Noreau c. Commission municipale du Québec | 2024 QCCS 4221 | ||||||
COUR SUPÉRIEURE | |||||||
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CANADA | |||||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||||
DISTRICT DE | QUÉBEC | ||||||
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N° : | 200-17-035546-233 | ||||||
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DATE : | 10 septembre 2024 | ||||||
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE | L’HONORABLE | JACQUES BLANCHARD, j.c.s. | |||||
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JEANNE NOREAU | |||||||
Demanderesse | |||||||
c. | |||||||
COMMISSION MUNICIPALE DU QUÉBEC | |||||||
Défenderesse | |||||||
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JUGEMENT | |||||||
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[1] Madame Jeanne Noreau, conseillère municipale, se pourvoit en contrôle judiciaire contre la décision rendue par la Commission municipale du Québec (Commission) le 8 janvier 2024[1], laquelle retient à son égard quatre manquements au Règlement 22-178 édictant le Code d’éthique et de déontologie des élus-es municipaux[2] (Code) adopté le 22 mars 2022 par la municipalité de Cap-Santé.
[2] Les manquements retenus sont que madame Noreau s’est conduite de façon irrespectueuse ou incivile envers la directrice générale de Cap-Santé et a divulgué des renseignements privilégiés. Des suspensions totalisant 96 jours lui sont imposées.
[3] Le litige a pour trame de fond la relocalisation de la bibliothèque municipale sise dans l’école du Bon-Pasteur en raison de la fin du bail avec le Centre de services scolaires de Portneuf.
[4] La directrice générale est mandatée pour trouver un local et la demanderesse lui reproche d’avoir retenu de l’information quant à cette relocalisation.
* * *
[5] Le 8 août 2022, une séance du conseil municipal est prévue. Les conseillers Perron, Denis et Noreau sont présents tout comme quelques citoyens, mais faute de quorum, la séance est annulée.
[6] En dépit de cette annulation, madame Noreau interpelle les citoyens sur place en leur demandant s’ils ont des questions. S’ensuivent alors quelques échanges en lien avec la relocalisation de la bibliothèque suivant lesquels la directrice générale est invitée à répondre.
[7] Une fois les citoyens partis, la demanderesse s’informe auprès de la directrice générale si elle peut l’interroger et lui aurait indiqué « c’est important, j’ai deux témoins »[3].
[8] Celle-ci ne s’y opposant pas, madame Noreau lui demande si elle peut consulter les avocats de la municipalité, puisque l’objet de la consultation la concerne[4]. Selon la demanderesse, la directrice générale aurait omis de transmettre au conseil municipal une lettre du conseil d’établissement de l’école du Bon-Pasteur dans le cadre d’une décision à prendre pour la relocalisation de la bibliothèque[5].
[9] Lors de la discussion, la directrice générale se sent accusée par le ton et les propos de madame Noreau, lesquels auraient fait réagir un des deux élus municipaux présents au point où il serait intervenu pour calmer la demanderesse[6].
[10] C’est alors que la directrice générale invite la demanderesse à lui soumettre ses questions par écrit et dans la soirée du 8 août 2022, cette dernière lui transmet un courriel dans lequel elle l’interroge sur les points suivants :
Est-ce que la directrice générale peut retenir de l’information pour influencer une décision?
Est-ce qu’une directrice de la ville peut tenter d’influencer son conseil de ville? [7]
[11] Le 26 septembre 2022, la directrice générale porte plainte contre madame Noreau en vertu de la politique pour contrer le harcèlement psychologique
au travail. Une enquête est alors initiée.
[12] Le 28 octobre 2022, alors que la demanderesse assiste à un spectacle à l’église de Cap-Santé, elle interpelle une employée municipale présente afin de lui indiquer que la directrice générale aurait retenu de l’information qu’elle devait communiquer aux élus en lien avec la relocalisation de la bibliothèque municipale.
[13] Le 10 janvier 2023, la plainte de harcèlement psychologique est rejetée, mais l’enquêteur conclut que le 8 août 2022, madame Noreau a eu un comportement vexatoire répréhensible au sens de la politique de tolérance zéro concernant les abus, l’intimidation et la violence verbale ou physique adoptée par la municipalité de Cap‑Santé[8].
[14] Le 11 avril 2023, lors d’une séance publique du conseil municipal,
madame Noreau requiert que la municipalité lui rembourse les honoraires d’avocats qu’elle a encourus dans le cadre de l’enquête sur la plainte de harcèlement.
[15] Séance tenante, la demanderesse lit l’opinion juridique de son avocat. Ce faisant, elle divulgue publiquement de l’information relativement à la plainte de harcèlement, notamment, l’identité de la plaignante, soit la directrice générale.
[16] Le 14 avril 2023, madame Noreau publie sur sa page Facebook un message par lequel elle partage un reportage d’un média local comportant des extraits de son intervention devant le conseil municipal du 11 avril 2023.
[17] La Direction des enquêtes et des poursuites en intégrité municipale de la Commission municipale du Québec dépose par la suite une citation en déontologie contre madame Noreau lui reprochant divers manquements au Code, à savoir :
1. Le ou vers le 8 août 2022, madame Noreau s’est adressée à la directrice générale en adoptant une attitude et des propos intimidants et vexatoires, contrevenant ainsi à l’article 5.2.1 du Code.
