André c. Carrosseries Richard Lambert inc. |
2013 QCCQ 16528 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
LAVAL |
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LOCALITÉ DE |
LAVAL |
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« Chambre civile » |
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N° : |
540-32-024757-120 |
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DATE : |
13 décembre 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
PIERRE CLICHE, J.C.Q. |
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ÉMILIE-LAURENCE ANDRÉ |
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Demanderesse |
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c. |
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CARROSSERIES RICHARD LAMBERT INC. |
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et |
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AUTOMOBILES R. LAMBERT INC. |
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Défenderesses |
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JUGEMENT |
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[1] Madame Émilie-Laurence André réclame 4 843,30 $, solidairement des défenderesses Carrosseries Richard Lambert inc. (ci-après appelée «Carrosseries Lambert») et Automobiles R. Lambert inc. (ci-après appelée «Automobiles Lambert»), suite à l'achat d'un véhicule d'occasion.
[2] Les défenderesses contestent cette réclamation aux motifs qu'Automobiles Lambert a procédé à des réparations sur le véhicule, postérieurement à sa vente à la demanderesse, et qu'elle n'est aucunement responsable des défectuosités qui ont pu survenir par la suite.
[3] De plus, Carrosseries Lambert soutient n'avoir jamais fait affaire avec la demanderesse.
LES QUESTIONS EN LITIGE
[4] Les questions en litige sont les suivantes :
1) La demanderesse est-elle en droit d'obtenir la réduction du prix d'achat de son véhicule d'occasion et des dommages-intérêts pour un montant total de 4 843,30?
2) Existe-t-il un lien de droit entre la demanderesse et la codéfenderesse Carrosseries Lambert?
LES FAITS
[5] Les faits les plus pertinents retenus par le Tribunal sont les suivants.
[6] Le 6 septembre 2011, la demanderesse se présente chez Automobiles Lambert, dont la place d'affaires est située à Laval, en vue de faire l'acquisition d'un véhicule d'occasion qu'elle avait déjà identifié suite à la consultation d'une annonce de sa mise en vente.
[7] Elle est alors accompagnée de sa sœur, madame Élodie André et de monsieur Bernard Dupuis, lequel possède des connaissances en mécanique.
[8] Compte tenu que le véhicule convoité par la demanderesse avait déjà été vendu, le représentant d'Automobiles Lambert, monsieur Alexandre Lambert, lui propose l'achat d'un véhicule de marque Volkswagen Golf de l'année 1999.
[9] L'odomètre de ce véhicule indique 207 810 kilomètres et est en vente au prix de 1 700,00 $ plus taxes.
[10] La demanderesse ainsi que les personnes qui l'accompagnent, procèdent alors à une inspection du véhicule et en font un essai routier.
[11] Aucun bruit ni anomalie particulière n'est alors constaté.
[12] À la demande de monsieur Dupuis et suivant le témoignage de la demanderesse, monsieur Lambert accepte et s'engage à procéder à une inspection complète du véhicule avant que la demanderesse en fasse l'acquisition.
[13] Il lui fait part que cette inspection sera effectuée d'ici vingt-quatre heures et qu'elle pourra donc prendre possession du véhicule le 7 septembre 2011.
[14] À sa demande, la demanderesse lui verse alors la somme de 300,00 $ à titre de dépôt[1].
[15] Le 7 septembre 2011, la demanderesse se présente de nouveau chez Automobiles Lambert.
[16] Monsieur Alexandre Lambert l'avise alors qu'il n'a pas eu le temps nécessaire pour procéder à l'inspection complète du véhicule, à l'exception du remplacement des bougies, de l'huile à moteur et d'une vérification des freins.
[17] Il lui demande alors de le rappeler le 12 septembre suivant afin de déterminer un autre jour où elle pourra prendre possession du véhicule et que d'ici là, l'inspection complète sera effectuée.
[18] La demanderesse refuse alors cette proposition et procède, malgré tout, à l'acquisition du véhicule, pour le prix de 1 785,00 $ taxes incluses, par la signature d'un contrat de vente[2].
