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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Gaspé |
23 juin 2004 |
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Région : |
Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine |
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Dossier CSST : |
122307440 |
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Commissaire : |
Me Louise Desbois |
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Membres : |
Yvon Hubert, associations d’employeurs |
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François Pilon, associations syndicales |
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Assesseur : |
Dr Claude Sarra-Bournet |
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224309-01B-0312 229505-01B-0403 |
229938-01B-0403 |
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Jean-Luc Samuel |
Briquelage Marius Dufresne |
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Partie requérante |
Partie requérante |
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et |
et |
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Briquelage Marius Dufresne |
Jean-Luc Samuel |
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Partie intéressée |
Partie intéressée |
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Dossier 224309-01B-0312
[1] Le 17 décembre 2003, monsieur Jean-Luc Samuel (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 10 décembre 2003 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 25 septembre 2003 et celle qu’elle a rendue à la suite d’une reconsidération le 21 octobre 2003. Elle déclare alors qu’elle était justifiée de poursuivre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu au travailleur jusqu’à ce qu’elle se soit prononcée sur sa capacité d’exercer son emploi, mais qu’elle devait cesser de payer les soins et traitements après le 31 mars 2003. Pour rendre cette décision, la CSST se déclare liée par l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale du 16 septembre 2003 quant au diagnostic et à la date de consolidation de la lésion professionnelle ainsi que quant à la nécessité de soins ou traitements en découlant.
Dossier 229505-01B-0403
[3] Le 15 mars 2004, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 4 mars 2004 à la suite d’une révision administrative.
[4] Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 10 février 2004 et déclare qu’elle était justifiée de poursuivre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu au travailleur jusqu’à ce qu’elle se soit prononcée sur sa capacité d’exercer son emploi. Pour rendre cette décision, la CSST se déclare liée par l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale du 3 février 2004 quant à l’atteinte permanente et aux limitations fonctionnelles découlant de la lésion professionnelle.
Dossier 229938-01B-0403
[5] Le 18 mars 2004, Briquelage Marius Dufresne (l’employeur) dépose lui aussi à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste la même décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 4 mars 2004 à la suite d’une révision administrative.
[6] Lors de l’audience tenue à Gaspé le 29 avril 2004, le travailleur et l’employeur sont tous deux présents et accompagnés de leur procureur.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
Dossier 224309-01B-0312
[7] Le travailleur demande de déclarer irrégulier et illégal l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale du 16 septembre 2003 et d’entériner l’avis du médecin ayant charge du travailleur quant au diagnostic, à l’absence de consolidation et à la nécessité de soins ou traitements. Il demande également de déclarer que la CSST devait poursuivre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu.
Dossier 229505-01B-0403
[8] Le travailleur demande de déclarer irrégulier et illégal l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale du 3 février 2004 et qu’il est prématuré de se prononcer sur l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles, la lésion professionnelle n’étant pas encore consolidée. Il demande également de déclarer que la CSST doit poursuivre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu.
Dossier 229938-01B-0403
[9] L’employeur se désiste verbalement de sa requête lors de l’audience, demandant au tribunal de confirmer l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale du 3 février 2004 et la décision de la CSST du 4 mars 2004 y ayant fait suite.
LES FAITS
[10] Le 8 juillet 2002, le travailleur, actuellement âgé de 41 ans, est journalier, plus particulièrement briqueleur et poseur de rouleaux de tourbe, chez l’employeur lorsqu’il s’inflige une lésion professionnelle. Il décrit ainsi l’événement dans sa réclamation à la CSST le 17 juillet suivant :
« Cette entorse lombaire est survenue pendant la manutention de Rouleau de pelouse qui pèse environt de 25 à 40 lbs. » (sic)
[11] Lors de l’audience, le travailleur déclare avoir travaillé sur le terrassement pendant les quelques jours précédant le 8 juillet 2002 et qu’il avait un peu mal au dos, mais sans que cela ne l’empêche de travailler. Le 8 juillet 2002, il aurait eu très mal au bas du dos après avoir levé quelques rouleaux de tourbe tombés sur le sol. Il les aurait ramassés devant lui et les aurait lancés derrière lui par-dessus son épaule, en effectuant en même temps une rotation du tronc. Il a alors poursuivi sa journée de travail malgré la douleur mais, le lendemain matin, la douleur irradiait dans ses jambes, il ne pouvait presque plus marcher et il est allé consulter à l’urgence du Centre hospitalier.
[12] Le médecin consulté à l’urgence le 9 juillet 2002 rapporte une douleur lombaire, une irradiation dans la jambe gauche et un spasme léger mais un examen neurologique essentiellement normal avant de conclure à un diagnostic de lombosciatalgie mécanique. Quant aux circonstances d’apparition de la douleur, l’infirmière ne note pas de date d’accident et le médecin ne rapporte aucun événement précis mais plutôt une apparition progressive de la douleur :
« - « Mal au bas du dos mon copain »
- X 1 sem. - progressif - travaille en structure
(Terrassement) [...] »
(Soulignement ajouté)
[13] Lors de l’audience, le travailleur affirme cependant avoir décrit au médecin l’événement lors duquel il se serait fait mal au dos et avoir parlé d’une irradiation de la douleur jusqu’au bout du pied. Ce serait selon lui le médecin qui ne l’aurait pas noté. Le travailleur soutient en effet que la douleur irradiait jusqu’au bout du pied « à la grandeur du pied » (sic) un peu plus vers le gros orteil, en passant par le derrière de la cuisse, et ce, dès la survenance de la lésion le 8 juillet 2002. L’irradiation se serait estompée un peu à la suite des traitements de physiothérapie mais se manifesterait encore lors de tout effort physique ou de travail en position penchée.
[14] Lors de la consultation suivante, le 15 juillet 2002, il est maintenant question d’un accident du travail le 8 juillet 2002 mais sans qu’il ne soit décrit. Le médecin rapporte alors une douleur lombaire centrale au niveau L4-L5 avec irradiation au niveau de la fesse, sans parésie (paralysie légère) ni paresthésie (anomalie de perception des sensations ou sensations variés telles que fourmillement) ni troubles sphinctériens. L’examen neurologique est normal. Un diagnostic d’entorse lombaire est posé et de la physiothérapie est prescrite en sus des anti-inflammatoires.
[15] Le 12 août 2002, le médecin parle de douleur au niveau L3-L4, vers les deux fesses et vers le côté postérieur de la cuisse droite. Les signes du Tripode et de Lasègue sont alors légèrement positifs et les réflexes ostéotendineux asymétriques. Le reste de l’examen neurologique est normal. Le diagnostic d’entorse lombaire est maintenu mais une consultation en orthopédie est demandée devant le peu d’amélioration, une infiltration étant envisagée.
[16] Le 26 août 2002, le docteur Gabriel Jean, orthopédiste, évalue le travailleur. Il rapporte alors une douleur lombaire mais plutôt au niveau L5-S1 et une douleur irradiant plutôt dans le membre inférieur gauche. Le docteur Jean note un spasme para-lombaire gauche, un réflexe achilléen gauche diminué et un test de Lasègue positif à gauche à 50 degrés. Il pose un diagnostic de lombosciatalgie gauche et demande une consultation à la clinique de la douleur et une tomodensitométrie axiale lombaire (« TACO »).
[17] La tomodensitométrie pratiquée le 17 septembre 2002 est interprétée comme suit par le radiologiste :
« Au niveau L3-L4, minimes modifications dégénératives à type d’ostéophytoses marginales et bombement discal circonférentiel. Minime arthrose facettaire bilatérale. Pas de canal vertébral étroit, pas de conflit radiculaire évident.
Au niveau L4-L5, à noter également un bombement discal circonférenciel avec une arthrose facettaire postérieure bilatérale plus accentuée avec un léger hétérotopisme facettaire. Pas de conflit radiculaire évident.
Au niveau L5-S1, à noter un important bombement discal circonférenciel avec une protrusion focalisée médiane avec une empreinte sur le fourreau dural déterminant un possible conflit au niveau de l’émergence des deux racines S1 droite et gauche.
Pas d’anomalie des parties molles préivertébrales.
CONCLUSION :
Hernie médiane sur protrusion discale circonférencielle au niveau L5-S1 pouvant donner un conflit sur les racines S1 droite et gauche.
À vérifier selon la clinique du patient. »
[18] Lorsque le docteur Jean revoit le travailleur le 25 septembre suivant, il écrit que la tomodensitométrie démontre une sténose spinale L4-L5 et de l’arthrose facettaire. Il est encore question de douleur irradiant dans le membre inférieur gauche, sans plus de précisions, et d’une sensibilité normale. Une consultation à la clinique de la douleur pour une infiltration est demandée.
