Décision

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Alaoui c. Médecins vétérinaires (Ordre professionnel des)

2022 QCTP 10

TRIBUNAL DES PROFESSIONS

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

BEAUHARNOIS

 

 

 

 :

760-07-000010-219

 

 

DATE :

 Le 14 mars 2022

______________________________________________________________________

 

CORAM : LES HONORABLES JULIE VEILLEUX, J.C.Q.

                                                     MADELEINE AUBÉ, J.C.Q.

                                                    JEAN ASSELIN, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

YOUNÈS TAHIRI ALAOUI

APPELANT

 

c.

PIA WINDISCH, en qualité de syndique adjointe de l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec

INTIMÉE

 

et

SYLVIE LAVALLÉE, en qualité de secrétaire du Conseil de discipline de l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec

MISE EN CAUSE

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

I. APERÇU

[1]         Younès Tahiri Alaoui, m.v., (l’appelant) dépose une Déclaration d’appel dans laquelle il reproche au Conseil de discipline de l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec (le Conseil) d’avoir rendu des décisions sur culpabilité et sanction qui sont mal fondées.

[2]        Pia Windish, m.v., en qualité de syndique adjointe de l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec (l’intimée) demande au Tribunal le rejet de l’appel.

[3]         Plus précisément, la requête en rejet d’appel modifiée de l’intimée comporte trois motifs qui sont les suivants :

  • l’appelant n’a pas signifié la Déclaration d’appel conformément au Code des professions[1] et au Code de procédure civile[2];
  • la Déclaration d’appel ne pointe aucune erreur manifeste et dominante et ne soulève aucune question de droit sérieuse au regard de la décision sur culpabilité;
  • la Déclaration d’appel n’aborde aucune erreur de principe au regard de la décision sur sanction qui pourrait justifier l’intervention du Tribunal.

[4]        En revanche, l’appelant conteste la requête de l’intimée. En lien avec la signification de sa Déclaration d’appel, il invoque avoir agi au meilleur de sa connaissance, considérant ne pas être assisté d’un avocat. Il demande au Tribunal d’entendre son appel puisque les parties ont reçu sa déclaration d’appel par courrier et que même si la réception de celle-ci est hors délai, elles ne subissent aucun préjudice.

[5]        Il plaide enfin que sa déclaration d’appel est conforme aux exigences du Code des professions et que les motifs d’appel sont sérieux.

[6]                Pour les raisons qui suivent, le Tribunal accueille la demande de rejet d’appel modifiée présentée par l’intimée.

II.      HISTORIQUE PROCÉDURAL

[7]        Le 26 février 2020, une plainte disciplinaire est déposée contre l’appelant. Il doit répondre à six chefs d’accusation lui reprochant d’avoir rendu des services professionnels en faveur de l’un de ses clients, sur une période d’environ trois mois, sans tenir de dossier médical et sans émettre de facture pour les services rendus. De plus il aurait entravé une enquête de l’intimée à quatre reprises, sur une période d’environ un an, en lui transmettant de fausses informations.

[8]                L’audience sur la culpabilité se déroule sur quatre jours. Le 10 mars 2021, le Conseil dépose sa décision et déclare l’appelant coupable des six chefs d’infraction contenus à la plainte disciplinaire.

[9]                L’audition sur sanction se tient en septembre 2021. Le 20 septembre 2021, le Conseil rend sa décision et impose à l’appelant une période de radiation de 12 mois sur chacun des chefs d’entrave, une radiation de 6 mois sur le chef d’avoir rendu des services professionnels en faveur d’un de ses clients sans tenir de dossier médical et une amende de 3 500 $ en l’absence d’émission de facture pour les services rendus. Toutes les périodes de radiation temporaire sont concurrentes.

[10]           Le 21 octobre 2021, l’appelant dépose au greffe de la Cour une Déclaration d’appel à l’encontre des décisions sur culpabilité et sur sanction. Ce même jour, les parties reçoivent par courriel un document d’une page qui indique : « nous vous signifions par la présente le dépôt d’une demande en appel du jugement sur sanction Windisch c. Tahiri Alaoui, 25-20-00504 devant le Tribunal des professions »[3].

[11]           L’appelant transmet par courrier recommandé la Déclaration d’appel le 25 octobre 2021[4]. Les parties reçoivent un exemplaire les 27 et 28 octobre 2021.

[12]           Depuis la réception de la requête en rejet d’appel de l’intimée le 13 décembre 2021, l’appelant ne présente aucune demande au Tribunal pour être relevé de son défaut démontrant son impossibilité d’agir.