[19] Ce contrat indique à la section «Garanties» la note suivante:
« Aucune garantie (bougies neuves, freins 50 %, huile neuve»
[20] Au moment même de sa prise de possession du véhicule, la demanderesse entend un bruit alors qu'elle se trouve encore dans le stationnement d'Automobiles Lambert.
[21] Des vérifications sont effectuées immédiatement par un mécanicien d'Automobiles Lambert qui constate, après un essai routier, un problème possible avec le débitmètre d'air massique («mass air flow sensor»), qui mesure la valeur et le débit d'air entrant dans le moteur, ainsi qu'avec certains câbles ou fils conducteurs .
[22] Il est alors proposé à la demanderesse de quitter avec le véhicule et de prendre un rendez-vous afin que ces problèmes soient réparés sans frais par Automobiles Lambert.
[23] La demanderesse quitte donc les lieux et y retourne le 14 septembre 2011, accompagnée d'un de ses amis, soit monsieur Mathieu Tardif.
[24] Entre le 7 et le 14 septembre, elle éprouve des problèmes liés au démarrage et à la direction du véhicule.
[25] En se rendant chez Automobiles Lambert, la demanderesse et monsieur Tardif constatent que le système de servo-direction du véhicule est défectueux, les obligeant à remplir le réservoir de ce système du liquide approprié.
[26] Sur place, elle en informe monsieur Lambert qui nie toute responsabilité quant à cette anomalie, alléguant qu'il ne s'était jamais engagé à procéder à une inspection complète du véhicule avant sa vente.
[27] Après vérification, il lui fait alors part qu'il y a une fuite importante dans le système de la direction et qu'il est nécessaire de changer la crémaillère de même deux tuyaux dans lesquels coule le liquide de servo-direction, le tout pour un montant de 150,00 $.
[28] La demanderesse donne donc son accord à cette réparation et reprend son véhicule le 15 septembre suivant en compagnie de monsieur Nicolas Vincent-Poirier.
[29] À ce moment, monsieur Lambert les informe que la crémaillère n'a pas été changée, étant toujours en bon état, et que seuls les tuyaux furent remplacés, mais que le coût de cette réparation est de 301,91 $, taxes incluses.
[30] Malgré les discussions alors tenues entre les parties quant au montant de ces frais de réparation, non-conformes à ceux convenus la veille entre eux, la demanderesse accepte tout de même de payer la somme de 301,91 $ afin de pouvoir reprendre possession de son véhicule[3].
[31] Cette facture est cependant émise par Carrosseries Lambert.
[32] La demanderesse constate alors que son véhicule est stationné de l'autre côté de la rue et non sur le terrain d'Automobiles Lambert.
[33] Suite à des questions posées par elle à ce sujet, la preuve révèle que des commentaires désobligeants lui sont adressés par monsieur Lambert ainsi que par certains employés d'Automobiles Lambert.
[34] Cinq jours plus tard, soit le 20 septembre suivant, le véhicule de la demanderesse tombe en panne alors qu'elle se trouve au centre-ville de Montréal.
[35] Elle communique alors avec monsieur Alexandre Lambert qui, au nom d'Automobiles Lambert, nie toute responsabilité relativement à cette panne.
[36] En attendant de faire inspecter son véhicule, elle cesse de l'utiliser, du 20 au 29 septembre, et ce, par mesure de sécurité.
[37] Le 29 septembre 2011, elle se rend au Garage Éric de Bellefeuille à Saint-Faustin.
[38] À ce moment, le véhicule a parcouru 715 kilomètres depuis son achat par la demanderesse.
[39] Une vérification complète du véhicule est alors effectuée par monsieur Éric de Bellefeuille[4].
[40] Il constate alors les principales anomalies suivantes:
- Fuite d'huile à transmission;
- Courroie serpentine craquée;
- Filtre à air à remplacer;
- Joint à rotule («Ball Joint») avant droit est lâche;
- Roulement («Bearing») de roue arrière gauche à remplacer;
- Bague («Busching») de table avant déchirée;
- Bobines d'allumage craquées;
dont le coût pour leur réparation est évalué à un montant de 836,66 $, taxes incluses[5].
