l'émission du 23 janvier 2001, M. Fillion fait l'affirmation suivante[42] :

«JEAN-FRANÇOIS FILLION :

Non?  Je te le dis.  À chaque matin, quand j'ouvre, je dis au bon Dieu : «Tu peux aller te recoucher, je m'en occupe jusqu'à 9 h 30».  À 9 h 30, il se relève, il s'occupe de tout.

[164]       Voilà l'état d'esprit de M. Fillion,  il est incontrôlable.  Imbu de lui-même, il refuse de s'amender et continue de dénigrer ses victimes.

[165]       En tenant compte de tous les éléments mentionnés ci-avant le Tribunal condamnera les défendeurs à des dommages punitifs «très importants» afin qu'ils aient un effet dissuasif pour éviter que ne se reproduisent des attaques personnelles répétées sur des personnes comme cela a été le cas, pendant plusieurs années, à l’égard de Mme Chiasson, lesquelles se sont poursuivies après l’institution des procédures et même durant le procès. 

[166]       GENEX plaide que la diffusion des propos faite par Mme Chiasson et la décision du CRTC de 2004 «constitue une punition déjà très disproportionnée, que les objectifs de la loi sont déjà pleinement servis et qu’aucun dommage exemplaire et punitif additionnel ne devrait être accordé», le Tribunal a la certitude que cette affirmation est sans fondement puisque la preuve démontre le contraire.

[167]        En effet, après la décision de juillet 2004, l'attitude des défendeurs et celle  de GENEX et Patrice Demers n'ont  pas changé.  Les propos diffamatoires tenus en ondes se poursuivent  et M. Demers ne fait rien pour y mettre fin. 

[168]       Pour avoir un effet dissuasif à l'égard de CHOI-FM, le montant de la condamnation pour dommages punitifs doit s'élever à 200 000 $. 

[169]       Les défendeurs Fillion, GENEX et Patrice Demers ont admis leur capacité de payer ce montant par une admission faite au début de l'audience.  Pour ce qui est des défendeurs Yves Landry, Denis Gravel et Marie Saint-Laurent ils ont déposé des bilans assermentés et des pièces justificatives à leur appui.  Ceux-ci démontrent qu'ils n'ont pas la capacité financière de verser une telle somme; cependant, le Tribunal se doit de prononcer une condamnation solidaire malgré le fait que ce sont principalement Jean-François Fillion, GENEX et Patrice Demers qui sont responsables de la condamnation aux dommages punitifs. Le Tribunal déterminera par ailleurs la part de responsabilité de chacun pour valoir entre les défendeurs.

4.4  LE PAIEMENT DES HONORAIRES EXTRA-JUDICIAIRES

 

[170]       C'est l'arrêt Viel [43]qui clarifie les exigences de l'octroi d'une compensation pour  honoraires extra-judiciaires.  M. le juge Rochon indique la démarche à suivre pour décider de l'octroi ou non des honoraires extra-judiciaires réclamés dans le cadre d'un litige. 

77.  Soit dit avec égards, les principes de la responsabilité civile m'incitent à apporter une réponse négative à la question posée.  En principe et sauf circonstances exceptionnelles, les honoraires payés par une partie à son avocat ne peuvent, à mon avis, être considérés comme un dommage direct qui sanctionne un abus sur le fond.  Il n'existe pas de lien de causalité adéquat entre la faute (abus sur le fond) et le dommage.  La causalité adéquate correspond à ou aux événements ayant un rapport logique, direct et immédiat avec l'origine du préjudice subi.  Seul l'abus du droit d'ester en justice peut être sanctionné par l'octroi de tels dommages.  Il m'apparaît erroné de transformer l'abus sur le fond en un abus du droit d'ester en justice dès qu'un recours judiciaire est entrepris.  Quelques explications s'imposent.

78.  Il est acquis au débat qu'une partie ne peut, règle générale, être compensée des honoraires payés à son avocat pour faire valoir ses droits.  Le justiciable devra payer ces honoraires extrajudiciaires qu'il y ait ou non abus sur le fond.  Les honoraires ne seraient d'ailleurs pas encourus si la partie adverse reconnaissait, dès le début des procédures judiciaires, sa faute même si cette dernière peut être qualifiée d'abus sur le fond (conduite abusive, répréhensible, scandaleuse, outrageante, de mauvaise foi).  Dans ce cas, malgré la conduite abusive sur le fond, la partie n'aurait pas à débourser inutilement des honoraires à son avocat.  Cet exemple démontre l'absence de lien de causalité suffisant entre la faute et le dommage.

79.  À l'inverse, peu importe qu'il y ait abus ou non sur le fond, une partie qui abuse de son droit d'ester en justice causera un dommage à la partie adverse qui, pour combattre cet abus paie inutilement des honoraires judiciaires à son avocat.  Il y a, dans ce cas, un véritable lien de causalité entre la faute et le dommage.

80.  Cette nécessité d'une causalité adéquate a été énoncée, il y a plus de dix ans, dans l'arrêt Alvetta-Comeau :

À mon avis, la Cour supérieure a bien jugé, eu égard à la jurisprudence contemporaine qui estime que les frais d'avocats ou de justice peuvent, dans certains cas limités, lorsque la preuve du lien de causalité est effectivement rapportée, constituer un dommage direct.[44]

81.  Le juge Robert reprend le même principe dans l'arrêt Tamper.  Il refuse la réclamation de frais extrajudiciaires de l'assuré contre l'assureur au motif d'absence d'abus sur le droit d'ester en justice.  Il n'y avait pas de «lien de causalité».  Les frais extrajudiciaires réclamés n'étaient pas des «dommages directs».[45]

82.  J'ajoute que même en matière d'abus du droit d'ester en justice, il faut éviter de conclure à l'abus dès que la thèse mise de l'avant est quelque peu fragile sans être abusive.  Même dans les provinces de common law qui reconnaissent la notion de «dépens avocat-client» le peu de fondement d'une demande ne suffit pas à lui seul pour justifier l'octroi de tels dommages[46].  C'est, il me semble, une règle que reconnaît implicitement le législateur.  L'article 75.2 C.p.c. se lit en partie :

Lorsqu'il rejette, dans le cadre de l'article 75.1, une action ou une procédure frivole ou manifestement mal fondée, le tribunal peut, sur demande, la déclarer abusive ou dilatoire. Il peut alors condamner la partie déboutée à payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par une autre partie si le montant en est établi.

83.  Lorsque la conduite d'une partie sur le fond du litige est répréhensible, scandaleuse, outrageante, abusive, de mauvaise foi, le juge des faits sera porté plus facilement à conclure que cette conduite s'est poursuivie lors du débat judiciaire.  Je suis d'avis qu'il faut se méfier des automatismes en cette matière.  L'abus sur le fond ne conduit pas nécessairement à l'abus du droit d'ester en justice.  Règle générale et sauf circonstances exceptionnelles, seul ce dernier est susceptible d'être sanctionné par l'octroi de dommages (honoraires extrajudiciaires).  Comme je l'examinerai plus loin, les faits de l'espèce sont un parfait exemple de cet énoncé.

84.  J'ajoute que l'abus du droit d'ester en justice peut naître également au cours des procédures.  L'abuseur qui réalise son erreur et s'enferme dans sa malice pour poursuivre inutilement le débat judiciaire sera responsable du coût des honoraires extrajudiciaires encourus à compter de l'abus.

