Autorité des marchés financiers c. PlexCorps |
2017 QCTMF 88 |
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TRIBUNAL ADMINISTRATIF |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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MONTRÉAL |
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DOSSIER N° : |
2017-023 |
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DÉCISION N° : |
2017-023-001 |
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DATE : |
Le 20 juillet 2017 |
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EN PRÉSENCE DE : |
Me LISE GIRARD |
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Me ELYSE TURGEON |
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AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS |
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Partie demanderesse |
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c. |
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PLEXCORPS |
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PLEXCOIN |
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DL INNOV INC., personne morale légalement constituée ayant son siège social au 815, boul. Lebourgneuf, bureau 404 à Québec, Québec, G2J 0C1 |
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et |
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GESTIO INC., personne morale légalement constituée ayant un établissement situé au 815, boul. Lebourgneuf, bureau 404 à Québec, Québec, G2J 0C1 |
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DOMINIC LACROIX domicilié et résident au [...], Québec (Québec) [...] |
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Parties intimées |
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FACEBOOK CANADA LTD., personne morale légalement constituée ayant un établissement au 1700-2001 rue Université, Montréal, Québec, H3A 2A6 |
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Partie mise en cause |
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DÉCISION EX PARTE |
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(Motifs à suivre) |
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HISTORIQUE
[1] Le 19 juillet 2017, l’Autorité des marchés financiers (l’« Autorité ») a saisi le Tribunal administratif des marchés financiers (le « Tribunal ») d’une demande d’audience ex parte visant à obtenir notamment le prononcé d’interdictions d’opérations sur valeurs et de mesures propres au respect de la loi à l’encontre des intimés au présent dossier.
[2] La demande de l’Autorité a été présentée en vertu de l’article 115.9 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, selon lequel il est loisible au Tribunal de prononcer une décision affectant défavorablement les droits d’une personne sans audition préalable, lorsqu’un motif impérieux le requiert.
[3] L’Autorité a déposé avec sa demande l’affidavit requis par l’article 19 du Règlement sur les règles de procédure du Tribunal administratif des marchés financiers[1], en vertu duquel une demande fondée sur des motifs impérieux doit être accompagnée d’une déclaration sous serment écrite à l’appui des faits de la demande et des motifs impérieux.
[4] Une audience ex parte s’est tenue le 20 juillet 2017 afin que l’Autorité puisse présenter au mérite cette demande.
[5] En cours d’audience, l’Autorité a fait la demande d’amender verbalement sa procédure afin de faire des modifications mineures, d’ajouter la société Facebook Canada comme partie mise en cause ainsi que les conclusions suivantes :
« Ordonner à toute personne qui recevra signification de la présente décision de prendre tout moyen à sa disposition afin de la faire respecter;
Ordonner à Facebook Canada de fermer les comptes Facebook de Plexcorps et Plexcoin. »
[6] Une copie de la demande et de l’affidavit requis est jointe à la présente décision.
[7] Compte tenu de la nécessité de rendre rapidement une décision afin de protéger l’intérêt public, le Tribunal prononce dans un premier temps le dispositif suivant et, par la suite, rendra les motifs détaillés à l’appui de la présente décision.
DISPOSITIF
[8] CONSIDÉRANT la preuve qui a été présentée par l’Autorité démontrant les motifs impérieux justifiant une intervention immédiate et sans audition préalable des intimés afin de protéger l’intérêt public, le Tribunal administratif des marchés financiers, en vertu des articles 93, 94 et 115.9 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers[2], de l’article 265 de la Loi sur les valeurs mobilières[3] et de l’article 16 du Règlement sur les règles de procédure du Tribunal administratif des marchés financiers[4] :
ACCUEILLE partiellement la demande amendée de l’Autorité des marchés financiers au présent dossier;
INTERDIT à PlexCorps, PlexCoin, DL Innov inc., Gestio inc. et Dominic Lacroix d'exercer toute activité en vue d'effectuer, directement ou indirectement, toute opération sur toutes formes d'investissement décrites à l'article 1 de la Loi sur les valeurs mobilières, dont la sollicitation et le démarchage d’investisseurs, au Québec ou à partir du Québec vers l’extérieur du Québec;
ORDONNE à PlexCorps, PlexCoin, DL Innov inc., Gestio inc. et Dominic Lacroix de retirer toute annonce ou sollicitation de même nature que celle faite sur les sites Internet www.plexcorps.com et www.plexcoin.com, Facebook, de tout site Internet de discussions ou autrement, ou en lien avec des valeurs mobilières ou de toutes formes d’investissement, publiée ou diffusée, par Internet ou autrement directement ou indirectement, par ces derniers;
ORDONNE à PlexCorps, PlexCoin, DL Innov inc., Gestio inc. et Dominic Lacroix de fermer les sites Internet www.plexcorps.com et www.plexcoin.com ou tout autre site de même nature que ces sites, publié ou diffusé, directement ou indirectement, par ces derniers ou à défaut, les rendre inaccessibles pour toute adresse IP du Québec afin d’empêcher que toute personne résidant au Québec puisse consulter ces sites Internet et ordonner la parution de l’ordonnance à être rendue par le Tribunal administratif des marchés financiers sur la page d’accueil de ces sites;
ORDONNE à Facebook Canada LTD. de fermer les compte Facebook de Plexcorps et Plexcoin;
AUTORISE l’Autorité des marchés financiers à procéder à la signification de la décision à venir à PlexCoin et PlexCorps par l’entremise de leur profil Facebook respectif;
REJETTE la conclusion demandée visant à « Ordonner à toute personne qui recevra signification de la présente décision de prendre tout moyen à sa disposition afin de la faire respecter ».
En application du second alinéa de l’article 115.9 de la Loi sur l'Autorité des marchés financiers, le Tribunal informe les intimés qu’ils ont une période de quinze jours pour déposer au Tribunal un avis de leur contestation, afin que puisse être tenue une audience relative à la présente décision, le cas échéant.
Il appartient alors aux intimés de communiquer avec le Secrétariat du Tribunal, au 1-877-873-2211, afin d’informer le Tribunal qu’ils entendent déposer un avis de leur contestation, le cas échéant. Les intimés sont aussi invités à prendre note qu’une partie a le droit de se faire représenter par un avocat. Le Tribunal informe également les personnes morales et les entités désirant être entendues dans le cadre du présent dossier qu’elles sont tenues de se faire représenter par avocat au cours d’une audience devant le Tribunal.
Les conclusions de la présente décision entrent en vigueur à la date à laquelle elles sont prononcées et le resteront jusqu’à ce qu’elles soient abrogées ou modifiées.
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__________________________________ Me Lise Girard, juge administratif |
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__________________________________ Me Elyse Turgeon, juge administratif |
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Me Annie Parent et Me Nathalie Chouinard |
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(Contentieux de l’Autorité des marchés financiers) |
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Procureures de l’Autorité des marchés financiers, demanderesse |
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Date d’audience : |
20 juillet 2017 |
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TRIBUNAL ADMINISTRATIF |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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MONTRÉAL |
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DOSSIER N° : |
2017-023 |
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DÉCISION N° : |
2017-023-001 |
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DATE DES MOTIFS : |
Le 13 septembre 2017 |
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EN PRÉSENCE DE : |
Me LISE GIRARD |
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Me ELYSE TURGEON |
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AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS |
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Partie demanderesse |
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c. |
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PLEXCORPS |
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PLEXCOIN |
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DL INNOV INC., personne morale légalement constituée ayant son siège social au 815, boul. Lebourgneuf, bureau 404 à Québec, Québec, G2J 0C1 |
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et |
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GESTIO INC., personne morale légalement constituée ayant un établissement situé au 815, boul. Lebourgneuf, bureau 404 à Québec, Québec, G2J 0C1 |
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DOMINIC LACROIX, domicilié et résident au [...], Québec (Québec) [...] |
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Parties intimées |
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FACEBOOK CANADA LTD., personne morale légalement constituée ayant un établissement au 1700-2001 rue Université, Montréal, Québec, H3A 2A6 |
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Partie mise en cause |
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Motifs détaillés de la décision rendue le 20 juillet 2017 |
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HISTORIQUE
[1] Le 19 juillet 2017, l’Autorité des marchés financiers (l’« Autorité ») a saisi le Tribunal administratif des marchés financiers (le « Tribunal ») d’une demande d’audience ex parte visant à obtenir notamment le prononcé d’interdictions d’opérations sur valeurs et de mesures propres au respect de la loi à l’encontre des intimés au présent dossier.
[2] Cette demande est fondée sur les articles 93, 94 et 115.9 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers[5] ainsi que sur l’article 265 de la Loi sur les valeurs mobilières[6].
[3] L’Autorité a également demandé au Tribunal d’autoriser en vertu du Règlement sur les règles de procédure du Tribunal administratif des marchés financiers[7] la signification de la décision à venir à PlexCoin et PlexCorps par l’entremise de leurs profils Facebook respectifs, le cas échéant.
[4] En particulier, la demande de l’Autorité a été présentée en vertu de l’article 115.9 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, selon lequel il est loisible au Tribunal de prononcer une décision affectant défavorablement les droits d’une personne sans audition préalable, lorsqu’un motif impérieux le requiert.
[5] L’Autorité a déposé avec sa demande l’affidavit requis par l’article 19 du Règlement sur les règles de procédure du Tribunal administratif des marchés financiers en vertu duquel une demande fondée sur des motifs impérieux doit être accompagnée d’une déclaration sous serment écrite à l’appui des faits de la demande et des motifs impérieux.
[6] Une audience ex parte s’est tenue le 20 juillet 2017, afin que le Tribunal puisse entendre au mérite cette demande.
[7] En cours d’audience, l’Autorité a fait la demande d’amender verbalement sa procédure afin de faire des modifications et d’ajouter la société Facebook Canada (« Facebook ») comme partie mise en cause ainsi que les conclusions suivantes :
« Ordonner à toute personne qui recevra signification de la présente décision de prendre tout moyen à sa disposition afin de la faire respecter;
Ordonner à Facebook Canada de fermer les comptes Facebook de Plexcorps et PlexCoin. »
[8] Une copie de la demande et de l’affidavit requis est jointe à la présente décision.
[9] Compte tenu de la nécessité de rendre rapidement une décision afin de protéger l’intérêt public, le Tribunal a accueilli en partie la demande de l’Autorité le 20 juillet 2017[8]. Le Tribunal a alors indiqué qu’il déposerait subséquemment les motifs détaillés à l’appui de sa décision, ce que le présent document contient, en plus de reproduire le dispositif de la décision rendue le 20 juillet 2017.
AUDIENCE
[10] L’audience ex parte du 20 juillet 2017 s’est tenue au siège du Tribunal en présence de deux procureures de l’Autorité et d’un enquêteur.