2. Le ou vers le 28 octobre 2022, madame Noreau s’est comportée de façon irrespectueuse et incivile en minant l’intégrité de la directrice générale auprès d’une employée de la ville, contrevenant ainsi à l’article 5.2.1 du Code.
3. Le ou vers le 11 avril 2023, madame Noreau a, en séance du Conseil, divulgué publiquement des renseignements privilégiés concernant une plainte de harcèlement psychologique et l’identité du plaignant, contrevenant ainsi aux articles 5.2.1, 5.2.6.2 et 5.2.6.4 du Code.
4. Le ou vers le 14 avril 2023, madame Noreau a incité la propagation et la diffusion sur les réseaux sociaux des renseignements privilégiés qu’elle a divulgués le ou vers le 11 avril 2023 en séance publique, contrevenant ainsi à l’article 5.2.6.4 du Code.
[18] Le 8 janvier 2024, la Commission rend sa décision, laquelle fait l’objet du présent pourvoi.
[19] Enfin, le 31 janvier 2024, le juge Philippe Cantin sursoit à l’exécution de la décision attaquée.
[20] Après avoir mentionné ce dont elle est saisie et détaillant par la suite la preuve soumise en lien avec les manquements[9], la Commission s’attaque à l’analyse de la citation en déontologie municipale.
[21] D’abord, faisant référence aux articles
[88] Les questions en litige soumises par les parties au Tribunal sont les suivantes :
1. Le ou vers le 8 août 2022, madame Noreau a-t-elle fait défaut de se comporter avec civilité et respect envers la directrice générale, contrevenant ainsi à l’article 5.2.1 du Code?
2. Le ou vers le 28 octobre 2022, madame Noreau a-t-elle fait défaut de se comporter avec civilité et respect envers la directrice générale, contrevenant ainsi à l’article 5.2.1 du Code?
3. Le ou vers le 11 avril 2023, madame Noreau a-t-elle divulgué des renseignements privilégiés, contrevenant ainsi à l’article 5.2.6.2 du Code?
4. Le ou vers le 11 avril 2023, madame Noreau a-t-elle fait défaut de se comporter avec civilité et respect envers la directrice générale, contrevenant ainsi à l’article 5.2.1 du Code?
5. Le ou vers le 11 avril 2023, madame Noreau a-t-elle manqué
de prudence dans ses communications, contrevenant ainsi à
l’article 5.2.6.4 du Code?
6. Le ou vers le 14 avril 2023, madame Noreau a-t-elle manqué de prudence dans ses communications sur les réseaux sociaux, contrevenant ainsi à l’article 5.2.6.4 du Code?
[22] Reprenant ensuite chacune desdites questions, la Commission y répond à la lumière des manquements allégués à la citation et des articles pertinents du Code.
[23] Le manquement 1 a trait à des déclarations de madame Noreau qu’on prétend intimidantes et vexatoires, lequel se lit comme suit :
Le ou vers le 8 août 2022, madame Noreau s’est adressée à la directrice générale en adoptant une attitude et des propos intimidants et vexatoires, contrevenant ainsi à l’article 5.2.1 du Code.
[24] Ce manquement allègue une violation à l’article 5.2.1 du Code :
5.2.1 Le membre du conseil doit se conduire avec respect et civilité
Il est interdit à tout membre du conseil de se comporter de façon irrespectueuse ou incivile envers les autres membres du conseil municipal, les employés municipaux ou les citoyens par l’emploi, notamment, de paroles, d’écrits ou de gestes vexatoires, dénigrants ou intimidants ou de toute forme d’incivilité de nature vexatoire
Plus particulièrement, tout membre du conseil doit :
a) Faire preuve de civilité et de courtoisie dans ses échanges et ses communications, incluant celles sur le Web et les médias sociaux;
b) Respecter la dignité et l’honneur des autres membres du conseil, des employés municipaux et des citoyens.
Tout membre du conseil doit s’engager dans un dialogue franc et honnête avec les autres membres du conseil afin d’en arriver à une décision éclairée.
Tout membre du conseil doit respecter le décorum lors d’une séance publique ou privée du conseil municipal. Notamment, le membre du conseil doit respecter les directives du président de l’assemblée.
Dans ses communications avec les employés municipaux, les partenaires de la Municipalité, les citoyens, les médias et le public en général, le membre du conseil ne peut utiliser sa fonction ou son titre afin de laisser croire qu’il agit au nom de la Municipalité, sauf dans le cas où une résolution a dûment été adoptée à cet effet par le conseil municipal.
Cette interdiction ne s’applique toutefois pas au maire qui agit dans le cadre des pouvoirs spécifiques qui lui sont dévolus par la loi.
[25] En l’espèce, suivant la preuve soumise, la Commission est d’avis que le comportement de la demanderesse, par ses communications verbales et écrites et son attitude envers la directrice générale le 8 août 2022, déroge aux usages, aux convenances et aux règles de base en matière de respect, de courtoisie et de politesse.
[26] Dans les circonstances, la défenderesse conclut que la conseillère Noreau s’est comportée de façon irrespectueuse ou incivile à l’égard de la directrice générale, contrevenant à l’article 5.2.1 du Code et lui impose une suspension de 21 jours[13].
