Caisse Desjardins des Chutes Montmorency c. Sylvain | 2022 QCTAL 6710 | |||||||
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||||
Bureau dE Québec | ||||||||
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No dossier : | 579696 18 20210714 G | No demande : | 3295671 | |||||
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Date : | 28 mars 2022 | |||||||
Devant la juge administrative : | Micheline Leclerc | |||||||
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Caisse Desjardins des Chutes Montmorency |
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Créancière hypothécaire - Partie demanderesse | ||||||||
c. | ||||||||
camil Sylvain |
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Locataire - Partie défenderesse | ||||||||
et | ||||||||
Claudette Viger Pageau Locatrice – intéressée
MNP Ltée (Syndic de Faillite) |
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Mis en cause – Partie intéressée
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D É C I S I O N R E C T I F I É E
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[1] La demanderesse demande au Tribunal d’annuler le bail intervenu entre Claudette Viger-Pageau et Camil Sylvain et de le déclarer inopposable, d’ordonner l’éviction du locataire et de tous les occupants du logement, en plus de l’exécution provisoire nonobstant appel et du remboursement des frais.
LA PREUVE
[2] La demanderesse est créancière hypothécaire de la locatrice Viger-Pageau aux termes d’un acte d’hypothèque reçu devant Me Hermann Moreau, notaire, le 15 juillet 2013, portant sur l’immeuble situé au [...] à Québec (arrondissement Beauport). (P-1).
[3] La locatrice a conclu un bail (P-2) avec le locataire Sylvain le 25 juin 2020 pour la location de la résidence pour la période du 1er août 2020 au 1er janvier 2030 au loyer mensuel de 500 $, les frais d’énergie, de déneigement, d’entretien de la pelouse et les assurances étant à la charge de la locatrice (P-2).
[4] De plus, il a été prévu que la locatrice ferait réparer la thermopompe pour le 1er septembre ainsi que des travaux au plafond de la cuisine, la chambre et le sous-sol.
[5] Monsieur Michael Villeneuve est évaluateur certifié dans le domaine résidentiel depuis huit ans, surtout dans le milieu bancaire.
[6] Il a eu mandat de la demanderesse d’évaluer la résidence louée au locataire Sylvain, une reprise de finance.
[7] Selon lui, la valeur du loyer mensuel aurait dû se situer entre 1 200 $ et 1 400 $ si la maison était en bonne condition et entre 800 $ et 1 000 $ si elle était en mauvaise condition (P-8).
[8] Son rapport signé le 20 janvier 2021 établit les frais fixes à 650 $ par mois.
[9] Il dit qu’il n’a jamais vu un bail à un loyer non indexé pendant 10 ans et qu’il n’est pas avantageux pour un acheteur.
[10] L’immeuble évalué à 179 000 $ avant l’existence du bail est évalué à 89 000 $ au 15 décembre 2020.
[11] Monsieur Mickaël Anselin est courtier immobilier pour Via de la Capitale depuis 15 ou 16 ans et il œuvre dans le domaine résidentiel, commercial et multi logements.
[12] Il a eu mandat de la demanderesse, au mois d’avril 2021, d’évaluer la propriété pour fins de mise en vente.
[13] Il a évalué la résidence à 169 000 $ mais il ne savait pas qu’il y avait un bail d’une durée de 10 ans ni le montant du loyer.
[14] Il a eu trois promesses d’achat mais un investisseur a annulé son offre, un autre investisseur s’est dit intéressé à la condition que le bail soit annulé et un troisième investisseur a continué conditionnellement à l’inspection de la maison.
[15] Suites aux visites et eu égard à la situation, il y a eu des offres de 39 000 $ et 50 000 $, ils ne se sont pas entendus et les offres ont été annulées.
[16] Il a discuté avec le locataire au sujet du bail et lui a demandé s’il avait pensé à conclure une entente avec la demanderesse.
[17] Le locataire a répondu par la négative tout en disant que « pour parler, il lui faut 100 000 $ ».
[18] Il a refusé de continuer le processus de vente parce qu’il n’y avait aucune probabilité de vente, sauf si la demanderesse accepte de vendre à 39 000 $.
[19] Son rapport d’activités (P-10) fait état que la propriété est invendable et il propose une mise hors marché. De plus, il établit les frais mensuels d’électricité à 264 $ et les taxes à 184 $.
