Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales et Directeur des poursuites criminelles et pénales | 2025 QCCFP 12 |
COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE |
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CANADA |
PROVINCE DE QUÉBEC |
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DOSSIER No : | 2000036 |
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DATE : | 26 juin 2025 |
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DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF : | Denis St-Hilaire |
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ASSOCIATION DES PROCUREURS AUX POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES
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Partie demanderesse |
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DIRECTEUR DES POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES |
Partie défenderesse |
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DÉCISION
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(Article 16, Loi sur le processus de détermination de la rémunération des procureurs aux poursuites criminelles et pénales et sur leur régime de négociation collective, RLRQ, c. P‑27.1) |
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- Le 17 avril 2023, l’Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales (Association) dépose un avis de mésentente à la Commission de la fonction publique (Commission), conformément à l’article 16 de la Loi sur le processus de détermination de la rémunération des procureurs aux poursuites criminelles et pénales et sur leur régime de négociation collective[1] (Loi) et au chapitre 9 de l’Entente relative aux conditions de travail des procureurs aux poursuites criminelles et pénales 2019‑2023 (Entente).
- Par cet avis de mésentente, l’Association conteste deux décisions du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) qui concernent la sécurité des procureurs qu’elle représente.
- La première contestation porte sur le refus allégué du DPCP d’informer l’Association d’un évènement survenu le 2 mars 2023, au palais de justice de Granby, mettant en cause la sécurité des procureurs.
- L’Association demande toutes les informations détenues par le DPCP relativement à cet évènement.
- La seconde contestation concerne le refus allégué du DPCP de transmettre à l’Association des documents en lien avec des problématiques de sécurité des procureurs qui doivent être étudiées au sein d’un comité paritaire, le comité sur la sécurité.
- À cette fin, l’Association requiert toutes les informations requises et les documents en lien avec les évènements mettant en cause la sécurité d’un ou de plusieurs procureurs et plus spécifiquement deux documents.
- Il est convenu que la Commission statue d’abord sur les deux contestations au fond et, le cas échéant, réserve sa compétence relativement aux préjudices et aux mesures de réparation.
CONTEXTE ET ANALYSE
La première contestation : le refus allégué du DPCP d’informer l’Association d’un évènement survenu le 2 mars 2023, au palais de justice de Granby, mettant en cause la sécurité des procureurs
- Le 11 avril 2024, la Commission rend une décision[2] concernant l’étendue de sa compétence pour trancher ce litige. Elle conclut qu’elle a compétence seulement sous l’angle de l’abus de droit, compte tenu du rattachement avec les exigences de la bonne foi qui doivent gouverner les relations entre les parties :
[28] Ainsi, malgré le libellé explicite du deuxième alinéa de l’article 1-8.01, la Commission possède la compétence nécessaire pour statuer sur la première contestation. Par ailleurs, comme pour le salarié occasionnel qui ne peut se prévaloir de la procédure de grief, son intervention se limite à vérifier si l’employeur a abusé de ses droits de gérance. L’abus de droit peut constituer une violation de l’Entente.
[29] La Commission peut donc entendre le litige sous l’angle de l’abus de droit, compte tenu du rattachement avec les exigences de la bonne foi qui doivent gouverner les relations entre les parties et qui ne sont pas, de toute évidence, incompatibles avec le régime collectif en place.
[Soulignements de la Commission]
- La question en litige est donc la suivante : est-ce que le DPCP a abusé de son droit de gérance en n’avisant pas l’Association de l’évènement survenu le 2 mars 2023 au palais de justice de Granby?
- La Commission répond négativement à cette question et conclut que le DPCP n’a pas abusé de son droit de gérance.
L’évènement du 2 mars 2023 au palais de justice de Granby
- Le 2 mars 2023 survient un évènement qui bouleverse les activités quotidiennes du palais de justice de Granby.
- En effet, vers 9 h 45, alors que débute la journée à la « cour de volume », nom utilisé pour décrire la salle dans laquelle défile quotidiennement environ 200 dossiers à traitement rapide, un constable spécial interrompt les activités du Tribunal et accompagne sur le champ la juge vers le corridor à accès restreint afin qu’elle quitte rapidement la salle pour assurer sa sécurité.
- Cette mesure d’urgence est nécessaire puisqu’une lettre contenant des menaces de mort à l’égard de cinq avocats, d’un procureur et d’un juge est découverte sur un comptoir d’une salle de bain pour femmes au 2e étage du palais de justice.
- La lettre indique que huit hommes ont pour mission de venger un des leurs et d’attenter à la vie de ces individus et de dix autres personnes choisies au hasard parmi celles présentes sur place. Il est précisé de prendre la situation au sérieux et que l’attentat est prévu entre 8 h 30 et 17 h.
- Une procureure aux poursuites criminelles et pénales, Me VickyGallant, ainsi que les avocates de la défense doivent demeurer dans la salle qui est verrouillée. Les citoyens ont dû quitter rapidement les lieux par mesure de sécurité. Le palais de justice est évacué. Tout le monde doit attendre les directives selon l’évolution de la situation.