[41] Sur le document d'évaluation alors émis par Garage de Bellefeuille, il est indiqué que «les dommages n'ont pas été créés dans un court laps de temps ».
[42] Les réparations suivantes sont alors effectuées:
- Remplacement des bobines d'allumage;
- Remplacement de la courroie serpentine;
- Remplacement du filtre à air;
- Shampoing de la transmission;
- Ajout de nettoyeur à moteur,
le tout pour une somme de 509,69 $, laquelle est alors payée par la demanderesse[6].
[43] Le 5 octobre 2011, la demanderesse fait parvenir une mise en demeure à monsieur Lambert, pour et au nom de Carrosseries Lambert, réclamant alors la somme de 2 311,66 $[7].
[44] Le 18 octobre suivant, monsieur Lambert lui répond par écrit, au nom d'Automobiles Lambert, niant toute responsabilité[8].
[45] Cette lettre est cependant contenue dans une enveloppe sur laquelle apparaît uniquement le nom de Carrosseries Lambert.
[46] Le 10 novembre 2011, éprouvant encore des problèmes avec le démarrage de son véhicule et ayant subi des pannes à différentes occasions, la demanderesse retourne au garage de monsieur de Bellefeuille.
[47] Suivant la déclaration pour valoir témoignage signée par lui, il constate, après avoir retiré les grilles situées sous les essuies-glace, une accumulation importante de feuilles mortes à cet endroit ainsi que sur le filtre de l'habitacle ayant ainsi provoqué une infiltration d'eau dans un ordinateur causant des bris du capteur de l'arbre à cames du véhicule («camshaft sensor») .
[48] D'autres travaux de réparations sont alors effectués, dont certaines avaient été identifiées le 29 septembre 2011, soit :
1. Remplacement du roulement de roue arrière-gauche;
2. Remplacement du filtre d'habitacle;
3. Remplacement du capteur de l'arbre à cames;
4. Installation d'un moyeu déjà assemblé;
le tout pour un montant total de 831,05 $[9].
[49] Le 14 novembre 2011, la demanderesse fait parvenir une deuxième mise en demeure aux défenderesses leur réclamant alors la somme de 3 170,98 $[10], laquelle reste sans réponse.
[50] Le 5 décembre suivant, le véhicule de la demanderesse tombe de nouveau en panne et est remorqué puis transporté au Garage Arbour Volkswagen à Laval.
[51] La demanderesse paie alors la somme de 711,92 $[11] afin de faire remplacer la pompe à essence qui ne fonctionne plus.
[52] Le 6 janvier 2012, puisque son véhicule éprouve encore des problèmes de démarrage, elle le fait remorquer jusqu'au garage de monsieur de Bellefeuille.
[53] Après vérification, le capteur de positionnement du vilebrequin («crank sensor») est défectueux et est donc remplacé pour une somme de 288,48 $[12].
[54] À cette occasion, monsieur de Bellefeuille constate que la perte d'huile du système de servo-direction provient de la crémaillère, laquelle n'est pas alors remplacée.
[55] Enfin, le 9 janvier 2012, la demanderesse fait parvenir une dernière mise en demeure aux défenderesses leur réclamant la somme de 4 884,60 $[13], laquelle inclut un montant de 2 643,04 $ à titre de remboursement des frais de réparation qu'elle avait alors payés.
[56] Entre le 7 septembre 2011 et le 9 janvier 2012, la demanderesse a dû faire remorquer à trois reprises son véhicule et elle fut dans l'impossibilité de l'utiliser pendant environ vingt-quatre jours.
[57] Au moment de l'audition, la demanderesse utilisait toujours son véhicule et avait assumé des coûts de réparation additionnels, postérieurement au 9 janvier 2012, lesquels n'ont pas fait l'objet de sa réclamation.