[20] Monsieur André Lafond est courtier immobilier pour le Groupe Laprise depuis 2014.
[21] Il a eu mandat de la demanderesse, le 24 octobre 2021, pour vendre l’immeuble.
[22] Il a fait visiter l’immeuble à huit reprises et reçu une trentaine de contacts téléphoniques.
[23] Il explique que le bail de 10 ans freine les gens qui veulent être propriétaires occupants et dit qu’il pourrait y avoir une vente à 139 000 $ s’il n’y avait pas de bail.
[24] Par ailleurs, le loyer mensuel de 500 $ n’est pas attrayant parce qu’il y a des dépenses de 7 500 $ par année (électricité, chauffage, entretien et taxes).
[25] Ainsi, il y aurait un déficit à chaque année.
[26] Selon ses vérifications, un logement de quatre pièces et demie situé dans le secteur se loue mensuellement à 685 $, 840 $, 750 $, 800 $ et 670 $ sans les frais de chauffage et un bungalow se loue à 925 $ par mois sans les frais de chauffage.
[27] En contre-interrogatoire, il dit avoir reçu une offre de 55 000 $ conditionnelle à ce que la question du bail soit réglée au 15 janvier 2022, sinon elle devient nulle.
[28] Madame Viger-Pageau demeurait dans la résidence louée depuis 1994 ou 1996 et elle y a habité jusqu’au mois d’août 2020.
[29] Elle explique qu’elle a dû faire une consolidation de dettes de 122 000 $ au mois de juin 2020 pour régler ses cartes de crédit et que son fils a mis la maison en vente.
[30] Le locataire est allé visiter la maison et il a parlé à son fils pour lui dire qu’il n’était pas intéressé à l’acheter mais qu’il voulait aider.
[31] Comme elle n’avait plus les moyens d’emprunter, elle a accepté.
[32] Il lui a offert d’effectuer des travaux et elle lui a fourni six conteneurs pour vider la maison.
[33] Elle s’est dit qu’il allait mettre la résidence en bon état et qu’elle pourrait la vendre « pour se refaire ».
[34] Bien qu’elle avait un versement hypothécaire de 900 $ par mois à rencontrer, elle pensait qu’elle pourrait s’en sortir en louant la maison à 500 $ par mois.
[35] Lorsque ses enfants lui ont dit qu’elle n’avait plus d’argent, elle a fait faillite au mois d’octobre 2020.
[36] Elle admet qu’elle n’a pas demandé l’autorisation de la demanderesse avant de mettre la maison en location.
[37] Alexandra Bois Boulay est analyste au centre de recouvrement de la demanderesse et elle a pris connaissance du dossier.
[38] Elle confirme que la demanderesse n’a pas été informée du bail signé au mois de juin 2020 et que le solde dû à ce moment était de 120 232,92 $.
[39] Sur les coûts reliés à l’immeuble, elle dit que les frais d’électricité sont de 260 $ par mois, les versements d’’assurance estimés par la demanderesse sont de 190 $ par mois et les taxes sont de 195 $ par mois, les frais de déneigement et de pelouse n’étant pas assumés par la demanderesse.
[40] Finalement, elle confirme qu’aucun loyer n’a été payé depuis le mois de décembre 2020.
[41] En contre-interrogatoire, elle confirme qu’il n'y a aucune entente sur paiement et qu’elle n’a pas fait d’offre.
[42] Le locataire relate qu’il est allé visiter la maison au mois de juin 2020 suite à un appel d’un ami qui trouvait que cela pourrait être bon pour lui.
[43] Lors de sa visite, il y avait du papier journal emplilé jusqu’au plafond et partout dans la maison, il ne pouvait rien voir et selon lui, personne n’aurait occupé la maison sans investir.
[44] Il a été discuté de remettre le rez-de-chaussée habitable, il a remis 5 000 $ à la locatrice à la signature du bail en guise de paiement du loyer à l’avance et il payait le coût des travaux, lesquels les frais s’élèvent à 15 000 $.
[45] Il a commencé à payer le loyer puis il y a eu dation au mois de décembre.
[46] Il a ensuite été informé de la cession de biens de la locatrice, il a contacté le syndic qui lui a dit que la demanderesse avait repris l’immeuble.
