Décision

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Ste-Marie c. Great-West, compagnie d'assurance-vie

2018 QCCS 4584

J.C.1466

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE LONGUEUIL

N° :

505-17-008748-164

 

DATE :

26 octobre 2018

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

JEAN-JUDE CHABOT, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

RÉGENT STE-MARIE

Partie demanderesse

c.

 

LA GREAT-WEST, COMPAGNIE D’ASSURANCE-VIE

et

LOCWELD INC.

Parties défenderesses

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Le demandeur réclame de son ex-employeur, la défenderesse Locweld inc. (ci-après « Locweld ») et de l’assureur du régime collectif d’assurances de Locweld, la défenderesse La Great-West, compagnie d’assurance-vie (ci-après « Great-West ») des dommages-intérêts de 290 000 $ et des dommages punitifs de 250 000 $ pour gestion fautive de sa réclamation d’assurance-invalidité résultant d’un événement à son travail et de l’aggravation de sa condition par la suite.

I. LE CONTEXTE

[2]           Locweld est une entreprise spécialisée dans la transmission et la distribution de pylônes.  Le demandeur Régent Ste-Marie (ci-après « Ste-Marie » sans irrespect) commence à travailler pour Locweld en janvier 2008 au poste de superviseur.  À titre d’employé de Locweld, il bénéficie d’un régime collectif d’assurance géré par la Great-West, dont une assurance-invalidité de courte durée (moins de dix-sept (17) semaines ou cent dix-neuf (119) jours) et de longue durée (plus de dix-sept (17) semaines) (P-1 et DL-1).

[3]           À partir de juillet 2014, Ste-Marie commence à se plaindre de surcharge de travail.  Le 24 octobre 2014, alors qu’il est au travail, il ressent un inconfort avec un serrement de poitrine, un point dans le dos et l’engourdissement de son bras gauche.  Il se rend alors à l’urgence du Centre de santé et de services sociaux du Sud-Ouest-Verdun.  Après examens, il ressort avec un diagnostic de trouble du sommeil second à trouble d’adaptation léger avec humeur anxieuse.  Il est référé à un psychologue et mis en arrêt de travail du 27 octobre au 3 novembre 2014 (P-2).

[4]           Le 29 octobre 2014, il rencontre son médecin de famille à St-Constant, le docteur Villeneuve, qui émet un certificat médical d’incapacité de travail pour la période du 27 octobre au 30 novembre 2014 pour repos médical complet.  Une réévaluation est prévue deux semaines plus tard (P-3).

[5]           Ste-Marie remet le certificat médical à son employeur.  Le 30 octobre, Marika Fontaine, alors agente en ressources humaines chez Locweld accuse réception des billets médicaux et lui indique que son dossier est incomplet (P-4).  Elle le réfère à la clause 2.01 de la Politique de congé de maladie-invalidité de courte et de longue durée employé(e)s salarié(e)s (DL-1), laquelle se lit comme suit :

2.01     Invalidité à court terme - Absences de moins de 17 semaines :

Lors d’une absence de trois (3) jours et plus consécutifs, l’employé doit fournir un certificat médical confirmant lisiblement le nom et numéro du médecin traitant, la durée exacte de l’absence, le diagnostic et la raison médicale justifiant l’arrêt de travail.  L’employé qui fournit un certificat médical provenant de l’extérieur du pays pourrait devoir se soumettre à un autre examen médical afin de mieux évaluer la situation localement.

Lorsque l’absence dépasse cinq (5) jours consécutifs, l’employé recevra des formulaires spécifiques devant être complétés par son médecin et un guide explicatif du programme de gestion de l’invalidité.  Le suivi de l’invalidité sera assumé par une compagnie d’assurance ou un organisme spécialisé dans le domaine.

[6]           Elle joint à son courriel les formulaires nécessaires à compléter (déclaration du salarié et déclaration initiale du médecin traitant) et lui indique de les faire parvenir directement à la Great-West dont elle indique l’adresse.

[7]           Le 5 novembre, Ste-Marie rencontre le Dr Villeneuve pour une réévaluation de son état et complétion des formulaires requis par la Great-West.  Le médecin pose un diagnostic de trouble d’adaptation  avec humeur  anxieuse et prescrit de l’Ativan (P-5, D-2 et D-3).  Contrairement à l’allégation du paragraphe 8 de la demande, les documents sont transmis le même jour à la Great-West par l’ancienne conjointe du demandeur, Guylaine Courcy, comme en fait foi l’accusé de réception de la Great-West (P-5).

[8]           Le 13 novembre 2014, faisant suite à une conversation téléphonique avec Ste-Marie, la gestionnaire en règlement de la Great-West, Nathalie Roussel-Boudreault (ci-après « Roussel-Boudreault » sans irrespect), l’informe que sa demande d’indemnisation ne contient pas suffisamment de renseignements médicaux pour établir un lien clinique entre son état et son incapacité à travailler.  Elle lui indique que l’assureur demande une évaluation médicale indépendante par un spécialiste et lui rappelle qu’il doit fournir une preuve satisfaisante de son admissibilité aux prestations d’assurance-invalidité en fournissant à la Great-West les documents nécessaires (P-6 et D-4).

[9]           Le 17 novembre, Ste-Marie rencontre de nouveau le Dr Villeneuve qui émet un certificat médical d’incapacité de travail du 17 novembre au 31 décembre 2014, avec un diagnostic de « trouble d’adaptation versus dépression majeure » (P-7) qu’il transmet le 26 novembre au chef d’alors des ressources humaines de Locweld, Philippe Chamberland (ci-après « Chamberland » sans irrespect), (P-7).

[10]        Entre-temps, la Great-West fixe au 18 novembre 2014 le rendez-vous de Ste-Marie avec le psychiatre Dr Claude Richer, retenu par le service indépendant de référence en expertises médicales, FFA Service d’expertises médicales (ci-après « FFA »), pour le 1er décembre 2014 (P-8 et D-5).

[11]        Le 5 décembre 2014, Ste-Marie dépose une plainte contre Locweld à la Commission des normes du travail (son appellation à l’époque) pour pratiques illégales et harcèlement psychologique.  La plainte sera rejetée le 27 février 2015, mais il demande la révision.  Finalement la plainte a été débattue devant le Tribunal Administratif du Québec (T.A.Q.) le 14 mai 2018, soit deux jours avant la présente audition.

[12]        Le 9 décembre 2014, après réception du rapport d’expertise du Dr Richer (D-6), la Great-West refuse la demande de règlement d’assurance-invalidité au motif que les renseignements médicaux reçus indiquent que l’expert « n’a pas été en mesure d’identifier des limitations fonctionnelles ou des restrictions » établissant des évidences cliniques supportant l’invalidité au terme de la police d’assurance (P-9 et D-7).  Elle l’informe qu’il peut demander la révision de sa demande en précisant le processus à suivre.  À noter que le rapport du Dr Richer mentionne qu’il n’y a pas d’évidence de dépression majeure et que le demandeur est apte au travail.

[13]        Le même jour, la Great-West transmet le rapport du Dr Richer au Dr Villeneuve (D-8), tel que prévu à la lettre D-5.

[14]        Le 16 décembre 2014, le demandeur rencontre de nouveau le Dr Villeneuve qui signe derechef un certificat médical d’incapacité de travail du 16 décembre 2014 au 30 janvier 2015 qu’il base, malgré le rapport du Dr Richer, sur un diagnostic de dépression majeure et que la conjointe du demandeur fait parvenir à Chamberland le 22 décembre 2014 (P-10).