ANALYSE ET DISCUSSION
a) Les principes de droit applicables.
[58] La demanderesse a le fardeau de prouver le bien-fondé de sa réclamation et des faits qui la soutiennent selon la balance des probabilités[14].
[59] La vente d'un véhicule d'occasion, par un commerçant en semblable matière à un consommateur, est soumise à la fois aux dispositions de la Loi sur la protection du consommateur[15] ( ci-après nommée L.p.c.) et à celles du Code civil du Québec.
[60] Par conséquent, Automobiles Lambert est tenue à une obligation de garantie de qualité des véhicules d'occasion qu'elle vend, tant en vertu de l'article 1726 du Code civil du Québec que des articles 37 et 38 de la L.p.c.:
Article 1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.
Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.
Article 37. Un bien qui fait l'objet d'un
contrat doit être tel qu'il puisse servir à l'usage auquel il est normalement
destiné.
Article 38. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d'utilisation du bien.
[61] Les dispositions prévues à l'article 37 de la L.p.c., traitent plus spécifiquement de la garantie d'usage normal alors que celles énoncées à l'article 38, concernent la garantie de durabilité raisonnable.
[62] La garantie d'usage normal, implique que le consommateur doit pouvoir faire un usage normal du bien qu'il achète, c'est-à-dire qu'il doit être exempt de défaut qui empêche l'usage auquel il est normalement destiné.
[63] Quant à la garantie de durabilité raisonnable, celle-ci implique qu'au moment de la vente, le véhicule d'occasion doit être utilisable pendant une durée raisonnable.
[64] Quant à la garantie légale de bon fonctionnement, prévue aux articles 159 et 160 de la L.p.c., celle-ci est cependant inapplicable pour les véhicules d'occasion qui sont sur le marché depuis plus de cinq ans et qui ont parcouru plus de 80 000 kilomètres, comme celui vendu par Automobiles Lambert à la demanderesse.
[65] Cependant, malgré la non-application de cette garantie, celles d'usage normal (article 37) et de durabilité raisonnable (article 38) continuent de s'appliquer, et ce, même s'il s’agit de la vente d'un véhicule d'occasion.
[66] Par conséquent, la mention «aucune garantie»,indiquée au contrat de vente intervenu entre les parties, ne concernait donc que la garantie légale de bon fonctionnement.
[67] De plus, compte tenu qu'Automobiles Lambert est une vendeuse professionnelle de véhicules d'occasion, elle est présumée connaître les défauts cachés affectant les véhicules qu'elle vend, et ce, en vertu de l'article 1729 du Code civil du Québec et du troisième alinéa de l'article 53 de la L.p.c.:
Article 1729. En cas de vente par un vendeur professionnel, l'existence d'un vice au moment de la vente est présumée, lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de mêmes espèces; cette présomption est repoussée si le défaut est dû à une mauvaise utilisation du bien par l'acheteur.
Article 53 (3). Ni le commerçant, ni le fabricant ne peuvent alléguer le fait qu'ils ignoraient ce vice ou ce défaut.
[68] Cependant, il importe de mentionner que les garanties d'usage normal et de durabilité raisonnable s'appliquent sans égard à la preuve d'un vice caché[16].
[69] Ces garanties créent donc un régime distinct de celle contre les vices cachés et visent à assurer la qualité marchande d'un bien pendant un certain temps.
[70] Bien que l'achat d'une automobile d'occasion comporte l'acceptation de certains risques, l'acheteur de ce type de véhicule doit tout de même pouvoir être en mesure de l'utiliser de façon sécuritaire et normale, compte tenu de son année de fabrication et des kilomètres parcourus.