[11] La procureure de l’Autorité a, dans un premier temps, requis que l’audience à être tenue le soit à huis clos, conformément à l’article 59 du Règlement sur les règles de procédure du Tribunal administratif des marchés financiers[9], ce qui fut accordé par le Tribunal.
[12] La procureure a par la suite fait entendre le témoignage de l’enquêteur œuvrant au sein de l’Autorité. Ce dernier a relaté l’ensemble des faits décrits dans la demande de l’Autorité et il a déposé les pièces D-1 à D-30 à l’appui de ses dires.
[13] La procureure de l’Autorité a plaidé qu’il existait des motifs impérieux justifiant une intervention immédiate du Tribunal, et ce, afin de protéger l’intérêt public. À cet égard, elle a indiqué au Tribunal que la demande de l’Autorité suggère l’adoption d’un ensemble de mesures destinées à protéger le public investisseur et à assurer l’intégrité des marchés financiers, et ce, sans audition préalable, conformément à l’article 115.9 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers.
[14] Dans la présente affaire, l’Autorité a essentiellement présenté au Tribunal une preuve à l’effet que les intimés PlexCorps, PlexCoin, DL Innov inc. (« DL Innov »), Gestio inc. (« Gestio ») et Dominic Lacroix (« Lacroix ») exerceraient actuellement au Québec des activités illicites en contravention de la Loi sur les valeurs mobilières, et ce, par l’entremise des sites Internet http://Plexcorps.com, http://Plexcoin.com, ainsi que par l’entremise des pages Facebook de PlexCoin et de PlexCorps.
ANALYSE
Les Parties
[15] Selon le témoignage de l’enquêteur lors de l’audience du 20 juillet dernier, les parties impliquées dans les présentes sont les suivantes :
PlexCorps et PlexCoin
[16] Une des particularités de cette affaire est qu’il a été démontré par l’Autorité que PlexCorps et PlexCoin n’ont aucune adresse connue et ne sont pas inscrites auprès du Registraire des entreprises du Québec, ni auprès de Corporation Canada[10].
[17] De plus, malgré des recherches effectuées à ce jour par les enquêteurs de l’Autorité auprès de divers registres, notamment le site Opencorporates[11], ces derniers n’ont pas été en mesure d’établir que PlexCorps ou PlexCoin étaient des entités dotées d’une personnalité juridique quelconque.
[18] En fait, selon le site Internet de PlexCorps à l’adresse www.PlexCorps.com[12], cette dernière s’identifie comme étant un groupe de 40 personnes réparties au travers le monde, toutes indépendantes et orientées vers le même objectif, soit d’améliorer l’accessibilité à des cryptoservices, dont celui de PlexCoin, tel qu’il le sera expliqué ci-après. À cet effet, la première page du site www.PlexCorps.com indique :
« PlexCorps is a group of forty people (programmers, engineers, cryptocurrency specialists, etc.) all independent throughout the world and oriented towards the same goal: To increase accessibility to cryptoservices by simplifying its managing processes.
You want to join and work and work with the PlexCorps team? info@plexcorps.com| Facebook. »
[19] L’article 6 de la Loi sur les valeurs mobilières stipule que :
« Dans le cas d’un patrimoine doté d’un certain degré d’autonomie, notamment dans le cas d’une caisse de retraite, d’une société, d’une fiducie ou d’un groupement dépourvu de la personnalité juridique, les dispositions de la présente loi ou d’un règlement pris en application de celle-ci s’appliquent comme si le patrimoine était doté de la personnalité, mais il incombe aux personnes chargées de son administration de les observer. On peut intenter contre elles les poursuites tant civiles que pénales reliées à la présente loi, pour les faits relatifs à ce patrimoine. »
[20] Le Tribunal considère le groupe de 40 personnes s’identifiant sous PlexCorps et PlexCoin comme étant un patrimoine doté d’un certain degré d’autonomie même si dépourvu de la personnalité juridique et lui a appliqué les dispositions de la présente loi, ainsi qu’aux personnes chargées de son administration dont l’identité a été établie selon la preuve qui lui a été présentée et maintient la désignation de ce patrimoine à titre d’intimé dans la présente instance.
[21] PlexCorps est identifiée comme détenant le site Internet www.PlexCorps.com qui est accessible au public résidant au Québec, tel que le démontre l’extrait du site www.PlexCorps.com et du code source de ce site Internet déposé en preuve[13].
[22] Sur ce site Internet, PlexCorps fait notamment un lien avec le site Internet www.plexcoin.com, tel qu’il appert des captures d’écrans déposées en preuve[14].
[23] En plus de détenir un site Internet, l’enquêteur de l’Autorité a témoigné à l’effet que PlexCorps serait titulaire de pages Facebook respectivement au nom de PlexCorps[15] et PlexCoin[16].
[24] Outre PlexCoin, PlexCorps annonce sur son site Internet une gamme de services dont il sera mention dans la présente décision sous les noms de PlexWallet, PlexCard et PlexBank.
[25] Sur son site, PlexCoin s’annonce comme étant une cryptomonnaie définie comme étant une devise monétaire qui aurait une valeur basée sur un certain marché.
[26] L’enquêteur de l’Autorité a témoigné à l’effet que PlexCoin participe aussi activement à des discussions sur le forum https://cryptofr.com[17].
[27] PlexCorps et PlexCoin n’ont jamais été inscrites auprès de l’Autorité pour agir à titre de courtier en valeurs conformément à la Loi sur les valeurs mobilières, tel qu’il appert de l’attestation d’absence de droit de pratique déposée en preuve par l’enquêteur de l’Autorité[18].
[28] Ce dernier a également témoigné à l’effet que ni PlexCorps ni PlexCoin n’ont déposé de prospectus ou bénéficié de visa de prospectus ou encore, bénéficié de dispense de prospectus émise par l’Autorité[19].
DL Innov
[29] DL Innov a été constituée le 12 décembre 2012 en vertu de la Loi sur les sociétés par actions[20] et l’activité économique déclarée est « Société de portefeuille (holdings) ».
[30] DL Innov a son siège au 404-815 boul. Lebourgneuf dans la ville de Québec et son premier actionnaire est l’intimé Lacroix, selon le Registre des entreprises du Québec[21].
[31] DL Innov serait également le premier actionnaire de la Société FinaOne, dont il sera mention plus tard dans la présente décision[22].
[32] DL Innov n’a jamais été inscrite auprès de l’Autorité pour agir à titre de courtier en valeurs conformément à la Loi sur les valeurs mobilières, tel qu’il appert de l’attestation d’absence de droit de pratique déposée en preuve[23] et DL Innov n’a pas déposé de prospectus ou bénéficié de visa de prospectus ou encore, bénéficié de dispense de prospectus émise par l’Autorité[24].
Gestio
[33] Gestio est une société immatriculée au Québec le 21 février 2013 sous le numéro [...], tel qu’il appert d’une copie de l’état des renseignements d’une personne morale au REQ déposée en preuve[25] et exerce ses activités dans le secteur des « Services d’informatique » et de la « Conception et location de logiciels de gestion ».
[34] Son siège est situé au 404-815 boul. Lebourgneuf à Québec, son premier actionnaire est DL Innov et le président, secrétaire et trésorier est l’intimé Dominic Lacroix[26].
[35] Lors de l’audience, l’enquêteur a témoigné à l’effet que Gestio n’a jamais été inscrite auprès de l’Autorité pour agir à titre de courtier en valeurs conformément à la Loi sur les valeurs mobilières et il a déposé une attestation d’absence de droit de pratique en preuve[27].
[36] Gestio n’a pas déposé de prospectus ou bénéficié de visa de prospectus pour le placement de valeurs mobilières ni n’a jamais bénéficié de dispense de prospectus, tel que le démontre l’attestation émise par l’Autorité et déposée en preuve par l’enquêteur[28].
L’intimé Lacroix
[37] En plus d’être administrateur de DL Innov et de Gestio, l’intimé Lacroix serait l’administrateur de la société FinaOne inc. située au 404-815 boul. Lebourgneuf dans la ville de Québec, de la société InterAxe inc. située au 307-815 boul. Lebourgneuf dans la Ville de Québec, ainsi que de la société Micro-Prêts inc. (qui agit aussi notamment sous le nom de Mini-Prêts inc.) située au 404-815 boul. Lebourgneuf dans la Ville de Québec, dont il sera mention dans la présente décision.
[38] L’intimé Lacroix serait également le premier actionnaire majoritaire de la société InterAxe inc., de la société Micro-Prêts et de DL Innov, tel que le démontre de l’état des renseignements d’une personne morale au Registraire des entreprises du Québec déposé par l’enquêteur lors de l’audience[29].
[39] L’intimé Lacroix n’a jamais été inscrit auprès de l’Autorité pour agir à titre de courtier en valeurs conformément à la Loi sur les valeurs mobilières, tel qu’il appert de l’attestation d’absence de droit de pratique, déposée en preuve par l’enquêteur[30].
[40] Il a également été démontré par l’Autorité que l’intimé Lacroix fait présentement, et a déjà fait l’objet en 2011, de diverses ordonnances rendues par le présent Tribunal relativement à des dossiers de placements illégaux[31].
[41] De plus, en 2013, l’intimé Lacroix a aussi plaidé coupable à six chefs d’accusation en Cour du Québec, chambre criminelle et pénale de placement illégal, pratique illégale et transmission d’informations fausses ou trompeuses en matière de valeurs mobilières.
Le placement proposé
[42] Selon le témoignage de l’enquêteur de l’Autorité, le 4 juillet 2017 et suite à une dénonciation d’un individu qui souhaite conserver l’anonymat, l’Autorité a été informée qu’une entité du nom de PlexCorps offrirait au public d’investir dans l’achat de PlexCoin, une monnaie virtuelle permettant d’obtenir un retour sur investissement pouvant aller jusqu’à 1 354 %.
[43] En effet, il a été dénoncé à l’Autorité que le site Internet de PlexCoin offrirait aux gens intéressés par cet investissement de s’inscrire sur le site afin de pouvoir y participer. Ainsi, l’inscription est disponible en vue d’acquérir la cryptomonnaie Plexcoin et le lancement de cette cryptomonnaie devrait avoir lieu incessamment.
[44] Le site Internet de PlexCorps fait un lien avec le site de PlexCoin lequel se présente comme étant une opportunité d’investissement[32].
[45] Sous la rubrique « Foire aux questions », les informations suivantes y sont publiées :
« Qu’est-ce qu’un ICO?
Un ICO (Initial Coin Offering) est un dérivé de l’expression plus connue IPO (Initial Public Offering, introduction d’une société en bourse) désignant une collecte de fonds en cryptomonnaie.
