Groulx c. Bostan Autto inc. |
2017 QCCQ 12335 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
GATINEAU |
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LOCALITÉ DE |
GATINEAU |
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« Chambre civile » |
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N° : |
550-32-023380-162 |
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DATE : |
27 octobre 2017 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DU JUGE STEVE GUÉNARD, J.C.Q. |
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ÉRIC GROULX |
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Demandeur |
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c. |
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BOSTAN AUTTO INC. Et SULTAN MAHMOOD Et 9150-6683 QUÉBEC INC.
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Défendeurs |
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JUGEMENT |
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[1] M. Éric Groulx procède à l’acquisition[1], le 30 janvier 2016, d’un véhicule Mitsubishi Éclipse modèle GS de l’an 2006.
[2] Le prix total de l’achat se chiffre à une somme de 7 838,22$, incluant un prix de vente de 4 995$, des « frais d’installation et de livraison » de 395$, des intérêts ainsi que les taxes applicables.
[3] M. Groulx, pour sa part, qui s’y connait en mécanique automobile - le tout conformément à son témoignage - procède à une inspection visuelle ainsi qu’à un essai sur route avant de procéder à l’acquisition.
[4] Le contrat en question est signé par M. Groulx et par un représentant de la codéfenderesse 9150-6683 Québec inc. (ci-après Québec inc).
[5] Suite à l’acquisition, à savoir sur le chemin du retour suite à la prise de possession, M. Groulx prend note de l’apparition du témoin lumineux mieux connu sous le vocable de « check engine light ». Il se rend compte également à ce moment que le kilométrage apparaissant à l’odomètre est différent de celui indiqué au contrat.[2]
[6] Différentes vérifications sont effectuées dans les jours suivants et il appert que le véhicule n’est pas dans l’état que les représentants du vendeur lui ont mentionné. En effet, le représentant du vendeur (un dénommé Ali) mentionne à M. Groulx que le véhicule est certifié, qu’il est en bon état et qu’il ne nécessite aucune réparation.
[7] M. Groulx réclame ainsi, des défenderesses, la somme totale de 5 879,29$ pour divers déboursés et remboursements ainsi qu’une somme de 1 000$ à titre de dommages exemplaires.
[8] Québec inc est absente lors du procès bien que dûment appelée. M. Groulx est autorisé à procéder, par défaut, en son absence.
[9] Quant à la codéfenderesse Bostan Auto inc. (ci-après Bostan Auto) et l’administrateur de cette dernière, soit M. Sultan Mahmood, ils sont présents lors du procès. Leur défense est simple : ils nient toute responsabilité - ceux-ci n’étant aucunement signataires du contrat de vente. En résumé, ces deux défendeurs n’ont aucune idée des motifs ayant poussé M. Groulx à les poursuivre.
[10] Ce dernier mentionne que le véhicule acheté le fut à la place d’affaires de Bostan Auto, soit un concessionnaire opérant un commerce à l’adresse mentionnée à même sa Demande. Ceci étant dit, M. Groulx n’a pas de pièce, ou d’élément documentaire démontrant un lien de droit avec Bostan Auto.
[11] Quant à sa réclamation contre M. Mahmood, M. Groulx précise qu’il a ajouté ce dernier afin de « faire le lien avec Bostan Auto », et ce, considérant que M. Mahmood en est l’administrateur.
[12] Qu’en est-il vraiment?
QUESTIONS EN LITIGE
[13] Le présent litige soulève les questions de fait et de droit suivantes :
i) M. Groulx démontre-t-il que le véhicule Mitsubishi Éclipse est affecté, au moment de la vente, d’un vice caché ou qu’il ne rencontre pas l’une des garanties légales applicables?
ii) M. Groulx démontre-t-il la responsabilité de Québec inc, de Bostan Auto et, en cas de responsabilité de cette dernière, de son administrateur M. Sultan Mahmood?
iii) Dans l’affirmative et en cas de responsabilité de l’un et/ou de l’autre des défendeurs, quels sont les dommages devant être accordés à M. Groulx?
iv) En cas de responsabilité de l’un et/ou de l’autre des défendeurs, la réclamation de M. Groulx quant à des dommages punitifs est-elle bien fondée?