[19] Le 26 septembre 2002, le travailleur dit à son agent de la CSST avoir rencontré son médecin avec le rapport de tomodensitométrie et que ce serait de l’arthrose facettaire, soit de l’usure des vertèbres rapetissant le canal de la moelle épinière, qui serait responsable de ses douleurs au dos et à la jambe. Le 16 décembre suivant, le travailleur dira encore que son médecin lui a toujours dit qu’il n’avait pas de hernie discale.
[20] Le 28 octobre suivant, le docteur Jean rapporte une paresthésie des membres inférieurs, mais une sensibilité normale, et maintient un diagnostic de sténose spinale lombaire L4-L5 avec arthrose facettaire.
[21] Lors de la rencontre suivante du 4 décembre 2002, le docteur Jean rapporte un examen neurologique entièrement normal, recommande un programme de réentraînement à l’effort et maintient son diagnostic de sténose spinale lombaire avec arthrose facettaire mais qu’il situe maintenant au niveau L5-S1.
[22] Le 3 février 2003, le docteur Jean rapporte une douleur intermittente dans la région lombaire, améliorée avec infiltration, et constate un spasme para-lombaire bilatéral. Rien d’autre n’est rapporté et le diagnostic est toujours le même dans les notes médicales. Une autre infiltration est prévue. Par contre, sur le rapport d’évaluation médicale adressé à la CSST, un diagnostic de hernie discale est ajouté aux précédents diagnostics de sténose spinale lombaire et d’arthrose facettaire.
[23] Le 31 mars suivant, le docteur Jean indique à nouveau un diagnostic de sténose spinale lombaire L5-S1 et demande une résonance magnétique. Le même jour, le Centre de physiothérapie active fonctionnelle produit son rapport d’évaluation des capacités motrices fonctionnelles du travailleur à la suite du programme de réentraînement PÉRIÉ, tout en se basant sur un diagnostic de hernie discale :
« [...]
Sécurité et conformité : excellent
Capacités de charges : exceptionnel
Capacités de tolérance posturale et d’endurance : supérieur à la moyenne
Capacités d’équilibre et de coordination : exceptionnel
[...]
D’un point de vue fonctionnel, monsieur Samuel est évalué à un niveau de performance « moyen ».
D’un point de vue subjectif, monsieur Samuel se perçoit comme étant de niveau « léger » selon les épreuves de capacité perçue.
[...]
En fonction du travail de pré-lésionnel de briqueleur, le pronostic de retour à ce poste est bon, cependant certaines demandes physiques reliées au poste de travail devront faire l’objet d’une attention particulière. À cet égard, les capacités / limitations fonctionnelles observées suivantes devraient être prises en considération :
Éviter de soulever sur un plan vertical, du sol à la taille et vice-versa des charges de 50 lbs ou plus;
Éviter de travailler en position accroupie ou debout avec le tronc penché vers l’avant pour des durées consécutives de plus de 3 à 5 minutes;
Favoriser les changements fréquents de positions et l’adoption de mécaniques corporelles adéquates lors des manutentions de charges. »
(Soulignements ajoutés)
[24] Lors de l’audience cependant, le travailleur dit que les physiothérapeutes ne reconnaissaient pas la douleur comme étant limitative, que la physiothérapie a aggravé son état, qu’on l’a obligé à forcer au-delà de ses capacités et qu’elles ont conclu en bout de ligne qu’il n’avait plus de lésion alors qu’il a selon lui une hernie discale souffrante et incapacitante.
[25] Le 1er avril 2003, la CSST rend une décision dans laquelle elle réfère au nouveau diagnostic de hernie discale posé par le docteur Jean. Elle écrit alors conclure qu’il y a relation entre ce diagnostic et l’événement du 8 juillet 2002. Cette décision n’a pas été contestée.
[26] La résonance magnétique est pratiquée le 7 avril 2003. Le radiologiste la compare à la tomodensitométrie pratiquée en septembre 2002 et conclut son interprétation comme suit, infirmant le diagnostic de sténose spinale mais confirmant celui d’arthrose ou de dégénérescence :
« OPINION :
Pas de sténose spinale. Discopathie dégénérative à L5-S1 associée à une protrusion discale postérieure, à large rayon de courbure, mais surtout des changements dégénératifs interfacettaires et hypertrophie des ligaments jaunes amenant des rétrécissements foraminaux bilatéraux au même niveau sans compression évidente des racines sortantes L5. À corréler toutefois à la clinique. Légère discopathie dégénérative à L3-L4 et L4-L5 avec arthrose interfacettaire légère à modérée à L4-L5, surtout en postéro-inférieur. »
(Soulignements ajoutés)
[27] Étonnamment, le docteur Jean qui rencontre le travailleur le 5 mai suivant écrit quant à lui que la résonance magnétique révèle une hernie discale L5-S1 avec compression radiculaire. Il est en outre toujours question d’irradiation dans le membre inférieur gauche et de douleur à la flexion, mais, pour le reste, d’un examen normal.
[28] Le 16 juin 2003, le docteur Jean écrit encore une fois sur son rapport médical d’évolution à la CSST que le diagnostic est celui d’hernie discale L5-S1 avec compression radiculaire L5.
[29] Le 30 juin 2003, le docteur Patrick Kinnard, orthopédiste, signe un rapport d’expertise médicale sur mandat de l’employeur, après avoir rencontré et évalué le travailleur. Le docteur Kinnard conclut sur une impression diagnostique d’entorse lombaire et discopathie discale L5-S1. Il écrit qu’au moment de son évaluation il n’y a plus aucun signe objectif de pathologie active limitative au niveau de la colonne lombaire ni de signes de souffrance des racines nerveuses et que la lésion peut par conséquent être considérée consolidée le jour de l’examen, soit le 27 juin 2003, sans atteinte permanente.
[30] Vu la nature médicale du litige, il apparaît nécessaire de rapporter les propos du docteur Kinnard quant à l’état du travailleur tel que rapporté par ce dernier, quant à l’examen objectif, quant à la nécessité de soins ou traitements et quant aux limitations fonctionnelles énoncées :
« ÉTAT ACTUEL
Monsieur Samuel n’a pas repris le travail. Il peut lever des poids mais cela lui occasionne des douleurs au niveau du dos. Il est question qu’il soit opéré par le Dr Jean. Actuellement il n’a pas de traitement actif. Il prend des anti-inflammatories. Il est à noter qu’il n’a plus de problème de douleur à la jambe gauche. Il dit qu’il a de la difficulté à se pencher. Les douleurs augmentent en position assise. Ses douleurs sont quotidiennes et sont augmentées lorsqu’il va à la selle ou lorsqu’il éternue.
[...]
EXAMEN OBJECTIF
Il s’agit d’une personne de 1m78 qui pèse 95 kg.
EXAMEN DE LA COLONNE LOMBAIRE :
En position debout :
- Il n’y a pas de déformation en cyphose ou en scoliose.
- Les apophyses épineuses sont non douloureuses à la percussion.
- La flexion antérieure est de 90°.
- L’extension est de 30°.
- Les déviations et rotations droites et gauches sont de 30° sans spasmes ni contractures.
- Le schöber est mesuré à plus de 7 cm et l’expansion thoracique a plus de 2,5 cm.
- Le redressement de la colonne se fait de manière harmonieuse.
- La marche sur les talons et la pointe des pieds est normale et symétrique.
- Lors de l’hyperextension de la colonne, il n’y a pas de douleurs alléguées au dos.
En position assise :
- Les sensations sont normales dans tous les dermatomes des membres inférieurs droit et gauche.
- Les forces d’abduction/adduction des hanches, de flexion/extension des genoux, chevilles et gros orteils, et d’inversion/éversion des chevilles sont normales, symétriques et gradées 5/5.
- Les réflexes rotuliens et achilléens sont normaux et symétriques.
- La manoeuvre du tripode est négative tant à droite qu’à gauche.
En position couchée :
- Monsieur Samuel se couche facilement sur la table d’examen.
- Les deux jambes ont une longueur égale de 92 cm de l’épine iliaque antéro-supérieure à la malléole externe.
- 15 cm au-dessus du pôle supérieur des rotules, on a 48 cm de circonférence des cuisses droite et gauche alors que 15 cm en dessous du pôle inférieur des rotules, on a 34 cm de circonférence des mollets droit et gauche.
- Les bourses trochantériennes sont non douloureuses à la pression et les rotations des hanches ne réveillent aucune douleur.
- La mise en tension des sacro-iliaques droite et gauche ne réveille aucune douleur.
- Douleurs alléguées à l’élévation des jambes droite et gauche à 75°, ce qui est en discordance avec la manoeuvre du tripode.