Un ICO peut permettre de financer une nouvelle blockchain, mais dans la plupart des cas il s’agit d’émettre un token, un coin ou de créer une application décentralisée basée sur une blockchain déjà existante comme le Bitcoin ou l'Ethereum. »
[…]
« Comment investir?
Afin de profiter du palier de vente 1 et ainsi économiser sur l’achat de vos PlexCoin, vous devrez inscrire votre adresse courriel dans la section inscription. Ensuite, vous serez invité à valider votre adresse courriel. Enfin, lors du lancement de la prévente, le 7 août, vous pourrez acheter vos PlexCoin à rabais et en priorité pour profiter d’un rendement de 1 354 % sur votre achat !
Vous recevrez, par courriel, la méthode simple, exacte et détaillée du processus d’achat avant le lancement de la prévente. »
« Quel est le retour sur investissement (ROI) attendu ?
Cela dépend du forfait qui sera en vigueur lorsque vous ferez l'achat de vos PlexCoin, voici un exemple :
Palier de vente 1 : Retour sur investissement après 29 jours ou moins : 1 354 %
Palier de vente 2 : Retour sur investissement après 29 jours ou moins : 629 %
Palier de vente 3 : Retour sur investissement après 29 jours ou moins : 332 %
Palier de vente 4 : Retour sur investissement après 29 jours ou moins : 200 % ».
[46] Sur la rubrique « calculatrice », les informations suivantes sont publiées :
« Une contribution payante
Contrairement aux autres ICO, lors de la prévente, plus vous achetez vos PlexCoin rapidement, plus sa valeur de revente sera profitable. Voyez par vous-même avec l’outil de calcul ci-dessous.
(…)
« Si j’achète pour 100$
J’obtiendrai 769,23 PLX
D’une valeur estimée de 1 353$
Je pense investir plus
Cet outil de calcul est basé sur l’échelle de prix du palier de vente 1 qui sera actif lors de la prévente (0,13 $ par PlexCoin). Le montant de la valeur estimé (1,76 $ par PlexCoin) est basé sur l’éventualité où la totalité des PlexCoin soit vendue lors de la prévente. Si tel est le cas, votre achat de départ sera multiplié par 1 354 % en 35 jours ou moins ».
[47] Le site promet aux investisseurs la délivrance d’une carte PlexCard VISA sous la rubrique « Récompenses pour les acheteurs importants » ou sont offertes diverses récompenses aux investisseurs selon le montant investi et selon les référencements fait par ces derniers.
[48] Au moment de l’audition, l’enquêteur de l’Autorité avait contacté VISA Canada (« VISA ») afin de savoir si des communications avaient réellement été faites entre VISA et ce projet, puisque les logos de VISA étaient utilisés sur le site, mais il n’avait pas encore reçu de réponse à ce sujet.
[49] Ainsi, selon le site de PlexCoin, l’investisseur pourrait éventuellement utiliser sa carte PlexCard pour faire ses transactions et dépenser ses PlexCoin. Il pourrait également échanger ses PlexCoin en devises telles le Dollar canadien, le Dollar américain ou l’Euro, ainsi qu’avec d’autres cryptomonnaies telles le Bitcoin, l’Ethereum, le Litecoin avec le PlexWallet, ce dernier étant aussi géré par PlexCorps.
[50] Le site de PlexCoin précise également que, s’il le désire, l’investisseur pourra placer sa cryptomonnaie à l’abri des marchés avec des rendements garantis via la PlexBank, soit la première cryptobanque privée.
[51] Le site de PlexCoin indique avoir réuni quatre produits sous une même bannière, tous interreliés, soit PlexCoin, PlexCard, PlexWallet et PlexBank de manière à faciliter l’utilisation de la cryptomonnaie.
[52] Au surplus, lors de la prévente du PlexCoin, ce qui est désigné au site de PlexCoin comme étant la première collecte de fonds en cryptomonnaie, un « initial coin offering » dit « ICO », les promoteurs promettent d’offrir un bonus de référencement de 5 % à toute personne qu’il réfère et aussi 5 % à toute personne référencée pour tout achat de PlexCoin, ainsi qu’une remise pouvant aller jusqu’à 10 % sur les achats effectués avec la carte PlexCard.
[53] Sous l’onglet « Inscription » dans le site de PlexCoin, il y a un chiffrier qui calcule le nombre d’inscriptions à la prévente et il y est précisé :
« Réservez votre place dès que possible dans la file d’attente afin de pouvoir acheter vos PlexCoin en priorité. De cette façon, vous aurez plus de chance d’avoir accès au palier de vente 1 (0,13 $ le PlexCoin) qui offrira 1 354% en profit potentiel. »[33]
[54] Selon les informations inscrites au site de PlexCoin, la prévente des PlexCoin était prévue pour le 7 août 2017 et que trois jours au préalable, un livre blanc serait rendu disponible sur le site lequel expliquerait le plan d’affaires entourant cet investissement. À ce sujet le site de PlexCoin indique ce qui suit :
« Pourquoi le livre blanc n’est pas disponible ?
Le PlexCoin est basé sur une nouvelle technologie révolutionnaire qui facilitera l’accès à la cryptomonnaie aux gens ayant moins d’expérience avec ce genre de technologie par des fonctions et des procédés d’opération qui n’existent nulle part ailleurs présentement.
Pour des raisons de confidentialité et afin d'éviter que le système révolutionnaire du PlexCoin ne soit plagié par d’autres entreprises avant son lancement, nous autoriserons le téléchargement, pour tous, du document "livre blanc" (whitepaper) dès le 4 août 2017. Il est important pour nous que tout le monde comprenne notre plan d'affaires avant d'investir dans PlexCoin. »[34]
[55] Le témoignage de l’enquêteur de l’Autorité a mis en évidence que depuis le début juillet 2017, le rythme d’investisseurs potentiels qui s’inscrivent à la prévente croît, à chaque jour à un rythme exponentiel et que de nombreuses personnes inscrites seraient des résidents de la province de Québec.
[56] En effet, le 10 juillet 2017, le site de PlexCoin affichait un nombre de 27 380 personnes dans la liste d’attente de la prévente[35], alors qu’à peine trois jours plus tard, le 13 juillet ce nombre dépassait 37 000 et le 18 juillet, il avait atteint plus de 50 000, tel qu’il appert des captures d’écran de la rubrique « inscription à la prévente » en date des 13 et 18 juillet 2017[36].
[57] Selon le témoignage de l’enquêteur lors de l’audience, le 13 juillet 2017, ce dernier a été informé par le dénonciateur qu’un service d’assistance en ligne en direct avait été ajouté sur le site Internet de PlexCoin[37]. Le service d’assistance en ligne permettrait à l’investisseur potentiel de communiquer en direct avec un agent.
[58] Lors de l’audition, il a été démontré que le 10 juillet 2017 une enquêteuse de l’Autorité s’est inscrite sous une identité fictive sur le site Internet www.plexcoin.com en complétant l’onglet « Inscription » afin de pouvoir bénéficier de la prévente prévue au 7 août 2017, tel qu’il appert des captures d’écran déposées en preuve[38]. Lors de cet exercice, l’enquêteuse a notamment reçu un courriel[39] lui indiquant ce qui suit :
« Votre inscription est terminée
Quoi faire maintenant?
Vous devez maintenant patienter jusqu’à la date à laquelle vous serez autorisé à acheter vos PlexCoin, cette date est affichée dans votre accès client qui est disponible sur le site internet. »
[59] Selon les informations apparaissant à son compte[40], sa date d’achat est le 6 août 2017 à 11h00, moment lors duquel l’enquêteuse pourrait alors cliquer sur des liens afin d’« Acheter des PlexCoin », « Vendre des PlexCoin » et « Échanger des PlexCoin, ce qui fait en sorte que toute personne du Québec consultant ce site Internet pourrait effectivement cliquer sur l’onglet « Inscription » et ainsi se mettre sur la liste d’attente afin d’investir le 7 août 2017 dans des PlexCoin.
[60] La confirmation reçue par l’enquêteuse indique qu’au moment de son achat, 26 894 personnes seraient sur la liste d’attente et mentionne ce qui suit :
« Vous êtes bien inscrit dans la liste d’attente afin de pouvoir acheter vos PlexCoin en priorité lors du lancement de la prévente. Votre date d’achat est déterminée selon votre position dans la liste d’attente.
Vous pourrez donc, avant tout le monde, profiter du meilleur prix d’achat pour vos PlexCoin et ainsi augmenter votre profit potentiel.
Vous recevrez un courriel d’information lorsque votre tour viendra. »[41]
[61] La confirmation reçue par l’enquêteuse fait également mention des bonus de référencement en indiquant que ses contacts qui utiliseront son lien de référence privé obtiendront 5 % de PlexCoin supplémentaires et qu’elle aussi recevra un équivalent de 5 % de tous leurs achats en PlexCoin et indique qu’il s’agit d’« [u]ne excellente façon de gagner beaucoup d’argent sans effort ».
[62] La confirmation reçue fait aussi mention des profits potentiels reliés à l’investissement et indique même que l’investissement comporte une garantie de remboursement à certaines conditions en indiquant notamment :
« Afin de sécuriser les premiers acheteurs, nous avons fixé un point de non-retour. Si après les 29 jours de prévente nous n’avons pas atteint ce seuil de non-retour, tous les acheteurs seront remboursés intégralement. »
[63] Tel qu’indiqué ci-avant, le montage proposé par le site de PlexCoin prévoit un bonus de référencement pour les investisseurs qui font connaître le PlexCoin à leurs amis sur les réseaux sociaux, dont celui de Facebook.
[64] Le site Internet de PlexCoin prévoit ce qui suit :
« Suivez-nous sur les réseaux sociaux
Faites connaître à vos amis le PlexCoin qui a été conçu pour être géré et utilisé facilement. Plus la popularité du PlexCoin sera grande, plus la valeur de vos PlexCoin augmentera.
[….]
Lorsque vous aurez créé votre compte, vous aurez accès à un lien unique à partir de votre accès client que vous pourrez partager avec vos amis. Vous recevrez l’équivalent de 5% de tous les achats que ceux-ci feront en PlexCoin. Ils recevront également un extra de 5% sur tous leurs achats. »[42]
[65] Il a été démontré que le compte Facebook de PlexCoin ayant l’identifiant numérique [...] aurait été ouvert le ou vers le 16 juin 2017[43].
[66] Selon le témoignage de l’enquêteur, le nombre de personnes qui font des mentions « J’aime » sur le compte de PlexCoin de Facebook croit de manière exponentielle chaque jour, car ce compte Facebook avait 37 141 mentions[44] « J’aime » en date du 13 juillet 2017 et le 18 juillet 2017, ce nombre avait atteint 49 254, dont de nombreuses provenant de résidents du Québec, tel que le démontre les captures d’écrans du profil Facebook de PlexCoin déposées en preuve[45].