[15]        Le 27 janvier 2015, le Dr Villeneuve rallonge la période d’incapacité du 26 janvier au 9 mars 2015 selon le même diagnostic (P-11).

[16]        Le 9 mars 2015, le Dr Villeneuve reconduit la période d’invalidité à une date indéterminée (P-12).

[17]        Du 19 décembre 2014 au 25 février 2015, Ste-Marie a quatre rencontres en processus de relation d’aide avec un thérapeute (P-18).

[18]        Le 19 mars 2015, il envoie une lettre à une conseillère en règlements de la Great-West, une dame Audrey M.B., dans laquelle il annonce contester la décision du 9 décembre 2014, qu’il a des documents qu’il lui a transmis, qu’il est suivi par un psychologue et fait part de ses doléances sur son état de santé physique et  mentale (P-13 et D-9).

[19]        Le 30 mars 2015, ladite Audrey M.B. accuse réception de la lettre.  Elle lui indique que la Great-West a communiqué avec son médecin pour obtenir des renseignements médicaux supplémentaires et que sa demande sera réévaluée lorsque les renseignements seront reçus (P-14 et D-10).

[20]        Le 10 avril 2015, le Dr Villeneuve renouvelle l’arrêt de travail du 10 avril au 15 juin 2015, sous le même diagnostic avec en plus un diabète déclaré (P-15).

[21]        Le 23 avril 2015, la Great-West reconnaît une période d’invalidité justifiée du 27 octobre 2014 au 1er décembre 2014 et informe Ste-Marie que sa rente d’invalidité sera versée par Locweld (P-16).  Elle l’informe également que la période d’invalidité réclamée après le 1er décembre 2014 est en évaluation et que la décision à cet égard lui sera transmise ultérieurement.

[22]        Le 24 avril, la Great-West transmet à FFA les documents fournis par Ste-Marie et demande que le Dr Richer révise le dossier Ste-Marie eu égard à ces renseignements.

[23]        Le 30 avril, le Dr Richer transmet un rapport complémentaire dans lequel, après analyse des rapports du Dr Villeneuve du 19 août 2014 au 16 avril 2015, des notes en lien avec le suivi du diabète de Ste-Marie des 30 octobre 2014 au 27 février 2015 et des résultats de laboratoire de mars, le Dr Richer conclut que « les nouvelles informations portées à ma connaissance ne viennent d’aucune façon modifier mon opinion et mes conclusions formulées dans mon rapport du 3 février 2015 » (D-13).  Il précise que les divergences de vues entre les deux médecins « reposent vraisemblablement sur une interprétation différente de la symptomatologie de Ste-Marie.

[24]        Le même jour, dans le cadre de son recours selon les normes du travail et hors la connaissance de la Great-West, Ste-Marie est convoqué par l’agent de Locweld pour une expertise psychiatrique le 5 mai 2015 devant le Dr Martin Tremblay (P-17).

[25]        Le 11 mai, la Great-West avise Ste-Marie que sa demande d’invalidité pour la période postérieure au 1er décembre 2014 est refusée en raison des conclusions des rapports du Dr Richer des 3 février et 30 avril (D-14 et P-19).  La lettre mentionne la possibilité de demander la révision de la décision et précise que tout renseignement médical supplémentaire doit lui être envoyé au soutien de la demande de révision.  Du 11 mai 2015 jusqu’au 21 janvier 2016, la Great-West ne reçoit aucune communication de Ste-Marie.

[26]        Le 12 mai 2015, le Dr Tremblay soumet son rapport à l’agent de Locweld (DL-2 et P-25) dans lequel il émet un diagnostic de trouble dépressif majeur compatible avec un état clinique justifiant une invalidité médicale sans en préciser la durée.

[27]        Le 14 mai 2015, le demandeur reçoit de Locweld le paiement de ses prestations d’invalidité pour la période du 27 octobre au 1er décembre 2014.

[28]        De manière contemporaine, le demandeur accepte une offre de bail avec promesse d’achat de sa propriété à St-Constant le 15 février 2015 (P-42).  Il s’agit d’un bail du 1er avril 2015 au 30 septembre 2016 avec achat prévu pour le 1er octobre 2016.  À la date d’audition, le contrat de vente de la maison n’était toujours pas signé.

[29]        À la fin mars 2015, il met ses meubles en entrepôt et emménage dans un chalet appartenant à sa conjointe à Magog.

[30]        Le 19 mai 2015, le Dr Villeneuve émet un nouveau certificat d’invalidité du 19 mai au 15 juillet 2015 fondé sur le  même diagnostic de  dépression majeure que Ste-Marie transmet à Chamberland le lendemain (P-20).

[31]        Le 14 juillet 2015, le Dr Villeneuve prolonge la période d’incapacité au 30 août 2015 (P-21) et réfère par la suite Ste-Marie au Dr Yves Chaput, pour évaluation en consultation.

[32]        Le 26 août 2015, le Dr Chaput rend son rapport dans lequel il se montre relativement nuancé quant au diagnostic.  Il finit par conclure : « le diagnostic le plus probant à l’axe I est un de, au minimum, trouble de l’adaptation avec humeur mixte versus un trouble formel de l’anxiété de type panique (sans agoraphobie) ».  Il ajoute qu’en « différentiel il faudrait aussi considérer une maladie affective unipolaire sans éléments psychotiques ou saisonniers » (P-22).

[33]        Le  27 août 2015, le Dr Villeneuve  prolonge  l’incapacité au  30 octobre  2015 (P-23).  Ste-Marie transmet une copie du billet médical à Chamberland le 31 août.

[34]        Le 29 octobre 2015, le Dr Villeneuve prolonge derechef l’incapacité jusqu’au 15 janvier 2016.  Ste-Marie transmet le billet médical à Chamberland le lendemain.

[35]        En décembre 2015, Ste-Marie téléphone à Chamberland et l’informe qu’il entend prendre des poursuites judiciaires contre Locweld et la Great-West.  Il témoigne que Chamberland lui a dit qu’il avait le rapport du Dr Tremblay dans son dossier.  Chamberland lui en envoie une copie le 18 décembre 2015 (P-25 comme en fait foi l’oblitération postale).  La version de Chamberland est légèrement différente : Ste-Marie l’a appelé pour faire un suivi sur des frais de stationnement, lui demander une copie de l’expertise du Dr Tremblay et l’informer qu’il allait poursuivre Locweld et la Great-West.  Il lui a transmis l’expertise le jour même.

[36]        Le 13 janvier 2016,  le Dr Villeneuve  prolonge  l’incapacité  au  15 mars 2016 (P-26).

[37]        Quoi qu’il en soit, le 21 janvier 2016, Ste-Marie communique avec Carmen Bogden, gestionnaire en règlements de la Great-West à propos d’un billet médical d’incapacité prolongé au 13 janvier 2016 qu’elle a reçu.  Elle l’avise qu’elle ne peut évaluer sa demande à partir de ce simple billet et qu’il lui faut plus d’informations médicales.  Ste-Marie lui répond qu’il sait que la Great-West ne veut pas le payer et qu’il a entamé des poursuites judiciaires contre elle et Locweld.  Il lui mentionne l’expertise du Dr Tremblay qui a été remis à Locweld en mai 2015 et dont il n’a reçu copie  que  récemment.  Elle lui  demande de lui en  faire parvenir  une copie,  mais Ste-Marie lui répond qu’il est trop tard maintenant, qu’ils vont se revoir en cour et coupe la communication (D-15).

[38]        Le rapport du Dr Tremblay est néanmoins transmis le lendemain à la Great-West.