ANALYSE DE LA PREUVE
[14] M. Groulx n’a plus en sa possession l’annonce sur le site « Kijiji » qui a fait en sorte, selon son témoignage, qu’il entre en contact avec un représentant de Bostan Auto. Il produit, ceci dit, quelques messages textes[3] avec un dénommé Ali, précédant la vente, expédié à un numéro de téléphone que M. Mahmood reconnait être le sien. Ce dernier, cependant, nie avoir eu quelconque contact avec M. Groulx.
[15] M. Groulx reconnait l’évidence : le contrat qu’il conclut l’est exclusivement, à sa face même, avec Québec inc.
[16] M. Groulx témoigne que le représentant du vendeur lui indique que le véhicule est en bon état - qu’il n’y a aucune rouille, qu’il n’y a « rien à faire sur le véhicule » et que les 4 pneus d’été sont inclus à la vente.[4]
[17] Ayant analysé plus à fond le contrat de vente conclu, M. Groulx estime qu’il n’avait pas à payer quelconque somme relative au « frais de livraison », qui se chiffre à 395$. Il considère également qu’il n’avait pas à débourser les autres frais divers mentionnés au contrat et ce, considérant que le véhicule acheté était un véhicule usagé, et considérant également que personne ne lui en a fait part au moment de l’acquisition.
[18] Suite à la prise de possession, M. Groulx se présente à un magasin Canadian Tire qui l’informe[5] que le « K-Frame » est pourri et que le catalyseur du véhicule est non fonctionnel.
[19] Ayant constaté, peu après, que le véhicule émet des « bruits bizarres », M. Groulx rapporte le véhicule audit Canadian Tire. À ce moment, on l’informe que les plaquettes quant aux freins avant et arrière sont trop minces (2 mm et 4 mm respectivement). [6]
[20] M. Groulx produit diverses factures quant au changement des freins en question[7], soit pour la somme totale de 261,49$.
[21] Quant au support de suspension[8], M. Groulx réclame, à même sa Demande, la somme de 800,75$, mais précise, lors de son témoignage, que la pièce en question a plutôt été achetée pour la somme de 300$, ce à quoi il ajoute 350$ pour le temps qu’il a dû prendre afin de procéder, lui-même, à son installation. M. Groulx, à cet égard, évalue son taux horaire à 50$, considérant ses connaissances en mécanique, et considérant, précise-t-il, que le taux horaire habituel d’un mécanicien est de 80$.
[22] M. Groulx, par ailleurs, produit diverses photos[9] démontrant l’état de certaines pièces du véhicule. Il précise, ceci dit, que les pièces défectueuses « sous » le véhicule ne pouvaient être détectées lors de son inspection visuelle, considérant qu’il aurait fallu « faire lever » le véhicule pour les remarquer. D’ailleurs, c’est de cette façon que le garagiste chez Canadian Tire a pu en prendre connaissance.
[23] Quant aux freins défectueux, M, Groulx précise que les pneus ont dû être « démontés » afin de pouvoir visualiser lesdites plaquettes de frein.
[24] Quant à sa réclamation relative aux pneus d’été, M. Groulx mentionne qu’il fut clairement mentionné par le vendeur que le véhicule « venait avec 4 pneus d’été ». Il quitte les lieux, lors de la vente, sans ceux-ci, considérant qu’il n’y avait pas d’urgence à en prendre possession, vu la saison printanière qui était, encore à ce moment, lointaine.
[25] N’ayant jamais été mis en possession des pneus d’été, M. Groulx en réclame la valeur estimée, soit 500$.
[26] Quant à sa réclamation pour des dommages punitifs, M. Groulx l’articule spécifiquement en vertu de l’article 49 de la Charte des droits et libertés de la personne[10]. Cette disposition énonce ce qui suit :
49. Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnu par la présente Charte confère à la victime le droit d’obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte.
En cas d’atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages-intérêts punitifs.