[71] En ce qui concerne l'application des garanties prévues aux articles 37 et 38 de la L.p.c., les auteurs Nicole L'Heureux et Marc Lacoursière, dans leur ouvrage intitulé «Droit de la consommation» [17] affirment que :
« Par les articles 37 et 38, le législateur veut empêcher que des biens qui ne procurent pas un usage normal ou qui sont invendables parce qu'ils ne répondent pas à leur finalité, ni à l'attente légitime du consommateur, soient mis en marché. La notion d'usage normal est très voisine de celle des défauts cachés. Les critères traditionnels nécessaires à la détermination d'un vice caché, soit que le vice soit caché et non apparent, inconnu de l'acheteur, antérieur à la vente et suffisamment grave, se retrouvent en droit de la consommation. Toutefois, vu la présence d'une présomption, la démonstration en preuve de certains de ces critères s'en trouve facilité.»[18]
[72] Pour sa part, le consommateur n'est tenu qu'à un examen ordinaire du véhicule d'occasion avant son achat, et ce, en vertu du premier alinéa de l'article 53 de la L.p.c.[19], comme le ferait une personne faisant preuve de diligence moyenne.
[73] Par conséquent, la loi n'exige pas du consommateur qu'il retienne les services d'un expert pour procéder à l'inspection pré-achat du véhicule.
[74] Enfin, lorsqu'un commerçant manque à une obligation prévue à la L.p.c., l'article 272 de cette loi prévoit ce qui suit :
Article 272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l'article 314 ou dont l'application a été étendue par un décret pris en vertu de l'article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas:
a) l'exécution de l'obligation;
b) l'autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;
c) la réduction de son obligation;
d) la résiliation du contrat;
e) la résolution du contrat; ou
f) la nullité du contrat,
sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.
[75] En ce qui concerne la preuve des dommages-intérêts, celui qui les réclame doit les prouver de façon prépondérante.
[76] Seuls les dommages directs peuvent faire l'objet d'une réparation.
b) Application des principes au présent litige.
1) La demanderesse est-elle en droit d'obtenir la réduction du prix d'achat de son véhicule d'occasion et des dommages-intérêts pour un montant total de 4 843,30?
[77] Une réponse affirmative doit être donnée en partie à cette question pour les raisons suivantes.
[78] La réclamation de la demanderesse se détaille comme suit:
1. Frais de réparation : 2 643,03 $
2. Frais de réparation de la crémaillère : 700,00 $
3. Troubles, ennuis et inconvénients : 1 500,00 $
_________________
TOTAL: 4843,03 $
1. Frais de réparation.
[79] La preuve a démontré que la demanderesse a dû débourser, entre la période du 15 septembre 2011 et le 6 janvier 2012, la somme totale de 2 643,03 $ à titre de frais de réparation du véhicule acquis auprès d'Automobiles Lambert.
[80] Ces réparations se sont avérées nécessaires afin que le moteur du véhicule puisse fonctionner normalement sans compter que la demanderesse a éprouvé des problèmes avec le véhicule à peine quelques jours après son achat.
[81] L'ensemble de la preuve a donc révélé que le véhicule automobile dont elle a fait l'acquisition n'a pu être utilisé normalement, et ce, pendant une durée raisonnable.
[82] Par conséquent, les garanties prévues aux articles 37 et 38 de la L.p.c. n'ont pas été respectées par Automobiles Lambert.
[83] De plus, les nombreux bris constatés sur ce véhicule démontrent qu'il était atteint de vices cachés au moment de son achat par la demanderesse.
[84] En effet, le 6 septembre 2011, la demanderesse a procédé à un examen normal du véhicule et rien ne peut lui être reproché à ce titre.
[85] Pour sa part, Automobiles Lambert n'a pas été en mesure de démontrer, de quelque façon que ce soit, que la demanderesse connaissait les vices pouvant affecter ce véhicule.
[86] De plus, aucune preuve d'un usage abusif du véhicule de sa part n'a été présentée.
[87] Quant à la gravité des vices, il n'est pas nécessaire qu'ils enlèvent toute utilité au véhicule et rendent son usage impossible.
[88] Il suffit qu'ils présentent un certain degré de gravité et être assez sérieux pour en diminuer l'utilité.
[89] Dans le présent cas, ceux-ci furent suffisamment graves puisqu'ils ont empêché la demanderesse d'utiliser son véhicule normalement dès les jours et semaines suivant son acquisition.