85.        En l'espèce, j'ai conclu que les appelants avaient eu une conduite répréhensible entachée de mauvaise foi sur le fond du litige.  Ont-ils, pour autant, abusé de leur droit d'ester en justice ?  À l'évidence non.  Par son action, l'intimée recherchait : (1) une condamnation en dommages-intérêts et (2) l'exécution en nature de l'obligation (la passation de titre).  Les appelants ont tenté de contrer ces demandes à l'aide d'arguments sérieux.  Ils ont d'ailleurs eu gain de cause en première instance quant au volet «exécution en nature».  Il n'y a pas d'abus.  Par ailleurs, je peux difficilement qualifier d'abusive la conduite d'une partie en appel qui défend le jugement de première instance qui lui a donné en partie raison.

(Notre soulignement)

[171]       Deux autres arrêts de la Cour d'appel reprennent ce même principe.  Il s'agit de Quantz c. ADT Canada Inc.[47] et Lecours c. Desjardins[48].

[172]       Certaines décisions de la Cour supérieure s'écartent de cette façon de voir en invoquant une plus grande souplesse lorsqu'il s'agit d'une violation à un droit protégé par la Charte  et surtout lorsqu'il s'agit d'une violation délibérée[49].

[173]       Dans le jugement Johnson[50], Mme la juge Carole Julien réfère à l'arrêt  Vice-versa Inc. c. Aubry[51] où la Cour suprême laisse une porte ouverte à la possibilité d'accorder un remboursement des honoraires extra-judiciaires dans le cas d'atteinte à un droit protégé par les Chartes.  La juge réfère particulièrement au paragraphe 81 «in fine» de cette décision où M. le juge Gonthier écrit :

(…) 

«Nous tenons cependant à préciser que nous rejetons aussi la position de l'appelante concernant la nécessité d'inclure les dépends additionnels dans la réclamation de dommages et intérêts.

Cette approche serait tout à fait contraire aux dispositions de l'article 477 C.p.c.  Il faut aussi noter que dans le présent cas, les dépens ne peuvent pas être considérés comme découlant directement de la violation de la Charte Québécoise».

[174]       Dans le cas présent il faut appliquer les principes établis par la Cour d'appel dans l'arrêt Viel et n'octroyer la condamnation pour honoraires extra-judiciaires que s'il y a abus du droit d'ester en justice de la part des défendeurs.  Il y a lieu de reprendre ci-après un extrait du paragraphe 84 de la décision Viel : « (abus de droit) qui peut naître également au cours des procédures et si l'abuseur réalise son erreur et s'enferme dans sa malice pour poursuivre inutilement le débat judiciaire».

[175]       En l'espèce, c'est après le début du procès que les défendeurs ont réalisé ou auraient dû réaliser leur erreur et qu'ils se sont enfermés dans leur malice pour poursuivre inutilement un débat judiciaire.  Ils doivent donc être tenus responsables des honoraires extra-judiciaires encourus après cette date.

[176]       À l'examen du compte d'honoraires P-91 et l'ajout du 14 mars 2005 dont le montant totalise 172 927,10 $, le Tribunal constate que plusieurs avocats ont travaillé au dossier pour le compte de Mme Chiasson durant le procès.  Les honoraires pour cette période sont très importants. 

[177]       On reproche souvent au système judiciaire son manque d'accessibilité en raison des coûts y attachés.  Les honoraires encourus ici constituent une démonstration que le système est parfois inabordable et exorbitant.  À titre d'exemple, les deux avocats chargés de plaider ce dossier facturent 18 heures par jour chacun alors  qu'une stagiaire qui assiste à l'audition ajoute 12 heures par jour.  D'autres charges s'additionnent pour des recherchistes ou des associés du même bureau. 

[178]       Le Tribunal, n'a pas à arbitrer les tarifs horaire ni à s'ingérer dans la méthode de travail des avocats mais la réclamation pour la partie du procès déborde  le cadre de ce qui peut être octroyé pour un procès de cette envergure.

[179]       L'examen du compte d'honoraires (P-91), démontre que les avocats ont facturé au-delà de 85 000 $ incluant TPS et TVQ pour un procès d'une durée de neuf (9) jours.  Ce montant de l'avis du Tribunal est exagéré.  Le Tribunal usant de son pouvoir discrétionnaire accorde à la demanderesse un montant de 40 000 $ à titre d'honoraires extra-judiciaires.  Ce montant lui apparaît largement suffisant compte tenu de la nature du dossier.

4.5  L'EXÉCUTION PROVISOIRE NONOBSTANT APPEL

[180]       Lors de sa plaidoirie, le procureur de Sophie Chiasson dépose une requête introductive d'instance ré-amendée dans laquelle il demande que toute condamnation soit soumise à une exécution provisoire du jugement nonobstant appel.  La requête ne contient aucune allégation précise concernant cette demande et la preuve est muette sur la raison qui pourrait justifier le Tribunal d'accorder cette conclusion.

[181]       C'est l'article 547 C.p.c. qui donne ouverture à l'exécution provisoire du jugement nonobstant appel.  Dans le présent cas, ce serait les deux derniers alinéas de cet article qui pourraient s'appliquer :

547.           Il y a lieu à exécution provisoire malgré l'appel dans tous les cas suivants, à  moins que, par décision motivée, le tribunal ne suspende cette exécution :

(…)

De plus, le tribunal peut, sur demande, ordonner l'exécution provisoire dans les cas d'urgence exceptionnelle ou pour quelqu'autre raison jugées suffisantes notamment lorsque le fait de porter l'affaire en appel risque de causer un préjudice sérieux ou irréparable pour la totalité ou pour une partie seulement du jugement.

Dans les cas prévus au présent article, le tribunal peut, sur demande, subordonner l'exécution provisoire à la constitution d'une caution».

(Notre soulignement)

[182]       Dans l'arrêt Lebeuf c. SNC-Lavallin inc.[52], M. le juge Paul-Arthur Gendreau, agissant à titre de juge unique à la Cour d'appel, énumère les facteurs qui permettent d'apprécier la notion de «raison suffisante» prévue à l'article 547 C.p.c. :

D'abord, doivent être appréciées toutes les circonstances entourant le pourvoi et non uniquement la valeur des griefs d'appel, encore que cela, soit un facteur important.  Mais, à mon avis, l'exécution provisoire vise une situation plus large que celle prévue aux articles 497 et 501 (5) C.P. dont l'objet est de sanctionner le pourvoi frivole et dilatoire ou qui paraît l'être.  En second lieu, si la raison spéciale ne s'adresse qu'à des cas sérieux, cela ne signifie pas qu'ils doivent être exceptionnels.  Toutefois, le juge ne s'écartera de la règle générale que s'il est convaincu que, sans cette mesure, tous les droits ou certains d'entre eux, acquis à l'intimé par l'effet du jugement dont on fait appel, sont (et non pourraient être) sérieusement compromis.  Cette situation peut découler des agissements mêmes de l'intimé qui détourne à son profit la procédure d'appel ou simplement de facteurs résultant de la nature du recours ou des circonstances particulières de l'espèce.  Enfin, troisièmement et par dessus tout, l'exercice de la discrétion judiciaire doit viser à ce que ne soit pas gravement rompu l'équilibre entre l'intérêt de l'appelant d'exercer son droit d'appel et celui de l'intimé qui bénéficie d'un jugement présumé valide.  Cette notion me semble au cœur du débat et le législateur l'a bien reconnu en autorisant que l'exécution provisoire puisse être subordonnée à l'obligation, pour l'intimé en appel, de fournir caution.  En somme, à plusieurs égards, cette institution offre d'importantes similitudes avec l'injonction : l'apparence de droit examinée en fonction de la valeur, prima facie, du pourvoi, le dommage et surtout la balance des inconvénients.