III.      ANALYSE

La validité de l’appel

[13]           L’article 164 du Code des professions énonce que la Déclaration d’appel doit contenir un énoncé détaillé des motifs d’appel et doit être signifiée aux parties conformément au Code de procédure civile et produit au greffe de la Cour du Québec dans les 30 jours de la signification de la décision.

[14]           L’article 110 du Code de procédure civile se lit ainsi :

110. La notification peut être faite par tout mode approprié qui permet à celui qui notifie de constituer une preuve de la remise, de l’envoi, de la transmission ou de la publication du document. Elle l’est notamment par l’huissier de justice, par l’entremise de la poste, par la remise du document, par un moyen technologique ou par avis public.

Elle est faite, lorsque la loi le requiert, par l’huissier de justice, auquel cas elle est appelée signification.

Quel que soit le mode de notification utilisé, la personne qui accuse réception du document ou reconnaît l’avoir reçu est réputée avoir été valablement notifiée.

[soulignements ajoutés]

[15]           L’article 139 du Code de procédure civile énumère les actes de procédure qui requièrent la signification par huissier :

139. La demande introductive d’instance est signifiée par huissier. Il en est de même des actes pour lesquels le Code ou une autre loi prévoit la signification.

Sont notamment signifiés:

[]

la déclaration d’appel, la demande pour obtenir la permission d’appeler et le pourvoi en rétractation de jugement; []                             

[soulignements ajoutés]

[16]           En l’espèce, l’appelant dépose sa Déclaration d’appel au greffe de la Cour dans le délai prescrit. Toutefois, elle n’est pas valablement signifiée aux parties conformément aux exigences du Code de procédure civile et du Code des professions. Qui plus est, la signification aux parties doit être faite par l’entremise d’un huissier et dans le délai prescrit de 30 jours.

[17]           Le Tribunal rappelle que les délais de procédures ne doivent pas être banalisés. Ils favorisent une saine gestion des dossiers judiciaires et évitent l’encombrement des tribunaux. Ils participent ainsi à la saine administration de la justice et à l’intérêt public en permettant que les dossiers judiciaires atteignent leur finalité[5].

[18]           Cela dit, la prétention de l’appelant selon laquelle « il agit au meilleur de sa connaissance, considérant ne pas être assisté d’un avocat » fait obstacle à la jurisprudence en la matière. L’ignorance de la loi et le fait de ne pas être assisté d’un avocat ne constituent pas une excuse[6].

[19]           En outre, le Tribunal demeure perplexe face aux explications de l’appelant,  particulièrement lorsqu’il reproduit fidèlement, à la deuxième page de sa Déclaration d’appel, l’article 164 du Code des professions qui traite spécifiquement de la manière dont la signification doit prévaloir.

[20]           En conclusion, la signification par l’huissier de justice de la Déclaration d’appel à chacune des parties est impérative. Le défaut de le faire, au surplus hors délai, s’avère fatal. N’ayant jamais été formée conformément au Code des professions et au Code de procédure civile, la demande d’appel devient irrecevable[7].

[21]           Considérant la décision du Tribunal sur ce premier moyen de la requête en rejet d’appel, il n’est pas requis d’examiner les autres moyens invoqués par l’intimée.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[22]           ACCUEILLE la requête en rejet d’appel modifiée de l’intimée;

[23]           REJETTE l’appel;

[24]           LE TOUT sans frais.

 

__________________________________

JULIE VEILLEUX, J.C.Q.

 

 

 

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MADELEINE AUBÉ, J.C.Q.

 

 

 

__________________________________

JEAN ASSELIN, J.C.Q.

 

Dr Younès Tahiri Alaoui

Agissant personnellement

L’Appelant

 

Me François Montfils

Therrien Couture Joli-Cœur s.e.n.c.r.l.

Pour l’Intimée

 

Me Sylvie Lavallée

Secrétaire du Conseil de discipline de l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec

Mise en cause

 

Date d’audience : 16 février 2022

 

C.D. No :                25-20-00504

 

                              Décision sur culpabilité rendue le 10 mars 2021

                              Décision sur sanction rendue le 20 septembre 2021

 

 

 

 


[1]   RLRQ, c. C-26.

[2]   RLRQ, c. C-25.01.

[3]     Voir pièce R-4.

[4]  Voir pièce R-5.

[5]    Desmarais c. Filion, 2017 QCTP 95, par.9.

[6]    Hotte c. Acupuncteurs (Ordre professionnel des), 2017 QCTP 68, par.11.

[7]  Filion c. Comptables agréés (Ordre professionnel des), 2007 QCTP 123, par. 17; Milunovic c. Herzog, 2007 QCTP 56, par. 48 et 49; Dehkissia c. Croteau, 2011 QCTP 224, par. 4, 8 et 9.

 

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