COMMENTAIRES ET CONCLUSIONS
EN VERTU DE L’ARTICLE 212 (L.A.T.M.P.)
[...]
· Nature, nécessité et durée des traitements.
Il n’y a aucun traitement qui changera en quoi que ce soit l’évolution naturelle de la condition de cette personne. Vu qu’il n’y a pas de signes cliniques objectifs et radiologiques qui démontrent une souffrance de l’une ou l’autre racine nerveuse, il est à craindre qu’une chirurgie de décrompression ne change rien à l’état de la colonne de monsieur Samuel.
[...]
· Limitations fonctionnelles.
À titre préventif, vu que monsieur Samuel est porteur d’arthrose facettaire et de discopathie dégénérative, à un âge relativement jeune, il faut établir des limitations fonctionnelles pour le protéger. Ces limitations fonctionnelles consistent à ne pas faire un travail où il serait soumis à de fortes vibrations, où il serait en position penchée ou à genoux et à ne soulever aucun poids en flexion et rotation de la colonne lombaire. » (sic)
[31] Malgré ce que le médecin affirme dans son rapport en rapportant une absence de douleur à la percussion, le travailleur soutient, lors de l’audience, que le docteur n’aurait jamais touché ses vertèbres lors de la rencontre.
[32] Le 3 juillet 2003, le représentant de l’employeur transmet le rapport du docteur Kinnard à la CSST en demandant que le dossier soit transmis au Bureau d’évaluation médicale. Il précisait alors avoir pris connaissance le 17 juin 2003 du rapport médical du docteur Jean du 16 juin 2003 et que le rapport du docteur Kinnard infirmait les conclusions du docteur Jean, d’où la demande de transmission au Bureau d’évaluation médicale pour arbitrage.
[33] Un formulaire de rapport complémentaire est transmis au docteur Jean le même jour, soit le 3 juillet 2003, afin qu’il puisse émettre ses commentaires et étayer ses conclusions. Le docteur Jean n’y donne cependant pas suite et le dossier est immédiatement acheminé au Bureau d’évaluation médicale. Il est ensuite transmis au docteur Réjean Grenier, membre désigné du Bureau d’évaluation médicale, le 12 septembre 2003.
[34] Le 16 septembre 2003, le docteur Réjean Grenier, orthopédiste, émet son avis à titre de membre désigné du Bureau d’évaluation médicale. Il s’avère que cet avis est très détaillé et fort bien motivé et il convient d’en citer l’essentiel, considérant qu’il s’agit là du coeur du litige :
« [...]
Le travailleur est pris en charge par le docteur Gabriel Jean, orthopédiste, à compter du 26 août 2002 et il retient un diagnostic de lombo-sciatalgie gauche post-traumatique. Il dirige le travailleur en Clinique de la douleur pour des infiltrations facettaires. Il a reçu trois infiltrations à environ un mois d’intervalle. Il n’a pas été soulagé par les premières mais la troisième a été efficace. Le travailleur précise qu’il était alors en arrêt de traitement et d’évaluation.
Par la suite, à la reprise des efforts, les douleurs sont réapparues.
Le 17 septembre 2002, un TACO lombaire révèle une arthrose facettaire au niveau L3-L4, L4-L5 avec discopathie dégénérative et, au niveau L5-S1, on note une bombement discal circonférentiel et une protrusion focalisée médiane, produisant un possible conflit au niveau de l’émergence des deux racines S droite et gauche.
Le radiologue conclut à une hernie médiane sur protrusion discale circonférentielle L5-S1 à vérifier selon la clinique.
Le docteur Jean assure le suivi médical par la suite.
Le 7 avril 2003, une résonance magnétique lombaire est réalisée et confirme les bombements discaux L3-L4 et L4-L5 et l’arthrose facettaire à L4-L5. A L5-S1, on rapporte une protrusion discale postérieure harmonieuse à long rayon de courbure et on signale des changements dégénératifs interfacettaires et des rétrécissements foraminaux bilatéraux, plus marqués du côté droit sans compression radiculaire des racines L5 à corréler avec la Clinique.
Pour sa part, le docteur Jean Dans son rapport du 31 mars 2003, évoque la possibilité d’une sténose spinale lombaire L5-S1, ce qui l’a incité à prescrire cette résonance magnétique d’autant plus que le 31 mars 2003, dans une note médicale, le médecin rapporte une claudication intermittente.
Au terme de leur évaluation des capacités motrices fonctionnelles, les intervenants, dans le cadre du programme PERIER, en viennent à la conclusion que le pronostic de retour au travail au poste de briqueteur est bon mais que certaines précautions doivent être prises à l’effet que le travailleur doit éviter de soulever sur un plan vertical du sol à la taille des charges de plus de cinquante livres, de travailler en position accroupie ou debout, ou tronc penché pour des durées consécutives de plus de trois à cinq minutes, de favoriser les changements de position et l’adoption de mécanique corporelle adéquate lors des manipulations de charge.
Finalement, on suggère un programme d’exercices à domicile; le travailleur avoue en faire un peu à la maison.
Suite à la résonance magnétique, le docteur Jean retient le diagnostic d’hernie discale même si dans ses notes cliniques, le docteur Jean ne décrit pas de signe d’atteinte neurologique dans un territoire précis.
Le rapport contesté par l’employeur est celui du docteur Jean daté du 16 juin 2003, rapportant un diagnostic de hernie discale L5-S1 avec compression radiculaire de L5. Une décision chirurgicale sera prise après avoir reçu l’opinion du docteur Kinnard.
A l’appui de sa contestation, l’employeur soumet au Bureau d’évaluation médicale le rapport d’expertise médicale du docteur Patrick Kinnard, orthopédiste-conseil qui évalue le travailleur le 27 juin 2003.
Au docteur Kinnard, le travailleur rapporte une lombalgie mais il n’a plus de problème de douleur à la jambe gauche mais il a de la difficulté à se pencher, en plus d’une intolérance posturale.
A l’examen, la mobilité du rachis lombaire est complète. Il ne retrouve aucun signe d’irritation radiculaire et son examen neurologique s’avère normal.
De son évaluation, le docteur Kinnard retient un diagnostic d’entorse lombaire et discopathie discale L5-S1 qu’il juge consolidée à la date de son évaluation du 27 juin 2003 et alloue des limitations fonctionnelles, à savoir que le travailleur doit :
Ø Éviter de soumettre la colonne à des fortes vibrations où il serait en position penchée ou à genoux et ne soulever aucun poids en flexion et rotation de la colonne lombaire.
Le docteur Jean n’a pas complété le rapport complémentaire dont le formulaire est inclus au dossier.
ANTÉCÉDENTS
Le travailleur rapporte n’avoir présenté de problème significatif à la région lombaire avant l’événement du 8 juillet 2002.
A tout le moins, il n’aurait jamais consulté ni passé de radiographie ni perdu du temps de travail à cause d’un problème lombaire.
ÉTAT ACTUEL
« Ça ne va pas fort », dit-il.
Il allègue toujours des douleurs lombaires chroniques, constantes, mais variables selon les postures et les activités. Il est plus à l’aise le matin qu’en fin de journée alors que les douleurs augmentent au cours de la journée. De plus, les douleurs sont augmentées par les efforts physiques, le travail soit en position les bras allongés en haut des épaules ou encore en position de flexion du tronc et à exécuter de mouvements répétés de flexion, extension et rotation du tronc. Il arrive en fin de journée que la douleur lombaire irradie vers le membre inférieur gauche, descendant jusqu’au genou et au mollet mais sans toucher le pied.
D’ailleurs, le travailleur avoue qu’il n’a jamais ressenti d’engourdissement au niveau du pied gauche, l’irradiation se limitant toujours à la jambe, au mollet notamment.
Il n’a aucune difficulté à la marche sur le terrain plat. En revanche, s’il doit monter une pente ou une côte, les douleurs apparaissent.
Les douleurs peuvent être influencées par les manoeuvres de Valsalva. Il ne ressent pas de courant électrique mais une augmentation de la douleur.
Il prend toujours Celebrex 200 mg par jour, en plus de Tylenol arthritique, trois fois par jour. Il n’utilise aucun corset ni ceinture lombaire.
Il aurait rencontré son orthopédiste traitant le 2 juillet dernier et celui-ci serait d’accord pour intervenir. Le travailleur aimerait voir sa douleur disparaître.
Il avoue que c’est lui et non le docteur Jean qui demande la chirurgie. Il est en arrêt complet du travailleur depuis le 8 juillet 2002 et sa condition est stable depuis la cessation des interventions en physiothérapie et de l’évaluation des capacités de travail, c’est-à-dire depuis le 31 mars 2003.
