Piscines Élégance - Québec inc. c. Comtois | 2023 QCCS 4574 | ||||||
COUR SUPÉRIEURE | |||||||
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CANADA | |||||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||||
DISTRICT DE | QUÉBEC | ||||||
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No : | 200-17-033004-219 | ||||||
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DATE : | 4 décembre 2023 | ||||||
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE | L’HONORABLE | CARL LACHANCE, J.C.S | |||||
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LES PISCINES ÉLÉGANCE - QUÉBEC INC. | |||||||
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Demanderesse | |||||||
c.
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SIMON COMTOIS | |||||||
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Défendeur et demandeur reconventionnel c.
LES PISCINES ÉLÉGANCE - QUÉBEC INC. et DOMINIC FLAMAND
Défendeurs reconventionnels | |||||||
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JUGEMENT | |||||||
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INTRODUCTION
[1] Les Piscines Élégance - Québec inc. (« Piscines ») réclame au défendeur M. Simon Comtois (« Comtois ») la somme de 103 000 $, représentant le solde d’une facture au montant de 144 972 $ pour des travaux visant à réparer les dommages à une piscine survenus lors de la saison hivernale 2020-2021.
[2] Insatisfait des travaux de réparation effectués et de leur coût, Comtois se porte demandeur reconventionnel contre Piscines et son seul actionnaire, M. Dominic Flamand (« Flamand »), pour un montant de 36 253 $ en dommages et intérêts, de 15 000 $ en dommages punitifs et de 10 000 $ pour stress, troubles et inconvénients.
LES FAITS ESSENTIELS
[3] À l’été 2020, Mini Excavation[1] installe dans la cour de la résidence de Comtois une piscine creusée en fibre de verre achetée en 2018[2].
[4] Vers le 25 décembre 2020, Comtois constate que les dalles de béton entourant la piscine sont endommagées par le gel[3].
[5] En mai 2021, il demande à Piscines de déterminer la cause du bris et d’évaluer les coûts pour réparer les dommages.
[6] Le 4 mai 2021, après visite et examen des lieux, le représentant de Piscines, Flamand, présente un devis[4] de réparation au montant de 18 396 $ taxes incluses comprenant entre autres, des travaux pour sortir du trou la piscine existante, pour excavation complète, pour sortir la pierre contaminée et pour l’installation complète et mise à niveau de la piscine.
[7] À la fin septembre 2021, Comtois confie les travaux à Piscines.
[8] Piscines donne les travaux d’excavation à Excava Plus, son sous-traitant régulier.
[9] Les travaux débutent le 4 octobre et se terminent le 13 octobre 2021.
[10] Les deux premières journées, le sous-traitant enlève une partie de la clôture, le pavé de brique entourant la piscine, un patio en bois et les dalles d’une aire de feu pour pouvoir travailler avec la machinerie.
[11] Par la suite, les travaux consistent entre autres à :
- Sortir du trou la piscine;
- Enlever les sols contaminés par la glaise;
- À partir du trou existant initialement, creuser dans le roc (« tuf ») et sortir le matériel excavé;
- Construire l’assise pour recevoir une nouvelle piscine avec du cabochon et de la pierre nette (remblai), l’ancienne piscine étant endommagée selon Flamand;
- Installer un système de pompage dans un regard et creuser une tranchée sur 100 pieds jusqu’à la rue;
- Déposer la nouvelle piscine sur l’assise de pierre nette;
- Remblayer le pourtour de la piscine;
- Transporter le matériel excavé au site d’enfouissement.
[12] Selon Flamand, son sous-traitant n’avait pas le choix d’excaver 3 pieds supplémentaires sous la piscine dont la hauteur est de 4 pieds et demi parce que la glaise et le tuf ne percolent pas.
[13] D’après lui, il fallait un trou de 7 à 8 pieds pour gérer l’eau.
[14] Il soutient que son sous-traitant a dû sortir du trou 37 camions de sols contaminés et remblayer avec 225 tonnes de pierre nette et 165 tonnes de cabochons.
[15] Le 13 octobre 2021, Flamand remet à Comtois la facture des travaux qui s’élève à 144 972 $[5], taxes incluses. Elle comprend une somme de 79 900 $, avant taxes pour de l’excavation.
[16] Il raconte qu’il discutait tous les jours avec Comtois ou madame Lucie Morin (« Morin ») en disant que ça allait « coûter des extras » et ses clients disaient « continue ». Toutefois, il reconnaît que son client ne savait pas le coût des extras, mais qu’il pouvait constater l’ampleur des travaux.
[17] Il ajoute que la facture comprenait environ 30 % pour administration et profit.
[18] Contre-interrogé, il explique que la piscine initiale était installée dans l’eau et que les travaux de creusage supplémentaire nécessitaient des extras insoupçonnables avant de creuser.
[19] Il souligne sa vaste expérience, en mentionnant avoir installé 300 piscines dans les quatre dernières années et faire face à seulement 12 poursuites de clients mécontents.
[20] Il admet n’avoir fait signer aucun contrat pour les extras parce qu’il ne pouvait évaluer à l’avance les coûts.
[21] Toutefois, même si avant l’envoi de la facture il avait une bonne idée de comment ça allait coûter, il n’a pas chiffré le montant à son client, mais lui a donné l’information sur le coût à l’heure des équipements.
[22] Par ailleurs, il n’a pas soumis de prix pour l’enlèvement des poteaux de clôture et des dalles. Il évalue ces travaux à environ 4 500 $.
[23] Il maintient avoir jeté au site d’enfouissement la piscine endommagée enlevée du trou malgré une valeur résiduelle de 10 000 $.