- En cette période de rénovation du bâtiment, les procureures présentes travaillent à l’intérieur de deux salles, une première située au rez-de-chaussée et une seconde au premier étage. Les procureures et les autres membres du personnel présentes sur les lieux doivent demeurer confinées dans leurs salles respectives par mesure de sécurité.
- Une rencontre virtuelle se tient de 11 h à 11 h 30 pour informer les procureures et le personnel de la situation et un courriel leur est également acheminé plus tard dans la journée.
- Les activités reprennent partiellement en après-midi après que les vérifications d’usage ont été effectuées.
Les échanges entre l’Association et le DPCP
- Le président de l’Association, Me Guillaume Michaud, est informé de l’évènement vers 10 h, par message texte, par Me Élyse Côté-Lebrun, procureure au palais de justice de Granby, mais aussi administratrice de l’Association. Celle-ci le tient au courant de l’évolution de la situation au cours de la journée.
- N’ayant aucune nouvelle de la part du DPCP, il écrit à Mme Marie‑Élisabeth O’Neill, secrétaire générale du DPCP, à 17 h 19. Il reçoit une réponse le lendemain à 12 h 11.
- Me Michaud déplore l’absence d’information puisqu’un article de l’Entente prévoit l’obligation pour l’employeur d’aviser immédiatement le procureur concerné et l’Association de l’existence de toute menace, de toute intimidation ou de toutes représailles à l’endroit d’un procureur.
- Mme O’Neill lui répond qu’il ne s’agit pas d’une menace à l’égard des procureurs, mais d’un méfait public.
L’analyse
- L’article pertinent de l’Entente qui est au cœur du litige est le suivant :
1-8.02 l’employeur avise immédiatement le procureur concerné et l’association de l’existence de toute menace, d’intimidation ou de toutes représailles à l’endroit d’un procureur. À moins d’une objection de la part du procureur, l’employeur informe l’association quant à l’étendue de la protection requise et la nature des mesures mises en place pour assurer une telle protection, le cas échéant.
- La Commission constate que les parties font une application bien différente de l’article en lien avec l’évènement du 2 mars 2023.
- Pour le DPCP, l’évènement n’est pas une menace, de l’intimidation ou des représailles à l’endroit d’un procureur, mais plutôt un méfait public selon l’information recueillie dans les minutes suivant l’évènement. En effet, une dame connue pour effectuer de tels méfaits est présente dans le palais de justice cette journée-là. De plus, le contenu exagéré et même grotesque de la lettre laisse croire qu’il s’agit d’un canular construit de toutes pièces.
- Pour l’Association, il s’agit de toute évidence d’une menace à l’endroit de procureurs et elle doit être avisée immédiatement. Il n’y a pas lieu d’effectuer une enquête, mais d’aviser sans délai.
- Encore une fois, la Commission doit seulement déterminer si le DPCP a effectué un exercice déraisonnable de son droit de gérance en n’ayant pas avisé l’Association de cet évènement. Elle doit utiliser la lorgnette étroite de l’abus de droit, ce qui a pour effet de restreindre considérablement son champ d’intervention comme la Commission l’a indiqué récemment dans deux décisions opposant les mêmes parties[3].
- La bonne foi doit gouverner les relations entre les parties et, plus encore, celle-ci se présume[4]. Il revient donc à l’Association de prouver, selon la balance des probabilités, que le DPCP a agi de mauvaise foi en renversant cette lourde présomption.
- L’article 1-8.02 utilise le mot « immédiatement » et il prend une importance accrue dans la présente affaire. En effet, l’employeur doit aviser immédiatement l’Association de l’existence de toute menace, de toute intimidation ou de toutes représailles à l’endroit d’un procureur.
- Les parties ont ainsi voulu une analyse rapide de la situation afin de déterminer s’il s’agit de menace, d’intimidation ou de représailles. C’est exactement ce qui s’est produit puisque le DPCP, en utilisant son seul canal de communication en pareilles circonstances, en est venu à la conclusion qu’il ne s’agissait pas d’une situation où il devait aviser l’Association.
- La preuve révèle que, pour cet évènement, il revenait à M. Patrick Dubé, conseiller en sécurité pour le DPCP, de qualifier l’évènement afin de déterminer s’il s’agit d’une menace, de l’intimidation ou de représailles.
- Ce dernier, à partir des informations sommaires qu’il a obtenues dans les minutes suivant l’évènement, en vient à la conclusion qu’il s’agit d’un méfait public qui n’entre pas dans une des trois situations pour lesquelles le DPCP doit aviser l’Association en vertu de l’article 1-8.02.
- Le fait que l’évènement se produise dans un palais de justice rend la démarche d’investigation plutôt sommaire. Dans un tel cas, le rôle du DPCP n’est pas de faire enquête. En effet, les constables spéciaux du palais de justice avisent le corps policier concerné qui prend alors la situation en main. M. Dubé est ainsi contraint de communiquer avec ce seul contact et devient tributaire des informations qu’il reçoit.