[27] Le manquement 2 concerne la conduite de madame Noreau, laquelle se serait comportée de façon irrespectueuse et incivile, lequel se lit comme suit :
Le ou vers le 28 octobre 2022, madame Noreau s’est comportée de façon irrespectueuse et incivile en minant l’intégrité de la directrice générale auprès d’une employée de la ville, contrevenant ainsi à l’article 5.2.1 du Code.
[28] La Commission, à l’examen de la preuve, indique que les obligations déontologiques de respect et de civilité qui découlent de son statut de conseillère municipale l’accompagnent même à l’extérieure de l’Hôtel de Ville.
[29] Selon la défenderesse, madame Noreau a franchi la frontière de sa vie privée et a revêtu son chapeau de conseillère municipale lorsqu’elle a décidé de discuter avec une fonctionnaire municipale d’un dossier de la municipalité pour y dépeindre de façon peu élogieuse la directrice générale.
[30] Ainsi, la Commission conclut que la conseillère Noreau s’est comportée de façon irrespectueuse ou incivile envers la directrice générale le 28 octobre 2022, contrevenant à l’article 5.2.1 du Code.
[31] Considérant la gravité du manquement, la Commission impose à madame Noreau une suspension de 21 jours de manière concurrente au manquement 1[15].
[32] Le manquement 3 concerne la divulgation publique de renseignements privilégiés fait par madame Noreau lors de la séance du conseil municipal, lequel se lit comme suit :
Le ou vers le 11 avril 2023, madame Noreau a, en séance du Conseil, divulgué publiquement des renseignements privilégiés concernant une plainte de harcèlement psychologique et l’identité du plaignant, contrevenant ainsi aux articles 5.2.1, 5.2.6.2 et 5.2.6.4 du Code.
[33] Ce manquement allègue une violation, notamment, à l’article 5.2.6.2 du Code :
5.2.6.2 Il est interdit à tout membre du conseil d’utiliser ou divulguer, à son propre avantage ou à l’avantage d’un tiers, une information privilégiée ou une information qu’il détient et qui ne serait pas autrement disponible ou que le conseil municipal n’a pas encore divulguée.
[34] La Commission est d’avis que la demanderesse a fait fi des politiques internes de la municipalité de Cap-Santé[17], de la formation qu’elle a reçue sur les règles déontologiques en matière d’informations confidentielles et des rappels qui lui ont été formulés quant à la confidentialité du dossier de la plainte, lorsqu’elle donne sa version des évènements survenus le 8 août 2022 en divulguant des renseignements confidentiels touchant la plainte de harcèlement, notamment l’identité de la plaignante, soit la directrice générale, lors de la séance du conseil municipal, contrevenant ainsi à l’article 5.2.6.2 du Code.
[35] Pour ce qui est de la sanction, considérant la gravité et le contexte dans lequel le manquement s’est produit, la Commission impose à madame Noreau une suspension de 30 jours de manière consécutive aux autres suspensions[18].
[36] Considérant sa conclusion quant au manquement à l’article 5.2.6.2 du Code et du principe interdisant la double condamnation, la Commission prononce l’arrêt des procédures à l’égard de la contravention aux articles 5.2.1 et 5.2.6.4 du Code relativement au manquement 3.
[37] Le manquement 4 a trait à la diffusion sur les réseaux sociaux de renseignements privilégiés, lequel se lit comme suit :
Le ou vers le 14 avril 2023, madame Noreau a incité la propagation et la diffusion sur les réseaux sociaux des renseignements privilégiés qu’elle a divulgués le ou vers le 11 avril 2023 en séance publique, contrevenant ainsi à l’article 5.2.6.4 du Code.
[38] Ce manquement allègue une violation à l’article 5.2.6.4 du Code :
5.2.6.4 Tout membre du conseil doit faire preuve de prudence dans ses communications, notamment sur le Web et les médias sociaux, afin d’éviter de divulguer directement ou indirectement une information privilégiée ou qui n’est pas de nature publique.
[39] La Commission voit dans la publication du 14 avril 2023 que réalise
madame Noreau sur sa page Facebook, une insouciance dans la protection des renseignements confidentiels ainsi qu’un entêtement à rejoindre le plus grand auditoire possible dans ses revendications personnelles.
[40] Selon la Commission, madame Noreau a manqué de prudence dans ses communications sur les réseaux sociaux le 14 avril 2023, contrevenant à l’article 5.2.6.4 du Code et lui impose une suspension de 45 jours de manière consécutive aux autres suspensions[21].
[41] D’abord, en lien avec le manquement 1, madame Noreau affirme que la Commission a erré en concluant qu’elle s’est comportée de façon irrespectueuse ou incivile puisqu’il n’y a aucun élément factuel ou preuve lui permettant de conclure à une contravention à l’article 5.2.1 du Code.
[42] Également, la Commission a porté atteinte à sa liberté d’expression et aux principes de base en matière de démocratie municipale.
[43] En regard du manquement 2, selon la demanderesse, la Commission a erré en droit en se donnant juridiction pour traiter d’un fait de quelques minutes qui s’est passé dans l’église le 28 octobre 2022.
[44] Elle soumet aussi que la défenderesse aurait dû tenir compte du fait que le courriel du 2 novembre 2022 a été écrit à la demande de la directrice générale et constitue, au surplus, du ouï-dire.
[45] Pour ce qui est du manquement 3, madame Noreau plaide que la défenderesse a erré en droit en concluant qu’elle a divulgué à son propre avantage des renseignements privilégiés, et ce, en contravention de l’article 5.2.6.2 du Code lors de la séance du conseil municipal du 11 avril 2023.
