Comité citoyens-commerçants de Percé c. Ville de Percé | 2023 QCCS 2178 | |||
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CANADA | ||||
PROVINCE DE QUÉBEC | ||||
DISTRICT DE | GASPÉ (PERCÉ) | |||
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N° : | 110-17-001132-225 | |||
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DATE : | 16 juin 2023 | |||
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE ISABELLE GERMAIN, j.c.s. | ||||
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COMITÉ CITOYENS-COMMERÇANTS DE PERCÉ POUSSIÈRE D’ÉTOILE ASINERIE & SAVONNERIE INC. BOUTIQUE LA MER BOUTIQUE ET MOTEL LE MACAREUX INC. RESTAURANT LE SURCOUF CAFÉ | ||||
Demandeurs | ||||
c. | ||||
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VILLE DE PERCÉ | ||||
Défenderesse | ||||
et | ||||
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PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC | ||||
Mis en cause | ||||
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JUGEMENT (sur demande en nullité) | ||||
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L’APERÇU
[1] Le 3 juin 2022, le Comité citoyens-commerçants de Percé, Poussière d’étoile asinerie & savonnerie inc., Boutique la mer (97735 Canada Ltée), Boutique et motel le macareux inc. et Restaurant le Surcourf café (9146-9908 Québec inc.) [les demandeurs] signifient à la défenderesse, Ville de Percé [Percé], un pourvoi en contrôle judiciaire afin de faire déclarer nul et inopposable le Règlement numéro 575-2021 imposant une redevance pour contribuer au financement des infrastructures touristiques municipales [Règlement 575-2021], lequel est adopté par Percé le 28 septembre 2021 et dont les dispositions sont applicables depuis le 1er mai 2022[1].
[2] Les demandeurs requièrent également que soit déclaré nul et inopposable le Règlement numéro 600-2022 [Règlement 600-2022] modifiant le Règlement 575-2021, lequel est adopté le 14 juin 2022[2].
[3] Essentiellement, tant le règlement initial que le règlement modifié impliquent que les commerçants de Percé prélèvent un montant de 1 $ sur tout achat de 20 $ effectué par les visiteurs afin de composer un fonds qui sera utilisé pour les infrastructures touristiques municipales.
[4] Bien que les demandeurs estiment que l’objectif de Percé visant le financement des infrastructures touristiques par les visiteurs, utilisateurs de ces infrastructures, est justifié et louable, ils contestent essentiellement le véhicule de perception, mis en place sans leur consentement.
[5] Ils soumettent que les Règlements 575-2021 et 600-2022 [les Règlements] adoptés par Percé sont ultra vires et par conséquent illégaux puisqu’ils sont issus de pouvoirs qui ne sont pas prévus aux articles
[6] Les arguments et conclusions invitant initialement le Tribunal à conclure à l’inconstitutionnalité des Règlements et au fait que ces derniers sont attentatoires aux articles 2d) et 7 de la Charte canadienne des droits et libertés sont par ailleurs retirés par les demandeurs au premier jour de l’instruction.
[7] La défenderesse ne présente pas réellement de contestation quant à l’illégalité du Règlement 575-2021, se limitant à plaider que les demandeurs n’ont pas entrepris leur recours dans un délai raisonnable en ce qui le concerne. Elle maintient par ailleurs que le Règlement 600-2022 respecte les exigences législatives, qu’il est raisonnable et suffisamment précis et que les prélèvements requis aux termes de celui-ci se qualifient à titre de redevance.
LE CONTEXTE
[8] Percé est une municipalité d’environ 3 100 citoyens, connue comme une destination touristique particulièrement achalandée pendant la période estivale. Elle peut accueillir près de 500 000 touristes annuellement[4].
[9] La Ville s’est donc dotée d’infrastructures afin d’accueillir les touristes. Le budget annuel de fonctionnement pour l’entretien, la gestion et l’exploitation de ces infrastructures est de plus de 700 000 $[5]. Elle ne perçoit aucun revenu de ses infrastructures touristiques, lesquelles sont financées à même son budget de fonctionnement[6].
[10] Cherchant une nouvelle source de financement pour permettre d’assurer l’entretien et le remplacement de ses infrastructures touristiques de même que l’ajout de nouvelles installations, il est décidé par le conseil municipal d’adopter un règlement imposant une redevance. Percé souhaite de cette façon diversifier ses revenus pour offrir de meilleurs services et réduire la pression fiscale exercée sur ses citoyens.
[11] Ainsi, le 7 septembre 2021, le projet de Règlement 575-2021 imposant une redevance pour contribuer au financement des infrastructures touristiques municipales est déposé. Une invitation est transmise à tous les commerçants afin d’assister à une rencontre d’information tenue dès le 17 septembre 2021.
[12] Le Règlement 575-2021 est adopté par Percé dès le 28 septembre 2021. Dans cette première mouture du règlement, Percé identifie que ce sont les visiteurs qui bénéficient des infrastructures touristiques ou que leurs activités en créent le besoin. Les visiteurs sont donc les personnes visées par le régime de redevance et Percé estime justifié de leur imposer une redevance réglementaire puisqu’ils sont les utilisateurs des infrastructures.