- La séquence des évènements est simple. M. Dubé est informé vers 10 h de l’évènement et, bien qu’il soit en réunion, il communique immédiatement avec son agent de liaison à la Direction de la sécurité dans les palais de justice (DSPJ), le capitaine Sylvain Tremblay. Dans un premier temps, ce dernier n’a aucune information à lui donner, mais il le rappelle quelques minutes plus tard pour lui expliquer qu’il s’agit d’un canular ou d’un méfait public.
- D’une part, une dame ayant des antécédents de méfait public et des problèmes de santé mentale est au palais de justice au moment des évènements et, d’autre part, le contenu de la lettre est manifestement exagéré. La situation ressemble à un canular de la part d’une personne qui souhaite une remise de son dossier, un peu comme quelqu’un qui déclenche l’alarme d’incendie sans raison.
- Vers la fin de l’avant-midi, M. Dubé tient une rencontre TEAMS avec le personnel pour leur donner les informations qu’il connaît et répondre à leurs questions afin d’éviter les rumeurs et la panique.
- Par la suite, il fait un compte rendu de la situation à sa supérieure, Mme O’Neill.
- M. Dubé considère l’évènement comme un méfait public et, incidemment, n’avise pas l’Association de l’évènement. D’ailleurs, il indique à la Commission qu’il ne s’est « même pas posé la question » puisque pour lui ça n’entrait pas dans les trois critères de l’article 1-8.02 pour lesquels il doit aviser l’Association.
- Il faut se placer au moment de la décision du DPCP pour déterminer s’il s’agit d’un abus de droit et analyser le comportement du DPCP. L’article 1-8.02 indique que l’employeur doit aviser « immédiatement ». Donc, les parties considèrent que la démarche doit s’effectuer de façon expéditive.
- La Commission constate que c’est exactement ce que le DPCP a fait en toute bonne foi. M. Dubé obtient rapidement l’information à sa disposition afin de comprendre la situation et il en vient à la conclusion qu’il s’agit d’un méfait public. Il n’a jamais vu la lettre de menace à l’origine de l’évènement et il consulte le rapport du caporal Samuel Jolin qui décrit l’évènement uniquement lors de l’audience.
- La qualification de l’évènement par M. Dubé et le capitaine Tremblay de la DSPJ peut surprendre à première vue compte tenu du traitement accordé à l’évènement par le caporal Jolin et par les autorités policières, mais il ne faut pas oublier qu’ils n’ont pas le même rôle à jouer. Les premiers tentent d’obtenir des informations rapidement pour les relayer à d’autres, alors que les seconds exercent un rôle d’intervenant de première ligne. Cela explique d’une part la décision du DPCP et d’autre part les agissements du caporal Jolin et des autorités policières.
- En pareilles situations, ces derniers doivent procéder à la fouille des étages, évacuer le public, verrouiller les portes, demander au personnel de demeurer dans leurs locaux et interdire au public l’accès au palais de justice pour le reste de la journée. La prudence est de mise.
- Il ne revient pas à la Commission de se demander si le DPCP a pris la meilleure décision dans les circonstances, mais uniquement de déterminer s’il s’agit d’un abus de droit comme l’indique l’arbitre Richard Bertrand[5] :
[60] Il n’appartient pas au tribunal d’arbitrage de se substituer à l’employeur dans l’administration de son entreprise pour décider si à sa place, il aurait pris les mêmes décisions.
- L’arbitre Nathalie Faucher[6] précise qu’une décision est abusive ou déraisonnable, non pas parce qu’elle est erronée, mais bien lorsque l’on est convaincu qu’une personne raisonnable n’aurait pas pu conclure de la sorte. Elle s’appuie sur les propos fort éclairants de l’arbitre de grief dans la décision Centre hospitalier Général de Montréal[7] qui explique la frontière d’intervention du Tribunal :
Bien sûr, il faut encore ici porter un jugement de valeur. L’anormalité, l’excès ou le caractère irrationnel d’une action s’apprécient subjectivement, mais la simple formulation de ces critères démontre qu’il ne suffit pas d’être en désaccord avec une décision pour que celle-ci soit réputée déraisonnable. Une décision peut être erronée sans être abusive. La frontière d’intervention du tribunal d’arbitrage devrait se rapprocher de la distinction, bien connue en droit civil, entre l’erreur et la grossière erreur. Une décision sera abusive ou déraisonnable non pas parce qu’elle est erronée, mais parce qu’elle est grossièrement erronée. Et une décision n’est grossièrement erronée que lorsqu’on est convaincu qu’une personne raisonnable ne pourrait pas y parvenir. […]
[Soulignement de la Commission]
- L’abus de droit n’est certes pas un concept facile à saisir, mais la jurisprudence a dressé au fil du temps un très bon portrait permettant de le saisir comme le démontre ce passage d’une décision de la Commission[8] :
Il est reconnu par la doctrine et la jurisprudence que ce droit de gérance ne doit notamment pas être exercé de façon abusive, déraisonnable et de mauvaise foi. On entend généralement qu’une décision administrative est abusive par son caractère étranger à l’objectif, excessif, oppressif, aberrant, insensé, absurde, grossier ou manifestement injuste. On entend généralement qu’une décision administrative est prise de mauvaise foi lorsqu’elle revêt un caractère de parti pris, découle d’une attitude discriminatoire, d’une démarche irrationnelle, ou démontre une fraude, de la malice, un abus de pouvoir ou une injustice flagrante équivalant à une fraude ou à une négligence grossière, de même que lorsque son auteur a pris sa décision avec une intention malveillante, avec l’intention de nuire à la personne concernée. Enfin, on entend généralement qu’une décision administrative est déraisonnable lorsqu’elle est injustifiable aux yeux d’un homme raisonnable. Conséquemment, pour déterminer si l’employeur a contrevenu à ses obligations, chaque situation doit faire l’objet d’un examen particulier.
