Décision

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Modèle de décision CLP - juillet 2015

CIUSSS du Nord de Montréal et Geneste

2017 QCTAT 550

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL

(Division de la santé et de la sécurité du travail)

 

 

Région :

Montréal

 

Dossiers :

519823-71-1308      530725-71-1312

543090-71-1406      543126-71-1406

 

Dossier CNESST :

141107326

 

 

Gaspé,

le 3 février 2017

______________________________________________________________________

 

DEVANT LA JUGE ADMINISTRATIVE :

Louise Desbois

______________________________________________________________________

 

519823, 530725, 543126

543090

 

 

CIUSSS du Nord de Montréal

Marie Célimène Geneste

Partie demanderesse

Partie demanderesse

 

 

et

et

 

 

Marie Célimène Geneste

CIUSSS du Nord de Montréal

Partie mise en cause

Partie mise en cause

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 27 octobre 2015, CIUSSS du Nord de Montréal (l’employeur, soit l’entité ayant remplacé le CSSS d’Ahuntsic et Montréal-Nord) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il demande la révision d’une décision rendue par cette instance (la première juge administrative) le 29 septembre 2015.

[2]           Par cette décision, la première juge administrative :

·           Rejette la requête de l’employeur, confirme la décision rendue le 7 août 2013 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) siégeant en révision administrative et déclare que madame Célimène Geneste (la travailleuse) a subi une lésion professionnelle le 7 mai 2013;

·           Rejette la requête de l’employeur, confirme pour d’autres motifs la décision rendue le 2 décembre 2013 par la CSST siégeant en révision administrative et déclare que le diagnostic de bursite calcifiée est en lien avec la lésion professionnelle du 7 mai 2013 et que la CSST est justifiée de poursuivre le paiement des soins et traitements puisqu’ils sont nécessaires;

·           Déclare irrecevable la requête de la travailleuse et sans objet celle de l’employeur, modifie la décision rendue le 27 mai 2014 par la CSST siégeant en révision administrative et déclare que l’avis rendue le 14 avril 2014 par un membre du Bureau d’évaluation médicale est irrégulier quant au diagnostic, que la travailleuse a droit à l’indemnité de remplacement du revenu puisque la lésion n’est pas consolidée et que la CSST est justifiée de poursuivre le paiement des soins et traitements puisqu’ils sont nécessaires.

[3]           Le 1er janvier 2016, la Loi instituant le Tribunal administratif du travail[1] (la LITAT) est entrée en vigueur. Cette loi crée le Tribunal administratif du travail qui assume les compétences de la Commission des relations du travail et de la Commission des lésions professionnelles. En vertu de l'article 261 de cette loi, toute affaire pendante devant la Commission des relations du travail ou devant la Commission des lésions professionnelles est continuée devant la division compétente du Tribunal administratif du travail.

[4]           Lors de l’audience tenue à Montréal le 27 septembre 2016, madame Jacinthe Angers-Beauvais est présente pour l’employeur qui est également représenté par sa procureure. La travailleuse est également présente et représentée par sa procureure. La requête est mise en délibéré au terme de l’audience.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[5]           L’employeur demande de réviser la décision rendue par la première juge administrative et de déclarer que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle le 7 mai 2013.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[6]           La travailleuse soutient avoir subi une lésion professionnelle le 7 mai 2013, ce qui a été reconnu par la CSST et confirmé par la première juge administrative.

[7]           Il s’agit de la conclusion dont l’employeur demande révision. Il va ensuite de soi que si la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle, il n’y a plus matière à quelque autre litige qui aurait pu en résulter.

[8]           Le Tribunal doit déterminer s’il y a lieu de réviser ou de révoquer la décision rendue par la première juge administrative le 3 septembre 2015.

[9]           Le Tribunal souligne d’emblée qu’en vertu de la LITAT, les décisions rendues par le Tribunal administratif du travail sont finales et sans appel :

51. La décision du Tribunal est sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

 

[…]

______________

2015, c. 15, a. 51.

 

 

[10]        Cette nouvelle disposition réaffirme la finalité de la décision du Tribunal, ce qui était énoncé anciennement à l’article 429.49 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi). En outre, la version anglaise de cette disposition reprend textuellement le libellé de l’article 429.49 :

51. The Tribunal's decision is final and without appeal, and the persons concerned must comply with it immediately.

 

[…]

______________

2015, c. 15, s. 51.

 

[11]        Bien qu’aucun appel d’une décision du Tribunal administratif du travail ne soit permis, une révision ou une révocation de celle-ci est possible, lorsque des conditions très strictes sont satisfaites, lesquelles sont énoncées à l’article 49 de la LITAT.

[12]        Cette nouvelle disposition, similaire à l’article 429.56 de la loi en vigueur jusqu’au 1er janvier 2016, se lit comme suit :

49. Le Tribunal peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'il a rendu :

 

1° lorsque est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2° lorsqu'une partie intéressée n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, présenter ses observations ou se faire entendre;

 

3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à l'invalider.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3° du premier alinéa, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le membre qui l'a rendu.

__________

2015, c. 15, a. 49.

 

 

[13]        L’employeur allègue en l’occurrence le troisième paragraphe de l’article 49 (ou 429.56), soit que la décision rendue par la première juge administrative est entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider.

[14]        La notion de « vice de fond ou de procédure de nature à invalider une décision » a été interprétée par la Commission des lésions professionnelles à de multiples reprises[3], interprétation par ailleurs confirmée et précisée par la Cour d’appel à plus d’une occasion[4].

[15]        Il s’avère qu’une décision du Tribunal administratif du travail ne peut être révisée en vertu du troisième paragraphe de l’article 49 que s’il est démontré par la partie qui en demande la révision qu’elle est entachée d’une erreur grave, manifeste (évidente) et déterminante.

[16]        Il a ainsi été précisé que le recours en révision ne s’apparente d’aucune façon à un appel et ne doit pas constituer un appel déguisé, et que la notion de vice de fond ne doit quant à elle pas servir de prétexte à une répétition de la procédure initiale et à l’obtention d’une nouvelle appréciation des mêmes faits et arguments, fussent-ils bonifiés, ni, par ailleurs, constituer une occasion de bonifier sa preuve ou ses arguments[5].

[17]        En 2005, la Cour d’appel du Québec, sous la plume du juge Morrissette, précise son interprétation de cette notion dans l’arrêt CSST c. Fontaine[6], devenu une référence en la matière :

[50]      En ce qui concerne les caractéristiques inhérentes d’une irrégularité susceptible de constituer un vice de fond, le juge Fish note qu’il doit s’agir d’un « defect so fundamental as to render [the decision] invalid » [46], « a fatal error » [47]. Une décision présentant une telle faiblesse, note-t-on dans l’arrêt Bourassa [48], est entachée d’une erreur manifeste de droit ou de fait qui a un effet déterminant sur le litige ». […] On voit donc que la gravité, l’évidence et le caractère déterminant d’une erreur sont des traits distinctifs susceptibles d’en faire « un vice de fond de nature à invalider [une] décision ».

 

[références omises]

 

 

[18]        Encore en 2014, dans l’affaire Moreau et Régie de l’assurance maladie du Québec[7], la Cour d’appel du Québec réaffirme ce principe selon lequel une très grande retenue est de mise en matière de révision, rappelant notamment qu’un « vice de fond de nature à invalider une décision est une erreur fatale qui entache l’essence même de sa décision, sa validité même ».

[19]        En 2015, dans l’affaire Gâteau-Beaupré c. Commission des relations du travail[8], la Cour supérieure, référant alors à l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador[9], réitérait ce principe selon lequel le Tribunal doit faire preuve d’une très grande retenue lorsqu’il siège en révision :

[53]      Comme la CRT le précise elle-même au paragraphe [23] de sa décision, elle doit déterminer si la décision contestée contient une erreur grossière, un accroc sérieux et grave à la procédure, une décision ultra vires, c’est-à-dire rendue sans que la Commission ait eu la compétence pour le faire, une décision rendue en l’absence de preuve ou en ignorant une preuve évidente. II faut aussi que soit démontrée la nécessité d’une correction à cause de ce vice sérieux.

 

 

[20]        En outre, dans la très récente affaire Bourget et Ville de Montréal[10] (27 mai 2016), la Cour supérieure applique les principes énoncés dans la jurisprudence précitée et rejette la requête en révision judiciaire à l’encontre de la décision de la Commission des lésions professionnelles qui n’était pas intervenue en révision en s’exprimant comme suit:

[4]        VU que, lorsqu’une partie cherche à faire réviser une décision touchant les faits, elle doit démontrer qu’elle ne possède pas les attributs de la raisonnabilité, lesquels tiennent à la justification, la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit4;

 

[5]        VU que la Cour suprême indique, dans l’affaire Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor)5, que les motifs du décideur spécialisé n’ont pas à tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement qui a mené à sa conclusion finale et qu’il se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments;

 

[6]        VU que suivant cette décision, les motifs doivent être examinés en corrélation avec le résultat et doivent permettre de savoir si ce dernier fait partie des issues possibles, les motifs répondant donc aux critères de transparence et d’intelligibilité s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables compte tenu des faits et du droit6;

 

[7]        VU que « la contestation d’un raisonnement ou du résultat d’une décision ne commande pas une analyse indépendante de la suffisance des motifs et doit être examinée dans le cadre de l’analyse globale de leur caractère raisonnable »7;

 

[…]

 

[13]      VU que CLP-1, même si elle ne fait pas référence à tous les éléments de preuve, indique dans sa décision que le Travailleur n’a pas fait la preuve d’une détérioration de son état de santé ni du lien de causalité entre une détérioration et la lésion professionnelle originale :

 

            […]

 

[14]      VU, tel qu’il appert de la jurisprudence mentionnée plus haut, que CLP-1 n’avait pas l’obligation de référer à tous les arguments et éléments de preuve pourvu qu’il soit possible de comprendre la motivation de la décision et d’en apprécier le caractère raisonnable, ce qui est le cas;

 

[…]

 

[16]      VU au surplus, que les éléments de preuve invoqués par le Travailleur sont, au mieux, ambivalents tel que d’ailleurs mentionné dans la décision CLP-2 (par. 135 à 144) et qu’il n’a pas été démontré qu’en considérant l’ensemble de la preuve, la décision CLP-1 n’appartient pas aux issues possibles acceptables compte tenu des faits et du droit;

 

[…]

 

[22]      VU également que le rapport de la technique opératoire référant à une radiographie sur laquelle l’espace L4-L5 apparaissait comme « complètement pincé »18 ne suffit ni à convaincre que la décision devait y référer pour être raisonnable ni à convaincre que la décision n’appartenait pas aux issues possibles acceptables en faisant défaut d’y référer ou en ne le retenant pas comme un fait déterminant compte tenu de l’ensemble de la preuve;

 

[23]      VU que le Tribunal est d’avis qu’il n’y a pas eu démonstration d’une erreur révisable dans la décision CLP-1 et qu’il y a lieu, en conséquence, de rejeter la requête en révision judiciaire tant à l’endroit de CLP-1 que de CLP-219;

 

[nos soulignements] 

 

[21]        Le Tribunal constate que les motifs du premier juge administratif dans l’affaire Bourget étaient très succincts, qu’il n’était pas fait mention dans sa décision d’un rapport d’ergothérapeute, d’un rapport de médecin-expert et d’un protocole opératoire en preuve et que, pour l’essentiel, les motifs consistaient en la référence au fardeau de preuve du travailleur et au fait que la preuve ne permettait pas de conclure qu’il s’en était déchargé.

[22]        La Cour supérieure examine alors la preuve au dossier pour compléter les motifs et tient par ailleurs compte des motifs implicites, ou qui auraient pu être donnés, pour comprendre le fondement de la décision et déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables.   

[23]        Encore plus récemment, soit le 24 juin 2016, la Cour suprême du Canada rendait une décision réaffirmant avec emphase ce principe dans l’affaire Colombie-Britannique (Workers Compensation Appeal Tribunal) c. Fraser Health Authority[11].

[24]        Dans cette affaire, le tribunal administratif avait accueilli la réclamation de plusieurs travailleuses alléguant avoir développé un cancer du sein relié à leur exposition au travail à une ou des substances cancérigènes, en dépit de plusieurs rapports d’experts indépendants selon lesquels ils ne pouvaient établir de lien de causalité entre l’exposition et les cancers démontrés.

[25]        La Cour supérieure a accueilli la demande de contrôle judiciaire déposée par l’employeur, étant d’avis que le Tribunal « ne pouvait pas écarter la preuve d’expert et se fier à sa propre expertise ou au bon sens, et qu’il était manifestement déraisonnable [pour le Tribunal] d’agir ainsi ». La Cour d’appel a confirmé cette décision.

[26]        Or, la Cour suprême, à la majorité, rétablit la décision du tribunal administratif. La Cour affirme alors qu’il est notamment possible d’inférer une causalité, même en présence d’une preuve d’expert non concluante ou contraire, à partir d’autres éléments de preuve, y compris une preuve simplement circonstancielle.

[27]        La Cour s’exprime notamment comme suit :

[30]      En concluant que le cancer du sein dont étaient atteintes les employées constituait une maladie professionnelle causée par la nature de leur emploi, le Tribunal a tiré une conclusion de fait (Ediger c. Johnston, 2013 CSC 18, [2013] 2 R.C.S. 98, par. 29). Cette conclusion commande donc la retenue, sauf si Fraser Health démontre son caractère manifestement déraisonnable, à savoir que « les éléments de preuve, perçus de façon raisonnable, ne peuvent étayer les conclusions de fait du tribunal » (Conseil de l’éducation de Toronto (Cité), par. 45). Étant donné que la cour doit faire preuve de retenue lorsque les éléments de preuve peuvent étayer (par opposition à démontrer de façon concluante) une conclusion de fait, le caractère manifestement déraisonnable n’est pas établi lorsque la cour de révision estime simplement que la preuve est insuffisante (Speckling c. Workers’ Compensation Board (B.C.), 2005 BCCA 80, 209 B.C.A.C. 86, par. 37). En d’autres termes, selon cette norme de contrôle, la cour de révision doit s’abstenir d’apprécier de nouveau la preuve, de rejeter les conclusions que le juge des faits en avait tirées ou de substituer ses propres conclusions à celles du juge des faits.

