Décision

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St-Denis Sauvé c. Mazda de Granby (9255-1159 Québec inc.)

2018 QCCQ 9768

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

BEDFORD

LOCALITÉ DE

GRANBY

« Chambre civile »

Nos :

460-32-008336-181

 

 

 

DATE :

10 décembre 2018

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

GABRIEL DE POKOMÁNDY, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

 

 

Cloé ST-DENIS SAUVÉ

 

Demanderesse

 

c.

 

MAZDA DE GRANBY (9255-1159 QUÉBEC INC.)

 

Défenderesse

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           La demanderesse cherche à recouvrer de la défenderesse un montant de 1 261,99 $ que lui ont coûté les réparations à un véhicule vendu par la défenderesse et qu’elle estime affecté par un vice ou défaut caché nécessitant ces réparations.

[2]           La défenderesse conteste la réclamation alléguant avoir vendu un véhicule d’un certain âge et d’une certaine usure et niant que le problème survenu serait dû à un vice ou à un défaut caché, mais à l’utilisation du véhicule par la demanderesse.

[3]           De plus, elle soumet qu’elle a tenté d’assumer une part de sa responsabilité en offrant de faire les réparations et ne charger que  50 % du coût.

LES FAITS

[4]           Il est établi que le 26 juin 2017, la demanderesse s’est portée acquéreur d’un Mazda usagé, modèle 2011, avec 142 000 kilomètres de parcourus. Aux termes de la loi, une garantie d’un mois ou 1700 kilomètres était applicable.

[5]           Le 8 mai 2018, alors que la demanderesse est au volant de son véhicule, elle sent une tension dans la conduite.

[6]           Elle se rend immédiatement au garage où l’on fait habituellement l’entretien du véhicule. On y constate que la poutre principale de l’essieu s’est fracturée empêchant l’utilisation du véhicule sans une réparation.

[7]           La demanderesse laisse son auto là et loue une automobile du 8 mai au 15 mai au prix de 152,71 $.

[8]           Quelques jours plus tard, elle se rend à Granby à l’établissement de la défenderesse pour faire part du problème et tenter d’en venir à un arrangement.

[9]           Dès qu’elle obtient l’estimation du coût des réparations de son garage, elle est retournée à Granby rencontrer des responsables de la défenderesse.

[10]        Quoique l’on ne s’estimait pas responsable du problème, le 21 mai 2018, Sophie Martel transmet quand même à la demanderesse une lettre offrant une réduction sur le prix de la réparation ou encore si elle désirait changer de véhicule, un rabais sur le véhicule choisi (P-14).

[11]        La demanderesse refuse et le 25 mai 2018 met la défenderesse en demeure de lui payer le montant total de la réparation ainsi que le remboursement de 100 $ pour le traitement antirouille qui n’aurait pas été appliqué lors de l’achat, bien qu’elle ait payé pour ce service.

 

[12]        En réponse à cette lettre, la défenderesse offre d’assumer 50 % des réparations du bris à la condition que les travaux soient effectués chez Mazda de Granby ou qu’un montant équivalent soit accordé pour l’achat d’un nouveau véhicule (P-3). Au moment de recevoir cette offre, la demanderesse avait déjà fait compléter les réparations par son garagiste Auto Value et lesdites réparations ont coûté 1 340,79 $.

[13]        Il est à souligner que dans l’intervalle, soit le 15 mai 2018, la demanderesse a transmis à la défenderesse une estimation des réparations pour 1 261,99 $ avec des photographies à l’appui (P-16).

[14]        Les photographies ainsi que la déclaration du garagiste réparateur établissent que le support d’essieux a effectivement subi une fracture, mais aussi que du côté opposé, il y a risque de pareille fracture à cause de l’état de détérioration avancée par la rouille.

[15]        Il est établi qu’à peine un an après l’achat, il n’y a plus aucune trace de l’application de l’antirouille pour laquelle pourtant la demanderesse a payé.

[16]        À l’audience, Marc-André Gendron, président de la défenderesse, a reconnu que c’est leur établissement qui a vendu le véhicule et a souligné que pour un bris tel qu’expérimenté par la demanderesse, il fallait avoir frappé un obstacle ou un nid de poule.

[17]        Il souligne aussi que depuis l’achat du véhicule qui avait alors 142 000 kilomètres, 37 033 kilomètres se sont ajoutés.

[18]        Il estime que la défenderesse a tout fait pour satisfaire à ses obligations voire même plus et tenter d’aider à la demanderesse à faire face au problème.

ANALYSE ET DÉCISION

[19]        Aux termes de l’article 1726 du Code civil du Québec, le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

[20]        Selon l’article 1729 du Code civil du Québec, en cas de vente par un vendeur professionnel, l'existence d'un vice au moment de la vente est présumée, lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de même espèce. […]

[21]        Pour repousser cette présomption, le vendeur doit établir que le défaut est dû à une mauvaise utilisation du bien par l’acheteur.

[22]        L’article 38 de la Loi sur la protection du consommateur prévoit qu’un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable […]

[23]        Il est à remarquer qu’en vertu de cette loi, certaines garanties doivent être accordées selon l’âge ou l’usure d’une automobile.

