Dion c. Atanasova |
2021 QCTAL 3682 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
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Bureau dE Montréal |
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No dossier : |
475421 31 20190808 S |
No demande : |
2935643 |
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Date : |
10 février 2021 |
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Devant le juge administratif : |
Luk Dufort |
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Johanne Dion |
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Locatrice - Partie demanderesse |
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c. |
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Mariya Atanasova
Svetoslav Radulov |
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Locataires - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] La locatrice demande la résiliation du bail pour le non-respect d'une ordonnance émise le 8 octobre 2019.
QUESTIONS EN LITIGE :
1- Les locataires ont-ils respecté l’ordonnance émise le 8 octobre 2019 en payant le loyer le 3 janvier 2020, alors que le 1er et 2 janvier étaient des jours non juridiques ?
2- Est-ce que les locataires ont présenté un motif suffisant pour expliquer qu’ils n’ont pas respecté l’ordonnance rendue en vertu de l’article 1973 C.c.Q. ?
PREUVE
[2] Il s'agit d'un bail du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020 au loyer mensuel de 1 457 $, payable le premier jour de chaque mois.
[3] La preuve révèle que la Régie du logement[1] rendait, le 8 octobre 2019, une décision fondée sur l'article 1973 du Code civil du Québec, laquelle ordonnait aux locataires de payer à la locatrice le loyer le premier jour de chaque mois.
[4] Il est admis que les locataires ont payé le loyer du mois de janvier 2020, le 3e jour de ce mois.
[5] La locataire témoigne qu’ils étaient au Kenya du 24 décembre 2019 au 7 janvier 2020. Ils ont participé à un safari.
[6] Le 31 décembre, ils se rendent à un nouveau campement et réalisent qu’ils n’ont pas accès à un réseau Wi-Fi qui pourrait leur permettre d’effectuer le paiement du loyer par virement bancaire pour le 1er janvier. Ce n’est que lorsqu’ils auront accès à un réseau le 3 janvier qu’ils seront en mesure d’effectuer le paiement du loyer, quelques heures après que la locatrice a transmis un courriel pour leur en demander le paiement.
[7] La locataire témoigne avoir fait certaines vérifications avant de partir en safari et croyait qu’ils allaient avoir accès à un réseau sans-fil pendant toute la durée du safari.
ARGUMENTATION DES PARTIES
[8] La locatrice invoque que les locataires ont été négligents en ne s’assurant pas d’avoir pris les mesures nécessaires afin de procéder au paiement du loyer en temps opportun.
[9] Selon elle, l’ordonnance émise en vertu de l’article 1973 C.c.Q. de payer le premier du mois est un terme et l’article 87 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement (ci-après LTL) et l’article 61 de la Loi d’Interprétation ne peuvent permettre aux locataires d’exécuter leur obligation le 3 janvier.
[10] Les locataires plaident qu’en vertu de l’article 87 LTL, 61 de la Loi d’Interpétation et 83 du C.p.C, les 1 et 2 janvier sont des jours non juridiques et qu’ils ont donc rempli leur obligation en payant au 1er jour juridique suivant, soit le 3 janvier.
[11] La demande de la locatrice est donc mal fondée en fait en droit.
ANALYSE ET DÉCISION
Est-ce que les locataires ont respecté l’ordonnance en payant le loyer le 3 janvier 2020 alors que le 1er et 2 janvier étaient des jours non juridiques ?
[12] Les locataires invoquent que les 1er et 2 janvier 2020 étaient des jours non juridiques si bien qu’ils ont respecté l’ordonnance en payant le 3 janvier. Ils invoquent la décision Revah c. Fragoulis[2] rendue par l’Honorable Daniel Dortélus dans laquelle les faits aux dossiers étaient similaires :
« Les articles 87 de la Loi sur la Régie du logement et 52 de la Loi d’Interprétation sont-ils applicables pour décider de la violation ou non d’une ordonnance selon l’article 1973 C.c.Q. ?
[25] Il est utile de disposer en premier lieu de cette question, dont la réponse a un impact direct sur les deux autres questions.