[47] Il a transmis un courriel à la demanderesse pour l’informer de l’état du logement et des travaux payés mais cette dernière n’a pas voulu reconnaitre son apport financier et a mis la maison en vente sans le consulter ni prendre arrangement.
[48] Il a offert de payer 40 000 $ à la demanderesse bien qu’il ait investi 20 000 $, alors que d’autres ont offert 59 000 $.
[49] À la seconde journée d’audience, il dit avoir oublié d’apporter les preuves de paiement des factures pour les travaux effectués et il réitère qu’il y avait du papier journal empilé jusqu’à une hauteur de sept pieds partout ainsi que des excréments et de l’urine de chien et chat partout.
[50] Il dit aussi qu’il savait que la locatrice vivait des difficultés financières mais pas à cette ampleur, ce qu’il a su lorsque la fille de celle-ci lui a dit qu’elle allait faire faillite et qu’il savait, à voir l’état de la maison, qu’elle avait un problème de santé mentale aussi.
[51] Il avait une idée des frais d’entretien à peu près, mais rien de précis, et dit que des frais fixes de 645 $ « font du sens ».
[52] Selon lui, la situation économique vulnérable de la locatrice n’était pas de « ses affaires ».
[53] Il a payé le premier mois de loyer et lorsqu’il a su qu’elle allait faire faillite, il a trouvé le syndic qui lui a dit de contacter la Caisse Desjardins des Chutes Montmorency.
[54] Il a transmis un courriel à la Caisse, mais n'a pas eu de réponse, et personne n’est allé récupérer le loyer.
DÉCISION
[55] Les articles
« 1631. Le créancier, s'il en subit un préjudice, peut faire déclarer inopposable à son égard l'acte juridique que fait son débiteur en fraude de ses droits, notamment l'acte par lequel il se rend ou cherche à se rendre insolvable ou accorde, alors qu'il est insolvable, une préférence à un autre créancier. »
« 2734. Ni le constituant ni son ayant cause ne peuvent détruire ou détériorer le bien hypothéqué, ou en diminuer sensiblement la valeur, si ce n'est par une utilisation normale ou en cas de nécessité.
Dans le cas où il en subit une perte, le créancier peut, outre ses autres recours et encore que sa créance ne soit ni liquide ni exigible, recouvrer des dommages-intérêts compensatoires jusqu'à concurrence de sa créance et au même titre d'hypothèque; la somme ainsi perçue est imputée sur sa créance. »
[56] Dans l’affaire Compagnie d’assurances d’hypothèques Genworth Financial Canada c. Raiche[1], le débiteur avait éprouvé des difficultés financières d’une manière contemporaine à l’acquisition et il était toujours demeuré dans une situation précaire.
[57] Or pendant cette période il a conclu un bail de cinq ans avec la sœur de son ex-conjointe pour la location d’une résidence au loyer mensuel de 1 350 $, même si le coût réel pour le débiteur-locateur était d’environ 1 829,12 $ par mois (hypothèque, taxes et électricité).
[58] En plus d’un loyer mensuel inférieur au coût réel, le débiteur-locateur s’était aussi engagé à faire le déneigement et de nombreux travaux.
[59] Au surplus, le syndic a conclu qu’il n’y avait aucune équité sur la propriété (voir P-4), l’évaluateur agréé et la courtière immobilière ont considéré que la valeur marchande de l’immeuble était inférieure aux sommes que devaient le locateur à son créancier hypothécaire et la possibilité pour le créancier de trouver preneur pour la propriété considérant qu’un acquéreur ne pourrait prendre possession des lieux avant cinq ans était illusoire.
[60] Le juge administratif André Monty a conclu que la preuve avait démontré que le bail avait été fait en fraude des droits de la partie demanderesse et que cela lui causait préjudice parce que le bail avait diminué plus que « sensiblement » la valeur du bien hypothéqué, pour reprendre la terminologie de l’article
[61] Le juge administratif a cité l’auteur Louis Payette dans son ouvrage sur les sûretés du Code civil du Québec[2] :
« Nous avons évoqué à quelques reprises ci-dessus le principe qui interdit au détenteur d’un bien hypothéqué d’en diminuer la valeur (art.
