Doumon et Ministère de la Sécurité publique | 2022 QCCFP 17 |
COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE | ||||
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CANADA | ||||
PROVINCE DE QUÉBEC | ||||
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DOSSIER No : | 2000003 | |||
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DATE : | 21 octobre 2022 | |||
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DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF : | Mathieu Breton | |||
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KOFFI DOUMON | ||||
Partie demanderesse | ||||
et | ||||
ministère de la SÉCURITÉ PUBLIQUE | ||||
Partie défenderesse | ||||
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DÉCISION | ||||
(Article | ||||
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[2] Le 28 juillet 2022, M. Doumon dépose un recours à la Commission de la fonction publique (Commission) en vertu de l’article
[3] Le 12 septembre 2022, le ministère soulève un moyen préliminaire. Il prétend que le recours de M. Doumon est prescrit puisqu’il aurait été soumis hors délai. En effet, le recours prévu à l’article
[4] M. Doumon soutient que son recours à la Commission ne devrait pas être prescrit puisqu’il a déposé une plainte au Tribunal administratif du travail (TAT) le 17 février 2022 pour contester la suspension. De plus, les délais pour soumettre un recours à la Commission auraient été suspendus jusqu’en juin 2022 en raison de l’urgence sanitaire liée à la pandémie de COVID-19.
[5] Le ministère est en désaccord avec les prétentions de M. Doumon et souligne que la plainte au TAT a fait l’objet d’un désistement le 23 août 2022. Il cite quelques décisions pour soutenir sa position[2].
[6] La Commission juge que le recours de M. Doumon est prescrit. Il doit donc être rejeté.
CONTEXTE ET ANALYSE
[7] Depuis 2016, M. Doumon est responsable du Service alimentaire, cadre, classe 6, à l’établissement de détention Leclerc de Laval.
[8] Le 7 février 2022, son supérieur immédiat lui remet en main propre dans son bureau une lettre afin de lui imposer une mesure disciplinaire, soit une suspension sans traitement de quatre jours.
[9] Peu de temps après, il communique avec la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). M. Doumon interpelle cet organisme parce que, selon lui, il s’agit d’une question de santé et de sécurité du travail puisque la suspension est en lien avec des règles de l’employeur visant à assurer un milieu de travail sécuritaire dans le contexte de la pandémie de COVID-19.
[10] Le 17 février 2022, à partir des informations qu’il a obtenues auprès de la CNESST, il dépose une plainte, en vertu de l’article
[11] En juillet 2022, un conciliateur du TAT informe M. Doumon que ce tribunal administratif n'a peut-être pas compétence pour statuer sur sa plainte. Le 28 juillet 2022, il dépose un recours à la Commission.
[12] En août 2022, des représentants du ministère expliquent à M. Doumon que le TAT n’est pas compétent pour entendre sa plainte. Le 23 août 2022, il se désiste de cette plainte.
[13] L’article
33. Un fonctionnaire non régi par une convention collective peut interjeter appel devant la Commission de la fonction publique de la décision l’informant :
[…]
4° d’une mesure disciplinaire;
[…]
Un appel en vertu du présent article doit être fait par écrit et reçu à la Commission dans les 30 jours de la date d’expédition de la décision contestée.
[…]
[14] Dans le présent dossier, le délai de 30 jours pour déposer un recours en vertu de cet article commence donc à courir à partir du 7 février 2022, la journée où le supérieur de M. Doumon lui remet la lettre de suspension, et prend fin le 9 mars 2022.
[15] Comme la Commission l’a déjà énoncé, « [c]e délai doit impérativement être respecté, sous peine de déchéance du droit de déposer un appel. Il s’agit d’un délai de prescription extinctive[4]. »
[16] De plus, la Commission ne peut pas proroger ce délai, conformément à l’article
[17] Le recours soumis à la Commission le 28 juillet 2022 est donc prescrit.
[18] Le fait que M. Doumon ait déposé une plainte au TAT ne lui est malheureusement d’aucun secours. En effet, pour que l’article
2895. Lorsque la demande d’une partie est rejetée sans qu’une décision ait été rendue sur le fond de l’affaire et que, à la date du jugement, le délai de prescription est expiré ou doit expirer dans moins de trois mois, le demandeur bénéficie d’un délai supplémentaire de trois mois à compter de la notification de l’avis du jugement, pour faire valoir son droit.