[26] La réponse à cette question est affirmative, ce pour les motifs qui suivent.
[27] La décision de la Régie, au cœur de l’appel du locataire-requérant, a pour effet de sanctionner le non-respect d’une ordonnance émise en juillet 2013, en application de l’article 1973 C.c.Q. in fine.
[28] Le locataire-requérant reconnaît que suivant l’ordonnance en question, il doit payer son loyer le 1er de chaque mois. Il plaide que ce délai est assujetti aux règles juridiques applicables lorsque le 1er du mois est un jour non juridique ou férié.
[29] La Loi sur la Régie du logement ne définit pas les jours non juridiques, le locataire-requérant suggère de s’en remettre aux dispositions du Code de procédure civile (« C.p.c. ») et plaide l’application de l’article 7 C.p.c. [6] qui énonce :
« 7. Si la date fixée pour faire une chose tombe un jour non juridique, la chose peut être valablement faite le premier jour juridique qui suit. »
[30] Afin de soutenir ses prétentions, le locataire-requérant invoque les dispositions des articles 1 et 61 (23) de la Loi d’Interprétation [7] qui énoncent :
« 1. Cette loi s'applique à toute loi du Parlement du Québec, à moins que l'objet, le contexte ou quelque disposition de cette loi ne s'y oppose.
61. Dans toute loi, à moins qu'il n'existe des dispositions particulières à ce contraire :
[…]
23° les mots « jour de fête » et « jour férié » désignent :
a) les dimanches ;
b) le 1er janvier ;
c) le Vendredi saint ;
d) le lundi de Pâques ;
e) le 24 juin, jour de la fête nationale ;
f) le 1er juillet, anniversaire de la Confédération, ou le 2 juillet si le 1er tombe un dimanche ;
g) le premier lundi de septembre, fête du Travail ;
g.1) le deuxième lundi d'octobre ;
h) le 25 décembre ;
i) le jour fixé par proclamation du gouverneur général pour marquer l'anniversaire du Souverain ;
j) tout autre jour fixé par proclamation ou décret du gouvernement comme jour de fête publique ou d'action de grâces ; » (Soulignement ajouté)
[31] Le Tribunal estime bien fondées les prétentions du locataire-requérant, car avec égards pour l’opinion contraire, le délai fixé pour le paiement du loyer le 1er de chaque mois pour l’application de l’article 1903 C.c.Q. et l’exécution d’une ordonnance émise en vertu de l’article 1973 C.c.Q., sont sujet à l’application de l’article 87 de Loi sur la Régie du logement [8] qui prévoit :
« 87. Dans la computation d'un délai prévu par la présente loi ou par les articles 1892 à 2000 du Code civil :
1° le jour qui marque le point de départ n'est pas compté mais celui de l'échéance l'est ;
2° les jours fériés sont comptés mais, lorsque le dernier jour est férié, le délai est prorogé au premier jour non férié suivant ;
3° le samedi est assimilé à un jour férié de même que le 2 janvier et le 26 décembre. » (Soulignements ajoutés)
[32] De plus, la Loi sur la Régie du logement étant une loi du parlement de Québec, les articles 1 et 61 (23) de la Loi d’Interprétation s’appliquent à la Loi sur la Régie du logement.
[33] La décision de la Régie est mal dirigée en droit, car le 1er étant un jour non juridique, le locataire-requérant pouvait payer son loyer le jour juridique suivant, ce qu’il a fait. » (Références omises)
[13] Cette décision a par la suite été reprise par d’autres décisions rendues par le Tribunal[3].
[14] Dans un premier temps, il y a lieu d’établir que les articles 6, 7 et 8 de l’ancien Code de procédure civile ont été remplacés par les articles 82, 83 et 84 du Code de procédure civile[4]. Les articles se lisent comme suit :
« 82. Les tribunaux ne siègent pas les samedis et les jours fériés au sens de l’article 61 de la Loi d’interprétation (chapitre I-16), non plus que les 26 décembre et 2 janvier qui sont, en matière de procédure civile, considérés jours fériés. En cas d’urgence, une demande peut être entendue, même le samedi ou un jour férié, par le juge désigné par le juge en chef pour assurer la garde.