Cela dit, il appartient au requérant, intimé en appel, de faire la démonstration des faits qui autoriseraient un juge d'exercer ce pouvoir discrétionnaire.  En raison du caractère particulier du remède recherché, il doit, pour satisfaire son fardeau, dépasser le stade des allégations vagues, générales ou hypothétiques et étayer son dossier de faits précis, clairs et concrets.  Pour cela, puisque la Cour n'est pas une instance de procès, il devra soumettre affidavits et documents, seule façon de présenter une preuve en appel, sauf circonstances très exceptionnelles.

(Notre soulignement)

[183]       Dans le présent dossier, la demande d'exécution provisoire survient après que la preuve ait été déclarée close.   Le Tribunal n'a aucun élément pouvant justifier cette  conclusion.  Même si la preuve démontre que depuis 2004 GENEX est en réorganisation administrative[53], que le renouvellement de licence de GENEX a été refusé en 2004 et que l'audition d'un appel est prévu devant la Cour d'appel fédérale en mai 2005, cela n'est pas suffisant en soi pour donner ouverture à une exécution provisoire du jugement nonobstant appel.

[184]       S'il y a appel, les procureurs de Mme Chiasson pourront s'adresser à la Cour d'appel en invoquant les critères déterminés par M. le juge Gendreau si des raisons suffisantes justifient une telle demande.

[185]       Le seul aspect du dossier qui autorise le Tribunal à ordonner l'exécution provisoire partielle du jugement nonobstant appel réside dans le fait que les défendeurs ont fait des offres réelles et consignation le 17 février 2005.  Il appert que le montant de 30 000 $ que reconnaissent devoir les défendeurs peut faire l'objet d'une exécution provisoire nonobstant appel et d'un retrait immédiat vu la reconnaissance des défendeurs qu'ils doivent ce montant. 

[186]       À cet égard, le Tribunal réfère à une décision rendue par M. le juge Jean-Guy Dubois, le 18 décembre 1998 dans Verville c. Industrielle-Alliance[54] qui conclut en ce sens.  Cependant, dans ce dernier dossier, l'aspect avait été discuté devant la Cour et il y avait eu consentement de la part des défenderesses à ce qu'il en soit ainsi. 

[187]       Le Tribunal croit toutefois qu'il n'est pas nécessaire que le consentement existe pour ordonner l'exécution provisoire lorsqu'il y a des offres réelles et consignation et que la condamnation revêt l'importance qu'on retrouve ici.  En conséquence, le Tribunal accorde l'exécution provisoire du jugement nonobstant appel jusqu'à concurrence de 30 000 $, soit le montant consigné.

4.6 SURVIE DE L'ORDONNANCE DE CONFIDENTIALITÉ ET DE NON-PUBLICATION

[188]       Reste à déterminer la survie ou non de l'ordonnance de confidentialité et de non-publication concernant le nom d'un commanditaire dévoilé par Mme Chiasson au cours de son contre-interrogatoire. 

[189]       Tout en ayant le plus grand respect pour la liberté de presse, le fait que les audiences des tribunaux sont publiques et que les informations dévoilées par la preuve peuvent être diffusées, le Tribunal est d'avis après avoir soupesé d'une part la liberté de presse et d'autre part l'effet négatif que pourrait avoir pour Mme Chiasson et le commanditaire le fait de dévoiler le nom de ce dernier que l'ordonnance de confidentialité et de non-publication doit continuer à s'appliquer après jugement.  Le Tribunal rendra une ordonnance en ce sens.

4.7  PARTAGE DE RESPONSABILITÉ POUR VALOIR ENTRE LES DÉFENDEURS SEULEMENT

[190]       L'article 469 C.p.c. permet au Tribunal, lorsqu'il prononce une condamnation solidaire contre les personnes responsables d'un préjudice  de déterminer, pour valoir entre elles seulement, la part de chacune dans la condamnation si la preuve permet de l'établir[55]

[191]       Dans le Précis de procédure civile du Québec[56]les auteurs Ferland et Emery écrivent :

(…)  Il [Tribunal] peut le faire même en l'absence d'une conclusion spécifique à ce sujet dans la requête introductive d'instance sans pour autant prononcer ultra petita.  L'article 469 C.p.c. ne s'applique que dans le cas où un jugement est prononcé en même temps contre des défendeurs tenus solidairement responsables [57].

[192]       La preuve révèle que les défendeurs Yves Landry, Denis Gravel et Marie Saint-Laurent sont liés par contrat avec GENEX au moment de l’introduction des procédures mais qu'on n'y prévoit pas spécifiquement de disposition concernant le remboursement d'une somme d'argent suite à une condamnation prononcée contre eux.  Ces trois (3) défendeurs affirment cependant que leur employeur pourrait leur demander de contribuer si un jugement retenait leur responsabilité.

[193]       Pour ce qui est de Jean-François Fillion, il ne détient aucun contrat écrit avec GENEX. Il affirme au Tribunal qu'il devra contribuer au cas de condamnation à son endroit.  M. Demers confirme cette affirmation sans toutefois préciser la part de responsabilité que devrait supporter M. Fillion.

[194]       Le Tribunal est d'avis que la preuve permet d'établir, pour valoir entre les défendeurs seulement, la part de responsabilité que chacun doit ou devrait supporter.

[195]       Les trois (3) animateurs Yves Landry, Denis Gravel et Marie Saint-Laurent n'ont qu'acquiescé aux propos tenus par Jean-François Fillion.  Ils sont ses «faire valoir».  C'est principalement Jean-François Fillion qui a porté les attaques personnelles à l'égard de Mme Chiasson.   C'est lui,  parmi les animateurs,  qui doit supporter  la plus grande part de responsabilité.  Le Tribunal détermine que Yves Landry, Denis Gravel et Marie Saint-Laurent doivent supporter entre eux une part de responsabilité équivalente à 10 % des dommages déterminés par le présent jugement, soit 3,33 % chacun, part de responsabilité qu’ils sont en mesure d’assumer.

[196]       Pour ce qui est du 90 % restant, le Tribunal est d'avis que Jean-François Fillion d'une part et GENEX ainsi que Patrice Demers d'autre part, doivent supporter chacun la moitié de ce pourcentage. 

[197]       M. Fillion est l'instigateur des propos blessants et diffamants prononcés à l'égard de Mme Chiasson alors que GENEX et Patrice Demers ne font rien pour empêcher la diffusion de ces propos ou contrôler M. Fillion.  Jean-François Fillion doit supporter 45 % de la responsabilité concernant la condamnation totale déterminée dans le présent jugement,  GENEX ainsi que Patrice Demers  l'autre 45 %.

[198]       Ce partage de responsabilité n'affecte en rien l'exécution du jugement puisque les défendeurs sont condamnés solidairement à verser la totalité des montants établis dans le présent jugement.