[13] Chaque commerçant de Percé est donc tenu de s’inscrire au registre des commerçants de la Ville au moyen du formulaire prévu, et ce, au plus tard le 31 mai 2022 ou dans les 30 jours à compter du moment où il effectue une première fourniture pour laquelle il est tenu de percevoir et verser à la défenderesse la redevance en vertu de l’article 11[7].
[14] Percé mandate Daniel Leblanc, comptable, afin d’accompagner les commerçants dans l’application des règlements. C’est dans ce contexte qu’il rédige, en partenariat avec la Ville, un guide d’application de la redevance réglementaire destiné aux commerçants[8] et prépare des formulaires[9].
[15] Le Règlement 575-2021 fait l’objet de premières modifications le 8 février 2022 et le 5 avril 2022.
[16] Le 3 juin 2022, les demandeurs signifient leur recours à la défenderesse.
[17] Une résolution est adoptée par le conseil municipal de Percé le 7 juin 2022 afin d’identifier les bâtiments à vocation touristique visés par le régime. Ce registre comprend le Centre touristique de la rue du Quai, le bâtiment d’accueil touristique, le pavillon des Grandes-Marées et les toilettes publiques[10].
[18] Le 14 juin 2022, le Règlement 575-2021 est à nouveau modifié par le Règlement 600-2022, lequel prévoit désormais que ce sont non plus les visiteurs, mais plutôt les commerçants qui bénéficient et créent le besoin des infrastructures touristiques. Les commerçants sont maintenant identifiés comme les débiteurs de la redevance.
[19] La demande introductive d’instance en nullité est par la suite modifiée afin que soit également déclaré nul le Règlement 600-2022.
LES QUESTIONS EN LITIGE
[20] Les conclusions recherchées par les demandeurs dans le cadre de leur pourvoi telles que modifiées lors de l’instruction sont les suivantes :
DÉCLARER le Règlement numéro 600-2022 modifiant le Règlement numéro 571-2021 imposant une redevance réglementaire pour contribuer au financement des infrastructures touristiques municipales afin de modifier certaines dispositions nul et inopposable pour tous les commerçants tel que défini au règlement à l’article 3(2o), puisqu’il est illégal et qu’il comporte un caractère abusif et déraisonnable;
[…]
[21] Le Tribunal est appelé à trancher les questions suivantes :
L’ANALYSE
[22] L’article
529. La Cour supérieure saisie d’un pourvoi en contrôle judiciaire peut, selon l’objet du pourvoi, prononcer l’une ou l’autre des conclusions suivantes:
1° déclarer inapplicable, invalide ou inopérante une disposition d’une loi du Québec ou du Canada, un règlement pris sous leur autorité, un décret gouvernemental ou un arrêté ministériel ou toute autre règle de droit;
2° évoquer, à la demande d’une partie, une affaire pendante devant une juridiction ou réviser ou annuler le jugement rendu par une telle juridiction ou une décision prise par un organisme ou une personne qui relève de la compétence du Parlement du Québec si la juridiction, l’organisme ou la personne a agi sans compétence ou l’a excédée ou si la procédure suivie est entachée de quelque irrégularité grave;
3° enjoindre à une personne qui occupe une fonction au sein d’un organisme public, d’une personne morale, d’une société ou d’une association ou d’un autre groupement sans personnalité juridique d’accomplir un acte auquel la loi l’oblige s’il n’est pas de nature purement privée;
4° destituer de sa fonction une personne qui, sans droit, occupe ou exerce une fonction publique ou une fonction au sein d’un organisme public, d’une personne morale, d’une société ou d’une association ou d’un autre groupement sans personnalité juridique.
Ce pourvoi n’est ouvert que si le jugement ou la décision qui en fait l’objet n’est pas susceptible d’appel ou de contestation, sauf dans le cas où il y a défaut ou excès de compétence.
Le pourvoi doit être signifié dans un délai raisonnable à partir de l’acte ou du fait qui lui donne ouverture.
[23] Ceci dit, il importe à cet égard de distinguer l’affaire remettant en cause la légalité d’un acte normatif, tel qu’en l’espèce, de celle visant un acte administratif (art.
[32] Ainsi, lorsque l'affaire tombe entièrement sous le coup de l’art. 529, al. 1, paragr. 1 C.p.c. (contestation de la validité ou de l’applicabilité d’une règle de droit, c’est-à-dire d’un acte normatif), le juge peut en principe rejeter le pourvoi de celui qui n’a pas agi dans un délai raisonnable dont la durée est appréciée discrétionnairement en fonction de critères tels la nature de l’acte attaqué et celle de l’illégalité commise et de ses conséquences, les causes du délai entre l’acte attaqué et l’institution de l’action, ainsi que le comportement du demandeur. Précisons cependant que cette exigence du délai raisonnable ne joue pas lorsque la validité ou l’applicabilité d’une norme est contestée pour des raisons constitutionnelles ou lorsque la norme est ultra vires au sens strict (ce qui est cause de nullité absolue) pas plus qu’elle ne joue lorsque la validité ou l’applicabilité de la norme est contestée en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, s’agissant dans tous ces cas d’une question de légalité fondamentale et de primauté du droit.