[24] Il affirme à la suite du témoignage de l’expert que :
- Le seul gel possible n’est pas sous la piscine, mais sur son pourtour, le gel ne descend pas à plus de 4 pieds;
- La pompe empêche l’eau de toucher la piscine;
- Il est impossible que la pierre nette pénètre dans le cabochon, du matériel de forme carrée;
- Le sous-traitant ne pouvait pas utiliser une plus grosse pelle pour creuser en raison de l’exiguïté des lieux;
- Le problème actuel découle d’une pompe non fonctionnelle et du terrassement en dalles non complété;
- Il faudrait installer une pompe à haut débit qui va travailler 2 jours sans arrêt pour retirer l’eau. Par la suite, la pompe va fonctionner au besoin pour évacuer l’eau;
- À son avis, pour 1 000 $ il est possible d’acheter une nouvelle pompe et de reconnecter manuellement le tuyau se dirigeant vers la rue;
- Il n’a pas installé de drain autour de la piscine parce que la pompe le remplace.
[25] Morin, épouse de Comtois, est la mère de 4 jeunes enfants et maman au foyer.
[26] Elle assiste aux travaux de Piscines et prend plusieurs photos.
[27] Monsieur Patrick Laurendeau (« Laurendeau ») d’Excava Plus supervise le chantier.
[28] D’après elle, Flamand est généralement absent du chantier sauf 20 à 30 minutes le 6 octobre lors de l’enlèvement de la piscine, le 12 octobre lorsque la grue place la nouvelle piscine et le 13 octobre pour raccorder les tuyaux dans le regard où se trouve la pompe.
[29] Elle souligne que l’installation de la première piscine a coûté 30 773,64 $[6], incluant des travaux à l’entrée de leur maison, le terrassement et l’aménagement d’une aire de feu.
[30] Vers le 25 décembre 2020, après le constat des dommages causés par le gel, elle téléphone à l’installateur de la première piscine. Celui-ci décline toute responsabilité.
[31] En mai 2021, lors de sa visite des lieux pour donner un prix, Flamand lui mentionne que l’aire de feu servira pour recevoir la piscine à sa sortie du trou et que l’enlèvement de deux poteaux de la clôture entourant la piscine suffit pour laisser passer la machinerie.
[32] Il est alors convenu que ces poteaux et le terrassement soient enlevés par Comtois. Elle reconnaît que celui-ci ne l’a pas fait.
[33] Par ailleurs, lors de la première rencontre, Flamand lui indique devoir surélever la piscine d’un pied pour régler le problème d’eau. Toutefois, au début des travaux il change d’opinion et dit « Ce n’est plus nécessaire », sans plus d’explications.
[34] Lors de la première journée du chantier, Laurendeau enlève les dalles de l’aire de feu et dit à Morin « Je n’ai pas le choix pour travailler ».
[35] Le lendemain, il coupe deux poteaux de clôture et en arrache d’autres malgré les dires de Flamand en mai 2021.
[36] Concernant la piscine initiale, Flamand lui mentionne « Elle est fendue de bord en bord et irrécupérable ». Il en offre une nouvelle au prix de 19 500 $. Elle accepte, se fiant à son expérience et en se disant que l’installateur de la première piscine paiera pour les dommages.
[37] Le 6 octobre, Laurendeau affirme qu’il faut creuser et enlever tout le tuf pour éviter les problèmes d’eau. Elle accepte sans connaître le prix de ces travaux.
[38] Plus tard, il lui indique qu’il y aura des « extras » et ajoute « On peut pas savoir combien ça va coûter avant de creuser ».
[39] Elle affirme que durant l’exécution des travaux, elle n’a jamais su le taux horaire de la machinerie et de la main-d’œuvre.
[40] Sur réception de la facture, elle est très surprise et exige un détail complet.
[41] Le 13 octobre, lors de la remise de l’ébauche de la facture, Flamand lui dit « Ça va mettre le premier installateur en faillite ». Il l’assure aussi de son témoignage dans une poursuite contre Mini Excavation.
[42] Elle refuse le même jour de signer la facture finale et mentionne à Flamand « Pourquoi tu ne nous as pas avisés des coûts au fur et à mesure? ».
[43] Le 14 octobre, après avoir reçu la facture détaillée du sous-traitant et l’avoir examinée, elle note plusieurs erreurs par rapport aux heures réellement travaillées par les ouvriers.
[44] Par la suite elle offre à Piscines le règlement de sa facture en versant au total une somme de 41 937,13 $, soit 19 500 $ pour la nouvelle piscine, 18 396 $ pour le prix de la soumission, 975 $ pour la grue et 20 % d’administration et profit pour la grue.
[45] Elle remet un chèque pour ce montant à Flamand payable mardi le 19 octobre 2021.
[46] Le 19 octobre, à la demande de celui-ci, elle refait un deuxième chèque du même montant, Flamand lui disant que le premier chèque était refusé par sa banque parce que le montant dû n’était pas inscrit en lettres.
[47] À cette occasion, Flamand ne lui présente pas le premier chèque.
[48] Le lendemain, elle s’aperçoit de l’encaissement du premier chèque[7] et du refus de son institution financière d’honorer le deuxième.
[49] À l’automne 2021, lors de la fermeture de la piscine, elle constate que la pompe ne fonctionne pas en raison d’une obstruction par une roche. Il est impossible de la réinstaller en raison de la difficulté à la connecter au tuyau menant à la rue.
[50] Pour vidanger l’eau sous la piscine, il faut utiliser d’autres pompes non connectées au tuyau se dirigeant à la rue et celles-ci surchauffent.
[51] À l’été 2022, elle remarque des creux et des gonflements au fond de la piscine.
[52] À l’automne 2022, elle demande une soumission à deux pisciniers[8] pour vérifier si la facture de Piscines est justifiée.
[53] Par ailleurs, depuis septembre 2023, la piscine perd de l’eau et elle en ignore la cause.
[54] À son avis, Piscines n’a pas réglé son problème d’eau sous la piscine.
[55] Elle est certaine que le trou creusé par le sous-traitant sous la piscine mesure 12 pieds pour l’avoir mesuré[9].
[56] Contre-interrogée, elle reconnaît l’autorisation donnée à Laurendeau d’arracher plus de deux poteaux de clôture et de creuser dans le tuf pour régler le problème d’eau.