[90] Cependant, la demanderesse a fait le choix de ne pas demander l'annulation de la vente de son véhicule.
[91] Lors de l'audition, elle a affirmé qu'elle en appréciait toujours son utilisation malgré le paiement de réparations additionnelles qu'elle a dû assumer après le 6 janvier 2012.
[92] Dans de telles circonstances, bien que son recours soit justifié contre Automobiles Lambert, et ce, tant en vertu des articles 37 et 38 de la L.p.c. que des articles 1726 et 1729 du Code civil du Québec, le Tribunal ne peut accorder à la demanderesse le remboursement complet des frais de réparation qu'elle réclame puisqu'ils sont supérieurs, pour un peu plus de 538,00 $, au prix qu'elle a payé pour faire l'acquisition de son véhicule.
[93] Si le Tribunal faisant droit à sa demande, ceci équivaudrait à lui permettre de conserver son véhicule sans en payer le prix[20].
[94] D'ailleurs, comme l'affirment le juge Jean-Louis Baudouin et le professeur Patrice Deslauriers dans leur ouvrage intitulé «La responsabilité civile»[21]:
« La jurisprudence tente de réaliser un équilibre entre deux impératifs. Le premier est de voir à ce que l'indemnisation ne soit pas une source d'enrichissement pour la victime. Le second est, au contraire, d'éviter de la laisser dans une situation ne reflétant pas une réparation intégrale.»[22]
[…]
« Si l'objet n'est que détérioré, on doit accorder en principe les déboursés nécessaires pour permettre sa remise en état, à condition toutefois que ceux-ci ne soient pas supérieurs au prix d'achat d'un objet identique sur le marché.»[23]
[…]
« Lorsqu'une automobile est endommagée et que les coûts de réparation n'excèdent pas la valeur du véhicule, le Tribunal y voit en général le montant des dommages à accorder. Cependant, la question devient plus complexe lorsque le coût excède la valeur marchande du véhicule ou que sa valeur commerciale est différente de celle qu'il a pour son propriétaire.
Dans le premier cas, à moins de circonstances particulières, on ne saurait allouer à la victime un coût de réparation supérieur à la valeur de l'automobile. Il semble plus logique de baser l'indemnisation sur la valeur commerciale du véhicule ou de sa valeur de remplacement.»[24]
[95] Ces mêmes principes s'appliquent dans le présent cas.
[96] De plus, en application des dispositions prévues à l'article 272 de la L.p.c., le Tribunal ne peut accorder à la demanderesse que la réduction de son obligation, soit la réduction du prix d'achat de son véhicule et lui accorder des dommages-intérêts, s'il y a lieu.
[97] Cependant, dans le cadre d'une telle réclamation, la demanderesse avait l'obligation de minimiser ses dommages.
[98] Or, avant d'assumer le paiement de frais de réparation qui, à compter du 5 décembre 2011, ont dépassé le prix d'achat d'un véhicule construit en 1999, la demanderesse aurait dû offrir à Automobiles Lambert de le reprendre et demander l'annulation de la vente, le remboursement du prix payé et s'il y a lieu, des dommages-intérêts.
[99] Le Tribunal doit donc tenir compte de la décision prise par la demanderesse de garder le véhicule et d'en continuer l'utilisation, malgré les frais de réparation qui y sont associés.
[100] Dans ces circonstances, le Tribunal considère que la réduction du prix de vente pour un montant de 1 000,00 $, correspondant en partie au coût des réparations payées par la demanderesse entre le 15 septembre et le 10 novembre 2011, est appropriée dans les circonstances.
2. Réparation de la crémaillère.
[101] Concernant cette réclamation, la demanderesse a admis, lors de l'audition, ne pas être en mesure de prouver la réparation apportée à la crémaillère de son véhicule.
[102] En effet, aucune facture établissant cette réparation n'a été produite par la demanderesse et par conséquent, sa réclamation à ce sujet, au montant de 700,00 $, est donc rejetée.