[62] La preuve a révélé que l’acte d’hypothèque consenti le 15 juillet 2013 à la locatrice interdit la location de l’immeuble.
[63] Au surplus, il ressort que le contrat de bail a été conclu le 25 juin 2020 alors que la locatrice était fragile financièrement, ce que le locataire savait, ce qui s’est d’ailleurs concrétisé par une cession de biens le 15 octobre 2020.
[64] En concluant ce bail pour une période de 10 ans à un loyer de 500 $ seulement, la locatrice et le locataire ont diminué considérablement la valeur du bien hypothéqué au détriment de la demanderesse, tel que prouvé par les témoins entendus.
[65] Le Tribunal conclut donc que le bail est inopposable à la demanderesse et considérant que le locataire n’a payé aucun loyer depuis plus d’un an, il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la décision conformément à l’article 82.1 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement :
« 82.1. Le membre peut, s’il le juge à propos, ordonner l’exécution provisoire, nonobstant la révision ou l’appel, de la totalité ou d’une partie de la décision, s’il s’agit:
1° de réparations majeures;
2° d’expulsion des lieux, lorsque le bail est expiré, résilié ou annulé;
3° d’un cas d’urgence exceptionnelle. »
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[66] ANNULE le bail intervenu entre madame Claudette Viger-Pageau et le locataire Camil Sylvain et le DÉCLARE inopposable à la demanderesse;
[67] DÉCLARE la présente décision opposable au locataire et à tous les occupants du logement;
[68] ORDONNE l’éviction immédiate du locataire et de tous les autres occupants de l’immeuble;
[69] ORDONNE l’exécution provisoire nonobstant appel;
[70] CONDAMNE le locataire au paiement des frais judiciaires et de signification de 103 $.
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Micheline Leclerc | ||
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Présence(s) : | Me Pierre Bolduc, avocat de la créancière hypothécaire le locataire | ||
Dates des audiences : | 24 novembre 2021 2 février 2022 | ||
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Caisse Desjardins des chutes Montmorency c. Sylvain | 2022 QCTAL 6710 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Québec | ||||||
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No dossier : | 579696 18 20210714 G | No demande : | 3295671 | |||
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Date : | 09 mars 2022 | |||||
Devant la juge administrative : | Micheline Leclerc | |||||
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Caisse Desjardins des Chutes Montmorency |
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Créancière hypothécaire - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Camille Sylvain |
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Locataire - Partie défenderesse | ||||||
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Claudette Viger Pageau Locatrice – intéressée
MNP Ltée (Syndic de Faillite) |
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Mis en cause – Partie intéressée
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D É C I S I O N
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[1] La demanderesse demande au Tribunal d’annuler le bail intervenu entre Claudette Viger-Pageau et Camille Sylvain et de le déclarer inopposable, d’ordonner l’éviction du locataire et de tous les occupants du logement, en plus de l’exécution provisoire nonobstant appel et du remboursement des frais.
LA PREUVE
[2] La demanderesse est créancière hypothécaire de la locatrice Viger-Pageau aux termes d’un acte d’hypothèque reçu devant Me Hermann Moreau, notaire, le 15 juillet 2013, portant sur l’immeuble situé au [...] à Québec (arrondissement Beauport). (P-1).
[3] La locatrice a conclu un bail (P-2) avec le locataire Sylvain le 25 juin 2020 pour la location de la résidence pour la période du 1er août 2020 au 1er janvier 2030 au loyer mensuel de 500 $, les frais d’énergie, de déneigement, d’entretien de la pelouse et les assurances étant à la charge de la locatrice (P-2).
[4] De plus, il a été prévu que la locatrice ferait réparer la thermopompe pour le 1er septembre ainsi que des travaux au plafond de la cuisine, la chambre et le sous-sol.
[5] Monsieur Michael Villeneuve est évaluateur certifié dans le domaine résidentiel depuis huit ans, surtout dans le milieu bancaire.
[6] Il a eu mandat de la demanderesse d’évaluer la résidence louée au locataire Sylvain, une reprise de finance.
[7] Selon lui, la valeur du loyer mensuel aurait dû se situer entre 1 200 $ et 1 400 $ si la maison était en bonne condition et entre 800 $ et 1 000 $ si elle était en mauvaise condition (P-8).