 

[…]

 

[37]      En toute déférence, la question que le Tribunal a tranchée était exactement une question du type de celles que le législateur entendait qu’il tranche. L’article 254 de la Loi prévoit que, dans les appels interjetés à l’encontre des décisions de la Commission, le Tribunal jouit d’une compétence exclusive pour statuer sur toutes les questions de fait. Il est vrai que, ce faisant, le Tribunal peut choisir de s’appuyer sur la preuve d’expert qui lui est présentée (comme il s’est appuyé en l’espèce sur la preuve d’expert concernant l’historique de l’exposition à des substances chimiques et le groupe statistiquement significatif de cas de cancer du sein parmi le personnel du laboratoire), mais il reste que la décision lui appartient.

 

[38]      En conséquence, la présence ou l’absence de témoignage d’opinion d’un expert qui confirme (ou réfute) l’existence d’un lien de causalité n’est pas un critère déterminant en matière de causalité (par exemple Snell, p. 330 et 335). Le juge des faits peut tenir compte d’autres éléments de preuve, tout comme l’a fait le Tribunal, pour déterminer s’ils permettent de conclure que, en l’espèce, le cancer du sein dont étaient atteintes les employées était causé par leur emploi. C’est ce qui explique l’importance que le juge en cabinet a attachée aux décisions de la Cour d’appel dans Sam et Moore, et la déclaration du juge Goepel selon qui il faut établir par une [TRADUCTION] « preuve positive » un lien entre le cancer du sein des appelantes et leurs conditions de travail. Quelle que soit la façon dont il fallait envisager la « preuve positive » dans ces décisions, il ne faut pas oublier qu’il est possible d’inférer la causalité — même en présence d’une preuve d’expert non concluante ou contraire — à partir d’autres éléments de preuve, y compris d’une preuve simplement circonstancielle. Cela ne veut pas dire pour autant que la preuve d’un historique pertinent de l’exposition à des substances cancérigènes et d’un groupe de cas de cancer statistiquement significatif permettra toujours, à elle seule, de conclure que le cancer du sein dont est atteinte une employée est attribuable à une maladie professionnelle. Cela signifie toutefois que cette preuve peut s’avérer suffisante. Tout dépend de la façon dont le juge des faits choisit, en exerçant son propre jugement, d’évaluer la preuve. Et je le répète, sous réserve de la norme de contrôle applicable, l’évaluation de la preuve incombe au juge des faits — en l’occurrence au Tribunal.

 

[39]      Compte tenu de ce qui précède, on ne saurait dire que la décision initiale du Tribunal était « manifestement déraisonnable ». Bien que le dossier sur lequel reposait la décision ne contienne aucune preuve d’expert confirmative, le Tribunal s’est néanmoins fondé sur d’autres éléments de preuve qui, perçus de façon raisonnable, pouvaient étayer sa conclusion quant à l’existence d’un lien causal entre le cancer du sein des employées et leurs conditions de travail.

 

[nos soulignements]

[28]        Il s’avère ainsi notamment que dès que la preuve peut, de façon raisonnable, étayer la conclusion de fait du premier juge administratif, le tribunal siégeant en révision ne doit pas intervenir, même lorsque la preuve d’expert administrée est unanimement contraire à la conclusion et même lorsqu’elle n’est pas toute rapportée ou analysée. Encore une fois, la Cour suprême du Canada réaffirme que la décision appartient au premier juge administratif, lequel choisit la façon d’évaluer la preuve en exerçant son propre jugement.

[29]        En l’occurrence, un retour sur les faits s’impose d’emblée pour mieux comprendre les tenants et aboutissants du litige dont était saisie la première juge administrative. Un tour global des motifs de la décision de la première juge administrative s’impose également d’emblée du fait des multiples erreurs alléguées par la procureure de l’employeur en l’instance.

[30]        Les faits à l’origine de la lésion professionnelle alléguée par la travailleuse et ayant rapidement suivi sont résumés comme suit par la première juge administrative :

[52]      La travailleuse, âgée de 40 ans, travaille comme préposée aux bénéficiaires depuis environ deux ans et demi au service de l’employeur; elle est sur appel de jour, soir et nuit, pour une moyenne d’environ 30 heures de travail par semaine.

 

[53]      La travailleuse se décrit comme une personne très travaillante et elle n’est pas contredite sur ce point.

 

[54]      Selon son témoignage, le 7 mai 2013, en donnant un soin à une bénéficiaire, elle ressent une douleur aiguë à l’épaule droite. Cette douleur survient alors qu’elle est en train de remonter une résidente obèse dans son lit avec l’aide d’une collègue. Plus précisément, un manque de synchronisme avec sa collègue en tirant sur le piqué sous la bénéficiaire fait en sorte que seule la travailleuse force au maximum de sa capacité, ce qui lui cause une douleur à l’épaule. En plus, comme la bénéficiaire était entraînée du seul côté de la travailleuse, plutôt que de rester au centre de son lit, sa tête s’approchait dangereusement du bord et la travailleuse s’est précipitée pour la retenir en faisant un mouvement de torsion de son membre supérieur droit. La travailleuse affirme qu’elle a eu très mal.

 

[55]      Ces gestes sont mimés à l’audience : la travailleuse montre avec son membre supérieur droit un mouvement de la droite vers la gauche, en légère abduction vers un mouvement d’adduction. Elle a reçu un contrecoup du fait d’avoir forcé seule et elle a aussitôt imprimé un mouvement de torsion au même bras, en extension, pour retenir la tête de la résidente.

 

[56]      Elle a continué d’effectuer ses tâches malgré la douleur, sans avoir le temps de déclarer à l’employeur cet incident. Elle quitte le travail vers 23 h 30, et arrivée chez elle, après deux heures de transport, elle ne peut plus bouger son bras droit.

 

[57]      La travailleuse se présente à une clinique le jour même, 8 mai 2013, où une entorse de l’épaule droite est diagnostiquée et des travaux légers sont recommandés. La travailleuse travaille les 10 mai et 11 mai 2013, mais la douleur s’accroît, malgré les tâches plus légères. Le 11 mai 2013, elle ne peut compléter son quart de travail et doit consulter à nouveau.

 

[58]      Le 12 mai 2013, le diagnostic est une « tendinite/capsulite »; elle est référée au docteur Charbonneau qui demeure, par la suite, le médecin qui a charge.

 

[59]      À cette même date, une radiographie simple de l’épaule révèle des calcifications en dessous de l’acromion; le radiologiste soupçonne une tendinopathie calcifiante et il suggère un examen par résonance magnétique si les symptômes persistent.

 

[…]

 

[66]      Un examen par résonance magnétique, effectué le 8 juillet 2013, révèle ceci, sous la plume du radiologiste Rehany :

 

Bursite calcifiante sous-acromio-deltoïdienne et sous-coracoïdienne. Présence de foyers de calcification dans la bourse sous-deltoïdienne. Cette patiente pourrait bénéficier d’un lavage et aspiration de la bourse.

Présence d’une tendinopathie de degré léger du supra-épineux et, modérée à la portion distale des tendons infra-épineux et sous-scapulaire.

Déchirure labrale du type SLAP suspectée. À corréler avec l’examen clinique et, selon la pertinence clinique, une arthro-IRM au besoin.

 

[…]

 

[69]      Une deuxième radiographie est passée, le 23 août 2013; on y indique qu’il y a un petit dépôt de calcium près de l’acromion et qu’il y a des phénomènes de tendinopathie calcifiante dans les tissus mous près de la grosse tubérosité humérale.

 

[70]      L’arthrorésonance a lieu le 27 août 2013. Elle a pour but d’éliminer une déchirure du labrum, mais celle-ci est confirmée par le même radiologiste Rehany :

 

Confirmation d’une lésion SLAP à la portion supérieure du labrum, tel que décrit ci-haut. Pas de kyste paralabral.

Bursite calcifiante sous-acromio-deltoïdienne accompagnée d’une accumulation liquidienne.

Tendinopathie du supra et de l’infra-épineux accompagnée de légères modifications dégénératives de la surface bursale des tendons.

 

 

[31]        La première juge administrative écrit ensuite que le Bureau d’évaluation médicale a été valablement saisi de la question de la détermination du diagnostic de la lésion professionnelle et que, le 2 octobre 2013, la docteure Danielle Desloges, chirurgienne orthopédiste agissant comme membre de ce Bureau a retenu comme seul diagnostic de la lésion professionnelle celui de bursite calcifiée de l’épaule droite (avec accrochage).

[32]        Dans ce contexte, la première juge administrative convient avec l’employeur que l’avis du 14 avril 2014 du docteur Gary Greenfield, agissant lui aussi comme membre du Bureau d’évaluation médicale, est invalide sur la question du diagnostic qui avait déjà été soumise auparavant au Bureau d’évaluation médicale et décidé en conséquence. Incidemment, le docteur Greenfield maintenait le diagnostic retenu par la docteure Desloges.

[33]        Le diagnostic qui liait dès lors la première juge administrative dans la détermination de la survenance d’une lésion professionnelle le 7 mai 2013 était celui de bursite calcifiée de l’épaule droite, ce dont elle convient également, notamment aux paragraphes suivants :

[47]      L’employeur prétend que la travailleuse n’a pas droit au bénéfice de la présomption de l’article 28 de la loi parce que le diagnostic de la lésion, une bursite calcifiée, n’équivaut pas à un diagnostic de blessure, mais à un diagnostic de maladie vu son apparition insidieuse. C’est donc l’analyse de la preuve quant aux circonstances entourant l’apparition de cette lésion, qui nous permettra d’en décider.

 

[…]

 

[112]    La travailleuse argue que l’employeur ne peut restreindre le débat à la seule relation avec le diagnostic de bursite calcifiée; à son avis, en se penchant sur l’existence d’une lésion professionnelle, le tribunal possède tous les pouvoirs pour déterminer le diagnostic de la lésion. Cela est exact lorsque le diagnostic est contesté, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. La preuve n’a démontré aucune circonstance spéciale emmenant le tribunal à ne pas retenir ce diagnostic émis par un membre du Bureau d’évaluation médicale, sur lequel tous les spécialistes consultés s’entendent d’ailleurs.

 

[113]    Le tribunal est donc d’avis que la travailleuse a fourni, par son témoignage simple et dénué d’exagérations, une description des circonstances entourant l’apparition d’une blessure au travail, soit une bursite calcifiée.

 

[nos soulignements]

[34]        La première juge administrative conclut que la travailleuse a démontré de façon prépondérante avoir subi une lésion professionnelle, tant par la démonstration d’une blessure sur les lieux du travail alors qu’elle était à son travail que par celle de la survenance d’un événement imprévu et soudain, les conditions requises tant par l’article 28 que par l’article 2 étant dès lors rencontrées, une lésion professionnelle pouvant être reconnue sous l’une ou l’autre de ces dispositions :

28.  Une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 28.

 

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

 

[35]        La première juge administrative, dans le cadre de son analyse et de son appréciation de la preuve, accorde manifestement beaucoup de crédibilité à la travailleuse. Elle retient ainsi notamment les éléments suivants comme prémisses à son analyse et à sa conclusion, déclarant que les opinions des médecins désignés par l’employeur (soit les docteurs Giasson, Goulet et Comeau) ont peu de force probante, du fait diverses lacunes dont le fait que les prémisses sur lesquelles elles s’appuient diffèrent de celles qu’elle retient quant à elle, ce qui n’est pas le cas de l’opinion du docteur Renaud, médecin expert retenu par la travailleuse, qu’elle retient en majeure partie :

[61]      Le 4 juin 2013, la travailleuse est examinée par le docteur Carl Giasson Jr, à la demande de l’employeur. Son examen, très sommaire, se limite à vérifier les amplitudes des deux épaules.

 

[62]      Or, le docteur Giasson affirme que la travailleuse souffrait déjà de son épaule droite, quelques semaines avant le 7 mai 2013, mais à l’audience, aucune preuve n’est soumise permettant de comprendre l’origine de cette information, qui est ensuite reprise par d’autres médecins. La travailleuse nie catégoriquement avoir fait cette déclaration, la déclarant parfaitement fausse, en précisant que le docteur Giasson ne lui a pas demandé comment était survenue la lésion.

 

[63]      La travailleuse affirme n’avoir jamais eu de douleur à l’épaule avant l’événement du 7 mai 2013 et avoir toujours été en mesure d’accomplir son travail et ses activités de la vie quotidienne auparavant, sans problème à ce niveau. Le tribunal retient son témoignage comme prépondérant à cet égard.

 

[64]      Dans son rapport du 4 juin 2013, le docteur Giasson opine que la travailleuse souffre d’une « tendinopathie calcifiante, vraisemblablement du sus-épineux », une condition strictement personnelle selon lui, qui nécessite cependant des soins et traitements. Le tribunal accorde peu de valeur probante à sa conclusion puisqu’il ne s’en explique pas; elle est probablement basée sur la mention d’un événement antérieur au 7 mai 2013, nié par la travailleuse.

 

[…]

 

[78]      Le 26 novembre 2013, la travailleuse est examinée, toujours à la demande de l’employeur, par le docteur Marc Goulet, chirurgien orthopédiste, sur les cinq points de l’article 212 de la loi. Dans son historique, le docteur Goulet ne rapporte aucun fait accidentel, seulement que les douleurs sont apparues progressivement, antérieurement au 7 mai 2013; de toute évidence, il semble reprendre la mention du docteur Giasson à cet égard.

 

[79]      Étant donné que le tribunal retient plutôt la version de la travailleuse, selon laquelle elle n’a jamais subi auparavant de douleurs à cette épaule, la conclusion du docteur Goulet que les diagnostics de bursite et tendinites calcifiées constituent des conditions strictement personnelles n’est pas retenue.

 

[…]

 

[85]      Le 19 mars 2014, la travailleuse est examinée par le docteur Garry Greenfield, chirurgien orthopédiste et membre du Bureau d’évaluation médicale, en rapport avec les trois premiers éléments de l’article 212 de la loi. Ce médecin note que la travailleuse ne travaille plus depuis le 31 octobre 2013, qu’elle n’a plus d’ankylose, mais seulement quelques signes équivoques d’accrochage selon les tests de Jobe, Hawkins, Neer et SLAP, et des douleurs en fin d’élévation antérieure et d’abduction.