[57] Elle admet que le sous-traitant lui a dit qu’il y aurait des extras dont il disait ne pouvoir préciser le montant. Elle voyait l’ampleur des travaux et le nombre d’ouvriers sur le chantier.
[58] Elle reconnaît que le terrassement de la nouvelle piscine n’est pas fait et confirme son utilisation durant les étés 2022 et 2023.
[59] De son côté, Comtois explique que lors de la première rencontre en mai 2021, Flamand lui a bien mentionné que le problème d’eau se réglait en surélevant la piscine d’un pied tout en installant un drain tout le tour de celle-ci avec une pompe dirigeant l’eau vers la rue.
[60] Par ailleurs, il témoigne qu’il s’attendait à des extras pour un maximum de 5 000 $ à 7 000 $ en se basant sur le prix pour l’installation du drain agricole autour de sa maison nécessitant une tranchée de 5 pieds de large pour 10 pieds de profond.
[61] À chaque hiver, depuis les travaux, il doit vérifier régulièrement le niveau d’eau dans le regard et au besoin la pomper pour éviter d’endommager la piscine par le gel.
[62] Contre-interrogé, il mentionne que durant le chantier, lorsqu’il demande un prix pour les extras, Laurendeau lui déclare : « On peut pas savoir, ça peut monter vite ». Et ajoute : « Dans 75 % des travaux de Piscines cette année, il y a des extras ».
[63] Il reconnaît que la piscine ne bouge pas depuis les travaux.
[64] Monsieur Bertrand Labrie est l’ingénieur auteur de l’expertise du 7 novembre 2022.
[65] Il détient une formation pratique en génie civil depuis 40 ans.
[66] Durant sa carrière, il travaille sur de nombreux chantiers où il y a de l’excavation et des nappes phréatiques à contrôler.
[67] Il évalue le coût de nombreux projets et donne de la formation dans ce domaine.
[68] Pour rédiger son rapport, il visite les lieux, fait des observations, analyse la facturation et étudie la méthode de travail préconisée par Piscines.
[69] Il évalue à 65 487,75 $ le travail exécuté par Piscines sans prendre en compte l’administration, le profit et les taxes tout en mentionnant que les méthodes utilisées par Piscines « sont inédites et ne correspondent pas aux règles de l’art » pour régler le problème d’eau.
[70] À son avis, en creusant un trou profond et en le remplissant avec du matériel, Piscines a créé un lac sous la piscine et dégagé toutes les veines d’eau du roc avec comme résultat des infiltrations d’eau à travers le tuf.
[71] Il trouve incompréhensible et contre-productif que l’excavation soit si profonde et si large. Le premier installateur avait creusé à une profondeur de 5 pieds et demi.
[72] Selon ses calculs, Piscines a fait creuser par son sous-traitant 6 pieds supplémentaires dans le roc.
[73] La solution, considérant que la première assise était adéquate, consistait à enlever la piscine après avoir dégagé son pourtour, installer un drain, placer une pompe, remettre la piscine dans le trou en la surélevant d’un pied pour s’éloigner de la nappe phréatique et finalement, remblayer le pourtour de la piscine avec la pierre nette déjà sur les lieux.
[74] Il est aussi d’avis qu’il aurait fallu charger les camions au fur et à mesure de l’excavation. Sortir le matériel avec des brouettes mécaniques contrevient aux règles de l’art.
[75] Quant aux quantités de roc excavées, il a fait des calculs et ne peut s’expliquer pourquoi Flamand soutient qu’il a fallu sortir du trou 37 camions de matériel.
[76] Ses calculs basés sur les dimensions du trou donnent au maximum 17 voyages de déblai.
[77] Contre-interrogé, il reconnaît qu’il s’agit de son premier dossier de piscine.
[78] Il est convaincu que c’est le gel qui a endommagé la première piscine.
[79] À son avis, la pierre nette posée sur le cabochon risque de descendre et rendre l’assise de la piscine inégale.
[80] Il ajoute, après avoir entendu Flamand que :
- Une pelle plus grosse peut facilement circuler sur le terrain de Comtois;
- En 40 ans, il n’a jamais vu un entrepreneur déposer de la pierre nette sur du cabochon sans membrane d’étanchéité;
- L’absence des dalles de béton n’est pas la cause de l’accumulation de l’eau sous la piscine, l’eau pénètre par les côtés;
- En creusant un lac sous la piscine, l’excavateur a abaissé la nappe phréatique tout autour et chez le voisin;
- L’installation d’une pompe à haut débit ne réglera pas le problème, le trou va se vider et se remplir continuellement;
- Il est impossible de connecter le tuyau dans le regard de la façon proposée par Flamand (avec les bras);
- La stabilité de la piscine était assurée lors de l’installation initiale. En remplaçant le tuf par de la pierre nette et du cabochon, le sous-traitant a compromis la stabilité de l’assise.
POSITION DES PARTIES
Position de Piscines
[81] Son avocat soutient entre autres que :
- Le premier contrat comprenait une clause indiquant la possibilité de coûts supplémentaires;
- Un second contrat, celui-ci verbal, intervient pour de l’excavation en extra;
- Comtois a accepté verbalement que le sous-traitant excave davantage pour régler le problème d’eau. Jamais il ne dit : « cessez » ou « pas d’accord »;
- Selon la preuve, le problème d’eau résulte du fait que le premier installateur n’a pas creusé assez profond pour éviter le gel;
- Prétendre que Flamand a tenté d’arnaquer Comtois ne résiste pas devant la preuve;
- Il n’existe aucune preuve crédible que la piscine est mal installée. La piscine n’a pas bougé depuis deux ans;
- L’expert Labrie donne un témoignage théorique basé sur son expérience dans des contrats publics. La situation diffère dans le privé;
- La responsabilité de Flamand comme administrateur ne se trouve pas engagée au sens de la jurisprudence;
- Il y a admission d’une dette pour une somme de 65 487 $ dans l’expertise. La réclamation de Piscines n’est donc pas abusive.