[27] Afin de supporter cette réclamation, M. Groulx soumet une liste des différents appels téléphoniques qu’il a logés auprès de Bostan Auto[11]. M. Groulx reproche le manque de service à la clientèle et le défaut de quelconque retour d’appel. Il reproche également une modification « frauduleuse » du kilométrage du véhicule, celui-ci étant différent au contrat ainsi que sur l’odomètre.[12]
[28] M. Luc Gagné témoigne également à la demande de M. Groulx. M. Gagné était présent lors de l’achat. Il ne se souvient pas du nom de l’entreprise, de quelconque bannière « Bostan Auto » ou quelconque élément pouvant rattacher Bostan Auto et/ou M. Mahmood à la vente du véhicule. M. Gagné mentionne, ceci dit, que le véhicule acheté par M. Groulx « avait l’air super propre ». Il confirme également avoir entendu le représentant du vendeur confirmer à M. Groulx qu’il pourrait avoir 4 pneus d’été.
[29] En défense, M. Mahmood témoigne succinctement. Il confirme que Bostan Auto est bien un concessionnaire mais que ce dernier n’est en opération que depuis le 4 mars 2016. Il produit d’ailleurs, à cet effet, le permis de commerçant de véhicules routiers de la SAAQ démontrant une période de validité dudit permis pour la période du 4 mars 2016 au 28 février 2018.[13]
[30] Ainsi, soumet-il, Bostan Auto n’était pas en opération[14] à la date de la vente alléguée par M. Groulx, soit le 30 janvier 2016.
[31] M. Mahmood confirme, ceci dit, ne pas connaitre Québec inc ni aucun de ses représentants ou administrateurs.
[32] Aucun vendeur, soumet-il, nommé « Ali », par ailleurs, ne travaillait, ni ne travaille, pour Bostan Auto.
[33] Bref, M. Mahmood soumet qu’il ne connait pas M. Groulx et que Bostan Auto ne lui a pas vendu de véhicule, le tout tel qu’il appert du contrat de vente, justement, conclu avec Québec inc.
PRINCIPES JURIDIQUES APPLICABLES
[34] S’agissant d’une réclamation en matière civile, il revenait à M. Groulx d’établir, par l’entremise d’une preuve prépondérante, les éléments associés à sa Demande. Les articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec énoncent d’ailleurs :
2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu’un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.
2804. La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante.
[35] M. Groulx a acheté le véhicule pour ses fins personnelles, et ce, d’un commerçant. Ainsi, le contrat est visé tant par les dispositions pertinentes du Code civil du Québec[15] que par la Loi sur la protection du consommateur.[16] (ci-après la LPC) Celles-ci énoncent en particulier ce qui suit :
Code civil du Québec
1726. Le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné si haut prix, s’il les avait connus.
Il n’est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l’acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.
1728. Si le vendeur connaissait le vice caché ou ne pouvait l’ignorer, il est tenu, outre la restitution du prix, de réparer le préjudice subi par l’acheteur.
1729. En cas de vente par un vendeur professionnel, l’existence d’un vice au moment de la vente est présumée, lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de même espèce; cette présomption est repoussée si le défaut est dû à une mauvaise utilisation du bien par l’acheteur.
Loi sur la protection du consommateur
2. La présente loi s’applique à tout contrat conclu entre un consommateur et un commerçant dans le cours des activités de son commerce et ayant pour objet un bien ou un service.
GARANTIES
34. La présente section s’applique au contrat de vente ou de louage de biens et au contrat de service.
37. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné.
38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.
CHAPITRE II
RECOURS CIVILS
272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l’article 314 ou dont l’application a été étendue par un décret pris en vertu de l’article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas:
a) l’exécution de l’obligation;
b) l’autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;
c) la réduction de son obligation;
d) la résiliation du contrat;
e) la résolution du contrat; ou
f) la nullité du contrat,
sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.
[36] En l’espèce, la preuve non contredite, à l’encontre de Québec inc, démontre bien le lien de droit entre les parties et le statut de vendeur - commerçant - de la part de Québec inc.
[37] Il apparait également clairement de la preuve - prépondérante - que le véhicule vendu n’était pas conforme aux représentations formulées. L’apparition du « check engine light » sur le chemin du retour, ainsi que les découvertes dans les jours suivants en témoignent éloquemment.
[38] Ainsi, la garantie légale de durabilité raisonnable, qui s’applique en l’espèce, n’est pas satisfaite, permettant ainsi à M. Groulx de requérir le paiement de certaines dépenses ainsi qu’une condamnation à certains dommages.