De plus, les tribunaux de première instance ne sont pas tenus de siéger entre le 30 juin et le 1er septembre, ni entre le 20 décembre et le 7 janvier. Néanmoins, ils sont tenus d’entendre les affaires relatives à l’intégrité, l’état ou la capacité des personnes, celles en droit de la famille, celles portant sur des contrats de travail ou de louage, celles inscrites par suite du défaut du défendeur ou portant sur des incidents de l’instance, les mesures provisionnelles ou de contrôle, les demandes non contentieuses ainsi que celles qui sont incidentes à l’exécution des jugements. S’ils procèdent à l’instruction au fond d’une autre affaire pendant cette période, ils doivent, avant d’en fixer la date, s’assurer que les parties, leur avocat et, s’il y a lieu, leurs témoins peuvent être présents sans inconvénients majeurs pour eux-mêmes et leur famille.
En toutes circonstances, les demandes d’habeas corpus, celles relatives à l’intégrité de la personne et les demandes considérées urgentes par la loi ou le juge en chef ont, dans cet ordre, priorité sur toutes les autres demandes.
83. Lorsqu’un acte ou une formalité doit être accompli dans un délai fixé par le Code, imparti par le tribunal ou convenu entre les parties, le délai court à compter de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui en est la source.
Le délai se compte par jour entier ou, le cas échéant, par mois. Lorsque le délai est exprimé en jours, le jour qui marque le point de départ n’est pas compté mais celui de l’échéance l’est. Lorsqu’il est exprimé en mois, le délai expire le jour du dernier mois qui porte le même quantième que l’acte, l’événement, la décision ou la notification qui fait courir le délai; à défaut d’un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois.
Le délai expire le dernier jour à 24 h 00; celui qui expirerait normalement un samedi ou un jour férié est prolongé au premier jour ouvrable qui suit.
84. Un délai que le Code qualifie de rigueur ne peut être prolongé que si le tribunal est convaincu que la partie concernée a été en fait dans l’impossibilité d’agir plus tôt. Tout autre délai peut, si le tribunal l’estime nécessaire, être prolongé ou, en cas d’urgence, abrégé par lui. Lorsqu’il prolonge un délai, le tribunal peut relever une partie des conséquences du défaut de le respecter.»
[15] L’article 82 C.p.C fait donc directement référence à l’article 61 de la Loi d’interprétation[5] afin de définir les jours fériés. La définition se retrouve au paragraphe 23 :
«23° les mots «jour de fête» et «jour férié» désignent:
a) les dimanches;
b) le 1er janvier;
c) le Vendredi saint;
d) le lundi de Pâques;
e) le 24 juin, jour de la fête nationale;
f) le 1er juillet, anniversaire de la Confédération, ou le 2 juillet si le 1er tombe un dimanche;
g) le premier lundi de septembre, fête du Travail;
g.1) le deuxième lundi d’octobre;
h) le 25 décembre;
i) le jour fixé par proclamation du gouverneur général pour marquer l’anniversaire du Souverain;
j) tout autre jour fixé par proclamation ou décret du gouvernement comme jour de fête publique ou d’action de grâces;
Selon les locataires, en vertu de ces articles, le 1er janvier doit donc être considéré comme étant un jour férié, faisant en sorte que le délai était prolongé au premier jour ouvrable qui suit.
Pour les locataires, le prochain jour ouvrable qui suit ne serait pas le 2 janvier, car l’article 87 de la Loi sur la Régie du logement[6] prévoit que le 2 janvier est assimilé à un jour férié :
«87. Dans la computation d’un délai prévu par la présente loi ou par les articles 1892 à 2000 du Code civil:
1° le jour qui marque le point de départ n’est pas compté mais celui de l’échéance l’est;
2° les jours fériés sont comptés mais, lorsque le dernier jour est férié, le délai est prorogé au premier jour ouvrable suivant;
3° le samedi est assimilé à un jour férié de même que le 2 janvier et le 26 décembre.»