[67] Selon l’enquêteur, on retrouve sur ce compte Facebook[46] à la section « À propos » des informations sur l’entreprise, ses coordonnées, une description des activités et son histoire. Il y est mentionné entre autres que :
- le lancement de l’entreprise a eu lieu en février;
- l’inscription pour la prévente de PlexCoin a débuté le 3 juillet 2017;
- la prévente de PlexCoin débutera le 7 août 2017;
- le lancement officiel de PlexCoin aura lieu le 5 septembre 2017.
[68] Ainsi, dans le montage mis de l’avant par PlexCorps et les intimés, la preuve démontre que Facebook servirait de facilitateur au recrutement d’investisseurs potentiels via les bonus de référencement promis aux investisseurs qui partagent le lien qu’ils auront obtenu lors de leur inscription via ce réseau social.
[69] Le Tribunal tient à souligner qu’aucune preuve ne démontre un rôle actif de Facebook dans PlexCorps ou PlexCoin, ni même que Facebook n’ait connaissance de l’utilisation de son réseau à cette fin, mais la procureure de l’Autorité a indiqué au Tribunal qu’une ordonnance de fermeture des comptes Facebook de PlexCorps et de PlexCoin limiterait la sollicitation des investisseurs potentiels et entre autres mettrait un frein au programme de bonus de référencement.
Le lien entre le placement proposé et les intimés
[70] Dans cette affaire, une autre des difficultés auxquelles ont été confrontés les enquêteurs de l’Autorité a été de déterminer l’identité des personnes derrière le montage de PlexCorps pour l’investissement dans le PlexCoin, car les personnes derrière ce montage tiennent à garder leur anonymat.
[71] En effet, sur son site Internet, PlexCorps indique expressément vouloir garder l’anonymat des 40 personnes derrière ses activités.
[72] De plus, afin de mousser la vente imminente des PlexCoin, la preuve a démontré que PlexCoin serait active sur un certain forum spécialisé dans les cryptomonnaies nommé « cryptofr.com » et c’est notamment grâce à ce forum, son administrateur et une source anonyme que l’enquêteur de l’Autorité a présenté au Tribunal le lien entre PlexCorps et les autres intimés[47].
[73] Il a été démontré que sur le forum de cryptofr.com, plusieurs internautes questionnaient la légitimité et l’identité des personnes derrière PlexCorps.
[74] Certains internautes auraient alors fait les liens entre PlexCorps et les sociétés intimées[48].
[75] Or, suite à cette divulgation, un utilisateur s’affichant comme étant « PlexCoin » et utilisant le logo de « PlexCoin » pour s’identifier a répondu ce qui suit sur le forum via une publication qui a été par la suite retirée du forum :
« [… ] Nul ne peut entacher ainsi la réputation de gens ou entreprise(sic) sans preuve et sur internet en plus. Et par souci de transparence sachez que Gestio inc., une compagnie reliée (sic) à DL Innov Inc. nous sommes mandatés (sic) pour gérer les réseaux sociaux francophones (sic) le PlexCorps et rien de plus. Vos allégations sont donc complètement fausses. »[49]
[76] Ainsi, la lecture de cet affichage permet de constater que Gestio étant reliée à DL Innov s’identifie comme étant PlexCoin et utiliserait le logo de PlexCoin pour faire des communications publiques et indique qu’elle est responsable de la gestion des réseaux sociaux de PlexCorps.
[77] À l’audition, l’enquêteur a témoigné à l’effet, qu’il a vérifié et retracé l’identité des adresses IP ayant agi au nom de PlexCoin sur le forum cryptofr.com pour en arriver à une information qu’il dit fiable à l’effet que les adresses IP utilisées étaient détenues par une société américaine du nom de Linode LLC qu’il n’a pas pu retracer, par DL Innov ainsi que par les sociétés liées à l’intimé Lacroix soit Micro-prêts inc., Mini-Prêts inc., FinaOne, InterAxe et Gestio.
[78] En effet, le témoignage de l’enquêteur de l’Autorité a permis de mettre en lumière que les discussions sur le forum cryptofr.com émanant de PlexCoin proviendraient notamment d’une adresse IP liée à DL Innov, tel qu’il appert du Whois pour l’IP [...] déposé en preuve[50].
[79] Lors de l’audience, le témoignage de l’enquêteur a été à l’effet que selon les discussions retracées sur le forum cryptofr.com[51], lors d’une des discussions échangées sur ce même forum le 7 juillet 2017, PlexCoin aurait affirmé que : « Gestio Inc., une compagnie reliée (sic) à DL Innov Inc., nous sommes mandatés (sic) pour gérer les réseaux sociaux francophones de PlexCorps »[52].
[80] Par la suite, l’enquêteur a communiqué avec le modérateur de cryptofr.com qui y agissait sous le nom de FFMAD pour lui demander pourquoi certains affichages identifiant les intimés comme étant les personnes derrière PlexCorps et PlexCoin avaient été retirés du forum et ce dernier lui a mentionné qu’il avait reçu une mise en demeure des gens qui avaient fait les affichages dont copie a été déposée en preuve[53].
[81] La mise en demeure transmise au modérateur du site cryptofr.com aurait été rédigée sous les instructions de DL Innov et de l’intimé Lacroix et traite d’atteinte à la réputation et exige le retrait de toute plateforme internet et sur les réseaux sociaux de toute allégation en lien avec leur client DL Innov et l’intimé Lacroix et plus précisément réfère à ce qui apparaît dans le forum de discussion cryptofr.com[54].
[82] L’enquêteur a également témoigné à l’effet que seul le modérateur du forum peut y enlever un script, mais qu’au surplus qu’en tant que modérateur du forum, il lui est possible d’avoir accès aux adresses IP des gens qui s’y inscrivent.
[83] Ce qui a permis, suivant sa collaboration avec l’enquêteur de l’Autorité, de faire un lien et présenter au Tribunal une preuve prépondérante de l’implication de DL Innov, de Gestio inc. et des diverses sociétés liées ou appartenant à l’intimé Lacroix à la promotion du produit Plexcoin, notamment InterAxe inc., FinaOne inc. et Mini-Prêts inc.[55].
[84] Par ailleurs, l’enquêteur a indiqué poursuivre son enquête afin d’être en mesure de retracer d’autres personnes impliquées dans cette affaire, mais il a insisté sur le fait que manifestement ces personnes cachent volontairement leur identité et n’hésitent pas à changer les serveurs ou les licences utilisées par PlexCorps et PlexCoin pour mieux se camoufler.
[85] Selon l’enquêteur, l’administrateur des sites Internet de PlexCorps ou de PlexCoin est en mesure de savoir qui consulte le site web. S’il constate qu’une autorité quelconque consulte son site, il peut facilement aussitôt changer les serveurs utilisés par le site afin de masquer l’identité des auteurs du site.
[86] D’ailleurs, l’enquêteur de l’Autorité a constaté qu’il y a eu un tel changement de serveurs entre le 13 et le 17 juillet 2017.
[87] Les recherches et vérifications de l’enquêteur sur ce forum effectuées le 13 juillet 2017 et les informations transmises à l’enquêteur par le dénonciateur ont permis de démontrer que la licence de clavardage en direct utilisée à cette date et portant le numéro [...] correspond à celle qui était utilisée par divers sites Internet de sociétés dans lesquelles est impliqué l’intimé Lacroix, notamment InterAxe inc., FinaOne inc. et Mini-Prêts inc.[56].
[88] Or, le 17 juillet 2017, une nouvelle vérification faite par l’enquêteur a permis de constater qu’à cette date la licence de clavardage en direct utilisée aurait été changée pour la licence [...], laquelle est reliée à www.interaxe.com, www.mini-prets.com, www.finaone.com et www.plexcoin.com.
[89] Tel que mentionné précédemment, FinaOne inc. et Mini-Prêts inc. ont toutes pour premier actionnaire soit Dominic Lacroix ou DL Innov. et ont leur siège au même endroit que DL Innov.
[90] Ainsi, suite au témoignage de l’enquêteur sur ses travaux, ses vérifications ainsi que des informations corroborées qu’il a obtenues de sa source et de l’administrateur du site cryptofr.com, le Tribunal considère que la preuve est suffisante à cette étape à l’effet que les sociétés dans lesquelles l’intimé Lacroix est soit dirigeant ou actionnaire principal seraient impliquées dans PlexCorps, notamment au niveau de la promotion de PlexCoin et de ses lignes d’affaires PlexBank, PlexCard et PlexWallet auprès des investisseurs québécois.
Le Droit
[91] Avant de se prononcer sur les conclusions demandées par l’Autorité, il convient de déterminer dans un premier temps si nous sommes en présence d’une valeur mobilière, dans un deuxième temps, il faut préciser s’il s’agit d’un placement au sens de la loi et finalement si nous sommes en présence d’une preuve prima facie d’un manquement à la Loi sur les valeurs mobilières permettant au Tribunal d’émettre les ordonnances demandées.
Le contrat d’investissement
[92] La Loi sur les valeurs mobilières s’applique à toutes les formes d’investissement qui sont décrites à l’article 1 de cette loi, incluant le contrat d’investissement prévu à son paragraphe 7°, lequel est défini comme suit au deuxième alinéa de cet article :
« La présente loi s’applique aux formes d’investissement suivantes:
[…]
7° un contrat d'investissement;
[…]
Le contrat d’investissement est un contrat par lequel une personne s’engage, dans l’espérance du bénéfice qu’on lui a fait entrevoir, à participer aux risques d’une affaire par la voie d’un apport ou d’un prêt quelconque, sans posséder les connaissances requises pour la marche de l’affaire ou sans obtenir le droit de participer directement aux décisions concernant la marche de l’affaire. »
[93] La définition de contrat d’investissement a été analysée à de nombreuses reprises par les tribunaux en matière de valeurs mobilières et doit s’interpréter à la lumière des paramètres suivants, qui sont bien repris dans la décision Battah[57] de ce Tribunal que nous citons :
« La Cour suprême du Canada a, dans l’arrêt Pacific Coast Coin Exchange, déjà évoqué[61], statué que la Loi sur les valeurs mobilières était une loi d’ordre public qui visait à protéger les investisseurs et assurer le bon fonctionnement des marchés financiers; cela est accompli en encadrant les personnes qui travaillent dans ce marché et en assurant que tous ceux qui s’y regroupent aient à leur disposition des informations claires et complètes qui leur permettront de prendre des décisions d’investissement éclairées :
« J’ai fait allusion au but de la législation. Il s’agit nettement de la protection du public, comme l’a déclaré le juge Hartt dans Re Ontario Securities Commission and Brigadoon Scotch Distributors (Canada) Limited, à la p. 717:
[TRADUCTION]… The Securities Act, 1966, vise principalement… à protéger le public investisseur en exigeant la divulgation claire, complète et honnête de tous les faits pertinents aux valeurs mobilières émises. »[62]
[Référence omise]
[158] C’est pourquoi cette même cour a considéré qu’il fallait donner aux termes de cette loi une interprétation qui soit large et libérale; cela lui permet d’atteindre ses objectifs de protection des investisseurs et d’encadrement des marchés financiers. Devant déterminer si un produit offert était un « contrat de placement », connu plus tard sous le nom de contrat d’investissement, et s’appuyant lourdement sur le droit américain, la cour a alors prononcé des paroles qui ont pris un caractère fondamental en matière d’interprétation de cette loi :
« On doit donner à ce genre de législation protectrice une interprétation large qui tienne compte des réalités économiques qu’elle vise. L’élément décisif est le fond et non la forme. Comme on l’a souligné dans Tcherepnin v. Knight, à la p. 336:
[TRADUCTION]… en cherchant la signification et la portée de l’expression «valeurs mobilières» dans la Loi, le fond doit l’emporter sur la forme et l’accent doit être mis sur la réalité économique.
