Décision

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Landry c. LG Electronics Canada Inc.

2021 QCCQ 10459

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

DRUMMOND

LOCALITÉ DE

DRUMMONDVILLE

« Chambre civile »

N° :

405-32-700899-200

 

 

 

DATE :

14 octobre 2021

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

MADAME LA JUGE

SOPHIE LAPIERRE

 

 

______________________________________________________________________

 

 

Mathieu LANDRY, domicilié et résidant au [...], Drummondville (Québec) [...]

Partie demanderesse

c.

LG ELECTRONICS CANADA INC., ayant un établissement au 800, rue Square-Victoria, bureau 3700, Montréal (Québec) H4Z 1E9  

Partie défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           M. Mathieu Landry achète un réfrigérateur neuf de marque LG en 2012. Le réfrigérateur est déclaré irréparable en 2019. M. Landry réclame au fabricant LG Electronics Canada inc. (LG), le coût de remplacement du réfrigérateur, du lave-vaisselle assorti, en plus de dommages-intérêts divers.

[2]           La cause procède par défaut contre LG, absente à l’audience.

[3]           La réclamation de M. Landry totalise plus de quatre fois le prix payé pour l’achat du réfrigérateur. Ses attentes sont grandes. Sa compréhension erronée des règles de droit applicables à son recours motive le Tribunal à en faire un exposé succinct avant d’accorder en partie la réclamation de M. Landry.

Le droit applicable

[4]           M. Landry achète le réfrigérateur pour ses fins personnelles auprès du détaillant Sears de Drummondville. Il s’agit d’un contrat de consommation auquel la Loi sur la protection du consommateur[1] (L.p.c.) s’applique.

[5]           Les articles de la L.p.c. qui s’appliquent au recours de M. Landry contre le fabricant du réfrigérateur sont les suivants :

37.  Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à l'usage auquel il est normalement destiné

38.  Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d'utilisation du bien.

53.  Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d'exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur un vice caché du bien qui a fait l'objet du contrat, sauf si le consommateur pouvait déceler ce vice par un examen ordinaire.

Il en est ainsi pour le défaut d'indications nécessaires à la protection de l'utilisateur contre un risque ou un danger dont il ne pouvait lui-même se rendre compte.

Ni le commerçant, ni le fabricant ne peuvent alléguer le fait qu'ils ignoraient ce vice ou ce défaut.

Le recours contre le fabricant peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.

54.  Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d'exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur une obligation résultant de l'article 37, 38 ou 39.

Un recours contre le fabricant fondé sur une obligation résultant de l'article 37 ou 38 peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.

[6]           En 2016, dans l’affaire Mazda[2], la Cour d’appel explique clairement les règles qui découlent de ces articles :

[60]        Je crois ne pas trahir la jurisprudence en concluant qu’un défaut caché selon la L.p.c., lorsqu’il prend l’aspect d’un déficit d’usage, exige, à l’instar du C.c.Q., de satisfaire aux critères suivants : 1) avoir une cause occulte, 2) être suffisamment grave, 3) être inconnu de l’acheteur et finalement 4) être antérieur à la vente.

[61]        S’il est maintenant généralement accepté que les différentes garanties de qualité en droit de la consommation relèvent d’une source commune, il faut cependant noter que le régime de preuve qui leur est applicable se distingue souvent de celui du droit commun, notamment en raison des présomptions contenues aux articles 37, 38 et 53 de la L.p.c.

[62]        L’article 37 L.p.c. confère au consommateur la garantie d’usage, c'est-à-dire que l'usage du bien doit répondre à ses attentes légitimes. Ainsi, dès que le bien ne permet pas l’usage auquel le consommateur peut raisonnablement s’attendre, il y a alors présomption que le défaut est antérieur à la vente, ce qui laisse également présumer, en application du troisième alinéa de l'article 53 L.p.c., de la connaissance par le vendeur de son existence.

[63]        À mon avis, le consommateur bénéficie aussi de cette autre présomption, découlant de la lecture de l’article 37 L.p.c., relative à l'existence d'une cause occulte. En raison du résultat précis imposé au commerçant par cette disposition, la preuve du consommateur doit pour l’essentiel se concentrer sur ce résultat insuffisant ou absent, selon le cas, si, bien entendu, il s’est livré à un examen ordinaire du bien avant l’achat. Ces preuves le dispensent de démontrer la cause à l’origine du déficit d’usage.