Nota bene : Tout ce qui précède est dicté en présence de monsieur Samuel.
EXAMEN OBJECTIF
Le travailleur présente un gabarit de taille moyenne, sans obésité. Il mesure 1,75 mètre et pèse 191 livres. Il a une démarche alerte, sans boiterie. Il éprouve peu de difficulté à se dévêtir ou à se rhabiller.
Durant toute l’entrevue, il demeure en station assise, il ne manifeste aucune intolérance posturale et n’adopte aucune attitude antalgique. L’épreuve talon-pointe est normale et il peut sauter en appui monopodal sur ses membres inférieurs, mais il allègue une douleur lombo-sacrée.
En station debout, il n’y a pas de dénivellation des épaules ni du bassin, les triangles de taille sont symétriques et les courbures cervico-dorso-lombaires, physiologiques.
Il ne présente aucun spasme musculaire para-vertébral.
La recherche des points de sensibilité est réalisée en station debout et ventrale en travers de la table d’examen et il présente une sensibilité entre le niveau L3 et S1, tant sur la ligne médiane que dans les masses muculaires para-vertébrales.
En station debout, la flexion antérieure du tronc est de 0° À 90° et il renverse complètement la lordose lombaire, faisant passer la mesure de l’indice de Schöber de 15 centimètres à 22 centimètres. Il se redresse en brisant le rythme lombo-pelvien. Il doit pousser sur ses cuisses avec ses mains pour se redresser, alléguant une douleur lombaire.
L’extension en station debout est douloureuse en fin de course mais n’est pas limitée. Il en est de même pour les inflexions latérales et les rotations qui sont à 30°, douloureuses en fin de course.
Il ne présente aucun signe d’irritation radiculaire; les manoeuvres du Tripode, le Lasègue, le Lasègue augmenté et le test d’Ely en position ventrale sont normaux.
Il ne présente aucun déficit sensitif et les réflexes ostéo-tendineux sont présents et symétriques.
La mesure circonférentielle des deux cuisses est symétrique à 53 centimètres, le mollet droit est mesuré à 37 centimètres et le mollet gauche à 36 centimètres.
En position de décubitus dorsal, les membres inférieurs allongés, hanches fléchies à 30° et contre résistance pour descendre les membres inférieurs sur la table, cette manoeuvre reproduit la douleur lombaire.
Non disponibles, mais selon les documents au dossier, le TACO lombaire et la résonance magnétique démontrent des signes de discopathie dégénérative multi-étagée de même qu’une arthrose facettaire multi-étagée impliquant les trois niveaux, L3-L4, L4-L5 et L5-S1. On décrit un bombement discal avec une protrusion centrale qui ne comprime pas les racines et le radiologue prend la précaution de mentionner que le tout doit être corrélé avec la clinique.
DISCUSSION
Monsieur Samuel est un travailleur sans antécédent lombaire connu avant l’événement du 8 juillet 2002. Il a manipulé des charges impliquant des mouvements de flexion et d’extension répétés et après avoir manipulé plusieurs de rouleaux de pelouse ou de tourbe, il en est résulté des douleurs lombaires irradiant au membre inférieur gauche mais sans jamais toucher le pied et également à un degré moindre au membre inférieur droit au niveau de la cuisse droite.
Le travailleur a été soumis à une investigation qui n’a pas démontré de compression radiculaire et d’ailleurs, le travailleur n’a jamais présenté, à mon avis, de signe clinique franc de hernie discale.
Il a été soumis à un traitement conservateur avec physiothérapie pendant près de six mois et trois infiltrations dont la dernière a été relativement efficace mais de façon tout à fait temporaire, soit un soulagement d’environ une semaine. Il a subi une évaluation de ses capacités fonctionnelles et des limitations fonctionnelles sont suggérées, notamment qui correspondent à des limitations fonctionnelles de classe I.
L’examen orthopédique du 12 septembre 2003 démontre des signes de lombalgie mécanique, nontamment d’origine facettaire et je n’ai aucune manifestation de radiculopathie.
La condition du travailleur est stable depuis la cessation des interventions, soit le 31 mars 2003.
AVIS MOTIVÉ
1- DIAGNOSTIC
Considérant l’absence d’antécédent connu à l’événement du 8 juillet 2002;
Considérant l’investigation radiologique démontrant des signes dégénératifs à trois niveaux avec non seulement une discopathie dégénérative mais également avec bombement mais également une arthrose facettaire;
Considérant le syndrome clinique qui correspond davantage à un problème mécanique lombaire plutôt que sciatalgie puisqu’il n’a pas présenté de symptômes radiculaire franc;
Considérant l’opinion du docteur Jean qui émet l’avis d’une hernie discale avec compression radiculaire racine L5 à un niveau L5-S1;
Considérant l’opinion du docteur Kinnard qui retient un diagnostic d’entorse lombaire greffée sur une discopathie discale;
Considérant mon évaluation du 12 septembre 2003 où je ne retrouve pas de corrélation clinico-radiologique de hernie discale;
Considérant le mécanisme de production de la lésion professionnelle;
Pour ces motifs, j’exprime l’avis que le diagnostic de la lésion professionnelle du 8 juillet 2002 est une entorse lombaire greffée sur une discarthrose multi-étagée.
2- DATE OU PÉRIODE PRÉVISIBLE DE CONSOLIDATION DE LA LÉSION
Considérant l’opinion du docteur Jean qui dans son rapport médical du 16 juin 2003 signale que la lésion n’est pas consolidée;
Considérant par ailleurs, l’opinion du docteur Kinnard qui consolide la lésion à la date de son examen du 27 juin 2003;
Considérant que le travailleur présente un état stable depuis la cessation des interventions, soit le 31 mars 2003 et qu’il n’a reçu aucune modalité thérapeutique depuis;
Pour ces motifs, j’exprime l’avis que la lésion professionnelle du 8 juillet 2002 était consolidée le 31 mars 2003.
3- NATURE, NÉCESSITÉ, SUFFISANCE OU DURÉE DES SOINS OU TRAITEMENTS ADMINISTRÉS OU PRESCRITS
Considérant le diagnostic retenu et mon examen du 12 septembre 2003;
Je ne recommande pas de traitement chirurgical à cause de l’atteinte dégénérative multi-étagée. » (sic)
(Soulignements ajoutés)
[35] Lors de l’audience, le travailleur soutient que le docteur Grenier lui aurait plutôt dit lors de leur rencontre qu’il avait une hernie et devrait se faire souder trois vertèbres plutôt que deux, le tout contrairement à ce qu’il écrit dans son rapport.
[36] Le 25 septembre 2003, la CSST rend une décision pour donner suite à l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale qui la lie. Le 21 octobre suivant, la décision du 25 septembre 2003 est reconsidérée afin de préciser les conclusions du membre du Bureau d’évaluation médicale. Ces décisions sont contestées par le travailleur, confirmées par la CSST à la suite d’une révision administrative puis contestées devant la Commission des lésions professionnelles. Elles constituent l’objet du premier litige en l’instance.
[37] Le 15 octobre suivant, le docteur Jean revoit le travailleur. Il signale que la douleur persiste au niveau de la région L5-S1 et qu’elle irradie dans les mollets et il dit constater un spasme para-lombaire ainsi qu’à la flexion. La sensibilité est par ailleurs normale. Rien d’autre n’est rapporté mais le docteur Jean maintient son diagnostic de hernie discale L5-S1 avec compression radiculaire.
[38] La CSST mandate le docteur Claude Rouleau, orthopédiste, pour procéder à une évaluation médicale et produire un rapport relativement à l’atteinte permanente et aux limitations fonctionnelles. Le docteur Rouleau s’exécute le 3 décembre 2003. Le docteur Rouleau conclut à un pourcentage d’atteinte permanente de 2 % et recommande des limitations fonctionnelles. Il prend par ailleurs la peine de discuter de l’opportunité d’une intervention chirurgicale après avoir noté les propos du travailleur, pris connaissance de l’ensemble du dossier et pratiqué un examen physique détaillé :
« [...]
CONDITION ACTUELLE
Il décrit des douleurs à la région lombaire moyenne, s’irradiant vers les deux fesses. Au niveau de la jambe gauche, l’irradiation, qui est plus importante, se fait vers la cuisse jusqu’au mollet. Au début, les douleurs se rendaient jusqu’au pied et elles se limitent actuellement à la hauteur du mollet. Au niveau de la jambe droite, les douleurs se rendent de la fesse vers la cuisse, jusqu’au genou. À l’occasion, l’irradiation se fait vers le sacrum et le coccyx.
[...]
EXAMEN
[...]