[8] Son rapport signé le 20 janvier 2021 établit les frais fixes à 650 $ par mois.
[9] Il dit qu’il n’a jamais vu un bail à un loyer non indexé pendant 10 ans et qu’il n’est pas avantageux pour un acheteur.
[10] L’immeuble évalué à 179 000 $ avant l’existence du bail est évalué à 89 000 $ au 15 décembre 2020.
[11] Monsieur Mickaël Anselin est courtier immobilier pour Via de la Capitale depuis 15 ou 16 ans et il œuvre dans le domaine résidentiel, commercial et multi logements.
[12] Il a eu mandat de la demanderesse, au mois d’avril 2021, d’évaluer la propriété pour fins de mise en vente.
[13] Il a évalué la résidence à 169 000 $ mais il ne savait pas qu’il y avait un bail d’une durée de 10 ans ni le montant du loyer.
[14] Il a eu trois promesses d’achat mais un investisseur a annulé son offre, un autre investisseur s’est dit intéressé à la condition que le bail soit annulé et un troisième investisseur a continué conditionnellement à l’inspection de la maison.
[15] Suites aux visites et eu égard à la situation, il y a eu des offres de 39 000 $ et 50 000 $, ils ne se sont pas entendus et les offres ont été annulées.
[16] Il a discuté avec le locataire au sujet du bail et lui a demandé s’il avait pensé à conclure une entente avec la demanderesse.
[17] Le locataire a répondu par la négative tout en disant que « pour parler, il lui faut 100 000 $ ».
[18] Il a refusé de continuer le processus de vente parce qu’il n’y avait aucune probabilité de vente, sauf si la demanderesse accepte de vendre à 39 000 $.
[19] Son rapport d’activités (P-10) fait état que la propriété est invendable et il propose une mise hors marché. De plus, il établit les frais mensuels d’électricité à 264 $ et les taxes à 184 $.
[20] Monsieur André Lafond est courtier immobilier pour le Groupe Laprise depuis 2014.
[21] Il a eu mandat de la demanderesse, le 24 octobre 2021, pour vendre l’immeuble.
[22] Il a fait visiter l’immeuble à huit reprises et reçu une trentaine de contacts téléphoniques.
[23] Il explique que le bail de 10 ans freine les gens qui veulent être propriétaires occupants et dit qu’il pourrait y avoir une vente à 139 000 $ s’il n’y avait pas de bail.
[24] Par ailleurs, le loyer mensuel de 500 $ n’est pas attrayant parce qu’il y a des dépenses de 7 500 $ par année (électricité, chauffage, entretien et taxes).
[25] Ainsi, il y aurait un déficit à chaque année.
[26] Selon ses vérifications, un logement de quatre pièces et demie situé dans le secteur se loue mensuellement à 685 $, 840 $, 750 $, 800 $ et 670 $ sans les frais de chauffage et un bungalow se loue à 925 $ par mois sans les frais de chauffage.
[27] En contre-interrogatoire, il dit avoir reçu une offre de 55 000 $ conditionnelle à ce que la question du bail soit réglée au 15 janvier 2022, sinon elle devient nulle.
[28] Madame Viger-Pageau demeurait dans la résidence louée depuis 1994 ou 1996 et elle y a habité jusqu’au mois d’août 2020.
[29] Elle explique qu’elle a dû faire une consolidation de dettes de 122 000 $ au mois de juin 2020 pour régler ses cartes de crédit et que son fils a mis la maison en vente.
[30] Le locataire est allé visiter la maison et il a parlé à son fils pour lui dire qu’il n’était pas intéressé à l’acheter mais qu’il voulait aider.
[31] Comme elle n’avait plus les moyens d’emprunter, elle a accepté.
[32] Il lui a offert d’effectuer des travaux et elle lui a fourni six conteneurs pour vider la maison.
[33] Elle s’est dit qu’il allait mettre la résidence en bon état et qu’elle pourrait la vendre « pour se refaire ».
[34] Bien qu’elle avait un versement hypothécaire de 900 $ par mois à rencontrer, elle pensait qu’elle pourrait s’en sortir en louant la maison à 500 $ par mois.
[35] Lorsque ses enfants lui ont dit qu’elle n’avait plus d’argent, elle a fait faillite au mois d’octobre 2020.