- La Commission juge que le DPCP n’a pas abusé de son droit de gérance en n’avisant pas l’Association de l’évènement survenu le 2 mars 2023 au palais de justice de Granby. La Commission ne peut en venir à la conclusion qu’il s’agit d’une décision grossièrement erronée ou qu’elle dissimule une intention malveillante ou malicieuse de la part du DPCP.
- La Commission ne partage pas l’opinion de l’Association qui prétend que l'employeur l’a complètement écartée ou ignorée et que cela constitue une manifestation d’un exercice abusif du droit de gérance. Il y a une différence importante entre les agissements du DPCP qui l’ont conduit à ne pas aviser l’Association et le fait de négliger cette dernière par une décision insouciante et ainsi éviter de transmettre indûment l’information. Ce n’est pas ce que la preuve révèle.
- L’Association n’a pas démontré, selon la règle de la prépondérance de preuve, l’abus de droit du DPCP dans l’exercice de son droit de gérance.
La seconde contestation : le refus allégué du DPCP de transmettre à l’Association des documents en lien avec des problématiques de sécurité des procureurs qui doivent être étudiées au sein du comité sur la sécurité
- Pour cette seconde contestation, la question en litige est la suivante : est-ce que le DPCP est tenu de transmettre à l’Association certains documents ou informations en lien avec des problématiques de sécurité des procureurs qui doivent être étudiées au sein du comité sur la sécurité?
L’importance de la sécurité des procureurs
- La sécurité des procureurs a fait l’objet d’une préoccupation accrue au fil de la dernière décennie pour les parties. Pour bien comprendre la situation, un bref historique s’impose.
- D’abord, l’Entente relative aux conditions de travail des procureurs aux poursuites criminelles et pénales 2015-2019 prévoyait à l’article 3-3.02 i) la possibilité pour le comité des relations professionnelles de former, au besoin, un sous-comité pour traiter de la sécurité des procureurs :
3-3.02 Le comité des relations professionnelles a pour rôle :
[…]
- d'établir, au besoin, la formation de sous-comités pour traiter de sujets spécifiques tels que la sécurité des procureurs;
[…]
- Par la suite, l’Entente 2019-2023 introduit un comité spécifique sur le sujet à l’article 3-4.01 :
3-4.00 COMITÉ SUR LA SÉCURITÉ
3-4.01 L’employeur et l’association forment un comité dont le mandat est d’étudier les problématiques de sécurité des procureurs. Ce comité est composé de trois (3) représentants de l’employeur parmi lesquels il y a un procureur en chef et de trois (3) représentants désignés par l’Association.
- En bref, les parties ont d’abord prévu la possibilité de former un sous‑comité sur le sujet de la sécurité des procureurs dans le rôle du comité des relations professionnelles (2015‑2019) pour finalement aboutir à la formation d’un comité spécifique sur le sujet (2019-2023).
- Pour l’Association, le mandat est clair, mais pour le réaliser encore faut-il travailler avec certains documents ou informations que seul l’employeur connaît et détient, par exemple des rapports d’évaluation de la menace et du risque, des plans d’intervention, des cahiers d’exigences fonctionnelles ou d’autres documents ou informations en lien avec la sécurité des procureurs.
- Le DPCP invoque la confidentialité de certains documents pour justifier son refus de les communiquer. Selon lui, transmettre ces documents à l’Association pourrait compromettre la sécurité de plusieurs personnes telles que les juges, les procureurs aux poursuites criminelles et pénales, les autres avocats, le personnel qui travaille dans les palais de justice et même les citoyens qui y circulent.
- L’Association rétorque que, comme cela se fait en certaines autres circonstances, elle est en mesure d’assurer la confidentialité des informations et des documents, d’autant plus que cela pourrait compromettre la sécurité des procureurs qu’elle représente.
- Elle ajoute que l’utilisation d’informations confidentielles fait partie du quotidien des procureurs dans le cadre de leur travail.
- Plus encore, afin d’exercer adéquatement son devoir de représentation à l’endroit de ses membres, l’Association doit avoir accès à certaines informations. Elle invoque le droit d’association issu de la Charte canadienne des droits et libertés[9] comme fondement de ses demandes.
L’analyse
- L’article 3-4.01 de l’Entente contient trois obligations spécifiques. La formation d’un comité, son mandat d’étudier les problématiques de sécurité des procureurs et la composition paritaire de ce comité. La formation et la composition du comité sur la sécurité ne posent pas de problème, mais la situation est tout autre en ce qui concerne la réalisation du mandat.