[16] Le Tribunal est d’opinion que les articles du Code de procédure civile et l’article 87 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement ne sont d’aucun secours pour les locataires. De l’avis du Tribunal, ces articles ne peuvent trouver application en l’instance ni servir à calculer des délais déjà fixés par le Tribunal dans le cadre d’une ordonnance comme c’est le cas dans la présente affaire.
[17] L’auteur Hubert Reid définit le terme computation de la façon suivante :
« Méthode employée pour calculer le temps[7]»
[18] L’ordonnance émise par le Tribunal le 8 octobre 2019 de payer le 1er de chaque mois est un terme qui réitère l’obligation des locataires de respecter l’une de leurs obligations prévues au contrat de louage, soit le paiement du loyer.
[19] Le terme étant fixé par le contrat qui unit les parties et réitéré par une décision du Tribunal, il est inutile de référer aux règles de la computation des délais pour connaître l’échéance d’un délai pour accomplir cette obligation.
[20] Pour le Tribunal, la computation des délais et les articles qui l’encadrent servent à calculer l’échéance d’un délai non défini par un contrat, soit par exemple en matière de prescription ou dans le cadre d’un acte ou d’une procédure qui doit être accomplis dans un temps déterminé par le Code de procédure civile ou toutes autres lois et non pas lorsqu’un terme est clairement défini par le contrat entre les parties.
[21] L’obligation des locataires de payer le loyer le 1er du mois est une obligation dont le terme est prévu contractuellement et qui ne serait être modifié par les règles de la computation des délais. Le Tribunal ne peut conclure que les locataires ont bénéficié d’un délai supplémentaire pour accomplir leurs obligations contractuelles, car le terme tombait un jour férié.
[22] À titre d’exemple, un locateur qui a l’obligation de livrer le logement à la date convenue entre les parties, le 1er juillet, ne pourrait invoquer que le terme de son obligation tombe un jour férié pour retarder l’exécution de son obligation de délivrer le logement. Il en va de même pour l’obligation de payer le loyer le 1er du mois.
[23] Le Tribunal conclut donc que les locataires, en vertu de l’ordonnance émise par le Tribunal le 8 octobre 2019, devaient payer leur loyer le 1er janvier 2020 et qu’ils n’ont pas respecté cette ordonnance.
[24] Est-ce que les locataires ont présenté un motif suffisant pour expliquer qu’ils n’ont pas respecté l’ordonnance rendue en vertu de l’article 1973 C.c.Q. ?
[25] Dans l'affaire Samson c. Poitras[8], la juge administrative, Francine Jodoin, écrit ceci quant à la nature de l'ordonnance émise suivant l'article 1973 C.c.Q. et de l'examen que doit faire le tribunal saisi d'une demande en résiliation de bail pour défaut de respecter cette ordonnance :
« [11] Dans l'affaire Lavigueur c. Grenon (1), la Cour du Québec souligne l'importance de l'ordonnance ainsi émise :
« [30] Le Tribunal constate que l'ordonnance prévue à l'article 1973 C.c.Q. s'apparente à l'injonction. Lorsqu'une ordonnance est préalablement émise par un régisseur, ce dernier doit tenir une audition avant de prononcer la résiliation. Comme on le sait, le défaut de respecter une ordonnance de la Cour ou une injonction est sanctionné par un outrage au Tribunal. Par contre, dans le cadre d'une ordonnance de l'article 1973 C.c.Q., la sanction est la résiliation. »
[12] Lorsqu'une ordonnance est émise conformément à l'article 1973 du Code civil du Québec précité, la seule preuve du défaut du locataire de respecter une telle ordonnance entraîne la résiliation du bail et le Tribunal n'a plus discrétion (2) pour décider, par exemple, qu'il y a lieu de réitérer l'ordonnance ou refuser la résiliation.
[13] Ceci étant, le Tribunal doit quand même entendre la preuve pertinente présentée pour constater si, depuis que l'ordonnance a été émise, le défaut est réel et en lien avec la nature des ordonnances émises, s'il y a eu renonciation à l'ordonnance prononcée ou transaction entre les parties depuis.