[39]        Le 10 février 2016, la Great-West informe Ste-Marie qu’elle a besoin de l’évaluation d’un autre médecin à la suite de la réévaluation de son dossier.  Elle lui propose un médecin à Sherbrooke pour un rendez-vous le 7 mars.  Ste-Marie se dit disponible (P-17).  Le même jour, elle  lui fait  parvenir les  coordonnées du  médecin (P-18).

[40]        Le même jour, il dépose sa demande introductive d’instance dans le présent dossier, demande qui sera transmise aux défenderesses dans les jours suivants.  La Great-West répond à la demande le 17 février alors que Locweld répond le 25 février.

[41]        Dès le lendemain, Ste-Marie annule son rendez-vous prévu pour le 7 mars.  Il explique qu’il a subi plusieurs expertises, que le Dr Richer était contre lui et que la Great-West refusait de reconnaître les rapports des docteurs Tremblay, Chaput et Villeneuve.

[42]        Devant le refus du demandeur de consentir à une expertise, la Great-West présente une demande pour le forcer à se soumettre à une expertise médicale, laquelle est entendue le 29 avril par l’honorable André Prévost qui fait droit à la demande et ordonne au demandeur de se soumettre à une expertise médicale indépendante auprès d’un psychiatre avant le 31 mai 2016.  Le rendez-vous est fixé à Montréal le 31 mai 2016 (P-48).

[43]        Le 31 mai 2016, le psychiatre retenu par FFA est le Dr Louis J. Bérard.  Ce dernier reçoit l’ensemble des documents médicaux du demandeur depuis août 2013.  Après révision de l’ensemble de la documentation médicale depuis cette date et son évaluation personnelle du demandeur, il conclut dans un rapport fouillé et détaillé que celui-ci « présente un état de détresse émotionnelle pouvant correspondre à un épisode dépressif majeur présentement d’intensité modérée » et retient un diagnostic de « dépression non spécifiée » (D-20).  La Great-West décide alors de reconnaître l’invalidité du demandeur depuis le 1er décembre 2014.

[44]        Le 29 juin 2016, la Great-West informe le demandeur qu’il recevra un chèque au montant des arrérages de prestations d’invalidité du 13 février 2015 au 22 juillet 2016, soit 49 878 $.  Elle précise que Locweld est responsable des prestations d’invalidité du 1er décembre 2014 au 22 février 2015.  Elle ajoute que les prestations d’invalidité de longue durée commenceront le 22 août 2016 (D-21).  Le chèque d’arrérages est transmis le 7 juillet 2016 (D-22).  Dans la période contemporaine, Locweld verse sa part des prestations d’invalidité pour la période dont elle était responsable.

[45]        En conférence de gestion devant l’honorable Sophie Picard, le demandeur réduit sa réclamation pour des dommages autres que punitifs (250 000 $) de 350 000 $ à 290 000 $.

II. PRÉTENTION DES PARTIES

A. LE DEMANDEUR

[46]        Le demandeur reproche aux défenderesses d’avoir commis une faute en ne lui versant pas les prestations d’invalidité en temps opportun alors qu’il y avait suffisamment d’éléments médicaux justifiant son droit à les obtenir.  Par leur refus, elles ont aggravé sa situation psychique et physique, entraîné une grande source de stress et d’anxiété, rendu précaire sa situation financière et provoqué une perte de jouissance de la vie et des idées suicidaires.  Il réclame donc à ce chapitre une somme de 290 000 $.

[47]        Il expose par ailleurs que ses droits fondamentaux en tant qu’être humain (atteinte à la dignité, à l’honneur, à la réputation et à la vie privée) ont été violés par les défenderesses.  Il expose que les défenderesses doivent être sanctionnées pour leur culpabilité morale intentionnelle puisque, malgré un diagnostic et un certificat médical de l’hôpital, plusieurs certificats médicaux d’incapacité de travail de son médecin traitant et trois évaluations de psychiatres, elles ont continué à lui refuser des prestations auxquelles il avait droit.  Il allègue qu’elles ont profité de leur statut, de leur position et influence sociale et de l’ampleur de leur organisation pour l’empêcher de recevoir son juste dû.  Il conclut que le Tribunal devrait accorder un montant substantiel de dommages punitifs, soit 250 000 $, pour les dissuader de faire des actions du même genre à d’autres dans le futur.

B. LA DÉFENDERESSE LOCWELD

[48]        Elle expose que la Great-West agit en tant qu’assureur collectif autonome des employés de Locweld et que la Great-West est la seule à gérer l’admissibilité des employés au régime d’invalidité à court et à long terme.  Locweld est tributaire des décisions de l’assureur collectif eu égard à l’acceptation ou le refus d’une demande d’indemnisation.

[49]        Elle expose qu’il appartient à l’employé de présenter ses demandes de prestations d’invalidité à l’assureur collectif et que le demandeur en a été informé dès le départ du processus.  Elle n’a commis aucune faute dans la gestion du dossier d’invalidité du demandeur.  Si le défendeur a été négligent dans la poursuite de ses demandes auprès de la Great-West, il en est seul responsable, Locweld n’ayant aucune obligation de transmettre des billets médicaux ou autres documents à l’assureur si l’employé ne lui en fait pas la demande.  Elle nie donc quelque faute de sa part et encore plus quelque faute intentionnelle dans le but de nuire au demandeur.  Elle précise que lorsque l’assureur a accepté la réclamation d’invalidité du demandeur, Locweld a payé toutes les prestations payables pour sa part.

[50]        En ce qui a trait aux dommages comme tels, elle plaide qu’ils sont sans fondement et grossièrement exagérés.

C. LA DÉFENDERESSE LA GREAT-WEST

[51]        Elle expose qu’elle a administré le dossier d’invalidité du demandeur de bonne foi et de manière transparente.  Il appartient à l’assuré de fournir les documents nécessaires à l’évaluation de sa demande justifiant de l’accepter aux termes de la police d’assurance.  En raison de l’insuffisance des renseignements médicaux fournis par l’employé dans sa demande originale du 30 octobre 2014, elle a demandé une évaluation par un tiers tel que prévu à la police pour pouvoir statuer sur l’évidence clinique de la maladie et l’incapacité en résultant de travailler.  Cette évaluation n’a pas démontré de lien clinique entre le diagnostic et l’incapacité de travail du demandeur.  Le 9 décembre 2014, la Great-West était donc justifiée à ce moment de refuser sa demande.  Elle a expliqué sa décision au demandeur en lui soulignant qu’il pouvait en demander la révision en produisant tout renseignement médical supplémentaire.

[52]        Ce n’est que le 19 mars 2015 que le demandeur a demandé une forme de demande de révision de son dossier.  La Great-West communique avec le médecin traitant du demandeur pour un complément d’enquête et finit par accepter une période d’invalidité du 27 octobre au 1er décembre 2014.  Pour la période postérieure au 1er décembre 2014, elle demande au psychiatre Richer de réévaluer son opinion à partir des documents fournis par le médecin traitant du demandeur.  Le Dr Richer maintient son opinion première.  La Great-West était donc justifiée de bonne foi le 11 mai 2015 à rejeter la réclamation du demandeur pour la période à partir du 1er décembre 2014.

[53]        Du 11 mai 2015 au 21 janvier 2016, le demandeur n’a fourni aucun document à la Great-West ni communiqué avec elle.  Lorsqu’elle a finalement reçu les documents médicaux du demandeur, elle a demandé une nouvelle réévaluation du dossier qui s’est finalement conclue par le rapport du Dr Bérard et l’acceptation de la demande de prestations d’invalidité de courte et de longue durée et le paiement des sommes dues en vertu de la police.