3. Troubles, ennuis et inconvénients.
[103] La preuve a démontré que la demanderesse a subi de nombreux inconvénients liés directement aux multiples pannes de moteur de son véhicule.
[104] En effet, en plus d'en avoir été privée pendant plusieurs jours sur une période d'environ quatre mois, elle a dû se déplacer à de nombreuses reprises chez des garagistes, lui occasionnant ainsi des pertes de temps, des ennuis et du stress.
[105] Usant de sa discrétion judiciaire, le Tribunal fixe à 500,00 $ la valeur des troubles, ennuis et inconvénients subis par la demanderesse suite au non-respect par Automobiles Lambert de ses obligations prévues à la L.p.c et au Code civil du Québec.
2) Existe-t-il un lien de droit entre la demanderesse et la codéfenderesse Carrosseries Lambert?
[106] Une réponse négative doit être donnée à cette question pour les raisons suivantes.
[107] La preuve a révélé que la demanderesse a fait affaire uniquement avec Automobiles Lambert, soit la seule entreprise à lui avoir vendu le véhicule en litige.
[108] La preuve n'a donc pas révélé l'existence d'un lien de droit entre la demanderesse et Carrosseries Lambert.
[109] Cependant, compte tenu de la confusion ayant résultée de l'envoi d'une lettre par monsieur Alexandre Lambert, laquelle était contenue dans une enveloppe portant le nom de Carrosseries Lambert, et du fait que cette compagnie a facturé la somme de 301,91 $ à la demanderesse, après l'achat de son véhicule, son recours contre Carrosseries Lambert sera rejeté sans frais.
[110] En conclusion, le Tribunal accorde donc à la demanderesse la somme totale de 1 500,00 $ suite à l'achat d'un véhicule d'occasion auprès d'Automobiles Lambert.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
[111] ACCUEILLE en partie la demande de la demanderesse Émilie-Laurence André;
[112] CONDAMNE la défenderesse, Automobiles R. Lambert inc., à payer à la demanderesse, Émilie-Laurence André, la somme de 1 500,00 $, avec intérêt au taux de 5 % l'an ainsi que l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, et ce, à compter de l'assignation, soit le 23 janvier 2012;
[113] CONDAMNE la défenderesse, Automobiles R. Lambert inc., à payer à la demanderesse, Émilie-Laurence André, les frais judiciaires de 132,00 $;
[114] REJETTE la demande de la demanderesse, Émilie-Laurence André, contre Carrosseries Richard Lambert inc., le tout, SANS FRAIS.
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__________________________________ PIERRE CLICHE, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
16 août 2013 |
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[1] Pièce P-7.
[2] Pièce P-7.
[3] Pièce P-1: Facture numéro 1487.
[4] Pièce P-8.
[5] Pièce P-10.
[6] Pièce P-9.
[7] Pièce P-1.
[8] Pièce P-5.
[9] Pièce P-9.
[10] Pièce P-2.
[11] Pièce P-9.
[12] Pièce P-9.
[13] Pièce P-3.
[14] Articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec, lesquels se lisent comme suit:
Article 2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.
Article 2804. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.
[15] L.R.Q. c.P-40.1
[16] Gallant c. Motosport du cuivre inc., 2012 QCCQ 16449; Létourneau c. Laflèche auto ltée., J.E. 86-739; Champagne c. Hyundai auto canada inc., J.E. 88-1096.
[17] Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., 6e édition, 2011.
[18] Ibid., page 101, paragraphe 83.
[19] Article 53. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d'exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur un vice caché du bien qui a fait l'objet du contrat, sauf si le consommateur pouvait déceler ce vice par un examen ordinaire.
[20] Verville c. 9164-7308 Québec inc., EYB 2008-129346 (C.A.).
[21] Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., 7e édition, volume 1, Principes généraux, 2007.
[22] Ibid., pages 334 à 335, paragraphe 1-419.
[23] Ibid., page 439, paragraphe 1-423.
[24] Ibid., page 442 à 443, paragraphe 1-425.
AVIS :
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