[33] Par contraste, s’agissant d’un pourvoi régi par l’art. 529, al. 1, paragr. 2 C.p.c., qui s’en prend à la légalité de la décision particulière d’une entité soumise au pouvoir de contrôle et de surveillance de la Cour supérieure, ce délai est de 30 jours environ à compter de la décision contestée, sauf circonstances exceptionnelles dont la démonstration incombe au demandeur. Ce délai, notons‑le, s’applique peu importe le motif de la contestation de la décision en question : validité des dispositions législatives ou réglementaires sur lesquelles repose la décision, décision ultra vires, décision entachée d’un manquement à l’équité procédurale, décision déraisonnable.[11]
[Le Tribunal souligne; renvois omis]
[24] La Cour d’appel réitérait ainsi ses enseignements dans l’arrêt Service de calèches et traineaux Lucky Luc c. Ville de Montréal[12], rendu le 30 novembre dernier :
[33] Un règlement adopté par un corps municipal est un acte normatif, plutôt qu’un acte administratif. Suivant l’article
[34] Toutefois, comme l’a précisé la Cour dans l’arrêt Road to Home Rescue Support c. Ville de Montréal, dans les cas, comme celui en l’espèce, où le demandeur invoque l’absence totale de compétence de l’organisme visé, il n’est pas nécessaire qu’il signifie son pourvoi dans un tel délai.
[35] La Cour suprême confirmait ce principe dans Lorraine (Ville) c. 2646-8926 Québec inc.. Le juge en chef Wagner précise en effet ce qui suit :
[25] Une demande en nullité présentée à l’encontre d’un règlement municipal pour cause d’abus de pouvoir doit être formée dans un délai raisonnable. En effet, la saisine de la Cour supérieure au moyen d’une demande en nullité repose sur son pouvoir général de contrôle ou de surveillance à l’égard des actes de l’Administration, dont ceux des conseils municipaux […]. L’exercice de ce pouvoir inhérent étant discrétionnaire, la Cour supérieure peut rejeter le recours entrepris par un justiciable qui a omis de se pourvoir dans un délai raisonnable. Toutefois, cette discrétion ne peut être exercée que dans les cas où le demandeur cherche à faire déclarer la nullité d’un règlement qu’il estime abusif, et non dans ceux où la nullité est demandée pour cause d’absence de compétence ou d’excès de compétence. […]
[Soulignements ajoutés; références omises]
[25] Tel que mentionné précédemment, les demandeurs soumettent que les Règlements adoptés par Percé sont ultra vires et, par conséquent, illégaux puisqu’ils sont issus de pouvoirs qui ne sont pas prévus aux articles
[26] À la lumière des enseignements précités, le Tribunal ne saurait donc conclure à la tardiveté de leur recours en contrôle judiciaire, l’absence de compétence alléguée de Percé y faisant obstacle. Les demandeurs n’étaient pas tenus de signifier leur pourvoi dans un délai raisonnable à partir de l’acte ou du fait qui lui donne ouverture.
[28] De fait, la Cour d’appel, dans son récent arrêt Service de calèches et traîneaux Lucky Luc c. Ville de Montréal[13], identifie la norme de contrôle de la décision raisonnable comme étant celle qui doit s’appliquer au contrôle judiciaire d’un règlement municipal outrepassant l’habilitation législative :
[50] Dans l’arrêt Vavilov, la Cour suprême révise le cadre d’analyse applicable au contrôle des décisions prises par un organisme administratif en énonçant une présomption selon laquelle la norme, dans tous les cas, est celle de la décision raisonnable. La Cour met ainsi « fin à la reconnaissance des questions de compétence comme une catégorie distincte devant faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision correcte ». Elle établit par ailleurs cinq exceptions à cette règle en confirmant que la norme de la décision correcte s’appliquera néanmoins (i) lorsque la loi elle-même fixe la norme de contrôle ou (ii) prévoit un mécanisme d’appel, (iii) dans les cas où la décision administrative soulève une question constitutionnelle ou (iv) une question de droit général d’importance capitale pour le système juridique dans son ensemble, ou encore (v) lorsque la question est liée aux délimitations des compétences respectives d’organismes administratifs.
[51] La Cour précise par ailleurs ne pas fermer définitivement la porte à la possibilité de reconnaître une autre catégorie « appelant une dérogation à la présomption de contrôle selon la norme de la décision raisonnable ».
[52] C’est ce qu’elle a fait tout récemment dans l’arrêt Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c. Entertainment Software Association, en reconnaissant une nouvelle catégorie de questions appelant la norme de la décision correcte, soit lorsque dans une loi les cours de justice et les organismes administratifs ont compétence concurrente en première instance sur une question de droit.
[53] La Cour prend par ailleurs soin de préciser que ce ne sera que dans des « circonstances rares et exceptionnelles » que de nouvelles catégories de questions appelant la norme de la décision correcte pourront être reconnues « lorsqu’appliquer la norme de la décision raisonnable dénaturerait l’intention du législateur ou ébranlerait la primauté du droit d’une façon analogue aux cinq catégories de questions analysées dans Vavilov ».
[54] Notre Cour et d’autres cours d’appel au pays ont récemment pris acte des enseignements de l’arrêt Vavilov et appliqué la norme de la décision raisonnable à l’analyse de la validité de règlements ou autres actes normatifs municipaux lorsque l’absence de compétence était invoquée.