Position de Comtois
[82] Son avocat plaide entre autres que :
- Les parties sont liées par un contrat de consommation à forfait;
- Piscines a manqué à son obligation de renseignements sur des éléments essentiels. Par exemple, sans expliquer pourquoi il modifiait sa méthode de travail pour la remplacer par une méthode très coûteuse;
- Piscines et son sous-traitant sont impliqués dans plusieurs dossiers similaires où des clients ont été floués et menacés;
- L’absence de Falardeau au procès sans aucune explication, un témoin clé annoncé en conférence préparatoire, est troublante. Il était le principal acteur sur le chantier et il n’est pas venu justifier sa facture truffée d’erreur. Le Tribunal doit en tirer une inférence. Le témoignage de Flamand n’est ainsi aucunement corroboré;
- La clause des extras dans le devis ne s’applique pas pour un consommateur qui ne peut déduire avoir à payer une facture aussi élevée quand le devis indique : « excavation et installation complète »;
- De façon volontaire, Flamand et Laurendeau ont commis un dol. Ils ont préféré garder le silence sur le coût des extras. Ils avaient un plan pour surfacturer;
- Si Comtois avait eu l’heure juste sur les extras de plus de 100 000 $, il aurait pu faire cesser le chantier ou demander d’autres soumissions;
- Il y a eu dol, ce qui entraine la responsabilité extracontractuelle de Flamand;
- Piscines avait prévu avant même de sortir la piscine du trou de creuser 6 pieds de plus parce que le matériel de remblai était rendu sur le chantier le 5 octobre. Il était aussi prévu de ne pas rehausser la piscine;
- La méthode de travail préconisée en mai par Piscines est la même que celle recommandée par Labrie;
- Aucune étude ou expertise ne corrobore la version de Flamand selon laquelle la méthode de travail adoptée en octobre était la bonne;
- Les travaux ont créé un lac dans le trou de la piscine. Trois pompes ont surchauffé tellement l’accumulation d’eau était importante;
- Les travaux de Piscines n’ont pas réglé les problèmes, la piscine s’affaisse et il faudra des travaux coûteux pour la rendre fonctionnelle et éviter le gel.
ANALYSE ET MOTIFS DE LA DÉCISION
[83] Pour décider de la demande, le Tribunal doit d’abord se prononcer sur cinq aspects soulevés par la présente affaire et par la suite, en tirer des conclusions par rapport aux réclamations des parties.
[84] À notre avis, le témoignage de Flamand, le dirigeant de Piscines, n’est pas fiable et sa crédibilité douteuse.
[85] La valeur probante de sa version est affectée et ébranlée sérieusement, voici pourquoi :
- Il est pratiquement absent du chantier;
- Au procès, il nie catégoriquement avoir déclaré lors de la remise de la facture : « Toi si tu poursuis de l’autre bord, tu vas aller le récupérer cet argent-là c’est sûr et certain ». Après cette négation, il se rétracte en apprenant qu’une conversation enregistrée contient cette affirmation;
- Il témoigne après avoir entendu l’expert Labrie que l’excavation de son sous-traitant est de 3 pieds ou 3 pieds et demi de profondeur en excédant de l’excavation de l’été 2020 et prétend même que la mesure prise par Morin avec un ruban à mesurer est faussée par une courbe dans le ruban alors que la preuve, très prépondérante, en raison des mesures prises par l’expert et Morin, par la photo[10] ainsi que les calculs de l’expert sur les quantités de matériel excavé et le nombre de camions démontrent clairement que le sous-traitant a excavé d’environ 6 pieds supplémentaires avec comme résultat un trou de 12 pieds;
- Il soutient de façon invraisemblable qu’il ne pouvait pas savoir le prix des extras pour en informer son client alors que selon ses dires, il a installé 300 piscines avant de travailler chez Comtois et qu’il lui était arrivé durant tout l’été 2021, plusieurs situations d’extras. En outre, Laurendeau, son sous-traitant régulier, affirme à Morin que 75 % des chantiers avaient été comme le sien;
- Il a déclaré à Comtois lors de la remise de la facture qu’il ne faisait même pas 1 500 $ de profit sur le contrat alors qu’au procès, il a témoigné prendre en moyenne 30 % pour administration et profit;
- Il affirme de façon très étonnante avoir jeté aux ordures une piscine dont la valeur résiduelle était de 10 000 $;
- Il déclare que Comtois lui a versé 1 000 $ d’acompte sur le contrat sans fournir une preuve documentaire alors que Comtois nie cette affirmation;
- Il a témoigné avoir mis dans l’excavation de la pierre carrée et non ronde alors que la preuve démontre clairement que la pierre est ronde;
- Il déclare avoir installé 300 piscines dans les quatre dernières années sans fournir la liste de ses clients;
- Il ne peut dire pourquoi il y a un ruban rouge sur le regard[11] alors que c’est lui qui l’a installé. Ceci renforce la preuve selon laquelle ses souvenirs sont vagues et imprécis sur ce qui se passait sur le chantier et que le meilleur témoin était Laurendeau.
[86] Quant aux témoins Comtois et Morin, ils sont crédibles et donnent une version claire, précise et sans contradictions notables.
[87] Il s’agissait d’un témoin clé annoncé par Piscines dans l’inscription pour instruction et jugement.
[88] Il supervisait le chantier et était constamment présent lors des travaux.
[89] Sans explications, Piscines ne le fait pas témoigner pour démontrer la justesse des heures d’excavation travaillées en extras et pour prouver que la décision d’excaver aussi profond était la bonne méthode de travail.
[90] Le Tribunal tire de cette absence une inférence défavorable à Piscines. Laurendeau n’a pas témoigné fort vraisemblablement parce que sa version aurait nui, d’autant plus que plusieurs clients se sont plaints à la Régie du bâtiment du Québec[12] des tactiques d’Excava Plus pour de la facturation d’extras dans des cas similaires, ce qui a entraîné la suspension de son permis par la Régie du bâtiment du Québec.