[54]        Elle plaide donc qu’ayant agi de bonne foi, la Great-West n’a commis aucune faute pouvant donner ouverture aux dommages réclamés et que la réclamation du demandeur est mal fondée en fait et en droit et exagérée.

III. QUESTIONS EN LITIGE

[55]        Elles se résument à savoir si les défenderesses ou l’une d’entre elles ont commis une faute dans la gestion de la réclamation d’invalidité du demandeur et si elles doivent encore des sommes au demandeur d’une part et d’autre part de déterminer le cas échéant la question des dommages réclamés.

IV. DISCUSSION

A. LA QUESTION DE LA FAUTE

1. Locweld

[56]        Le demandeur se décrit comme un employé-cadre ayant le titre de superviseur.  Il n’apparaît pas qu’il soit assujetti à une convention collective.  Il est régi par un contrat de travail avec Locweld assujetti aux règles applicables du Code civil du Québec en matière contractuelle.

[57]        L’article 1458 C.c.Q. énonce que les contractants doivent respecter leurs engagements contractuels :

1458.  Toute personne a le devoir d’honorer les engagements qu’elle a contractés.

Elle est, lorsqu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice, corporel, moral ou matériel, qu’elle cause à son cocontractant et tenue de réparer ce préjudice; ni elle ni le cocontractant ne peuvent alors se soustraire à l’application des règles du régime contractuel de responsabilité pour opter en faveur de règles qui leur seraient plus profitables.

[58]        À titre corollaire, l’article 1375 C.c.Q. précise que la bonne foi doit gouverner la conduite des parties :

1375.  La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l’obligation qu’à celui de son exécution ou de son extinction.

[59]        Locweld offre à ses employés un régime collectif d’assurances offrant une protection de revenus en cas d’invalidité au travail de courte durée (absence de moins de dix-sept (17) semaines) et de longue durée (plus de dix-sept (17) semaines).  Il s’agit de la Politique de congé de maladie-invalidité de courte et de longue durée, employé(e)s salarié(e)s (ci-après « la Politique ») (DL-1), qui est remise aux employés à leur embauche.  Les passages pertinents de cette politique se lisent comme suit :

1. Catégories de congés de maladie

1.01     Invalidité à court terme : Une absence temporaire ne dépasse pas 17 semaines et est causée par une maladie personnelle ou accident personnel, non reliée au travail ou à un accident de travail.  Le poste de l’employé restera disponible durant la période d’invalidité.

1.02     Invalidité à long terme : Une absence temporaire ou permanente qui dépasse 17 semaines, causée par une maladie personnelle ou accident personnel, non reliée au travail ou à un accident de travail.

2. Procédures

2.01     Invalidité à court terme - Absences de moins de 17 semaines : [déjà cité au para 5 infra] […]

            Un conseiller en gestion d’invalidité de la compagnie d’assurance choisie par Locweld gérera le dossier médical de l’employé

            […]

2.02     Invalidité à long terme - Absences de plus de 17 semaines : Dans les cas où l’invalidité se prolonge pour plus de 17 semaines, le Service des Ressources Humaines initiera la procédure d’invalidité à long terme.  Ce type d’invalidité est géré par la compagnie d’assurance choisie par Locweld et pour ce faire certains documents doivent être complétés :

            - Déclaration de l’employé

            - Déclaration du médecin traitant;

            - Déclaration de l’employeur.

            Ces formulaires doivent être acheminés directement à la compagnie d’assurances choisie par Locweld.

            Le montant d’indemnité est établi et détaillé dans le livret des garanties du régime d’assurance collective qui vous a été remis.

3. Résumés d’admissibilité et de paiement de maladie

3.01     Invalidité à court terme

            […]

            (2)   Paiements : Les bénéfices de paiement de maladie consiste en des paiements fait par Locweld.  Un employé a droit de recevoir ces paiements pourvu qu’un médecin ou autre professionnel de la santé prouve l’invalidité selon les règles établies et acceptables au niveau médical et autorisé par la suite par la compagnie d’assurances choisie par Locweld.  Il est à noter que pour des raisons administratives, une contre  expertise pourrait être demandée et ce, au frais de l’entreprise.

            (3)   L’employé admissible à des paiements de maladie doit déclarer au service des ressources humaines tout autre montant auquel il a droit en vertu des autres régimes.  Locweld paie jusqu’à concurrence de 70% du salaire en tenant compte de tout autre montant reçu.

[…]

3.02     Invalidité à long terme

            Tous les employés de bureau, qui sont invalides pour plus de 17 semaines, peuvent être admissibles aux paiements d’invalidité à long terme s’ils ont adhéré au régime d’assurance collective et s’ils rencontrent les critères de l’assureur.  Ces paiements sont faits par la compagnie d’assurance sur une base mensuelle.

[60]        Le demandeur prétend qu’il n’a pas reçu ce document.  Le Tribunal ne le croit pas ou plus particulièrement qu’il n’ait pas eu connaissance de cette politique.  En effet, il a en mains et dépose au dossier comme pièce P-1 le livret explicatif du Régime collectif d’assurances de la Great-West gérant les employés de bureau en vertu de la police d’assurance entre elle et Locweld.  Par ailleurs, dans son interrogatoire hors cour du 22 avril 2016, il déclare qu’au début de son invalidité (27 octobre 2014), il ne savait pas que la Great-West gérait le dossier d’invalidité et pensait que l’employeur lui payait les 119 premiers jours :

Q    En fait, moi, j’ai la gestion de vos avantages.  Vous étiez au courant que pour votre invalidité, c’est Great-West qui prenait la décision?

R    Oui.

Q    O.K.

R    Mais je le savais pas au début, mais je l’ai su.

Q    Comment ça vous le saviez pas au début?

R    Je le savais pas.

Q    Quand vous dites : au début, c’est quand ça dans le temps?

R    Au début de ma maladie.  Moi dans ma tête, là, mon employeur me paie mes cent dix-neuf (119) premiers jours.

Q    O.K.  Donc, quand vous dites : au début, vous parlez de début de votre invalidité en octobre deux mille quatorze (2014)?

R    Oui.

Q    Quand avez-vous su que c’était Great-West qui prenait la décision?

R    Au mois de décembre.

Q    Vous l’avez su au mois de décembre.

R    Oui.

(à la p 70, l. 12-25 et à la p 7, l. 1-8)

(soulignement ajouté)

[61]        Comment peut-il savoir alors que Locweld paye les cent dix-neuf (119) premiers jours s’il n’a pas eu le document ou n’est pas informé de son contenu?  Pareillement, en contre-interrogatoire, pour appuyer sa prétention que c’est Locweld qui doit transmettre les documents médicaux, il réfère spécifiquement à l’organigramme se trouvant à la deuxième page de DL-1.

[62]        De plus, dès qu’il transmet sa demande d’indemnisation à Locweld le 30 octobre 2014, Fontaine lui cite la clause 2.1 de la Politique, lui mentionne que la Great-West est chargée de l’évaluation des dossiers d’invalidité, que sa demande est incomplète, lui transmet les formulaires à compléter et lui indique qu’il doit transmettre tous les documents nécessaires à la Great-West (P-4).  La lettre du 13 novembre 2014 de la gestionnaire de règlements de la Great-West est exactement au même effet : la Great-West gère l’admissibilité aux prestations d’assurance-invalidité, il lui manque des documents médicaux et qu’il doit lui faire parvenir (P-6).  Les lettres de la Great-West des 9 décembre 2014 (P-9), 30 mars 2015 (P-14), 23 avril 2015 (P-16) et 11 mai 2015 (P-19) sont toutes au même effet.