[55] Dans Restaurants Canada c. Ville de Montréal, la Cour, saisie d’un appel concernant la validité d’un règlement de zonage municipal, a confirmé sous la plume du juge Bachand que la norme applicable « à l’égard de la question de savoir si l’intimée avait le pouvoir d’adopter les dispositions réglementaires en litige » est celle de la décision raisonnable :
[20] À la lumière de l’arrêt Vavilov, force est de constater que la norme applicable est celle de la décision raisonnable, et ce, tant à l’égard de la question de savoir si l’intimée avait le pouvoir d’adopter les dispositions réglementaires en litige qu’à l’égard de celles, subsidiaires, ayant trait à leur teneur.
[Renvois omis]
[56] Tout récemment encore, dans Ville de Brossard c. Ville de Longueuil, après avoir référé à l’arrêt Catalyst Paper dans lequel la Cour suprême laissait la porte ouverte à l’application de la norme de la décision correcte lors de la révision judiciaire d’un règlement municipal outrepassant l’habilitation législative, le juge Sansfaçon observe toutefois le changement de cap opéré par Vavilov :
[47] Dans Vavilov, rendu subséquemment à Catalyst Paper, la Cour suprême énonce la règle dorénavant d’application générale selon laquelle la norme de la décision raisonnable s’appliquera dans tous les cas de contrôle d’une décision prise par un organisme administratif, sauf lorsqu’une des cinq situations qu’elle identifie se présente, soit que la loi elle-même fixe la norme de contrôle, qu’elle prévoie un appel, s’il s’agit de résoudre une question constitutionnelle, une question de droit générale d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble, ou une question liée aux délimitations des compétences respectives d’organismes administratifs. Elle a par la suite ajouté à cette courte liste une sixième situation, « lorsque les cours de justice et les organismes administratifs ont compétence concurrente en première instance sur une question de droit dans une loi » / « when the courts and administrative bodies have concurent first instance juridiction over a legal issue in a statute ».
[…]
[55] […]. Ainsi, et sauf les six cas d’exceptions mentionnés plus haut, l’analyse de la légalité de toute décision prise par une municipalité, que ce soit par résolution ou par règlement, devra se faire sous le regard de la décision raisonnable afin de vérifier « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».
[57] Ailleurs au pays, les cours d’appel de la Nouvelle-Écosse et de la Colombie‑Britannique ont elles aussi confirmé l’application de la norme de la décision raisonnable au contrôle judiciaire du pouvoir d’une municipalité d’adopter un règlement.
[58] Dans l’un de ces arrêts, 1193652 B.C. Ltd. v. New Westminster (City), dont la Cour suprême n’a pas accordé la permission d’appeler, la Cour d’appel de Colombie-Britannique a conclu que l’interprétation des dispositions pertinentes de deux textes législatifs provinciaux, afin de déterminer si un règlement adopté par la municipalité intimée était ultra vires de ses pouvoirs habilitants, appelait l’application de la norme de la décision raisonnable. Les motifs de la juge Dickson pour une Cour unanime peuvent trouver écho en l’espèce, alors que la détermination du pouvoir qu’avait, ou non, l’intimée d’adopter le Règlement dépend de l’interprétation de certaines dispositions de la LCM, d’une part, et de sa Charte, d’autre part :
[48] In my view, the question of whether the Community Charter authorizes municipalities to enact bylaws that protect tenants from renovictions even though the Residential Tenancy Act regulates landlord-tenant renovictions may well be a matter of wide public concern, but it is not a general question of law of central importance to the legal system as a whole. Rather, it is a specific question of statutory interpretation concerned solely with the legislative schemes established in the Community Charter and the Residential Tenancy Act. This question does not engage any larger principle or subject matter that transcends the schemes at issue. […]
[Renvois omis]
[29] Le Tribunal analysera donc la légalité des règlements adoptés par la défenderesse suivant la norme de la décision raisonnable.
[30] Le projet de loi n° 122, sanctionné le 16 juin 2017, est devenu officiellement la Loi visant principalement à reconnaître que les municipalités sont des gouvernements de proximité et à augmenter à ce titre leur autonomie et leurs pouvoirs[14]. Cette loi accorde aux municipalités locales un pouvoir général de taxation et un pouvoir d’exiger des redevances réglementaires. La Loi sur les cités et villes[15] [LCV] s’est trouvée modifiée par cette loi et prévoit maintenant expressément aux articles 500.6 et suivants la possibilité pour les municipalités d’établir un régime de redevance :
500.6. Toute municipalité peut exiger toute redevance pour contribuer au financement d’un régime de réglementation relevant d’une de ses compétences. La redevance peut aussi avoir pour but principal de favoriser, par son influence sur le comportement des personnes, l’atteinte des objectifs du régime.
Les revenus produits par la redevance doivent être versés dans un fonds destiné exclusivement à les recevoir et à contribuer au financement du régime.
Le premier alinéa s’applique sous réserve de ce que prévoient les articles
500.7. La décision d’exiger une redevance se prend par un règlement qui doit:
1° identifier le régime de réglementation et ses objectifs;
2° indiquer de qui est exigée la redevance;
3° indiquer le montant de la redevance ou une façon de l’établir, y compris, s’il y a lieu, tout critère en fonction duquel le montant peut varier;
4° constituer le fonds réservé et identifier expressément les fins auxquelles les sommes qui y sont versées peuvent être utilisées;
5° indiquer le mode de perception de la redevance.