[46] Enfin, quant au manquement 4, madame Noreau prétend que la Commission a confondu « avantage personnel » à celui d’une élue qui ne cherche qu’à défendre sa réputation et son travail. Elle avance qu’elle n’a fait qu’exercer son devoir de conseillère municipale en diffusant des extraits de la séance publique du conseil municipal du 11 avril 2023 sur sa page Facebook.
[47] Quant aux sanctions, essentiellement, la demanderesse argue qu’elles sont démesurées puisque les manquements qu’on lui reproche sont issus d’un seul évènement, soit le 8 août 2022, d’autant plus qu’il n’y a aucun antécédent relativement à un supposé manquement.
[48] La Commission a compétence pour interpréter les dispositions de la LEDMM et les appliquer. Elle lui revient d’apprécier et d’évaluer la conduite d’un élu municipal afin de savoir s’il contrevient au code d’éthique et de déontologie auquel il est assujetti. Il s’agit d’une question au cœur de l’exercice de sa compétence.
[49] Ici, la norme de contrôle applicable pour l’ensemble des éléments soulevés par la demanderesse est celle de la décision raisonnable.
[50] En effet, considérant que l’affaire ne relève pas de l’une des six catégories reconnues comme appelant une dérogation à la présomption de contrôle[22] selon la norme de décision raisonnable établie par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Vavilov[23], cette dernière doit trouver application.
[51] Aussi, le Tribunal s’assurera donc « de bien comprendre le raisonnement suivi par [la Commission] afin de déterminer si la décision dans son ensemble est raisonnable. »[24]. Il se demandera « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle-ci »[25].
[52] La Commission devait examiner la conduite de madame Noreau à la lumière des obligations déontologiques qui lui sont imposées et des effets que le respect de ses obligations pouvait avoir sur l’exercice de ses droits fondamentaux et, en particulier son droit à la liberté d’expression, lequel est protégé par la Charte canadienne des droits et libertés[26] (Charte).
[53] Ici, à la suite de ses propos à l’endroit de la directrice générale le 8 août 2022, madame Noreau se trouve suspendue de son poste de conseillère municipale pour lequel elle a été démocratiquement élue.
[54] Or, comme l’a mentionné récemment notre collègue, le juge Alexandre Pless, j.c.s., dans l’affaire Montgomery[27], « [l]’expression politique se situe au cœur même des valeurs que cherche à protéger la liberté d’expression parce qu’elle est considérée comme l’élément vital d’un État libre et démocratique. »
[55] Cela rejoint l’enseignement du plus haut tribunal du pays qui a reconnu que « les tribunaux doivent généralement appliquer une norme de justification sévère lorsqu’une loi porte atteinte à la liberté d’expression politique »[28].
[56] De plus, bien que la manière dont la demanderesse s’est exprimée puisse déroger aux usages, aux convenances, aux règles de base fondamentale en matière de respect, de courtoisie et de politesse comme en a conclu la Commission[29], la liberté d’expression protège aussi les expressions « impopulaires, désobligeantes ou répugnantes »[30].
[57] Dans la présente affaire, peu importe la façon et les propos tenus par
madame Noreau le 8 août 2022, celle-ci exprimait dans les faits une opinion qui est au cœur de son rôle d’élue. Elle était convaincue que la directrice générale cachait de l’information au conseil municipal. Elle a exprimé son opinion d’un ton ferme.
[58] Dans un tel contexte, lorsqu’un décideur administratif prend une décision qui porte atteinte à une liberté protégée par la Charte, la Cour suprême du Canada, dans les arrêts Doré[31] et Loyola[32], exige la démonstration d’une recherche d’un juste équilibre entre la liberté d’expression protégée par la Charte et les objectifs législatifs.
[59] Entre d’autres mots, le décideur administratif doit être conscient que sa décision limitera les droits protégés par la Charte. Il doit évaluer l’ampleur de l’atteinte et justifier pourquoi les objectifs de la loi qu’il applique l’emportent sur les valeurs de la Charte en jeu[33].
[60] Cela étant exposé, le caractère raisonnable de la décision de la Commission quant au manquement 1 dépend de la question de savoir si elle relève de l’exercice de pondération (objectifs de promotion de la civilité vs le droit à la liberté d’expression protégé par la Charte) exigé par les tribunaux supérieurs.
* * *
[61] Dans la décision attaquée, la Commission rappelle que les standards en éthique et déontologique ont été rehaussés en 2021 suivant l’adoption du projet de loi n⁰ 49[34], lequel a pour objectif, notamment, de contrer l’incivilité dans le monde municipal, rendant ainsi obligatoire l’intégration aux codes d’éthique ces valeurs et ces règles de respect envers, notamment, les employés municipaux.
[62] Elle précise par ailleurs que la règle n’est pas là pour empêcher un élu de réaliser son travail, ce qui inclut, entre autres, d’être le porte-voix des électeurs et de participer à des débats houleux touchant l’intérêt public. La Commission ajoute toutefois que cette liberté d’expression n’est pas absolue et ne peut justifier des débordements contraires aux règles de respect et de civilité, ce pour quoi la règle déontologique fut introduite[35] :
[113] Rappelons que les standards en éthique et déontologie dans le milieu municipal ont été rehaussés en 2021 lors de l’adoption du projet de loi 49 rendant obligatoire l’intégration aux codes d’éthique ces valeurs et règles de respect envers les autres élus, les employés municipaux et les citoyens.