 

[86]      Dans son avis du 14 avril 2014, le docteur Greenfield note que la docteure Desloges du Bureau d’évaluation médicale s’est déjà prononcée sur le diagnostic, soit une bursite calcifiée, diagnostic qu’il maintient. Quant aux soins, il se range à l’opinion du docteur Charbonneau et il opine que, malgré une certaine amélioration, la lésion n’est pas encore consolidée. Bref, le docteur Greenfield ne retient aucune des conclusions de l’expert de l’employeur, le docteur Goulet.

 

[…]

 

[92]      Finalement, le 12 décembre 2014, la travailleuse est évaluée par le docteur Yvan Comeau, chirurgien orthopédiste, à la demande de l’employeur. Son examen révèle des mouvements de l’épaule droite normaux, mais seulement en passif, ce qui le surprend compte tenu de l’absence d’atrophie à cette épaule; il soupçonne des gains secondaires. Pourtant la docteure Desloges avait obtenu, elle aussi, des mouvements normaux en passif seulement, sans en faire grand état et encore moins en tirer une telle conclusion.

 

[…]

 

[94]      Dans ce même rapport, ce médecin rapporte, lui aussi, que la travailleuse aurait déjà vécu, auparavant, un incident similaire à celui du 7 mai 2013, une déclaration que la travailleuse nie toujours sans pouvoir en expliquer l’origine. Un peu plus loin dans son rapport, le docteur Comeau rapporte que la travailleuse nie toute douleur à l’épaule droite avant le 7 mai 2013, sans relever cette apparente contradiction.

 

[…]

 

[97]      Cependant, le tribunal note que le 24 avril 2014, la travailleuse indiquait à l’agente de la CSST qu’elle n’arrivait pas à adopter une position confortable la nuit et que tous les mouvements au-dessus de l’épaule et ceux avec charge, étaient douloureux. En décembre 2014, trois mois après son opération et toujours en convalescence, elle rapporte au docteur Comeau qu’elle a encore de la difficulté à faire ses tâches et à se coiffer. Or, elle semble s’être améliorée depuis, car, à l’audience, elle déclare que tous les traitements, soit la physiothérapie, l’ergothérapie et les infiltrations, l’ont certes aidée, mais que l’opération subie en septembre 2014 a eu comme conséquence de la faire mieux dormir, en plus de lui permettre d’élever son bras; ainsi, elle peut maintenant se coiffer et faire ses tâches domestiques plus facilement, malgré quelques douleurs. Le tribunal en retient que l’acromioplastie lui a été bénéfique, comme la travailleuse l’affirme, et ce, malgré l’opinion mitigée du docteur Comeau.

 

[98]      Par contre, ce médecin ajoute qu’il « est fort probable que les symptômes allégués par la travailleuse, du moins au début, étaient imputables à cette tendinite calcifiée. Mais actuellement, je doute fort de la persistance de douleurs significatives à cette épaule ». Pourtant, il écrit aussi « qu’il ne serait pas surpris qu’elle soit encore [la tendinite calcifiante] symptomatique ». Ces propos, sans autre explication, nous paraissent quelque peu contradictoires et, surtout, peu éclairants, tout comme ceux qu’il tient sur le diagnostic.

 

[99]      Bref, le tribunal comprend de l’opinion du docteur Comeau qu’il ne croit pas que la travailleuse ait pu causer ou aggraver, par son geste du 7 mai 2013, une condition personnelle préexistante de tendinite calcifiée, condition dont elle souffrait auparavant selon lui et dont elle continuera de souffrir, malgré l’opération.

 

[100]    Or, le docteur Comeau omet d’expliquer comment la travailleuse a pu rendre cette condition symptomatique, alors qu’elle a travaillé sans difficulté avant l’événement du 7 mai 2013. Il affirme simplement que la travailleuse « ne peut pas avoir accroché sa bursite calcifiée contre l’arc coraco-acromial » lors de l’effort effectué le 7 mai 2013, niant toute aggravation d’une pathologie préexistante.

 

[101]    Or, le tribunal, assisté d’un assesseur médical, a bien visualisé le geste mimé par la travailleuse; ce geste correspond à celui décrit par le docteur Renaud dans son expertise, alors que ce dernier explique comment une bursite peut s’être installée à la suite d’un tel geste. De plus, à l’instar du tribunal, le docteur Renaud ne retient pas que la travailleuse ait pu être symptomatique avant cet incident, comme le fait le docteur Comeau.

 

[102]    Par conséquent, le tribunal ne retient pas les explications du docteur Comeau, difficiles à comprendre, ni ses conclusions vu les prémisses erronées sur lesquelles elles sont basées.

 

[…]

 

[104]    À l’audience et dans son argumentation, la représentante de l’employeur fait grand état que la travailleuse n’est pas crédible.

 

[105]    À titre d’exemple, elle établit que la travailleuse a omis, lors de son embauche, de mentionner deux accidents du travail antérieurs, soit en 2004 pour une entorse lombaire (six mois d’arrêt), et en 2007 pour un troisième doigt gâchette « trigger finger » (deux mois d’arrêt). Elle lui reproche également de ne pas en avoir parlé aux médecins qui l’ont examinée.

 

[106]    La travailleuse explique qu’elle ne s’en souvenait pas. Le tribunal la croit, étant donné la banalité de ces lésions qui ne sont d’ailleurs pas récentes. De plus, elles n’ont aucun lien ou connexité avec le présent site de lésion.

 

[107]    L’employeur souligne également que la travailleuse n’a pas révélé, dans sa fiche d’embauche, le nom des deux employeurs où sont survenues ces anciennes lésions.

 

[108]    La travailleuse s’en est expliquée de façon crédible : c’est sur le conseil d’une personne l’aidant à écrire son curriculum vitae, qu’elle a omis volontairement de mentionner tous ses emplois de très courte durée. À l’instar de la représentante de la travailleuse, le tribunal considère que ce reproche appartient au domaine des relations de travail et n’a aucune pertinence avec le présent débat.

 

[109]    Enfin, l’employeur est convaincu que la bursite calcifiée s’est installée insidieusement, avant l’événement du 7 mai 2013, comme le rapportent les docteurs Giasson, Goulet et Comeau. Tel que dit précédemment, le tribunal est plutôt d’avis que la travailleuse est crédible à ce sujet et qu’elle n’a jamais eu de problème avec son épaule droite auparavant. Par ailleurs, l’employeur n’a pas soumis de preuve indiquant que la travailleuse était absente pour ce motif ou qu’elle se plaignait de douleurs à ce site, avant le 7 mai 2013.

 

[110]    De plus, contrairement à l’employeur, le tribunal considère que la travailleuse n’a pas fourni des versions contradictoires de l’événement du 7 mai 2013 mais, à la rigueur, des versions incomplètes.

 

[…]

 

[113]    Le tribunal est donc d’avis que la travailleuse a fourni, par son témoignage simple et dénué d’exagérations, une description des circonstances entourant l’apparition d’une blessure au travail, soit une bursite calcifiée.

 

[114]    Compte tenu des opinions médicales des docteurs Desloges, Gariépy et Greenfield, qui tiennent compte tous trois autant de l’événement accidentel décrit alors par la travailleuse, description reprise à l’audience, que de la symptomatologie observée chez elle, le tribunal est d’avis qu’il s’agit là d’une preuve prépondérante que le diagnostic de bursite calcifiée est en lien avec l’événement accidentel du 7 mai 2013.

 

[…]

 

[116]    L’employeur n’a pas fourni de preuve permettant le renversement de cette présomption; il argue seulement que la travailleuse n’est pas crédible, ce que le tribunal ne retient pas, et qu’elle souffre d’une condition personnelle.

 

[nos soulignements]

[36]        La procureure de l’employeur allègue que la décision rendue par la première juge administrative comporterait de multiples erreurs qui en justifieraient selon elle la révision :

·           La première juge administrative discute de l’application de l’article 28 sur la base d’un diagnostic erroné, soit une bursite plutôt qu’une bursite calcifiée, alors que cette dernière constitue clairement une maladie et non une blessure;

·           La première juge administrative rejette erronément les conclusions du docteur Giasson parce qu’il ne les expliquerait pas, sans considérer le rapport médico-administratif joint à son rapport;

·           La première juge administrative rejette erronément les conclusions du docteur Goulet sur la seule base du fait qu’il considérerait que la travailleuse a eu des douleurs à l’épaule avant l’événement, alors que son opinion est autrement motivée;

·           La première juge administrative rejette erronément et sans motivation les conclusions du docteur Comeau en alléguant qu’il omet d’expliquer comment la travailleuse a pu rendre sa condition personnelle symptomatique, ce qui constitue un fardeau de preuve qui n’appartient pas à l’employeur;

·           La première juge administrative retient erronément l’opinion du docteur Renaud alors que celle-ci est basée sur un diagnostic différent de celui qui la liait;

·           La conclusion de la première juge administrative quant à une relation entre l’événement et le diagnostic de bursite calcifiée n’est aucunement motivée, si ce n’est erronément en référant aux avis des membres du Bureau d’évaluation médicale dont ce n’est pas le mandat de se prononcer sur cette question et qui ne le font d’ailleurs pas;

·           La première juge administrative réfère à une opinion d’un docteur Gariepy, alors qu’aucun docteur Gariepy n’a agi au dossier;

·           La première juge administrative commet une erreur au paragraphe 105 de sa décision dans l’appréciation de la crédibilité de la travailleuse en mentionnant que la lésion professionnelle antérieure consistant en une entorse lombaire n’aurait qu’impliqué un arrêt de travail de six mois, alors que cet arrêt a été d’un an et qu’une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles ont résulté de cette lésion;

·           La première juge administrative commet une erreur au paragraphe 111 de sa décision lorsqu’elle mentionne que l’employeur « s’évertue » à demander que la travailleuse démontre un véritable fait accidentel, alors que ce n’est pas ce que l’employeur a plaidé;

·           La première juge administrative ne motive pas le rejet de l’argument de l’employeur sur le changement de version de la travailleuse quant à l’accident allégué;

·           La première juge administrative commet une erreur au paragraphe 116 de sa décision en alléguant que l’employeur se limite à arguer que la travailleuse n’est pas crédible, écartant sans motivation l’opinion motivée de trois experts médicaux non contredite par celle du docteur Renaud, médecin expert de la travailleuse;

·           La première juge administrative commet une erreur au paragraphe 122, en omettant de motiver son rejet de la longue argumentation de l’employeur quant au caractère improbable de l’aggravation d’une condition personnelle.

[37]        D’emblée, le nombre et la nature des erreurs alléguées tend à appuyer les propos de la procureure de la travailleuse selon laquelle la procureure de l’employeur tente en fait d’obtenir une nouvelle appréciation de la preuve, ce que ne permet pas le recours en révision, comme mentionné précédemment : seule une erreur grave, manifeste et déterminante peut justifier une révision de la décision finale et sans appel rendue par la première juge administrative.

[38]        Le Tribunal rappelle que la Cour d’appel du Québec, dans l’affaire Fontaine précitée, écrivait également ce qui suit :

[51]      En ce qui concerne la raison d’être de la révision pour un vice de fond de cet ordre, la jurisprudence est univoque. Il s’agit de rectifier les erreurs présentant les caractéristiques qui viennent d’être décrites. Il ne saurait s’agir de substituer à une première opinion ou interprétation des faits ou du droit une seconde opinion ni plus ni moins défendable que la première […]

 

 

[39]        En ce qui concerne d’abord l’allégation de l’application de la présomption de l’article 28 sur la base d’un diagnostic erroné, le Tribunal constate, à la lecture de l’ensemble de la décision de la première juge administrative, qu’elle est consciente du diagnostic qui la lie, le mentionnant à de multiples reprises.

[40]        La première juge administrative est également tout à fait consciente de la position de l’employeur sur cette question, comme elle le souligne au paragraphe 47 de sa décision :

[47]      L’employeur prétend que la travailleuse n’a pas droit au bénéfice de la présomption de l’article 28 de la loi parce que le diagnostic de la lésion, une bursite calcifiée, n’équivaut pas à un diagnostic de blessure, mais à un diagnostic de maladie vu son apparition insidieuse. C’est donc l’analyse de la preuve quant aux circonstances entourant l’apparition de cette lésion, qui nous permettra d’en décider

 

[notre soulignement]

[41]        La procureure de l’employeur insiste sur le libellé du paragraphe suivant et de la jurisprudence sur laquelle la première juge administrative s’appuie, où il n’est question que de bursite et non de bursite calcifiée comme en l’instance :

[48]      À l’instar de la travailleuse, le tribunal considère qu’un diagnostic de bursite correspond à un diagnostic mixte au sens où l’entend la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles depuis l’affaire Boies4. Il y a lieu, pour le bénéfice de l’employeur, de citer les passages les plus pertinents de cette décision, au sujet des diagnostics mixtes5:

 

[129]      Un questionnement relatif à la notion de « blessure » peut aussi surgir lorsque d’autres diagnostics que ceux initialement retenus apparaissent au cours de l’évolution médicale d’une lésion.

 

[130]      Dans un tel contexte, la CSST, le Bureau d’évaluation médicale et, en dernière instance le tribunal, rechercheront les signes cliniques qui permettront de préciser le diagnostic de la lésion alléguée.

 

[131]      Il faut donc se garder d’écarter l’application de la présomption uniquement sur la foi du libellé du diagnostic retenu, sans autre analyse.

 

[132]      En pareilles situations, le tribunal croit qu’il est nécessaire d’aller au-delà des termes utilisés par le médecin qui a charge pour tenir lieu de diagnostic et faire une analyse de l’ensemble du tableau clinique apparaissant au dossier. Un tel exercice permettra de préciser le véritable diagnostic et d’objectiver une blessure. En somme, il faut chercher à comprendre ce que le médecin qui a charge du travailleur a voulu dire et qui traduirait le véritable diagnostic de la blessure qu’il constate.

 

[133]      S’ajoute à ces difficultés d’interprétation, le fait que certains diagnostics que l’on pourrait qualifier de mixtes, peuvent être considérés soit comme une blessure soit comme une maladie, tels, entre autres, les diagnostics de tendinite, d’épicondylite, de bursite, de hernie discale, de hernie inguinale, etc., selon les circonstances d’apparition décrites.

 

[134]      À l’étape de l’application de la présomption, dans le cas de ces pathologies de nature de mixte, dont il sera question ultérieurement, il y a lieu d’insister sur le fait qu’un travailleur n’a pas à démontrer l’existence d’un événement traumatique aux fins de prouver qu’il a subi une blessure. Il n’a qu’à démontrer, par une preuve prépondérante, que sa blessure « de nature mixte » est apparue à un moment précis58 dans le temps plutôt que sur une période plus ou moins longue, de manière subite et non de façon progressive et insidieuse, comme ce que l’on retrouve habituellement dans le cas d’une maladie.