Ce règlement peut prévoir des frais de recouvrement et des frais pour provision insuffisante.
La municipalité transmet une copie vidimée du règlement, dans les 15 jours de son adoption, au ministre des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire.
500.8. La redevance ne peut être exigée que d’une personne qui bénéficie du régime de réglementation identifié au règlement ou dont les activités créent le besoin de ce régime.
500.9. La redevance ne peut être établie en fonction d’un élément visé aux paragraphes 2° à 6° et 8° à 12° du deuxième alinéa de l’article 500.1, compte tenu des adaptations nécessaires, ni en fonction du fait qu’un particulier est résident sur le territoire de la municipalité.
Tout critère en fonction duquel le montant de la redevance peut varier doit se justifier en regard des objectifs du régime de réglementation.
500.10. La municipalité peut conclure avec une autre personne, y compris l’État, une entente prévoyant la perception et le recouvrement de la redevance ainsi que l’application et l’exécution du règlement qui l’exige.
500.11. La municipalité n’est pas autorisée à exiger une redevance en vertu de l’article 500.6 d’une personne visée à l’un ou l’autre des paragraphes 1° à 7° du premier alinéa de l’article 500.2.
Le gouvernement peut interdire le prélèvement d’une redevance en vertu de l’article 500.6, ou imposer des restrictions à l’égard d’un tel prélèvement, lorsqu’il estime qu’une telle redevance entre en conflit ou fait double-emploi avec une autre redevance qui est ou peut être exigée par un autre organisme public au sens de l’article
La décision du gouvernement prend effet à compter de la date de sa publication à la Gazette officielle du Québec ou à toute date ultérieure qui y est mentionnée.
Une redevance exigée en vertu de l’article 500.6 ne donne pas droit au versement d’une somme déterminée en vertu de la section V du chapitre XVIII de la Loi sur la fiscalité municipale.
[Le Tribunal souligne]
[31] C’est en vertu de ces dispositions de la LCV que Percé a adopté les Règlements en litige. La validité constitutionnelle de la LCV n’est pas ici contestée.
[32] En adoptant les articles
[33] La redevance doit viser dès sa conception un usage ou un objectif qui lie les pouvoirs publics. La municipalité ne pourra adopter un règlement prévoyant la perception d’une redevance que si la loi l’y autorise de façon explicite.
3.2 LES RÈGLEMENTS SONT-ILS ULTRA VIREs et par conséquent illégaux ?
[34] Essentiellement les demandeurs soulèvent qu’il existe des vices fondamentaux au niveau de l’assujettissement par confusion des rôles de payeurs et de percepteurs de la redevance et des conditions attachées à ces rôles.
[35] Il y a lieu de s’attarder dans un premier temps aux règlements attaqués et aux modifications apportées dans la deuxième mouture du règlement.
[36] Percé explique essentiellement l’imposition de la redevance au Règlement 575‑2021 par le fait :
[37] Le visiteur y est défini comme une personne physique qui visite le territoire de la Ville et dont le lieu de résidence est situé à l’extérieur du territoire de la Ville[17].
[38] Le commerçant est défini comme une personne physique ou morale qui offre une fourniture visée à l’annexe 1 du règlement.
[39] Quant à l’exigibilité de la redevance, l’article 6 du Règlement 575-2021 énonce :
Tout visiteur qui acquiert sur le territoire de la Ville une fourniture visée par l’annexe 1 du présent règlement est assujetti au paiement de la redevance.
Sont réputés être acquis sur le territoire de la Ville les biens et services consommés sur place, tels l’hébergement, les repas et les excursions.
[40] Le chapitre IV du Règlement 575-2021 traite plus spécifiquement du fonds créé et destiné à financer les infrastructures touristiques municipales[18].
[41] Des dispositions pénales sont également prévues au règlement pour quiconque contrevient notamment à l’inscription au registre ou encore à la perception et la remise de la redevance[19].
règlement 600-2022
[42] Le Règlement 600-2022 prévoit désormais que ce sont, non plus les visiteurs, mais bien les commerçants qui bénéficient et créent le besoin des infrastructures touristiques et que, ce faisant, la redevance leur est imposée à eux. On peut ainsi y lire :
CONSIDÉRANT QUE les commerçants accueillant des visiteurs bénéficient des activités touristiques et des infrastructures touristiques de la Ville de Percé et que leurs activités en créent le besoin.
[…]
CONSIDÉRANT QU’il est justifié d’imposer une redevance aux commerçants afin de financer des services et des infrastructures touristiques municipales de qualité.