[91] Dans une décision rendue par la Cour canadienne de l’impôt[13], le fondement juridique de l’inférence défavorable est expliqué comme suit :
[24] Pour s’acquitter de l’obligation de démolir les hypothèses de l’intimé, il est nécessaire de fournir des éléments de preuve qui suffisent à constituer une preuve prima facie. Il existe une règle de preuve bien reconnue selon laquelle l’omission d’une partie ou d’un témoin de présenter des éléments de preuve qu’ils étaient en mesure de présenter ou l’omission de fournir des éléments de preuve qui auraient permis d’élucider les faits justifie que la cour infère que ces éléments de preuve auraient été défavorables à la partie qui a omis de les fournir. La partie contre qui joue l’inférence peut l’écarter en faisant état de circonstances qui l’ont empêché de produire le témoin.
[92] Ici, Piscines ne présente pas d’éléments de preuve crédibles pour justifier la facture[14] du sous-traitant et son absence au procès.
[93] Le Tribunal reconnaît sa grande compétence et son expertise pour évaluer le coût des travaux d’excavation, pour se prononcer sur la méthode de travail de Piscines et sur la façon de régler le problème chez Comtois.
[94] La lecture de son curriculum vitae et les explications fournies avec rigueur et clarté au procès nous permettent de conclure à la valeur prépondérante de son rapport et de sa version.
[95] L’expert, par son expérience sur des chantiers depuis 40 ans, connaît bien les prix de la machinerie, de l’équipement et des matériaux nécessaires pour ce type de travaux en litige.
[96] Il connaît aussi les sols et les problématiques reliées à l’eau et à la nappe phréatique.
[97] Plaider que l’expert est incompétent parce qu’il n’a jamais installé de piscine ne tient pas la route.
[98] L’installation d’une piscine creusée implique automatiquement de l’excavation et possiblement des problèmes d’eau.
[99] Son explication sur les effets du « lac » sous la piscine par rapport au terrain voisin nous apparaît beaucoup plus crédible que celle de Flamand.
[100] La valeur probante de son expertise l’emporte sur celle de Flamand. Celui-ci n’a présenté aucune preuve sur sa formation pour témoigner comme expert en excavation, ni fait entendre Laurendeau, l’excavateur.
[101] L’ensemble des circonstances exposées et les témoignages non contredits de Gabriel Marois, Patrick Lachance et Marie-José Michaud établit par présomptions de faits graves, précises et concordantes l’existence d’un système par lequel Piscines et Excava Plus, son sous-traitant régulier, avaient un plan pour excaver de façon plus profonde afin de facturer des extras à leurs clients.
[102] Les faits connus sont les suivants :
- Piscines est poursuivie par 12 clients insatisfaits;
- Durant l’année 2022, Piscines soumissionne chez M. Patrick Lachance pour réparer sa piscine au prix de 92 152,47 $. Les extras pour 10 jours de travaux supplémentaires totalisent 177 101,08 $ et sont facturés sans détails. Ce client a été menacé s’il ne payait pas. Le dossier se retrouve en Cour supérieure;
- En 2021, Piscines soumissionne chez M. Gabriel Marois pour installer une piscine au prix de 28 168,88 $ et finalement, avec des extras, la facture grimpe à 101 128,58 $ taxes incluses. La raison pour les extras est la présence du roc dont Piscines était pourtant avisée avant de soumissionner;
- Madame Marie-Josée Michaud enquêtrice pour la Régie du bâtiment du Québec, procède à une enquête administrative concernant Excava Plus. Elle rencontre 18 personnes en rapport avec 8 chantiers ouverts entre début 2020 et fin 2022. Dans chacun des cas, les faits sont similaires. Piscines et son sous-traitant obtiennent le contrat. Dans 5 cas sur 8, l’excavation est trop profonde et large par rapport à ce qui est requis. Piscines exige un extra dont le montant est connu seulement après les travaux. Les extras représentent parfois plus du double du prix de la soumission;
- Chez Comtois, le prix final est sept fois plus élevé que le prix initial;
- Flamand a tenté d’encaisser les deux chèques au montant de 41 937,13 $ remis par Morin comme le démontre sans l’ombre d’un doute la pièce D-7 et les documents transmis[15] au Tribunal le 21 novembre 2023, soit les deux chèques signés par Morin et le relevé des opérations du compte bancaire de Piscines pour les journées des 18, 19 et 21 octobre 2023, ce qui affecte sérieusement l’honnêteté de Flamand et accrédite l’existence d’un système. Le Tribunal retient aussi que pour soutirer un deuxième chèque Flamand a utilisé un faux prétexte en disant à Morin que le premier chèque était refusé par sa banque parce que le montant dû n’était pas inscrit en lettres. En réalité, la raison du refus était un chèque postdaté;
- Flamand a incorporé le 31 mars 2023[16] une autre compagnie avec des activités similaires et mis en faillite Piscines pour ensuite se désister de cette faillite;
- Au procès, il n’a donné aucune explication sur les extras réclamés à Lachance et Marois.
[103] D’une part, le Tribunal estime qu’un seul contrat d’entreprise est intervenu pour motif qu’aucune soumission n’a été remise pour les extras, qu’une seule facture a été produite et que le client n’a jamais consenti valablement à des travaux d’excavation supplémentaires pour le prix réclamé.
[104] D’autre part, le devis au prix de 18 396 $ et son acceptation subséquente par le client se qualifie de contrat à forfait au sens de l’article
2109. Lorsque le contrat est à forfait, le client doit payer le prix convenu et il ne peut prétendre à une diminution du prix en faisant valoir que l’ouvrage ou le service a exigé moins de travail ou a coûté moins cher qu’il n’avait été prévu.
Pareillement, l’entrepreneur ou le prestataire de services ne peut prétendre à une augmentation du prix pour un motif contraire.
Le prix forfaitaire reste le même, bien que des modifications aient été apportées aux conditions d’exécution initialement prévues, à moins que les parties n’en aient convenu autrement.