- Les parties se sont engagées à étudier les problématiques de sécurité des procureurs sans plus de précisions. Dès les premières rencontres du comité, les parties se sont heurtées à un problème majeur, soit la communication de certains documents jugés indispensables à l’Association, mais considérés confidentiels de l’avis du DPCP pour des raisons de sécurité.
- La Commission a déterminé, dans une décision interlocutoire dans le cadre du présent litige, que même si l’Entente ne prévoit pas explicitement une obligation de divulgation de documents, comme c’est le cas pour d’autres sujets, cela n’écarte pas la possibilité de certaines obligations implicites qui incombent au DPCP[10] :
[39] L’Entente prévoit explicitement la transmission à l’Association d’informations relatives :
• aux cotisations syndicales (articles 2-1.01 c) i) et 2-1.01 c) ii)) ;
• à des directives ou à des communiqués en lien avec les conditions de travail (article 2-2.03) ;
• à des décisions à la suite des recommandations du comité sur la charge de travail (article 3-5.02) ;
• à une mesure disciplinaire (article 4-2.02) ;
• à la preuve d’un avis écrit d’une convocation à une rencontre et du droit d’être accompagné d’un représentant de l’Association (article 4-2.03) ;
• à une mise à jour d’une liste de rappel (article 6-4.10) ;
• à la transmission des critères servant à la détermination de la liste des mandats spéciaux (article 7-1.09).
[40] Il s’agit d’exemples d’informations précises et circonscrites pour lesquelles les parties étaient davantage en mesure de prévoir une obligation de transmission. Cela n’exclut pas qu’une telle obligation implicite puisse exister dans d’autres situations.
[41] Les informations en lien avec les problématiques de sécurité des procureurs (article 3‑4.01) relèvent d’un spectre beaucoup plus large qui s’avère périlleux d’identifier et de définir.
[Soulignement de la Commission]
- Dans un recours où l’Association voulait obtenir des informations concernant la rémunération additionnelle pour mandats spéciaux versée à ses membres, la Commission a déterminé[11] :
[46] Les informations sollicitées par l’Association sont justifiées. Elles lui sont essentielles pour comprendre le versement des sommes, les calculer et répondre aux questions de ses membres au sujet des mandats spéciaux. Sinon, la Commission juge qu’elle ne peut tout simplement pas remplir son rôle adéquatement ni efficacement.
- Dans une autre décision entre les mêmes parties, concernant l’obtention de la liste complète des postulants pour les postes auxquels trois procureurs avaient été nommés, la Commission énonce[12] :
Par ailleurs, la Commission considère qu’à la suite du communiqué annonçant des nominations, l’Association a le droit et l’obligation de veiller, au nom des substituts du procureur général dont elle est la représentante exclusive, à ce que ces nominations soient faites conformément au processus mis en place par le ministère. Pour ce faire, la Commission estime qu’il est nécessaire que l’Association obtienne « la liste complète des postulants pour les postes auxquels Me Annick Harbour, Me Marilène Laviolette et Me Thierry Potvin ont été nommés, comme annoncé le 10 juin 2005 ». Ainsi, l’Association pourra, notamment, juger de l’opportunité de loger un avis de mésentente relatif à ces nominations en vertu du Chapitre 9 de l’Entente et, le cas échéant, agir dans le court délai qui y est prévu. (…)
[Soulignements de la Commission]
- Ainsi, pour réaliser le mandat du comité, il existe une obligation implicite à l’égard de l’employeur de transmettre certains documents qu’il détient dans la mesure où ceux‑ci sont pertinents et nécessaires et qu’ils ne sont pas visés par une interdiction de communication.
Le mandat du comité sur la sécurité
- Avant de déterminer l’étendue des obligations du DPCP à l’égard des informations et documents demandés par l’Association, encore faut-il circonscrire le mandat à réaliser par le comité sur la sécurité. Que veut-on dire par « étudier les problématiques de sécurité des procureurs »?
- Puisque les parties n’ont pas défini spécifiquement ces termes, il faut utiliser les définitions usuelles des dictionnaires. Étudier c’est se consacrer à une étude. Selon le dictionnaire Larousse[13], le mot « étude » signifie appliquer son esprit, son activité, à connaître un domaine, une discipline, se livrer à leur étude se définit comme suit :
1. Travail de l'esprit qui s'applique à connaitre, à approfondir quelque chose : Se consacrer à l'étude des langues.
2. Effort intellectuel tourné vers l'acquisition de connaissances, vers l'apprentissage de quelque chose : Aimer l'étude.
3. Effort intellectuel orienté vers l'observation et la compréhension des êtres, des choses, des évènements, etc. : L'étude du milieu, de la nature.
4. Travail préparatoire de mise au point ou de recherche : L'étude d'un projet.
5. Examen approfondi de quelque chose ; analyse : L'étude détaillée d'un texte.
6. Ouvrage résultant d'un travail intellectuel de recherche, d'observation, etc. : Publier une étude sur l'économie américaine.
[Soulignements de la Commission]
- Le terme « étudier » fait donc référence à un niveau d’approfondissement d’un domaine à l'étude. Il ne s’agit pas simplement de prendre connaissance, de lire ou de parcourir, mais d’apprendre, de connaitre, d’acquérir et de comprendre.