[…]
CONSIDÉRANT QUE la Ville de Percé souhaite se prévaloir du pouvoir prévu aux articles 500.6 et suivant de la Loi sur les cités et villes (RLRQ c. C-19) aux fins d’exiger une redevance réglementaire aux commerçants et de constituer un fonds exclusivement réservé à recevoir les revenus de cette redevance et à contribuer au financement du régime […].[20]
[Le Tribunal souligne]
[43] Le visiteur est dorénavant défini comme une personne physique ou morale qui visite le territoire de la Ville. On précise que ne sont pas considérés comme étant des visiteurs : tout propriétaire d’un immeuble situé sur le territoire de la Ville, tout résidant de la Ville et toute personne exerçant un emploi sur le territoire de la Ville. L’exclusion d’une personne peut être établie par tout moyen permettant de conclure à sa qualité de non‑visiteur, tels qu’un compte de taxes municipales, une pièce d’identité délivrée par un palier de gouvernement, une facture portant son nom et son adresse, une lettre de l’employeur pour les employés, ou la carte citoyenne de la Ville.
L’établissement et la perception de la redevance
[44] L’article 7 du Règlement 575-2021, lequel a été préservé dans le cadre du règlement modifié, prévoit l’établissement de la redevance de la façon suivante :
Le montant de la redevance exigible lorsqu’un visiteur acquiert une fourniture visée par l’annexe 1 du présent règlement est établi à 1,00 $ pour toute transaction de plus de 20,00 $.
Lors de la fourniture d’une unité d’hébergement dans un établissement d’hébergement touristique, chaque nuitée est réputée constituer une transaction distincte.
Aux fins de déterminer le montant de la redevance, le montant de la fourniture ne comprend pas la taxe de vente du Québec, la taxe d’accise et, le cas échéant, la taxe sur l’hébergement.
[Le Tribunal souligne]
[45] La redevance est donc fonction des achats faits par les visiteurs. Ce sont eux les véritables payeurs du régime.
[46] Il est intéressant de noter que l’article 8 du Règlement 575-2021 traitant de l’exonération de la redevance est conservé dans la version modifiée adoptée en juin 2021 et prévoit notamment qu’« aucune redevance n’est exigible des personnes dont le lieu de résidence est situé sur le territoire de la Ville ou qui sont propriétaires d’une unité d’évaluation située sur le territoire de la Ville ». Cela démontre une fois de plus la véritable intention de la Ville, soit que cette redevance soit payable par les visiteurs qui sont les réels bénéficiaires des infrastructures touristiques.
[47] La perception de la redevance initialement prévue à l’article 11 du Règlement 575‑2021 relevait des commerçants :
Tout commerçant qui effectue une fourniture à un visiteur doit, à titre de mandataire de la Ville, percevoir et verser à la Ville la redevance réglementaire exigible en vertu de l’article 6.
[Le Tribunal souligne]
[48] Cet article est complètement supprimé par Percé au Règlement 600-2022. De l’avis du Tribunal cet article constituait une délégation illégale du pouvoir de percevoir la redevance. Tel que vu précédemment, l’article
[49] L’article 12 du Règlement 575-2021, lequel n’est pas modifié par le Règlement 600-2022, démontre clairement que la modification visant à remplacer le visiteur par le commerçant à titre de bénéficiaire du régime est purement cosmétique en ce que le rôle du commerçant est toujours celui de percepteur :
ARTICLE 12 REMISE DE LA REDEVANCE
Tout commerçant remet les redevances qu’il perçoit à la trésorerie de la Ville aux dates d’échéances suivantes :
1º au plus tard le 30 avril, pour toute redevance perçue du 1er janvier au 31 mars;
2º au plus tard le 31 juillet, pour toute redevance perçue du 1er avril au 30 juin;
3º au plus tard le 31 octobre, pour toute redevance perçue le 1er juillet au 30 septembre;
4º au plus tard le 31 janvier, pour toute redevance perçue du 1er octobre au 31 décembre.
Aux mêmes dates d’échéance et pour les mêmes périodes, le commerçant transmet un rapport faisant état des redevances perçues au moyen du formulaire de remise de la redevance prévu à cet effet par la Ville.
[Le Tribunal souligne]
[50] Il en est de même de l’article 13 du Règlement 600-2022 où l’on constate que le commerçant reçoit d’ailleurs une compensation pour les frais d’administration de sa gestion des redevances, le tout en fonction d’un pourcentage des redevances qu’il perçoit :
ARTICLE 13 MESURES COMPENSATOIRES
Le commerçant doit retenir sur le montant de la redevance perçue, à titre de compensation pour les frais d’administration nécessaires à la gestion des redevances, un montant compensatoire calculé en fonction du montant des redevances perçues au cours de la période du 1er janvier au 31 décembre de chaque année, selon les tranches et les taux suivants :
1º sur la première tranche de moins de 2 000 $, un montant compensatoire de 30 % des redevances perçues par le commerçant pour cette tranche;
2º sur la deuxième tranche de 2 000 $ à 15 000 $, un montant compensatoire de 3 % des redevances perçues par le commerçant sur cette tranche;
3º sur la troisième tranche de plus de 15 000 $, un montant compensatoire de 2 % des redevances perçues par le commerçant sur cette tranche.
La redevance nette payable à la Ville correspond à la redevance perçue, moins les frais d’administration prévus au présent article.
[Le Tribunal souligne]
[51] Percé prévoit donc, unilatéralement, des mesures compensatoires payables aux commerçants pour la gestion de la perception de la redevance auprès des visiteurs.