[Soulignement ajouté par le présent Tribunal]

[7]           Relativement à la preuve de la durée raisonnable d’utilisation du bien, le Tribunal est d’accord avec l’énoncé suivant tiré de l’affaire SSQ, société d'assurances inc. c. Whirlpool Canada[3] :

[41]        Le Tribunal souligne que la L.p.c. prévoit un ensemble de règles qui vise à protéger le consommateur. Or le législateur n’a sûrement pas voulu obliger l’acheteur (ni le subrogé) à un fardeau de preuve ardu en l’obligeant à faire la preuve de la durée de vie utile par expertise. Cette exigence serait à l’opposé du but recherché par la L.p.c.

[42]        Puisque l’attente légitime s’apprécie in abstracto par rapport au consommateur moyen, le Tribunal conclut que SSQ, par le témoignage de monsieur Soucy conjugué avec les autorités déposées, se décharge de son fardeau de la preuve et établit qu’un lave-vaisselle, comme celui ici concerné, a une durée de vie utile de 10 ans. Ainsi, il n’est donc pas normal qu’un lave-vaisselle fuit après 5 ans d’utilisation.

[Soulignement ajouté par le présent Tribunal]

La preuve offerte par M. Landry

[8]           M. Landry achète le réfrigérateur le 22 décembre 2012, et en reçoit livraison le 19 janvier 2013. Il paie 2 199,99 $ avant taxes, après avoir obtenu un rabais de 800 $ sur le prix régulier fixé par le détaillant.

[9]           Au cours de l’année 2019, le réfrigérateur émet un bruit inquiétant. Un réparateur autorisé examine le réfrigérateur et suite à quelques interventions, change le compresseur. En vain. Il déclare le réfrigérateur irréparable l’automne suivant.

[10]        M. Landry témoigne qu’il s’attend à ce qu’un réfrigérateur de ce prix, qu’il qualifie d’électroménager de luxe, dure plus longtemps qu’à peine sept ans. Il recense plusieurs jugements de notre Cour, dont quelques-uns qui estiment que l’acheteur d’un réfrigérateur qui cesse de fonctionner adéquatement après une utilisation normale d’environ sept ans est protégé par la garantie de bon usage et de durabilité de la L.p.c[4]. La jurisprudence consultée par le Tribunal permet de constater que la preuve retenue par les tribunaux montre une durée de vie utile pour un réfrigérateur qui varie entre 7 et 17 ans[5].

[11]        Le Tribunal estime que l’attente légitime de M. Landry correspond à celle du consommateur moyen, considérant le prix payé pour le réfrigérateur. La jurisprudence appuie sa prétention que le réfrigérateur devait durer normalement plus de sept ans[6]. M. Landry a droit d’être compensé.

Le remède approprié et les sommes auxquelles M. Landry a droit

[12]        M. Landry réclame des dommages-intérêts de LG pour une somme qui avoisine les 10 000$[7]. Il réclame ce qui lui en coûtera pour acheter un nouveau réfrigérateur ainsi qu’un lave-vaisselle assorti. Il réclame le remboursement d’un petit réfrigérateur d’appoint qu’il s’est procuré, ainsi que les frais de réparation du réfrigérateur qu’il a assumés avant qu’il ne soit déclaré irréparable. Il ajoute à ce qui précède, les frais de livraison éventuelle de nouveaux électroménagers, une compensation pour la nourriture perdue, ainsi que des dommages pour les troubles et inconvénients et déboursés liés à sa mésaventure.

[13]        Le Tribunal fait sien l’extrait suivant de l’affaire Lefebvre c. Samsung Electronics Canada inc.[8] quant à l’objectif compensatoire qu’ont les dommages-intérêts :

[14]        Les dommages auxquels peut avoir droit le demandeur sont de nature compensatoire et ont pour but de compenser le préjudice subi en permettant au demandeur de revenir dans la situation dans laquelle il se serait trouvé s’il n’y avait pas eu contravention à l’obligation de durabilité prévue à la loi. Le montant octroyé doit donc permettre de compenser tous les préjudices subis qui sont la conséquence directe et immédiate du manquement sans non plus excéder la valeur des préjudices ainsi subis et être par le fait même une source d’enrichissement pour le consommateur.