[14] Il va de soi que tout élément de défense pertinent doit être entendu et considéré.
[15] Par contre, la contravention à l'ordonnance est acquise lorsque cette défense consiste à démontrer que l'ordonnance n'aurait pas dû être émise (appel déguisé) ou que le défaut résulte de difficultés financières ou personnelles. Toute défense qui consiste à refaire la preuve sur l'existence réelle de retards fréquents n'est pas pertinente.
[16] En cela, le Tribunal n'adhère pas à l'opinion qui veuille qu'il existe deux écoles de pensées sur la conséquence liée au non-respect d'une ordonnance émise suivant l'article 1973 C.c.Q. Lorsque la jurisprudence a énoncé l'absence de discrétion du juge pour résilier le bail cela était en lien évidemment avec une preuve claire de la contravention à l'ordonnance. Évidemment, si cette contravention ne relève pas du locataire ou si les faits subséquents indiquent qu'il y a eu, par exemple, renonciation à l'ordonnance, le juge ne pourra conclure à la contravention. Il n'exerce pas ainsi une discrétion, mais apprécie la preuve présentée.
[17] Le Tribunal ne peut exercer une discrétion judiciaire pour pallier à la résiliation dans la mesure où la contravention est avérée. Cette discrétion a déjà été exercée au stade de l'émission d'une ordonnance en lieu et place de la résiliation immédiate. » (Références omises)
[26] Dans la décision Rotter c. Namer[9], le juge Lareau de la Cour du Québec détermine ce qu’un juge administratif doit évaluer lorsqu’une partie demande la résiliation du bail pour une contravention à une ordonnance en vertu de l’article 1973 C.c.Q. :
« [30] L'émission d'une ordonnance en vertu de l'article 1973 C.c.Q. s'inscrit dans un contexte bien particulier.
1973. Lorsque l'une ou l'autre des parties demande la résiliation du bail, le tribunal peut l'accorder immédiatement ou ordonner au débiteur d'exécuter ses obligations dans le délai qu'il détermine, à moins qu'il ne s'agisse d'un retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer.
Si le débiteur ne se conforme pas à la décision du tribunal, celui-ci, à la demande du créancier, résilie le bail.
[31] Ce pouvoir relève d'une discrétion judiciaire qui permet à la Régie de prononcer une sanction autre que la résiliation à un défaut constaté du locataire. Lorsque la preuve permet à la RÉGIE de prononcer la résiliation du bail, mais que le régisseur est d'avis que la sanction est, en l'espèce, trop sévère et qu'il ne s'agit pas d'un retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer, ce dernier peut émettre une ordonnance contraignant au locataire d'exécuter son obligation dans un délai qu'il détermine. C'est en quelque sorte une dernière chance que la RÉGIE accorde à un locataire pour lui permettre d'éviter la résiliation du bail et son éviction.
[32] Ceci étant, la décision de la RÉGIE de déclarer qu'un locataire ne s'est pas conformé à une ordonnance ne doit pas être un automatisme qui ne se satisfait que d'une simple preuve technique d'un défaut. Elle requiert par la RÉGIE l'exercice d'une fonction juridictionnelle. La RÉGIE doit premièrement interpréter l'ordonnance, un exercice souvent fort simple, mais qui peut s'avérer particulièrement pertinent lorsque l'ordonnance est imprécise ou équivoque. La RÉGIE doit ensuite analyser la preuve factuelle afin de déterminer si l'ordonnance a été respectée ou non.
[33] Si le constat d'un défaut volontaire et substantiel laisse peu de place à la RÉGIE pour prononcer autre chose que la résiliation du bail, sa décision de conclure qu'il y a ou non un défaut de cette nature peut considérer plusieurs facteurs. À titre d'exemples non limitatifs, le défaut peut résulter d'un geste attribuable au locateur, il peut avoir été provoqué par une mauvaise interprétation de l'ordonnance, le locataire peut avoir été dans une impossibilité d'agir ou encore le comportement du locateur peut établir qu'il avait renoncé aux effets de l'ordonnance. »
[27] Les locataires invoquent qu’ils n’ont pas été en mesure d’effectuer le paiement avant le 3 janvier, car ils se trouvaient dans un safari au Kenya et qu’ils n’avaient pas accès à internet pour faire un transfert bancaire.