 

[…]

 

[151]      Il en va autrement de la lésion diagnostiquée qui ne résulte pas, à première vue, d’un agent vulnérant externe identifiable : elle peut apparaître à la suite de la sollicitation d’un membre dans l’exercice d’une tâche - à titre d’exemple, la sollicitation allant au-delà de la capacité d’un tissu du corps humain, tels un ligament, un muscle, un tendon, etc. Ce type de lésion se manifeste, tout comme la blessure résultant de réalités plus classiques, par un changement à une région anatomique donnée, lequel changement provoque un malaise ou une douleur qui entrave ou diminue le fonctionnement des activités habituelles ou la capacité d’un membre.

 

[…]

 

[153]      La notion de blessure doit donc s’interpréter de façon à inclure l’ensemble des situations précédemment décrites, notamment la blessure résultant d’un agent vulnérant externe, celle moins instantanée telles les insolations, les engelures et celle pouvant résulter de circonstances moins facilement identifiables mais dont la preuve prépondérante démontre qu’elle est survenue au travail alors que le travailleur est à son travail.

 

[…]

 

[157]      Dans les cas de ces diagnostics mixtes, l’emphase doit alors être mise sur les circonstances de leur apparition.

 

[158]      Le contexte factuel de l’apparition d’une blessure ne permet pas toujours d’identifier un traumatisme, bien que cela ne soit pas nécessaire pour que la présomption de l’article 28 de la loi reçoive application. C’est ce que rappelle le tribunal dans l’affaire Naud et C.P.E. Clin d’œil67 : [citation omise]

 

[159]      Les soussignés souscrivent en partie à l’analyse proposée par le tribunal dans cette dernière affaire sur les éléments à prendre en compte dans l’appréciation des circonstances d’apparition de la lésion de nature « mixte », soit :

-              la présence d’une douleur subite en opposition à une douleur qui s’installe graduellement;

 

-              une sollicitation de la région anatomique lésée.

 

[160]      Le tribunal est toutefois d’avis d’écarter le critère visant la recherche d’une posture contraignante de la région anatomique lésée et celui de l’adéquation entre le geste, l’effort ou la sollicitation anatomique et l’apparition de symptômes. En effet, cet exercice conduirait à la recherche de la cause ou de l’étiologie de la blessure diagnostiquée, ce que la présomption de l’article 28 de la loi évite précisément de faire. L’accent doit donc être mis sur les circonstances d’apparition de la lésion de nature « mixte ».

 

[161]      La blessure peut aussi résulter d’une activité au cours de laquelle apparaissent subitement des douleurs à la suite desquelles un diagnostic est retenu, telle une tendinite de la coiffe des rotateurs68. Ces douleurs apparaissent de manière concomitante à l’exercice d’un mouvement précis69 ayant sollicité la région anatomique lésée. Ainsi, un mouvement qui met à contribution un site anatomique précis pourra entraîner une blessure s’il est constaté que ce mouvement a provoqué une douleur subite à la suite de laquelle un diagnostic bien précis est retenu70.

 

Dans un tel contexte, c’est le tableau clinique observé de façon contemporaine à ce mouvement et à la douleur qu’il a provoquée qui permettra d’identifier les signes révélateurs de l’existence d’une blessure et non la recherche d’un agent vulnérant externe ou causal71.

 

[références omises; nos soulignements]

[49]      Plus particulièrement, le tribunal partage l’opinion de la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Lafleur et S.T.M. (Réseau des autobus)6, alors qu’il s’agissait précisément dans ce cas d’un diagnostic de bursite, comme en l’espèce.

 

[50]      Ce sont donc les circonstances d’apparition de la bursite calcifiée qui détermineront si nous sommes en présence d’une blessure ou d’une maladie.

____________________

4           Précitée, note 3.

5           Id.

6           2013 QCCLP 3555.

 

[42]        Le Tribunal constate que la première juge ne se trompe pas de diagnostic : il serait plus juste de conclure qu’elle n’aborde pas différemment la bursite, qu’elle soit ou non associée à des calcifications, ou que ces calcifications fassent ou non partie du libellé du diagnostic, du moins dans le dossier dont elle est saisie.

[43]        Il est manifeste, à la lecture de l’ensemble de sa décision, qu’elle n’accorde pas une grande importance à la présence de calcifications en l’instance, son focus étant sur la bursite selon elle survenue, en tout ou en partie, au travail le 7 mai 2013, indépendamment de ces dernières :

[116]    L’employeur n’a pas fourni de preuve permettant le renversement de cette présomption; il argue seulement que la travailleuse n’est pas crédible, ce que le tribunal ne retient pas, et qu’elle souffre d’une condition personnelle.

 

[117]    Quant à ce dernier argument, si tant est que cela soit vrai, il n’y a pas lieu de refuser à la travailleuse sa réclamation pour ce motif. La présence d’une condition personnelle ne fait pas obstacle à la reconnaissance d’une lésion professionnelle, lorsqu’un accident du travail survient, ce que la travailleuse a aussi démontré de façon prépondérante, à notre avis.

 

[118]    Comme le docteur Renaud l’explique, les calcifications existaient certainement avant le 7 mai 2013, mais cette condition a été rendue symptomatique par l’effort mal coordonné fourni au travail le 7 mai 2013, puisque la travailleuse est devenue incapable de fonctionner dans les quelques jours qui ont suivi, malgré une tentative de retour au travail.

 

[119]    Tel qu’établi par une preuve prépondérante, la travailleuse n’a jamais été symptomatique auparavant de cette condition.

 

[120]    Ainsi, que la bursite calcifiée ait été causée directement par l’effort du 7 mai 2013 ou qu’il s’agisse d’une aggravation d’une condition personnelle n’a pas d’importance en l’espèce, puisque dans un cas comme dans l’autre, il s’agit d’une lésion professionnelle.

 

[nos soulignements]

[44]        Il y a effectivement peu, voire pas de jurisprudence dans laquelle le diagnostic de de bursite, ou de tendinite, « calcifiée » ou « calcifiante » est reconnu à titre de blessure en application de l’article 28.

[45]        Au contraire, il est questionné, voire nié dans certaines décisions, qu’un tel diagnostic de « bursite calcifiée » ou « bursite calcifiante » puisse soutenir l’application de cette présomption, voire même, selon certains, être reconnu être survenu par le fait ou à l’occasion d’un accident du travail.

[46]        Ainsi, notamment, dans l’affaire Blouin et Pénitencier Donnacona[12], la Commission des lésions professionnelles déclare ce qui suit :

[48]      De toute façon, il est évident qu’une tendinite calcique, qualificatif référant à des dépôts de calcium aussi appelée tendinite calcifiée ou calcifiante, constitue généralement une condition personnelle. Cette affirmation fait partie de la connaissance spécialisée du tribunal et ressort de la jurisprudence.13

                              

13               Voir notamment Centre de santé Orléans (CHSLD), 2013 QCCLP 3135; Transport TF1 4 (Kingsway aliment), 2012 QCCLP 8049; Therrien et Brasserie Le Château, 2012 QCCLP 6689; Arrondissement Plateau-Mont-Royal et Potvin, 2012 QCCLP 5367; Harvey et Citoyenneté & Immigration Canada, 2012 QCCLP 2829.

 

 

[47]        Récemment, dans l’affaire Bédard et CHSLD et St-Augustin (division Vigi Santé)[13], le Tribunal s’exprime comme suit à ce sujet :

[59]      En ce qui a trait au diagnostic de tendinite/tendinopathie, malgré qu’il traduise souvent une maladie, il ne peut être écarté d’emblée à titre de blessure. Comme le recommande l’affaire Boies, l’emphase doit être mise sur les circonstances de son apparition pour en préciser la nature. Pour ce faire, dans le présent dossier, le Tribunal ne peut faire abstraction du fait que cette tendinopathie est qualifiée de calcifiante.

 

[…]

 

[61]      Le Tribunal comprend que cette condition, d’étiologie incertaine, voire inconnue, se développe graduellement plutôt que spontanément. Dans son rapport, le docteur Nadeau suggère d’ailleurs qu’il s’agisse uniquement et exclusivement d’une condition d’ordre personnel de métaplasie (modification de tissu) et non de dégénérescence.

 

[62]      Dans sa décision rendue dans l’affaire CSSS Témiscouata et Lebel7, la Commission des lésions professionnelles, au moment de juger de l’application de la présomption de lésion professionnelle en présence d’un tel diagnostic, indique d’ailleurs ce qui suit :

 

[147]      Le tribunal estime que madame Lebel ne peut pas bénéficier de la présomption de l'article 28 de la loi parce que la preuve prépondérante démontre qu'une tendinite ou tendinopathie calcifiante ne constitue pas une blessure, mais plutôt une maladie personnelle à développement progressif dont l'origine demeure inconnue et qui est distincte d'une tendinite d'origine dégénérative.

 

[notre soulignement]

 

[63]      Tenant compte de la nature d’une telle affection, il s’avère difficile de l’associer à la notion de blessure et ainsi conclure à l’application de la présomption. Le diagnostic de tendinopathie calcifiante s’oppose à une lésion de nature traumatique, survenue à un moment précis dans le temps puisqu’une calcification ne peut survenir de façon soudaine. Il s’agit d’un processus qui se produit sur une longue période de temps8.

_______________

7           Précitée, note 3.

8           Cantin et Gestion Hunt groupe Synergie inc., 2013 QCCLP 3481; Arrondissement Plateau-Mont-Royal et Potvin, 2012 QCCLP 5367.

[48]        Avec respect, cela ne signifie cependant pas nécessairement qu’une lésion de cette nature n’est jamais reconnue à titre de lésion professionnelle. Ni même qu’elle exclut obligatoirement l’application de la présomption de lésion professionnelle énoncée à l’article 28, quoique cela semble nettement plus exceptionnel.

[49]        Ce peu de jurisprudence s’explique plus particulièrement par le fait que, même en présence de calcifications dont la présence, l’importance et le fait qu’il s’agisse d’une condition personnelle ont été soulignés (voir plaidés avec force par l’employeur), une lésion professionnelle est souvent reconnue, ou à tout le moins analysée en vertu de l’article 28, dans le contexte où, souvent, un simple diagnostic de bursite (ou de tendinite) a été posé par le médecin, sans autre précision[14], ou bien il est tout au plus précisé dans le libellé du diagnostic que la bursite ou la tendinite est « sur tendinopathie calcifiée »[15], ou qu’il s’agit d’une « tendinite/bursite calcifiée exacerbée »[16], par exemple.

[50]        Ainsi, dans l’affaire Maloney et Québec (ministère des Transports, direction Côte-Nord-807)[17], le Tribunal administratif, dans une décision fort motivée, estime que la présomption de l’article 28 s’applique, en présence d’un diagnostic de tendinite de la coiffe des rotateurs (et non de tendinite des rotateurs calcifiée, comme en l’instance), mais en dépit des mêmes allégations de l’employeur qu’en l’instance, appuyées sur une opinion médicale selon laquelle la présence et la résorption de calcifications importantes et démontrées expliquaient, plutôt qu’une blessure, la douleur apparue subitement le jour allégué de la survenance de la lésion professionnelle, comme c’était le cas en l’instance :

 [39]     Dans les circonstances, le soussigné est d’avis que le diagnostic qui a un effet liant en vertu des dispositions de l’article 224 de la loi est celui de tendinite de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite.

 

[40]      Cette précision quant au diagnostic à retenir étant apportée, est-il possible de conclure que la tendinite de la coiffe des rotateurs qui a affecté l’épaule droite du travailleur constitue une blessure permettant l’application de la présomption de lésion professionnelle qui se retrouve à l’article 28 de la loi ?

 

[41]      Encore une fois, dans la présente affaire, la CSST a considéré que le travailleur ne pouvait bénéficier des effets de la présomption prévue à l’article 28 de la loi puisqu’une tendinite ne constituerait pas une blessure.

 

[42]      Le Tribunal ne peut que manifester sa plus totale incompréhension en ce qui concerne cette position qui semble bien ancrée dans les habitudes de la CSST. En effet, la jurisprudence est constante et unanime depuis de nombreuses années pour affirmer qu’un diagnostic de tendinite est un diagnostic que l’on peut qualifier de mixte, c’est-à-dire qu’il peut s’agir d’une blessure tout comme il peut s’agir d’une maladie.

 

[43]      C’est d’ailleurs ce que rappelait la formation de trois juges administratifs de la Commission des lésions professionnelles qui a rendu une décision de principe sur l’application de la présomption de l’article 28 de la loi. À ce sujet, le tribunal écrivait ceci dans l’affaire Boies et C.S.S.S. Québec-Nord3:

 

[133]      S’ajoute à ces difficultés d’interprétation, le fait que certains diagnostics que l’on pourrait qualifier de mixtes56, peuvent être considérés soit comme une blessure soit comme une maladie, tels, entre autres, les diagnostics de tendinite57, d’épicondylite, de bursite, de hernie discale, de hernie inguinale, etc., selon les circonstances d’apparition décrites.

____________

56          Le tribunal constate que la jurisprudence utilise les termes « lésion hybride », alors que l’expression à privilégier serait plutôt « lésion mixte ».

57          Côté et Interballast inc., [2000] C.L.P. 1125, paragr. [16]; Cogerco et Racine, [2004] C.L.P. 1539.

 

[44]      Le présent tribunal est donc d’avis qu’il y a lieu d’examiner les circonstances d’apparition des symptômes de la lésion du travailleur afin de déterminer si la tendinite diagnostiquée constitue une blessure permettant l’application de la présomption. C’est d’ailleurs sur cet élément que la formation de trois juges administratifs insistait dans l’affaire Boies4:

 

[134]      À l’étape de l’application de la présomption, dans le cas de ces pathologies de nature de mixte, dont il sera question ultérieurement, il y a lieu d’insister sur le fait qu’un travailleur n’a pas à démontrer l’existence d’un événement traumatique aux fins de prouver qu’il a subi une blessure. Il n’a qu’à démontrer, par une preuve prépondérante, que sa blessure « de nature mixte » est apparue à un moment précis58 dans le temps plutôt que sur une période plus ou moins longue, de manière subite et non de façon progressive et insidieuse, comme ce que l’on retrouve habituellement dans le cas d’une maladie.