Il en est de même en matière d’arbitrage; le délai de trois mois court alors depuis le dépôt de la sentence, la fin de la mission des arbitres ou la notification de l’avis du jugement d’annulation de la sentence.
[19] En outre, l’article
2894. L’interruption n’a pas lieu s’il y a rejet de la demande, désistement ou péremption de l’instance.
[20] La Cour d’appel explique les effets d’un désistement et les limites à l’application de l’article
[22] Le second effet du désistement résulte de l’article
[…]
[26] Il faut d’abord revenir à l’article
[27] Que le désistement volontaire ne donne pas prise à l’application de l’article
[…]
[32] On consultera aussi l’affaire 3669203 Canada inc. c. Le Groupe PPP inc.[[7]], où la Cour supérieure, au terme d’un raisonnement semblable à celui que retient ici la Cour, écrit notamment que :
[21] Le Tribunal partage cet avis, car pour que l’article
[22] Groupe Finance tente d’apporter une distinction entre un désistement volontaire, auquel s’appliquerait l’article
[…]
[34] Bref, l’article
[21] Comme M. Doumon s’est désisté de sa plainte au TAT et que ce dernier n’a pas rendu de décision, l’article
[22] Le fait qu’il ait soumis sa plainte au TAT après avoir communiqué avec la CNESST ou qu’il s’en soit désisté après que des employés du ministère lui aient expliqué que le TAT n’était pas compétent pour l’entendre ne change pas cette conclusion. Le fait qu’une audience au TAT aurait pu se tenir en mai 2022 si elle n’avait pas été remise, à la suite d’une demande du ministère, n’y change rien non plus.
[23] L’ignorance alléguée par M. Doumon du droit applicable en matière de prescription et de compétence pour contester une suspension ne peut rendre recevable son recours. Qui plus est, la Commission note que M. Doumon a déjà contesté une suspension en déposant un recours auprès d’elle, dans le délai prévu à l’article
[24] La Commission ne peut non plus retenir la prétention de M. Doumon voulant que les délais de prescription pour soumettre un recours auprès d’elle étaient toujours suspendus de février à juin 2022 en raison de la pandémie de COVID-19. En effet, comme la Commission l’a déjà indiqué, cette suspension des délais s’appliquait uniquement du 20 mars au 10 juin 2020[8] :
[32] Il est à noter que le décret[[9]], dans le contexte de l’urgence sanitaire visant à lutter contre la pandémie de COVID‑19, suspendant les délais pour déposer un recours à la Commission a été adopté par le gouvernement le 20 mars 2020. Cette suspension, qui a pris fin le 10 juin 2020[[10]], ne s’applique donc pas à un délai pour soumettre un appel se terminant le 19 mars 2020.
[25] En somme, la Commission doit rejeter le recours de M. Doumon puisqu’il est prescrit.
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE :
ACCUEILLE le moyen préliminaire présenté par le ministère de la Sécurité publique;
REJETTE le recours de M. Koffi Doumon.
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| Original signé par :
__________________________________ Mathieu Breton | |
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M. Koffi Doumon | ||
Partie demanderesse | ||
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Me Micheline Tanguay | ||
Procureure du ministère de la Sécurité publique | ||
Partie défenderesse | ||
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Audience tenue par visioconférence | ||
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Date de l’audience : 12 octobre 2022 | ||
[1] RLRQ, c. F-3.1.1.
[2] Angers et Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs,
[3] RLRQ, c. C-27.
[4] Godin et Ministère des Transports, préc., note 2, par. 33.
[5] RLRQ, c. CCQ-1991. La Cour d’appel reconnaît que cet article s’applique à un recours déposé devant un tribunal administratif (Société canadienne des postes c. Rippeur,
[6] Marier c. Tétrault, préc., note 2, par. 22, 26, 27, 32 et 34.
[7] 3669203 Canada inc. c. Le Groupe PPP inc.,
[8] Côté et Ministère de la Sécurité publique,
[9] Décret 222-2020 concernant le renouvellement de l’état d’urgence sanitaire conformément à l’article
[10] Décret 615-2020 concernant l’ordonnance de mesures visant à protéger la santé de la population dans la situation de pandémie de la COVID-19, (2020) 152 G.O.Q. II, 2546A.
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