[52] Ainsi, malgré le fait que l’article 11 du Règlement 575-2021 instituant les commerçants comme mandataires de la Ville est retiré[21] il n’en demeure pas moins que ceux-ci sont appelés à exercer le même rôle dans le cadre du règlement modifié que ce qui était initialement prévu par Percé, à savoir que le commerçant agit toujours à titre de percepteur de la redevance auprès des véritables bénéficiaires du régime, soit les visiteurs. Percé explique même sur son site web qu’« en imposant une redevance réglementaire sur la fourniture de certains biens et services, la Ville souhaite mettre à contribution ses visiteurs de manière à leur offrir des services et des infrastructures touristiques de qualité »[22].
[53] Malgré l’adoption du Règlement 600-2022 et les prétentions de la défenderesse à l’instruction, le site web de la Ville précise toujours que seules les personnes qui visitent Percé seront tenues au paiement de la redevance et le commerçant y est également identifié comme responsable de percevoir la redevance[23].
[54] Le guide d’application de la redevance réglementaire destiné aux commerçants et préparé par la Ville et le comptable Daniel Leblanc mandaté par cette dernière a subi de bien minces changements entre sa première version de décembre 2021 et celle de juin 2022.
[55] Dans la première version du guide, on peut notamment lire dans la mise en contexte :
[…] De la même manière que pour la TPS ou la TVQ, les commerçants sont responsables de percevoir la redevance. Une des particularités de la redevance est que le commerçant percevant la redevance va en conserver une partie pour lui comme revenu de gestion[24].
[…]
[56] Dans la version du guide produite en juin 2022 après l’adoption du Règlement 600‑2022 on peut lire :
[…] Tel que décrit dans la loi, tout commerçant qui vend une fourniture visée par l’annexe 1 du règlement à un visiteur est assujetti au paiement de la redevance. Une des particularités de la redevance est que le commerçant percevant la redevance va en conserver une partie pour lui, comme revenu de gestion.
[…]
[57] On constate encore une fois que le commerçant agit comme percepteur de la redevance et il n’y a pas davantage d’ententes intervenues entre la Ville et ceux-ci dans le cadre du Règlement 600-2022.
[58] La défenderesse soutient toutefois que, dans le cadre du Règlement 600-2022, la redevance est imposée aux commerçants et non aux visiteurs et que c’est le commerçant qui décide de la refiler ou pas aux visiteurs. Pour elle, le règlement est valide puisque les commerçants accueillant des visiteurs bénéficient des activités touristiques et des infrastructures touristiques de la Ville de Percé.
[59] Pourtant, dans la Stratégie des investissements dans les infrastructures touristiques municipales de Percé, adoptée par le conseil le 5 juillet 2022, on peut notamment lire :
Les efforts financiers de Percé pour entretenir son patrimoine proviennent du produit des revenus fonciers des quelque 3 500 unités d’évaluation foncière comprises sur son territoire. Ces revenus fonciers doivent ainsi contribuer au maintien de plusieurs infrastructures municipales utilisées principalement par des visiteurs. La Ville doit donc voir à la préservation et au maintien de plusieurs infrastructures et services engagés par des utilisateurs qui en revanche ne contribuent pas à ses revenus.
[…]
C’est pourquoi le conseil municipal a adopté, à l’automne 2021, un règlement établissant une redevance de 1 $ sur les transactions de plus de 20 $ effectuées par les visiteurs de Percé chez les commerçants de Percé assujettis à cette redevance. Ces nouveaux revenus, découlant de pouvoirs conférés aux municipalités par le gouvernement du Québec, permettront de réduire enfin le fardeau fiscal des citoyens de Percé et d’offrir des services de calibre international aux visiteurs de cette capitale touristique québécoise.[25]
[Le Tribunal souligne]
[60] Par l’énoncé de sa stratégie, Percé confirme une fois de plus que les véritables bénéficiaires du régime de redevance mis en place sont les visiteurs et non les commerçants. On y lit que le plan d’investissement vise notamment à offrir plus de services aux visiteurs, désengorger le cœur de Percé et agir à la grandeur du territoire[26]. Difficile d’y voir là que ce sont les commerçants qui sont les bénéficiaires du régime.
[61] Sans égard à la difficulté d’application que peuvent représenter les Règlements notamment quant à la perception de la redevance par les commerçants et au fait que Percé ne peut exercer de véritable contrôle de la redevance prélevée par ces derniers, la lecture des règlements révèle que ceux-ci, autant dans la première mouture[27] que dans la dernière[28], agissent comme percepteurs de cette redevance sans qu’aucune entente ne soit intervenue avec eux.
[62] Ce sont les visiteurs qui bénéficient et utilisent les infrastructures touristiques ici et non les commerçants. C’est d’ailleurs sur la base du modèle utilisateur‑payeur que Percé souhaite d’emblée mettre en place son régime de redevance. C’est la présence des nombreux visiteurs à Percé qui crée le besoin d’infrastructures touristiques et non la présence des commerçants.
[63] L’objet du Règlement 575-2021, tel qu’énoncé à son article 4, est « de créer un régime de redevance réglementaire dont les objectifs sont la construction, l’aménagement, l’entretien, la gestion et l’exploitation des infrastructures touristiques municipales ».