 

[…]

 

[156]      D’autre part, certains diagnostics identifient parfois des blessures que la jurisprudence qualifie de mixtes, pouvant être considérés à la fois comme des blessures ou comme des maladies. Ces diagnostics nécessitent alors une analyse plus détaillée du contexte factuel au cours duquel ils se sont manifestés, sans toutefois rechercher la preuve de la relation causale.

 

[157]      Dans les cas de ces diagnostics mixtes, l’emphase doit alors être mise sur les circonstances de leur apparition.

 

[…]

 

[159]      Les soussignés souscrivent en partie à l’analyse proposée par le tribunal dans cette dernière affaire sur les éléments à prendre en compte dans l’appréciation des circonstances d’apparition de la lésion de nature « mixte », soit :

 

-              la présence d’une douleur subite en opposition à une douleur qui s’installe graduellement;

 

-              une sollicitation de la région anatomique lésée.

 

[160]      Le tribunal est toutefois d’avis d’écarter le critère visant la recherche d’une posture contraignante de la région anatomique lésée et celui de l’adéquation entre le geste, l’effort ou la sollicitation anatomique et l’apparition de symptômes. En effet, cet exercice conduirait à la recherche de la cause ou de l’étiologie de la blessure diagnostiquée, ce que la présomption de l’article 28 de la loi évite précisément de faire. L’accent doit donc être mis sur les circonstances d’apparition de la lésion de nature « mixte ». [sic]

__________

58            Sur les lieux du travail alors qu’il était à son travail.

 

[45]      Qu’en est-il dans le présent dossier?

 

[46]      Le soussigné tient d’abord à préciser que le travailleur lui est apparu des plus crédibles dans le cadre du témoignage qu’il a livré [...]

 

[47]      Le Tribunal retient donc que les symptômes du travailleur sont apparus à un moment bien précis le 4 décembre 2014, soit lorsqu’il a fait un mouvement en extension complète de ses deux membres supérieurs afin de saisir un tuyau de métal qu’un de ses collègues, qui se situait dans une nacelle au-dessus de lui, voulait lui remettre. Il y a donc ici présence d’une douleur subite et non une douleur qui se serait installée de façon graduelle.

 

[48]      De plus, le Tribunal constate qu’au moment où il a ressenti une douleur intense à son épaule droite, ladite épaule se trouvait dans une position impliquant un mouvement complet ou quasi-complet en élévation antérieure et en abduction, mouvement qui est de nature à solliciter les tendons de la coiffe des rotateurs.

 

[49]      En considérant la présence d’une douleur subite à l’épaule droite alors que le travailleur effectuait un mouvement de nature à solliciter les tendons de la coiffe des rotateurs, le soussigné est d’avis qu’en toute probabilité, il est possible de qualifier la tendinite qui affecte ce dernier de blessure.

 

[50]      Cependant, le procureur de l’employeur allègue que, dans les circonstances particulières du présent dossier, il est impossible de qualifier la tendinite de blessure, et ce, en raison de la présence du dépôt calcaire qui a été révélé par la radiographie. Il considère en effet qu’il s’agit tout simplement de la condition personnelle préexistante qui affectait le travailleur qui est devenue symptomatique à ce moment. Il appuie son argumentaire avec l’opinion émise par le docteur Bois qui considère que les symptômes du travailleur sont uniquement dus à la résorption du dépôt calcaire à ce moment.

 

[51]      Le soussigné ne partage pas cet avis puisqu’il considère que la présence d’une condition personnelle préexistante n’empêche pas de qualifier une lésion de blessure si la preuve prépondérante démontre que cette condition était totalement asymptomatique avant l’événement allégué.

 

[52]      Le présent tribunal rejoint plutôt l’opinion émise dans l’affaire Michaud et Sûreté du Québec5 qui concernait également la présence d’une calcification à l’épaule dans le cadre d’un diagnostic de tendinite de la coiffe des rotateurs. Dans cette dernière affaire, le juge administratif Napert affirmait :

 

[44]        En l’espèce, le diagnostic émis de façon contemporaine à l’événement est celui de tendinite de l’épaule gauche. Toutefois, comme l’indiquent les médecins qui sont intervenus au dossier, le travailleur présentait déjà une calcification avant l’incident du 13 août 2013. C’est pourquoi, dans les circonstances, le tribunal estime qu’il y a lieu de retenir le diagnostic de tendinite sur tendinopathie calcifiée, aux fins de l’étude de l’admissibilité de la lésion

 

[…]        

 

[46]        Cette condition n’a toutefois pas pour effet de faire perdre au travailleur le bénéfice de l’application de la présomption. En effet, c’est ce qui se dégage de l’affaire Lalancette et Hydro-Québec7 :

 

[…] une condition personnelle préexistante n’empêche pas l’application de la présomption de lésion professionnelle, dans la mesure cependant où cette condition est asymptomatique le jour de l’événement accidentel allégué2….

_________

2              Référence omise.

__________

7              2010 QCCLP 8754.

 

[53]      Dans cette affaire, après avoir analysé les circonstances dans lesquelles les symptômes étaient apparus, la Commission des lésions professionnelles a conclu à l’applicabilité de la présomption de lésion professionnelle qui se retrouve à l’article 28 de la loi, et ce, malgré la présence d’une calcification.

 

[54]      La Commission des lésions professionnelles a aussi décidé d’appliquer cette présomption dans d’autres cas similaires où il y avait la présence d’une calcification au niveau des tendons de l’épaule6.

 

[55]      Ceci étant dit, le Tribunal ne retient pas cet argument qui a été soumis par le représentant de l’employeur et, dans les circonstances, considère que la tendinite de la coiffe des rotateurs qui affecte l’épaule droite du travailleur constitue une blessure.

 

[56]      Afin de déterminer si le travailleur peut bénéficier des effets de la présomption de lésion professionnelle qui se retrouve à l’article 28 de la loi, il convient maintenant d’analyser la preuve afin de décider si la tendinite qui affecte ce dernier est survenue sur les lieux du travail et alors qu’il était à son travail.

 

[…]

 

[51]        En outre, notamment dans l’affaire Produits Forestiers Universelles Canada inc. et Chapron[18] une tendinopathie calcifiante est directement reconnue à titre de lésion professionnelle, quoiqu’en vertu de l’article 2, soit par le fait d’un accident du travail. Le Tribunal exclut alors l’application de l’article 28 du fait que le diagnostic ne constitue pas, selon lui, une blessure, mais écrit ensuite ce qui suit :

[52]      Considérant les symptômes du travailleur, les différentes investigations, l’avis des différents médecins qui ont examiné le travailleur et les constats faits lors de la chirurgie du 3 février 2016, le Tribunal est d’avis que le diagnostic à retenir est une tendinopathie calcifiante du sous-épineux de l’épaule droite, de bursite sous-acromiale droite et de synovite acromio-claviculaire droite.

 

[53]      Le travailleur ne peut bénéficier de la présomption de l’article 28 de la loi puisque le diagnostic retenu par le Tribunal ne constitue pas une blessure.

 

[…]

 

[56]      Le docteur Daoud, membre du Bureau d'évaluation médicale, a retenu que le travailleur, le 3 juillet 2014, a fait un effort important de l’épaule droite en essayant de déplacer une feuille de contreplaqué vers un mur. Le tribunal estime que ce mouvement peut être considéré comme un événement imprévu et soudain.

 

[57]      Le diagnostic de tendinopathie calcifiante est généralement considéré comme une condition dégénérative. Le Tribunal est cependant d’avis que l’événement imprévu et soudain du 3 juillet 2014 a rendu symptomatique cette condition dégénérative et a aussi causé une bursite sous-acromiale droite et une synovite acromio-claviculaire droite.

 

[nos soulignements]

 

 

[52]        Finalement, le Tribunal souligne que dans l’affaire Guimond et Commission scolaire de la Région-de-Sherbrooke[19], le Tribunal s’exprime comme suit sur cette question de tendinite survenue en présence de calcifications, la soussignée partageant ses propos selon lesquels le recours à la présomption de l’article 28 n’est de toute façon pas nécessaire en présence d’un accident du travail :

[30]      Somme toute, les symptômes étant apparus lors de l’événement du 25 septembre 2015 pour persister par la suite, le Tribunal est d’avis que la travailleuse a subi un « accident du travail » lors de l’épisode en cause. S’il existait à ce moment une problématique de calcification, cela ne fait pas obstacle au droit à l’indemnisation, car, dans ce scénario, le concept relatif à l’aggravation d’une condition préexistante2 serait applicable.

 

[31]      Étant donné que la travailleuse a su démontrer qu’un « événement imprévu et soudain » est survenu au travail le 25 septembre 2015 et qu’il existe un le lien de causalité entre celui-ci et le diagnostic de tendinopathie de l’épaule gauche, il devient superflu d’examiner si la présomption de l’article 28 de la loi s’applique en l’espèce.

_________________

2           Roy et Les Services ménagers Roy ltée, C.L.P. 259044-61-0504, 29 juillet 2005, L. Nadeau.

 

[nos soulignements]

 

 

[53]        Le Tribunal retient de ce survol de la jurisprudence qu’une tendinite (ou une bursite) a été reconnue à de nombreuses reprises, notamment en vertu de l’article 28 de la loi, et ce, même en présence de calcifications dénoncées par un employeur qui s’appuyait sur une opinion médicale semblable à celles produites en l’instance.

[54]        Le fait que le diagnostic posé en l’instance comporte le qualificatif « calcifiée » est-il suffisant pour écarter totalement cette jurisprudence et conclure que la première juge administrative a commis une erreur grave, manifeste et déterminante en appliquant la présomption en l’instance?

[55]        Avec respect, et malgré ses réserves quant à l’application de la présomption de lésion professionnelle dans un tel contexte, par opposition à la simple manifestation au travail d’une condition personnelle, le Tribunal rappelle qu’il ne doit pas substituer sa propre appréciation de la preuve et du droit à celle, défendable, retenue dans la décision dont il est saisi d’un recours en révision.

[56]        Le Tribunal doit en outre tracer un parallèle avec la jurisprudence en matière de financement, dans l’interprétation de la même loi, laquelle doit être cohérente dans l’ensemble : il est en effet maintenant établi qu’un employeur peut obtenir un partage de coût en vertu de l’article 329 de la loi[20] s’il démontre que la lésion professionnelle reconnue représente en fait une aggravation de ladite lésion constituant une condition personnelle préexistante, même si cela n’est pas précisé dans le libellé du diagnostic. Il est le plus souvent question de hernie discale, mais également de luxation récidivante, de déchirure méniscale et même de tendinite calcifiée[21].

[57]        Il s’avère ainsi que le fait qu’un diagnostic soit reconnu à titre de lésion professionnelle n’exclut pas nécessairement, tout dépendant de la preuve propre à l’affaire, que ce diagnostic ait en fait été présent auparavant et n’ait été qu’aggravé lors de l’accident du travail, sans que cela n’ait pourtant été précisé dans le libellé du diagnostic de la lésion professionnelle (par une formulation telle que « hernie discale aggravée » par exemple).

[58]        Ainsi, un diagnostic de « hernie discale » ou de « hernie discale aggravée » ne sera pas traité différemment dans le cadre d’une demande de partage de coûts, le Tribunal ne se limitant pas par le libellé du diagnostic, mais s’attardant plutôt à la preuve au dossier.

[59]        En outre, a évidemment déjà été reconnue à titre de déficience une tendinopathie calcifiante du sous-épineux en présence d’un diagnostic de tendinite reconnu à titre de lésion professionnelle[22], l’employeur obtenant même parfois de n’assumer que 2 % du coût des prestations en pareilles circonstances[23].

[60]        Dans l’affaire ALB Industries ltée[24], C.L.P. 386555-71-0908, la Commission des lésions professionnelles est saisie d’une demande de partage de coûts en vertu de l’article 329, en présence d’un diagnostic de tendinite, sans autre précision, à titre de lésion professionnelle. La présence d’une calcification antérieure était démontrée. Or, elle la traite exactement comme si le diagnostic de la lésion professionnelle avait été celui de tendinite « calcifiée », comme l’avait également fait la CSST, sans distinguer l’analyse selon que le qualificatif « calcifiée » ait été apposé ou non au diagnostic de tendinite, considérant alors que ce qualificatif fait implicitement partie du diagnostic de tendinite du fait de la présence d’une calcification.

[61]        Le Tribunal retient de l’ensemble de ce qui précède que le Tribunal, comme la Commission des lésions professionnelles qui l’a précédée, s’attarde généralement plus à la preuve des circonstances propres à chaque dossier dont il est saisi qu’à des questions de libellé de diagnostic pouvant ultimement être qualifiées de sémantiques.

[62]        Il semble ainsi que, notamment, l’apposition du qualificatif « calcifiée » au diagnostic de tendinite ou de bursite peut être considéré variable ou facultatif, selon le médecin, même en présence de situations similaires impliquant plus particulièrement la présence de calcifications, et que, dans ce contexte, le Tribunal, comme la Commission des lésions professionnelles avant lui, ne tire pas nécessairement de conclusions immuables et formelles du fait de sa présence ou de son absence dans le libellé du diagnostic, préférant analyser la preuve propre au dossier avant de tirer ses conclusions.

[63]        Dans ce contexte, et pour l’ensemble de ces motifs, le Tribunal ne peut conclure que la première juge administrative commet une erreur grave et manifeste du fait qu’elle traite indistinctement le diagnostic de bursite calcifiée et celui de bursite dans son analyse, d’autant que la présence des calcifications n’est pas ignorée.

[64]        En outre, même si le Tribunal avait conclu à une telle erreur, il n’aurait pu conclure que celle-ci était déterminante sur l’issue du litige en l’instance. En effet, la première juge administrative déclare formellement qu’elle est d’avis que la travailleuse a démontré la survenance d’un événement imprévu et soudain, ce qui permet la reconnaissance d’une lésion professionnelle en vertu de l’article 2, et ce, indépendamment et sans besoin de recours à la présomption énoncée à l’article 28 :

 [116]   L’employeur n’a pas fourni de preuve permettant le renversement de cette présomption; il argue seulement que la travailleuse n’est pas crédible, ce que le tribunal ne retient pas, et qu’elle souffre d’une condition personnelle.