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

 

 

ACCUEILLE la requête introductive d'instance en dommages et intérêts pour atteinte à la réputation et à la vie privée de Sophie Chiasson;

CONDAMNE solidairement les défendeurs Jean-François Fillion, Genex Communications Inc. (CHOI-FM), Patrice Demers, Denis Gravel, Yves Landry et Marie Saint-Laurent à payer à Sophie Chiasson à titre de dommages moraux la somme de 100 000 $ avec intérêt à compter du 10 octobre 2002 en plus de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q.;

CONDAMNE solidairement les défendeurs Jean-François Fillion, Genex Communications Inc. (CHOI-FM), Patrice Demers, Denis Gravel, Yves Landry et Marie Saint-Laurent à payer à Sophie Chiasson à titre de dommages punitifs la somme de 200 000 $ avec intérêt à compter de la date du présent jugement en plus de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q.;

CONDAMNE solidairement les défendeurs Jean-François Fillion, Genex Communications Inc. (CHOI-FM), Patrice Demers, Denis Gravel, Yves Landry et Marie Saint-Laurent à payer à Sophie Chiasson la somme de 40 000 $ à titre d'honoraires extra-judiciaires avec intérêt à compter de la date du présent jugement en plus de l'indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q.;

DÉTERMINE pour valoir entre les défendeurs solidaires seulement la part de chacun dans la condamnation comme suit : Yves Landry : 3,33 %, Denis Gravel : 3,33 %, Marie Saint-Laurent : 3,33 %, Jean-François Fillion : 45 % et Genex Communications Inc. ainsi que Patrice Demers : 45 %;

RECONDUIT l'ordonnance de confidentialité et de non-publication rendue à l'audience concernant le nom du commanditaire mentionné par Sophie Chiasson au cours de son témoignage, l'identité de ce commanditaire devant être sauvegardée afin de protéger à la fois le commanditaire et la demanderesse;


ORDONNE l'exécution provisoire du jugement nonobstant appel pour la somme de 30 000 $ soit le montant des offres réelles et consignation déposé au greffe de la Cour supérieure, district de Québec et AUTORISE la demanderesse et ses procureurs à effectuer les démarches nécessaires pour obtenir paiement de ladite somme de 30 000 $ dès réception du présent jugement;

DÉCLARE que les Annexes I, II, III et IV font partie intégrante du présent jugement;

LE TOUT avec  dépens.

 

 

 

 

 

 

__________________________________

Yves Alain, J.C.S.

 

Me Vincent Gingras

Me Annick Bernatchez

POULIOT L'ÉCUYER - Casier 8

Procureurs de la demanderesse

 

Me René Dion

Me Éric Lewis

Procureurs des défendeurs

 

Dates d’audience :

28 février, 1er, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 11 mars 2005

 


 

ANNEXE I

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

Ah ouais, non.  C'est parce que je compare les bulletins des stations locales de TVA ou de Radio-Canada en comparaison avec celle de CNN ou des stations locales qui ont leur propre «Doppler radar», qui ont leur propre équipement pour faire la météo, qui ont leur propre computer.  C'est plus un…  On met beaucoup d'importance là-dessus dans le bulletin de nouvelles alors qu'ici…

SOPHIE CHIASSON :

Mais nous…

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

…  c'est toujours dans le coin, c'est toujours caché, puis je le sais que vous faites vos propres…  Mais je parle de TVA là.  Je parle plus de TVA.

SOPHIE CHIASSON :

D'accord.

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

Tu sais, ils ont…  Il n'y a personne dans le coin qui a…  Pas une station de télévision qui a…  Regardez nous autres, nos présentateurs de nouvelles locales à TQS et à TVA, c'est deux clowns.   Christian, il est ben fin, mais si je lui parle de ce que j'ai parlé à matin,  il ne comprend rien de ça lui là, là.  Front froid, puis il est encore là, puis il y a un front chaud qui passe à travers mais la poche d'air frette reste…  Il ne comprend rien de ça lui. Il court dans les maisons avec des concours puis il dit la météo à travers.  Tu sais, on met des imbéciles pour faire la météo.  Mais là-bas c'est des vrais météorologues.  Ben vous en avez chez vous puis vous ne prenez pas la météo d'Environnement Canada.

SOPHIE CHIASSON :

Du tout.

(…)

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

Oui, mais eux sont proches de météorologues.

SOPHIE CHIASSON :

Hum.

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

Ils en ont, ils sont cons…  vous êtes constamment…  Non, ils ne sont pas dans la même salle…

SOPHIE CHIASSON :

Pas s…

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

Ils ne sont pas proches de vous autres?

SOPHIE CHIASSON :

Oui, oui, oui, on a un briefing le matin là.

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

Mais ils ne sont pas tout le temps en train de vous jaser.  Donc, ils vous jasent aux quatre heures quand il y a des changements dans leurs observations ou dans leur…

SOPHIE CHIASSON :

Non, non c'est ça, mais les changements là, c'est rare hein?

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

Il n'y en arrive pas souvent, c'est ça.

SOPHIE CHIASSON :

Exactement.  Mais on est constamment, c'est vrai qu'on…  nous sommes constamment.

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

T'es entourée de gens qui…

SOPHIE CHIASSON :

Oui.

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

…  qui pognassent des cartes puis qui regardent les images satellites puis les courants de vents puis…

SOPHIE CHIASSON :

Oui.  Nous avons nos propres météorologues, qui font leurs propres modèles, qui analysent les modèles.

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

C'est ça.  Non, non, ça on…  Ben moi, souvent je compare les météos d'Environnement Canada puis celle de « Météo-Média », puis j'ai l'impression que « Météo-Média » puis ça je le dis souvent, est toujours plus juste qu'Environnement Canada.

(Notre soulignement)


ANNEXE II

 

SOPHIE CHIASSON :

Mais tu sais, Jeff, que…  tu sais que…  tu sais, tu me parlais, pour te citer, des belles pipes puis des blow jobs.

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

Oui.

SOPHIE CHIASSON :

Sérieusement, non seulement ça n'a même pas lieu d'être.  En tout cas, je n'ai jamais vu ça, et je ne travaille pas juste à « Météo-Média », à TVA aussi puis tout ça.  Je n'ai jamais eu…

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

Vent de…

SOPHIE CHIASSON :

Je te le jure que je le dirais.  Je ne nommerais pas le nom, là, mais je le dirais.  Je n'ai jamais eu une avance ou une quelconque, là : «Bien si tu fais…»

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

OK, rien.

SOPHIE CHIASSON :

Nothing.  Même pas une invitation à souper.

(Notre soulignement)


ANNEXE III

 

Extraits de l'émission du 10 septembre 2002

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Chophie qui est venue ici pis qui… a enlevé son jacket pour être sûre qu’on lui voit ses deux (2) grosses affaires là. Et de source sûre c’est gros là. C’est encore plus gros toute nue que… habillée là. C’est le genre de fille que tu fais un saut quand elle, quand ça sort de là.

 

DENIS GRAVEL :

 

Encore une fois l’expression larger than life.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Yes.

 

DENIS GRAVEL :

 

OK.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

C’est gros, c’est énorme. Il paraît que ça c’est un (1) de ses avanta­ges. Malheureusement eh, la grosseur du cerveau n’est pas directement proportionnelle à la grosseur de la brassière.