[105] En outre, il s’agit de ce type de contrat parce que :
- Le devis contient une description détaillée des travaux nécessaires et un prix pour l’ensemble des travaux;
- Piscines possède le libre choix de son sous-traitant et le paie pour ses services;
- Comtois fournit toutes les informations nécessaires à la fixation du prix et les termes utilisés indiquent clairement « excavation complète » et « installation complète »;
- La méthode d’exécution est laissée à l’entière discrétion de Piscines et de son sous-traitant.
[106] Il y a lieu aussi de qualifier le contrat, de contrat de consommation au sens de l’article
2. La présente loi s’applique à tout contrat conclu entre un consommateur et un commerçant dans le cours des activités de son commerce et ayant pour objet un bien ou un service.
[107] À la lumière de l’opinion du Tribunal sur les cinq questions précédentes, il s’agit maintenant de nous prononcer sur le bien-fondé de la réclamation de Piscines et les conséquences par rapport aux réclamations des parties.
La réclamation d’une somme de 103 000 $, représentant le solde de la facture de Piscines est-elle recevable?
Le droit applicable
[108] Les articles suivants du Code civil du Québec doivent être pris en compte :
6. Toute personne est tenue d’exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi.
7. Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d’une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l’encontre des exigences de la bonne foi.
1375. La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l’obligation qu’à celui de son exécution ou de son extinction.
1401. L’erreur d’une partie, provoquée par le dol de l’autre partie ou à la connaissance de celle-ci, vicie le consentement dans tous les cas où, sans cela, la partie n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions différentes.
Le dol peut résulter du silence ou d’une réticence.
1407. Celui dont le consentement est vicié a le droit de demander la nullité du contrat; en cas d’erreur provoquée par le dol, de crainte ou de lésion, il peut demander, outre la nullité, des dommages-intérêts ou encore, s’il préfère que le contrat soit maintenu, demander une réduction de son obligation équivalente aux dommages-intérêts qu’il eût été justifié de réclamer.
2102. L’entrepreneur ou le prestataire de services est tenu, avant la conclusion du contrat, de fournir au client, dans la mesure où les circonstances le permettent, toute information utile relativement à la nature de la tâche qu’il s’engage à effectuer ainsi qu’aux biens et au temps nécessaire à cette fin.
[109] Les articles suivants de la L.P.C., une loi d’ordre public, sont aussi à considérer :
216. Aux fins du présent titre, une représentation comprend une affirmation, un comportement ou une omission.
219. Aucun commerçant, fabricant ou publicitaire ne peut, par quelque moyen que ce soit, faire une représentation fausse ou trompeuse à un consommateur.
228. Aucun commerçant, fabricant ou publicitaire ne peut, dans une représentation qu’il fait à un consommateur, passer sous silence un fait important.
272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l’article 314 ou dont l’application a été étendue par un décret pris en vertu de l’article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas:
a) l’exécution de l’obligation;
b) l’autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;
c) la réduction de son obligation;
d) la résiliation du contrat;
e) la résolution du contrat; ou
f) la nullité du contrat,
sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.
[110] L’auteur Pierre-Claude Lafond dans son ouvrage[17] mentionne que le devoir d’information repose sur les épaules du commerçant :
286. La protection du consommateur d’aujourd’hui est guidée par une obligation de renseignement imposée au commerçant en faveur du consommateur.
Cet objectif est tout à fait légitime puisque comme nous l’avons évoqué lors de l’introduction, le commerçant possède plus d’information que son cocontractant. Si l’on souhaite atteindre un équilibre entre les deux parties, il est logique que la partie la mieux informée renseigne celle qui l’est moins.
[111] L’auteur Luc Thibaudeau écrit dans son traité[18] relativement à la formation du contrat que toutes les représentations du commerçant le lient et créent des attentes :
13.2. Ainsi, tout au long du processus de formation des contrats, le comportement du commerçant est étroitement encadré. Tous les échanges du consommateur avec un commerçant ou ses représentants « sont enregistrés » et lient le commerçant. En droit de la consommation, il importe de le répéter, pour les commerçants, les paroles restent, malgré l’exigence d’un écrit. Les représentations des commerçants créent des attentes légitimes chez les consommateurs.
[112] Dans le même ouvrage, il mentionne que le client doit connaître à l’avance le montant exact qu’il aura à payer et qu’il doit recevoir toutes les informations pertinentes :
13.5. Le commerçant à l’obligation de livrer au consommateur le bien tel qu’il lui a été décrit, au prix qui lui a été promis et au moment convenu. En cas d’ambiguïté sur la véritable nature du bien qui avait été commandé, le doute profitera au consommateur. En aucun temps des frais autres que ceux expressément mentionnés dans le contrat ne peuvent être réclamés au consommateur. Il doit être en mesure de connaître à l’avance le montant exact qu’il aura à débourser pour un bien qu’il achète ou pour des services qu’un commerçant lui rend.
13.6 Aucune information de nature à influer sur la décision du consommateur ou sur les modalités du contrat ne peut être passée sous silence. Le commerçant a l’obligation d’informer le consommateur de tout fait pertinent concernant le bien qu’il lui vend […].
[Références omises]
[113] Un peu plus loin cet auteur affirme que le consommateur ne doit pas être induit en erreur, qu’il doit avoir la vérité et que l’article
47.5 Ceci est effectivement le principe de base, l’abc du droit de la consommation : le commerçant doit dire la vérité au consommateur, il ne doit pas l’induire en erreur, par quelque moyen que ce soit. On l’a bien établi depuis le début du présent ouvrage. La majorité des dispositions de ce Titre II de la L.p.c. énonce des pratiques de commerce qui sont interdites aux commerçants. On vise à empêcher les commerçants de faire des représentations fausses ou trompeuses aux consommateurs, et ce, dans une variété de circonstances et pour divers types de représentations.