 

[117]    Quant à ce dernier argument, si tant est que cela soit vrai, il n’y a pas lieu de refuser à la travailleuse sa réclamation pour ce motif. La présence d’une condition personnelle ne fait pas obstacle à la reconnaissance d’une lésion professionnelle, lorsqu’un accident du travail survient, ce que la travailleuse a aussi démontré de façon prépondérante, à notre avis.

 

[…]

 

[121]    En conclusion, la preuve prépondérante établit que, le 7 mai 2013, est survenu un événement accidentel précis, constitué d’une part de l’effort non coordonné avec une collègue et d’autre part d’un mouvement de torsion du membre supérieur droit effectué pour retenir la tête de la résidente qui allait pendre hors du lit.

 

[122]    Par conséquent, que ce soit en vertu de l’article 28 ou de l’article 2 de la loi, ou à titre d’aggravation d’une condition personnelle lors d’une sollicitation bien précise et accidentelle de l’épaule droite, le tribunal conclut que la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 7 mai 2013, soit une bursite calcifiée.

 

[nos soulignements]

 

[65]        La procureure de l’employeur allègue également des erreurs de la première juge administrative dans son appréciation des rapports d’expertise médicale de ses trois médecins experts et une absence de motivation de leur rejet, dans le fait qu’elle ait retenu l’opinion du médecin expert de la travailleuse alors qu’il retenait un diagnostic différent de celui par lequel elle était liée, dans sa référence à un médecin absent au dossier, dans le fait qu’elle s’appuie sur l’avis des membres du Bureau d’évaluation médicale pour conclure à la relation entre le diagnostic de bursite calcifiée et l’événement allégué du 7 mai 2013 alors qu’ils n’étaient pas saisis de cette question et ne se sont pas prononcés sur celle-ci et, finalement dans le fait qu’elle ne motive pas son rejet de son argumentation quant au caractère improbable d’une aggravation d’une condition personnelle au travail.

[66]        L’ensemble de l’analyse et des conclusions de la première juge administrative, plus particulièrement eu égard à la preuve médicale, s’avère en fait littéralement remis en question.

[67]        Le Tribunal réitère d’emblée qu’il revenait au premier juge administratif d’apprécier la preuve et, notamment, la preuve médicale.

[68]        Il est en effet bien établi qu’un Tribunal n’est pas lié par l’opinion d’un expert, même non contredite, opinion dont il lui revient d’apprécier la valeur probante au même titre que tout autre élément de preuve[25] :

[41]   Comme on le sait, un tribunal n'est jamais tenu de retenir l'opinion d'un expert, fût-elle non contredite. Dans l'arrêt Roberge3, la juge L'Heureux-Dubé ne laisse pas de doute à cet égard :

 

Le juge, cependant, reste l'arbitre final et n'est pas lié par le témoignage des experts4

____________________

[3] Roberge c. Bolduc, [1991] 1 R.C.S. 374

[4] id., 430.[26]

 

 

[69]        Évidemment, comme c’est d’ailleurs le cas pour tout élément de preuve important, une telle preuve ne doit cependant pas être écartée de façon capricieuse, arbitraire ou sans motifs[27].

[70]         L’appréciation de la valeur probante d’une opinion d’expert à l’intérieur de son champ d’expertise et, le cas échéant, le fait de ne pas ou peu lui en accorder, doit être faite, et elle se fait par l’évaluation des qualités intrinsèques de cette opinion et de sa motivation, ainsi que dans le contexte de l’ensemble de la preuve factuelle et médicale[28].

[71]        La Commission des lésions professionnelles, dans l’affaire Lussier Pontiac Buick GMC ltée[29], dresse ainsi le portrait de la jurisprudence en matière d’appréciation de preuve d’expert :

[37]      La valeur probante d’une opinion médicale dépend de sa motivation et des explications qui la sous-tendent, ce qui peut parfois requérir qu’elle soit soutenue par de la littérature médicale16 certes, mais pas toujours ni de façon indispensable.

 

[38]      La jurisprudence du tribunal a élaboré bien d’autres critères utiles à l’appréciation de la force probante d’une opinion d’expert, tels : « l'impartialité de l'expert, l’ampleur et le sérieux de ses recherches »17, « ses connaissances sur le sujet et la clarté de ses explications »18, « son indépendance et son autonomie professionnelle »19, « son objectivité »20, « la qualité de son travail »21, « la conformité de l’opinion aux faits prouvés »22 (sa « réalité factuelle »23), « le fait qu’à certains égards, son opinion soit corroborée par celle d’autres experts »24, sa « rigueur scientifique »25, l’exactitude de l’histoire médicale du patient ayant servie de base au raisonnement et à l’opinion de l’expert26, la connaissance par l’expert du contexte juridique dans lequel son opinion s’inscrit27 et son respect des exigences de l’ordre professionnel auquel il appartient28.

____________________

16                   Lavoie et Rayonese Textile inc., C.L.P. 152562-63-0012, 14 mars 2002, C.-A. Ducharme (décision sur requête en révision); Les silos Port-Cartier et Dignard, [2003] C.L.P. 139.

17          Di Francesco et Pratt & Whitney inc., [1998] C.L.P. 994.

18          Beaulieu Canada (Tapis Perless) et Montcalm, C.L.P. 87291-04B-9704, 28 mars 2001, L. Collin.

            19          Unimin Canada ltée et Labelle, [2003] C.L.P. 678, révision accueillie sur un autre point, [2004] C.L.P. 910.

20          Marlin Chevrolet Oldsmobile inc. et Pouliot, [2004] C.L.P. 1414.

            21          Bérubé et DJ Express, [2004] C.L.P. 548.

22          Fortugno et Laliberté Associés inc., [2004] C.L.P. 792.

23                   Rousseau et Demathieu & Bard-Cegerco senc., [2008] C.L.P. 1316, révision rejetée, 15 mars 2010, L. Boucher.

            24          Côté et Commission scolaire des Bois-Francs, C.L.P. 242569-04B-0409, 14 avril 2005, D. Lajoie.

25          Canada Maltage cie ltée et Fortin, [2008] C.L.P. 101.

26          Campione et 2989751 Canada inc., C.L.P. 185351-72-0205, 22 décembre 2004, F. Juteau, (04LP-231).

27          Durand et Les Forestiers Saint-Michel inc., C.L.P. 199716-63-0302, 3 mars 2005, J.-P. Arsenault, (04LP-282).

28          Béliveau et FRE Composites (2005) inc (Faillite)., C.L.P. 314090-64-0703, 29 juillet 2009, R. Daniel, (09LP-71) ; Bergeron et Entourage Solutions Techno inc., C.L.P 222091-04-0312, 9 août 2004, J.- F. Clément.

 

[72]        Le Tribunal rappelle par ailleurs que la valeur probante n’est pas nécessairement proportionnelle au nombre d’avis exprimés en un sens :

[86]   La Commission des lésions professionnelles tient à rappeler que la règle de la prépondérance de la preuve ne s’apprécie pas en terme du nombre le plus élevé d’opinions concluant dans un sens. Le rôle du tribunal est d’analyser la valeur probante des opinions qui lui sont soumises en examinant les motivations et les fondements à leur origine.[30]

 

[73]        En l’instance, la première juge administrative a apprécié l’ensemble de la preuve, tant factuelle que médicale, elle l’a analysée et en a conclu que celle-ci était prépondérante quant au fait qu’une lésion professionnelle était bien survenue le 7 mai 2013.

[74]        En l’instance, la première juge administrative a apprécié l’ensemble de la preuve, tant factuelle que médicale, elle l’a analysée et en a conclu que celle-ci était prépondérante quant au fait qu’une lésion professionnelle était bien survenue le 7 mai 2013.

[75]        La procureure de l’employeur souligne certes des arguments intéressants au soutien des conclusions qu’elle considère comme plus appropriées eu égard à la preuve. On peut être en désaccord avec la conclusion à laquelle en vient la première juge administrative, mais là n’est pas la question en l’instance. Le Tribunal ne siège pas comme un tribunal de première instance, mais bien en révision, ce qui doit complètement modifier son regard et son analyse.

[76]        Comme mentionné précédemment, il ne suffit pas, dans le cadre d’un recours en révision, qu’une partie démontre le caractère raisonnable, voire plus raisonnable, de ses arguments et des conclusions qu’il recherchait : elle doit plutôt démontrer un vice de fond affectant la décision rendue, ce qui implique la présence d’une erreur grave, manifeste et déterminante.

[77]        Il s’agit d’un fardeau très lourd, motivé notamment par les objectifs poursuivis plus particulièrement par la justice administrative : accessibilité et célérité.

[78]        Or, en l’instance, l’employeur ne s’est pas déchargé d’un tel fardeau de preuve.

[79]        L’analyse de la première juge administrative est intelligible et rationnelle et le résultat se défend eu égard à la preuve, constituant l’une des issues possibles au litige. Encore une fois, le fait qu’un autre juge administratif aurait pu en venir à une conclusion différente, voire qu’il en serait probablement venu à une conclusion différente, est sans pertinence.

[80]        Le recours en révision n’est en outre pas une occasion de décortiquer et d’analyser en silo chaque phrase, voire passage d’une décision : une décision doit être lue dans son ensemble et, comme l’a par ailleurs souligné récemment la Cour supérieure dans l’affaire Bourget précitée[31], il peut même alors être opportun d’examiner la preuve au dossier pour compléter les motifs, outre le fait qu’il faille tenir compte des motifs implicites, ou qui auraient pu être donnés pour comprendre le fondement de la décision et déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables.

[81]        Or, la lecture de l’ensemble de la décision de la première juge administrative permet d’abord de comprendre qu’elle croit la travailleuse, notamment quant au fait qu’elle n’a jamais éprouvé de douleur à l’épaule avant le 7 mai 2013, mais également quant au fait qu’il s’est produit quelque chose de particulier au travail ce jour-là qui peut être assimilé à un événement imprévu et soudain.

[82]        On peut être en désaccord avec cette appréciation de la crédibilité de la travailleuse eu égard aux éléments troublants soulignés par la procureure de l’employeur. Mais, encore une fois, là n’est pas la question. Il n’appartient pas au tribunal siégeant en révision de substituer son appréciation de la preuve, surtout pas quant à l’appréciation de la crédibilité d’un témoin, à celle du premier juge administratif. Ce dernier est celui qui a eu l’occasion de voir et d’entendre les parties et son appréciation, particulièrement de la crédibilité des témoins, doit prévaloir en l’absence de démonstration d’une faute grave, manifeste et déterminante dans celle-ci.

[83]        La lecture de la décision démontre également que la première juge administrative accorde peu, ou moins de force probante à l’opinion des experts dont les services ont été retenus par l’employeur, pour différentes raisons pouvant être résumées comme étant des prémisses différentes de celles qu’elle retient et des lacunes dans la motivation.

[84]        Comme précisé précédemment, le Tribunal n’est pas lié par une preuve d’expert et peut même, après analyse, rejeter une telle preuve même si elle n’est pas contredite par une autre preuve d’expert.

[85]        Or, en l’occurrence, la preuve médicale soumise par l’employeur n’était pas la seule au dossier : la première juge administrative rapporte et analyse également les avis émis par trois membres du Bureau d’évaluation médicale ainsi qu’un rapport d’expertise médicale d’un médecin expert retenu par la travailleuse. La première juge administrative, siégeant au sein d’un tribunal administratif spécialisé et constamment appelée à apprécier de la preuve médicale, souligne en outre avoir au surcroît bénéficié de la présence d’un assesseur médical aux fins de l’audience et de la prise de décision.

[86]        Or, la première juge administrative conclut que la preuve soumise par la travailleuse, tant factuelle que médicale, est prépondérante. Ses motifs sont peut-être parfois un peu succincts et imparfaits aux yeux de la procureure, mais ils sont présents, rationnels et compréhensibles.

[87]        Le Tribunal ne saurait conclure à la présence d’un vice de fond de nature à invalider la décision sur la base des arguments précités dans ce contexte.

[88]        En ce qui concerne plus particulièrement les conclusions du docteur Giasson, la première juge administrative estime que son examen a été « très sommaire » et limité (parag. 61), que son importante prémisse selon laquelle la travailleuse présentait des symptômes douloureux à son épaule avant le 7 mai 2013 n’est pas retenue parce que pas probante (parag. 62), que son opinion selon laquelle la condition présentée par la travailleuse serait « strictement personnelle » est insuffisamment motivée pour être probante, surtout dans le contexte où elle a quant à elle, avec son assesseur médical, observé la travailleuse mimer l’événement et que le médecin expert de la travailleuse, rapportant le même événement, a conclu qu’il pouvait en avoir résulté une bursite (parag. 64 et 101) et, finalement, que les membres du Bureau d’évaluation médicale n’ont aucunement questionné la relation entre un diagnostic de bursite calcifiée et l’événement décrit par la travailleuse, les deux premiers membres ayant même retenu ce diagnostic pour la lésion professionnelle.

[89]        Quant aux notes médico-administratives du docteur Giasson qui auraient été ignorées par la première juge administrative, le Tribunal constate que celui-ci se limitait essentiellement à y affirmer que « madame ne réfère à aucun événement particulier si ce n’est que de l’apparition d’un phénomène douloureux dans l’exercice de ses fonctions », puis « Jusqu’à preuve du contraire, madame est devenue symptomatique d’une tendinopathie calcifiante. Le fait de devenir symptomatique d’une condition personnelle dans l’exercice de ses fonctions n’établit pas en soi la relation causale ».

[90]        Or, bien que ne référant pas spécifiquement à ces notes, la première juge administrative répond indubitablement aux arguments qui y sont mentionnés. Elle déclare en effet plus d’une fois retenir de la preuve qu’un événement particulier s’est produit le 7 mai 2013.

[91]        La première juge administrative évoque ainsi notamment retenir de la preuve qu’ « un manque de synchronisme avec sa collègue de travail en tirant sur le piqué sous la bénéficiaire fait en sorte que seule la travailleuse force au maximum de sa capacité », qu’ « en plus, comme la bénéficiaire était entraînée du seul côté de la travailleuse […] sa tête s’approchait dangereusement du bord et la travailleuse s’est précipitée pour la retenir en faisant un mouvement de torsion de son membre supérieur droit », que « la bursite calcifiée est apparue à la suite d’un effort non coordonné avec une collègue », que « le 7 mai 2013, est survenu un événement accidentel précis, constitué d’une part de l’effort non coordonné avec une collègue et d’autre part d’un mouvement de torsion du membre supérieur droit effectué pour retenir la tête de la résidente qui allait pendre hors du lit » et qu’il y a eu « sollicitation bien précise et accidentelle de l’épaule droite ».