Les réflexes rotuliens sont à ½+/+++ avec distraction, alors que les achilléens sont à +/+++ avec distraction. La force du releveur du premier orteil et des dorsi-fléchisseurs de la cheville est normale. La manoeuvre de SLR est négative à droite, avec une douleur lombaire à 85°, et positive à gauche, avec une douleur à 70°. La sensibilité est normale dans tous les territoires.
L’examen local de la colonne dorsale ne montre aucune structure douloureuse et il n’y a aucun spasme musculaire objectif.
L’examen local de la colonne lombaire montre des douleurs ligamentaires multi-étagées, allant de L2-L3 à L3-L4, L4-L5 et L5-S1, avec un maximum à L4-L5. On note également des douleurs dans les muscles para-vertébraux, à la pointe des apophyses transverses, de L3, L4 et L5, des deux côtés.
La mobilité lombaire montre une flexion antérieure de 0-60° (distance doigt-sol 35.0 cms), une extension de 0-15°, des flexions latérales de 0-25° et des rotations de 0-35°.
La contraction des muscles fessiers est normale. Le point de Valleix est surtout douloureux à gauche, et de façon plus légère à droite. La sensibilité sacrée montre une minime différence à la fesse gauche. La démarche talon-pointe est normale.
RADIOGRAPHIES
Les radiographies n’ont pas été répétées en date de l’examen.
OPINION
1. OPTION CHIRURGICALE
Cette option a été discutée avec monsieur Samuel, tenant compte de discussions antérieures qu’il avait eues sur le même sujet.
Je lui ai indiqué qu’il avait davantage de chances d’exagérer sa condition plutôt que de l’améliorer par une chirurgie qui inclurait une greffe à trois niveaux, et ce, pour les raisons suivantes :
- Il existe un niveau de pseudarthrose très élevé pour les greffes à trois niveaux.
- Il existe de multiples complications associées à l’usage des plaques et des vis au niveau lombaire.
- Il est fréquent que des chirurgies extensives entraînent une seconde et une troisième procédures chirurgicales.
- Tenant compte de l’examen neurologique de ce jour et de l’examen clinique, il n’y a pas d’indication chirurgicale absolue.
- Tenant compte finalement de l’aspect multi-étagé des changements dégénératifs, une procédure restreinte n’aurait aucune chance de lui apporter un soulagement valable.
Pour toutes ces raisons, je ne lui recommande pas de chirurgie avec greffes multiples.
2. LIMITATIONS FONCTIONNELLES
Les limitations fonctionnelles sont en relation avec une entorse lombaire sur
changements dégénératifs multi-étagés :
- Éviter la posture de travail en flexion antérieure, en position accroupie ou à genoux.
- Éviter les mouvements répétitifs de flexion-extension et de flexion-rotation à la colonne lombaire.
- Éviter toute manipulation lourde (poids dépassant 50 livres).
- Éviter les chocs répétitifs à la colonne lombaire de type véhicules à suspension rigide, motoneige ou VTT.
- Il faudrait également prévoir un retour à une activité plus légère, sur une base progressive, incluant d’abord l’avant-midi, étant donné qu’il s’agit du meilleur moment de sa journée. Par la suite, son médecin pourra juger s’il peut y avoir progression graduelle sur le plan horaire, en après-midi. »
(Soulignements ajoutés)
[39] Le dossier est encore une fois transmis au Bureau d’évaluation médicale, le docteur Jean ne s’étant pas prononcé sur l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles, ne considérant pas encore la lésion consolidée. Le dossier est transmis au docteur Sarto Arsenault, orthopédiste, le 27 janvier 2004 et l’avis de ce dernier est signé le 3 février suivant. Le docteur Arsenault conclut lui aussi à un pourcentage d’atteinte permanente de 2 % ainsi qu’à des limitations fonctionnelles à peu près superposables à celles du docteur Rouleau, après un examen exhaustif et une excellente motivation de ses conclusions
« ÉTAT ACTUEL :
Globalement, le patient se dit stable depuis le début. Il a surtout des douleurs lombaires qui sont constantes, qui augmentent durant la journée et qui augmentent lorsqu’il fait des mouvements de flexion et d’extension surtout. Les mouvements de rotation sont plus faciles.
Il a une irradiation dans le mollet lorsqu’il monte une côte ou lorsqu’il fait trop d’activités. Il n’a pas de douleur dans le mollet gauche au repos. Il peut marcher sans problème sur un terrain nivelé et ne rapporte pas de sciatalgie. Il peut rester seulement 10 minutes en position debout fixe. Il peut demeurer assis confortable pendant une heure et demie. Il vit seul dans sa maison mais ne passe pas la balayeuse. Il fait tout le reste. Il avoue qu’il peut transporter de 30 à 40 livres mais qu’il ne peut pas travailler penché.
Il prend actuellement Celebrex 200 mg, un comprimé par jour et Tylenol Arthritique 3 comprimés par jour. Il dort confortablement mais couché sur le dos avec des oreillers sous les jambes et de cette façon, il n’a pas de sciatalgie.
[...]
AVIS MOTIVÉ :
4- existence ou pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique :
Considérant qu’il n’y a pas d’atteinte radiculaire;
Considérant l’image à la résonance magnétique qui ne confirme pas la présence de compression radiculaire;
Considérant l’avis du docteur Grenier qui retient le diagnostic d’entorse lombaire;
Considérant que le docteur rouleau a accordé 2% avec le diagnostic d’entorse lombaire;
Considérant que mon examen montre qu’il manque de souplesse lombaire sans atteinte radiculaire;
J’accorde l’atteinte permanente suivante :
SÉQUELLES ACTUELLES :
CODE DESCRIPTION DAP
204 004 Entorse lombaire avec séquelles fonctionnelles 2%
[...]
5- EXISTENCE OU ÉVALUATION DES LIMITATIONS FONCTIONNELLES :
Considérant que ce patient était très fonctionnel et que maintenant il a des douleurs à l’effort;
Considérant que un test de capacité a montré qu’il pouvait soulever des charges de 45 livres;
Considérant l’avis du docteur Rouleau qui suggère de ne pas dépasser 50 livres et d’éviter les mouvements de flexion, d’extension et de rotation ainsi que les surfaces vibrantes;
J’accorde les limitations fonctionnelles suivantes :
- Éviter de soulever des charges de plus de 20 kg;
- Éviter de travailler en position penchée ou en position debout fixe;
- Éviter des mouvements répétés de flexion et d’extension de la colonne lombaire ainsi que les surfaces vibrantes à basse fréquence. »
[40] Le 10 février 2004, la CSST rend une décision à la suite de l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale qui la lie. Le travailleur demande la révision de cette décision mais elle est maintenue par la CSST à la suite d’une révision administrative le 4 mars 2004. Cette dernière décision est contestée par le travailleur ainsi que par l’employeur devant la Commission des lésions professionnelles et constitue le second objet du présent litige.
L’AVIS DES MEMBRES
[41] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont tous deux d’avis que les requêtes du travailleur devraient être rejetées.
[42] Ils considèrent en premier lieu que les processus d’évaluation médicale ont été valablement initiés, l’employeur pouvant contester chacun des rapports du médecin traitant même si celui-ci reprend des éléments déjà énoncés sur des rapports précédents. Ensuite, ils s’appuient plus particulièrement sur le peu de vraisemblance du fait accidentel tel que rapporté par le travailleur, considérant le poids et la nature du matériau alors manipulé, et sur le peu de crédibilité pouvant être accordé en général au témoignage du travailleur, mais, surtout, sur l’avis isolé du médecin du travailleur quant à la présence d’une hernie discale et à la nécessité d’une chirurgie, sur l’absence à peu près totale de signes cliniques de hernie discale et, finalement, sur le fait que la CSST n’a rendu une décision que sur la relation entre une hernie discale et la lésion professionnelle et non sur le bien-fondé de ce diagnostic, cette dernière question constituant plutôt une question médicale qui doit être tranchée par les médecins et non par la CSST. Il n’y a par conséquent pas chose jugée sur cette question.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[43] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer :
· le diagnostic de la lésion professionnelle subie le 8 juillet 2002 par le travailleur ;
· la date ou la période prévisible de consolidation de cette lésion ;
· la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits en regard de cette lésion ;
· l’existence ou le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique du travailleur découlant de cette lésion ;
· l’existence ou l’évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur en regard de cette lésion.
[44] Le tribunal doit cependant régler d’entrée de jeu les questions soulevées par le procureur du travailleur relativement à la légalité du processus d’évaluation médicale suivi dans le dossier ainsi que quant au caractère de chose jugée devant être accordé à la question du diagnostic de hernie discale.