47.6 En ce sens, l’article
[Nos soulignements]
[114] Dans la décision Catalogna & Frères ltée c. Construction DJL inc.[19], il est fait mention que dans les contrats d’entreprise, l’entrepreneur assume les risques d’imprévision quant à la nature et les conditions du sol :
[47] Dans les contrats d’entreprise, il est unanimement reconnu que l'entrepreneur assume habituellement les risques d'imprévision, toutes les difficultés d’exécution, même celles qu’il n’a pas prévues. Plus particulièrement pour les fins qui nous occupent, la jurisprudence confirme que la nature et les conditions du sol sont des risques généralement assumés par l'entrepreneur. Cela s’explique du fait que généralement, l’entrepreneur s’avère être le spécialiste dans le domaine et par conséquent, qu’il devrait être en mesure d’évaluer correctement l’ampleur des risques de son engagement.
[Références omises]
[115] Le Tribunal est d’avis que Piscines ne peut réclamer le paiement du solde de sa facture s’élevant à 103 000 $ à son client consommateur Comtois.
[116] D’une part, Piscines a manqué de façon flagrante à son devoir d’information et d’autre part, Comtois a été la victime du dol de Piscines et de son sous-traitant.
[117] Ajoutons qu’un contrat à forfait lie Piscines pour les prix inscrits au devis et que la facturation est injustifiée.
Violation du devoir d’information
[118] Piscines devait renseigner adéquatement Comtois sur le coût des « extras » et des modifications au contrat initial.
[119] Les informations données comme « on ne peut pas savoir » ne libèrent pas Piscines de son obligation fondamentale d’informer, prévue à l’article
[120] Comtois et sa conjointe sont des profanes en matière de réparation et d’installation de piscines et aussi en excavation.
[121] Flamand et Laurendeau sont de leur côté des personnes qui connaissent et pouvaient aisément évaluer le coût des travaux supplémentaires, d’autant plus que dans 75 % des chantiers de l’été 2021 des extras avaient été réclamés.
[122] Ils connaissaient très bien le coût de la machinerie, du matériel et le temps nécessaire pour exécuter un travail.
[123] Passer sous silence le prix des extras, sauf celui de la nouvelle piscine faisant grimper le coût initial de 18 346 $ à 144 972 $, soit presque huit fois le prix convenu à forfait, constitue une conduite condamnable et fautive.
[124] Le client avait le droit fondamental de connaitre le coût des « extras » pour avoir l’opportunité de prendre une décision éclairée, à savoir s’il accepte de continuer le contrat de réparation de sa piscine.
[125] Comtois n’a pas donné un consentement valable aux extras même s’il a dit « continuez ». Il ignorait les coûts. Il figurait un coût de 5 000 $ à 7 000 $.
[126] La clause du devis « peux (sic) avoir des complications et des frais supplémentaires tout dépendant du terrain à vérifier lors de la vente » ne vient pas au secours de Piscines pour lui permettre de facturer à sa guise « à bar ouvert ».
[127] Le devis prévoit une excavation et installation complète pour un prix fixe et déterminé.
[128] Cette clause ne s’applique pas parce que Flamand a visité les lieux lors de la vente en mai avant l’exécution des travaux et la fixation du prix forfaitaire.
[129] Dans le cadre d’un contrat de consommation, elle n’est pas opposable face à un manquement clair au devoir d’information et de bonne foi.
[130] Par ailleurs, selon la jurisprudence, les conditions du sol entrainant des augmentations de prix sont généralement le risque de l’entrepreneur.
[131] La présence de glaise et de tuf sous la piscine ne peut être un motif pour facturer en extras.
[132] L’article
[133] Ici, Comtois a donné son consentement jusqu’à concurrence d’un montant de 41 937,13 $ payé à Piscines.
Le dol de Piscines
[134] Un dol par omission et réticence sur le coût des extras se retrouve ici ainsi que des fausses représentations sur la méthode de travail.
[135] Tel que mentionné plus haut, Comtois est l’un des clients de Piscines victime d’un système pour arnaquer et surfacturer.
[136] Le changement de la méthode de travail annoncé sans explications valables au début des travaux fait partie du plan pour induire le client en erreur et lui soutirer de l’argent. Piscines a prévu et imaginé une excavation plus dispendieuse, comme le démontre, entre autres, la livraison avant l’enlèvement de la piscine de tout le matériel nécessaire pour remblayer.
La facturation injustifiée
[137] Selon la preuve prépondérante, la facture pour des travaux semblables avec une méthode correspondant aux règles de l’art se situe à un prix de 45 783 $ selon Piscines Beauport et à 41 157 $ selon Piscines Ste-Marie[20].
[138] Selon l’expert Labrie, le coût réaliste pour le remplacement de la piscine existante s’élève à 30 880,91 $ plus les taxes.
[139] Par ailleurs, avec la mauvaise méthode de travail adoptée par Piscines, la facture devrait selon l’expert, dont nous retenons l’expertise, s’élever à 65 487,75 $ plus taxes, administration et profit.
[140] Soulignons également que selon le témoignage crédible de Morin, les heures travaillées et celles facturées ne correspondent pas à la réalité du chantier.
[141] Dans les circonstances, la facture des « extras » est définitivement injustifiée pour manquement au devoir d’information et pour méthode de travail à l’encontre des règles de l’art pour exagération des coûts.
[142] La preuve experte établit que le travail d’excavation à une profondeur et largeur excédentaire était inédit et non nécessaire.
[143] Ni Flamand, ni Laurendeau, ni aucun expert témoignant en demande n’ont expliqué de façon prépondérante que leur méthode de travail était adéquate pour éviter la percolation et rendre la piscine utilisable sans problème de gel.
Conséquences du dol et du manquement à l’obligation d’information
[144] Les articles
[145] Nous estimons que des dommages-intérêts doivent être accordés pour compenser Comtois.
[146] Ils correspondent aux coûts des travaux pour rendre la piscine fonctionnelle et la placer sur une assise stable.
[147] La preuve prépondérante démontre que les travaux de Piscines ont créé un lac sous la piscine et que l’eau s’y accumule continuellement par des veines dans le tuf.
[148] Le problème initial n’a pas été résolu. Il faudra réparer encore une fois.
[149] Les pompes utilisées par Comtois ne suffisent pas pour évacuer l’eau, elles surchauffent.