[39] Ceci étant dit, la preuve, à l’exception de certaines bribes d’informations, ne démontre pas de lien de droit, ou quelconque lien concret, entre M. Groulx et Bostan Auto. À tout événement, la preuve - encore moins la preuve prépondérante - ne l’a pas démontré.
[40] Aucun élément vraiment concret ne vient supporter cette thèse. M. Gagné, pour sa part, même s’il témoigne à la demande de M. Groulx, ne vient aucunement étayer la thèse d’un quelconque lien avec Bostan Auto.
[41] Quant à Bostan Auto et M. Mahmood, ceux-ci témoignent en niant formellement quelconque lien avec M. Groulx. Ceux-ci se demandent, ultimement, ce qu’ils « font » dans le dossier.
[42] La preuve étant particulièrement contradictoire, et la preuve documentaire produite par M. Groulx démontrant plutôt[17], clairement, que le vendeur du véhicule, est Québec inc., la condamnation que le Tribunal prononcera ne pourra l’être qu’à l’encontre de Québec inc.
[43] De fait, la raison d’être de la règle en matière de fardeau de preuve est de permettre de statuer sur le résultat d’un litige, et ce, même si la preuve est à ce point contradictoire qu’elle ne peut raisonnablement faire conclure dans un sens plutôt que dans l’autre. Dans un tel cas, la partie qui avait le fardeau de preuve (ici M. Groulx) verra son recours être rejeté, et ce, quant à Bostan Auto. De toute façon, en l’espèce, le Tribunal considère que la preuve soumise par M. Groulx à l’encontre de Bostan Auto n’est pas du tout prépondérante.
[44] De surcroit, la réclamation de M. Groulx, quant à M. Mahmood ne l’a été qu’afin de « faire le lien » avec Bostan Auto. Ce motif est évidemment insuffisant afin de permettre de justifier une quelconque condamnation personnelle à l’encontre de M. Mahmood, et ce, même en présumant que la preuve prépondérante avait justifié - ce qui n’est pas le cas - une condamnation de Bostan Auto.
[45] D’ailleurs, comme le Tribunal a pu l’expliquer à M. Groulx séance tenante, une Demande formulée à l’encontre d’un administrateur d’une corporation, ici Bostan Auto, nécessite, afin de justifier une telle responsabilité personnelle, certains éléments de preuve.
[46] En effet, une telle responsabilité personnelle d’un administrateur constitue l’exception.
[47] L’article 317 du Code civil du Québec stipule ce qui suit :
317. La personnalité juridique d’une personne morale ne peut être invoquée à l’encontre d’une personne de bonne foi, dès lors qu’on invoque cette personnalité pour masquer la fraude, l’abus de droit ou une contravention à une règle intéressant l’ordre public
[48] Dans un texte maintes fois répétées par les Tribunaux, notamment par la Cour d’appel du Québec, dans l’arrêt Groupe immobilier Gazaille inc.[18], ainsi que plus récemment dans l’arrêt Pincourt (Ville de) c. Construction Cogérex Ltée[19], le professeur Martel enseigne ce qui suit :
« La responsabilité personnelle d'un individu qui est actionnaire majoritaire et administrateur d'une compagnie peut être retenue dans les circonstances suivantes :
Il s’est porté caution d'une obligation contractuelle de la compagnie;
Il a lui-même commis une faute entraînant sa responsabilité extracontractuelle, par exemple en faisant de fausses représentations ou en remettant des documents falsifiés;
Il a activement participé à une faute extracontractuelle de la compagnie (ce qui se présume s'il est administrateur unique);
Il a utilisé la compagnie qu'il contrôle comme écran, comme paravent pour tenter de camoufler le fait qu'il a commis une fraude ou un abus de droit ou qu'il a contrevenu à une règle intéressant l'ordre public; en d'autres termes, l'acte apparemment légitime de la compagnie revêt, parce que c'est lui qui la contrôle et bénéficie de cet acte, un caractère frauduleux, abusif ou contraire à l'ordre public.