La chose jugée
[45] En ce qui concerne le diagnostic de hernie discale, il a été posé par le docteur Jean, médecin du travailleur dans son rapport à la CSST du 3 février 2003. Le 1er avril 2003, la CSST a rendu une décision dans laquelle elle déclare qu’il y a relation entre ce diagnostic et l’événement du 8 juillet 2002. Cette décision n’a jamais été contestée.
[46] Il importe cependant de préciser qu’il est bien établi, depuis près de 20 ans et ce, de façon unanime dans la jurisprudence de ce tribunal et de celui qui l’a précédé, que la question du bien-fondé d’un diagnostic est une question d’ordre médical qui doit être établie par des médecins dans le cadre de la procédure d’évaluation médicale prévue dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) alors que la question de la relation entre un diagnostic et l’accident du travail ou la lésion professionnelle est une question d’ordre juridique à être appréciée et tranchée par la CSST.
[47] Les articles 212, 212.1, 217, 221, 224 et 224.1 de la loi sont en effet très explicites quant à la nature médicale de la question du diagnostic d’une lésion professionnelle :
212. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants:
1° le diagnostic;
2° la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;
3° la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;
4° l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;
5° l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.
L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.
__________
1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.
212.1. Si le rapport du professionnel de la santé obtenu en vertu de l'article 212 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de cet article, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.
La Commission soumet ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216.
__________
1997, c. 27, a. 5.
217. La Commission soumet sans délai les contestations prévues aux articles 205.1, 206 et 212.1 au Bureau d'évaluation médicale en avisant le ministre de l'objet en litige et en l'informant des noms et adresses des parties et des professionnels de la santé concernés.
__________
1985, c. 6, a. 217; 1992, c. 11, a. 19; 1997, c. 27, a. 6.
221. Le membre du Bureau d'évaluation médicale, par avis écrit motivé, infirme ou confirme le diagnostic et les autres conclusions du médecin qui a charge du travailleur et du professionnel de la santé désigné par la Commission ou l'employeur, relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, et y substitue les siens, s'il y a lieu.
Il peut aussi, s'il l'estime approprié, donner son avis relativement à chacun de ces sujets, même si le médecin qui a charge du travailleur ou le professionnel de la santé désigné par l'employeur ou la Commission ne s'est pas prononcé relativement à ce sujet.
__________
1985, c. 6, a. 221; 1992, c. 11, a. 23.
224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.
__________
1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.
224.1. Lorsqu'un membre du Bureau d'évaluation médicale rend un avis en vertu de l'article 221 dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par cet avis et rend une décision en conséquence.
Lorsque le membre de ce Bureau ne rend pas son avis dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par le rapport qu'elle a obtenu du professionnel de la santé qu'elle a désigné, le cas échéant.
Si elle n'a pas déjà obtenu un tel rapport, la Commission peut demander au professionnel de la santé qu'elle désigne un rapport sur le sujet mentionné aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 qui a fait l'objet de la contestation; elle est alors liée par le premier avis ou rapport qu'elle reçoit, du membre du Bureau d'évaluation médicale ou du professionnel de la santé qu'elle a désigné, et elle rend une décision en conséquence.
La Commission verse au dossier du travailleur tout avis ou rapport qu'elle reçoit même s'il ne la lie pas.
__________
1992, c. 11, a. 27.
[48] En l’occurrence, la décision de la CSST du 1er avril 2003 ne concerne pas la nature du diagnostic mais plutôt la relation entre un diagnostic posé par un médecin et la lésion professionnelle, ce qui relève effectivement de sa compétence.
[49] Par contre, à partir du moment où le diagnostic posé par un médecin, et quant auquel la CSST a apprécié la relation avec la lésion professionnelle, n’est plus retenu par les médecins ou ce tribunal lorsqu’appelé à trancher cette question, la décision de la CSST ne saurait être invoquée comme constituant chose jugée sur la nature du diagnostic à être retenu eu égard à la lésion professionnelle. Cette décision sur la relation devient plutôt sans objet et sans effet puisque le diagnostic n’est plus retenu.
La légalité du processus d’évaluation médicale
[50] Le procureur du travailleur plaide que le diagnostic de hernie discale avait été indiqué par le docteur Jean sur un rapport médical à la CSST dès le 3 février et que seul ce rapport pouvait être constaté par l’employeur de la CSST sur cette question et non les rapports subséquents reprenant ce même diagnostic. En l’occurrence, l’employeur a contesté le rapport médical du 16 juin 2003 du docteur Jean qui énonçait ce diagnostic, en déposant à l’appui de sa contestation le rapport médical du 30 juin 2003 de son médecin désigné.
[51] Il apparaît utile de citer ces dispositions de la loi pertinentes à l’appréciation de cette question :
209. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut exiger que celui-ci se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'il désigne, à chaque fois que le médecin qui a charge de ce travailleur fournit à la Commission un rapport qu'il doit fournir et portant sur un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.
L'employeur qui se prévaut des dispositions du premier alinéa peut demander au professionnel de la santé son opinion sur la relation entre la blessure ou la maladie du travailleur d'une part, et d'autre part, l'accident du travail que celui-ci a subi ou le travail qu'il exerce ou qu'il a exercé.
__________
1985, c. 6, a. 209; 1992, c. 11, a. 14.
212. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants:
1° le diagnostic;
2° la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;
3° la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;
4° l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;
5° l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.
L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.
__________
1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.
212.1. Si le rapport du professionnel de la santé obtenu en vertu de l'article 212 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de cet article, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.
La Commission soumet ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216.
__________
1997, c. 27, a. 5.
217. La Commission soumet sans délai les contestations prévues aux articles 205.1, 206 et 212.1 au Bureau d'évaluation médicale en avisant le ministre de l'objet en litige et en l'informant des noms et adresses des parties et des professionnels de la santé concernés.
__________
1985, c. 6, a. 217; 1992, c. 11, a. 19; 1997, c. 27, a. 6.
222. Le membre du Bureau d'évaluation médicale rend son avis dans les 30 jours de la date à laquelle le dossier lui a été transmis et l'expédie sans délai au ministre, avec copie à la Commission et aux parties.
__________
1985, c. 6, a. 222; 1992, c. 11, a. 24.
[52] Tel qu’il appert du libellé de l’article 212, l’employeur doit transmettre à la CSST le rapport de son médecin dans les 30 jours de la date de la réception du rapport qu’il désire contester. C’est effectivement ce qui a été fait en l’instance, l’employeur ayant transmis le rapport du docteur Kinnard à la CSST le 3 juillet 2003 en indiquant contester les conclusions du rapport du docteur Jean du 16 juin 2003.
[53] En outre, l’article 209 est explicite quant au droit de l’employeur de requérir que le travailleur se soumette à un examen de son médecin désigné « à chaque fois que le médecin qui a charge de ce travailleur fournit à la Commission un rapport qu’il doit fournir et portant sur un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1º à 5º du premier alinéa de l’article 212. » (Soulignement ajouté). Or un tel examen s’inscrit précisément dans le cadre du processus de contestation médicale par l’employeur.
[54] La jurisprudence de ce tribunal et de celui qui l’a précédé est d’ailleurs également depuis longtemps établie quant au droit de l’employeur de contester sur un des sujets médicaux chaque fois qu’il est amené par un médecin du travailleur[2]. Ainsi, le fait qu’un employeur n’ait pas contesté antérieurement le diagnostic ou une autre conclusion du médecin qui a charge du travailleur ne l’empêche pas de contester ce même diagnostic ou cette même conclusion lorsqu’ils sont repris dans un rapport subséquent.
[55] Conclure autrement obligerait l’employeur à enclencher le processus d’évaluation et de contestation médicale (et le travailleur à se soumettre à une évaluation) chaque fois qu’une opinion est émise par un médecin du travailleur, alors que cela peut varier énormément dans le temps et selon le médecin consulté. Il est tout à fait logique, compréhensible et raisonnable qu’un employeur attende de voir le sérieux d’un élément médical et sa persistance au dossier avant d’enclencher tout le processus de contestation. Il n’est en effet pas rare que deux, trois et parfois même plusieurs diagnostics soient posés par un ou des médecins avant qu’un diagnostic ne semble se confirmer : il serait inconcevable de condamner les parties à enclencher ou subir tout le processus d’évaluation médicale chaque fois, ce qui deviendrait par ailleurs absolument impossible à gérer comme situation.
[56] Quant à la jurisprudence soumise par le procureur du travailleur au soutien de ses prétentions, le tribunal n’a pu, malgré une lecture attentive, y retrouver quoi que ce soit qui vienne appuyer ses dires. L’une[3], émanant de la Cour supérieure et étant par ailleurs en contradiction avec la jurisprudence sur cette question, concerne plutôt la nécessité d’enclencher la procédure d’évaluation médicale si le médecin du travailleur conclut à récidive, rechute ou aggravation et que l’employeur ou la CSST est en désaccord avec cette opinion. Cela n’a donc rien à voir avec l’argument concernant la nécessité de contester le premier rapport médical sur lequel est indiqué un diagnostic.