[36] Elle admet qu’elle n’a pas demandé l’autorisation de la demanderesse avant de mettre la maison en location.
[37] Alexandra Bois Boulay est analyste au centre de recouvrement de la demanderesse et elle a pris connaissance du dossier.
[38] Elle confirme que la demanderesse n’a pas été informée du bail signé au mois de juin 2020 et que le solde dû à ce moment était de 120 232,92 $.
[39] Sur les coûts reliés à l’immeuble, elle dit que les frais d’électricité sont de 260 $ par mois, les versements d’’assurance estimés par la demanderesse sont de 190 $ par mois et les taxes sont de 195 $ par mois, les frais de déneigement et de pelouse n’étant pas assumés par la demanderesse.
[40] Finalement, elle confirme qu’aucun loyer n’a été payé depuis le mois de décembre 2020.
[41] En contre-interrogatoire, elle confirme qu’il n'y a aucune entente sur paiement et qu’elle n’a pas fait d’offre.
[42] Le locataire relate qu’il est allé visiter la maison au mois de juin 2020 suite à un appel d’un ami qui trouvait que cela pourrait être bon pour lui.
[43] Lors de sa visite, il y avait du papier journal emplilé jusqu’au plafond et partout dans la maison, il ne pouvait rien voir et selon lui, personne n’aurait occupé la maison sans investir.
[44] Il a été discuté de remettre le rez-de-chaussée habitable, il a remis 5 000 $ à la locatrice à la signature du bail en guise de paiement du loyer à l’avance et il payait le coût des travaux, lesquels les frais s’élèvent à 15 000 $.
[45] Il a commencé à payer le loyer puis il y a eu dation au mois de décembre.
[46] Il a ensuite été informé de la cession de biens de la locatrice, il a contacté le syndic qui lui a dit que la demanderesse avait repris l’immeuble.
[47] Il a transmis un courriel à la demanderesse pour l’informer de l’état du logement et des travaux payés mais cette dernière n’a pas voulu reconnaitre son apport financier et a mis la maison en vente sans le consulter ni prendre arrangement.
[48] Il a offert de payer 40 000 $ à la demanderesse bien qu’il ait investi 20 000 $, alors que d’autres ont offert 59 000 $.
[49] À la seconde journée d’audience, il dit avoir oublié d’apporter les preuves de paiement des factures pour les travaux effectués et il réitère qu’il y avait du papier journal empilé jusqu’à une hauteur de sept pieds partout ainsi que des excréments et de l’urine de chien et chat partout.
[50] Il dit aussi qu’il savait que la locatrice vivait des difficultés financières mais pas à cette ampleur, ce qu’il a su lorsque la fille de celle-ci lui a dit qu’elle allait faire faillite et qu’il savait, à voir l’état de la maison, qu’elle avait un problème de santé mentale aussi.
[51] Il avait une idée des frais d’entretien à peu près, mais rien de précis, et dit que des frais fixes de 645 $ « font du sens ».
[52] Selon lui, la situation économique vulnérable de la locatrice n’était pas de « ses affaires ».
[53] Il a payé le premier mois de loyer et lorsqu’il a su qu’elle allait faire faillite, il a trouvé le syndic qui lui a dit de contacter la Caisse Desjardins des Chutes Montmorency.
[54] Il a transmis un courriel à la Caisse, mais n'a pas eu de réponse, et personne n’est allé récupérer le loyer.
DÉCISION
[55] Les articles
« 1631. Le créancier, s'il en subit un préjudice, peut faire déclarer inopposable à son égard l'acte juridique que fait son débiteur en fraude de ses droits, notamment l'acte par lequel il se rend ou cherche à se rendre insolvable ou accorde, alors qu'il est insolvable, une préférence à un autre créancier. »
« 2734. Ni le constituant ni son ayant cause ne peuvent détruire ou détériorer le bien hypothéqué, ou en diminuer sensiblement la valeur, si ce n'est par une utilisation normale ou en cas de nécessité.