 

DENIS GRAVEL :

 

On dit inversement proportionnel.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Dans ce cas-ci c’est peut-être inversement proportionnel, effecti­vement.

 

DENIS GRAVEL :

 

(Rires). »

 

(…)

 

« JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Euh, on me dit que dans la semaine où notre ami… Alexandre Daigle était à Montréal, c’était la sangsue alentour d’Alexandre Daigle.

 

DENIS GRAVEL :

 

Chalut Alexandre. Chalut Alexandre.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Et elle s’est même essayée sur d’autres -  parce qu’ici j’ai senti même quelques essais là. Je ne sais pas si, si, si des fois on se fait des histoires?

 

DENIS GRAVEL :

 

Elle est déjà venue ici, elle?

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Ben oui.

 

DENIS GRAVEL :

 

OK. Jeff, ce n’était pas subtil.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Ce n’était pas subtil?

 

DENIS GRAVEL :

 

Pas du tout.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Non, tu penses que votre humble serviteur aurait pu s’amuser?

 

DENIS GRAVEL :

 

Tout a fait.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

(Rires).

 

DENIS GRAVEL :

 

(Rires).

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Euh, mais discipliné comme je suis… on dirait qu’une cruche vide, ça a ben beau avoir des gros seins pis une tite taille pis un tit cul, ça ne fait rien.

 

DENIS GRAVEL :

 

Ça aussi ce n’était pas très subtil.

 

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Oui.

 

DENIS GRAVEL :

 

Je me souviens qu’à la fin c’était le temps qu’elle parte pis c’est ça là. (Rires).

 

JEAN-FRANÇOIS FIILION :

 

Hééééé.

 

DENIS GRAVEL :

 

(Rires).

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Mais on me dit aussi qu’elle s’est essayée cet été sur… des athlètes … sportifs là, des médaillés olympiques. Des gens connus dans le milieu sportif mais tous des gens qui ont quelque chose. Tu sais, rarement un débosseur.

 

YVES LANDRY :

 

Bon.

 

DENIS GRAVEL :

 

(Rires).

 

YVES LANDRY :

 

Pourtant un débosseur ça a une shop un… une couple de mille (1 000) piastres là.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Oui, oui, mais elle, rarement un débosseur.

 

DENIS GRAVEL :

 

OK, c’est le standing?

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Yes. Elle cherche le prince charmant.

 

YVES LANDRY :

 

Le quart (1/4) de mille à Pont-Rouge.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Je ne sais pas si elle est encore avec son chum qui… qui a quasiment deux (2) fois son âge, producteur d’émissions influen­tes à Montréal?

 

YVES LANDRY :

 

Ah, oui, oui, oui, oui.

 

 

DOMINICK GAUTHIER :

 

Ben là après ce que t’as dit j’espère que non parce que… elle ne semble pas s’être cachée de rien.

 

YVES LANDRY :

 

Oui.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

OK.

 

DOMINICK GAUTHIER :

 

Pis moi, on m’a dit que c’était une experte de la menterie là, venant d’une autre source.

 

YVES LANDRY :

 

Oh.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Une autre source?

 

DOMINICK GAUTHIER :

 

Oui.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Donc, dans sa tête, elle a plusieurs amis imaginaires là?

 

DOMINICK GAUTHIER :

 

Maladif.

 

YVES LANDRY :

 

Ben oui mais, Dominick…

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Dominick, t’es donc ben - à chaque fois que je sors un nom t’as, t’as l’air branché.

 

YVES LANDRY :

 

C’est l’fun, hein?

 

DENIS GRAVEL :

 

Je trouve ça l’fun que tu sois ici ce matin.

 

YVES LANDRY :

 

Oui, pis c’est subtil, hein il…

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Pour ceux qui se demandent là Sophie Chiasson fait la météo à MÉTÉO MÉDIA.

 

 

DOMINICK GAUTHIER :

 

Ben moi je ne la connais même pas. Je ne sais même pas de quoi elle l’air (sic).

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Ce n’est pas la plus mauvaise.

 

YVES LANDRY :

 

Non.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Ce n’est pas la plus mauvaise à la météo pis elle passe bien. C’est une belle fille mais tu sais tantôt c’est parce que je parlais des filles qui… qui ont un but là. Elles savent comment s’arranger quand elles savent qu’elles ont un p’tit cul, des belles boules, un visage pas si pire. »

 

(…)

 

« DOMINICK GAUTHIER :

 

Alexandre Daigle, ça devait être pendant la formule un (1)?

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Ben oui, ça c’est sûr. Il ne se représentera pas à Montréal en dehors ça là parce que tout le monde court après pour avoir des chèques.

 

DENIS GRAVEL :

 

Oui, il y a du monde qui attendent.

 

DOMINICK GAUTHIER :

 

Elle était là?

 

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Oui.

 

DOMINICK GAUTHIER :

 

OK.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

C’est toujours quand c’est hot. C’est exactement pendant la F un (1) là, pendant le spectacle avec Sherryl Crow…

 

DOMINICK GAUTHIER :

 

Gros party.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

pis le gros party à deux milles (2 000) piastres où ils ont servi du rosbif avec de la petite sauce brune.

 

DENIS GRAVEL :

 

Ah, le party plein de vedettes pas de vedettes là?

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Yes.

 

DENIS GRAVEL :

 

OK.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Le party plein de vedettes mais pas de vedettes, c’est ça. Mais dans les vedettes il y avait - écoute, au Québec, faire la météo sti tu deviens une star.

 

Donc, elle faisait partie des stars.

 

DOMINICK GAUTHIER :

 

Standing.

 

YVES LANDRY :

 

Ouvre la porte du garage, on s’en va.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Yes. Ah, oui, on s’en va mais je ne sais pas, peut-être que - je ne le sais pas, le matin ce n’est pas elle.

 

YVES LANDRY :

 

Non.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Ce n’est pas elle.

 

DENIS GRAVEL :

 

On ne la voit plus?

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Hmmm, mais elle fait partie des filles qu’on nommait tantôt là qui, qui essaient de s’agripper à quelque chose ou à quelqu’un qui lui, a une certaine réputation publique.

 

DENIS GRAVEL :

 

Ça fait qu’il y a plusieurs malades chroniques à MÉTÉO MÉDIA là, si on fait le bilan là? »

 

« JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Bon, ben on voit qu’on a deux (2) dérangées pis on a Sophie qui se cherche un homme à tout prix. Un homme avec un standing. C’est un bon poste MÉTÉO MÉDIA je vous le conseille.

 

YVES LANDRY :

 

Pis elle a fait le tour.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Yes, c’est un genre de soap qui dure vingt-quatre (24) heures.

 

DENIS GRAVEL :

 

C’est en coulisses que ça se passe.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Yes.

 

YVES LANDRY :

 

Sophie a dû passer trois (3), quatre (4) paires de radials là aussi parce qu’elle a fait une run là, elle a fait le tour. Beaucoup de kilométrage.

 

DENIS GRAVEL :

 

Oui?

 

YVES LANDRY :

 

Oui.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

En tout cas, je n’ai pas eu de nouvelles depuis ce temps-là. Elle m’a rappelé une (1) fois mais je n’ai pas eu d’autres nouvelles, elle a vu que je ne mordais pas après l’os j’imagine. »

 

(…)

 

« JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Sérieusement, bon, il y a quelqu’un qui m’a dit, de source sûre là, c’est - méchante paire de boules, par exemple.