[57] La seconde[4], qui date de 1987, énonçait le principe bien reconnu depuis selon lequel l’employeur doit contester un rapport médical du médecin du travailleur dans les 30 jours qui suivent sans quoi sa contestation n’est pas recevable et le dossier ne peut être transmis au Bureau d’évaluation médicale sans peine de nullité de l’avis qui suivra. Dans ce dossier, le délai de 30 jours n’avait pas été respecté. Mais ce n’est pas du tout le cas en l’instance et ce principe n’est par ailleurs aucunement remis en question par l’employeur. Encore une fois, il n’est aucunement question dans cette décision de l’argument soulevé par Me Bernatchez.
[58] La troisième décision[5], sur laquelle le procureur met beaucoup d’emphase, mais sans pouvoir indiquer le ou les passages pertinents, émane de la Cour d’appel et est toute récente. Dans cette décision, il est plutôt question de la notion de médecin qui a charge du travailleur et du rapport final liant la CSST lorsque celui d’un spécialiste contredit celui du médecin du travailleur. Toujours rien à voir avec l’argument soulevé dans le présent dossier.
[59] Finalement, la quatrième décision soumise concerne l’article 214 de la loi, disposition abrogée en 1992... Il s’agissait par ailleurs encore de la nécessité de respecter un délai imposé par la loi, ce qui n’est aucunement remis en question en l’instance.
[60] Le tribunal constate par ailleurs que le dossier du travailleur a été transmis au docteur Grenier le 12 septembre 2003 alors que l’avis de ce dernier a été signé le 16 septembre 2003, soit à l’intérieur du délai de 30 jours qui lui était imparti pour ce faire.
[61] Le tribunal conclut par conséquent que le processus d’évaluation médicale a été valablement enclenché par l’employeur, constate que les délais et formalités ont été respectés et conclut à la légalité de l’ensemble du processus d’évaluation médicale dans ce dossier.
[62] En ce qui concerne le second avis du Bureau d’évaluation médicale, le procureur du travailleur alléguait simplement qu’il était illégal vu l’illégalité du premier avis. Considérant la conclusion à laquelle en vient la Commission des lésions professionnelles quant à la légalité du premier avis, elle conclut également à la légalité du second.
La crédibilité du travailleur
[63] Finalement, le tribunal ne peut passer sous silence le fait que lors de son témoignage, le travailleur s’est contredit par rapport à ce que l’on retrouvait au dossier, a livré une version peu plausible d’un événement soi-disant survenu au travail le 8 juillet 2002 et a prétendu que de nombreux professionnels de la santé étant intervenus dans son dossier ne comprenaient pas ou avaient carrément écrit des faussetés dans leurs rapports. Ces éléments ne sont aucunement de nature à permettre d’accorder une grande crédibilité au témoignage du travailleur.
[64] En premier lieu, le tribunal s’explique mal comment le travailleur a pu se blesser de la façon dont il le décrit considérant le poids des rouleaux de tourbe ainsi que leur fragilité.
[65] Le travailleur soutient par ailleurs que le médecin consulté à l’urgence le 9 juillet 2002 a erronément écrit qu’il avait un mal progressif au dos depuis une semaine et qu’il lui a pourtant bien raconté s’être fait mal le 8 juillet 2002 de la façon dont il l’a raconté au tribunal. Le médecin aurait donc mal compris et n’aurait pas rapporté son accident de la veille, tout comme d’ailleurs la réceptionniste et l’infirmière qui l’ont reçu qui n’ont pas non plus noté de date d’accident, en plus de ne pas rapporter ses propos selon lesquels sa douleur irradiait jusqu’au bout du pied. Pourtant, le docteur Grenier, le 16 mars 2003, écrivait lui aussi que le travailleur reconnaissait n’avoir jamais eu d’irradiation plus bas que le mollet, contrairement à ce qu’il affirme avec force détails lors de l’audience.
[66] Le docteur Kinnard rapporterait également des faussetés selon le travailleur. Il a ainsi écrit que « les apophyses épineuses sont non douloureuses à la percussion » alors que le travailleur prétend qu’il n’a jamais touché son dos. Le tribunal remarque par ailleurs que le docteur Kinnard écrit que le travailleur n’a plus de douleur à la jambe gauche alors que le travailleur prétend lors de l’audience en avoir toujours eu et encore en avoir. Par contre, le territoire de l’irradiation de la douleur dans la jambe et l’ensemble du pied décrit par le travailleur ne correspond aucunement à celui d’une hernie discale dont l’irradiation suit un territoire beaucoup plus précis en plus d’être différent de celui allégué par le travailleur.
[67] Le docteur Grenier aurait quant à lui écrit dans son rapport qu’il ne recommandait pas de traitement chirurgical mais aurait soi-disant dit au travailleur qu’il lui en recommandait une encore plus importante que celle suggérée par son médecin.
[68] Finalement, de l’avis du travailleur, les physiothérapeutes ne comprennent pas ce qu’est la douleur et n’en tiennent pas compte aux fins de leurs évaluations des capacités.
[69] La Commission des lésions professionnelles ne peut concevoir et retenir comme probant le fait que nombre de professionnels de la santé intervenus au dossier soient incompétents, de mauvaise foi ou même carrément menteurs. Ne demeure par conséquent que la probabilité que le travailleur remet en cause tous ceux qui n’abondent pas en son sens et livre un témoignage qui ne peut être considéré crédible.
[70] Quoiqu’il en soit, le litige soumis à la Commission des lésions professionnelles est essentiellement de nature médicale et les contradictions dans la preuve du travailleur ne viennent que confirmer les éléments médicaux déjà prépondérants au dossier.
Le diagnostic
[71] Tous les médecins ayant examiné le travailleur et émis une opinion quant au diagnostic de la lésion professionnelle ont conclu à une lésion de la nature d’une entorse lombaire mais sur une colonne grandement affectée par de la dégénérescence. Tous, à l’exception du docteur Jean, médecin du travailleur.
[72] Le docteur Jean fait donc cavalier seul sur cette question. En outre, son diagnostic exact varie parfois de façon inexpliquée d’une fois à l’autre, tout comme le niveau de la colonne atteinte selon lui. Plus encore, il écrit certains diagnostics dans ses notes médicales mais en ajoute parfois d’autres dans ses rapports à la CSST. Finalement, son opinion est fort peu motivée et il n’a pas donné suite à l’offre de la CSST d’étayer ses conclusions.
[73] Le tribunal doit évaluer la preuve médicale au dossier et retenir celle qui lui apparaît être prépondérante quant à la nature exacte du diagnostic.
[74] Les opinions des docteurs Kinnard, Grenier, Rouleau et Arsenault, lesquelles sont toutes très bien motivées et militent toutes en faveur de l’absence de diagnostic de hernie discale mais plutôt en faveur de celui d’entorse lombaire greffée sur une discarthrose multi-étagée constituent clairement une preuve prépondérante en faveur de ce dernier diagnostic.
[75] En outre, le tribunal abonde dans le sens de l’appréciation du dossier médical faite par les médecins précités. Le passage suivant d’une décision récente de la Commission des lésions professionnelles[6] illustre bien la position du tribunal et de la majorité des membres du corps médical quant à l’à-propos d’un diagnostic de hernie
discale :
« Pour qu’une hernie soit acceptée comme étant survenue suite à une lésion professionnelle, il faut que l’imagerie soit superposée à l’examen clinique; on peut retrouver une imagerie radiologique positive mais en l’absence d’un tableau clinique objectif, on ne peut conclure à la réalité d’une hernie discale.
Lorsqu’on fait référence à des signes cliniques, on doit par exemple retrouver une douleur à la jambe qui doit être dominante par opposition à celle ressentie au bas du dos; il faut également que les symptômes neurologiques soient spécifiques, comme la présence de paresthésie dans un dermatome précis; il faut qu’on puisse retrouver le signe du « Straight Leg Raising » significatif. On doit aussi pouvoir être en mesure de constater des changements neurologiques tels la perte de force, l’atrophie musculaire, la perte de sensibilité ou la diminution des réflexes. On doit retrouver une majorité de ces critères de façon concomitante et constante dans les différents examens médicaux.
Le diagnostic de hernie discale doit tout d’abord être clinique; l’imagerie sert par la suite à le confirmer. Dans le présent dossier, les différents examens médicaux ne démontrent aucun signe clinique permettant de supposer la présence d’une hernie discale. En effet, les notes cliniques du médecin traitant, les notes de physiothérapie, les expertises des docteurs Comeau, Thiffault, Lefrançois et Labelle constatent tout au plus un ou deux signes de nature à soupçonner la présence d’une hernie et encore, ces signes sont différents de l’un à l’autre.