[63]        Bien qu’il prétende le contraire, cela a été le même processus pour son absence du 11 juillet au 10 août 2014 comme en fait foi les lettres de la Great-West des 11 et 19 août 2014 (P-28).  La différence ici, comme le souligne Roussel-Boudreault, c’est qu’il s’agit d’un arrêt de travail d’une durée déterminée avec une date de retour au travail.  Pour elle le dossier était consolidé : « on paye, on ferme », dit-elle, alors que pour l’arrêt de travail du 27 octobre 2014, en plus du manque de renseignements médicaux, la durée de l’invalidité était indéterminée.  Mais, le processus demeure le même et le demandeur ne peut l’avoir ignoré.

[64]        Le processus ne prêtait pas à interprétation et était intelligible.  Pourquoi le demandeur s’est-il obstiné à ne pas le respecter?  Il prétend que Locweld avait l’obligation de transmettre à la Great-West les documents médicaux qu’il leur remettait, mais les formulaires à remplir qu’il a reçus et le contrat disent le contraire.  Sans doute, le demandeur ne comprend pas ou saisit mal le principe de l’assurance-invalidité que l’employeur offre aux employés : c’est un avantage accessoire à leur emploi en cas d’incapacité de travailler, mais les employés doivent satisfaire à des critères pour y avoir droit selon les termes de la police d’assurance émise par la Great-West.  L’admissibilité à des prestations d’invalidité répond à des conditions énumérées à la police d’assurance dont l’assureur décide sans avoir à référer à l’employeur si elles sont remplies.  La preuve est sans équivoque à cet égard.

[65]        Que Locweld soit tenue de payer les cent dix-neuf (119) premiers jours d’invalidité, cela résulte de la seule décision de la Great-West d’accepter la demande de l’employé sans que Locweld puisse intervenir.  Les témoignages de Fontaine, Therrien, Chamberland, Charest ou Cyr sont tous à cet effet.  Il n’y a aucune preuve crédible à l’effet que l’employeur s’engageait à gérer la réclamation d’assurance de ses employés à leur place.

[66]        Peut-être le demandeur interprète-t-il l’obligation de remettre des billets médicaux à son employeur comme signifiant que celui-ci doit les transmettre à l’assureur.  Sauf pour l’ouverture du dossier d’invalidité, tel que prévu au diagramme de la page 2 de DL-1 où les ressources humaines transmettent l’information remise par l’employé à l’assureur, l’employé traite par la suite avec la gestionnaire de l’assureur, ce qui assure la confidentialité de ses documents médicaux.  Lorsqu’il remet par la suite des billets médicaux, c’est pour justifier son absence du travail et maintenir ainsi le lien d’emploi avec  Locweld, sans que cela ait une incidence sur la recevabilité ou non de la demande de prestations d’invalidité.

[67]        Autre point à noter, le demandeur n’a pas demandé non plus que ses documents médicaux soient transmis à la Great-West, ni n’a demandé s’ils avaient été transmis, sauf en décembre 2015.  Même à ce moment, il demande à Chamberland de lui envoyer une copie du rapport du Dr Chaput et non pas de l’envoyer à la Great-West.

[68]        Avant cette date, il n’a pas discuté ou même mentionné la lettre de refus de sa demande du 9 décembre 2014 (P-9), pas plus que sa demande de révision du 19 mars 2015 (P-13) ni la réponse de la Great-West du 30 mars 2015 (P-14), ni la lettre de la Great-West du 23 avril 2015 (P-16) accueillant sa demande de prestation pour la période du 27 octobre 2014 au 1er décembre 2014 ni la lettre de refus de la Great-West du 11 mai 2015 (P-19) refusant sa demande pour la période postérieure au 1er décembre 2014.  Il n’a pas remis non plus le rapport du Dr Chaput.  Il n’a pas cherché à obtenir le rapport du Dr Tremblay ni demandé qu’il soit remis à son médecin traitant, le Dr Villeneuve.

[69]        Bref, le demandeur reproche à Locweld de ne pas s’être occupé de son dossier alors qu’il appartenait au demandeur lui-même de s’occuper de son dossier et alors même que Locweld n’était même pas au courant que la Great-West avait refusé la réclamation du demandeur.

[70]        Enfin, lorsque Locweld est avisée de l’acception que ce soit de la période initiale du 27 octobre au 1er décembre 2014 ou de la période subséquente jusqu’à concurrence de ses cent dix-neuf (119) jours (1er décembre 2014 au 22 février 2015), elle a versé les prestations dues conformément au contrat.

[71]        De l’ensemble de la preuve, le Tribunal retient que la défenderesse Locweld n’a commis aucune faute à l’égard du demandeur relativement à son dossier d’invalidité pouvant entraîner une quelconque responsabilité contractuelle à son égard.  Il n’y a absolument aucune preuve que Locweld ait porté ou ait cherché à porter atteinte à la dignité, l’honneur ou la réputation ou la vie privée du demandeur ou ait abusé de ses droits.

2. La Great-West

a) contexte juridique

[72]        Celle-ci est liée contractuellement à Locweld.  Elle s’engage vis-à-vis de Locweld de la manière suivante :

CONVENTION     La Great-West convient, aux termes de la présente convention, de verser aux ayants droit les prestations prévues par la présente police contre paiement des primes exigibles par le titulaire de la police collective (le titulaire).

                          […]

(D-1, à la p 10)

[73]        Les « ayants droit » sont les employés de Locweld.  Ils ne possèdent que les droits de Locweld dans le contrat suivant les dispositions de celui-ci.

[74]        L’article 2389 C.c.Q. définit ainsi le contrat d’assurance :

2389.  Le contrat d’assurance est celui par lequel l’assureur, moyennant une prime ou cotisation, s’oblige à verser au preneur ou à un tiers une prestation dans le cas où un risque couvert par l’assurance se réalise.

L’assurance est maritime ou terrestre.

[75]        L’assurance terrestre vise les personnes et les dommages.  L’assurance de personnes peut être personnelle ou collective :

2392.  L’assurance de personnes porte sur la vie, l’intégrité physique ou la santé de l’assuré.

L’assurance de personnes est individuelle ou collective.

L’assurance collective de personnes couvre, en vertu d’un contrat-cadre, les personnes adhérant à un groupe déterminé et, dans certains cas, leur famille ou les personnes à leur charge.

[76]        L’article 2416 C.c.Q. prévoit que la nature et le caractère de l’invalidité assurée peuvent être précisés dans le contrat d’assurance :

2416.  L’assureur doit, dans une police d’assurance contre la maladie ou les accidents, indiquer expressément et en caractères apparents la nature de la garantie qui y est stipulée.

Lorsque l’assurance porte sur l’invalidité, il doit indiquer, de la même manière, les conditions de paiement des indemnités, ainsi que la nature et le caractère de l’invalidité assurée. À défaut d’indication claire dans la police concernant la nature et le caractère de l’invalidité assurée, cette invalidité est l’inaptitude à exercer le travail habituel.

[77]        C’est le cas en l’espèce.  Les dispositions contractuelles relatives à l’assurance invalidité de courte durée se retrouvent aux pages 94 à 106 de la police d’assurance (D-1) et celles relatives à l’assurance invalidité de longue durée aux pages 107 à 129.

[78]        L’invalidité de courte durée y est définie comme suit :

INVALIDITÉ        Les prestations d’assurance invalidité de courte durée prévues par la présente police ne sont versées qu’à l’égard des périodes d’invalidité qui commencent après l’entrée en vigueur de l’assurance du salarié.

