Décision

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Section des affaires immobilières

En matière de fiscalité municipale

 

 

Date : 17 janvier 2023

Référence neutre : 2023 QCTAQ 01270

Dossier  : SAI-Q-245305-1911

Devant les juges administratifs :

CHARLES Gosselin

Josée Proulx

 

SOCIÉTÉ DE DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES CULTURELLES (SODEC)

Partie requérante

c.

VILLE DE QUÉBEC

Partie intimée

 

 


DÉCISION


 


 


Aperçu

[1]               La partie requérante, SOCIÉTÉ DE DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES CULTURELLES DU QUÉBEC (La Sodec) conteste les valeurs inscrites aux rôles d’évaluation par la partie intimée, la VILLE DE QUÉBEC (la Ville), pour l’unité d’évaluation située au 4 rue St-Pierre à Québec et identifiée par le numéro matricule 5186-21-3035-1 aux rôles triennaux 2019-2020-2021 et 2022-2023-2024.

[2]               En ce qui a trait au rôle triennal 2022-2023-2024, les parties conviennent que le Tribunal rende une décision nonobstant l’absence de recours dûment déposé.

[3]               Il s’agit du site connu sous le nom du Parc de la Batterie Royale, situé dans le Vieux Québec, arrondissement de la Cité-Limoilou, et plus précisément dans le quartier historique et patrimonial de la Place Royale qui occupe une superficie de 2 329,4 m2 répartie sur deux niveaux (partie haute et partie basse).

[4]               Le Tribunal résume ici les valeurs inscrites pour chacun des rôles:

Rôle 2019-2020-2021 :

 

Valeurs inscrites

Terrain

169 000 $

Bâtiment

446 000 $

Total

615 000 $

Facteur comparatif

1,00

Valeur uniformisée

615 000 $

 

Rôle 2022-2023-2024:

 

Valeurs inscrites

Terrain

 170 000 $

Bâtiment

 425 000 $

Total

 595 000 $

Facteur comparatif

 1,00

Valeur uniformisée

 595 000 $

 

 

 

 

 

 

 

 

[5]               La valeur uniformisée de l’unité d’évaluation représenterait sa valeur réelle à la date d’évaluation pertinente selon le premier alinéa de l’article 46 de la Loi sur la fiscalité municipale[1] (LFM), soit :

  • Le 1er juillet 2017 pour le rôle 2019-2021;
  • Le 1er juillet 2020 pour le rôle 2022-2024.

[6]               L’évaluateur de la Ville, M. Jean-Sébastien Boulianne, recommande le maintien des valeurs aux deux rôles considérant le faible écart qu’il constate entre les valeurs déposées et celles obtenues à la suite de son analyse.[2]

[7]               À l’opposé, l’évaluatrice de la Sodec, Mme Roxane Carrier, conclut dans son analyse à une valeur nominale de 1,00 $ pour les deux rôles d’évaluation.[3]


Contexte

[8]               À l’origine, le site de la Batterie Royale a été érigé en 1691 comme bastion de défense militaire commandé par le gouverneur de la Nouvelle-France et avait pour but de protéger la Ville de Québec des assauts britanniques. À cette époque, il s’agissait de la plus importante batterie de canons de Québec. L’infrastructure utilisée jusqu’en 1759 était composée à l’époque d’une plateforme entourée de 4 murs de pierres posés sur le roc. Le site d’origine donnait front directement sur le fleuve Saint-Laurent.

[9]                    À la fin du 18e siècle, le site n'ayant plus d'utilité fut cédé et complètement recouvert pour faire place à des hangars, des maisons et des magasins en plus d'y allonger un quai sur le fleuve.

[10]               En 1972, le gouvernement du Québec, par une loi adoptée au Parlement, entame la restauration du quartier de la Place Royale en se portant acquéreur en vue de cette restauration des résidences les plus anciennes et la démolition des plus récentes. L'objectif étant de restaurer le quartier tel qu'il était sous le régime français, la Batterie Royale en était un des plus importants éléments. S'en suit une campagne de fouille afin de découvrir la position exacte des ruines, dont les fondations de la batterie.