[114] La règle n’est pas là pour empêcher un élu d’effectuer pleinement et correctement son travail, ce qui inclut notamment d’être le porte-voix des électeurs et de participer à des débats parfois vigoureux sur des enjeux d’intérêt public.
[115] Cette liberté d’expression, bien qu’elle soit un aspect crucial de l’engagement politique des élus, n’est toutefois pas absolue et ne peut justifier des débordements contraires aux règles de respect et de civilité, ce pour quoi la règle déontologique a été introduite.
[…]
[186] Ces principes de dissuasion et d’exemplarité revêtent une importance particulière dans le présent dossier considérant l’évolution des différents objectifs poursuivis par la LEDMM en matière de respect et de civilité.
[187] Déjà en 2010, dans le cadre de l’adoption de la LEDDMM (sic), le législateur était guidé par les principes de renforcement de la confiance des citoyens envers la démocratie municipale, d’appropriation d’une culture éthique et de responsabilisation des élus.
[188] En 2021, le projet de loi 49 a pour objectif, entre autres, de contrer l’incivilité en hausse dans le monde municipal, rapportée presque quotidiennement dans les médias. Le législateur est alors motivé à faire de la civilité non seulement une valeur, mais également une règle déontologique obligatoire devant gouverner le comportement des élus. Il en fait même une priorité, voulant envoyer un message clair à ceux et celles qui veulent s’investir dans le milieu de la politique municipale : ils seront protégés contre des paroles et des gestes inacceptables ou inappropriés, déviant de la norme sociale.
[189] C’est donc dans ce contexte, pertinent pour la suite, qu’est née l’interdiction :
« à tout membre d’un conseil d’une municipalité de se comporter de façon irrespectueuse envers les autres membres du conseil municipal, les employés municipaux ou les citoyens par l’emploi, notamment, de paroles, d’écrits ou de gestes vexatoires, dénigrants ou intimidants ou de toute forme d’incivilité de nature vexatoire ».
(Références omises)
[63] À l’examen, bien que la Commission considère généralement les effets bénéfiques de maintenir la civilité dans le contexte de la politique municipale, rien ne permet au lecteur de constater qu’elle est consciente, dans les faits, que sa décision limitera la liberté d’expression d’un élu, qu’elle évalue l’ampleur de cette atteinte et qu’elle justifie pourquoi les objectifs de la loi qu’elle applique l’emportent sur les valeurs de la Charte en jeu[36].
[64] En d’autres termes, le Tribunal n’est pas en mesure de suivre le raisonnement de la Commission sur le point central[37], à savoir l’exercice de pondération auquel elle devait se livrer suivant le droit applicable, voire de s’assurer qu’elle s’est bel et bien livrée à cet exercice dans les faits, bien qu’elle ait pu faire état du droit applicable.
[65] Dans les circonstances, la décision relative au manquement 1 n’est pas raisonnable et il y a lieu de l’annuler.
[66] Madame Noreau reproche à la Commission de s’être donnée juridiction afin de traiter d’un fait de quelques minutes qui s’est déroulé à l’église de Cap-Santé.
[67] Elle argue aussi qu’elle aurait dû tenir compte du fait que le courriel du 2 novembre 2022[38], produit devant elle, a été fait à l’instigation de la directrice générale et constitue du ouï-dire.
[68] Voyons ce qu’il en est.
[69] D’abord, avant de débuter son analyse, la Commission résume les faits non contestés et rejette l’argument de madame Noreau voulant que le courriel du 2 novembre 2022 constitue du ouï-dire[39] :
[119] Les faits suivants, mis en preuve tant par le témoignage de madame Noreau que par celui de madame Bédard, ne sont pas contestés et sont pertinents dans l’analyse du manquement 2 :
[120] Madame Bédard ayant témoigné précisément sur cet évènement du 28 octobre 2022, son courriel du 2 novembre 2022 dont l’objet est « Résumé de ma rencontre avec Mme Noreau » déposé en preuve, et dont l’essentiel est corroboré par le témoignage de madame Noreau, ne constitue pas du ouï-dire comme le suggère l’avocat de l’élue.
[70] Ensuite, la Commission mentionne que les obligations déontologiques de respect et de civilité qui découlent de son statut de conseillère municipale accompagnent la demanderesse même à l’extérieure de l’Hôtel de Ville[40].
[71] Bien que l’article 5.2.1 du Code ne précise pas qu’un élu municipal soit tenu à l’obligation de respect et de civilité « dans le cadre » ou « dans l’exercice de ses fonctions », la Commission est d’avis que les codes d’éthique et de déontologie qui le concerne ont été adoptés pour régir son comportement dans l’exercice de ses fonctions[41].
[72] Cela étant dit et s’inspirant de l’enseignement de la Cour d’appel[42] quant à la détermination du sens à donner à l’expression « dans l’exercice de ses fonctions », la Commission ne doute aucunement que les propos tenus par madame Noreau l’ont été dans le cadre de la relocalisation de la bibliothèque municipale, laquelle concerne la municipalité de Cap-Santé[43].