- En ce qui concerne le terme « problématique », le dictionnaire Larousse[14] le définit comme suit :
Ensemble des questions, des problèmes concernant un domaine de connaissances ou qui sont posés par une situation.
[Soulignement de la Commission]
- Le Robert[15] soulève davantage l’aspect « complexité » :
Dont l'existence, la vérité, la réussite est douteuse. ➙ aléatoire, hasardeux. Le succès est problématique.
Qui pose un problème, est difficile à résoudre, à accomplir. Son renvoi est problématique.
[Soulignement de la Commission]
- Encore une fois, lorsqu’on fait référence à l’étude de problématiques, il ne s’agit pas de porter un regard sommaire sur un problème, mais bien d’échanger en profondeur sur un ensemble de questions ou de problèmes d’un domaine de connaissance plutôt complexe.
- Une problématique se distingue d’un problème puisque dans ce dernier cas il s’agit davantage d’une difficulté ou d’un enjeu à résoudre, tandis qu'une problématique est un ensemble de questions ou de problèmes liés à un même sujet, souvent traitée sous forme de questions complexes. En d'autres termes, le problème se concentre sur une difficulté spécifique, alors que la problématique explore un champ plus large d'interrogations et d'enjeux.
- La Commission retient de ces définitions que les parties ont voulu traiter du sujet de la sécurité des procureurs avec un niveau d’approfondissement élevé et dans un spectre suffisamment large pour couvrir l’étude de problématiques parfois complexes.
- Pour ce faire, les membres du comité sur la sécurité doivent avoir accès à toutes les informations pertinentes, nécessaires et disponibles permettant la réalisation de ce mandat à moins qu’elles ne soient visées par une interdiction de communication comme nous le verrons plus loin. Comme l’a affirmé à juste titre la juge administrative Nour Salah, l’Entente n’est pas seulement un énoncé de principes[16] :
[45] L’Entente n’est pas qu’un énoncé de principes, il faut aussi donner à l’Association des moyens tangibles pour en vérifier l’application. L’information requise doit être accessible et complète. Or, l’Association constate à l’usage que les informations données par le DPCP sur les mandats spéciaux sont insuffisantes pour s’acquitter pleinement de son devoir de représentation.
- Cela ne veut pas dire pour autant que l’Association peut requérir du DPCP tous les documents et informations qu’il détient et qui traitent de près ou de loin de la sécurité des procureurs. Au risque de se répéter, encore faut-il qu’ils soient pertinents et nécessaires à la réalisation du mandat et qu’ils ne soient pas visés par une interdiction de communication.
- Regardons de plus près deux documents demandés spécifiquement par l’Association.
Rapport d’évaluation de la menace et du risque
- Le rapport d’évaluation de la menace et du risque (EMR) est une étude de vulnérabilité en matière de sécurité. Il s'agit d'un document technique, d’une trentaine de pages, produit par le DPCP qui vise notamment à identifier les vulnérabilités dans les locaux du DPCP, à l’intérieur d’un palais de justice ou dans un autre bâtiment, et de trouver des moyens pour y remédier par des recommandations spécifiques. Le but est d’offrir un environnement de travail sécuritaire aux employés du DPCP.
- Ce sont les conseillers en sécurité du DPCP qui produisent ce type de rapport. La confection exige une expertise pointue dans le domaine de la sécurité des bâtiments.
- Tant l’intérieur que l’extérieur du bâtiment sont scrutés à la loupe, comme les stationnements, les entrées, l’éclairage extérieur, la configuration et la localisation des bureaux, des salles de rencontre ou des salles de cour.
- Même les déplacements des procureurs vers les salles de cour sont analysés. Les dispositifs de sécurité tels que les clés d’accès et les « boutons-panique » sont aussi vérifiés tout comme les serrures et les classeurs.
- Il s’agit d’un document hautement confidentiel, qui contient des plans et des photos d’un palais de justice ou d’un bâtiment utilisé par le DPCP. L’objectif est d’identifier précisément les vulnérabilités concernant la sécurité et y remédier le cas échéant. Ainsi, le document contient des recommandations, en ordre de priorité de la plus urgente à la moins urgente, afin de pallier les vulnérabilités.
- Le document est communiqué en langage crypté, avec un mot de passe, à un groupe restreint d’employés du DPCP afin d’éviter qu’il puisse être consulté par des personnes malveillantes. En fait, il est uniquement acheminé aux personnes qui ont potentiellement une action à poser en lien avec le rapport.
- La Commission considère que le sujet de la sécurité physique des procureurs à l’intérieur des bâtiments dans lesquels ils œuvrent quotidiennement entre dans les mandats du comité. Ce sujet soulève des questions et des enjeux fort importants qui peuvent être étudiés par le comité.
- En effet, si des problèmes potentiels et prévisibles relatifs à la sécurité des procureurs sont connus et identifiés, il s’agit certainement d’un sujet sur lequel le comité peut se prononcer. L’identification de vulnérabilités qui font l’objet de recommandations constitue une problématique de sécurité des procureurs.