[64] La redevance est définie au Larousse comme une « Somme due en contrepartie de l’utilisation d’un service public ». Or, il apparait clair que ce ne sont pas les commerçants qui utilisent les services publics visés, mais bien les visiteurs.
[65] En l’espèce, l’objet principal et véritable des règlements vise à faire financer le coût des infrastructures touristiques par les visiteurs.
[66] De fait, le règlement initial[29] visait expressément les visiteurs à titre de bénéficiaires des infrastructures touristiques et, incidemment, en tant que débiteurs de la redevance. Ce faisant, les commerçants étaient institués percepteurs de la redevance pour la Ville.
[67] Or, la Ville n’a conclu aucune entente avec eux prévoyant la perception et le recouvrement de la redevance, contrairement à l’article
[68] Avec le Règlement 600-2022, certes la Ville fait des commerçants les bénéficiaires des infrastructures touristiques et, par le fait même, les débiteurs de la redevance.
[69] Or, ces modifications entrent en contradiction avec plusieurs autres dispositions du règlement (dont les articles 7, 8, 12 et 13) qui démontrent que l’objet véritable de la redevance est demeuré, malgré les modifications réglementaires, celui de faire financer les infrastructures touristiques par les visiteurs. Incidemment, les redevances sont imposées sur les achats faits par les visiteurs.
[70] La suppression de l’article 11 du règlement initial pour ne plus faire des commerçants des percepteurs, mais plutôt des bénéficiaires/débiteurs ne s’est pas traduite dans le reste du Règlement 600-2022 et la réalité.
[71] Il est vrai qu’il appartient aux élus municipaux d’adopter des règlements dans le cadre des pouvoirs qui leur sont dévolus. Ici, les règlements adoptés par Percé, de l’avis du Tribunal, ne respectent pas le cadre législatif donné.
[72] La Ville doit décrire le mode de perception de la redevance. Le législateur a pris soin d’indiquer que la Ville peut prévoir la perception de la redevance par un tiers, mais que dans ce cas, cela doit faire l’objet d’une entente. En aucun temps n’est-il prévu qu’une ville ou une municipalité peut mandater un tiers, en l’occurrence les commerçants, sans entente avec eux, afin qu’ils perçoivent la redevance. En cela, les Règlements ne reposent pas sur une interprétation raisonnable par la Ville des articles pertinents de la LCV.
[73] Le Tribunal est d’avis que tant le Règlement 575-2021 adopté initialement par la défenderesse que le Règlement 600-2022 sont nuls en ce qu’ils ne respectent pas les pouvoirs habilitants prescrits par la LCV relatifs aux redevances municipales. Il est vrai que ce cadre permet à une municipalité de passer par une entente pour rendre un tiers percepteur de la redevance, mais ce rôle de percepteur ne peut être imposé comme en l’espèce. Ce faisant, elle outrepasse ses pouvoirs.
[74] Le Tribunal ne peut que constater qu’aux termes de l’article
[75] Ce motif est suffisant en soi pour invalider les Règlements.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[76] DÉCLARE le Règlement numéro 575-2021 imposant une redevance réglementaire pour contribuer au financement des infrastructures touristiques municipales nul, notamment du 28 septembre 2021 au 14 juin 2022, pour tous les commerçants tel que défini au règlement à l’article 3(2o) puisqu’il est illégal;
[77] DÉCLARE le Règlement numéro 600-2022 modifiant le Règlement numéro 571‑2021 imposant une redevance réglementaire pour contribuer au financement des infrastructures touristiques municipales afin de modifier certaines dispositions nul pour tous les commerçants tel que défini au règlement à l’article 3(2o), puisqu’il est illégal;
[78] LE TOUT, avec les frais de justice.
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| __________________________________ ISABELLE GERMAIN, j.c.s. | |
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Me Frédéric Sylvestre Sylvestre Avocats inc. fsylvestre@jurisylvestre.ca | ||
Pour les demandeurs | ||
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Me Claude Jean Tremblay Bois cjean@tremblaybois.ca | ||
Pour la défenderesse | ||
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Dates d’audience : | 17 et 18 janvier 2023 | |
[1] Pièce P-6, article 2.
[2] Pièce P-19.3.
[3] RLRQ, c. C-19.
[4] Déclarations sous serment de Cathy Poirier, Caroline Dégarie et de Marie Leblanc.
[5] Déclaration sous serment de Caroline Dégarie du 20 octobre 2022.
[6] Pièce P-6.
[7] Pièce P-6, articles 9 et 11.
[8] Pièces P-8, P-11 et P-22.
[9] Déclaration sous serment de Daniel Leblanc du 17 octobre 2022, pièce P-18.
[10] Pièce D-1.
[11] Road to Home Rescue Support c. Ville de Montréal,
[12]
[13] Id.
[14] L.Q. 2017, c. 13.
[15] RLRQ, c. C-19.
[16] Pièce P-6.
[17] Id., article 3.
[18] Id., articles 16 à 22.
[19] Pièce P-66, article 26.
[20] Pièce P-19.3
[21] Pièce P-6, article 11.
[22] Pièce P-23.
[23] Id.
[24] Pièce P-8.
[25] Pièce D-2.
[26] Id.
[27] Pièce P-6.
[28] Pièce P-19.3.
[29] Pièce P-6.
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