[150] En outre, il n’y a pas de membrane sur le cabochon, du jamais vu selon Labrie avec comme résultat que la pierre nette descend dans le cabochon.
[151] La piscine se trouve sur une assise instable causant des gondolements dans le fond de celle-ci, une situation qui s’aggravera si l’assise n’est pas stabilisée.
[152] La solution selon la preuve consiste entre autres à surélever la piscine d’un pied, enlever la pierre nette, placer une toile sur le cabochon, remblayer avec la pierre nette et réinstaller une pompe.
[153] Usant de notre discrétion, nous évaluons le coût de ces travaux à partir de l’expertise et de la pièce D-13 comme suit :
- Préparation et enlèvement de la piscine : 4 617,00 $
- Rehausser l’assise de la piscine avec pierre nette ¾ : 2 096,91 $
- Terrassement et tourbe : 11 181,00 $
- Remise en place de la piscine et de la pierre de contour : 4 167,00 $
- Pompe : 600,00 $
TOTAL : 22 661,91 $
Les dommages réclamés pour stress, troubles et inconvénients : 10 000 $
[154] Comtois a vécu du stress en recevant une facture grossièrement exagérée.
[155] Il a dû faire face à des problèmes de pompes et évacuer l’eau régulièrement sous sa piscine.
[156] Son sommeil a été affecté et sa famille ne peut profiter d’un terrain aménagé.
[157] Il devra vivre un autre chantier pour réparer à nouveau sa piscine.
[158] Le Tribunal accorde une somme de 5 000 $ pour le compenser des troubles et inconvénients passés et futurs.
Les dommages-intérêts punitifs réclamés : 15 000 $
[159] L’article
[160] L’article
1621. Lorsque la loi prévoit l’attribution de dommages-intérêts punitifs, ceux-ci ne peuvent excéder, en valeur, ce qui est suffisant pour assurer leur fonction préventive.
Ils s’apprécient en tenant compte de toutes les circonstances appropriées, notamment de la gravité de la faute du débiteur, de sa situation patrimoniale ou de l’étendue de la réparation à laquelle il est déjà tenu envers le créancier, ainsi que, le cas échéant, du fait que la prise en charge du paiement réparateur est, en tout ou en partie, assumée par un tiers.
[161] En l’espèce, Piscines et Flamand ont clairement et de façon volontaire manqué à leurs obligations d’informer et ont érigé un système de surfacturation pour s’enrichir.
[162] La faute grave de Piscines, le commerçant, et de Flamand, le seul actionnaire administrateur et dirigeant, requiert l’octroi de dommages punitifs.
[163] La somme de 15 000 $ réclamée est accordée pour dissuader et prévenir ce genre de comportement.
Flamand doit-il être condamné solidairement avec Piscines?
[164] Selon la jurisprudence[21], l’actionnaire et administrateur d’une compagnie peut être tenu responsable des dommages subis par un tiers s’il a participé à une faute extracontractuelle de la corporation et/ou s’il y a mauvaise foi et intention malicieuse de l’administrateur.
[165] Flamand est le premier actionnaire de Piscines et son administrateur unique.
[166] Il a participé à la faute et au dol de la compagnie, il est son porte-parole.
[167] Il a manqué à son devoir de bonne foi et imaginé un système pour que sa compagnie abuse de ses clients, dont Comtois faisait partie.
[168] Il est le complice de la compagnie.
[169] Il a fait de fausses représentations à son client sur la méthode de travail et tenté d’encaisser les deux chèques de 41 937,13 $.
[170] Sa conduite est malveillante et dolosive pour faire bénéficier sa compagnie de revenus exagérés.
[171] Dans les circonstances, ayant participé au délit de la compagnie de façon active, sa responsabilité personnelle est engagée solidairement avec Piscines pour les dommages causés à Comtois en lien direct avec sa faute.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[172] REJETTE la demande introductive d’instance;
[173] ACCUEILLE en partie la demande reconventionnelle;
[174] CONDAMNE solidairement Les Piscines Élégance - Québec inc. et Dominic Flamand à payer à Simon Comtois les sommes suivantes :
- Coût des travaux pour surélever la piscine : 22 661,91 $
- Stress, troubles et inconvénients : 5 000,00 $
TOTAL : 27 661,91 $
Le tout avec intérêts au taux légal à compter de la date de la demande reconventionnelle plus l’indemnité additionnelle prévue au Code civil du Québec;
[175] CONDAMNE solidairement les Piscines Élégance – Québec inc. et Dominic Flamand à payer à Simon Comtois un montant de 15 000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent jugement;
[176] LE TOUT, avec frais de justice.
| ||
| __________________________________ CARL LACHANCE, J.C.S. | |
Me G. Marc Henry | ||
Quessy Henry St-Hilaire Avocats | ||
Avocats de la demanderesse et des défendeurs reconventionnels | ||
| ||
Me Marc-André Morin | ||
Avocat du défendeur et demandeur reconventionnel | ||
| ||
Dates d’audience : | 16, 17 et 18 octobre 2023 | |
[1] Pièce D-2.
[2] Pièce D-1.
[3] Pièce D-3.
[4] Pièce D-4.
[5] Pièce D-5.
[6] Pièce D-2.
[7] Pièce D-7.
[8] Pièce D-10.
[9] Pièce D-19.
[10] Pièce D-19.
[11] Pièce D-8 – 11.
[12] Déclaration assermentée de Mme Marie-Josée Michaud pour valoir témoignage.
[13] Stewart c. Canada, 2000 CanLII 426.
[14] Pièce D-6.
[15] Pièce P-6.
[16] Pièce D-15.
[17] Pierre-Claude LAFOND, Droit de la protection du consommateur - Théorie et pratique, 2e éd., Montréal, Éditions Yvon Blais 2021.
[18] Luc THIBODEAU, Guide pratique de la société de consommation, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013.
[19]
[20] Pièce D-10.
[21] Banque de développement du Canada c. Donato Terrigno et 9440020 Canada inc. et autres, 2222 QCCS 2878, par. 325.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.