Dans la recherche du sens véritable de l’expression «contrat de placement», il faut aussi penser à un autre principe important. Comme l’a souligné la Cour suprême des États-Unis dans SEC v. W.J. Howey Co., une définition doit permettre (à la p. 299):
[TRADUCTION]… à la législation d’atteindre son but, savoir rendre obligatoire la divulgation complète et juste des faits relatifs à l’émission «des divers types d’effets qui, dans le commerce, entrent ordinairement dans la notion de valeurs mobilières»… Elle contient un principe souple plutôt que statique, capable de s’adapter aux innombrables plans employés par ceux qui cherchent à utiliser l’argent des autres en leur promettant des profits.
Cela ne signifie pas que la législation vise uniquement les plans qui sont effectivement frauduleux; elle a plutôt trait aux accords qui ne permettent pas aux clients de connaître exactement la valeur de leur investissement. »[63]
[Références omises] »
[94] Ainsi, afin de déterminer si nous sommes en présence d’un contrat d’investissement, il convient d’analyser chacun des aspects de sa définition à la lumière des faits relatifs à l’offre faite au public dans le présent dossier.
Un contrat par lequel une personne s’engage
[95] Dans le présent cas, l’engagement est clair, en effet la simple acquisition éventuelle par un individu d’un PlexCoin constituera un engagement au sens de la définition de contrat d’investissement.
[96] Nous soulignons qu’à l’heure actuelle, le site web de PlexCoin permet à toute personne de s’inscrire et de se placer sur une liste de priorité pour son acquisition éventuelle, ce qui est censé maximiser ses chances de profits.
[97] Le Tribunal ne considère pas cette inscription comme étant l’engagement au sens que le prévoit la définition de contrat d’investissement dans la loi, puisque cette inscription ne comporte aucune obligation ferme d’éventuellement souscrire à l’acquisition de PlexCoin malgré qu’elle incite à l’inscription rapide afin d’obtenir de meilleurs rendements.
[98] Par ailleurs, tel qu’il le sera plus amplement démontré plus tard dans la présente décision avec plus de détails, cette sollicitation d’investisseurs en vue de l’acquisition d’une valeur mobilière, de la part de l’émetteur et de ses promoteurs, constitue un placement au sens de la loi.
[99] Le montage proposé vise l’acquisition d’un PlexCoin par un investisseur et de l’avis du Tribunal ceci constitue l’engagement par la voie d’un apport au sens de la définition de contrat d’investissement prévu à la Loi.
Dans l’espérance de bénéfice qu’on lui a fait entrevoir
[100] Dans le présent dossier, l’expectative de profit et de bénéfice est au cœur du stratagème de commercialisation du PlexCoin.
[101] En effet, et tel qu’il a été démontré lors de l’audition du 20 juillet 2017, le produit est présenté au public comme étant une opportunité d’investissement.
[102] Le site Internet promet des profits sur leur investissement allant jusqu’à 1 354 % aux premiers acheteurs sur leur investissement.
[103] Le produit en question se vendrait par tranches. Chaque tranche est associée à un pourcentage de profits qui déclinerait jusqu’à 200 %.
[104] Pour le Tribunal, le critère de l’espérance d’un bénéfice serait ainsi clairement rencontré conformément à la définition du contrat d’investissement.
[105] De plus, au-delà du pourcentage de rendement promis, le programme de référencement promet des rendements supplémentaires aux éventuels acheteurs de PlexCoin ou aux utilisateurs de l’éventuelle carte PlexCard.
[106] Ces promesses de rendements supplémentaires se qualifient également de « bénéfices » au sens de la définition de contrat d’investissement.
[107] De l’avis du Tribunal, un investisseur peut facilement être intéressé ou motivé d’acheter des PlexCoin sur cette expectative de profits qui lui est offerte par l’émetteur et ses promoteurs.
[108] D’ailleurs, certaines personnes sur le forum de cryptofr.com s’exprimaient comme suit en ce sens :
« Il est vrai que, d’après ce que vous avez tous dit ici, je ne suis plus très sûr de vouloir investir l’argent destiné à mon permis de conduire pour espérer m’acheter à la fin une voiture en plus de m’être payé le permis, mais des personnes plus friquées que moi pourraient ne pas hésiter du fait de l’opportunité énorme que cela représente ».[58]
La participation au risque d’une affaire par la voie d’un apport ou d’un prêt quelconque
[109] Cette notion « d’affaire » eu égard au contrat d’investissement a été abondamment interprétée par la jurisprudence et s’adaptant aux différents types d’investissements et montages financiers qui sont proposés aux investisseurs. Elle est bien résumée et illustrée dans la décision Corporation Première Équité[59] :
« L’affaire, c’est l’ensemble des étapes qui constituent un plan, un programme complet d’investissement en commun dans un projet ou une entreprise quelconque. Ici, l’affaire porte sur un projet de recherches fondamentales et expérimentales sur un système informatique de prévisions des dérèglements cardiaques. »
[110] Dans cette décision on y indique également :
« La marche de l’affaire s’entend de l’ensemble du projet, à partir du choix de l’immeuble, en passant par l’évaluation, les améliorations, la conception et l’organisation juridique et financière, le groupement de co-investisseurs et l’organisation et du contrôle subséquent, et non seulement de l’administration courante de l’immeuble. Très peu d’épargnants, sauf des spécialistes, possèdent les connaissances nécessaires. Or, c’est le public en général qui est sollicité et à qui une part dans une telle affaire est proposée. »[60]
[111] Cette notion d’affaire a été ultérieurement développée par la jurisprudence du Tribunal dont dans la décision Biolux qui ajoute :
« La « marche de l’affaire » et son succès financier, ne dépend pas que des seuls résultats scientifiques, mais aussi de la qualité de chacune des étapes nécessaires, soit la conception à la planification, la structure financière, juridique et fiscale, l’obtention des fonds, l’organisation et le contrôle du projet et la commercialisation éventuelle. »[61]
[112] En effet, à première vue, certains pourraient prétendre que nous sommes simplement en présence d’une acquisition d’une cryptomonnaie, soit le PlexCoin, laquelle en soi ne serait pas une « affaire » au sens de la définition du contrat d’investissement.
[113] De l’avis du Tribunal, il faut aller plus loin que l’examen de la simple acquisition d’une supposée cryptomonnaie.
[114] Dans le présent dossier, pour faire l’évaluation de « l’affaire », nous devons l’étendre à l’ensemble de l’offre faite au public.
[115] Ainsi dans ce qui est proposé à l’investisseur, « l’affaire » c’est l’ensemble du montage qui est offert à l’investisseur incluant sa création, sa promotion, l’émission du PlexCoin dans le public, sa mise en marché, la gestion des bonus de rendements qui l’accompagnent, la gestion de sa liquidité, sa sécurité et la mise en place d’un marché viable pour cette cryptomonnaie.
[116] Dans ce montage, l’expertise et l’implication des intimées vont au-delà du stade de l’émission du Plexcoin et sont essentielles au fonctionnement de l’affaire.
[117] Selon les propos de l’enquêteur au dossier, il s’agit ici d’une cryptomonnaie centralisée contrairement au « Bitcoin » qui lui est une cryptomonnaie décentralisée.
[118] Pour le Tribunal, la personne qui s’inscrit au site de PlexCoin pour faire l’acquisition de PlexCoin participe aux risques d’une affaire au sens où l’entend la définition du contrat d’investissement de la Loi sur les valeurs mobilières, car il y a une affaire et l’investisseur potentiel participe ou partage le risque relié à cette affaire. Ainsi, l’investisseur peut faire moins de profits qu’espérer ce qui constitue un risque ou tout simplement perdre son investissement malgré qu’on lui a fait des représentations à l’effet que son investissement était garanti.
[119] De plus, la participation à ce risque par la voie « d’un apport ou d’un prêt quelconque » consiste au débours de sommes d’argent ou autres nécessaires pour l’acquisition du PlexCoin. Que cette acquisition se fasse par carte de crédit, ou bien par l’entremise d’une autre monnaie virtuelle, le cas échéant, ceci constitue un apport au sens de la définition de contrat d’investissement.
Sans posséder les connaissances requises pour la marche de l’affaire ou sans obtenir le droit de participer directement à la marche de l’affaire
[120] Les deux derniers critères du contrat d’investissement s’analysent d’une manière alternative, car seule la rencontre de l’un ou l’autre de ces deux critères en plus des critères précédents permet de faire la qualification de contrat d’investissement.
[121] Malgré tout, de l’avis du Tribunal ces deux critères sont rencontrés.
[122] En effet, dans le présent dossier, les acheteurs de PlexCoin reposent entièrement sur l’expertise et la spécialisation des créateurs de la monnaie virtuelle et le montage du produit proposé.
[123] PlexCorps s’annonce sur son site web comme étant un regroupement de 40 spécialistes programmeurs, ingénieurs et experts en cryptomonnaie.
[124] Cette cryptomonnaie est offerte à tout le monde via le web, soit le public en général, lequel ne dispose pas des connaissances et de l’expertise requises pour la marche d’une telle affaire.
[125] En ce qui a trait à la prise de décisions concernant la marche de l’affaire, à notre avis, la seule décision qu’un acheteur potentiel de PlexCoin peut prendre est celle d’investir ou de ne pas investir, donc en aucun temps l’acheteur potentiel ne participe à aucune décision entourant la marche de l’affaire.