[11]               Des recherches historiques, archéologiques et architecturales ont permis de découvrir les fondations, de les restaurer et d’y reconstruire, à l’originale, la Batterie Royale. L'ensemble des travaux de recherche et de restauration a duré environ 5 ans.[4]

[12]               Du fait de sa nature même, le site de la Batterie Royale est soumis à de nombreuses contraintes et restrictions tant légales que physiques. Nous y reviendrons.

[13]               L’unité d’évaluation constituée du site de la Batterie Royale a fait l’objet d’une contestation de sa valeur devant le Tribunal pour le rôle 2013-2014-2015 qui en a conclu pour celle-ci à une valeur nominale de 1,00 $.[5] Cette décision du Tribunal a été confirmée par la Cour du Québec[6] et par la Cour Supérieure.[7] Par la suite, permission d’en appeler fut refusée par la Cour d’appel du Québec en dernière instance[8] confirmant ainsi l’inscription d’une valeur nominale pour l’unité d’évaluation tel que décidé par le Tribunal.

Litige

[14]               La présomption de valeur nominale est-elle applicable pour déterminer la valeur réelle du Parc de la Batterie Royale pour les rôles triennaux 2019-2020-2021 et 2022-2023-2024 ?

[15]               Le Tribunal, en vertu des motifs ci-après exprimés, répond affirmativement à cette question.

Cadre juridique applicable

[16]               La valeur recherchée en fiscalité municipale est la valeur réelle,[9] définie comme la valeur d’échange sur un marché libre et ouvert à la concurrence, soit le prix le plus probable qui peut être payé lors d’une vente de gré à gré,[10] dans les conditions suivantes :

1- le vendeur et l’acheteur désirent respectivement vendre et acheter l’unité d’évaluation, mais n’y sont pas obligés; et

2- Le vendeur et l’acheteur sont raisonnablement informés de l’état de l’unité d’évaluation, de l’utilisation qui peut le plus probablement en être faite et des conditions du marché immobilier.

[17]           Pour établir cette valeur réelle, il faut notamment tenir compte de l’incidence que peut avoir sur son prix de vente le plus probable la considération des avantages ou désavantages qu’elle peut apporter, en les considérant de façon objective[11].

[18]           Ici, s’agissant d’un bien qui n’est pas susceptible de faire l’objet d’une vente de gré à gré, la Loi indique d’appliquer l’article 44 LFM., lequel se lit comme suit :

44. Le prix de vente le plus probable d’une unité d’évaluation qui n’est pas susceptible de faire l’objet d’une vente de gré à gré est établi en tenant compte du prix que la personne au nom de laquelle est inscrite l’unité d’évaluation serait justifiée de payer et d’exiger si elle était à la fois l’acheteur et le vendeur, dans les conditions prévues par l’article 43.[12]

[19]           Qu’en est-t-il dans le présent cas, eu égard à ce que le Tribunal identifie comme le point en litige dans la présente affaire ?

Analyse

[20]               L’utilisation la meilleure et la plus probable (UMEPP) du site de la Batterie Royale est celle retenue par l’évaluatrice de la Sodec avec laquelle l’évaluateur de la Ville a déclaré au Tribunal être parfaitement à l’aise soit celle d’un parc à caractère ornemental et historique.[13] Cet UMEPP rencontre sa définition et il importe de préciser que l’usage parc est le seul permis à la réglementation pour l’unité d’évaluation.

[21]               La théorie de la cause de la Ville en faveur du maintien des valeurs déposées aux rôles d’évaluation repose en grande partie sur la décision de la Cour Suprême du Canada qui statuait qu’un Parc ne pouvait avoir aucune valeur.[14] Toutefois, cette conclusion de la Cour Suprême est loin d’être absolue. Le juge Massol dans sa décision en appel qui approuvait la décision du Tribunal d’appliquer une valeur nominale au site de la Batterie Royale pour le rôle 2013 déclarait ce qui suit [15]:

« (100) La quintessence de la véritable portée de l’arrêt Halifax est exprimée au paragraphe 54 :

54 (…) Par exemple, il se peut que, dans certains cas, l'autorité évaluatrice attribue une valeur nominale à une propriété qui est de son ressort : voir, par exemple, Notre-Dame-de-L'Île-Perrot (Paroisse de) c. Société générale des industries culturelles, [2000] R.J.Q. 345 (C.A.); Québec (Communauté urbaine) c. Fondation Bagatelle Inc., 2001 CanLII 15060 (C.A. Qué.), autorisation d'appel à la CSC refusée. »