[73] Elle souligne par la suite que la demanderesse s’adresse alors à une employée de Cap-Santé dont la supérieure est la directrice générale et que madame Noreau, à titre de conseillère municipale, occupe une position d’autorité à l’endroit de ces deux personnes[44].
[74] Selon la Commission, la demanderesse franchit la frontière de sa vie privée et revêt son chapeau de conseillère municipale lorsqu’elle décide, à son initiative, de discuter avec une fonctionnaire municipale d’un dossier de la municipalité pour y dépeindre de façon peu élogieuse la directrice générale[45].
[75] Ainsi, la Commission conclut que la conseillère Noreau s’est comportée de façon irrespectueuse ou incivile envers la directrice générale le 28 octobre 2022 contrevenant à l’article 5.2.1 du Code.
[76] Le Tribunal rappelle que l’objectif d’un pourvoi en contrôle judiciaire est de démontrer que le raisonnement et le résultat, auquel la décision attaquée mène, ne font pas partie des options pouvant être qualifiées de raisonnables.
[77] Suivant l’arrêt Vavilov, le Tribunal ne peut intervenir que si le raisonnement emprunté par la Commission est incohérent et ne peut se justifier au regard des contraintes juridiques et factuelles applicables, ce qui n’est pas le cas en regard du manquement 2.
[78] À l’examen, le raisonnement de la Commission et les motifs qu’elle avance prennent appui sur la preuve et le droit applicable et permettent au lecteur de comprendre pourquoi, elle en arrive à de tels constats quant au comportement irrespectueux ou incivil de la demanderesse envers la directrice générale le 28 octobre 2022, contrevenant ainsi à l’article 5.2.1 du Code.
[79] Certes, la défenderesse n’en a pas tiré la conclusion souhaitée par la demanderesse, mais en l’absence d’erreur déraisonnable dans l’appréciation des faits et dans l’énoncé des principes applicables, il ne revient pas au Tribunal de refaire l’analyse de la preuve et de substituer son opinion à celle de la Commission.
[80] Par conséquent, il n’y a pas lieu d’intervenir pour les motifs avancés par la demanderesse.
[81] Madame Noreau soutient que la Commission a erré en concluant qu’elle a divulgué à son propre avantage des renseignements privilégiés en contravention à l’article 5.2.6.2 du Code.
[82] Examinons ce qu’il en est.
[83] La Commission retient de la preuve présentée que madame Noreau a fait fi des politiques internes de la municipalité de Cap-Santé[46], de la formation qu’elle a reçue sur les règles déontologiques en matière d’informations confidentielles[47] et des rappels qui lui ont été formulés quant à la confidentialité du dossier de la plainte[48], lorsqu’elle donne sa version des évènements survenus le 8 août 2022 en divulguant des renseignements confidentiels touchant la plainte de harcèlement, notamment l’identité de la plaignante, soit la directrice générale, lors de la séance du conseil municipal du 11 avril 2023.
[84] Quant à l’argument avancé par la demanderesse qu’elle n’avait pas le choix d’en parler pour se défendre, la Commission écrit[49] :
[151] L’argument voulant que madame Noreau n’avait pas le choix d’en parler pour se défendre contre le rapport DEP-13 qui n’était confidentiel « qu’en façade » tient donc difficilement la route. Par ailleurs, s’il y a eu un bris de confidentialité en cours de processus, le Tribunal comprend du témoignage de madame Noreau qu’elle en est elle-même à l’origine, elle qui « en parlait à tout Cap-Santé. ».
(Soulignement du Tribunal)
[85] Poursuivant son analyse, la Commission explique pourquoi madame Noreau a instrumentalisé la séance du conseil à des fins personnelles[50] :
[155] Madame Noreau termine son intervention avec cet ajout : « Je suis bien contente de vous avoir lu ça, parce que moi je demande de me faire rembourser mes frais d’avocats. »
[156] Voyant qu’elle ne recevait pas la réponse souhaitée à son courriel du 15 février 2023 quant au remboursement de ses honoraires d’avocats, madame Noreau se sert donc de la séance du 11 avril 2023 comme tribune pour mettre de la pression sur le conseil municipal.
[157] En témoignage, elle ajoutera que son objectif était également de « montrer que les accusations d’harcèlement n’avaient pas été retenues ».
[158] Elle instrumentalise ainsi la séance du 11 avril 2023 à des fins personnelles, même si cela doit impliquer de divulguer des renseignements pourtant protégés pour lesquels elle ne semble accorder aucune importance.
(Références omises)
[86] Elle termine son raisonnement sur ce point de la façon suivante[51] :
[159] Il s’agit d’un manque flagrant de ses obligations déontologiques en matière de renseignements privilégiés et dont la confidentialité devait être assurée en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels :
« Une élue qui divulgue le nom de plaignants en harcèlement psychologique à un citoyen n’agit certes pas dans l’intérêt public de sa Ville. Il s’agit de renseignements confidentiels en vertu de la loi. »
(Références omises)
[87] Enfin, la défenderesse conclut que madame Noreau, par son intervention lors de la séance du conseil municipal du 11 avril 2023, a divulgué des renseignements confidentiels touchant la plainte de harcèlement contrevenant ainsi à l’article 5.2.6.2 du Code.
[88] À l’examen, le raisonnement de la Commission et les motifs qu’elle avance prennent appui sur la preuve et le droit applicable et permettent au lecteur de comprendre pourquoi, dans un contexte d’une plainte pour harcèlement psychologique, elle en arrive à de tels constats quant à la divulgation de renseignements privilégiés par madame Noreau et conclut que celle-ci manque à son obligation prévue à l’article 5.2.6.2 du Code.