 

DENIS GRAVEL :

 

Mais t’as parlé au tâteux?

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Oui.

 

YVES LANDRY :

 

Le tâteur lui-même.

 

MARIE SAINT-LAURENT :

 

Oui, mais la texture ça donnait quoi?

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Non, non, c’était ça.

 

DENIS GRAVEL :

 

Est-ce que ça défie la gravité?

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Je… je reviens là-dessus. Je vais revenir plus tard là-dessus. Je vais poser des questions et…

 

DENIS GRAVEL :

 

OK.

 

YVES LANDRY :

 

Tu vas compléter l’expertise.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

L’analyse sera complète dans les prochaines semaines.

 

DENIS GRAVEL :

 

Nous reparlerons au tâteux.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Mais c’est drôle, à chaque fois que je la vois à la météo, on dirait que j’ai toujours un sourire en coin. Je pense toujours à tout ce que j’entends d’un bord et de l’autre sur, sur la sympathique personnage qu’elle peut être.

 

(…)

 

« MARIE SAINT-LAURENT :

 

Je suis en train de chercher…

 

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Mais moi, ça ne m’impressionne pas beaucoup.

 

YVES LANDRY :

 

Non?

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Non, non, ce n’est pas, ce n’est pas - ça vient fâché, ça se défâche de même ça.

 

YVES LANDRY :

 

Ah, oui. Ben, oui c’est un p’tit cœur de poule.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Eille, je te remercie d’avoir trouvé le C.V. de notre amie Sophie Chiasson.

 

DENIS GRAVEL :

 

Dans la filière X.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Yes, t’as trouvé ça où, toi?

 

MARIE SAINT-LAURENT :

 

Ça traînait dans la - c’est Johanne qui avait conservé tout ça précieusement là.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Elle a laissé des photos d’elle-même, Sophie Chiasson qui est à MÉTÉO MÉDIA qu’on a parlé un p’tit peu plus tôt ce matin pis qui a été une sangsue après Alexandre Daigle pendant son séjour à Montréal pendant le grand prix de F un (1).

 

Elle se serait même essayée sur un skieur acrobatique qui a gagné quelques médailles.

 

MARIE SAINT-LAURENT :

 

À première vue, elle semblait te trouver de son goût aussi.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Je ne le sais pas mais… je peux…

 

DENIS GRAVEL :

 

Elle a une bonne liste.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Ah, oui, je fais partie d’une longue liste.

 

MARIE SAINT-LAURENT :

 

Elle a des goûts variés, hein?

 

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Oui, oui, c’est sûr.

 

YVES LANDRY :

 

Même Randy Johnson.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Est-ce que t’es en train de dire que je suis avarié?

 

MARIE SAINT-LAURENT :

 

Non.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Bon.

 

MARIE SAINT-LAURENT :

 

Non.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Mais… dans les photos par contre, on doit dire une (1) chose… et si on est tous honnêtes ici à part peut-être Dominick.

 

DENIS GRAVEL :

 

Elle a un beau sourire.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

On a déjà attaqué quelque chose de plus laid que ça là.

 

YVES LANDRY :

 

Oui, effectivement.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Puis finalement, on avait eu du plaisir quand même.

 

YVES LANDRY :

 

On remarque, par contre, dans la…

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Pardon?

 

JOH ANNE DUBÉ:

 

Elle est fausse.

 

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Elle est fausse?

 

 

JOHANNE DUBÉ :

 

Oui. »

 

(…)

 

« YVES LANDRY :

 

Ben, tu vois le down force, hein? Et c’est ce down force-là qui donne le son à Chophie.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Ah, OK, ch’est chà qui fait chà?

 

YVES LANDRY :

 

Ch’est chà qui fait chà. D’ailleurs chà ne che fait pus ici pis, pis ch’vous chaserai, on lui a j’ailleurs jemandé pourquoi elle chuinchait.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Toi, tu lui a (sic) demandé? (Rires).

 

YVES LANDRY :

 

Te rappelles-tu de ça. Et tu m’as regardé en disant : « Criss, ch’veux finir l’entrevue, elle vient de commencher ».

 

DENIS GRAVEL :

 

(Rires).

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Quand elle était en entrevue ici Yves, il avait dit - tu sais Yves avec ses grandes histoires : « Eille Sophie comment ça que t’arrives à - puis pourtant à la radio c’était pas pire mais quand t’arrives à la T.V. tu chuintes » ?

 

Elle a dit : « Quoi? Qu’est-ce que tu veux dire »?

 

 

YVES LANDRY :

 

Ben, ch’veux dire che chourquoi cha chévé chà chait chà. »

 

(…)

 

            JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Ben non, mais à la météo là c’est parce qu’un imbécile est capa­ble de faire la météo dans ce qu’on demande ici là.

 

JOHANNE DUBÉ:

 

Ok, OK, non, mais là on s’entend d’abord.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Météo.

 

MARC LANDRIAULT :

 

T'en as la preuve.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

La météo, elle est capable de livrer autant que Christian Hamel et Pierre Lamontagne.

 

MARC LANDRIAULT :

 

Ouais.

 

JOHANNE DUBÉ :

 

Parce que…

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Puis dans les météorologues de Québec là, bien météorologues, attention.

 

MARC LANDRIAULT :

 

(Mot inaudible)… météorologues.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

lectrices de météo… (Rires).

 

 

JOHANNE DUBÉ :

 

Miss météo, là.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

… on s'entend que Chiasson est meilleure que celles qu'on voit à la TV ici, là.

 

JOHANNE DUBÉ :

 

On appelle ça des miss météo.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

OK, Bon…

 

JOHANNE DUBÉ :

 

J'en ai déjà été une.  Ça fait partie de mon passé.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Je compare le talent avec ce qu’on voit habituellement. Je ne peux pas comparer le talent avec quelqu’un qui fait la météo à CNN.

 

JOHANNE DUBÉ :

 

OK, d’abord on s’entend, on est sur la même base.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Je dis, dans le sac qu’on nous propose…

 

MARC LANDRIAULT :

 

Au Québec.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

… ce n’est pas la beigne la moins bonne. Dans la boîte de DUNKIN DONUTS, ce n’est pas la beigne la plus dégueulasse.

 

 

MARC LANDRIAULT :

 

Au Québec.

 

 

MARIE ST-LAURENT :

 

Ouais, mais…

 

JOHANNE DUBÉ :

 

Je n’aime pas ça faire le procès des gens comme ça là, mais…

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Quoi?

 

MARIE SAINT-LAURENT :

 

Ben, ce n’est pas la roue de tracteur là, ce n’est pas le meilleur beigne de la boîte non plus.

 

YVES LANDRY :

 

(Rires).

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Ben, dans les météorologues là, c'est qui…  dans les filles…  voyons, météorologues…  Dans les filles qui lisent la météo, qui?

 

MARIE SAINT-LAURENT[58] :

 

Ben moi, j’aime ben celle qui ressemble un peu à une actrice porno là le matin, la p’tite blonde.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Ah, celle qui a des grosses boules là?