L'article 317 ne s'applique que dans le dernier de ces cas. Le premier est régi par les articles 2333 et suivants, le deuxième par l'article 1457, et le troisième par les articles 1457 et 1526. Quand on regarde de près, on constate que sur la cinquantaine de prétendus cas de “levée du voile corporatif” répertoriés depuis le début de 1994, une infime minorité se range dans la dernière catégorie et mérite vraiment cette appellation.
[49] La Cour d’appel rappelle que le soulèvement du voile corporatif ne peut être retenu qu’exceptionnellement.[20]
[50] À tout événement, rien dans la preuve soumise ne permettrait de conclure à la responsabilité personnelle de M. Mahmood.
[51] Ainsi, la demande sera rejetée à l’encontre tant de Bostan Auto que de M. Mahmood.
[52] Considérant que la Demande est bien fondée à l’encontre de Québec inc, il reste au Tribunal à déterminer la valeur de la condamnation à prononcer.
[53] En effet, bien que le dossier ait procédé par défaut à l’encontre de Québec inc, il revenait à M. Groulx de produire une preuve prépondérante quant aux différents chefs de dommages réclamés.
[54] Prenons ceux-ci un à un.
[55] La preuve prépondérante démontre le déboursé lié aux pièces nécessaires pour le remplacement des plaquettes de freins. Cet item se chiffre à une somme de 261,50$. Cet item sera alloué.
[56] Quant au remplacement desdites plaquettes de frein, M. Groulx témoigne qu’il a procédé lui-même audit remplacement. Il réclame à ce titre la somme de 150$, pour l’équivalent de 3 heures de son temps, considérant « ses connaissances en mécanique automobile ».
[57] Le Tribunal ne doute pas des connaissances de Monsieur Groulx, mais la preuve est insuffisante afin de conclure au bienfondé d’un tel taux horaire de 50$. Le Tribunal accorde la somme de 75$, soit un taux horaire de 25$, pour l’exécution de ces travaux.
[58] Quant au support de suspension, M. Groulx réclame le coût de la pièce (achetée dans une scrap yard, précise-t-il), et qu’il a installé lui-même pendant une durée de 7 heures. Le Tribunal considère approprié, eu égard à l’ensemble de la preuve produite, d’accorder la somme de 300$ pour la pièce et d’allouer une somme de 175$ pour le temps passé par M. Groulx à procéder à l’installation de celle-ci.[21]
[59] Quant au coût du catalyseur, dont le détail apparait de manière manuscrite à la pièce P-9, la preuve est très succincte quant à la valeur réelle de cette pièce. Le demandeur réclame la somme de 1 966,17$ à cet égard.
[60] Considérant la faiblesse relative de la preuve soumise, et vu le fait qu’il est probable que certains de ces items soient achetés, par M. Groulx, chez un recycleur[22]le Tribunal considère approprié d’accorder, quant à cet item, la somme de 750$.
[61] Quant à la main-d’œuvre nécessaire pour le remplacement dudit catalyseur, M. Groulx l’estime à une durée de deux heures à un taux horaire de 80$. M. Groulx n’apparait pas avoir l’intention d’effectuer ce remplacement personnellement. Ainsi, le coût probable, en main d’œuvre, est plus élevé. Le Tribunal, à la lumière de la preuve produite, accorde la somme de 100$ sous cet item.
[62] Quant aux troubles et inconvénients subis par M. Groulx, il semble manifeste que ce dernier les rattache surtout, bien que non exclusivement, au comportement allégué du dénommé Ali et de Bostan Auto. Or, comme nous l’avons vu, le Tribunal rejette la Demande à l’encontre de Bostan Auto, faute de preuve prépondérante et convaincante.
[63] Ceci dit, il est manifeste que l’achat du véhicule en question, du vendeur Québec inc, a entrainé divers désagréments pour M. Groulx qui pouvait s’attendre à bénéficier d’un véhicule ayant une durabilité beaucoup plus grande. Il est, en effet, inconcevable qu’un véhicule, même ayant 10 ans d’usure, entrainera une telle quantité de difficultés, et ce, à très court terme - soit dès le retour faisant suite à la prise de possession.
[64] L’article 272 de la Loi sur la protection du consommateur permet l’attribution de tels dommages intérêts. Dans les circonstances de l’espèce, le Tribunal accordera la somme de 150$ à M. Groulx sous ce chapitre.