[89] Il revenait à madame Noreau de cibler une erreur dans la décision de la Commission la rendant indéfendable sur le plan rationnel ou sous certains rapports, compte tenu des contraintes juridiques et factuelles pertinentes[52], ce qu’elle n’a pas réussi à faire.
[90] Par conséquent, il n’y a pas lieu d’intervenir pour ce motif.
[91] Madame Noreau plaide que la Commission a confondu « avantage personnel » à celui d’une élue qui ne cherche qu’à défendre sa réputation et son travail.
[92] Rappelons qu’au terme de son analyse, la Commission a conclu que
madame Noreau, par son intervention lors de la séance du conseil municipal du 11 avril 2023, a divulgué des renseignements confidentiels touchant la plainte de harcèlement.
[93] Suivant cette séance du conseil, madame Noreau publie sur sa page Facebook un message par lequel elle transmet un reportage reproduisant les extraits de la séance du conseil[53].
[94] Cela étant, la Commission est d’avis que madame Noreau a fait preuve d’une insouciance déroutante dans la protection de renseignements confidentiels et d’un entêtement à rejoindre un auditoire plus large dans ses revendications, informations qui aux yeux de la défenderesse l’avantagent au détriment de la directrice générale :
[169] Le Tribunal ne peut voir dans la publication du 14 avril 2023 qu’une insouciance déroutante dans la protection des renseignements confidentiels de la part de madame Noreau et un entêtement à rejoindre le plus grand auditoire possible dans ses revendications personnelles. Par cette publication, elle rend en effet disponible à quelques 300, 400, 500 personnes un lien qui permet de prendre connaissance des informations privilégiées qu’elle-même a divulguées 3 jours auparavant.
[170] Par son commentaire « Il faut que vous sachiez », elle encourage le visionnement. Et cela fonctionne, des citoyens lui emboîtent le pas :
« Prenez 7 minutes de votre temps pour mieux comprendre pourquoi ça ne tourne pas rond à Cap-Santé de la 19em minute à la 26em du reportage qui suit. Écoutez entre autres la Conseillère Jeanne Noreau raconter comment la directrice Générale, aidée par monsieur le maire et d’autres conseillers, a tenté de l’intimider pour la faire taire et peut-être même démissionner. »
écrivent Lise Beaupré Daniel Piché.
[nous soulignons]
[171] Des félicitations et applaudissements, cette fois-ci virtuels, se manifestent ensuite sur la page.
[172] Rappelons qu’en lisant l’avis juridique DEP-19, madame Noreau divulgue des informations confidentielles, mais également parcellaires et commentées à travers le prisme de l’opinion juridique de son avocat.
[173] À l’ère des réseaux sociaux et dans le cadre de la mission d’intérêt public qui leur revient, il incombe plus que jamais aux élus de s’assurer que leurs communications soient faites de façon objective et avec discernement. Une élue qui publie sur une page Facebook des renseignements confidentiels, informations qui au surplus l’avantagent au détriment d’une autre personne, ne prend pas une décision pour le plus grand bien de la collectivité. En agissant de la sorte, elle est au service d’un intérêt qui lui est propre, personnel.
[…]
[211] Plutôt que de s’amender, Madame Noreau s’entête à servir ses intérêts personnels, au détriment de ceux de la plus haute fonctionnaire de la Municipalité ainsi que ceux de la collectivité qui se font ainsi offrir une représentation partielle et déformée de la réalité.
[…]
[215] En l’espèce, madame Noreau utilise le canal de communication à grand déploiement qu’est Facebook pour propager dans son propre intérêt des informations tronquées et protégées par la Loi, et ce, malgré les nombreux rappels et avertissements dont elle a bénéficié. Précisions que la DEPIM reconnaît elle-même la gravité de cette infraction en recommandant que la sanction qui en découle soit purgée de manière consécutive.
[95] À l’examen, il n’y a pas lieu d’intervenir.
[96] En effet, madame Noreau invite le Tribunal à procéder à un examen de novo de la preuve examinée par la Commission dans l’espoir de voir ses arguments finalement retenus, ce que ne permet pas le contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable[54]. Le pourvoi en contrôle judiciaire n’est pas l’occasion de refaire le procès.
[98] En l’absence d’erreur déraisonnable dans l’appréciation des faits et dans l’énoncé des principes applicables, il ne revient pas au Tribunal de refaire l’analyse de la preuve et de substituer son opinion à celle de la Commission.
[99] La demanderesse prétend que la sanction imposée est démesurée et contrevient aux principes établis en semblable matière.
[100] Elle reproche aussi à la Commission d’avoir erré en rejetant le fait qu’elle a retenu les services d’un avocat, lequel n’est pas un conseiller à l’éthique et à la déontologie.