[22]               Il y a lieu de noter que les décisions citées dans le paragraphe précédent réfèrent à des dossiers soumis devant les Tribunaux judiciaires ayant juridiction d’appel au Québec. Elles portent sur des dossiers relevant spécifiquement de l’application de la Loi sur la fiscalité municipale du Québec, contrairement à l’arrêt Halifax de la Cour Suprême dont le litige porté devant elle résulte de l’application d’une loi fédérale.[16]

[23]               À cet effet le juge Massol, dans la décision précitée, écrit à propos de l’arrêt Halifax « que le ratio véritable de la décision était de considérer déraisonnable la manière dont le ministre a abordé la question compte tenu de l’absence de motivation et du fait que l’immeuble était déjà décrit dans la loi comme devant être non imposable ».[17]

[24]               Il est important de rappeler que c’est l’unité d’évaluation elle-même qui fait l’objet de la présente décision qui a été analysée tant par le TAQ, la Cour du Québec, la Cour Supérieure et la Cour d’appel du Québec qui, toutes, sont à l’évidence des décisions ou arrêts postérieurs à l’arrêt de la Cour suprême concernant l’affaire de l’évaluation de la Citadelle d’Halifax et dont nul ne peut ignorer l’existence et l’importance.

[25]               Certes, bien que juridiquement on ne puisse parler ici de choses jugées, puisque chaque rôle triennal d’évaluation constitue un nouveau départ comme l'écrivait la Cour d'appel dans l'arrêt S.W. Hooper ltée.[18]; il n’en demeure pas moins d’une application du principe vertical du stare décisis que la présente formation du Tribunal se doit de respecter, tout comme devraient le faire tous les intervenants dans la présente cause.

[26]               La preuve ici nous indique clairement que la situation physique, juridique et évidemment sa localisation n’a pas changé eu égard à l’unité d’évaluation depuis la contestation du rôle triennal 2013, ce qui renforce la conviction du Tribunal à propos de l’importance à accorder au précédent juridique dans la présente affaire.

[27]               Lorsqu’une partie requérante prétend à une valeur nominale, alors, c’est sur les épaules de la Ville que repose le fardeau de démontrer que l’unité d’évaluation pourrait avoir, eu égard aux circonstances, une valeur autre que nominale. Tel que l’indique le juge Massol de la Cour du Québec,[19] en pareil cas, la présomption de validité d’une valeur inscrite au rôle d’évaluation tombe.

[28]               À défaut par la Ville de rencontrer son fardeau de preuve c’est donc une valeur nominale qui devra être inscrite aux rôles d’évaluation dont il est ici question.

[29]               Les experts des deux parties ont utilisé la méthode du coût pour évaluer l’unité d’évaluation.

[30]               La première étape de cette méthode est d’évaluer le terrain comme s’il était vacant, selon l’UMEPP retenu, par l’application d’une méthode de comparaison des ventes.

[31]               La Ville a bien tenté de le faire par le témoignage de son expert-évaluateur M. Jean-Sébastien Boulianne et le rapport produit par ce dernier.[20] Or, les ventes comparables utilisées dans son rapport, conclues pour des considérations monétaires font fi des restrictions, limitations et contraintes qui affectent l’unité d’évaluation telles que :

 

  Les contraintes légales :

• Zonage parc;

• Article 25 Loi sur la Société de développement des entreprises culturelles qui impose d’obtenir le consentement du ministère de la Culture pour se départir du site;

• Site patrimonial; site historique protégé dans un secteur reconnu comme patrimoine de l’UNESCO.

 

 Les contraintes physiques :

 

• Servitude Hydro-Québec – chambre électrique -servitude Bell construit en sous-sol sur le site même de la Batterie Royale;

• Réseau sanitaire et d’égout traversant le site en sous-sol;

• Configuration de terrain; topographie accidentée (2 niveaux);

• Zone – Sujet aux inondations fréquentes et récurrentes.

              De plus, il y aussi lieu de signaler :

Que les ventes comparables retenues par l’évaluateur de la Ville comportent la possibilité d’usages ou résidentiel ou public ou agricole, etc.; ce qui à l’évidence n’est pas le cas du site de la Batterie Royale;

Que les superficies des immeubles retenus par M. Boulianne ne sont pas, pour la plupart, comparables à celle du terrain de la Batterie Royale;

 Que plusieurs transactions dites comparables sont assimilées à des ventes d’assemblage;

Que toutes les transactions retenues par M. Boulianne sont localisées à l’extérieur du Vieux Québec, et même quelque fois à l’extérieur de Québec, dans des marchés ne comportant pas de restrictions patrimoniales.