- Toutefois, cela soulève une autre question. Est-il nécessaire d’obtenir ce document pour étudier une problématique dans un palais de justice spécifique? Dit autrement, ce document est-il pertinent et nécessaire? La Commission juge que non.
- D’abord, la preuve prépondérante a révélé qu’il s’agit d’un document technique qui s’adresse davantage à des personnes initiées à la lecture des plans de bâtiment et à l’analyse des dispositifs de sécurité. Il n’a pas été démontré que les membres qui siègent au comité depuis sa constitution possèdent l’expertise nécessaire pour consulter ce type de document et en tirer des conclusions utiles aux travaux du comité.
- De plus, il est tout à fait possible d’étudier une problématique sans obtenir un document, par exemple en demandant à une personne-ressource dans le domaine d’alimenter la réflexion du comité ou bien en demandant au DPCP de produire un document simplifié, portant sur une seule problématique, qui pourrait permettre l’étude du sujet sans pour autant compromettre la sécurité de qui que ce soit.
- Le DPCP prétend également que l’EMR ne peut pas être communiqué en raison de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels[17] (Loi sur l’accès) et que la Commission possède la compétence nécessaire pour interpréter et appliquer cette loi.
La Loi sur l’accès
- S’il avait été pertinent et nécessaire, ce document serait visé et protégé par le deuxième alinéa de l’article 29 de la Loi sur l’accès :
29. Un organisme public doit refuser de confirmer l’existence ou de donner communication d’un renseignement portant sur une méthode ou une arme susceptible d’être utilisée pour commettre un crime ou une infraction à une loi.
Il doit aussi refuser de confirmer l’existence ou de donner communication d’un renseignement dont la divulgation aurait pour effet de réduire l’efficacité d’un programme, d’un plan d’action ou d’un dispositif de sécurité destiné à la protection d’un bien ou d’une personne.
[Soulignement de la Commission]
- En effet, ce document permet manifestement de donner des renseignements qui ont pour effet de réduire l’efficacité d’un dispositif de sécurité destiné à la protection de plusieurs personnes[18].
- En effet, on y retrouve notamment un plan détaillé de certaines parties d’un palais de justice ou d’un bâtiment utilisé par le DPCP et même des recommandations qui mettent en lumière des failles précises dans la sécurité.
- Certaines personnes pourraient souhaiter obtenir de telles informations dans un dessein inquiétant autant pour le personnel que pour les citoyens.
- La Commission ne doute aucunement de la bonne foi et de l’importance accordée par l’Association à la confidentialité de ces informations. Il demeure que la Loi sur l’accès est une loi d’ordre public[19] et en utilisant le terme « doit », au deuxième alinéa de l’article 29, elle impose une telle restriction concernant la communication de ce type de document.
- La Commission a déjà indiqué dans une décision interlocutoire que pour exercer sa compétence, elle doit parfois puiser dans un corpus législatif plus large[20].
- En effet, lorsque l’essence du litige relève de sa compétence, la Commission peut de façon accessoire interpréter une loi comme la Loi sur l’accès. Cela a d’ailleurs fait l’objet d’un arrêt de la Cour d’appel du Québec en 2008[21] qui a maintenu un jugement de la Cour supérieure[22] :
[70] La Cour d’appel, dans Commission d’accès à l’information c. Hydro-Québec reconnaît qu’un arbitre de grief peut, dans une procédure d’arbitrage de grief, appliquer la Loi sur l’accès, lorsque l’essence du litige s’y prête. Le Tribunal est d’avis qu’il en est de même en l’espèce eu égard à la Commission et à une mésentente sur l’application de l’Entente.
[71] La Commission décide qu’elle est compétente pour trancher les deux questions d’accès à l’information puisque l’essence du litige vise deux matières prévues à l’Entente et découle de l’application de celle-ci.
[72] Cette décision paraît non seulement raisonnable, elle paraît même correcte :
• le litige porte bel et bien sur l’application de l’Entente;
• la Commission a compétence pour trancher toutes questions de droit et de fait soulevées par la mésentente (article 119 de la Loi sur la fonction publique);
• ceci inclut le pouvoir d’interpréter la Loi sur l’accès, de manière incidente à une mésentente portant sur l’Entente.
- L’essence du litige étant de déterminer les obligations implicites de transmission de certains documents et informations en lien avec le comité sur la sécurité prévu dans l’Entente, la Commission doit ainsi interpréter la Loi sur l’accès afin de déterminer si ces documents et informations bénéficient d’une protection en vertu de cette loi, ce qui est le cas.
Le cahier des exigences fonctionnelles
- La preuve a révélé peu de choses sur le cahier des exigences fonctionnelles (CEF). Contrairement à l’EMR, la Commission n’a pas obtenu copie d’un exemple de ce document.
- Il en ressort que le DPCP le consulte et l’utilise au besoin, mais qu’il provient du ministère de la Justice avant la création du DPCP en 2007. Il a été mis à jour pour tenir compte des bâtiments utilisés par le DPCP autres que les palais de justice.
- Il est interrelié à l’EMR puisqu’il indique comment est construit un palais de justice. Il sert à connaitre les emplacements pour installer un système de sécurité ou les bornes Wi-Fi. Il contient le nombre de pieds carrés du bâtiment, le nombre de lumières, l’emplacement des sorties et la composition des murs. Il donne aussi des indications sur la gestion des cartes d’accès. Il contient donc des éléments de sécurité.