                          L’invalidité est déterminée en fonction des tâches habituelles que le salarié accomplissait chez l’employeur avant le début de son invalidité.  Le salarié est réputé souffrir d’invalidité s’il est incapable, par suite d’une blessure ou d’une maladie, de s’acquitter de toute combinaison de tâches qui lui demandait habituellement au moins 60% de son temps.

                          Si la maladie ou la blessure du salarié l’empêche de s’acquitter de l’une de ses tâches habituelles, celle-ci sera également réputée l’empêcher d’exécuter :

1.         les autres tâches connexes qui doivent être exécutées antérieurement à la tâche en question, et

2.         les autres tâches qui doivent être exécutées après la tâche en question.

(soulignement ajouté)

[79]        L’invalidité de longue durée est définie comme suit :

Pendant la période           Pendant la période d’évaluation initiale indiquée au d’évaluation initiale                                             Tableau  des  prestations,  l’invalidité  est déterminée

                                             en fonction des tâches habituelles que le salarié accomplissait chez l’employeur avant le début de son invalidité.  Le salarié est réputé souffrir d’invalidité s’il est incapable, par suite d’une blessure ou d’une maladie, de s’acquitter de toute combinaison de tâches qui lui demandait habituellement au moins 60% de son temps.

                                             Si la maladie ou la blessure du salarié l’empêche de s’acquitter de l’une de ses tâches habituelles, celle-ci sera également réputée l’empêcher d’exécuter :

1.      les autres tâches connexes qui doivent être exécutées antérieurement à la tâche en question, et

2.      les autres tâches qui doivent être exécutées après la tâche en question.

Après la période                Après la période d’évaluation initiale, le salarié d’évaluation initiale                                             est  réputé  souffrir  d’invalidité  s’il  ne  peut   exercer

                                             une activité lucrative par suite d’une maladie ou d’une blessure.

-Activité lucrative                  On entend par « activité lucrative » tout emploi :

1.      que l’état de santé du salarié lui permet d’exercer;

2.      pour lequel le salarié possède la qualification minimum nécessaire;

3.      qui garantit au salarié un revenu au moins égal à 50% de sa rémunération mensuelle; et

4.      qui est offert dans la province ou le territoire de résidence du salarié ou dans la province ou le territoire où le salarié travaillait antérieurement à son invalidité.

Il n’est pas tenu compte de la disponibilité de l’emploi dans l’évaluation de l’invalidité.

[80]        Par ailleurs, comme le cas en l’espèce, l’article 2435 C.c.Q. indique que le bénéficiaire doit dénoncer le risque assuré et fournir tous les renseignements pertinents :

2435.  Le titulaire, le bénéficiaire ou l’assuré d’une police d’assurance contre la maladie ou les accidents est tenu d’informer l’assureur, par écrit, du sinistre dans les 30 jours de celui où il en a eu connaissance. Il doit également, dans les 90 jours, transmettre à l’assureur tous les renseignements auxquels ce dernier peut raisonnablement s’attendre sur les circonstances et sur l’étendue du sinistre.

Lorsque la personne qui a droit à la prestation démontre qu’il lui a été impossible d’agir dans les délais impartis, elle n’est pas pour autant empêchée de toucher la prestation, pourvu que l’information soit transmise à l’assureur dans l’année du sinistre.

[81]        Enfin l’article 2438 C.c.Q. prévoit que l’assuré peut avoir à se soumettre à un examen médical au soutien de sa réclamation :

2438.  L’assuré doit se soumettre à un examen médical, lorsque l’assureur est justifié de le demander en raison de la nature de l’invalidité.

b) analyse

i-   la période d’invalidité du 27 octobre 2014 au 1er décembre 2014

[82]        Après réception de la déclaration de sinistre du salarié et la déclaration initiale du médecin le 5 novembre 2014 (P-5, D-2 et D-3), la Great-West informe le demandeur le 13 novembre que les renseignements médicaux fournis sont insuffisants pour statuer sur sa réclamation (P-6 et D-4).  Elle lui demande une copie de son dossier d’hôpital du 27 octobre 2014 et ajoute qu’il sera convié à une évaluation médicale indépendante par un spécialiste.  Roussel-Boudreault explique que les renseignements fournis ne sont pas complets et ne prévoient pas de date de retour au travail et d’autre part, qu’elle est en présence d’un diagnostic subjectif et complexe qui n’entraîne pas nécessairement une incapacité de travailler et qui lui fait se questionner s’il s’agit d’une maladie invalidante ou plutôt d’un mécontentement au travail, d’où la nécessité d’une évaluation médicale.

[83]        Cette décision n’est pas déraisonnable et est justifiée par les circonstances, d’autant plus que la Great-West fait appel à un service d’expertises médicales indépendant (FFA) pour ses évaluations.

[84]        Le rapport du Dr Richer est détaillé et fatal (D-6).  L’anamnèse fait état de plusieurs problèmes de relations de travail et de frustration vis-à-vis l’employeur.  À l’examen mental, il ne découvre aucun affaissement sévère de l’humeur ni d’accablement.  Il soumet le demandeur à un test de validation qui démontre que celui-ci n’a pas fourni l’effort nécessaire pour le réussir, ce qui démontre selon le Dr Richer que le demandeur exagère ou amplifie ses troubles cognitifs.  Pour lui, l’attitude du plaignant jette un doute sérieux sur la crédibilité de symptômes purement subjectifs.  Il finit par conclure qu’il n’y a pas d’évidence de dépression majeure et que le plaignant est apte au travail.

[85]        Devant un tel constat, l’assureur avait totalement raison de rejeter la demande de prestations.  Il faut comprendre que le Dr Villeneuve est un médecin généraliste qui s’occupe du demandeur depuis douze ans et qui a forcément une alliance thérapeutique avec lui, ne voit pas nécessairement les choses comme peut le faire un médecin-expert spécialisé en psychiatrie qui ne connaît pas le plaignant et dont la tâche consiste à corroborer par des signes cliniques un état d’invalidité allégué.  Son diagnostic vient justement après des tests de validation qui se révèlent dévastateurs pour Ste-Marie.

[86]        Le demandeur explique qu’il était sûr que le Dr Richer prendrait la part de la compagnie et que « ce n’est pas bien allé avec lui ».  Au Dr Bérard, il mentionnera que lorsque le Dr Richer lui a fait passer les tests, il était « tanné » et qu’il avait « coché n’importe quoi » (D-20, à la p 11, au para 3).  Au procès, il a d’abord nié avoir dit cela, mais confronté au rapport, il dira que « ça se peut », qu’il « ne s’en souvient pas ».  C’est facile d’accuser le psychiatre de parti-pris ou de partialité, mais ce dernier est un médecin spécialiste professionnel indépendant de la Great-West.

[87]        Ainsi donc, le 9 décembre 2014, la Great-West rejette la demande et informe le demandeur de son droit à la révision sur preuve additionnelle (D-8).  Le rapport du Dr Richer est transmis au Dr Villeneuve.  Le demandeur témoigne qu’il n’a jamais discuté de ce rapport avec celui-ci.  C’est quand même surprenant, pour dire le moins, que ce soit de la part du demandeur que de la part du médecin.