[92]        Quant au docteur Goulet, la procureure de l’employeur allègue que le seul motif allégué de rejet de son opinion serait qu’il croyait erronément la travailleuse symptomatique avant le 7 mai 2013, alors que son opinion serait autrement motivée.

[93]        Or, la lecture des extraits suivants de la décision rendue par la première juge administrative permet de constater l’importance des différences dans les prémisses retenues par le docteur Goulet et celles retenues par celle-ci, outre les autres éléments justifiant la moindre valeur probante accordée à son opinion :

[78]      Le 26 novembre 2013, la travailleuse est examinée, toujours à la demande de l’employeur, par le docteur Marc Goulet, chirurgien orthopédiste, sur les cinq points de l’article 212 de la loi. Dans son historique, le docteur Goulet ne rapporte aucun fait accidentel, seulement que les douleurs sont apparues progressivement, antérieurement au 7 mai 2013; de toute évidence, il semble reprendre la mention du docteur Giasson à cet égard.

 

[79]      Étant donné que le tribunal retient plutôt la version de la travailleuse, selon laquelle elle n’a jamais subi auparavant de douleurs à cette épaule, la conclusion du docteur Goulet que les diagnostics de bursite et tendinites calcifiées constituent des conditions strictement personnelles n’est pas retenue.

 

[…]

 

[86]      Dans son avis du 14 avril 2014, le docteur Greenfield note que la docteure Desloges du Bureau d’évaluation médicale s’est déjà prononcée sur le diagnostic, soit une bursite calcifiée, diagnostic qu’il maintient. Quant aux soins, il se range à l’opinion du docteur Charbonneau et il opine que, malgré une certaine amélioration, la lésion n’est pas encore consolidée. Bref, le docteur Greenfield ne retient aucune des conclusions de l’expert de l’employeur, le docteur Goulet.

 

[nos soulignements]

 

 

[94]        Le fait que le docteur Goulet considère, aux fins de son opinion, que la travailleuse était ou avait été symptomatique à son épaule avant le 7 mai 2013, que les douleurs étaient apparues progressivement et qu’aucun événement particulier n’était survenu à cette date constituait des prémisses extrêmement importantes dans le contexte où de telles prémisses justifiaient effectivement, voire motivaient essentiellement les conclusions auxquelles il en venait. Il s’agissait également d’éléments centraux pour la détermination de la survenance d’une blessure au travail et de la survenance d’un accident du travail. Ne retenant pas ces prémisses, il était plus que raisonnable que la première juge administrative considère que les conclusions du docteur Goulet n’avaient que peu, voire pas de force probante en leur absence.

[95]        La procureure de l’employeur allègue également que la première juge administrative rejette erronément et sans motivation les conclusions du docteur Comeau, en imposant en outre un fardeau de preuve indu à l’employeur puisque son seul reproche à l’endroit du rapport du docteur Comeau serait qu’il n’explique pas comment la travailleuse a pu rendre sa condition symptomatique.

[96]        La première juge administrative s’exprime plus particulièrement comme suit sur son appréciation de l’opinion du docteur Comeau, motivant assez longuement le fait qu’elle ne la retienne pas comme étant probante :

  [92]    Finalement, le 12 décembre 2014, la travailleuse est évaluée par le docteur Yvan Comeau, chirurgien orthopédiste, à la demande de l’employeur. Son examen révèle des mouvements de l’épaule droite normaux, mais seulement en passif, ce qui le surprend compte tenu de l’absence d’atrophie à cette épaule; il soupçonne des gains secondaires. Pourtant la docteure Desloges avait obtenu, elle aussi, des mouvements normaux en passif seulement, sans en faire grand état et encore moins en tirer une telle conclusion.

 

[93]      Dans son rapport signé le 19 décembre 2014, le docteur Comeau conclut ceci :

 

En conclusion, à la suite de mon évaluation aujourd’hui, en l’absence de tout signe franc, clair et évident d’accrochage résiduel à la suite de cette intervention chirurgicale du docteur Grondin, je considère madame Geneste consolidée sans atteinte permanente et sans limitations fonctionnelles en relation avec une condition personnelle de tendinite calcifiée de l’épaule droite.

 

[94]      Dans ce même rapport, ce médecin rapporte, lui aussi, que la travailleuse aurait déjà vécu, auparavant, un incident similaire à celui du 7 mai 2013, une déclaration que la travailleuse nie toujours sans pouvoir en expliquer l’origine. Un peu plus loin dans son rapport, le docteur Comeau rapporte que la travailleuse nie toute douleur à l’épaule droite avant le 7 mai 2013, sans relever cette apparente contradiction.

 

[95]      Selon le docteur Comeau, la gestuelle décrite par la travailleuse ne peut expliquer le diagnostic de bursite calcifiée. Cependant, il croit que les symptômes de la travailleuse sont imputables à une tendinite calcifiée, condition qu’il considère strictement personnelle. Il écrit aussi qu’il accepte le diagnostic de bursite calcifiée émis par le Bureau d’évaluation médicale.

 

[96]      Par ailleurs, le docteur Comeau ne semble pas d’accord avec la chirurgie. À son avis, la travailleuse n’aurait pas dû être opérée, l’acromioplastie n’étant pas le traitement de choix pour un syndrome d’accrochage, dans un contexte où aucune vérification ne semble avoir été faite par aucun médecin que les calcifications existaient toujours après le dernier lavage calcique subi en novembre 2013. Il s’en exprime ainsi :

 

Ce qui me fait penser que cette tendinite calcifiante comme telle n’a pas été résolue, c’est que le docteur Grondin parle d’une coiffe des rotateurs très inflammée en intra-articulaire lors de son arthroscopie. C’est un signe de tendinite calcifiante puisque celle-ci est très irritante et provoque une réaction inflammatoire qui peut être intense.

 

À savoir si la chirurgie a été efficace ou pas, c’est bien difficile à déterminer compte tenu du comportement de cette dame. Malgré certains signes d’amplification, je ne serais pas surpris qu’elle soit encore symptomatique. Mais je ne crois pas que ce soit au point d’entraîner une gêne fonctionnelle vraiment significative.

 

[97]      Cependant, le tribunal note que le 24 avril 2014, la travailleuse indiquait à l’agente de la CSST qu’elle n’arrivait pas à adopter une position confortable la nuit et que tous les mouvements au-dessus de l’épaule et ceux avec charge, étaient douloureux. En décembre 2014, trois mois après son opération et toujours en convalescence, elle rapporte au docteur Comeau qu’elle a encore de la difficulté à faire ses tâches et à se coiffer. Or, elle semble s’être améliorée depuis, car, à l’audience, elle déclare que tous les traitements, soit la physiothérapie, l’ergothérapie et les infiltrations, l’ont certes aidée, mais que l’opération subie en septembre 2014 a eu comme conséquence de la faire mieux dormir, en plus de lui permettre d’élever son bras; ainsi, elle peut maintenant se coiffer et faire ses tâches domestiques plus facilement, malgré quelques douleurs. Le tribunal en retient que l’acromioplastie lui a été bénéfique, comme la travailleuse l’affirme, et ce, malgré l’opinion mitigée du docteur Comeau.

 

[98]      Par contre, ce médecin ajoute qu’il « est fort probable que les symptômes allégués par la travailleuse, du moins au début, étaient imputables à cette tendinite calcifiée. Mais actuellement, je doute fort de la persistance de douleurs significatives à cette épaule ». Pourtant, il écrit aussi « qu’il ne serait pas surpris qu’elle soit encore [la tendinite calcifiante] symptomatique ». Ces propos, sans autre explication, nous paraissent quelque peu contradictoires et, surtout, peu éclairants, tout comme ceux qu’il tient sur le diagnostic.

 

[99]      Bref, le tribunal comprend de l’opinion du docteur Comeau qu’il ne croit pas que la travailleuse ait pu causer ou aggraver, par son geste du 7 mai 2013, une condition personnelle préexistante de tendinite calcifiée, condition dont elle souffrait auparavant selon lui et dont elle continuera de souffrir, malgré l’opération.

 

[100]    Or, le docteur Comeau omet d’expliquer comment la travailleuse a pu rendre cette condition symptomatique, alors qu’elle a travaillé sans difficulté avant l’événement du 7 mai 2013. Il affirme simplement que la travailleuse « ne peut pas avoir accroché sa bursite calcifiée contre l’arc coraco-acromial » lors de l’effort effectué le 7 mai 2013, niant toute aggravation d’une pathologie préexistante.

 

[101]    Or, le tribunal, assisté d’un assesseur médical, a bien visualisé le geste mimé par la travailleuse; ce geste correspond à celui décrit par le docteur Renaud dans son expertise, alors que ce dernier explique comment une bursite peut s’être installée à la suite d’un tel geste. De plus, à l’instar du tribunal, le docteur Renaud ne retient pas que la travailleuse ait pu être symptomatique avant cet incident, comme le fait le docteur Comeau.

 

[102]    Par conséquent, le tribunal ne retient pas les explications du docteur Comeau, difficiles à comprendre, ni ses conclusions vu les prémisses erronées sur lesquelles elles sont basées.

 

 

[97]        Le Tribunal ne peut d’aucune façon conclure à une absence de motivation du rejet des conclusions du docteur Goulet à la lecture, notamment, des motifs qui précèdent. La première juge administrative analyse le rapport de ce dernier et questionne son impartialité, relève des contradictions et précise ne pas retenir, encore une fois, l’importante prémisse selon laquelle l’épaule de la travailleuse aurait été symptomatique avant le 7 mai 2013.

[98]        La première juge administrative souligne également, dans le cadre de son analyse, la moindre valeur probante de l’opinion du docteur Goulet dans le contexte où elle retient que la travailleuse a effectué son travail sans problème jusqu’au 7 mai 2013 pour alors ressentir une douleur importante à un moment précis et lors d’un événement précis impliquant son épaule, et ensuite éprouver des problèmes dans l’exécution de son travail, jusqu’à ne plus être capable, assez rapidement de l’exercer.

[99]        Le Tribunal estime que le fait que le docteur Comeau n’offre pas d’autre explication valable à cette trame factuelle que la survenance d’un événement et d’une blessure dans l’exécution du travail ne constitue qu’un motif supplémentaire justifiant la moindre valeur probante accordée à son opinion et non l’imposition à l’employeur d’un fardeau de preuve indu.

[100]     La procureure de l’employeur allègue également que le seul motif allégué par la première juge administrative au soutien de sa conclusion quant à une relation entre l’événement retenu et le diagnostic de bursite calcifiée consiste en une référence aux avis des membres du Bureau d’évaluation médicale qui n’étaient pas saisis de cette question et ne l’ont pas abordée.

[101]     Avec respect, le Tribunal estime cependant que l’ensemble des extraits précités de la décision rendue par la première juge administrative démontre bien les motifs pour lesquels elle conclut qu’il y a une relation probable entre l’événement survenu au travail le 7 mai 2013 et la survenance ou l’aggravation d’une tendinite calcifiée.

[102]     Il est établi de longue date, et n’est pas remis en question en l’instance, que la question de la relation entre un événement et une lésion n’est pas une question médicale, mais bien juridique. L’ensemble de la preuve, notamment médicale, mais également factuelle, doit être pris en compte par le tribunal pour répondre à cette question.

[103]     Or, la première juge administrative évoque précisément la trame factuelle qu’elle retient et son appréciation de la preuve, outre celle de son assesseur médical, en sus des opinions, explicites ou implicites, de nombre de médecins selon laquelle la travailleuse aurait subi ou aggravé une bursite calcifiée lors de l’événement survenu le 7 mai 2013, pour justifier sa conclusion.

[104]     En outre, le Tribunal constate que bien que les membres du Bureau d’évaluation médicale ne soient jamais saisis de la question de la relation, ils émettent régulièrement leur avis sur cette question, parfois explicitement, parfois implicitement, plus particulièrement lorsqu’il leur est demandé de déterminé le diagnostic de la lésion professionnelle, comme cela était le cas en l’instance pour les docteurs Desloges et Greenfield (même si c’est erronément que cela a été demandé à ce dernier).

[105]     Ainsi, il est fréquent qu’un membre du Bureau d’évaluation médicale constate la présence, dans la zone anatomique visée par la lésion professionnelle alléguée, de plus d’une pathologie, et qu’il n’en retienne qu’une, par exemple, en expliquant que les autres sont des conditions personnelles et ne peuvent de ce fait être retenues à titre de diagnostics de la lésion professionnelle.

[106]     En l’occurrence, plusieurs diagnostics avaient été posés, plus particulièrement par le médecin de la travailleuse, puis par son médecin expert, le docteur Renaud. Les membres du Bureau d’évaluation médicale en étaient informés. Certains peuvent ne pas avoir été retenus parce que le diagnostic de bursite calcifiée leur apparaissait plus justifié que, par exemple, celui d’entorse, de tendinite ou de tendinopathie. Mais un diagnostic de déchirure du labrum avait également été posé et retenu par le médecin de la travailleuse comme étant une lésion professionnelle et la présence de cette déchirure avait indubitablement été confirmée, notamment lors d’une intervention chirurgicale. Or, ce diagnostic n’est pas retenu, par les deux membres du Bureau d’évaluation médicale questionnés, comme diagnostic de la lésion professionnelle. Malgré l’absence de motivation particulière à ce sujet, le caractère personnel plutôt que professionnel de ce diagnostic constitue la raison la plus plausible, voire l’unique raison potentielle de son écart.

[107]     Dans le contexte précité, le Tribunal ne voit pas d’erreur grave, manifeste et déterminante dans le fait que la première juge administrative réfère notamment, mais non exclusivement, aux avis des membres du Bureau d’évaluation médical au soutien de sa conclusion quant à la relation entre l’événement survenu le 7 mai 2013 et le diagnostic de bursite calcifiée.

[108]     Il est également allégué à titre d’erreur le fait que la première juge administrative réfère à un docteur Gariepy dont on ne retrouverait pas trace au dossier :

[114]    Compte tenu des opinions médicales des docteurs Desloges, Gariépy et Greenfield, qui tiennent compte tous trois autant de l’événement accidentel décrit alors par la travailleuse, description reprise à l’audience, que de la symptomatologie observée chez elle, le tribunal est d’avis qu’il s’agit là d’une preuve prépondérante que le diagnostic de bursite calcifiée est en lien avec l’événement accidentel du 7 mai 2013.