[32]               Afin de pallier le manque de similitude entre les ventes comparables qu’il a sélectionnées et l’unité d’évaluation, l’évaluateur Boulianne, afin selon lui de mesurer adéquatement la valeur du site du sujet, a effectué un processus inédit et inusité qu’il qualifie lui-même de « comparaison indirecte » en trois étapes telles que décrites ainsi[21] :

 

« À l’étape 1, nous avons procédé à une analyse du marché transactionnel des terrains à vocation de parcs, soit les transactions 1 à 11. Chacune de ces transactions ont été confrontées à des ventes de terrains représentant l’utilisation prédominant dans son voisinage afin d’y dégager un facteur d’ajustement pour usage parc.

 

À l’étape 2, des recherches de transactions impliquant des terrains localisés dans l’arrondissement de La Cité-Limoilou offrant un potentiel assimilable à l’usage prédominant du voisinage du parc de la Batterie Royale ont été effectuées afin d’y dégager un indicateur de taux unitaire paritaire reflétant les caractéristiques de l’environnement économique du sujet en indication de $/m².

Ainsi, à l’étape 3, la mesure d’un indicateur paritaire est obtenue en appliquant le facteur d’ajustement dégagé via l’étape 1 au taux unitaire paritaire obtenu à l’étape 2. »

[33]               Outre le fait que comparaison indirecte telle qu’appliquée par M. Boulianne fait perdre à la méthode de comparaison son principal avantage aux fins de l’estimation de la valeur, soit son caractère direct d’approche du marché, force est de constater que le facteur d’ajustement parc moyen de 19 %, tiré des ventes comparables qu’il retient et qu’il considère comme les meilleures indications paritaires sans contraintes physiques majeures, est obtenu à partir de l’observation d’un intervalle d’indices d’ajustements variant de 4,4 à 29 %.[22] Malgré ce résultat, pour le facteur d’ajustement pour usage parc, il retient un taux résiduel de 15 % pour la partie haute du terrain et de 5 % pour la partie basse sujette à inondation.

[34]               Déjà à l’étape 1 de son analyse, pour la détermination de son facteur d’ajustement parc, le Tribunal ne peut entériner la méthodologie « indirecte » de comparaison : pour la presque totalité des ventes analysées, M. Boulianne compare de grandes superficies vendues pour usage parc à de petits emplacements d’usage prédominant du secteur. Or non seulement le facteur qu’il obtient ne peut dégager le seul indice d’usage parc, mais inévitablement contient un important pourcentage d’ajustement superficie.

[35]               Selon les pourcentages d’ajustements retenus, M. Boulianne suggère d’ajuster à la baisse de 85 % et 95 % le taux unitaire obtenu pour l’évaluation d’une propriété sans contraintes dans le but d’évaluer le terrain de l’unité d’évaluation selon son UMEPP restrictif de parc.

[36]               Et que dire des usages permis différents dans plusieurs transactions utilisées par M. Boulianne en comparaison avec le seul usage parc autorisé pour l’unité d’évaluation.

[37]               La méthode de comparaison fait appel à une technique dite de « parité », qui suppose que l'on applique directement à l'immeuble objet de l'évaluation un prix unitaire tiré des prix de vente d'autres immeubles considérés comme comparables.

[38]               À cause de cette transposition directe, elle exige une similitude étroite. On admet généralement que toute disparité peut nécessiter un ou des ajustements. Cependant, l'obtention d'une parité dont on veut que les résultats soient significatifs et fiables exige que les ventes comparables retenues soient à peu près similaires et présentent le moins de différences possibles, particulièrement lorsqu'il s'agit d'un terrain quant à sa situation physique ou légale, son envergure, sa topographie, etc., et ce, par rapport à l'immeuble à évaluer.

[39]               C’est là où le bât blesse.