[126] Finalement, au-delà des critères de la définition de contrat d’investissement, le Tribunal doit examiner la réalité économique qui se cache derrière l’offre qui est faite au public pour laquelle le fond l’emporte sur la forme, comme l’a reconnu la Cour Suprême dans la décision Pacific Coast[62] :
« Such remedial legislation must be construed broadly, and it must be read in the context of the economic realities to which it is addressed. Substance, not form, is the governing factor. As noted in Tcherepnin v. Knight[9], at p. 336:
…in searching for the meaning and scope of the word ‘security’ in the Act, form should be disregarded for substance and the emphasis should be on economic reality.
In the search for the true meaning of the expression “investment contract”, another guideline must also be present in the forefront of our thinking. In the words of the Supreme Court of the United States in SEC v. W.J. Howey Co.[10], any definition must permit (at p. 299):
…the fulfillment of the statutory purpose of compelling full and fair disclosure relative to the issuance of ‘the many types of instruments that in our commercial world fall within the ordinary concept of a security.’…It embodies a flexible rather than a static principle, one that is capable of adaptation to meet the countless and variable schemes devised by those who seek the use of the money of others on the promise of profits. »
[Références omises]
[127] D’ailleurs, au Québec, dans la décision Lantech Communications inc. et Réjean Lamothe[63], la Commission des valeurs mobilières du Québec (« CVMQ ») a conclu que les contrats d’investissement comportent fréquemment une composante de vente d’un bien matériel et d’une participation à un investissement. Il faut aller au-delà des apparences de la vente du produit pour apprécier la réalité économique de l’affaire :
« La Commission doit aller au-delà des apparences du contrat de vente de logiciel pour en apprécier la réalité économique et plus particulièrement tenir compte du fait que cet achat autorise l'acquéreur à participer à la Promotion « A » mise sur pied par Lantech. La participation à la Promotion « A » est fortement publicisée dans la documentation de vente (notamment dans la pièce D-1) et constitue certainement un des facteurs déterminants pouvant amener une personne à défrayer 500 $ pour l'achat du logiciel Stratège, puisque cet achat peut générer 5 010 $ de bénéfices divers. Même si une partie du paiement représente l'achat d'un bien physique (le ou les disques sur lesquels le logiciel est fixé) ou d'une licence d'utilisation d'un droit intellectuel (logiciel), il nous apparaît clairement qu'une partie substantielle du paiement est attribuable à un apport pour participer à une affaire. Sous l'apparence de la vente d'un logiciel, le contrat vise dans son essence la participation à l'affaire mise sur pied par Lantech. Le fait qu'un investissement soit accompagné d'une vente d'un bien réel ne suffit pas pour soustraire l'opération de la Loi sur les valeurs mobilières.
Les contrats d'investissement se composent fréquemment d'un bien matériel et d'une participation à un investissement. »
[128] Plus récemment, aux États-Unis, la Securities and Exchange Commission (la « SEC ») a rendu une décision qui a en quelque sorte adapté ce principe dans le monde de la technologie dans la décision SEC v. Traffic Monsoon[64].
[129] Il s’agit d’un cas où une société de publicité vendait à ses membres par Internet des produits qui promettaient un certain nombre de visites sur leur site web. Or, un de ces produits vendus au coût de 50 $ permettait d’acheter un nombre déterminé de visites sur le site de la société acheteuse et permettait aussi à l’acheteur de partager les revenus de Traffic Monsoon, si cet acheteur s’engageait à cliquer sur un nombre déterminé d’annonces appartenant à d’autres personnes. À cela s’ajoutaient des commissions de référence à être versées aux acheteurs.
[130] Dans cette affaire, la SEC a notamment qualifié ce procédé de stratagème à la Ponzi, puisque Traffic Monsoon utilisait les sommes reçues des derniers acheteurs pour les verser aux premiers en redevances. Elle s’est également longuement prononcée sur les questions de territorialité et de juridiction alors que la majorité des activités avaient eu lieu à l’extérieur des États-Unis.
[131] Au-delà de ces considérations, dans ce jugement, la SEC s’exprime sur la réalité économique derrière ces transactions comportant une acquisition, mais également des rendements potentiels, en les qualifiant de contrats d’investissement :
« The fact that members received some services for their AdPack purchases, however, does not mean that the AdPack was not an investment. The same services available through the AdPack could be purchased à la carte for just $10.95. The only explanation for why members would pay an additional $39.05 for the same services was that they wanted to invest their money to obtain the generous returns obtained by early investors. The evidence clearly points to the fact that Traffic Monsoon’s explosive growth was driven by members purchasing and repurchasing AdPacks in order to obtain the incredible returns on their investment, not by intense demand for Traffic Monsoon’s services. Indeed, many AdPack purchasers had no interest in the website visits Traffic Monsoon offered, and Traffic Monsoon only ever delivered a fraction of the clicks it promised to deliver. In short, the economic reality of the AdPack purchases is that they were investments. »
[132] Or, dans la présente offre de PlexCoin au public, la réalité économique qui se dégage de ce montage est à l’effet que ce qui serait offert au public serait un investissement comportant des revenus potentiels de 1 354 %.
[133] L’ensemble de la mise en marché qui est faite sur le produit repose sur la possibilité de faire des profits et des bénéfices avec ce produit.
[134] En plus des redevances annoncées sur référencements, des rendements mirobolants sur investissement seraient promis. C’est notamment sur cette base qu’on incite le public à acheter des PlexCoin. Également, plus ils seront achetés rapidement, plus l’investisseur pourra bénéficier d’un rendement substantiel.
[135] Dans ce cas-ci, même si la monnaie proposée à l’investisseur peut être utilisée avec la PlexCard ou placée plus tard à la PlexBank ou même échangée en Euro ou en dollars, il n’en demeure pas moins qu’au moment où on offre ce produit au public aucun de ces services n’est disponible et la seule raison qui justifie l’acquisition du PlexCoin pour l’investisseur est l’opportunité d’investissement, puisqu’il a été démontré qu’on ne pourrait à cette époque l’utiliser à aucune autre fin.
[136] Vu ce qui précède, notamment la rencontre de tous les critères du contrat d’investissement, le Tribunal est d’avis que l’offre faite au public telle que présentée dans le présent dossier serait une valeur mobilière et se qualifierait de contrat d’investissement au sens de la Loi sur les valeurs mobilières.
Le placement d’une valeur mobilière
[137] Dans la Loi sur les valeurs mobilières, le terme placement est défini à son article 5, lequel se lit comme suit :
« placement »:
1° le fait, par un émetteur, de rechercher ou de trouver des souscripteurs ou des acquéreurs de ses titres;
(...)
4° le fait, par le souscripteur ou l'acquéreur qui a acquis des titres sans que fût établi le prospectus exigé par la loi et sans que l'opération fît l'objet d'une dispense, de rechercher ou de trouver des acquéreurs;
(...)
7° le fait, par un intermédiaire, de rechercher ou de trouver des souscripteurs ou des acquéreurs de titres faisant l'objet d'un placement en vertu des paragraphes 1° à 6° »;
[138] Ainsi, selon la loi, le seul fait de rechercher ou de trouver des souscripteurs ou des acquéreurs à des titres constitue un placement.
[139] Dans le présent dossier, cette nuance est importante puisqu’au moment de l’audience et selon la preuve soumise au Tribunal, aucun investisseur n’aurait encore acheté de PlexCoin par l’entremise des sites Internet de PlexCorps et de PlexCoin ou de leurs profils Facebook. Il n’en demeure pas moins que la sollicitation et la recherche d’investisseurs via le web leur demandant de s’inscrire en ligne constituent un placement au sens de la loi.
[140] Les informations fournies sur le site web de PlexCoin et les commentaires sur le site de cryptofr.com indiquent qu’un livre blanc qui s’apparente à un prospectus serait bientôt disponible et diffusé. Ce dernier contiendrait l’information utile pour les investisseurs avant qu’ils n’achètent leurs PlexCoin. Malgré cette affirmation, ledit livre blanc devait être disponible au moment de la sollicitation ou de la recherche, car même à cette étape, ceci constitue un placement au sens de la loi requérant que le souscripteur puisse avoir à sa disposition toutes les informations requises.
Les obligations prévues à la loi et les manquements
La Loi sur les valeurs mobilières impose plusieurs obligations aux personnes qui désirent effectuer un placement d’une valeur, dont notamment les obligations d’établir un prospectus visé par l’Autorité et l’obligation d’inscription.
L’obligation d’un prospectus visé pour procéder au placement
[141] Suivant l’alinéa 1 de l’article 11 de la Loi sur les valeurs mobilières :
« Toute personne qui entend procéder au placement d’une valeur est tenue d’établir un prospectus soumis au visa de l’Autorité. La demande de visa est accompagnée des documents prévus par règlement. »
[142] L’objectif derrière l’exigence de prospectus prévue à l’article 11 de la loi est prévu à l’article 13 qui stipule :
« Le prospectus présente les informations et les attestations prévues par règlement.
Il révèle de façon complète, véridique et claire, tout fait important relatif à un titre émis ou qui fait l’objet du placement. »
[143] Ainsi lorsqu’un placement est effectué avec un prospectus visé par l’Autorité, l’investisseur a en mains l’information utile qui lui permet de prendre une décision d’investissement éclairée.
[144] Dans le présent dossier et sur la base de la preuve prima facie qui a été présentée au Tribunal, il apparaît qu’il y aurait eu placement de valeur auprès de nombreux investisseurs québécois sans qu’il n’y ait de prospectus visé ou de dispense, tel que le prévoit la loi.
[145] Non seulement il n’y a pas de prospectus visé, mais la structure employée demande l’adhésion ou l’inscription des investisseurs sans qu’aucune information ne leur soit fournie.
[146] Ce n’est qu’après cette adhésion ou leur inscription qu’ils devraient recevoir de l’information via un supposé livre blanc. Celui-ci ne serait pas alors diffusé pour des raisons de secret commercial. Cette façon de faire est totalement contraire aux principes mis de l’avant par la Loi sur les valeurs mobilières.
[147] En l’absence de prospectus, le risque auquel s’expose l’investisseur dans ce placement est très grand puisqu’il n’a aucune information sur l’émetteur, sur ses dirigeants, sur son plan d’affaire, sur sa situation financière, ni même sur quel endroit seront dirigées les sommes qu’il investit, ni sur quand et comment il pourra échanger ses PlexCoin ou recevoir ses bonus de référencements.
[148] En fait, très peu d’information sur ce qui pourrait lui être utile pour prendre une décision d’investissement éclairée ne lui est fournie.