 

 

[109]     Or, le Tribunal conclut d’emblée que le fait que la première juge administrative ait commis une erreur, manifeste dans la nomination d’un médecin dans l’un des 122 paragraphes de sa décision ne peut certainement être assimilée en l’instance à une erreur déterminante sur l’issue du litige, voire grave.

[110]     La procureure de l’employeur allègue par ailleurs une erreur au paragraphe 116 de la décision rendue par la première juge administrative :

[116]    L’employeur n’a pas fourni de preuve permettant le renversement de cette présomption; il argue seulement que la travailleuse n’est pas crédible, ce que le tribunal ne retient pas, et qu’elle souffre d’une condition personnelle.

 

 

[111]     Il est allégué que la première juge administrative déclarerait que le seul argument de l’employeur aurait trait à la crédibilité de la travailleuse, l’opinion motivée des trois médecins experts de l’employeur étant « écartée sans motivation ».

[112]     Le Tribunal a déjà abordé et écarté l’erreur alléguée quant à la motivation par la première juge administrative du fait qu’elle accorde une moindre force probante aux conclusions des médecins experts de l’employeur. En outre, la lecture du paragraphe 116 infirme l’allégation selon laquelle elle affirmerait erronément que l’absence de crédibilité constituait le seul argument de l’employeur : elle ajoute en effet que l’employeur alléguait également que la travailleuse souffrait en fait d’une simple condition personnelle, ce qui résume en effet la position de l’employeur et de ses médecins experts.

[113]     Il est finalement allégué une erreur au paragraphe 122 de la décision de la première juge administrative qui se lit comme suit :

[122]    Par conséquent, que ce soit en vertu de l’article 28 ou de l’article 2 de la loi, ou à titre d’aggravation d’une condition personnelle lors d’une sollicitation bien précise et accidentelle de l’épaule droite, le tribunal conclut que la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 7 mai 2013, soit une bursite calcifiée.

 

 

[114]     L’erreur grave cette fois alléguée consisterait dans le fait que la première juge administrative aurait évoqué une aggravation d’une condition personnelle de la travailleuse « sans motivation et sans discuter la longue argumentation de l’employeur sur cette question ».

[115]     Or, le paragraphe 122 ne constitue que la conclusion de l’ensemble des paragraphes qui précèdent, qui ont, pour plusieurs, été cités et commentés précédemment, et qui contiennent la motivation à son soutien.

[116]     Le libellé du paragraphe 122 est imparfait dans la mesure où il laisse entendre que l’aggravation de la condition personnelle de la travailleuse constituerait une lésion professionnelle autre que celles énoncées aux articles 28 et 2 de la loi.

[117]     Or, tel que cela a notamment été bien établi dans l’arrêt PPG Canada inc. c. C.A.L.P.[32] de la Cour d’appel du Québec et repris constamment par la suite, il n’existe pas, dans la loi, de catégorie de lésion professionnelle consistant en une aggravation d’une condition personnelle.

[118]     Par contre, il est également bien établi que la condition personnelle rendue symptomatique ou aggravée par le fait ou à l’occasion d’un accident du travail, comme le prévoit l’article 2, ou reliée directement aux risques particuliers du travail exercé, comme le prévoit l’article 30,  constitue une lésion professionnelle[33].

[119]     Or, dans la mesure où la première juge administrative a conclu qu’un accident du travail était survenu le 7 mai 2013, une aggravation de la condition personnelle de la travailleuse, diagnostiquée comme étant une bursite calcifiée, pouvait valablement être reconnue à titre de lésion professionnelle en vertu de l’article 2 de la loi.

[120]     La première juge administrative est d’ailleurs bien au fait de ce qui précède puisqu’elle écrit ce qui suit aux précédents paragraphes de sa décision:

[117]    Quant à ce dernier argument, si tant est que cela soit vrai, il n’y a pas lieu de refuser à la travailleuse sa réclamation pour ce motif. La présence d’une condition personnelle ne fait pas obstacle à la reconnaissance d’une lésion professionnelle, lorsqu’un accident du travail survient, ce que la travailleuse a aussi démontré de façon prépondérante, à notre avis.

 

[118]    Comme le docteur Renaud l’explique, les calcifications existaient certainement avant le 7 mai 2013, mais cette condition a été rendue symptomatique par l’effort mal coordonné fourni au travail le 7 mai 2013, puisque la travailleuse est devenue incapable de fonctionner dans les quelques jours qui ont suivi, malgré une tentative de retour au travail.

 

[119]    Tel qu’établi par une preuve prépondérante, la travailleuse n’a jamais été symptomatique auparavant de cette condition.

 

 

[121]     Quant à l’argument selon lequel la première juge administrative n’aurait pas répondu à la longue argumentation de la procureure de la travailleuse sur la question de l’aggravation de la condition personnelle, le Tribunal rappelle qu’un juge administratif n’a pas l’obligation de commenter tous les faits et tous les arguments, dans la mesure où sa décision est motivée, rationnelle et intelligible, ce qui est le cas en l’espèce.

[122]     L’essentiel de l’argumentation en cause était en outre fondé sur les opinions médicales qui ont fait l’objet d’une analyse par la première juge administrative.

[123]     Incidemment, un argument soulevé par la procureure de l’employeur consistait dans le fait que, selon elle, « la travailleuse devait fournir, selon la jurisprudence, une preuve médicale à l’effet que le geste pouvait entraîner la même lésion à n’importe quel travailleur » [notre soulignement], soit indépendamment de la présence ou non de la condition personnelle constatée.

[124]     Or, dans plusieurs, voire la majorité des décisions ensuite citées par la procureure de l’employeur dans son argumentation écrite[34], il est plutôt question du fait que l’événement doive être de nature à causer « une » lésion, ce qui est très différent et implique un fardeau de preuve nettement moins lourd sur les épaules du travailleur.

[125]      Encore une fois, le Tribunal souligne que la procureure de l’employeur soulève de nombreux et intéressants arguments qui auraient certainement pu convaincre un juge administratif siégeant en première instance, mais le fait que cela n’ait pas été le cas n’implique pas nécessairement que la première juge administrative ait commis une erreur grave, manifeste et déterminante. Sont en l’occurrence alléguées des erreurs, lacunes, ou faiblesses, dans la décision rendue par la première juge administrative, qui ne peuvent être assimilées à un vice de fond invalidant cette décision et justifier l’intervention du Tribunal et la révision de cette dernière.

 

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL :

REJETTE la requête pour révision de l’employeur, CIUSSS du Nord de Montréal.

 

 

 

 

Louise Desbois

 

 

 

Me Lise-Anne Desjardins

MONETTE, BARAKETT & ASS.

Pour la partie demanderesse (l’employeur)

 

Me Gabrielle Dufour-Turcotte

C.S.N.

Pour la partie défenderesse (la travailleuse)

 

 

Date de l’audience :    27 septembre 2016

 



[1]          RLRQ, c. T-15.1.

[2]           RLRQ, c. A-3.001.

[3]          Voir notamment : Produits forestiers Donohue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733; Franchellini et           Sousa, [1998] C.L.P. 783.

[4]          Tribunal administratif du Québec c. Godin, [2003] R.J.Q. 2490 (C.A.);  Bourassa c. CLP, [2003] C.L.P. 601 (C.A.), requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 22 janvier 2004; Amar c. CSST, [2003] C.L.P. 606 (C.a.); CSST c. Fontaine, [2005] C.L.P 626 (C.A.).

[5]           Voir notamment, outre les décisions précitées aux notes 3 et 4: Tribunal administratif du Québec c. Godin, [2003] R.J.Q. 2490 (C.A.);  R…B… et S.T.M. (Réseau des autobus), C.L.P. 220183-62-0311, 13 juin 2008, J. -F. Clément.

[6]          Précitée, note 4.

[7]           2014 QCCA 1067.

[8]           2015 QCCS 1430.

[9]           [2011] 3 R.C.S. 708.

[10]         C.S. 500-17-084247-140, 27 mai 2016, C. Masse.

[11]         2016 CSC 25.

[12]         2014 QCCLP 220.

[13]         2017 QCTAT 304.

[14]         Voir notamment : Maax Bath inc. Tring-Jonction FVM-5 et Létourneau, 2017 QCTAT 60; Produits industriels de haute température Pyrotek inc. et Samson, 2016 QCTAT 6542; Produits industriels de haute température Pyrotek inc. et Samson, 2016 QCTAT 6542; Ménard et Olymel St-Esprit (Viandes Ultra), 2016 QCTAT 6118.

[15]         Michaud et Sûreté du Québec, 2014 QCCLP 6845.

[16]         Grégoire et CSSS du Nord de Lanaudière, 2016 QCTAT 6359.

[17]         2016 QCTAT 920.

[18]         2016 QCTAT 6498.

[19]         2016 QCTAT 6152.

[20]          329. Dans le cas d'un travailleur déjà handicapé lorsque se manifeste sa lésion professionnelle, la Commission peut, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer tout ou partie du coût des prestations aux employeurs de toutes les unités.

 

L'employeur qui présente une demande en vertu du premier alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien avant l'expiration de la troisième année qui suit l'année de la lésion professionnelle.

 

Le travailleur visé au premier alinéa peut, à tout moment jusqu’à la fin de l’enquête et de l’audition, intervenir devant le Tribunal dans un recours relatif à l’application du présent article.

__________

1985, c. 6, a. 329; 1996, c. 70, a. 35; 2015, c. 15, a. 113.

[21]         Charest Automobile ltée, C.L.P. 225979-04B-0401, 6 mai 2005, J.-F. Clément; ALB Industries ltée, C.L.P. 386555-71-0908, 15 octobre 2010, M.-A. Jobidon; Storex Industries Corporation, 2011 QCCLP 3063; Groupe ADF inc., 2011 QCCLP 5079; UAP inc. (Atelier traction), 2012 QCCLP 1725; Jos Ste-Croix et fils ltée, 2012 QCCLP 6384; Automobiles Chicoutimi (1986) inc., 2014 QCCLP 2547.

[22]         Voir notamment : Hamel inc., C.L.P. 288399-03B-0605, 5 octobre 2006, P. Brazeau; F. Ménard inc., C.L.P 276060-62B-0511, 9 janvier 2007, J.-F. Clément; C.H.U.S. Hôpital Fleurimont, 2008 QCCLP 3868; Hôpital Maisonneuve-Rosemont, 2010 QCCLP 634; Distribution Mondoux, 2012 QCCLP 6003; Toiture Future inc., 2014 QCCLP 1268.

[23]         Toiture Future inc., précitée, note 22.

[24]         Précitée, note 19.

[25]         Voir notamment : Roberge c. Bolduc, [1991] 1 R.C.S. 374; Laferrière c. Lawson, [1991] R.C.S. 541; Chiasson c. Commission des lésions professionnelles, [1998] C.L.P. 1086 (C.S.); Pelletier c. Commission des lésions professionnelles, [2002] C.L.P. 207 (C.S.); Solaris Québec inc. c. Commission des lésions professionnelles, [2006] C.L.P. 295 (C.S.); Mine Jeffrey inc. c. Commission des lésions professionnelles, 2009 QCCS 981; Lamontagne et D.R.H.C. Direction Travail, [2003] C.L.P. 202; Fortugno et Laliberté Associés inc., [2004] C.L.P. 792; Lévesque et Société de transport de Montréal, C.L.P. 246290-62-0410, 28 septembre 2007, C.-A. Ducharme (décision sur requête en révision); Bélisle et Restaurant Mikes, 2008 QCCLP 7050; Ballin inc., 2009 QCCLP 7366 (décision sur requête en révision); Bell Canada et CSST, 2011 QCCLP 1923 (décision sur requête en révision); CSSS de Port-Cartier, 2011 QCCLP 2344, [2011] C.L.P. 1; Drakkar Ressources humaines inc., 2011 QCCLP 7753; Lussier Pontiac Buick GMC ltée, 2012 QCCLP 6368 (décision accueillant la requête en révision).

[26]         Pelletier c. Commission des lésions professionnelles, précitée, note 14.

[27]         Voir notamment : Graton c. Commission des lésions professionnelles, [1999] C.L.P. 187 (C.S.); Bouchard c. Commission des lésions professionnelles, 2006 QCCS 3780; Rodrigue c. Commission des lésions professionnelles, 2007 QCCS 6010; Mine Jeffrey inc. c. Commission des lésions professionnelles, précitée, note 25.

[28]         Voir notamment : Lussier Pontiac Buick GMC ltée, précitée, note 25.

[29]         Précitée, note 25.

[30]         Circuit Ford Lincoln ltée et Ferraglio, 2011 QCCLP 8222.

[31]         Précitée, note 10.

[32]         [2000] C.L.P. 1213 (C.A.).

[33]         Voir notamment : Les produits chimiques Expro et Richer, [1988] C.A.L.P. 247, requête en évocation rejetée, [1988] C.A.L.P. 187 (C.S.), appel rejeté, [1995] C.A.L.P. 495 (C.A.) [arthrose]; Société canadienne des postes c. CLP (affaire Bernard), [2002] C.L.P. 347 (C.A.) [fasciite plantaire]; Société canadienne des postes c. CLP (affaire Dumont), [2002] C.L.P. 354 (C.A.) [nécrose avasculaire]; Monette et Ganotec inc., [2006] C.L.P. 970 (décision sur requête en révision), requête en révision judiciaire rejetée, C.S. St-Jérôme, 700-17-003906-061, 20 mai 2008, j. Courteau; Bouchard et C.H. Notre-Dame de Montréal, [1997] C.A.L.P [tendinite de la coiffe des rotateurs]; Sparnaay et Niedner ltée, C.A.L.P. 68768-05-9504, 9 mai 1997, G. Perreault [tendinite ou bursite calcifiée]; Roy et Services ménagers Roys ltée, C.L.P. 259044-61-0504, 29 juillet 2005, L. Nadeau [arthrose].

[34]         Voir : Therrien et Ministère de la santé et des services sociaux, C.L.P. 340298-64-0802, 16 avril 2010, T. Demers (parag. 19); Roy et CSSS Lac Témiscamingue, C.L.P. 393436-08-0910, 14 juin 2010, R. Langlois (parag. 35); Tremblay et EBC Neilson S.E.N.C., 2012 QCCLP 5347 (parag. 15 à 108).

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