Outre le fait que la présence d’un ou deux signes n’est pas suffisant pour conclure à la présence d’une hernie prouvée cliniquement, force est de constater que les signes rapportés sont pour le moins légers et inconstants. Au surplus, l’imagerie démontre la présence d’une hernie discale au niveau L5-S1 gauche alors que les symptômes ressentis par la travailleuse étaient à droite. Au rapport de l’ÉMG, on ne fait état d’aucune atteinte neurogène active de façon précise et encore une fois, les symptômes décrits à l’examen clinique ne correspondaient pas à ce qui pouvait être observé à cet examen.
La Commission des lésions professionnelles retient également comme déterminant le fait que la travailleuse éprouvait des douleurs à la région lombaire quelques jours avant la survenance de la lésion professionnelle et que les symptômes d’irradiation sont apparus plus d’un mois après la survenance de la lésion et non quelques jours après le traumatisme. Ces constatations militent en faveur de la reconnaissance de la présence d’une condition personnelle préexistante susceptible de se manifester tant lors d’activités personnelles que dans l’exercice du travail. Par conséquent, le tribunal conclut que la hernie discale L5-S1 n’est pas en relation avec l’événement survenu au travail le 4 décembre 1998. »
(Soulignements ajoutés)
[76] Le Règlement sur le barème des dommages corporels[7] reprend d’ailleurs ce consensus médical en indemnisant la « Hernie discale non opérée, prouvée cliniquement et par tests spécifiques ». (Soulignement ajouté)
Date ou période prévisible de consolidation
[77] Encore une fois, tous les médecins, outre le docteur Jean, concluent que la lésion du travailleur est consolidée, c’est-à-dire qu’elle a atteint un plateau au-delà duquel aucune amélioration significative n’est à prévoir.
[78] Le tribunal constate par ailleurs que le dossier médical du travailleur révèle l’absence de tout traitement actif après le 31 mars 2003 ainsi que d’une quelconque évolution de l’état du travailleur après cette date. Le travailleur lui-même ne fait état d’aucun changement après cette date. Celle-ci est par conséquent retenue comme date de consolidation de la lésion professionnelle, conformément à l’avis du docteur Grenier, membre du Bureau d’évaluation médicale et à la décision de la CSST qui y a fait suite.
Nature, nécessité, suffisance ou durée des soins ou traitements administrés ou prescrits
[79] La preuve révèle l’absence de tout soin ou traitement actif depuis le 31 mars 2003. Par ailleurs, le médecin du travailleur, le docteur Jean, semble recommander une chirurgie, bien que plusieurs éléments au dossier laissent croire que c’est le travailleur qui insiste pour l’avoir.
[80] Or, les deux autres orthopédistes appelés à se prononcer sur cette question rejettent avec forte motivation toute idée de chirurgie, laquelle serait plutôt selon eux susceptible d’aggraver l’état du travailleur. Ils ne recommandent par ailleurs aucun autre traitement.
[81] Le tribunal retient comme étant prépondérante la preuve constituée de ces deux dernières opinions médicales très bien motivées plutôt que la suggestion non motivée de chirurgie par le médecin du travailleur, vraisemblablement sur l’insistance de ce dernier. L’opinion du membre du Bureau d’évaluation médicale, le docteur Arsenault, et la décision de la CSST y ayant fait suite sont par conséquent confirmés.
Existence ou pourcentage d’atteinte permanente
[82] La seule preuve dont le tribunal dispose sur cette question émane des deux médecins s’étant prononcé sur celle-ci, soit les docteurs Rouleau et Arsenault. Or, les opinions, encore une fois fort bien motivées, sont au même effet : l’atteinte permanente résultant de la lésion professionnelle correspond à celle d’une entorse lombaire avec séquelles fonctionnelles.
[83] En vertu du Règlement sur le barème des dommages corporels, un pourcentage de 2 % correspond à une telle atteinte, comme l’ont d’ailleurs énoncé les docteurs Rouleau et Arsenault.
[84] En égard à la preuve et au diagnostic retenu, le tribunal ne peut donc que confirmer l’opinion du membre du Bureau d’évaluation médicale et la décision de la CSST y ayant fait suite sur cette question.
Existence ou évaluation des limitations fonctionnelles
[85] Tout comme sur la question de l’atteinte permanente, seuls les docteurs Rouleau et Arsenault se sont prononcés sur celle des limitations fonctionnelles.
[86] Or, il existe peu de différences entre les avis des deux médecins précités sur cette question. Or, comme le docteur Rouleau ne motive pas la justification de ses limitations à l’effet d’éviter les positions accroupies ou à genoux mais que sa restriction relative aux flexions-rotations de la colonne lombaire apparaît tout à fait justifiée, les limitations du docteur Arsenault, membre du Bureau d’évaluation médicale sont retenues comme probantes, en sus de celle du docteur Rouleau concernant les flexions-rotations. La décision de la CSST doit donc être modifiée afin d’ajouter cette limitation.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 224309-01B-0312
REJETTE la requête du travailleur, monsieur Jean-Luc Samuel ;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 10 décembre 2003 à la suite d’une révision administrative ;
DÉCLARE que le diagnostic de la lésion professionnelle du 8 juillet 2002 est celui d’entorse lombaire sur une discarthrose multi-étagée ;
DÉCLARE que la lésion professionnelle était consolidée le 31 mars 2003 ;
DÉCLARE qu’il n’y a plus de nécessité de traitements depuis le 31 mars 2003 ;
DÉCLARE que la CSST était justifiée de poursuivre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’elle se soit prononcée sur la capacité du travailleur d’exercer un emploi.
Dossier 229505-01B-0403
ACCUEILLE en partie la requête du travailleur ;
MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 4 mars 2004 à la suite d’une révision administrative ;
DÉCLARE que la lésion professionnelle du 8 juillet 2002 a entraîné une atteinte permanente de 2 %, laquelle donne droit au travailleur à une indemnité pour préjudice corporel ;
DÉCLARE que la lésion professionnelle du 8 juillet 2002 a entraîné les limitations fonctionnelles suivantes :
- Éviter de soulever des charges de plus de 20 kg ;
- Éviter de travailler en position penchée ou en position debout fixe ;
- Éviter des mouvements répétés de flexion-extension et de flexion-rotation de la colonne lombaire ;
- Éviter les surfaces vibrantes à basse fréquence (de type motoneige, véhicule tout-terrains, véhicule à suspension rigide) ;
DÉCLARE que la CSST était justifiée de poursuivre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’elle se soit prononcée sur la capacité du travailleur d’exercer un emploi.
Dossier 229938-01B-0403
PREND ACTE du désistement verbal de l’employeur de sa requête du 18 mars 2004 à l’encontre de la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 4 mars 2004 à la suite d’une révision administrative.
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Louise Desbois |
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Commissaire |
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Me Francis Bernatchez, avocat |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Michel Sansfaçon |
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(A.P.C.H.Q.) |
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Représentant de la partie intéressée |
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[1] L.R.Q. c. A-3.001
[2] Voir notamment les décisions suivantes qui ont établi la jurisprudence sur la question :
Corneau et Purdel Coop Agro-Alimentaire, [1988] C.A.L.P. 791 (obiter); Fournier et Versatile Davie inc., 99994-03-8609, 5 janvier 1989, C. Groleau, requête en révision judiciaire rejetée , [1994] C.A.L.P. 277 (C.S.), appel rejeté, [1994] C.A.L.P. 1327 (C.A.); Blais et Centre hospitalier Jacques Viger, C.A.L.P. 04117-60-8708, 28 avril 1993, T. Giroux (décision sur requête en révision); Léger et Construction Joan Tavarez, C.A.L.P. 40702-07-9206, 25 novembre 1994, É. Harvey.
[3] Bélair c. Commission des lésions professionnelles, C.S. Longueuil, 505-05-008362-037, 16 janvier 2004, J. Arsenault.
[4] General Motors du Canada Ltée et Morin, C.A.L.P. 64-00032-8607, 20 février 1987, G. Beaudoin.
[5] Lapointe c. Commission des lésions professionnelles, C.A. Montréal, 500-09-013413-034, 19 mars 2004, JJ. Forget, Dalphond, Rayle.
[6] Mongrain et C.L.S.C. La petite patrie, C.L.P. 126636-63-9911, 4 juin 2001, M. Gauthier.
[7] Règlement sur le barème des dommages corporels, (1987) 119 G.O. II, 5576
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.