[65] Quant à l’absence de pneus d’été, ce qui faisait l’objet, selon la preuve prépondérante entendue, d’un engagement formel, M. Groulx évalue à la somme de 500$ la valeur reliée à de tels pneus d’été qui n’ont jamais été fournis. Cet engagement est confirmé par le témoin M. Gagné. La somme réclamée est raisonnable dans les circonstances et sera accordée.
[66] Qu’en est-il de la demande de M. Groulx qui réclame le remboursement des frais de livraison et de tous les frais additionnels mentionnés au contrat de vente - en excluant la TPS, la TVQ et les droits d’immatriculation qui pouvaient, tel que concédés par M. Groulx, être inclus au contrat de vente. Ainsi, de l’ensemble de frais et taxes inclus au contrat de vente, M. Groulx reconnait qu’une somme de 536,25$[23] est bien fondée.
[67] M. Groulx réclame donc le remboursement d’une somme de 740,87$, soit la valeur de ces « frais de livraison » et « autres droits ». Le Tribunal note d’ailleurs que le contrat ne fournit aucun détail quant à la nature de « ces autres droits ».
[68] La preuve prépondérante, en l’espèce, démontre le bienfondé de cette portion de la réclamation. En effet, il appert que M. Groulx n’a pas demandé quelconque service particulier de la part de Québec inc, rendant ainsi particulièrement nébuleux de tels frais de livraison et ces « autres droits ».
[69] D’ailleurs, à cet effet, le Décret concernant l’application de règles de conduite aux commerçants d’automobile d’occasion[24], soit un Décret adopté en vertu de la Loi sur la protection du consommateur précise bien, en son article 2 :
DISPOSITIONS AUXQUELLES DOIVENT SE CONFORMER TOUS LES COMMERÇANTS D’AUTOMOBILES D’OCCASION
2. Annoncer, tant dans la publicité que dans les établissements du commerçant, un prix de vente, ou une valeur au détail lorsque l’automobile d’occasion annoncée est offerte en location à long terme, qui comprend tous les frais, à l’exception de la Taxe de vente du Québec (TVQ) et de la Taxe sur les produits et services (TPS), devant être payés pour obtenir l’automobile d’occasion. Le prix de vente ou la valeur au détail, à l’exclusion des taxes, ne pourra être augmenté que si des produits ou services sont ajoutés à la demande du consommateur et uniquement pour une somme égale au prix des produits ou services ajoutés.
[nos soulignements]
[70] La preuve démontre que ces frais furent ajoutés par Québec inc, en l’absence de quelconque demande de la part de M. Groulx pour quelconque service supplémentaire. D’ailleurs, la preuve démontre l’absence de quelconque plus-value au bénéfice de M. Groulx quant à ces nébuleux « autres droits ».
[71] Ainsi, le Tribunal fera droit à cette portion de la réclamation, et ce, pour la somme de 740,87$.
[72] Reste donc la question des dommages intérêts punitifs.
[73] Les motifs soulevés, afin d’en justifier l’attribution, par M. Groulx apparaissent déjà, de manière résumée, du présent jugement. Ils sont par ailleurs relatés au paragraphe 15 de la Demande de ce dernier.
[74] L’article 272 LPC, précité, prévoit la possibilité de procéder à un tel octroi.
[75] Ceci dit, la preuve soumise en l’espèce est insuffisante afin de conclure qu’une telle condamnation à des dommages intérêts punitifs est appropriée dans les circonstances. En effet, comme le mentionne l’Honorable Juge Christian Brunelle, J.C.Q., dans une décision toute récente, soit dans l’affaire Bilodeau c. Mercedez Benz de Québec (Chatel Automobiles Ltée)[25] :
[73] Quant à la réclamation de dommages-intérêts punitifs, elle doit être rejetée. La preuve ne permet pas d’imputer à Chatel « des comportements d’ignorance, d’insouciance ou de négligence sérieuse » ou encore « des actes intentionnels, malveillants ou vexatoires » envers monsieur Bilodeau.
[76] L’Honorable Juge Brunelle réfère d’ailleurs, à même ce paragraphe, aux enseignements de la Cour Suprême dans l’arrêt Richard c. Times Inc.[26]
[77] Ainsi, le Tribunal considère que la preuve soumise ne démontre pas le bienfondé de cette portion de la réclamation. Cette preuve n’est pas du tout prépondérante.