[24]        Ici, la défenderesse admet qu’il y avait une garantie de bon fonctionnement d’un mois ou 1700 kilomètres à cause notamment de l’âge, c’est-à-dire plus de six ans depuis la mise en service et à cause du kilométrage élevé de 142 000 kilomètres.

[25]        En achetant un véhicule de cette catégorie, la demanderesse devait s’attendre à devoir supporter certains problèmes attribuables au vieillissement et à l’usure normale du véhicule.

[26]        Pour un véhicule de cette catégorie, la durabilité raisonnable ne peut être appréciée seulement à partir de la date de vente, mais il faut aussi tenir compte de l’usure normale déjà présente lors de la vente. L’acheteur d’un tel véhicule usagé ne peut pas avoir les mêmes attentes de durabilité que celui d’un véhicule neuf.

[27]        Les détériorations dues à l’usure, au vieillissement ou la vétusté ne constituent pas des vices cachés, car en raison de la révision à la baisse de l’usage attendu, elles n’occasionnent aucun déficit d’usage au sens de la garantie légale de qualité.

[28]        L’usage protégé varie selon l’état d’usure, du vieillissement et de la vétusté du bien au moment de la vente.

[29]        Aux termes des articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec, c’est le réclamant qui a le fardeau de prouver de façon prépondérante les faits qui soutiennent ses prétentions. En appliquant ces principes à la présente affaire, on doit retenir que le vendeur professionnel, qu’est la défenderesse, est présumé connaître les défauts du bien vendu.

[30]        Malgré l’écoulement de la garantie aux termes de la Loi sur la protection du consommateur, l’acheteur devait quand même bénéficier d’une certaine durabilité pour une utilisation normale.

[31]        Dans la présente instance, il est établi que le problème est survenu à cause de l’état de rouille avancé du véhicule qui, faut le reconnaître, participe d’une usure normale.

 

[32]         Bien qu’il n’y ait pas de preuve que le problème de cassure était prévisible ou aurait pu être décelé au moment de la vente de ce véhicule, il reste qu’il est hautement improbable que la détérioration se soit faite au cours de l’année d’utilisation bien qu’il faut reconnaître que la demanderesse a bénéficié d’une utilisation quand même raisonnable.

[33]         Certes, il s’agit d’un bris survenu et qui était imprévisible.

[34]        La preuve est par ailleurs prépondérante que contrairement à ce qui avait été convenu et bien que la demanderesse l’ait payé, on n’a pas procédé à l’application d’un enduit antirouille. L’application de cette substance à notre avis n’aurait probablement pas amélioré la situation, mais peut-être aurait permis de déceler des fissures ou au moins la faiblesse permettant de prévoir la rupture qu’on a expérimentée plus tard. 

[35]        Le Tribunal est d’avis que malgré qu’il s’agit d’un véhicule d’un certain âge, malgré une utilisation qu’on peut qualifier de raisonnable, et qu’il n’y ait pas de garantie, la durée de fonctionnement nous apparaît être en deçà de ce qu’un consommateur raisonnable peut s’attendre. Lorsqu’on achète un véhicule chez un concessionnaire même de cet âge-là et de cette usure, on peut s’attendre à avoir du service pour plus d’un an.

[36]        Par ailleurs, il faut reconnaître qu’en remplaçant l’essieu par un essieu plus récent, le véhicule se trouve en quelque sorte amélioré et la durée de vie raisonnable s’en trouve prolongée.

[37]        Par ailleurs, il est à souligner que la défenderesse lorsqu’informée de la situation a fait des efforts pour aider à la solution du problème et était d’accord pour collaborer en tenant compte de l’ensemble de la situation et participer au coût des réparations dans un ordre pouvant aller jusqu’à 50 % à la condition que les réparations soient effectuées dans son atelier.

[38]        La demanderesse a fait un autre choix, mais elle ne peut pas faire supporter par la défenderesse la conséquence pécuniaire de ce choix.

[39]        La proposition de faire remorquer le véhicule pour faire réparer chez la défenderesse ne nous apparaît pas déraisonnable puisqu’on ne peut pas attribuer le bris à l’entière faute et responsabilité de celle-ci.

[40]        Compte tenu de l’ensemble des circonstances, le Tribunal est d’avis de diminuer le prix de vente d’un montant de 500 $ auquel il y a lieu d’ajouter la somme de 100 $ qui a été payée pour l’antirouille qui n’a pas été appliqué.

[41]        Étant donné que la défenderesse a déjà fait une offre de régler pour un semblable montant, la demande sera accueillie sans frais.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE partiellement la demande;

CONDAMNE Mazda Granby inc. (9255-1159 Québec inc.) à payer à Cloé Saint-Denis Sauvé la somme de SIX CENTS DOLLARS (600 $) avec les intérêts au taux légal de 5 % l’an augmenté de l'indemnité additionnelle calculée suivant l'article 1619 du Code civil du Québec depuis le 25 mai 2018, date de la mise en demeure.

Le tout chaque partie payant ses frais.

 

 

 

__________________________________

GABRIEL de POKOMÁNDY, J.C.Q.

 

 

 

 

 

Date d’audience :

19 novembre 2018

N.B. -   Un an après la date du présent jugement, les pièces produites au dossier seront détruites à moins que les parties n'en reprennent possession avant cette échéance.

AVIS :
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