[88]        Ce n’est que le 19 mars 2015 que le demandeur se manifeste de nouveau à la Great-West (D-9).  Il fournira les billets médicaux mensuels du Dr Villeneuve qui comportent toujours le même diagnostic plus les notes du thérapeute Boivin (P-18) et des notes de laboratoire de mars 2015.  Malgré le rapport du Dr Richer, le Dr Villeneuve ne justifie pas son diagnostic ni ne fournit d’éléments nouveaux pertinents à la demande d’invalidité.  La Great-West demande alors le 24 avril 2015 au Dr Richer de réévaluer son dossier en regard des documents fournis (D-12), lequel ne modifie pas son opinion (D-13).  Néanmoins, la Great-West décide d’accepter la réclamation pour la période du 27 octobre au 1er décembre 2014 (D-14).  France Fethenson (ou Fetherston) Léonard, spécialiste en litige pour la Great-West explique qu’après réception de la plainte du 19 mars 2015 (D-9 et P-13) et des dossiers médicaux transmis par le Dr Villeneuve, la Great-West a transmis ces documents au Dr Richer et au médecin interne de la Great-West, le Dr Melançon.  La Great-West a jugé alors, pour la période jusqu’au 1er décembre 2014, que le trouble d’adaptation du demandeur pouvait correspondre à une invalidité au sens de la police pour cette période et a donc décidé d’accepter la réclamation jusqu’au 1er décembre.  Pour la période après le 1er décembre, elle a demandé au Dr Richer de revoir son opinion eu égard aux nouveaux documents fournis.  Ce dernier maintient ses conclusions (D-13).

ii-  la période d’invalidité après le 1er décembre 2014

[89]        Le bénéficiaire de l’assurance a le fardeau de prouver que le sinistre (la maladie ou l’occurrence) constitue un risque couvert par la police (en l’espèce l’incapacité d’accomplir « toute combinaison de tâches » qui lui « demandait habituellement au moins 60% ‘’ de son temps de travail »).

[90]        Devant les conclusions non équivoques du rapport du Dr Richer du 1er décembre 2014 (D-6, particulièrement aux pages 8-9) et au maintien de son opinion après vérification des éléments nouveaux fournis, le Tribunal est d’avis que la Great-West était justifiée à ce moment de refuser la réclamation pour la période après le 1er décembre 2014 (D-14 et P-19).

[91]        Le demandeur ne peut prétendre en l’espèce qu’après avoir accepté son invalidité jusqu’au 1er décembre 2014, la Great-West avait le fardeau de prouver que l’assuré n’était plus invalide par la suite et aurait dû continuer ses prestations après le 1er décembre.  En effet, selon la preuve dont bénéficiait la Great-West, le demandeur était au 1er décembre 2014 apte au travail selon le rapport du Dr Richer.  Pour elle, la période d’invalidité était terminée et le dossier clos.

[92]        Le demandeur reproche à la défenderesse de s’être fiée au deuxième rapport du Dr Richer alors que ce dernier ne l’a même pas revu.  À cet égard, il faut noter que l’expertise du Dr Richer ne datait que du 1er décembre 2014 et que les notes du Dr Villeneuve n’ont fait que démontrer au Dr Richer que leur divergence de vues reposait sur une interprétation différente de la même symptomatologie exprimée par le demandeur.  Dans les circonstances, il n’y avait pas de motifs contraignants pour soumettre le demandeur à un nouvel examen psychiatrique.

[93]        Le demandeur n’a recommuniqué avec l’assureur qu’à la fin décembre 2015 - début janvier 2016 par l’envoi de billets médicaux.  Par la suite, il lui a transmis les rapports des psychiatres Martin Tremblay du 12 mai 2015 (DL-2) et Yves Chaput du 26 août 2015 (P-22 et D-16).

[94]        Dès le 10 février 2016, la Great-West communique avec le demandeur pour fixer une nouvelle évaluation psychiatrique (D-17 et D-18).  Celui-ci accepte au départ, mais se dédit le lendemain.  L’évaluation demandée ne se tiendra que le 31 mai 2016 après une ordonnance du juge Prévost rendue nécessaire par le refus du demandeur d’y participer.  Le rapport du Dr Bérard de même date conclut que le demandeur souffre d’une dépression non spécifiée incompatible avec un travail de superviseur, mais que ses problèmes cognitifs ne sont pas d’une ampleur telle qu’ils l’empêcheraient de travailler (D-20).

[95]        Devant cette conclusion, la défenderesse accepte la demande d’indemnisation du demandeur le 17 juin 2016 (D-22).  Le paiement des arrérages de prestations est transmis le 7 juillet 2016 et le paiement de la prestation mensuelle d’invalidité débute le 22 août 2016 (D-22).

[96]        La preuve démontre donc que la Great-West a agi avec célérité dans le traitement du dossier lorsqu’elle a reçu les renseignements nécessaires à l’évaluation de la réclamation.

[97]        Le demandeur reproche à celle-ci de ne pas avoir accepté les rapports des docteurs Chaput et Tremblay et le diagnostic du Dr Villeneuve.  Dame Fetherston-Léonard explique que vu le temps écoulé et la contradiction entre les conclusions du Dr Richer et celles des Drs Chaput et Tremblay, la défenderesse a jugé nécessaire une nouvelle évaluation de la situation.

[98]        De l’avis du Tribunal, cette décision n’était pas déraisonnable ni abusive dans les circonstances.  D’entrée de jeu, il faut préciser, comme l’a noté précédemment le Tribunal, que le rapport du Dr Richer du 1er décembre 2014 concluait que son évaluation ne lui a pas « permis d’objectiver de restrictions ni de limitations fonctionnelles tant sur le plan affectif, comportemental ou cognitif » le rendant inapte au travail.  Le rapport du Dr Tremblay du 12 mai 2015 ne mentionne pas qu’il ait eu connaissance du rapport du Dr Richer (le demandeur lui indique qu’il n’a pas reçu le rapport (DL-2, à la p 3)), ni du dossier médical du plaignant.  Il ne traite donc (de manière assez sommaire de l’avis du Tribunal) que de la version de celui-ci et des observations de son médecin traitant.  Le rapport du Dr Chaput du 26 août 2015 ne mentionne pas qu’il ait eu connaissance des rapports des Drs Richer et Tremblay (sa seule remarque à cet égard est à l’effet que le demandeur rapporte avoir été rencontré à deux reprises par des psychiatres travaillant pour l’assureur et l’employeur) ni du dossier médical.  Son analyse est teintée par le reproche (lancé de manière assez téméraire de l’avis du Tribunal) à l’assureur d’avoir refusé « d’assumer ses responsabilités envers le patient » (P-22 et D-16).  Par ailleurs, comme le note le Dr Bérard, le Dr Chaput s’est servi de grilles d’évaluation ne devant pas être utilisées pour poser un diagnostic étant donné qu’elles sont « très faciles à manipuler » (D-20, à la p 5).  Le Dr Chaput ne mentionne pas les traits forts de la personnalité obsessive-compulsive.  En fait, l’examen clinique paraît en contradiction avec le diagnostic posé de « trouble de l’adaptation avec humeur mixte versus un trouble formel de l’anxiété de type panique » (D-16, aux pp 3 et 4).

[99]        Dans les circonstances, l’évaluation par un autre psychiatre indépendant (contrairement à ce que pense le demandeur, ce psychiatre est référé par FFA Service d’expertises médicales) à qui l’on transmet tous les renseignements médicaux et rapports d’autres médecins pour une analyse en profondeur était loin d’être déraisonnable et constituait, contrairement à ce que pense le demandeur, une initiative de bonne foi en vue de trouver une solution définitive au litige.  Le rapport du Dr Bérard explique aussi une partie des divergences notées entre les rapports des autres médecins et le sien (D-20, aux pp 14 et 15).