L’obligation d’inscription
[149] L’article 148 de la Loi sur les valeurs mobilières impose à toute personne qui agit comme courtier d’être inscrite auprès de l’Autorité. Cet article stipule :
« Nul ne peut agir à titre de courtier, de conseiller ou de gestionnaire de fonds d’investissement, à moins d’être inscrit à ce titre. »
[150] La notion de courtier est définie à l’article 5 de la Loi sur les valeurs mobilières et inclut les activités suivantes :
« courtier »: toute personne qui exerce ou se présente comme exerçant les activités suivantes:
1° des opérations sur valeurs comme contrepartiste ou mandataire;
2° le placement d'une valeur pour son propre compte ou pour le compte d'autrui;
3° tout acte, toute publicité, tout démarchage, toute conduite ou toute négociation visant même indirectement la réalisation d'une activité visée au paragraphe 1° ou 2°; ».
[151] Un des objectifs derrière la nécessité de passer par une personne inscrite pour faire un placement est notamment de faire en sorte que des produits aussi complexes que des valeurs mobilières ne puissent être offerts au public en général que par des personnes réglementées et qualifiées dans le domaine, afin de leur permettre de faire des choix d’investissement éclairés qui conviennent à leurs besoins.
[152] L’Ontario Securities Commission a souligné, dans l’affaire First Federal Capital (Canada) Corp. (Re)[65], qu’une sollicitation effectuée par l’entremise d’Internet vise essentiellement des investisseurs non sophistiqués et vulnérables :
« (55) Sophisticated investors are not approached with investment opportunities through the Internet. Relatively unsophisticated retail investors are the target of solicitation through the Internet. The reach of the internet is far wide. […] »
[153] Dans le présent dossier, il a été démontré qu’aucun des intimés ne détenait d’inscription en valeurs mobilières pour effectuer ce placement de valeurs mobilières ce qui constituerait une contravention à la loi.
Conclusion
[154] En conséquence, étant donné que nous serions en présence d’un placement dans un contrat d’investissement sans prospectus visé pour lequel les intimés ne possèdent aucune inscription requise en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières, le Tribunal considère avoir eu la démonstration de manière ex parte d’une preuve prima facie de ces manquements justifiant de rendre certaines ordonnances conservatoires afin de protéger le public.
[155] Les alinéas 1 et 2 de l’article 265 de la Loi sur les valeurs mobilières prévoient :
« Le Tribunal administratif des marchés financiers peut interdire à une personne toute activité en vue d’effectuer une opération sur valeurs.
Il peut également interdire à une personne ou à une catégorie de personnes toute activité reliée à des opérations sur une valeur donnée. »
[156] Dans le présent dossier, le Tribunal considère justifier d’utiliser le pouvoir d’interdiction qui lui est dévolu par la loi pour ordonner aux intimés de cesser toute opération sur valeurs eu égard à ce placement de valeurs.
[157] De plus, de l’avis du Tribunal, la réalité d’Internet commande l’utilisation de mesures plus ciblées et précises afin de faire cesser rapidement toute sollicitation auprès du public investisseur notamment via l’article 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers qui prévoit :
« Le Tribunal peut également, à la demande de l’Autorité, prendre toute mesure propre à assurer le respect d’un engagement pris en application de la présente loi, de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (chapitre D-9.2), de la Loi sur les entreprises de services monétaires (chapitre E-12.000001), de la Loi sur les instruments dérivés (chapitre I-14.01) ou de la Loi sur les valeurs mobilières (chapitre V-1.1) ou à assurer le respect des dispositions de ces lois. »
[158] Le Tribunal est très préoccupé par la vitesse exponentielle à laquelle les investisseurs s’inscrivent et démontrent un intérêt dans un placement qui serait illégal dans la province de Québec.
[159] Internet est un médium qui permet de rejoindre un très grand nombre de personnes en peu de temps, tel que la preuve l’a démontré.
[160] Afin d’assurer la protection du public dans de telles circonstances, le Tribunal juge approprié d’utiliser le pouvoir qui lui est dévolu par l’article 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers pour rendre des ordonnances nécessaires afin de faire cesser une activité sur valeurs mobilières en contravention à la Loi.
[161] Ainsi, le Tribunal considère justifié d’ordonner à PlexCorps, PlexCoin, DL Innov inc., Gestio inc. et à l’intimé Lacroix de retirer toute annonce ou sollicitation de même nature que celle faite sur les sites Internet www.plexcorps.com et www.plexcoin.com, Facebook, de tout site Internet de discussions ou autrement, ou en lien avec des valeurs mobilières ou de toutes formes d’investissement, publiée ou diffusée, par Internet ou autrement directement ou indirectement, par ces derniers.
[162] De plus, afin de protéger le public investisseur, le Tribunal considère également justifié d’ordonner à PlexCorps, PlexCoin, DL Innov inc., Gestio inc. et à l’intimé Lacroix de fermer les sites Internet www.plexcorps.com et www.plexcoin.com ou tout autre site de même nature que ces sites, publié ou diffusé, directement ou indirectement, par ces derniers ou à défaut, les rendre inaccessibles pour toute adresse IP du Québec afin d’empêcher que toute personne résidant au Québec puisse consulter ces sites Internet et ordonner la parution de l’ordonnance rendue par le Tribunal administratif des marchés financiers sur la page d’accueil de ces sites.
[163] Dans le présent dossier et en cours d’audience, l’Autorité a demandé au Tribunal d’amender sa procédure et d’y ajouter la conclusion suivante :
« Ordonner à toute personne qui recevra signification de la présente décision de prendre tout moyen à sa disposition afin de la faire respecter ».
[164] Malheureusement, le Tribunal ne peut accepter cette demande de rendre une ordonnance à l’encontre de toute personne, et ce, pour les mêmes motifs que ceux énoncés dans la décision de Xavier Gervais et X Capital Services financiers[66] émise récemment par le Tribunal. En effet, une conclusion similaire avait été demandée au Tribunal dans l’affaire d’X Capital dans le cadre d’une ordonnance de blocage ex parte et à ce sujet le Tribunal a indiqué ce qui suit et refuse cette demande pour ces mêmes motifs :
« En effet, de l’avis du Tribunal, une ordonnance de blocage doit viser une personne qui y est spécifiée et une preuve par prépondérance doit être faite devant le Tribunal en lien avec chaque personne qui serait sujette à une telle ordonnance. De l’avis du Tribunal, d’accepter une ordonnance telle que libellée ci-haut qui donnerait la latitude à l’Autorité de bloquer à son entière discrétion des fonds titres ou autres biens de toute personne à qui elle signifie le présent jugement et équivaudrait en quelque sorte à une délégation du Tribunal de son pouvoir d’ordonner un blocage et à dénaturer la portée et le but des dispositions législatives qui encadrent ce processus.
Une ordonnance de blocage est un pouvoir extraordinaire qui est dévolu au Tribunal et une mesure d’une nature qui peut s’apparenter avec quelques différences à une injonction de type Mareva, ce qui exige des mesures d’encadrement et de contrôle sérieux. Le Tribunal ne pourrait se décharger de son rôle de gardien de l’intérêt public en permettant à la demanderesse d’exercer un pouvoir aussi exceptionnel à son entière discrétion tout simplement en signifiant à qui que ce soit la présente décision sans contrôle judiciaire approprié.
De plus, selon l’article 115.9 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers toute personne qui est visée par une ordonnance ex parte du Tribunal dispose d’un délai de 15 jours de la décision ainsi rendue pour déposer au Tribunal un avis de contestation. Or, une telle ordonnance générale adressée à toute personne nierait en quelque sorte le droit de cette personne d’être entendue dans les 15 jours de la décision et rend techniquement impossible une contestation en bonne due et forme puisqu’une telle personne n’est même pas partie à l’instance ce qui, à notre avis, irait à l’encontre des règles de justice naturelle. »[67]
[Référence omise)
[165] En conséquence et pour les mêmes motifs, le Tribunal refuse cette demande.
[166] Or, devant la réticence exprimée par le Tribunal lors de l’audience du 20 juillet 2017, les procureures de l’Autorité ont alors demandé d’amender à nouveau leur procédure afin d’y ajouter une ordonnance en vertu de l’article 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers à l’encontre de la mise en cause Facebook Canada exigeant à cette dernière de fermer les comptes Facebook de PlexCorps et de PlexCoin. Le Tribunal a autorisé cet amendement.
[167] Cette ordonnance à l’encontre de Facebook permettrait, selon les procureures de l’Autorité, de protéger le public en limitant la sollicitation et la propagation sur Internet des référencements d’investisseurs et l’accès à de nouveaux investisseurs à ce placement illégal étant donné que nous n’avions pas d’autres moyens de retracer et de contacter directement PlexCorps et PlexCoin n’ayant même pas d’identité juridique officielle.
[168] Dans un objectif de protection des investisseurs et dans l’intérêt public, le Tribunal souscrit dans ces circonstances à cette demande de rendre une telle ordonnance en vertu de l’article 94 de la Loi sur l’Autorité sur les marchés financiers à l’encontre de Facebook Canada afin d’uniquement fermer de leur plateforme les comptes de PlexCorps et de PlexCoin.
[169] Le Tribunal a eu l’occasion de prendre connaissance de l’arrêt récent de la Cour Suprême du Canada dans l’affaire de Google c. Equustek Solutions inc.[68].
[170] Cette décision traite de propriété intellectuelle. La question en litige était de savoir si Google pouvait se voir ordonner, en attendant la tenue d’un procès, de bloquer l’ensemble des sites Web utilisés en contravention avec plusieurs ordonnances judiciaires. Ces sites étaient utilisés pour vendre illégalement des éléments de propriété intellectuelle d’une autre entreprise.
[171] Dans ce dossier, le moteur de recherche Google était un tiers au litige, mais son moteur de recherche facilitait la violation d’ordonnances judiciaires. À ce sujet la Cour s’est exprimé comme suit :
« L’injonction en l’espèce découle du fait que le concours de Google est nécessaire pour ne pas faciliter la violation d’ordonnances judiciaires par D et causer un préjudice irréparable à E. Sans cette injonction, il était clair que Google continuerait de faciliter ce préjudice continu. »
[172] Ainsi, dans ce dossier, le plus haut Tribunal du pays a statué ce qui suit et a permis l’ordonnance demandée à l’encontre de Google :
«Ces circonstances font en sorte que Google a joué un rôle déterminant en permettant au préjudice de se produire. Tout bien considéré, puisqu’une injonction mondiale est la seule façon efficace de réduire le préjudice causé à E jusqu’à l’issue du procès — la seule façon, en fait, de préserver E elle-même jusqu’à ce que le litige sous-jacent soit réglé — et puisque le préjudice subi par Google en contrepoids est minime, voire inexistant, l’injonction interlocutoire devrait être confirmée. »
[173] Malgré que le recours dans l’affaire Equustek Solutions inc. diffère du présent recours en ce qu’il émanait d’un recours civil alors qu’ici nous sommes en droit administratif lequel applique une loi d’ordre public.