[14]        En application de ces principes, le Tribunal accorde la valeur dépréciée de l’électroménager déclaré irréparable, cette dépréciation devant être établie en fonction de la période d’utilisation du bien par rapport à sa durée de vie utile estimée[9]. Le Tribunal estime que le réfrigérateur de M. Landry avait été utilisé pour environ la moitié de sa durée de vie utile estimée. En conséquence, M. Landry a droit à 50 % du prix payé incluant les taxes, soit 1 265 $.

[15]        M. Landry a aussi droit d’être remboursé de la somme de 344,93 $ pour le coût des réparations au réfrigérateur.

[16]        M. Landry n’a pas le droit d’être compensé pour un nouveau lave-vaisselle puisque celui qu’il a n’est pas défectueux. Sa prétention qu’il ne peut remplacer son réfrigérateur sans remplacer son lave-vaisselle parce qu’ils sont de finition assortie, ainsi que sa réclamation du prix d’achat d’un petit réfrigérateur d’appoint qu’il utilise toujours, doivent être rejetées parce qu’il ne s’agit pas de dommages directement causés par le bris prématuré du réfrigérateur.

[17]        Il en va de même pour les frais de livraison de nouveaux électroménagers ainsi que les frais de leur installation.

[18]        Finalement, M. Landry n’offre aucune preuve concernant la nourriture qu’il aurait perdue lors des arrêts de fonctionnement du réfrigérateur. Le Tribunal ignore ce qui a été perdu à chacune des fois. Usant de sa discrétion, le Tribunal lui accorde 100 $.

[19]        Les autres dommages-intérêts que M. Landry réclame ne sont pas prouvés, sont indirects ou, comme les frais d’envoi de courrier, irrecevables parce qu’afférents à l’exercice de son recours[10].

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[20]        ACCUEILLE partiellement la demande introductive d’instance;

[21]       CONDAMNE LG Electronics Canada inc. à payer à M. Mathieu Landry, la somme de MILLE SEPT CENT NEUF DOLLARS ET QUATRE-VINGT-TREIZE CENTS (1 709,93 $), en plus de l’intérêt légal et de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de réception de la mise en demeure le 3 décembre 2019;

[22]       CONDAMNE LG Electronics Canada inc. aux frais de justice de 193 $.

 

 

 

 

__________________________________

SOPHIE LAPIERRE, J.C.Q.

 

 

 

 

 

 

Date d’audience:

16 septembre 2021

 

N.B. -     Un an après la date du présent jugement, les pièces produites au dossier seront détruites à moins que les parties n'en reprennent possession avant cette échéance.

 

 

 

 



[1]     RLRQ, c. P-40.1.

[2]     Fortin c. Mazda Canada Ltd, 2016 QCCA 31.

[3]     2018 QCCQ 7170.

[4]     Jacques c. Sears Canada inc., 2014 QCCQ 5249; Vivier c. LG Électroniques Canada inc., 2015 QCCQ 7184; Boyer c. LG Electronics Canada Inc., 2016 QCCQ 6347.

[5]     Fortin c. Électrolux Home Products Canada, 2009 QCCQ 7344; Licatése c. Brick Warehouse, l.p., 2009 QCCQ 13461; Lebrun c. Labbé (Rendez-vous des aubaines), 2009 QCCQ 15219; Lavoie c. Électroluxe, 2010 QCCQ 8969; Lefebvre c. Samsung Electronics Canada inc., 2018 QCCQ 4237; Nolet c. LG Électroniques Canada inc., 2020 QCCQ 805.

[6]     SSQ, société d'assurances inc. c. Whirlpool Canada, précité note 3.

[7]     L.p.c., article 272.

[8]     Précité note 5.

[9]     Licatése c. Brick Warehouse, l.p., précité note 5; Lavoie c. Électroluxe, précité note 5; Jacques c. Sears Canada inc., précité note 4; Vivier c. LG Électroniques Canada inc., précité note 4; Dubeau c. Bosch Canada, 2014 QCCQ 10882; Boyer c. LG Electronics Canada Inc., précité note 4; Nolet c. LG Électroniques Canada inc., précité note 5..

[10]    Hinse c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 35, paragr. 145.

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