[100]     Au final, si le rapport du Dr Bérard s’avère positif au demandeur, c’est en raison de la pondération qu’il a apportée aux observations des divers médecins et de son analyse de l’ensemble du dossier :

Pour en revenir au cas de M. Ste-Marie, c’est clair que des trois psychiatres, le Dr Richer est celui qui a le plus sérieusement considéré la possibilité d’une simulation ou amplification et a eu recours à un test de dépistage.  C’est malheureusement aussi celui avec lequel M. Ste-Marie a eu la plus mauvaise relation : « pas la tête à ça », « répondu n’importe quoi ».

Cela me semble aussi évident que l’état clinique de M. Ste-Marie s’est détérioré au fil des mois en raison de l’aggravation de sa maladie, d’un traitement timoré et d’une accumulation de stress et frustrations.

iii-   conclusion

[101]     Dans les circonstances révélées par la preuve, le Tribunal est d’avis que la Great-West n’a pas commis de faute en n’acceptant pas à leur face même les billets médicaux du Dr Villeneuve, le rapport du Dr Tremblay instrumenté dans le cadre du litige entre Locweld et Ste-Marie devant la CNESST et le rapport de consultation du Dr Chaput.  Elle avait des motifs raisonnables de demander une nouvelle évaluation psychiatrique indépendante avant de prendre position.  Devant la conclusion favorable au demandeur de l’expert Bérard, elle a rempli sans délai ses obligations et versé les sommes dues.

[102]     Il n’y a aucune preuve qu’elle ait porté ou cherché à porter atteinte aux droits du demandeur ni qu’elle ait abusé de ses propres droits.

3. Conclusion

[103]     Considérant tout ce qui précède, le Tribunal est donc d’avis que les défenderesses n’ont commis aucune faute dans le traitement de la demande de prestations d’invalidité du demandeur.

[104]     Par conséquent, il ne saurait être question non plus de faute intentionnelle de leur part qui justifierait des dommages punitifs.

B. SOMMES IMPAYÉES ET DOMMAGES

1. Sommes impayées

[105]     Le témoignage du demandeur est assez imprécis en ce qui concerne les sommes auxquelles il avait droit qui n’aurait pas été payées.

[106]     Il fait état des frais de kilométrage pour son rendez-vous avec le Dr Tremblay, mais la preuve révèle qu’ils ont été payés le 3 mars 2016 par Locweld (DL-5).  Il fait état également des frais dentaires et orthodontiques totalisant 2 380 $ (P-49), mais la preuve révèle que le demandeur a reçu paiement du maximum annuel de 1 000 $ remboursable par le plan d’assurance (D-1, à la p 15).  Enfin, il fait état d’une baisse des cotisations dans son régime de retraite entre mars et décembre 2015.  Cela s’explique par le fait que les cotisations de l’employé et de l’employeur durant la période d’invalidité assumée par l’employeur (119 jours), sont fixées à 4% de 70% du salaire et qu’après cette période, lorsque l’assureur prend en charge les prestations d’invalidité à long terme, ni l’employé ni l’assureur ne cotisent au régime de retraite.  Il s’agit donc d’une conséquence du régime d’invalidité et non pas une somme impayée.

2. Question des dommages

[107]     Malgré la conclusion à laquelle en arrive le Tribunal à l’effet que le demandeur n’a pas établi de façon prépondérante une faute des défenderesses, le Tribunal tient à apporter certaines observations relativement aux divers dommages réclamés par le demandeur.

[108]     Comme l’a indiqué précédemment le Tribunal, les relations entre les parties relèvent du domaine contractuel.  La responsabilité qui peut en découler est donc une responsabilité contractuelle.

[109]     Indépendamment de l’article 1617 C.c.Q. qui stipule que les dommages-intérêts résultant d’un retard à payer une somme d’argent se limitent au taux d’intérêt convenu ou au taux légal, l’article 1613 C.c.Q. restreint les dommages-intérêts résultant de l’inexécution de l’obligation aux dommages prévisibles, sauf exception, sinon dans tous les cas aux dommages qui sont une suite immédiate et directe de l’inexécution :

1613.  En matière contractuelle, le débiteur n’est tenu que des dommages-intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir au moment où l’obligation a été contractée, lorsque ce n’est point par sa faute intentionnelle ou par sa faute lourde qu’elle n’est point exécutée; même alors, les dommages-intérêts ne comprennent que ce qui est une suite immédiate et directe de l’inexécution.

[110]     En l’espèce, le Tribunal aurait décidé que les préjudices allégués aux paragraphes 36 (vente de la maison, déménagement et entreposage), 37 (retrait des REER), 39 (emprunts), 40 (sans emploi), 41 (perte de temps), 44 (stress) et 45 (perte de jouissance de la vie) (indépendamment de la qualité très discutable de la preuve présentée à leur égard) n’ont pas de lien de causalité directe avec la faute reprochée.

[111]     En ce qui a trait aux dommages moraux (souffrance morale), si tant est qu’il aurait pu le faire, le Tribunal ne les aurait pas accordés non plus, ces dommages n’étant pas en l’espèce prévisibles en vertu du contrat.  L’assuré avait l’obligation de prouver que sa demande de prestations d’invalidité entrait dans le cadre d’une perte indemnisable en vertu du contrat d’assurance.  Si la recevabilité de sa demande a tardé à être reconnue par l’assureur, ce n’est pas en raison de la conduite de l’assureur, mais en raison de la négligence de l’assuré à fournir diligemment les renseignements médicaux nécessaires à l’évaluation de sa réclamation et à se conformer aux exigences légitimes de l’assureur.

[112]     Enfin, en ce qui a trait aux dommages punitifs, il eut fallu une preuve prépondérante que les défenderesses ont commis un abus de droit manifeste dans le traitement de sa réclamation ou aient porté atteinte à ses droits fondamentaux, ce que ne révèle d’aucune manière la preuve au dossier.

C. CONCLUSION

[113]     Au final, le Tribunal constate qu’au moment où il a intenté son recours, le demandeur a déjà été indemnisé pour la période du 27 octobre 2014 au 1er décembre 2014, qu’il vient à peine de transmettre de nouveaux renseignements médicaux à l’assureur, mais refuse de se conformer à l’exigence de se soumettre à une nouvelle évaluation médicale.  Ce n’est qu’après cette évaluation imposée par le Tribunal sur demande de l’assureur que la réclamation de prestations d’invalidité a été acceptée par l’assureur pour la période débutant le 1er décembre 2014.  Les prestations passées ont alors été payées sans délai et la rente d’invalidité payée par la suite conformément au contrat.

[114]     Le Tribunal est d’avis qu’aucune des deux défenderesses n’a commis de faute à l’égard du demandeur dans le traitement de sa réclamation pouvant justifier l’octroi des dommages réclamés.  Par conséquent, la demande introductive du demandeur sera rejetée.

[115]     Compte tenu des circonstances particulières en l’instance, le recours sera rejeté sans frais de justice.

[116]     PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[117]     REJETTE la demande introductive d’instance;

[118]     SANS FRAIS DE JUSTICE.

 

__________________________________

Honorable Jean-Jude Chabot, j.c.s.

 

Monsieur Régent Ste-Marie

se représente seul

 

Me Sébastien Pierre-Roy

et Me Davina Bastarache

Chenette, boutique de litige inc.

Procureurs de la défenderesse La Great-West, compagnie d’assurance-vie

 

Me Valérie Gareau-Dalpé

Fasken Martineau DuMoulin

Procureure de la défenderesse Locweld inc.

 


 

Me Marie-Claude Michon

Bernard Roy

Procureure du Procureure Général du Québec

Désistement au début du procès

 

Dates d’audience :

16, 17 et 18 mai 2018

 

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