[101] La norme applicable en matière de contrôle des sanctions disciplinaires, qu’il s’agisse d’un appel ou d’un contrôle judiciaire, est semblable :
[12] Il est connu que, à cet égard, en matière criminelle, une cour d’appel doit faire preuve de déférence à l’égard de la discrétion exercée par le juge de première instance dans le cadre du processus de détermination de la peine et ne peut modifier une peine uniquement parce qu’il aurait rendu un jugement différent. Son intervention ne se justifie qu’en présence d’une erreur de principe, une omission de prendre en considération un facteur pertinent ou une trop grande instance sur les facteurs appropriés, ou encore que si la peine est manifestement non indiquée. Or, cette norme d’intervention, bien qu’énoncée en matière criminelle, est, de fait, appliquée en droit disciplinaire. Ainsi, la norme de révision propre aux appels en matière de sanction se trouve à coïncider essentiellement avec la norme de la raisonnabilité propre à la révision judiciaire en pareil cas. (…)[55]
(Références omises)
[102] Il s’avère que le Tribunal n’interviendra que si madame Noreau démontre une erreur de principe, l’omission de prendre en considération un facteur pertinent, une trop grande insistance sur les facteurs appropriés, ou encore si la peine est manifestement non indiquée.
[103] Or, aucun des reproches formulés par la demanderesse ne permet au Tribunal d’intervenir sur l’une ou l’autre de ses bases.
[104] Il en découle que le Tribunal ne peut conclure que la décision attaquée en lien à la sanction comporte des lacunes ou déficiences suffisamment capitales ou importantes pour la rendre déraisonnable et ainsi donner ouverture au pourvoi ou encore, qu’elle ne se justifie pas au regard des contraintes factuelles et juridiques.
[105] En effet, la sanction imposée s’explique parfaitement dans les circonstances et la décision comporte une analyse détaillée des arguments des parties, évoque les principes applicables, des précédents et propose leur application aux circonstances de l’affaire. Également, la Commission donne les motifs expliquant pourquoi elle retient le caractère concurrent des peines portant sur chacun des manquements ou encore, les facteurs justifiants qu’elle s’écarte des propositions formulées par les avocats des parties quant aux sanctions[56].
[106] La motivation sur la sanction est claire et intelligible.
[107] Madame Noreau n’a pas démontré que la Commission a commis une erreur de principe.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[108] ACCUEILLE en partie la demande de pourvoi en contrôle judiciaire;
[109] CASSE la décision de la Commission municipale du Québec du 8 janvier 2024 dans le dossier CMQ-69872-001 quant au manquement 1;
[110] REJETTE pour le reste la demande de pourvoi en contrôle judiciaire;
[111] LE TOUT, avec les frais de justice.
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| __________________________________ JACQUES BLANCHARD, j.c.s. | |
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Me François Marchand | ||
Cabinet d’Avocats St-Paul | ||
Avocat de la demanderesse
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Me Dave Tremblay Me Érika Delisle | ||
La Direction des enquêtes et des poursuites en intégrité municipale | ||
Avocat de la défenderesse | ||
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Date d’audience : | 24 avril 2024 | |
[1] Pièce P-1.
[2] Pièce P-9.
[3] Pièce P-1, par. 28.
[4] Id., par. 29.
[5] Id., par. 33.
[6] Id., par. 107.
[7] Pièce P-15.
[8] Pièce P-18.
[9] Pièce P-1, par. 1 à 75.
[10] RLRQ, c. E-15.1.0.1.
[11] Pièce P-1, par. 78 à 87.
[12] Id., par. 90 à 118.
[13] Id., par. 197 à 199.
[14] Id., par. 119 à 136.
[15] Id., par. 200 à 204.
[16] Id., par. 137 à 162.
[17] La demanderesse n’a pas produit ces politiques au soutien de son pourvoi. Dans la décision attaquée, la Commission se réfère à la Politique pour contre le harcèlement psychologique au travail et à la Politique Tolérance zéro : concernant les abus, l’intimidation et la violence verbale ou physique. Ces politiques font référence à la confidentialité dans le règlement de la situation et à l’engagement des élus à garder confidentielles les informations concernant un dossier de plainte.
[18] Pièce P-1, par. 205 à 209.
[19] Id., par. 163 et 164.
[20] Id., par. 165 à 175.
[21] Id., par. 201 à 217.
[22] Ajout d’une catégorie le 15 juillet 2022 : Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c. Entertainment Software Association,
[23] Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov,
[24] Id.
[25] Id.
[26] Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.) 1982, c. 11.
[27] Montgomery c. Commission municipale du Québec,
[28] Libman c. Québec (Procureur général), 1997 CanLII 326 (CSC).
[29] Pièce P-1, par., 111.
[30] Ward c. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse),
[31] Doré c. Barreau du Québec,
[32] École secondaire Loyola c. Québec (Procureur général),
[34] Projet de loi n⁰ 49, 2021, chapitre 31.
[35] Pièce P-1.
[37] Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, préc. note 23, par. 102 à 104.
[38] Pièce P-9.
[39] Pièce P-1.
[40] Id., par. 122.
[41] Id., par. 125-126.
[42] Beaulieu c. Packington (Municipalité de),
[43] Pièce P-1, par. 127 à 131.
[44] Id., par. 132.
[45] Id., par. 133.
[46] Id., par. 142-143.
[47] Id., par. 148.
[48] Id., par. 144 et 149.
[49] Id.
[50] Id.
[51] Id.
[52] Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration) c. Vavilov, préc., note 23, par. 100.
[53] Pièce P-1, par. 165.
[54] Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, préc., note 23, par. 83 et 125.
[55] Avocats (Ordre professionnel des) c. Michalakopoulus,
[56] Pièce P-1, par. 183 à 219.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.