 

MARIE SAINT-LAURENT :

 

Oui.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Ah oui, je ne l’haïs pas non plus, elle.

 

YVES LANDRY :

 

Avec le… (mot inaudible), ici là?

 

MARIE ST-LAURENT :

 

(Rires).  Ouais.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Ouais, ouais, ouais, ouais, ouais,  oui, oui.  Il y a rien une affaire, c'est que…

 

YVES LANDRY :

 

Mais ça, faire de place, elle ne l’a pas elle non plus.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Ça lui prendrait un coiffeur, c’est son seul problème. Et tu disais Jo?

 

JOHANNE DUBÉ :

 

Si tu veux connaître vraiment l’étendue de son talent, tu écouteras, je sais que c’est pénible un peu, «DEUX (2) FILLES LE MATIN» ou encore «LES SAISONS DE CLODINE» où elle fait une petite chronique beauté payée par un pharmacien là, qui fait…

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Oui, elle nous en  avait parlé de ça?

 

DENIS GRAVEL :

 

Oui.

 

JOHANNE DUBÉ :

 

Et c’est très mauvais.

 

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

C’est très mauvais?

 

YVES LANDRY :

 

(Rires).

 

DENIS GRAVEL :

 

Le jugement est sans appel.

 

DOMINICK GAUTHIER  (CHRONIQUEUR PLEIN AIR) :

 

Mais j'ai rarement vu Jo catégorique de même.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Non, non, puis là même dans sa… (mot inaudible).

 

JOHANNE DUBÉ :

 

Moi là…  Moi là, des «chouchounes» là, ça me tape sur les nerfs. Vous en avez déjà engagé une (1) qui a fait quoi, trois (3), quatre (4) jours ici?

 

MARIE SAINT-LAURENT :

 

Trois (3) jours.

 

INTERVENANT NON IDENTIFIÉ :

 

(Rires).

 

JOHANNE DUBÉ :

 

C’est dans la même catégorie.

 

DENIS GRAVEL :

 

«So many memories».

 

YVES LANDRY :

 

(Rires).

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Mais c’est vrai que c’est la même catégorie.

 

JOHANNE DUBÉ :

 

Des «chouchounes».

 

 

            DENIS GRAVEL :

           

            Oui, c’est exactement le même genre de personnes ça, je suis d’accord. »

 

(…)

« JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Mais c’est parce que j’ai entendu entre les branches, pis quand j’entends des nouvelles de même, ça me fait tellement rire là.

 

C’est parce que ça ne me surprend pas là, quand les noms arrivent je ne tombe pas en bas de ma chaise. Quand on me dit : « Alexandre Daigle, les trois (3), quatre (4) jours qu’il était à Montréal pour fourrer le monde avec son histoire, la chatte en chaleurs qui était après c’est, comme par hasard, oups, tiens.

 

Tu sais là, on dirait que les dix (10) poufiasses que tu t’attends à ce qu’il arrive des affaires de même, soit qu’elles se ramassent dans une chronique à RADIO-CANADA ou encore à licher l’cul d’Alexandre Daigle.

 

On dirait que c’est tout le temps la même p’tite gang, la même p’tite rapace mais c’est notre petitesse du marché qui fait qu’on parle tout le temps du même monde pis qu’on vient à… »

 

(Gras ajouté)

 


ANNEXE IV

 

Extraits de l'émission du 8 octobre 2002

 

« MARIE SAINT-LAURENT :

 

Michou qui nous parle de Sophie Chiasson et d’Alexandre Daigle, de leur rencontre au mois de juin dernier.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Oh.

 

 

MARIE SAINT-LAURENT :

 

Qu’ils avaient soupé ensemble au Château Champlain et qu’il avait cru voir une magie entre les deux (2).

 

De la façon qu’il nous explique ça, c’est qu’ensuite M. Daigle est retourné en Californie où là, il aurait vécu une petite romance avec Sherryl Crow mais là, il semble qu’il fait un retour à Mme Chiasson et que… elle aurait été le visiter à Los Angeles il y a quelques jours de ça.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

OK, donc elle n’est plus avec son producteur d’émissions qui lui a donné…

 

MARIE SAINT-LAURENT :

 

Toutes les émissions auxquelles elle a participé.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Toutes les émissions…

 

MARIE SAINT-LAURENT :

 

Sans exception.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Sans exception. C’est le contact qui - c’est ça qui a fait qu’aujourd’hui elle est ce qu’elle est là.

 

MARIE SAINT-LAURENT :

 

C’est le passage.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

C’est le passage.

 

YVES LANDRY :

 

Donc, si on ne la voit plus à la télévision, on a maintenant l’explication.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Sauf que tu vas pouvoir la voir sur le bord de la bande maintenant à Pittsburgh.

 

 

 

YVES LANDRY :

 

Voilà.

 

DENIS GRAVEL :

 

Ça fait que quand Alexandre s’ennuie, quand il ne peut pas sortir avec une vedette, il vient chercher Chophie. C’est ça? »

 

(…)

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Ou encore une fille qui est d’une propreté incroyable et qui enlève sa brassière et qui a trois (3) poils sur le sein d’une longueur d’à peu près une pouce et demi (1½).

 

Tu sais il a dû en voir de toutes les sortes donc, s’il est revenu à Mme Chiasson. C’est sans doute que mes contacts qui m’ont dit que cette paire de seins-là était d’une beauté extraordinaire, effectivement, elle fait la job sur Alexandre Daigle.

 

DENIS GRAVEL :

 

Parce que t’as des contacts qui t’ont dit que…

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Mes contacts m’ont dit que la paire de - ça, jamais je croirai que ça risque d’être, que je risque d’être poursuivi pour telle chose parce que c’est un compliment.

 

DENIS GRAVEL :

 

C’est un compliment, oui.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

On dit qu’il y a sur ce corps de présentatrice de météo, des seins imposants et d’une rare qualité. Donc, ça doit être une (1) des raisons pourquoi Alexandre a… dumpé Sherryl Crow, qui, elle, n’en a pas du tout là.

 

DENIS GRAVEL :

 

(Rires).

 

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Pour… Mme Chiasson, présentatrice de météo à MÉTÉO MÉDIA.

 

DENIS GRAVEL :

 

Qui en a pour deux (2).

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Donc, c’est Michou qui nous parle de ça?

 

 

MARIE SAINT-LAURENT :

 

C’est Michou qui nous parle de ça. Je suis assez impressionnée que tu réussisses à trouver une logique dans ça, le fait de dumper Sherryl Crow pour Mme Chiasson.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Oui, tout est dans les seins.

 

MARIE SAINT-LAURENT :

 

Non, c’est sûr que ça se passe pas au-dessus des épaules là.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Non, non.

 

DENIS GRAVEL :

 

(Rires).

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Non, non, non, Sherryl Crow, c’est quelqu’un là pis d’après moi, Alexandre Daigle n’a pas flushé Sherryl Crow s’il était avec, elle l’a flushé après deux (2) heures.

 

DENIS GRAVEL :

 

Ça se pourrait.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Parce que Sherryl Crow, je ne sais pas si vous avez déjà lu un peu sur elle ou l’avez déjà entendue en entrevue, c’est quelqu’un.

 

MARIE SAINT-LAURENT :

 

Elle a une attitude là.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Non, non, il y a quelque chose là, là. Elle n’a pas besoin de boules pour être très sexy.