[174] Par ailleurs, le Tribunal est d’avis qu’il peut être approprié de s’inspirer des principes élaborés dans ce jugement lorsqu’on doit rendre une ordonnance à l’encontre d’une une mise en cause qui est tierce à l’action, tel que Facebook, afin de faire cesser un préjudice et une conduite qui sont contraire à la Loi.
[175] Dans le présent dossier concernant les comptes Facebook de Plexcoin et PlexCorps, l’ordonnance à Facebook constitue, en l’espèce, le seul moyen pour faire cesser cette sollicitation d’investisseurs au Québec.
[176] En effet, dans un contexte où y a sollicitation illégale d’investisseurs par Internet, une telle ordonnance constitue un remède efficace pour faire cesser une contravention à une loi et éviter que de nombreux épargnants ne soient sollicités dans un placement fait en contravention de la Loi.
[177] Vu ce qui précède, le Tribunal est d’avis que le pouvoir de l’article 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers de prendre toute mesure propre à assurer le respect de la Loi lui permet d’ordonner à Facebook Canada de fermer les comptes de PlexCoin et PlexCorps.
[178] Finalement, le Tribunal a aussi jugé opportun d’accorder la demande de l’Autorité faite en vertu de l’article 16 du Règlement sur les règles de procédure du Tribunal administratif des marchés financiers afin de permettre la signification de l’ordonnance rendue le 20 juin dernier par l’entremise de Facebook à PlexCoin et PlexCorps, étant donné qu’il s’agit du seul moyen connu pour s’assurer d’une notification de cette ordonnance, en espérant que cette notification soit faite dans la séquence appropriée.
Les motifs impérieux
[179] Finalement, dans la présente affaire, il a été démontré qu’il y avait urgence d’agir vu l’imminence du placement qui devait avoir lieu incessamment.
[180] Il a été démontré prima facie que des investisseurs québécois auraient été visés par cette sollicitation dans ce placement et que le site continue de solliciter activement l’inscription de gens pour l’émission prochaine de PlexCoin.
[181] Il a été également démontré prima facie que plus de 5 000 personnes se seraient montrées intéressées à investir et que vu le système de référencement promis aux investisseurs potentiels via Facebook, que ce nombre d’investisseurs sollicités potentiels ou intéressés peut se multiplier chaque jour de manière exponentielle.
[182] Ainsi, le Tribunal considère qu’il a été démontré par prépondérance de preuve que nous sommes en présence de motifs impérieux en vertu de l’article 115.9 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers justifiants de procéder de manière ex parte dans cette affaire afin de rendre les ordonnances nécessaires pour protéger le public québécois. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle le Tribunal a prononcé de manière urgente les ordonnances du 20 juillet 2017.
DISPOSITIF
CONSIDÉRANT la preuve qui a été présentée par l’Autorité ce qui inclut celle démontrant les motifs impérieux justifiant une intervention immédiate et sans audition préalable des intimés et afin de protéger l’intérêt public, le Tribunal administratif des marchés financiers, en vertu des articles 93, 94 et 115.9 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers[69], de l’article 265 de la Loi sur les valeurs mobilières[70] et de l’article 16 du Règlement sur les règles de procédure du Tribunal administratif des marchés financiers[71] :
ACCUEILLE partiellement la demande amendée de l’Autorité des marchés financiers au présent dossier;
INTERDIT à PlexCorps, PlexCoin, DL Innov inc., Gestio inc. et Dominic Lacroix d'exercer toute activité en vue d'effectuer, directement ou indirectement, toute opération sur toutes formes d'investissement décrites à l'article 1 de la Loi sur les valeurs mobilières, dont la sollicitation et le démarchage d’investisseurs, au Québec ou à partir du Québec vers l’extérieur du Québec;
ORDONNE à PlexCorps, PlexCoin, DL Innov inc., Gestio inc. et Dominic Lacroix de retirer toute annonce ou sollicitation de même nature que celle faite sur les sites Internet www.plexcorps.com et www.plexcoin.com, Facebook, de tout site Internet de discussions ou autrement, ou en lien avec des valeurs mobilières ou de toutes formes d’investissement, publiée ou diffusée, par Internet ou autrement directement ou indirectement, par ces derniers;
ORDONNE à PlexCorps, PlexCoin, DL Innov inc., Gestio inc. et Dominic Lacroix de fermer les sites Internet www.plexcorps.com et www.plexcoin.com ou tout autre site de même nature que ces sites, publié ou diffusé, directement ou indirectement, par ces derniers ou à défaut, les rendre inaccessibles pour toute adresse IP du Québec afin d’empêcher que toute personne résidant au Québec puisse consulter ces sites Internet et ordonner la parution de l’ordonnance à être rendue par le Tribunal administratif des marchés financiers sur la page d’accueil de ces sites;
ORDONNE à Facebook Canada LTD. de fermer les comptes Facebook de PlexCorps et PlexCoin;
AUTORISE l’Autorité des marchés financiers à procéder à la signification de la décision à venir à PlexCoin et PlexCorps par l’entremise de leur profil Facebook respectif;
REJETTE la conclusion demandée visant à « Ordonner à toute personne qui recevra signification de la présente décision de prendre tout moyen à sa disposition afin de la faire respecter ».
En application du second alinéa de l’article 115.9 de la Loi sur l'Autorité des marchés financiers, le Tribunal informe les intimés qu’ils ont une période de quinze jours pour déposer au Tribunal un avis de leur contestation, afin que puisse être tenue une audience relative à la présente décision, le cas échéant.
Il appartient alors aux intimés de communiquer avec le Secrétariat du Tribunal, au 1-877-873-2211, afin d’informer le Tribunal qu’ils entendent déposer un avis de leur contestation, le cas échéant. Les intimés sont aussi invités à prendre note qu’une partie a le droit de se faire représenter par un avocat. Le Tribunal informe également les personnes morales et les entités désirant être entendues dans le cadre du présent dossier qu’elles sont tenues de se faire représenter par avocat au cours d’une audience devant le Tribunal.
Tel que mentionné dans la décision du 20 juillet 2017, les conclusions susmentionnées sont entrées en vigueur le 20 juillet 2017, soit à la date à laquelle elles ont été prononcées et elles le resteront jusqu’à ce qu’elles soient abrogées ou modifiées.
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__________________________________ Me Lise Girard, juge administratif |
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__________________________________ Me Elyse Turgeon, juge administratif |
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Me Annie Parent et Me Nathalie Chouinard |
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(Contentieux de l’Autorité des marchés financiers) |
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Procureures de l’Autorité des marchés financiers |
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Date d’audience : |
20 juillet 2017 |
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[1] RLRQ, c. A-33.2, r. 1.
[2] RLRQ, c. A-33.2.
[3] RLRQ, c. V-1.1.
[4] RLRQ, c. A-33.2, r.1.
[5] RLRQ, c. A-33.2.
[6] RLRQ, c. V-1.1.
[7] RLRQ, c. A-33.2, r.1.
[8] Autorité des marchés financiers c. PlexCorps et al., QCTMF (Montréal), no 2017-023-001, 20 juillet 2017, Me Girard et Me Turgeon.
[9] Précité, note 3.
[10] Pièce D-1.
[11] Pièce D-2.
[12] Pièce D-3.
[13] Pièce D-3.
[14] Pièce D-4.
[15] Pièce D-5.
[16] Pièce D-6.
[17] Pièce D-7.
[18] Pièce D-8.
[19] Pièce D-9.
[20] RLRQ, c. S-31.1.
[21] Pièce D-11.
[22] Pièce D-19.
[23] Pièce D-12.
[24] Pièce D-13.
[25] Pièce D-15.
[26] Pièce D-15.
[27] Pièce D-16.
[28] Pièce D-17.
[29] Pièce D-19.
[30] Pièce D-21.
[31] Voir notamment Autorité des marchés financiers c. Micro-Prêts inc., 2011 QCBDR 60, Autorité des marchés financiers c. Micro-Prêts inc., 2011 QCBDR 70 (une levée), Autorité des marchés financiers c. Lacroix, 2017 QCTMF 63.
[32] Pièce D-4.
[33] Pièce D-4, p. 11.
[34] Pièce D-5, p.5.
[35] Pièce D-4.
[36] Pièce D-25, en liasse.
[37] Pièce D-26.
[38] Pièce D-30.
[39] Pièce D-30.
[40] Pièce D-30.
[41] Pièce D-30.
[42] Pièce D-4.
[43] Pièce D-6.
[44] Pièce D-29.
[45] Pièce D-28.
[46] Pièce D-6.
[47] Pièce D-14.
[48] Pièce D-7 p.3.
[49] Pièce D-14.
[50] Pièce D-10 et D-7.
[51] Pièce D-7.
[52] Pièce D-14.
[53] Pièce D-18, en liasse.
[54] Pièce D-18, en liasse.
[55] Pièce D-26 et pièce D-27, page 17, ligne 815, page 25, ligne 407, page 29, ligne 194.
[56] Pièce D-26 et pièce D-27, page 17, ligne 815, page 25, ligne 407, page 29, ligne 194.
[57] Autorité des marchés financiers c. Battah, 2012 QCBDR 81.
[58] Pièce D-7, page 5.
[59] Corporation Première Équité A.C.P. Inc., Commission des valeurs mobilières, Montréal, n° 8307, 29 mai 1987, R. Côté, M. Cusson et P. Dussault, 22.
[60] Page 22.
[61] Biolux Labs Inc. 1989-01-13, Vol. XX, n° 2, BCVMQ 1.
[62] Pacific Coast Coin Exchange c. Ontario Securities Commission, [1978] 2 R.C.S. 112, 127.
[63] 1998-03-13, Vol XXIX, n° 9, BCVMQ 2, p. 11.
[64] LLC, No 2:16-cv-00832-JNP, 2017 WL 1166333 (D Utah Mar 28, 2017).
[65] First Federal Capital (Canada) Corp. (Re), (2004), 27 O.S.C.B. 1603.
[66] Autorité des marchés financiers c. Gervais et al., QCTMF (Montréal), no 2017-020-001, 8 août 2017, Me Girard et Me Turgeon.
[67] Autorité des marchés financiers c. Gervais et al., QCTMF (Montréal), no 2017-020-001, 8 août 2017, Me Girard et Me Turgeon, par. 135 à 137.
[68] 2017 CSC 34.
[69] RLRQ, c. A-33.2.
[70] RLRQ, c. V-1.1.
[71] RLRQ, c. A-33.2, r.1.
AVIS :
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