Dans le cas où il en subit une perte, le créancier peut, outre ses autres recours et encore que sa créance ne soit ni liquide ni exigible, recouvrer des dommages-intérêts compensatoires jusqu'à concurrence de sa créance et au même titre d'hypothèque; la somme ainsi perçue est imputée sur sa créance. »
[56] Dans l’affaire Compagnie d’assurances d’hypothèques Genworth Financial Canada c. Raiche[3], le débiteur avait éprouvé des difficultés financières d’une manière contemporaine à l’acquisition et il était toujours demeuré dans une situation précaire.
[57] Or pendant cette période il a conclu un bail de cinq ans avec la sœur de son ex-conjointe pour la location d’une résidence au loyer mensuel de 1 350 $, même si le coût réel pour le débiteur-locateur était d’environ 1 829,12 $ par mois (hypothèque, taxes et électricité).
[58] En plus d’un loyer mensuel inférieur au coût réel, le débiteur-locateur s’était aussi engagé à faire le déneigement et de nombreux travaux.
[59] Au surplus, le syndic a conclu qu’il n’y avait aucune équité sur la propriété (voir P-4), l’évaluateur agréé et la courtière immobilière ont considéré que la valeur marchande de l’immeuble était inférieure aux sommes que devaient le locateur à son créancier hypothécaire et la possibilité pour le créancier de trouver preneur pour la propriété considérant qu’un acquéreur ne pourrait prendre possession des lieux avant cinq ans était illusoire.
[60] Le juge administratif André Monty a conclu que la preuve avait démontré que le bail avait été fait en fraude des droits de la partie demanderesse et que cela lui causait préjudice parce que le bail avait diminué plus que « sensiblement » la valeur du bien hypothéqué, pour reprendre la terminologie de l’article
[61] Le juge administratif a cité l’auteur Louis Payette dans son ouvrage sur les sûretés du Code civil du Québec[4] :
« Nous avons évoqué à quelques reprises ci-dessus le principe qui interdit au détenteur d’un bien hypothéqué d’en diminuer la valeur (art.
[62] La preuve a révélé que l’acte d’hypothèque consenti le 15 juillet 2013 à la locatrice interdit la location de l’immeuble.
[63] Au surplus, il ressort que le contrat de bail a été conclu le 25 juin 2020 alors que la locatrice était fragile financièrement, ce que le locataire savait, ce qui s’est d’ailleurs concrétisé par une cession de biens le 15 octobre 2020.
[64] En concluant ce bail pour une période de 10 ans à un loyer de 500 $ seulement, la locatrice et le locataire ont diminué considérablement la valeur du bien hypothéqué au détriment de la demanderesse, tel que prouvé par les témoins entendus.
[65] Le Tribunal conclut donc que le bail est inopposable à la demanderesse et considérant que le locataire n’a payé aucun loyer depuis plus d’un an, il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la décision conformément à l’article 82.1 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement :
« 82.1. Le membre peut, s’il le juge à propos, ordonner l’exécution provisoire, nonobstant la révision ou l’appel, de la totalité ou d’une partie de la décision, s’il s’agit:
1° de réparations majeures;
2° d’expulsion des lieux, lorsque le bail est expiré, résilié ou annulé;
3° d’un cas d’urgence exceptionnelle. »
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[66] ANNULE le bail intervenu entre madame Claudette Viger-Pageau et le locataire Camille Sylvain et le DÉCLARE inopposable à la demanderesse;
[67] DÉCLARE la présente décision opposable au locataire et à tous les occupants du logement;
[68] ORDONNE l’éviction immédiate du locataire et de tous les autres occupants de l’immeuble;
[69] ORDONNE l’exécution provisoire nonobstant appel;
[70] CONDAMNE le locataire au paiement des frais judiciaires et de signification de 103 $.
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Micheline Leclerc | ||
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Présence(s) : | Me Pierre Bolduc, avocat de la créancière hypothécaire le locataire | ||
Dates des audiences : | 24 novembre 2021 2 février 2022 | ||
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[1] Genworth Financial Canada c. Raiche,
[2] PAYETTE Louis, Les sûretés réelles dans le Code civil du Québec, les éditions Yvon Blais Inc., 2e édition, 2001, p. 542-543.
[3] Genworth Financial Canada c. Raiche,
[4] PAYETTE Louis, Les sûretés réelles dans le Code civil du Québec, les éditions Yvon Blais Inc., 2e édition, 2001, p. 542-543.
AVIS :
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