 

DENIS GRAVEL :

 

Hé, tabarnouche, non.

 

 

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Pour une femme de quarante (40) ans, c’est une (1) des plus belles femmes du showbizz en ce moment.

 

DENIS GRAVEL :

 

C’est - je ne me souviens plus pour quel magazine qu’elle a fait une séance de photos cet été là, elle torchait n’importe quelle Britney Spears là. C’était…

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Avec zéro (0) seins, rien.

 

DENIS GRAVEL :

 

Oui, oui.

 

MARIE SAINT-LAURENT :

 

Pis tu sais dans son vidéo, on la voit faire du surf. Savais-tu qu’elle n’en avait jamais fait avant ses quarante (40) ans? Elle s’est décidée un moment donné, elle s’est dit : « J’en fais » pis elle est vraiment bonne là. C’est elle qu’on voit.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Ben oui, pis elle est rendue qu’elle fait du motocross aussi.

 

MARIE SAINT-LAURENT :

 

Donc Mme Chiasson a gagné haut la main sur Sherryl Crow.

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION :

 

Yes. »

 

(Gras ajoutés)

 

 

 



[1]    L.R.Q. c. C-12.

[2]    Voir D-11 «Titre à l'admission».

[3]    Voir D-11.

[4]    P-87, p.1.

[5]    P-87, p.47 et ss.  Les extraits des propos tenus en ondes apparaissent à l'Annexe I, p. 53.

[6]    P-87, p. 114.  Les extraits sont reproduits en Annexe II, p. 56

[7]    Le Tribunal qualifie ces propos de «scatalogiques».

[8]    Pièce P-3.

[9]    Introduction de la décision CRTC 2002-189.

[10]   Les extraits des propos tenus en ondes le 10 septembre 2002 (Cassette P-1 et transcription P1-A) sont reproduits en Annexe III, p.57.

      Les extraits des propos tenus en ondes le 8 octobre 2002 (cassette P-2 et transcription P2-A) sont reproduits en Annexe IV, p.78.

[11]   Pièce P-6.

[12]   Pièce P-72.

[13]   Pièce P-81.

[14]   P-21.

[15]   Pièce P-88 (4 mars 2004), P-89 (8 mars 2005) et P-90 (9 mars 2005).

[16]   Pièce P-3.

[17]   Art. 1526 C.c.Q. : L'obligation de réparer le préjudice causé à autrui par la faute de deux personnes ou plus est solidaire, lorsque cette obligation est extracontractuelle.

[18]   Proulx c. Entreprise de radio-diffusion de la Capitale Inc. [1996] R.R.A. 714 ; Cité de l'Île Shopping Center Inc. c. 2425-9434 Québec Inc. J.E. 2001-2093 (C.S.)

[19]   La Responsabilité civile, 6e Éd., Les Éditions Yvon Blais, inc; 2003.

[20]   Hill c. Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 R.C.S. 1130 , à la page 1172.

[21]   Voir également Société St-Jean-Baptiste de Montréal c. Hervieux-Payette, [2002] R.J.Q. 1669 et Radiomutuel c. Savard [2003] R.R.A.14.

[22]   Société St-Jean-Baptiste de Montréal c. Hervieux-Payette, [2002] R.J.Q. 1669 (Mme la juge Thibault).

[23]   Le créancier a droit à des dommages-intérêts en réparation du préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel, que lui cause le défaut du débiteur et qui en est une suite immédiate et directe.

[24]   Matamore: personnage de comédie, de faux brave, vantard, bluffeur, bravache, fanfaron.

[25]   Curateur public c Syndicat national des employés de l’Hôpital St-Ferdinand [1996] 3 R.C.S. 211 . Voir également : Augustus c. Gosset [1996] 3 R.C.S. 268 ; Gauthier c. Beaumont  [1998] 2 R.C.S.3.

[26]   BAUDOIN, Jean-Louis, La Responsabilité civile 6e édition, Les Éditions Yvon Blais Inc. No 342 et ss.

[27]   Lafferty c. Parizeau [2003] R.J.Q. 2758 .

[28]   Hill c. Église de scientologie de Toronto,  par. 196 et ss.

[29]   (1987), 59 O.R. (2d) 104 (C.A.), 110.

[30]   Whiten c. Pilot Insurance Company, [2002] 1 R.C.S 595 .

[31]   Les Éditions Wilson et Lafleur Ltée, Montréal, 2003 (2e Édition).

[32]   Voir également Quantz c. ADT Canada [2002] R.J.Q. p. 2972; Whiten c. Pilot Insurance [2002] 1 R.C.S. p. 595; Néron c. Chambre des notaires du Québec [2004] 3 R.C.S., p. 95.

[33]   P-3.

[34]   P-1A, page 7.

[35]   P2-A, Page 2.

[36]   P-6.

[37]   P-5.

[38]   P-21.

[39]   P-72.

[40]   Cassette P-19 et transcription manuscrite P-20.

[41]   Pièces P-88, P-89, P-90.

[42]   Pièce P-87, p. 96.

[43]   Viel c. Les entreprises immobilières du terroir Ltée [2002] R.J.Q. p. 1272.

[44]    Association des professeurs de Lignery c. Alvetta-Comeau, précité, p. 135.

[45]    Tamper Corp c. Kansa General Insurance Co., précité, p. 411.

[46]    Young c. Young, [1993] 4 R.C.S. 3 , p. 134.

[47]   Quantz c. ADT Canada inc. [2002] R.J.Q. p. 2972.

[48]   Lecours c. Desjardins, J.E. 2002-1148 (jj. Deschamps, Chamberland et Pelletier).

[49]   Bélisle-Heurtel c. Tardif [2002] R.J.Q. 2391 p. 24-26 et Johnson c. Arcand et Arthur [2002] R.J.Q. 2802 .

[50]   Johnson & Marcil c. Arcand, Arthur et als [2002] R.J.Q. 2802 .

[51]   Vice-versa inc. c. Aubry [1998] 1 R.C.S. p. 591.

[52]   Lebeuf c. SNC-Lavallin inc. [1995] R.D.J., page 366 ss.

[53]   Voir organigramme P-78.

[54]   Verville c. Industrielle-Alliance, compagnie d'assurance sur la vie J.E. 99-472 C.S.L. 505-05-000988-953.

[55] Art. 469.  Le jugement portant condamnation doit être susceptible d'exécution. Celui qui condamne à des dommages-intérêts en contient la liquidation; lorsqu'il prononce une condamnation solidaire contre les personnes responsables d'un préjudice, il détermine, pour valoir entre elles seulement, la part de chacune dans la condamnation, si la preuve permet de l'établir.

 

[56]   Denis Ferland et Benoît Emery, 4e Edition, Éditions Yvon Blais 2003, P. 707.

[57]   Voir Levitt Savety Ltd c. Hôtel Genest Ltée, [1982] C.A. 264 ; Guimond c. Hôpital Maisonneuve-Rosemont, [1992] R.D.J. 627 (C.A.) et Chemins de fer nationaux c. Vincent, [1969] B.R. p. 501.

[58]   Les quatre commentaires qui suivent démontrent le peu de respect qu’ont les animateurs au sujet des femmes qu’ils ne connaissent même pas. Et dire que cette série de remarques est amorcée par une femme ( Marie Saint-Laurent)!

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.