- Pour le DPCP, il s’agit d’un document qui devrait avoir une portée aussi restrictive que l’EMR. La commission est en accord avec cette prétention.
- La preuve prépondérante est à savoir que c’est un document de même nature que l’EMR. Il comporte un niveau de précision élevé sur les bâtiments visés.
- Aucune preuve n’a été faite que ce document est pertinent et nécessaire pour la réalisation du mandat du comité. Il revenait à l’Association d’en convaincre la Commission et force est de constater qu’elle a échoué.
- Tout comme l’EMR, la Commission constate qu’un tel document est manifestement protégé par le deuxième alinéa de l’article 29 de la Loi sur l’accès dans la mesure où il permet de connaitre avec beaucoup de détails les locaux utilisés notamment par la magistrature, les procureurs aux poursuites criminelles et pénales, les autres avocats et même les citoyens.
- Ces bâtiments constituent l’enceinte physique de la justice au Québec et permettre la communication de telles informations représente un risque important qu’il faut éviter.
- La Commission souscrit à l’argument du DPCP qu’elle peut ordonner une interdiction de communication d’un document même si elle n’a pas pu en prendre connaissance. La preuve prépondérante présentée justifie une telle ordonnance sans qu’il soit nécessaire d’analyser en détail le document[23]. D’ailleurs, il n’existe aucune obligation à cet effet.
Les autres informations et documents
- L’analyse de la Commission ne s’arrête pas à ces deux documents. En effet, l’Association demande aussi au DPCP de lui transmettre toutes les informations requises ou documents en lien avec les évènements mettant en cause la sécurité d’un ou de plusieurs procureurs.
- La Commission a déjà décidé que les deux documents demandés ne sont ni pertinents ni nécessaires à la réalisation du mandat du comité. Au surplus, ils sont protégés par la Loi sur l’accès. Mais qu’en est-il des autres informations et documents pouvant être demandés par l’Association dans le cadre des travaux du comité?
- Étant donné que la Commission ne connait pas la nature de ces informations et documents, elle ne peut qu’émettre des balises au bénéfice des parties. D’une part, ces derniers doivent être pertinents et nécessaires à la réalisation du mandat du comité et, d’autre part, ils ne doivent pas être visés par une interdiction de communication en vertu de la Loi sur l’accès.
- Même si l’Association ne peut obtenir les deux documents demandés, cela ne fait pas en sorte que le comité sur la sécurité est une « coquille vide » pour utiliser son expression. Plusieurs problématiques concernant la sécurité des procureurs, incluant celles à l’intérieur des palais de justice et des bâtiments dans lesquels œuvrent quotidiennement ses membres, peuvent être étudiées sans ceux-ci.
- Cela ne l’empêche pas de s’acquitter de son devoir de représentation de ses membres et la Commission ne constate aucune entrave à son droit d’association qui comprend trois composantes, soit le droit de s’unir à d’autres et de constituer une association, le droit de s’unir à d’autres pour exercer d’autres droits constitutionnels et finalement le droit de s’unir à d’autres pour faire face, à armes plus égales, à la puissance et à la force d’autres groupes ou entités[24].
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE :
REJETTE la première contestation de l’Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales qui porte sur le refus du Directeur des poursuites criminelles et pénales d’informer l’Association d’un évènement survenu le 2 mars 2023, au palais de justice de Granby ;
REJETTE la seconde contestation de l’Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales en ce qui concerne le refus du Directeur des poursuites criminelles et pénales de lui transmettre le rapport d’évaluation de la menace et du risque ;
REJETTE la seconde contestation de l’Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales en ce qui concerne le refus du Directeur des poursuites criminelles et pénales de lui transmettre le cahier des exigences fonctionnelles ;
ACCUEILLE la seconde contestation de l’Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales en ce qui concerne le refus du Directeur des poursuites criminelles et pénales de lui transmettre des documents en lien avec des problématiques de sécurité des procureurs qui doivent être étudiées au sein du comité sur la sécurité ;
CONSTATE le droit de l’Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales de recevoir du Directeur des poursuites criminelles et pénales les informations et documents demandés qui sont pertinents et nécessaires à la réalisation du mandat du comité sur la sécurité et qui ne sont pas visés par une interdiction de communication conformément à la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels ;
RÉSERVE sa compétence relativement aux préjudices et aux mesures de réparation si nécessaire ;
RÉSERVE sa compétence afin de rendre toute ordonnance et de trancher toute question ou toute difficulté en lien avec la présente décision.
Original signé par : |
| __________________________________ Denis St-Hilaire |
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Me Marie-Jo Bouchard | | |
Procureure de l’Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales | | |
Partie demanderesse | | |
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Me Anne-Marie Vézina | | |
Procureure du Directeur des poursuites criminelles et pénales | | |
Partie défenderesse Audience tenue par visioconférence | | |
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Dates de l’audience : | 18 juin 2024, 14 janvier 2025, 28 avril 2025 et 6 mai 2025 | | |
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