[28] Le Tribunal comprend de leur défense qu’ils invoquent qu’ils étaient dans une impossibilité d’agir, ce qui peut être considéré comme étant un motif de défense recevable pour ne pas avoir respecté une ordonnance en vertu de l’article 1973 C.c.Q. en vertu de la jurisprudence.
[29] La locataire témoigne avoir été surprise lorsqu’elle arrive au camp dont ils doivent passer quelques jours et qu’ils n’ont pas accès à internet. Elle affirme s’être renseignée avant le voyage et était sous l’impression qu’ils auraient accès à un réseau Wi-Fi pendant la durée complète de son voyage.
[30] Interrogée par le Tribunal sur les vérifications qu’elle a faites sur l’accès au réseau internet pendant toute la durée de son voyage, son témoignage est confus. Elle indique l’avoir peut-être vu sur des brochures, mais ceux qui sont en sa possession n’en font pas mention. Elle indique que les autres endroits d’hébergement dans leur safari avaient une connexion internet.
[31] Pour le Tribunal, les locataires ont été négligents en tenant pour acquis qu’ils allaient avoir accès à un réseau internet le 1er janvier et qu’ils seraient en mesure de faire un transfert bancaire à ce moment. Une personne prudente et diligente ne prendrait pas pour acquis qu’elle obtiendrait accès à un réseau Wi-Fi au milieu de la savane et prendrait des mesures pour s’en assurer, notamment en communiquant avec les organisateurs du safari avant de prendre le départ.
[32] Il aurait été plus prudent dans les circonstances pour les locataires de prévoir un moyen de payer le 1er du mois en faisant parvenir d’avance le paiement du loyer ou encore en programmant d’avance un transfert bancaire afin que celui-ci s’effectue automatiquement le 1er janvier.
[33] Le Tribunal retient donc de la preuve que les locataires ont été négligents en ne s’assurant pas qu’il soit possible d’effectuer le paiement le 1er du mois et en ne prenant pas les mesures nécessaires pour que ce paiement soit fait conformément à l’ordonnance. Pour le Tribunal, les locataires n’étaient pas dans l’impossibilité d’agir et ils ont été imprudents faisant en sorte qu’ils n’ont pas de motifs valables justifiant de ne pas respecter l’ordonnance du 1er janvier.
[34] Considérant les principes ci-dessus exposés et la preuve, le Tribunal conclut que la locatrice a démontré le non-respect de l'ordonnance rendue en vertu de l'article 1973 C.c.Q.
[35] En conséquence, la demande de résiliation est accordée.
[36] L'exécution provisoire de la présente décision n'est pas justifiée aux termes de l'article 82.1 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[37] RÉSILIE le bail et ORDONNE l'expulsion des locataires et de tous les occupants du logement;
[38] CONDAMNE les locataires à payer à la locatrice les frais judiciaires de 87,75 $.
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Luk Dufort |
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Présence(s) : |
la locatrice les locataires Me Jean François Vachon, avocat des locataires |
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Date de l’audience : |
8 janvier 2021 |
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[1] Maintenant le Tribunal administratif du logement
[3] Fortin c. Roy, 2017 QCRDL 31828 ; Investissements Canmed inc. c. Clark, 2018 QCRDL 29731; Ayouni c. Blaizel, 2014 CanLII 120347 (QC RDL); Choucair c. Lokhun, 2020 QCRDL 15935
[4] Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25.01
[5] RLRQ, chapitre 1-16
[6] Maintenant Loi sur le Tribunal administratif du logement, mais l’article n’a pas été modifié.
[8] Samson c. Poitras, 2016 CanLII 114488
[9] 2017 QCCQ 1572
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