[40]               Force est d’admettre que l’application de la méthode d’évaluation de comparaison qualifiée « d’indirecte » soumise en trois étapes par l’évaluateur de la Ville ne convainc pas le Tribunal de son caractère probant ni prépondérant. L’ampleur de l’ajustement parc dépasse largement la marge d’erreur acceptable généralement reconnue en matière d’évaluation et tend plutôt à prouver la non-comparaison des transactions utilisées. 


[41]               En outre, les transactions retenues sont majoritairement intervenues entre des organismes publics, et même dans certains cas entre des parties que l’on peut considérer comme liées entre elles, ce qui en matière d’évaluation constitue des transactions dites suspectes, dont la fiabilité et la force probante en minent la crédibilité.

[42]               Certes plusieurs ventes conclues à 1 $ relevées par l’évaluatrice Carrier pour le compte de la Sodec comportent aussi cette dernière faiblesse, en plus de quelques autres qui n’en font pas des ventes comparables. Elles reflètent toutefois une situation qui est conforme à celle résultant de l’application conjointe de l’article 44 LFM et de l’article 43 LFM.

[43]               Cette fiction juridique impose en effet aux experts de mettre en valeur les avantages de l’immeuble, comme le ferait un vendeur, tout en appréciant les désavantages comme le ferait un acheteur par rapport au bien à évaluer. Il ne s’agit pas d’imaginer un marché fictif, mais plutôt d’imaginer des acteurs sur un marché existant[23] sans faire abstraction des considérations objectives, positives ou négatives, affectant l’immeuble lui-même.

[44]               En pareil cas, comment imaginer un acheteur et un vendeur, autre que des gouvernements (Fédéral, Provincial ou municipaux) ou des organismes publics ayant pour mission l’entretien et la conservation de biens patrimoniaux moyennant subventions, tels la Sodec, puissent vendre ou acquérir la Batterie Royale. Il faut bien le reconnaître, parmi les désavantages soulevés, ce site, génère beaucoup de dépenses pour des revenus nuls.

[45]               Peut-on concevoir qu’en s’inspirant des termes mêmes des articles 43 et 45 LFM que la valeur réelle de la Batterie Royale puisse correspondre, dans une vente de gré à gré, à un prix autre que nominal ou autres et bonnes considérations en tenant compte de l’utilisation la plus probable qui peut en être faite en considérant ses désavantages de façon objective ?

[46]               La réponse négative à cette question est évidente puisque même le scénario créé par le législateur à l’article 44 LFM ne peut se réaliser qu’en fonction des critères établis à l’article 43 LFM.

[47]               En l’espèce la Sodec n’a pas l’obligation de repousser la présomption de valeur nominale attribuable à la présente unité d’évaluation. C’était là l’obligation de la Ville et elle y a échouée. La Sodec aurait fort bien pu ne produire aucune preuve dans le présent dossier et avoir tout de même gain de cause, la présomption de valeur nominale venant à son secours. C’est d’ailleurs ce qui s’était produit dans le dossier présenté par la Sodec devant le TAQ et confirmé par toutes les instances d’appel québécoises en rapport avec sa contestation du rôle triennal d’évaluation 2013, dont il a été amplement question dans la présente décision.

[48]               Enfin, la ville fait reproche à l’évaluatrice de la Sodec d’avoir omis d’appliquer les autres étapes de la méthode du coût soient :  

 - D’estimer le coût neuf des constructions diverses (améliorations au sol et autres);

 - D’estimer les différents types de dépréciations qui peuvent affecter ces améliorations;

 - De soustraire du coût de remplacement des améliorations, la dépréciation observée
  et accumulée afin d’obtenir une indication de valeur par la méthode du coût.

[49]               Or, tel que l’indique le juge Massol, que « dans les cas similaires à celui faisant l’analyse la Cour d’appel il est reconnu que la détermination de la valeur du terrain s’étendait aux bâtiments ou améliorations qui ne sont que des accessoires au parc. »[24]

[50]               L’évaluatrice de la Sodec, considérant les circonstances particulières relevées dans le présent cas n’avait donc pas à élaborer sur toutes les autres étapes de la méthode du coût telles qu’indiquées par l’expert de la Ville.

Conclusion de valeur

[51]               Considérant que la Ville n’a pas rencontré le fardeau de preuve qui lui incombait de déterminer pour l’unité d’évaluation connue sous le nom de la Batterie Royale une valeur autre que nominale, le Tribunal détermine la valeur réelle de l’unité d’évaluation à 1,00 $ tant pour le rôle d’évaluation 2019-2020-2021 que pour celui de 2022-2023-2024.