[78] Le Tribunal peut comprendre la frustration de M. Groulx quant à la problématique reliée au véhicule acheté. Ceci dit, l’octroi de dommages intérêts punitifs ne peut être accordé en raison d’un « service à la clientèle déficient » ou d’une omission de fournir les pneus d’été, tel qu’entendu. Quant à l’odomètre, le Tribunal considère qu’il ne s’agit pas, dans les circonstances de la présente espèce, d’un motif suffisant, considérant, notamment, que M. Groulx en fait surtout le reproche à Bostan Auto.
[79] Conséquemment, le Tribunal accordera partiellement la Demande formulée par M. Groulx, et ce, à l’encontre de Québec inc, le tout pour une somme de 3 052,37$.
[80] Cette somme sera majorée, tel que demandé par M. Groulx, de l’intérêt au taux légal ainsi que de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, en plus des frais de justice qui seront également accordés à l’encontre de Québec inc.
[81] Le rejet de la Demande à l’encontre de Bostan Auto et de M. Mahmood sera prononcé sans frais de justice.[27]
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE partiellement la Demande du demandeur;
CONDAMNE la défenderesse 9150-6683 Québec inc. à payer au demandeur la somme de 3 052,37$, en plus de l’intérêt au taux légal et de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, et ce, à compter du 10 juin 2016, soit la date de la mise en demeure à l’encontre de 9150-6683 Québec inc;
REJETTE la demande à l’encontre de la défenderesse Bostan Auto inc. et du défendeur M. Sultan Mahmood, sans frais de justice;
LE TOUT, quant à la condamnation prononcée à l’encontre de 9150-6683 Québec inc, avec les frais de justice.
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__________________________________ STEVE GUÉNARD, J.C.Q. |
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Date d’audience : 24 octobre 2017 |
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[1] Pièce P-1, soit le contrat de vente à tempérament.
[2] Soit 91 255 kilomètres au contrat et 95 640 kilomètres, le jour même de la prise de possession, et ce, tel qu’il appert d’une photo l’illustrant (pièce P-2). La pièce P-11, pour sa part, soit un relevé de la Société d’assurance automobile du Québec, daté du 4 février 2016, indique plutôt que l’odomètre oscille à 93 000 kilomètres. Ceci étant dit, ledit relevé de la SAAQ réfère bien, à titre de commerçant, à 9150-6683 Québec inc.
[3] Pièce P-12 - soit une transcription dactylographiée de messages textes.
[4] Rappelons que nous sommes, à cette date, le 30 janvier 2016.
[5] Voir la Pièce P-3 à ce sujet.
[6] Pièce P-4.
[7] Pièce P-8.
[8] Désigné à titre de « crossmember », à même la Pièce P-9.
[9] Pièce P-10.
[10] RLRQ c C-12.
[11] Pièce P-10.
[12] M. Groulx précise cependant qu’il n’avait pas pris connaissance de ce kilométrage, à même l’odomètre, avant de procéder à l’acquisition du véhicule.
[13] Pièce D-1.
[14] Bien que la corporation, sur papier, existe depuis, 2015, conformément au témoignage de M. Mahmood.
[15] Par le truchement de l’article 270 de la Loi sur la protection du consommateur.
[16] RLRQ c P-40.1.
[17] Tant le contrat que le relevé de la SAAQ, pièce P-11.
[18] 9148-6274 Québec inc. (Groupe immobilier Gazaille inc.) c. Al-Raîs, 2006 QCCA 1635 (CanLII);
[19] 2013 QCCA 1773 (CanLII).
[20] P. Talbot inc. c. Entreprise Mirgil inc., (C.A.) 2004-03-11, J.E. 2004-709.
[21] Soit 7 heures au taux horaire de 25$.
[22] Soit une « scrap yard », comme M. Groulx l’a fait pour le support de suspension.
[23] Soit les taxes totalisant 498,25$ et les droits d’immatriculation (38$).
[24] RLRQ c P-40.1, r 4.
[25] 2017 QCCQ 9663
[26] 2012 CSC 8
[27] Article 340 du Code de procédure civile.
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