Intervention en cas de préjudice réel

[52]               Selon l’article 144 de la LFM, le Tribunal modifie une inscription au rôle lorsqu’il estime que cela est requis afin d’éviter un préjudice réel.

« 144. Le Tribunal n’est tenu de modifier, ajouter ou supprimer une inscription que si l’erreur ou l’irrégularité constatée est susceptible de causer un préjudice réel. »

[53]               L’écart entre la valeur nominale retenue par le Tribunal et les valeurs inscrites pour l’unité d’évaluation par la Ville pour les deux rôles triennaux est abyssal et justifie une intervention du Tribunal qui y voit un préjudice réel subit par la partie requérante.

[54]               En vertu de l’article 148 de la LFM, à moins que le Tribunal n’en décide autrement, il revient à la partie perdante de supporter les frais de la partie adverse.

[55]               Le Tribunal ordonne à la partie intimée d’assumer les frais de justice, lesquels devront inclure, entre autres, la somme d’argent exigée de la partie requérante lors du dépôt de la présente requête introductive d’un recours.

[56]               Le Tribunal ne considère pas avoir compétence à l’égard de la somme d’argent exigée de la partie requérante lors du dépôt de sa demande de révision administrative auprès de la Ville, cette somme étant considérée comme un coût relatif à un service rendu plutôt qu’à un frais de justice.

PAR CES MOTIFS, le Tribunal :

ACCUEILLE le recours;

DÉTERMINE la valeur réelle de l’unité d’évaluation à 1,00 $, DIVISE par le facteur comparatif de 1,00 et FIXE la valeur à inscrire au rôle d’évaluation foncière pour le rôle triennal 2019-2020-2021 comme suit :

Terrain :

 

1 $

Bâtiment :

 

0 $

Total :

 

1 $

 

 

 

 

 

 

DÉTERMINE la valeur réelle de l’unité d’évaluation à 1,00$, DIVISE par le facteur comparatif de 1,00 et FIXE la valeur à inscrire au rôle d’évaluation foncière pour le rôle triennal 2022-2023-2024 comme suit :

Terrain :

 

1 $

Bâtiment :

 

0 $

Total :

 

1 $

 

 

 

LE TOUT avec frais de justice, assumés par la partie intimée, incluant la somme d’argent exigée par le Tribunal pour le dépôt de la requête introductive du recours.

 


 

CHARLES GOSSELIN, j.a.t.a.q.

 

 

JOSÉE PROULX, j.a.t.a.q.


 

Cabinet d'avocats Saint-Paul

Me François Marchand

Procureur de la partie requérante

 

Giasson et Associés

Me Richard Grondin

Procureur de la partie intimée


 


[1]  RLRQ, chapitre F-2.1.

[2]  I-1, p.9.

[3]  R-1, p.42.

[4]  I-1, p.29.

[5]  SODEC c. Ville de Québec, 2016 QCTAQ 04179.

[7]  Ville de Québec c. Sodec et TAQ, 2019 QCCS 3699.

[8]  Ville de Québec c. Sodec, 2019-QCCA 1684.

[9]  Article 42 LFM.

[10] Article 43 LFM.

[11] Article 45 LFM.

[12] Article 44 LFM.

[13] R-1, p. 18 et témoignage de M. Boulianne, l’évaluateur de la Ville.

[14] Halifax Regional Municipality c Sa Majesté la Reine du Chef du Canada (Ministère des Travaux publics et
    des Services gouvernementaux) 2021 CSC 29, (2012) 2 RSC 108.

[15] Ville de Québec c. Sodec et TAQ, 2018 QCCQ 9822 paragraphe 100.

[16] Loi sur les paiements versés en remplacement d’impôts.

[17] Ville de Québec c. Sodec et TAQ, 2018 QCCQ 9822.

[18] S.W. Hooper ltée c. La cité de Sherbrooke, [1980] C.A. 73.

[20] I-1.

[21] I-1, p.53-54.

[22] I-1 p.80.

[23] Coopérative d’habitation Centenaire c. Longueuil (Ville de), TAQ-SAI, 2008 QCTAQ 07532.

[24] Ville de Québec c. Sodec et TAQ, 2018 QCCQ 9822

 

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